Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a soumis une proposition demandant à l’employeur de ne pas faire effectuer en sous-traitance du travail qui est effectué normalement dans l’unité de négociation, où il y a des employés qualifés, y compris des employés mis à pied, capables d’accomplir le travail - l’employeur a fait valoir qu’un conseil d’arbritage n’avait pas la compétence de recevoir la proposition - le président a jugé que la proposition était contraire au droit de l’employeur de décider de la structure de son organisation et que l’employeur s’était opposé à ce que l’affaire soit renvoyée à l’arbitrage. Affaire non renvoyée. L’agent négociateur a soumis une proposition demandant la tenue de consultations au sujet du besoin de recruter des employés supplémentaires et demandant que l’employeur engage des employés lorsqu’il y a suffisamment de travail pour créer des postes à plein temps - l’employeur a fait valoir qu’un conseil d’arbritage n’avait pas la compétence de recevoir la proposition - le président a jugé que l’employeur ne s’était pas opposé à la partie de la proposition ayant trait aux consultations - le président a jugé aussi que la partie de la proposition portant sur la création de postes à plein temps était contraire au droit de l’employeur de décider de la structure de son organisation et que l’employeur s’était opposé à ce que l’affaire soit renvoyée à l’arbitrage. Affaire renvoyée en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation
de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-07-15
  • Dossier:  185-02-411
  • Référence:  2005 CRTFP 42

Devant le président
Commission des relations de travail dans la fonction publique



DANS L'AFFAIRE DE LA
NOUVELLE LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

et du différend mettant en cause

le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime

du gouvernement fédéral est,

agent négociateur,

et le Conseil du Trésor, employeur,

à l'égard des fonctionnaires du groupe Réparation des navires (Est)

Répertorié :
Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral est c. Conseil du Trésor

MANDAT DU CONSEIL D’ARBITRAGE

À : Ken E. Norman, président du conseil d'arbitrage;
Ronald Pink et Pierce Sutherland, membres du conseil d'arbitrage

Pour l'agent négociateur :Dean Reid, Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral est, et David A.

Pour l'employeur :Marc Thibodeau, Secrétariat du Conseil du Trésor


(Décision rendue sans audience)

Traduction de la C.R.T.F.P.


La demande dont est saisi le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

[1]   Dans sa lettre du 24 février 2005, le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral est (l’« agent négociateur ») a, conformément à l’article 64 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Loi »), demandé l’arbitrage à l’égard des fonctionnaires du Conseil du Trésor (l’« employeur ») faisant partie du groupe Réparation des navires (Est).

[2]   Avec sa lettre du 24 février 2005, l’agent négociateur a fourni une liste des conditions d’emploi qu’il souhaitait soumettre à l’arbitrage. Les nouvelles clauses 38.01 et 38.02 proposées par l’agent négociateur se rapportent à la sous-traitance. Cette lettre, la liste des conditions d’emploi et les pièces justificatives constituent l’ANNEXE I des présentes.

[3]   Dans sa lettre du 10 mars 2005, l’employeur a fait connaître sa position sur les conditions d’emploi que l’agent négociateur souhaitait soumettre à l’arbitrage. L’employeur a soulevé une objection en matière de compétence concernant les nouvelles clauses 38.01 et 38.02 proposées. L’employeur a en outre fourni une liste de conditions d’emploi supplémentaires qu’il souhaitait soumettre à l’arbitrage. Cette lettre et les pièces justificatives constituent l’ANNEXE II des présentes.

[4]   L’agent négociateur a, dans sa lettre du 21 mars 2005, fait connaître sa réponse quant à la position de l’employeur sur les conditions d’emploi que l’agent négociateur souhaitait soumettre à l’arbitrage. L’agent négociateur a en outre exposé sa position sur les conditions d’emploi supplémentaires que l’employeur souhaitait soumettre à l’arbitrage. Cette lettre constitue l’ANNEXE III des présentes.

[5]   L’employeur a, dans sa lettre du 30 mars 2005, fourni des éclaircissements sur les conditions d’emploi supplémentaires qu’il souhaitait soumettre à l’arbitrage. Cette lettre constitue l’ANNEXE  IV des présentes.

[6]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi ») est entrée en vigueur.

[7]   Le 9 mai 2005, un conseil d’arbitrage a été établi dans le cadre de ce différend.

