Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignantes ont allégué que leurs membres ont fait l’objet de discrimination, étant donné qu’on leur a interdit de porter des casquettes de baseball et des épinglettes de l’ANTCF(ANACF) - les plaignantes ont allégué que les défendeurs ont, de façon déraisonnable, retiré leur consentement en vertu du paragraphe 10(1) de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (<< l’ancienne Loi >>) - la plainte était fondée sur un courriel de Don Graham interdisant le port de chapeaux et d’épinglettes portant le sigle de l’ANACF - un témoin des plaignantes a déclaré qu’il pouvait porter n’importe quelle casquette de baseball ornée de n’importe quel logo, à l’exception de celui de l’ANACF - on a produit des pièces prouvant qu’avant l’accréditation du Union of Canadian Correctional OfficersSyndicat des agents correctionnels du CanadaCSN, les organisateurs avaient rencontré les membres de l’AFPC sur les lieux de travail, pendant les heures de travail, pour leur vendre des cartes de membre (2 $) et pour distribuer des casquettes de baseball, des boucles de ceinture et des épinglettes portant le nom et le logo de l’UCCOSACCCSN - cela n’était pas conforme au Manuel de référence vestimentaire des employés - les deux parties ont reconnu que même si la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (<< la nouvelle Loi >>) est entrée en vigueur avant qu’une décision soit rendue, la décision devrait être fondée sur le régime législatif établi par l’ancienne Loi - la Commission a noté les importantes différences entre l’ancienne Loi et la nouvelle Loi - la Commission a conclu qu’une fois que la plainte a été déposée, les droits des parties ont été fixés - l’absence d’une intention législative claire ne doit pas interférer avec les droits des parties - dans ces circonstances, la Commission a conclu que la question devrait être tranchée sous le régime législatif de l’ancienne Loi - la Commission a conclu que le Service correctionnel du Canada et le Conseil du Trésor ne sont pas des << personnes >> aux fins de l’application des paragraphes 8(2) et 9(1) - elle a conclu que Don Graham avait qualité de partie - elle a également conclu que les plaignantes s’étaient engagées dans une activité légale au sens de l’article 6 de l’ancienne Loi - l’activité n’a pas mis en jeu la sécurité du personnel de l’institution - elle n’a pas non plus porté atteinte à la réputation de l’employeur - la Commission a conclu que les règles exposées dans le Manuel de référence vestimentaire n’étaient pas appliquées de façon constante et uniforme - la Commission a conclu que Don Graham a fait une distinction injuste envers les membres de l’ANTCF(ANACF) en envoyant le courriel susmentionné et qu’il a, par conséquent, contrevenu au paragraphe 9(1) de l’ancienne Loi - la Commission a conclu qu’il n’y avait aucune preuve que l’autorisation de rencontrer le personnel pendant les heures de travail dans le but de vendre des cartes de membre du syndicat avait été demandée ou refusée - la Commission n’a pas relevé de violation du paragraphe 10(1). Plainte accueillie en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique édictée
par l’article 2 de la Loi sur la
modernisation de la fonction publique,
L.C. 2003, ch. 22

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-06-06
  • Dossier:  561-2-49
  • Référence:  2005 CRTFP 50

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

ASSOCIATION INTERNATIONALE DES MACHINISTES ET DES TRAVAILLEURS DE L’AÉROSPATIALE ET SECTION LOCALE 147 DE L’ASSOCIATION NATIONALE DES TRAVAILLEURS CORRECTIONNELS FÉDÉRAUX

plaignantes

et

SERVICE CORRECTIONNEL CANADA, CONSEIL DU TRÉSOR ET DON GRAHAM

défendeurs

Répertorié :
Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale et section locale 147 de l’Association nationale des travailleurs correctionnels fédéraux c. Service correctionnel Canada, Conseil du Trésor et Don Graham

Dans l’affaire d’une plainte fondée sur l’article 23 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : D.R. Quigley, commissaire

Pour les plaignantes : Me Susan Ballantyne, avocate

Pour les défendeurs : Me Harvey Newman, avocat


Affaire entendue à Kingston (Ontario),
les 21 et 22 février 2005.


Plainte à la Commission

[1]   Le 4 août 2004, l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA) et la section locale 147 de l’Association nationale des travailleurs (agents) correctionnels fédéraux (ANTCF/ANACF) a soumis à la Commission des relations de travail dans la fonction publique une plainte fondée sur l’article 23 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), alléguant que, en ne se conformant pas à l’alinéa 23(1)a) de la LRTFP, le Service correctionnel du Canada (SCC) avait contrevenu au paragraphe 8(1), à l’alinéa 8(2)a) et aux paragraphes 9(1) et 10(1) de cette Loi, qui se lisent comme il suit :

8. (1)  Il est interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur, de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale, ou d’intervenir dans la représentation des fonctionnaires par une telle organisation ou dans les affaires en général de celle-ci.

 (2)  Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit :

a ) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne, ou encore de faire des distinctions injustes fondées, en ce qui concerne l’emploi ou l’une quelconque des conditions d’emploi d’une personne, sur l’appartenance de celle-ci à une organisation syndicale ou sur l’exercice d’un droit que lui accorde la présente loi;

[...]

9. (1)  Sauf dans les conditions et cas prévus par la présente loi, un règlement, une convention collective ou une décision arbitrale, il est interdit à une personne occupant un poste de direction ou de confiance, qu’elle agisse ou non pour le compte de l’employeur, de faire des distinctions injustes à l’égard d’une organisation syndicale.

