Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employé s’estimant lésé a demandé le versement d’une indemnité d’étude conformément à l’article B de l’Appendice B de la convention collective - l’employé s’estimant lésé était un infirmier psychiatrique autorisé et travaillait au Centre de traitement régional, une installation où l’on accueille les détenus souffrant de maladies mentales et ayant des problèmes de comportement - l’employé s’estimant lésé détenait également un baccalauréat en psychologie, qu’il avait obtenu avant de recevoir sa formation en soins infirmiers - l’employé s’estimant lésé a demandé une indemnité en vertu de l’alinéa B(c)ii) de l’Appendice B pour << trois cours universitaires d’une année tel que décrit en (i)... >>, mais a reçu une indemnité moindre en vertu du paragraphe B(a) << Cours reconnu de formation spécialisée, 3 à 6 mois >> - la signification du terme << postscolaire >>, tel qu’utilisé dans la convention collective, ne limitait pas les indemnités d’étude aux diplômes d’études supérieures tels que le diplôme de maîtrise - un sens plus large lui était donné - l’expression << formation en sciences infirmières ou instruction postscolaire en sciences infirmières >> inclut la formation ou l’instruction obtenue avant de recevoir la formation ou l’instruction en soins infirmiers - le critère applicable consiste à déterminer si un employé a acquis de la formation ou de l’instruction précise en soins infirmiers - les cours de psychologie suivis par l’employé s’estimant lésé sont inclus dans la formation ou l’instruction d’infirmier psychiatrique, étant donné qu’il s’agit de formation ou d’instruction précise et pertinente par rapport au poste - l’employé s’estimant lésé utilise sa formation universitaire en psychologie dans l’exécution de ses fonctions - l’employé s’estimant lésé répondait aux exigences de l’alinéa B(c)i) de la convention collective, soit << trois cours universitaires d’une année >> - l’employé s’estimant lésé doit aussi répondre aux exigences selon lesquelles sa formation doit correspondre à l’un des domaines de formation énumérés dans la convention collective - l’un de ces domaines est << Santé mentale >> - la formation en psychologie appartient au domaine de la santé mentale. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-04-11
  • Dossier:  166-2-32556
  • Référence:  2005 CRTFP 32

Devant un arbitre de grief



ENTRE

MICHAELANGELO SUMALING

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Sumaling c. Conseil du Trésor

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : John Steeves, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Norm Wickstrom, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Neil McGraw, avocat


Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
le 1er décembre 2004.


Grief renvoyé à l’arbitrage

[1]   La présente décision vise à déterminer si le fonctionnaire s’estimant lésé a droit à une indemnité de formation, en sus de son salaire habituel, conformément à l’Appendice « B » de la convention collective.

[2]   Le 1 er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, je demeure saisi de ce renvoi à l’arbitrage de grief, sur lequel je dois statuer conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C., 1985, ch. P-35 (« l’ancienne Loi »).

[3]   Les parties conviennent que la convention collective, arrivée à échéance le 30 septembre 2002, la Convention entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (Groupe : Services de santé), dont la date d’expiration est le 30 septembre 2000, renferme les dispositions pertinentes en l’espèce.

Résumé de la preuve

[4]   L’employeur exploite des établissements correctionnels au Canada, notamment le Centre régional de traitement, établissement du Pacifique, à Abbotsford, en Colombie-Britannique, qui traite les détenus ayant une maladie mentale et des problèmes de comportement.

[5]   Le fonctionnaire s’estimant lésé est un infirmier psychiatrique autorisé. Il est membre du College of Psychiatric Nurses of B.C. et travaille au Centre régional de traitement. L’une des conditions de son emploi est qu’il soit infirmier psychiatrique autorisé. Il a suivi un cours de formation de trois ans en sciences infirmières au Douglas College de 1998 à 2001. À l’heure actuelle, il est surveillant au Centre, mais était infirmer clinique au moment du dépôt de son grief.