[8]   Le 13 mai 2005, les parties ont été informées que le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique entendait traiter sous forme d’observations écrites de la question de compétence soulevée par l’employeur. L’employeur a déposé ses observations le 27 mai 2005. L’agent négociateur y a répondu le 17 juin 2005. Enfin, l’employeur a déposé sa réplique le 24 juin 2005.

Arguments des parties

[9]   L’employeur s’oppose à ce que soient soumises au conseil d’arbitrage les nouvelles clauses 38.01 et 38.02 proposées. Ses observations se lisent comme suit :

[Traduction]

[...]

          [...] l’Employeur soutient respectueusement que, en vertu de l’article 150 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la nouvelle LRTFP), une telle proposition ne peut être incluse dans une décision arbitrale et ne devrait donc pas faire partie du mandat du conseil d’arbitrage. [...]

          À l’appui de sa position, l’Employeur invoque les arguments suivants :

  • Dans la détermination du mandat, le président doit prendre en compte l’article 6 de la nouvelle LRTFP, lequel article fait référence à l’alinéa 7(1)b) de la LGFP [Loi sur la gestion des finances publiques]. Cette partie de la LGFP permet au CT d’agir au nom du Conseil privé de la Reine concernant l’organisation de l’administration publique fédérale ainsi que la détermination et le contrôle des établissements qui en font partie. Une clause d’interdiction de sous-traitance serait contraire à cette disposition de la LGFP.
  • En fixant le mandat du conseil d’arbitrage, le président de la CRTFP doit aussi prendre en compte l’article 7 de la nouvelle LRTFP. En vertu de cette disposition, le mandat ne peut inclure des éléments qui limiteraient le droit de la direction quant à l’organisation de l’administration publique fédérale. L’inclusion d’une clause d’interdiction de sous-traitance serait contraire à cette disposition de la nouvelle LRTFP.
  • La clause d’interdiction de sous-traitance proposée par l’agent négociateur ne devrait pas être incluse dans une décision arbitrale, car cela serait contraire aux alinéas  113a) et b) ainsi qu’aux alinéas 150(1)b) et c) de la nouvelle LRTFP, puisqu’il faudrait apporter des modifications à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) relativement aux nominations et aux renvois.
  • Conformément à l’alinéa 150(1)a) de la nouvelle LRTFP, la proposition d’interdiction de sous-traitance ne pourrait être incluse dans une décision arbitrale, car cela nécessiterait la modification de la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique ainsi que des dispositions en matière de transfert en bloc de la LEFP. Ces dispositions permettent, entre autres, le transfert de travail et d’employés à un employeur distinct. La proposition ferait obstacle à cette possibilité, de sorte qu’il faudrait que ces lois soient modifiées.
  • Conformément à l’alinéa 150(1)e) de la nouvelle LRTFP, la proposition d’interdiction de sous-traitance ne pourrait être incluse dans une décision arbitrale, car cela aurait une incidence sur l’organisation de la fonction publique ou sur l’attribution de fonctions aux postes ou aux personnes.

          Il y a plusieurs décisions de l’ancienne CRTFP et des cours sur la question de la compétence des conseils d’arbitrage. Également à l’appui de sa position, l’Employeur invoque certaines de ces décisions.

          Dans l’affaire AFPC c. CCN, [1998] 2 CF 128 (T-2084-96), la Cour fédérale a maintenu la décision du président de l’ancienne CRTFP de refuser d’inclure dans le mandat une proposition de clause d’interdiction de sous-traitance. La Cour a déclaré que l’inclusion d’une telle proposition pourrait empêcher les renvois et serait donc contraire aux alinéas 69(3)a) et b) de l’ancienne LRTFP (soit les alinéas actuels 150(1)e) et c)). La Cour s’est fondée sur un certain nombre de décisions de bureaux de conciliation dans lesquelles des propositions en matière de sous-traitance ont été considérées comme des propositions concernant les renvois.

          Dans l’affaire ANETR c. Chambre des Communes, [1988] CRTFPC n o 77 (CRTFP dossier n o 485-H-1), la Commission a statué que la clause d’interdiction de sous-traitance portait atteinte au droit exclusif de l’employeur de déterminer sa propre organisation et violait donc la disposition relative aux droits de la direction figurant dans la Loi sur les relations de travail au Parlement, soit l’équivalent de l’article 7 de l’ancienne et de la nouvelle LRTFP.