[6]   Le fonctionnaire s’estimant lésé possède également un baccalauréat en psychologie qui, comme on le verra plus loin, constitue l’objet de son grief. Il a obtenu ce diplôme entre 1993 et 1997, avant de commencer sa formation en sciences infirmières. Le diplôme n’était pas une condition d’admission en sciences infirmières.

[7]   L’Appendice « B » est la disposition de la convention collective qui est en cause. On y prévoit les indemnités de formation suivantes :

APPENDICE « B »

INDEMNITÉS – GROUPE : SCIENCES INFIRMIÈRES

Aux fins de la rémunération, les taux annuels de rémunération des niveaux du groupe des sciences infirmières stipulés à l'Appendice « A » sont modifiés par l'addition des montants précisés ci-dessous dans la colonne II compte tenu des circonstances exposées dans la colonne I.

 

Colonne I Colonne II
  1. Indemnités de responsabilité

    [ …]

 
  1. Indemnités de formation

Lorsque les éléments suivants de formation en sciences infirmières ou d'instruction postscolaire en sciences infirmières sont utilisés dans l'exercice de leurs fonctions  :

  1. Cours reconnu de formation spécialisée, 3 à 6 mois

550 $  
  1. Cours reconnu de formation spécialisée, 7 à 12 mois
800 $  
  1. (i) Cours universitaire d'une année en administration, enseignement et surveillance, gérontologie, gestion des services de santé 1, gestion des services de santé 2, hygiène publique, milieu clinique, organisation des soins et éducation, psychiatrie, santé communautaire, santé mentale ou dans n'importe quel autre domaine d'études connexe et approuvé par l'employeur.
1 200 $ 

(ii) Deux cours universitaires d'une année tel que décrit en (i).

1 300 $ 

(iii) Trois cours universitaires d’une année tel que décrit en (i).

1 500 $ 
  1. Baccalauréat en sciences infirmières.
2 000 $ 
  1. Maîtrise en sciences infirmières.
2 500 $ 

Conformément au paragraphe B, une (1) seule indemnité est versée pour la plus haute qualification pertinente.

[8]   En 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté une demande d’indemnité de formation aux termes du paragraphe B de l’Appendice « B », relativement à son baccalauréat en psychologie. Plus précisément, il a demandé une indemnité de 1 500 $ aux termes du sous-alinéa Bc)(iii) de l’Appendice « B » pour « trois cours universitaires d’une année tel que décrit en (i) […]  ».

[9]   L’employeur a rejeté la demande du fonctionnaire s’estimant lésé fondée sur le sous-alinéa Bc)(iii), mais lui a accordé une indemnité de 550 $ aux termes de l’alinéa Ba). L’employeur a exposé les motifs de sa décision dans une lettre datée du 2 juin 2003 :

[Traduction]

Votre formation supplémentaire en psychologie vous a permis d’acquérir des compétences qui s’ajoutent à vos connaissances de base en sciences infirmières, mais ne répond pas aux critères établis pour l’obtention de l’indemnité de formation demandée aux termes du sous-alinéa Bc)(iii) de l’Appendice « B ». Toutefois, l’employeur a tenu compte de certains cours que vous avez suivis afin d’obtenir votre diplôme en psychologie et, par conséquent, a déterminé que votre indemnité doit être établie conformément à l’alinéa Ba) de la convention collective du groupe Services de santé.

Résumé de l’argumentation

[10]   Une audience a eu lieu le 1 er décembre 2004. À ma demande, des arguments supplémentaires ont été présentés sur l’interprétation des versions française et anglaise du préambule du paragraphe B de l’Appendice « B ».

[11]   L’agent négociateur fait valoir qu’une formation supplémentaire constitue une valeur ajoutée pour le milieu de travail. Il convient de donner une interprétation large, et non étroite, au paragraphe B de l’Appendice « B », et un diplôme obtenu à la suite d’un programme de quatre ans répond aux exigences de cette disposition. En accordant une indemnité aux termes de l’alinéa Ba), l’employeur reconnaît que le diplôme en psychologie représente une certaine valeur ajoutée.

[12]   L’employeur soutient qu’il doit rejeter le grief pour deux raisons. D’abord, le paragraphe B de l’Appendice « B » énumère un certain nombre de programmes et le diplôme en psychologie ne fait pas partie de la liste. Ensuite, il soutient qu’un diplôme n’est pas un « certificat », comme il est décrit dans la décision Krenus c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel) 2003 CRTFP 62 (paragraphe 25), aux fins du paragraphe B. Les parties ne visaient nullement les cours universitaires individuels.

Motifs

(i)        Le paragraphe B de l’Appendice « B »

[13]   Tout d’abord, il est utile de se pencher sur le texte de l’Appendice « B » et, en particulier, sur celui du paragraphe B.

[14]   Le préambule applicable à l’ensemble de l’Appendice établit une structure en deux colonnes. Lorsqu’un fonctionnaire correspond aux « circonstances » exposées dans la colonne 1, il a droit à la rémunération supplémentaire prévue à la colonne 2. Par exemple, l’alinéa Ba) prévoit qu’un fonctionnaire recevra une rémunération supplémentaire de 550 $ s’il a suivi un « cours reconnu de formation spécialisée, 3 à 6 mois ».

[15]   Ensuite, le texte introductif du paragraphe B renferme une description générale des cours de formation qui permettent aux fonctionnaires de toucher une indemnité de formation. Il s’agit « de formation en sciences infirmières ou d’instruction postscolaire en sciences infirmières » qui sont « utilisés dans l’exercice [des] fonctions » du fonctionnaire.

[16]   Je souligne que la version française du préambule énonce ce qui suit :

Lorsque les éléments suivants de formation en sciences infirmières ou d’instruction postscolaire en sciences infirmières sont utilisés dans l’exercice de leurs fonctions.

La version anglaise renferme les mots « post-graduate nursing training or nursing education », tandis que les mots « formation en sciences infirmières ou d’instruction postscolaire en sciences infirmières » sont utilisés dans la version française. Ainsi, dans la version anglaise, on place l’expression « post-graduate [postscolaire] » au début de la phrase, ce qui donne lieu à deux interprétations possibles. La première est que l’expression « post-graduate » se rapporte à la fois à la formation en sciences infirmières et à l’instruction en sciences infirmières. La seconde est que cette même expression ne s’applique qu’à la formation en sciences infirmières. Au contraire, dans la version française, le terme « postscolaire » se rapporte seulement à l’instruction en sciences infirmières et la formation en sciences infirmières n’est pas limitée par la mention des études supérieures.

[17]   Il est aussi utile d’examiner le sens de l’expression « postscolaire » afin de concilier ces interprétations. Je remarque que l’alinéa Bd) précise qu’un fonctionnaire qui obtient un baccalauréat en sciences infirmières peut recevoir une indemnité de formation. Par conséquent, il est peu probable que les parties ait eu l’intention de limiter les indemnités de formation aux études menant à un diplôme d’études supérieures comme la maîtrise. On voulait donner à la disposition un sens plus large.

[18]   La Commission a examiné la différence entre les versions française et anglaise du préambule dans la décision Gervais c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel) (dossier de la CRFTP 166-2-28207) (1998). Dans cette affaire, il fallait déterminer si une fonctionnaire, une infirmière autorisée, avait droit à une indemnité de formation pour une formation ou un cours qu’elle avait suivi à titre d’infirmière psychiatrique autorisée avant de devenir infirmière autorisée. La présidente suppléante, Evelyne Henry, a conclu qu’une indemnité de formation devait être accordée. La convention collective visée dans cette affaire renfermait le même préambule qu’en l’espèce, mais l’alinéa Bc) de l’Appendice « B » était différent.