          Dans l’affaire Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor), [ 1987 ] 2 C.F. 471, n o du greffe A-147-86, le juge Marceau, s’exprimant au nom de la Cour, a conclu que des questions visées à l’article 7 de la Loi peuvent être incluses dans une convention collective seulement si l’Employeur y consent volontairement. La Cour a toutefois également conclu qu’une proposition enfreignant l’article 7 de la Loi ne pourrait être soumise à un arbitrage exécutoire. Les articles 113 et 150 de la nouvelle LRTFP doivent en outre être interprétés à la lumière des articles 6 et 7.

          Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Canada (Commission des relations de travail dans la fonction publique), [ 1988 ] A.C.F. n o 633, n o du greffe T-915-88, la Cour, qui traitait d’une affaire de conciliation exécutoire, a également conclu que l’Employeur pouvait consentir volontairement à négocier des questions visées à l’article 7 de la Loi, mais que ces questions ne pouvaient être soumises à une conciliation exécutoire.

          En résumé, l’Employeur soutient respectueusement que le conseil d’arbitrage ne peut à bon droit traiter de la question de l’interdiction de sous-traitance, car cela serait contraire aux articles 113 et 150 de la nouvelle LRTFP et porterait atteinte aux droits conférés à l’Employeur en vertu des articles 6 et 7 de la nouvelle LRTFP. L’Employeur n’a jamais consenti et ne consent toujours pas à ce que cette question soit incluse dans le mandat du conseil d’arbitrage ou à ce qu’une clause de cette nature soit incluse dans la convention collective. Par conséquent, nous demandons au président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) d’exclure cette proposition du mandat du conseil d’arbitrage.

[...]

[10]   L’agent négociateur a déposé la réponse suivante à l’objection de l’employeur :

[Traduction]

[...]

Question

La seule question à trancher est de savoir si le conseil d’arbitrage nommé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour l’établissement de conditions d’emploi dans une nouvelle convention collective devrait avoir le mandat de traiter de la proposition en matière de sous-traitance du Conseil des métiers et du travail du chantier maritime.

Contexte

La convention collective entre le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime et le Conseil du Trésor a expiré le 31 décembre 2003. Les négociations pour le renouvellement de cette convention collective ont commencé en 2004 et ont abouti à une impasse au début de 2005. Le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime a déposé une demande pour que les questions en suspens soient soumises à un conseil d’arbitrage conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui était alors en vigueur. Outre la question salariale, un certain nombre de questions sont restées en suspens, y compris la proposition en matière de sous-traitance du Conseil des métiers et du travail du chantier maritime :

[Traduction]

 

38.01  
L’Employeur ne sous-traite pas du travail normalement accompli par des employés de l’unité de négociation dans les cas suivants :
a) ou bien il y a des employés de disponibles qui sont qualifiés pour accomplir le travail;
b) ou bien il y a des employés mis en disponibilité qui sont qualifiés et disponibles pour faire le travail.
38.02
Lorsque la sous-traitance est nécessaire parce qu’il y a une pénurie d’employés qualifiés, l’Employeur rencontre le Conseil pour discuter de la question de savoir s’il est nécessaire d’embaucher des employés supplémentaires pour l’accomplissement du travail nécessaire. Lorsqu’il y a suffisamment de travail disponible pour créer un poste à temps plein, l’Employeur embauche des employés pour l’accomplissement de ce travail.

Le Conseil du Trésor s’est opposé à ce que cette proposition soit incluse dans le mandat. Le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime soutient que la proposition devrait être incluse dans le mandat.

Les règles de droit

Le Conseil du Trésor a fait savoir que le mandat du conseil d’arbitrage devait être déterminé conformément à la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique . Nous soutenons que les dispositions transitoires de la nouvelle Loi indiquent clairement que cet arbitrage doit être conclu en vertu des dispositions de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique . Les dispositions pertinentes de l’ancienne LRTFP sont les suivantes :

7
La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité de l’employeur quant à l’organisation de la fonction publique, à l’attribution des fonctions aux postes et à la classification de ces derniers.
57(2)
Une convention collective ne peut avoir pour effet direct ou indirect de :
a) modifier, supprimer ou établir une condition d’emploi de manière que cela nécessiterait ou entraînerait l’adoption ou la modification d’une loi fédérale, exception faite des lois affectant les crédits nécessaires à son application;
b) modifier ou supprimer une condition d’emploi établie, ou établir une condition d’emploi pouvant l’être, en conformité avec une loi mentionnée à l’annexe II.