[19]   Dans la décision Gervais, supra , on utilise les termes « formation » et « instruction » comme s’ils étaient synonymes. On y précise également que, dans la version française, « le terme “ postscolaire” ne qualifie pas toute la formation en sciences infirmières mais figure dans le libellé à titre d'élément qui doit être pris en considération » (page 11). Dans une autre décision de la Commission (Bainbridge c. Conseil du Trésor (Santé et Bien-être social) (dossier de la CRTFP 166‑2‑16132) (1986)), on énonce ce qui suit : «  […] il doit s'agir d'une formation ou d'une instruction postscolaire en sciences infirmières, que l'employée doit [ … ] utiliser dans l'exercice de ses fonctions d'infirmière, aux fins du droit à l'indemnité ». Selon la présidente suppléante, cette observation n’a pas pour effet de trancher la « question en litige ». Elle a plutôt adopté la déclaration suivante tirée de la décision Bainbridge, supra, concernant le critère à appliquer :

L'indemnité est offerte aux infirmières qui ont acquis une formation spécifique en matière de sciences infirmières se rapportant à leur travail et qu'elles mettront ensuite à profit en accomplissant précisément ces tâches rattachées à certains postes. (page 9 de la décision Gervais, supra ).

[20]   Cet examen des décisions antérieures me permet de conclure que l’expression « formation en sciences infirmières ou instruction postscolaire en sciences infirmières » désigne la formation ou les études qui ont été suivies avant les études ou la formation en sciences infirmières qui constituent l’élément principal du poste du fonctionnaire. Dans la décision Gervais, supra, on a déterminé que la formation en soins infirmiers psychiatriques justifie une indemnité pour une infirmière autorisée, même si la formation psychiatrique a eu lieu avant la formation à titre d’infirmière autorisée. Quant à l’interprétation du terme « postscolaire », je conclus que l’approche adoptée dans la décision Gervais, supra, est le seul moyen de concilier les versions française et anglaise du préambule du paragraphe B. Ainsi, le terme « postscolaire » ne qualifie pas toute la formation ou les études en sciences infirmières mais « figure dans le libellé à titre d'élément qui doit être pris en considération ». Le critère consiste à déterminer si le fonctionnaire a acquis une formation spécifique en sciences infirmières, comme on l’explique dans la décision Bainbridge, supra.

[21]   De plus, le paragraphe B restreint le droit à une indemnité de formation en exigeant que la formation ou les études soient « utilisé[e]s dans l’exercice de leurs fonctions ». Il se peut qu’un fonctionnaire possède les études ou la formation nécessaires, mais qu’il ne les utilise pas dans le cadre de son travail. Dans un tel cas , il n’aurait droit à aucune indemnité (Bainbridge, supra).

[22]   Enfin, le paragraphe B de l’Appendice « B » renferme cinq niveaux d’études, alinéas a) à e), qui donnent droit à cinq indemnités différentes, allant de 550 $ à 2 500 $. Par exemple, en l’espèce, le fonctionnaire s’estimant lésé demande une indemnité de 1 500 $ pour « trois cours universitaires d’une année ». L’employeur lui a accordé une indemnité de 550 $ pour un « cours reconnu de formation spécialisée, 3 à 6 mois ». La dernière phrase du paragraphe B précise qu’une seule indemnité est versée pour la plus haute qualification.

[23]   Par conséquent, je conclus que trois questions sont pertinentes à toute demande d’indemnité de formation fondée sur le paragraphe B de l’Appendice « B » :

a)
Le fonctionnaire a-t-il suivi une « formation en sciences infirmières ou [une] instruction postscolaire en sciences infirmières »?  
b)L’instruction ou la formation est-elle « utilisé[e] dans l’exercice [des] fonctions [du fonctionnaire] »?
c)
Le fonctionnaire répond-t-il aux circonstances correspondant à l’une des cinq indemnités? Le sous-alinéa Bc)(i) énumère un certain nombre de cours dans des domaines comme l’« administration », la « santé communautaire » et la « gérontologie ». Le sous-alinéa Bc)(iii) a aussi recours à ces exemples.  