69(1)
[Abrogé, 1992, ch. 54, art. 57]
(2)
Le paragraphe 57(2) s’applique aux décisions arbitrales, compte tenu des adaptations de circonstance.
(3)
Sont exclues du champ des décisions arbitrales les questions suivantes :
a) l’organisation de la fonction publique, l’attribution de fonctions aux postes au sein de celle-ci et la classification de ces derniers;
b) les normes, procédures ou méthodes régissant la nomination, l’évaluation, l’avancement, la rétrogradation, la mutation, la mise en disponibilité ou le licenciement de fonctionnaires, à moins que celui-ci ne résulte d’une mesure disciplinaire;
c) les conditions d’emploi n’ayant pas fait l’objet de négociations entre les parties avant que ne soit demandé l’arbitrage à leur sujet.
(4)
Une décision arbitrale ne vaut que pour les conditions d’emploi des fonctionnaires faisant partie de l’unité de négociation relativement à laquelle l’arbitrage a été demandé.

La décision faisant autorité sur l’application de l’ancienne LRTFP est Alliance de la Fonction publique du Canada c. Commission de la Capitale nationale , [1997] A.C.F. n o 1418 (C.F. 1 re inst.). Dans cette décision, la Cour a examiné la décision du président de l’ancienne CRTFP de supprimer la proposition syndicale suivante du mandat d’un conseil d’arbitrage :

47.01
L’employeur pourra recourir à une collaboration extérieure pour assurer les services et fonctions actuellement assurés par des salariés si cette collaboration extérieure n’entraîne la perte d’aucun emploi.

La Cour a déterminé que la clause proposée pourrait empêcher des mises à pied et la clause avait à juste titre été supprimée du mandat. La Cour n’a toutefois pas commenté d’autres propositions qui étaient incluses dans le mandat considéré (copie jointe), à savoir :

[Traduction]

7.02
Les superviseurs et autres employés non inclus dans l’unité de négociation n’accomplissent pas de travail normalement accompli par des membres de l’unité de négociation, sauf s’il s’agit d’un cas d’urgence ou s’il s’agit de donner des instructions à des membres de l’unité de négociation.

Le président estimait que cette clause était liée à l’attribution de fonctions aux personnes plutôt qu’aux postes et n’entrait pas dans le cadre des dispositions de l’article 7 ou de l’alinéa 69(3)a) de l’ancienne LRTFP (voir pp. 16 et 17).

[Traduction]

47.02
Avant de sous-traiter du travail normalement accompli par des membres de l’unité de négociation, l’Employeur doit :
a) fournir au Syndicat un préavis de trois (3) mois quant à la nature de la sous-traitance prévue et quant aux conséquences éventuelles probables pour les affectations de membres de l’unité de négociation;
b) à la demande du Syndicat, rencontrer les représentants de ce dernier pour discuter des raisons de la sous-traitance et considérer des solutions de rechange.

Le président estimait que la clause 47.02 était à juste titre incluse dans le mandat (p. 20).

Analyse

Le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime soutient que la décision de la Cour fédérale dans l’affaire relative à l’AFPC peut être distinguée de ce qu’il en est ici en raison du libellé de la clause proposée dans cette affaire. La clause proposée dans cette affaire disait expressément qu’il ne pouvait y avoir de sous-traitance qui entraîne des renvois. Les clauses 38.01 et 38.02 proposées par le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime ne contiennent pas de telle mention.

Tout comme dans le cas de la clause 7.02 proposée dans l’affaire relative à l’AFPC, les clauses 38.01 et 38.02 que nous proposons concernent l’attribution de fonctions aux personnes — et non aux postes. L’Employeur pourrait encore procéder à des mises à pied s’il y avait vraiment une pénurie de travail, mais pas en prenant arbitrairement le travail habituel de l’unité de négociation et en le vendant en fait au moins-disant.

Quoique l’on puisse prétendre que la clause 38.01 que nous proposons peut indirectement limiter la capacité du Conseil du Trésor à congédier arbitrairement des employés même lorsqu’il y a suffisamment de travail à faire, la clause 38.02 proposée par nous n’a nettement pas d’incidence sur la capacité de l’employeur à procéder à des mises à pied. La clause 38.01 traite d’une augmentation de travail et de l’embauchage de nouveaux employés et non d’une réduction de travail.

Dans cette décision, nous demandons respectueusement que le président prenne en compte les faits supplémentaires suivants :

a)
Le Conseil du Trésor a avec le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime ouest un arrangement de longue date qui limite la sous-traitance en exigeant que l’employeur paie quand des entrepreneurs sont utilisés sur le chantier maritime de la côte Ouest. En annexe figure une lettre du 21 août 1980 qui décrit cet arrangement.
b)
Le groupe d’arbitrage n’est pas obligé d’accepter la proposition telle qu’elle est libellée et peut en fait en modifier la formulation s’il le juge approprié;
c)
Nous n’acceptons pas l’observation du Conseil du Trésor selon laquelle notre proposition violerait l’alinéa 7(1)6) de la Loi sur la gestion des finances publiques . Le Conseil du Trésor agirait encore au nom de la Couronne, mais cette disposition ne l’empêche pas de négocier ces questions avec le syndicat;
d)
Nous contestons en outre l’assertion du Conseil du Trésor selon laquelle notre proposition exigerait que l’on révise la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ;
e)
Enfin, nous contestons l’observation du Conseil du Trésor selon laquelle la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique est pertinente relativement à cette question. Cette loi-là traite de transferts globaux d’activités et non de la simple sous-traitance de travaux de l’unité de négociation. La clause proposée en matière de sous-traitance n’aurait aucune incidence sur cette loi-là.

À notre avis, la Commission a les choix suivants :

  • Elle peut supprimer complètement cette question du mandat du conseil d’arbitrage. Nous avons énoncé précédemment les raisons pour lesquelles nous estimons que la Commission ne devrait pas faire cela.
  • Elle peut soumettre au conseil d’arbitrage ce qui est proposé comme libellé de convention collective en précisant que la décision du conseil d’arbitrage doit être compatible avec les décisions qu’ont rendues les tribunaux sur la question des mises à pied. La sous-traitance est clairement une question qui peut à bon droit faire l’objet d’une négociation et d’un arbitrage, et le conseil d’arbitrage peut traiter de cette question en rendant une décision compatible avec les règles de droit.
  • Si elle décide que la clause 38.01 n’est pas appropriée, la Commission peut quand même soumettre au conseil d’arbitrage la clause 38.02 proposée.
  • Si elle décide de ne soumettre au conseil d’arbitrage ni l’une ni l’autre des propositions en matière de sous-traitance du Conseil des métiers et du travail du chantier maritime, la Commission peut permettre au conseil d’arbitrage de considérer la proposition initiale de ce conseil en matière de sous-traitance dans cette ronde de négociations. Cette proposition était d’étendre à ce conseil le même arrangement qui existe entre le Conseil du Trésor et le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime ouest.

À notre avis, il est crucial que la Commission indique clairement que la sous-traitance est une question qui peut à bon droit faire l’objet d’une négociation. En décider autrement serait permettre à l’employeur de sous-traiter l’ensemble du travail de l’unité de négociation, ce qui, mené à sa conclusion logique, pourrait en fait mettre un terme à l’existence même du Conseil des métiers et du travail du chantier maritime. Ce conseil doit pouvoir négocier des mesures de protection pour ses membres de manière à veiller à ce que cela n’arrive pas. Si ce conseil ne peut exiger que le Conseil du Trésor négocie de bonne foi sur une question cruciale pour la viabilité même du Conseil des métiers et du travail du chantier maritime, alors où ce dernier peut-il soulever ces questions?

Conclusions

Nous soutenons que les clauses 38.01 et 38.02 proposées sont à bon droit incluses dans le mandat du conseil d’arbitrage nommé conformément à l’ancienne LRTFP. Dans la mesure où des restrictions en matière de mise à pied ne peuvent faire l’objet d’une décision du conseil d’arbitrage, le mandat peut indiquer clairement cette limitation tout en permettant au conseil d’arbitrage de traiter de la question de fond de la sous-traitance.

Sinon, notre point de vue est que le président devrait permettre au Conseil des métiers et du travail du chantier maritime de remplacer lesdites clauses par sa proposition initiale en matière de sous-traitance, ce qui donnerait lieu en la matière au même arrangement qui existe actuellement entre le Conseil du Trésor et le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime ouest.