[24]   Je vais maintenant examiner chacune des questions ci-dessus.

(ii)       Formation en sciences infirmières ou instruction postscolaire en sciences infirmières

[25]   En ce qui concerne la « formation en sciences infirmières ou [l’]instruction postscolaire en sciences infirmières », le fonctionnaire s’estimant lésé est un infirmier psychiatrique autorisé. Sa formation en sciences infirmières a porté notamment sur la théorie des troubles mentaux, la communication thérapeutique (par exemple, les signaux verbaux et non-verbaux), les médicaments prescrits pour divers troubles et la formation clinique. Les cours suivis par le fonctionnaire s’estimant lésé pour l’obtention de son diplôme en psychologie portaient notamment sur la perception humaine, la personnalité, la psychologie sociale, le développement du nourrisson et de l’enfant, les stupéfiants et le comportement, le développement de l’adulte et le vieillissement.  

[26]   Je conviens que la psychologie est différente de la psychiatrie. Voici une définition de chaque discipline :

[Traduction]

« Psychiatrie » : Branche de la médecine consacrée au diagnostic, au traitement et à la prévention des maladies mentales.

« Psychologie » : Science qui s’intéresse aux processus mentaux, normaux et anormaux, et à leurs manifestations sur le comportement.  

Taber’s Cyclopedic Medical Dictionary , 18 e édition, 1997.

Les parties n’ont établi aucune distinction entre la psychiatrie et la psychologie. Aux fins du présent grief, je conclus qu’il existe un chevauchement considérable entre les deux sciences.

[27]   De la même façon, ni l’une ni l’autre des parties n’a soulevé la question à savoir si les études faites avant l’obtention du titre d’infirmier, comme c’est le cas en l’espèce, constituaient un élément important. Tel que mentionné ci-dessus, on a conclu dans la décision Gervais, supra, que les études ou la formation suivies avant les études principales d’un fonctionnaire peuvent justifier l’attribution d’une indemnité de formation.

[28]   À mon avis, il convient d’inclure le programme en psychologie suivi par le fonctionnaire s’estimant lésé dans la formation ou les études en sciences infirmières d’un infirmier psychiatrique. Il s’agit d’études ou de formation spécifiques qui sont rattachées au travail d’infirmier psychiatrique.

(iii)      Utilisés dans l’exercice des fonctions

[29]   La prochaine question consiste à déterminer si le fonctionnaire s’estimant lésé a utilisé ses études universitaires en psychologie dans l’exercice de ses fonctions.  

[30]   La preuve présentée à l’égard de cet élément établit que de nombreux détenus qui fréquentent le Centre de traitement régional sont atteints de maladies mentales comme les troubles affectifs bipolaires, les pensées suicidaires et la dépression. Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est servi des cours décrits ci-dessus pour comprendre les problèmes sous-jacents au comportement de ses patients. Les cours sur des sujets comme les stupéfiants, le comportement et la psychologie sociale sont des exemples évidents. De plus, des cours en statistique sont utilisés pour la recherche et permettent au fonctionnaire s’estimant lésé de mieux interpréter les résultats. D’après ces éléments de preuve, et en raison du chevauchement entre les études en psychologie et en soins infirmiers psychiatriques, je conclus que le fonctionnaire s’estimant lésé a utilisé ses études en psychologie dans l’exercice de ses fonctions à titre d’infirmier psychiatrique. Tel n’est pas le cas, par exemple, lorsque le fonctionnaire demande une indemnité pour un diplôme en éducation (Bainbridge, supra).

[31]   Je souligne également que l’employeur a accordé au fonctionnaire s’estimant lésé une indemnité de 550 $ pour « un cours reconnu de formation spécialisée, 3 à 6 mois ». Comme le précise la lettre du 2 juin 2003 de l’employeur [traduction] : «  [ … ] la direction a tenu compte de certains cours que vous avez suivis afin d’obtenir votre diplôme en psychologie […] ». J’en conclus donc que l’employeur reconnaît que les études spécialisées en psychologie du fonctionnaire s’estimant lésé lui sont utiles dans son travail d’infirmier.