[...]

[11]   La réplique de l’employeur se lit comme suit :

[Traduction]

[...]

          Pour ce qui est de la mesure législative applicable, l’Employeur continue de soutenir que, en vertu de l’article 57  des dispositions transitoires de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, c’est la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la nouvelle LRTFP) qui s’applique à ce différend.

          Dans ses observations, l’agent négociateur cite la décision que la Cour fédérale a rendue en 1987 dans l’affaire AFPC c. CCN. L’agent négociateur soutient que la Cour n’a pas commenté deux propositions que le président de l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’ancienne CRTFP) avait considérées comme étant à bon droit incluses dans le mandat du conseil d’arbitrage nommé pour entendre ce différend. L’Employeur soutient que la raison pour laquelle la Cour n’a pas commenté ces propositions était que ni l’une ni l’autre ne faisaient l’objet du contrôle judiciaire. Quoi qu’il en soit, le fait que le président de l’ancienne CRTFP ait conclu que les deux propositions syndicales étaient à bon droit incluses dans le mandat n’est pas pertinent dans le cas qui nous occupe. Nous soutenons que le libellé proposé par le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime pour les clauses 38.01 et 38.02 est très différent de celui des deux propositions citées par ce conseil concernant l’affaire AFPC c. CCN. L’une de ces propositions n’avait rien à voir avec la sous-traitance mais concernait la façon dont l’employeur procédait à la dotation en personnel. En outre, le président a déterminé que la proposition était acceptable parce qu’elle traitait de l’attribution de fonctions aux personnes plutôt qu’aux postes. Toutefois, l’article 7 de la nouvelle LRTFP traite maintenant de l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes. Par conséquent, toute clause se rapportant à l’attribution de fonctions ne serait pas acceptable en vertu de la nouvelle Loi. En ce qui a trait à l’autre proposition, elle ne limitait pas le droit de la direction de sous-traiter du travail mais exigeait simplement un préavis et une consultation dans les cas où l’employeur décidait de sous-traiter certains travaux.

          Pour ce qui est du cas dont est maintenant saisie la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), nous soutenons que, si les clauses 38.01 et 38.02 étaient incluses dans la convention collective, elles limiteraient sérieusement les situations dans lesquelles l’employeur peut sous-traiter du travail maintenant accompli par des membres de l’unité de négociation du Groupe SR (Réparation des navires (Est)). La clause 38.01 empêcherait en fait l’employeur de sous-traiter du travail s’il y a des employés qualifiés pour accomplir le travail, tandis que la clause 38.02 obligerait l’employeur à embaucher des employés du groupe SR pour éviter qu’il soit nécessaire de sous-traiter du travail. Comme nous l’avons déclaré dans nos observations initiales à la CRTFP, nous soutenons respectueusement que de telles clauses limiteraient le droit de la direction quant à l’organisation de l’administration publique fédérale.

          Dans ses observations, l’agent négociateur traite en outre d’une convention entre l’Employeur et le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime ouest. L’Employeur soutient que ce genre d’arrangement n’est pas négociable. De plus, la proposition à cet effet du Conseil des métiers et du travail du chantier maritime a été retirée durant les négociations et n’a pas été soumise à l’ancienne CRTFP plus tôt dans ce processus pour faire partie du mandat de l’agent de conciliation ou, plus récemment, en tant que partie intégrante des questions en litige devant être traitées par le conseil d’arbitrage. L’Employeur soutient donc que le président ne peut inclure cette proposition dans le mandat du conseil d’arbitrage.

          Nous voudrions en outre commenter l’affirmation du Conseil des métiers et du travail du chantier maritime voulant que la CRTFP indique clairement que la sous-traitance est une question qu’il convient de négocier et qu’en décider autrement permettrait à l’Employeur de commettre certains abus. Une distinction qu’il importe de faire est qu’il y a une différence entre des questions pouvant être négociées et des questions pouvant être incluses dans une décision arbitrale. La position de l’employeur dans ce cas-ci ne vise pas à trouver des façons de traiter ses employés de manière arbitraire mais est basée sur le système de négociation collective que le Parlement a adopté pour la fonction publique.

          En résumé, nous aimerions réitérer les arguments contenus dans notre lettre du 27 mai 2005 et selon lesquels le conseil d’arbitrage ne peut à bon droit traiter de la question de l’interdiction de sous-traitance, car cela serait contraire aux articles 113 et 150 de la nouvelle LRTFP et porterait atteinte aux droits conférés à l’Employeur en vertu des articles 6 et 7 de la nouvelle LRTFP. Par conséquent, nous demandons de nouveau au président de la CRTFP d’exclure cette proposition du mandat du conseil d’arbitrage.

[...]

Motifs

[12]   Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir quelle Loi s’applique à la demande d’arbitrage dont je suis saisi. L’employeur soutient que cette demande devrait être tranchée en conformité avec la nouvelle Loi, tandis que l’agent négociateur allègue que l’ancienne Loi devrait s’appliquer.

[13]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique (LMFP), L.C. 2003, ch. 22, est entrée en vigueur. La LMFP contient des dispositions transitoires quant à l’effet de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur des questions soumises en vertu de l’ancienne Loi. L’article 57 de la LMFP est la disposition transitoire qui s’applique aux demandes d’arbitrage déposées avant l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi. Cet article se lit comme suit :

   57. (1) Les règles ci-après s’appliquent aux demandes d’arbitrage présentées avant la date d’entrée en vigueur [1 er avril 2005] de l’article 136 de la nouvelle loi et qui n’ont fait l’objet d’aucune décision arbitrale :

a) si aucun conseil d’arbitrage n’a été créé ni aucun arbitre nommé avant cette date, il est décidé de la demande comme si elle avait été présentée en vertu de cet article;

[...]

                                                                                                                                                                                                                              
      (2) Il est entendu que la décision arbitrale rendue au titre du paragraphe (1) ne peut porter que sur une condition d’emploi susceptible d’être incluse dans une décision arbitrale rendue au titre de l’ancienne loi, dans sa version antérieure à la date d’entrée en vigueur [1 er avril 2005] de l’article 140 de la nouvelle loi.

[14]   Bien que l’alinéa 57(1)a) de la LMFP étaye la proposition selon laquelle la demande d’arbitrage en cause doit être traitée conformément à la nouvelle Loi, le paragraphe 57(2) indique clairement que le mandat du conseil d’arbitrage doit être conforme aux dispositions de l’ancienne Loi. Les dispositions de l’ancienne Loi se rapportant à l’objection soulevée par l’employeur sont celles qui ont été déterminées par l’agent négociateur dans sa réponse à l’objection de l’employeur (supra).

[15]   Je vais traiter séparément des nouvelles clauses 38.01 et 38.02 proposées.

La nouvelle clause 38.01 proposée

[16]   La nouvelle clause 38.01 proposée se lit comme suit :

[Traduction]

38.01    L’Employeur ne sous-traite pas du travail normalement accompli par des employés de l’unité de négociation dans les cas suivants :

a) ou bien il y a des employés de disponibles qui sont qualifiés pour accomplir le travail;

b) ou bien il y a des employés mis en disponibilité qui sont qualifiés et disponibles pour faire le travail.

[17]   La Cour fédérale a eu l’occasion d’examiner une proposition semblable, quoique non identique, dans l’affaire Alliance de la Fonction publique du Canada c. Commission de la Capitale nationale , [1998] 2 C.F. 128 (1 re inst.). Dans cette affaire, la Cour a conclu :

[...]

[...] une proposition tendant à l’interdiction de recourir à des collaborations extérieures empêcherait effectivement de faire accomplir à l’externe des fonctions qui sont peut-être actuellement accomplies par certains employés pendant les heures normales de travail. Une telle proposition pourrait donc avoir pour effet direct d’empêcher les licenciements, et cela contrairement aux alinéas 69(3)a) et 69(3)b) [de l’ancienne Loi] .

[...]

[18]   Je reconnais que, contrairement à la clause 47.01 examinée dans l’affaire Commission de la Capitale nationale (supra), la nouvelle clause 38.01 proposée ne lie pas expressément la possibilité de sous-traitance de l’employeur à l’absence de mises à pied. Il reste toutefois qu’elle a pour objet de limiter la capacité de l’employeur à sous-traiter du travail normalement accompli par des employés de l’unité de négociation.