(iv)      Exigences particulières de l’alinéa Bc)

[32]   Le fonctionnaire s’estimant lésé répond-il aux cinq exigences établies au paragraphe B? C’est là que se situe la principale différence entre les parties.

[33]   Une décision a été rendue précédemment sur le paragraphe B dans l’affaire Krenus, supra. Dans cette affaire, la fonctionnaire s’estimant lésée a suivi des cours individuels en vue de l’obtention d’un baccalauréat en sciences infirmières. Elle a finalement reçu l’indemnité de formation prévue à l’alinéa Bd) de l’Appendice « B », lorsqu’elle a obtenu son diplôme. Par contre, elle avait d’abord demandé une indemnité pour chaque cours suivi en vue de l’obtention de son diplôme. Le grief a été rejeté.

[34]   La commissaire Beth Bilson, c.r., a conclu que le terme « cours » devait être interprété dans le contexte de la convention collective :

[23]     […] le contexte dans lequel un terme donné est utilisé est un des facteurs les plus importants pour en déterminer le sens. En l'espèce, une des indications du sens du mot « cours » est la formulation des autres éléments dans cette liste de la formation suivie pour obtenir une indemnité. Aux alinéas Ba) et Bb), le mot « cours » est clairement utilisé pour désigner un programme de formation spécialisée menant à un titre professionnel donné. […]

[24]     Compte tenu de ces cours ainsi que des diplômes d'études supérieures énumérés aux alinéas Bd) et Be), la liste qui figure à l'Appendice « B » est donc composée de « cours » ou de programmes complets menant à l'obtention d'une désignation ou d'un titre professionnels additionnels.

[25]     Ce n'est pas ce qu'on entend par un cours universitaire individuel. Les cours sont des éléments menant à l'obtention d'un diplôme, d'un certificat ou d'un titre, mais en suivre un avec succès ne confère en soi aucun statut particulier.

[26]     Il y a deux autres raisons pour qu'il semble bizarre d'interpréter l'alinéa Bc) comme s'il s'appliquait à des cours universitaires individuels. La première, c'est qu'on a retenu comme limite trois de ces cours plutôt que le fait d'avoir terminé une année d'un programme plus long. En segments de six crédits, un programme typique de quatre ans menant à un diplôme décrit dans le calendrier qui a été déposé en preuve pourrait exiger vingt « cours », et il ne semble exister aucune raison particulière pour qu'on récompense une ou un fonctionnaire qui en aurait suivi trois. Même si je devais tenir compte du fait qu'un programme pourrait exiger des cours qui ne sont pas directement liés aux sciences infirmières, il est difficile de conclure qu'il serait logique d'établir un maximum de trois cours.

[27]     La deuxième raison est la suivante : la façon de l'agent négociateur d'exprimer l'argument qu'on pourrait combiner deux cours de trois unités en un seul pour les faire correspondre à ce que signifie selon lui un « cours universitaire d'une année » est tirée par les cheveux. Il n'y a certainement rien dans cette disposition de la convention collective qui le permette expressément, et il me semble probable que, si les auteurs de la disposition pertinente avaient eu en tête des cours universitaires individuels, ils l'auraient précisé de façon plus détaillée.

[35]   Je souscris au raisonnement et à la conclusion de la décision Krenus, supra . Le texte du paragraphe B de l’Appendice « B » ne permet pas d’accorder une indemnité de formation pour les cours universitaires individuels.