[19]   L’employeur a fait remarquer à juste titre que son droit de déterminer l’organisation de la fonction publique et d’attribuer des fonctions aux postes au sein de celle-ci est protégé par la loi. Une telle protection est prévue à l’article 7 de l’ancienne Loi. Dans l’affaire Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 C.F. 471, on demandait à la Cour d’appel fédérale de déterminer l’effet de cet article sur une proposition par ailleurs arbitrable. La Cour a conclu qu’une telle proposition pourrait être soumise à l’arbitrage seulement si « [...] son application laisserait intactes les prérogatives inviolables du gouvernement définies à l’article 7 [de l’ancienne Loi]. »

[20]   Dans l’affaire Association nationale des employés et techniciens en radiodiffusion c. Chambre des Communes, CRTFP dossier n o 485-H-1 (1988) (QL), l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a conclu qu’une proposition empêchant la sous-traitance « [...] porte clairement atteinte au droit que possède l’employeur quant à l’organisation de ses services [...] » et ne pouvait être examinée dans le cadre d’une demande d’arbitrage.

[21]   L’agent négociateur a soutenu que [traduction] «le  Conseil du Trésor a avec le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime ouest un arrangement de longue date qui limite la sous-traitance [...] », ce qui signifierait que la nouvelle clause 38.01 proposée pourrait être soumise à l’arbitrage parce qu’elle a fait l’objet de discussions entre les parties. La Cour fédérale a traité d’une question semblable dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Canada (Commission des relations de travail dans la fonction publique) (1988), 21 F.T.R. 195. Dans cette affaire, la Cour a conclu que, malgré le fait qu’au cours des négociations « […] l’employeur pouvait “ volontairement ” discuter des questions qui sont visées par l’article 7 [de l’ancienne Loi] [...] », de telles questions ne pouvaient être soumises à une conciliation exécutoire sans le consentement de l’employeur. Je suis d’avis que cette décision s’applique également aux demandes d’arbitrage.

[22]   Pour tous ces motifs, je ne soumets pas la nouvelle clause 38.01 proposée au conseil d’arbitrage pour fins d’arbitrage.

La nouvelle clause 38.02 proposée

[23]   La nouvelle clause 38.02 proposée se lit comme suit :

[Traduction]

38.02    Lorsque la sous-traitance est nécessaire parce qu’il y a une pénurie d’employés qualifiés, l’Employeur rencontre le Conseil pour discuter de la question de savoir s’il est nécessaire d’embaucher des employés supplémentaires pour l’accomplissement du travail nécessaire. Lorsqu’il y a suffisamment de travail disponible pour créer un poste à temps plein, l’Employeur embauche des employés pour l’accomplissement de ce travail.

[24]   La nouvelle clause 38.02 proposée contient deux éléments. La première phrase a trait aux consultations menées entre les parties en vue de déterminer s’il est nécessaire d’embaucher des employés supplémentaires. L’employeur n’a soulevé aucune question relativement à cette première phrase.

[25]   L’objection de l’employeur concerne la deuxième phrase, dont l’objet est d’obliger l’employeur à embaucher des employés supplémentaires dans des circonstances précises. Comme je l’ai mentionné précédemment, le droit de l’employeur de déterminer l’organisation de la fonction publique et d’attribuer des fonctions aux postes au sein de celle-ci est protégé par l’article 7 de l’ancienne Loi, et une proposition touchant ce droit ne pourrait être soumise à l’arbitrage sans le consentement de l’employeur. Pour les mêmes motifs que dans le cas de la nouvelle clause 38.01 proposée, je ne soumets pas la dernière phrase de la nouvelle clause 38.02 proposée au conseil d’arbitrage pour fins d’arbitrage.

Questions soumises au conseil d’arbitrage pour fins d’arbitrage

[26]   Par conséquent, en conformité avec l’article 144 de la nouvelle Loi, les questions en litige sur lesquelles le conseil d’arbitrage rendra une décision dans ce différend sont celles qui sont mentionnées comme étant en suspens dans les ANNEXES I, II, III et IV des présentes, sauf en ce qui concerne la nouvelle clause 38.01 proposée et la deuxième phrase de la nouvelle clause 38.02 proposée.

[27]   Dans l’éventualité où l’on soulèverait pendant l’audience une objection en matière de compétence quant à l’inclusion d’un point dans ce mandat, on devra me soumettre la question sans tarder, car le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique est seul autorisé à rendre une décision à cet égard en vertu du paragraphe 144(1) de la nouvelle Loi.

15 juillet 2005.

 

Yvon Tarte
Le président,
Commission des relations de travail
dans la fonction publique

 

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