[36]   Les faits dont je suis saisi diffèrent de ceux de l’affaire Krenus, supra,sur au moins un point important. En l’espèce, le fonctionnaire s’estimant lésé a obtenu son diplôme universitaire. Il ne demande pas une indemnité pour les cours individuels suivis en vue de l’obtention de son diplôme. En ce sens, il a répondu à l’exigence établie dans l’affaire Krenus, supra  : un « titre » professionnel (paragraphe 24) lui a été conféré et il a obtenu son « diplôme » (paragraphe 25). Je conclus que la décision Krenus, supra, aide le fonctionnaire s’estimant lésé à obtenir une indemnité de formation dans la présente affaire.

[37]   Le fonctionnaire s’estimant lésé doit aussi se conformer aux exigences du sous-alinéa Bc)(i) afin d’obtenir l’indemnité de 1 500 $ aux termes du sous-alinéa Bc)(iii) pour « trois cours universitaires d’une année ». En effet, ses études doivent avoir été faites dans l’un des domaines d’études énumérés ou tout autre domaine approuvé par l’employeur. L’employeur n’a approuvé aucun domaine d’étude aux termes du sous-alinéa Bc)(i).

[38]   L’un des domaines d’étude figurant dans la liste est la « santé mentale ». Puisque l’Appendice « B » prévoit les indemnités pour les infirmiers et les infirmières et que le fonctionnaire s’estimant lésé est un infirmier psychiatrique, j’estime raisonnable de conclure que le domaine de la santé mentale vise, entre autres, les soins infirmiers psychiatriques. La définition fournie ci-dessus décrit la psychologie comme étant une science qui s’intéresse aux processus mentaux, normaux et anormaux, et à leurs manifestations sur le comportement. Je crois qu’il est également raisonnable de conclure que les études en psychologie sont des études en santé mentale. Cette dernière expression est suffisamment vaste pour y inclure la psychologie.

[39]   Le texte de l’alinéa Bc) ainsi que les faits dont je suis saisi soulèvent une autre question. Le fonctionnaire s’estimant lésé possède un diplôme – qui comprend plus de trois cours universitaires – mais il demande une indemnité relativement à trois cours universitaires. De toute évidence, il n’a pas droit à l’indemnité pour un baccalauréat (ni ne la demande) aux termes de l’alinéa Bd) parce qu’il détient un diplôme en psychologie et non en sciences infirmières. Comme le souligne l’employeur, l’alinéa Bc) fait mention de « Trois cours universitaires d’une année » et non d’un diplôme universitaire. Par ailleurs, l’alinéa Bd) prévoit une indemnité de 2 000 $ pour un « Baccalauréat en sciences infirmières ». L’employeur soutient que le fonctionnaire s’estimant lésé possède un diplôme, que cette situation est visée par l’alinéa Bd), mais seulement pour un baccalauréat en sciences infirmières et que, par conséquent, il n’a pas droit à une indemnité aux termes du sous-alinéa Bc)(iii).

[40]   Selon moi, cette interprétation du paragraphe B de l’Appendice « B » pose problème, tel que démontré au moyen de la comparaison ci-dessous. Un employé qui travaille en administration et qui détient un certificat ou un diplôme en administration, obtenu après avoir suivi un cours universitaire d’une année, aurait droit à une indemnité de 1 200 $ aux termes du sous-alinéa Bc)(i). Je suppose que l’employeur ne contesterait pas l’indemnité dans un tel cas. Toutefois, un autre fonctionnaire (qui travaille aussi en administration) qui a obtenu un baccalauréat en administration, après avoir suivi plusieurs cours, aurait droit à une indemnité moindre ou, même, n’aurait droit à aucune indemnité. Ce deuxième exemple est semblable aux faits de la présente affaire dans laquelle l’employeur conteste le paiement d’une indemnité aux termes du sous-alinéa Bc)(i). On soutient que cette situation est le résultat du texte du paragraphe B : on ne reconnaît que le baccalauréat en sciences infirmières (alinéa Bd)) et les parties ne visaient nullement les cours universitaires individuels. On se fonde également sur la décision Krenus, s upra, pour faire valoir que des cours universitaires individuels ne justifient pas une indemnité.

[41]   Cette interprétation porte préjudice au concept général des indemnités de formation. La structure du paragraphe B de l’Appendice « B » est telle que l’indemnité de formation augmente au fur et à mesure que le niveau de scolarité augmente. Par exemple, trois cours universitaires d’une année donneront droit à une indemnité plus élevée qu’un seul cours universitaire d’une année. Toutefois, un fonctionnaire possédant un diplôme universitaire (dans une discipline autre que sciences infirmières) dans l’un des domaines d’études énumérés au sous-alinéa Bc)(i), reçoit moins de la moitié de l’indemnité que touche un autre fonctionnaire ayant obtenu un certificat après un cours universitaire d’une année (550 $ comparativement à 1 200 $). Cela suppose que l’employeur reconnaît que le fonctionnaire a droit à l’indemnité minimale aux termes de l’alinéa Ba).

[42]   Dans la présente instance, l’employeur a accordé au fonctionnaire s’estimant lésé l’indemnité minimale de 550 $ pour son diplôme en psychologie, après que ce dernier ait déposé son grief. Le diplôme a été considéré comme un « cours reconnu de formation spécialisée, 3 à 6 mois » ou, comme l’explique la lettre de l’employeur du 2 juin 2003, [traduction] : « […] la direction a tenu compte de certains cours que vous avez suivis afin d’obtenir votre diplôme en psychologie […] ». Par conséquent, l’employeur ne nie pas que les études en psychologie du fonctionnaire s’estimant lésé ont à ses yeux une certaine valeur; la question en litige est le montant que l’on doit attribuer à cette valeur. Mis à part cette reconnaissance générale, je ne vois pas comment on peut logiquement accorder au fonctionnaire s’estimant lésé l’indemnité minimale prévue au paragraphe B.

[43]   Il est vrai qu’un diplôme n’est pas exactement la même chose que trois cours universitaires. Je n’ai pas entendu l’historique de la négociation collective qui aurait pu expliquer pourquoi on a choisi un, deux et ensuite trois cours universitaires comme seuils pour l’établissement des indemnités de formation. On commente également ce texte dans la décision Krenus, supra.

[44]   Toutefois, l’objectif consiste à interpréter le texte d’une manière qui soit conforme à la convention dans son ensemble. Tel que souligné ci-dessus, lorsqu’un fonctionnaire obtient, au mieux, une reconnaissance minimale pour un diplôme obtenu après avoir suivi de nombreux cours universitaires, comparativement à un certificat résultant d’un cours universitaire d’une année, le résultat porte atteinte à l’un des éléments les plus importants des indemnités de formation. Par ailleurs, la conclusion selon laquelle un diplôme (ou autre certificat ou titre) obtenu après plusieurs cours est équivalent à « trois cours universitaires d’une année » est conforme au principe selon lequel les indemnités augmentent en fonction du niveau de scolarité.

[45]   Je conclus que le paragraphe B doit être interprété tel qu’il a été rédigé et selon la décision Krenus, supra. Par conséquent, lorsqu’un fonctionnaire a suivi trois cours universitaires d’une année et a obtenu le titre (diplôme ou certificat) qui correspond à ces cours, il a droit à l’indemnité prévue au sous-alinéa Bc)(iii).

[46]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[47]   Pour tous ces motifs, le grief est accueilli. Le fonctionnaire s’estimant lésé utilise ses études en psychologie dans l’exercice de ses fonctions d’infirmier psychiatrique. Le fonctionnaire s’estimant lésé a droit à une indemnité de formation de 1 500 $ en vertu du sous-alinéa Bc)(iii) de l’Appendice « B ». Je demeure saisi de l’affaire pendant une période de quatre-vingt-dix (90) jours suivant la date de la présente décision au cas où les parties ne parviennent pas à s’entendre quant à la date d’entrée en vigueur du paiement de l’indemnité.

BURNABY,  le 11 avril 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

John Steeves,
arbitre de grief

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