[...]

10. (1)  Sans le consentement de l’employeur, un dirigeant ou un représentant d’une organisation syndicale ne peut, dans les locaux de l’employeur et pendant les heures de travail d’un fonctionnaire, tenter d’amener celui-ci à adhérer, ou à s’abstenir, continuer ou cesser d’adhérer, à une organisation syndicale.

[...]

23. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l’employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n’a pas, selon le cas 

a) observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10;

[...]

[2]   Le droit invoqué à l’alinéa 8(2)a) figure à l’article 6 de la LRTFP :

6. Un fonctionnaire peut adhérer à une organisation syndicale et participer à l’activité légitime de celle-ci.

Résumé de la preuve

[3]   Les plaignantes allèguent que les membres de l’AIMTA et de la section locale 147 de l’ANTCF(ANACF) sont victimes d’une distinction injuste puisqu’on leur interdit de porter leurs casquettes de baseball et leurs épinglettes de l’ANTCF(ANACF) à leur lieu de travail. Elles soutiennent en outre que cette interdiction est une ingérence dans les affaires de l’AIMTA et de la section locale 147 de l’ANTCF(ANACF) qu’interdit le paragraphe 8(1) de l’ancienne LRTFP.

[4]   Elles font aussi valoir que les défendeurs ont refusé sans raison valable le consentement que prévoit le paragraphe 10(1) de l’ancienne LRTFP, en interdisant aux employés de porter des casquettes de baseball et des épinglettes de l’ANTCF(ANACF).

[5]   Un courriel daté du 15 mai 2003 de Don Graham, du SCC, était joint à la plainte, en Annexe 1; il semble bien être la cause de la plainte et se lit comme il suit :

[Traduction]

À :401-REG-directeurs; 401-REG-directeurs adjoints
Cc :401-REG-CHRMS; Lajoie Lynn (ONT.)
Objet :Activité de l’ANACF-Association nationale des agents de correction fédéraux

Comme beaucoup d’entre vous le savez déjà, il y a des employés qui essaient d’obtenir l’appui de leurs collègues CX pour l’« Association nationale des agents de correction fédéraux (ANACF) ». Ils demandent à leurs collègues de signer des cartes de membres, probablement pour étayer les arguments de l’ANACF, qui voudrait être accréditée comme agent négociateur des agents de correction.

Nous avons demandé des instructions aux Relations de travail de l’administration centrale. Après avoir consulté le CT, le directeur par intérim, Relations de travail, politiques et planification, M. Pierre Fréchette, m’a donné l’avis suivant :

-informer les intéressés de cesser toute activité liée à la signature de cartes de membres, à des séances d’information et ainsi de suite, dans les locaux du SCC;

-leur répéter qu’ils ne sont pas autorisés à vendre des cartes ni à distribuer de la documentation dans les locaux du SCC;

-leur dire qu’ils ne sont pas autorisés à porter des épinglettes, des macarons ou tout article (casquettes de baseball, etc.) avec l’emblème de l’ANACF dans les locaux du SCC;

-leur rappeler qu’ils ne doivent pas se servir de l’équipement ni du matériel du SCC pour la promotion de leur association (autrement dit qu’ils ne sont pas autorisés à se servir du courriel ni des tableaux d’affichage);

-leur faire savoir que, s’ils ne se conforment pas à ces ordres, ils sont passibles de mesures disciplinaires.

Cet avis est fondé sur le paragraphe 10(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui dispose que :

« Sans le consentement de l’employeur, un dirigeant ou un représentant d’une organisation syndicale ne peut, dans les locaux de l’employeur et pendant les heures de travail d’un fonctionnaire, tenter d’amener celui-ci à adhérer, ou à s’abstenir, continuer ou cesser d’adhérer, à une organisation syndicale. »

[6]   Les plaignantes ont demandé à la Commission de rendre l’ordonnance suivante :

[Traduction]

  1. Une déclaration que la directive interdisant le port de casquettes et d’épinglettes de l’ANACF est interdite par le paragraphe 8(1), l’alinéa 8(2) a ) et les paragraphes 9(1) et 10(1) de la Loi.
  2. Une ordonnance enjoignant à l’employeur d’afficher cette déclaration bien en vue à chaque lieu de travail/dans chaque établissement, avec une autre déclaration stipulant que les fonctionnaires ont le droit de porter des casquettes et (ou) des épinglettes de l’AIMTA ou de l’ANACF pendant les heures de travail dans les locaux de l’employeur.
  3. Tout autre redressement que ses avocats peuvent conseiller et que la Commission jugera bon d’accorder.

[7]   Avant l’audience, le Conseil du Trésor a fait valoir dans une lettre datée du 24 janvier 2005 que le SCC [traduction] « n’est pas ‘quiconque’ ni ‘une personne’ au sens des articles 8 et 9, respectivement, de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et ne peut par conséquent pas être considéré comme un défendeur ».

[8]   Dans une lettre datée du 28 janvier 2005, l’avocate des plaignantes a répliqué ce qui suit :

[Traduction]

[...] la plainte [...] a été déposée le 4 août 2004. Le défendeur n’a rien soulevé quant à sa description jusqu’à maintenant, environ cinq mois plus tard [...]

L’article 16 du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993 , stipule que toute réponse à une plainte doit être déposée au plus tard dix jours après réception par la partie défenderesse. Comme le défendeur n’a pas soulevé cette question dans le délai prescrit, la plaignante est d’avis qu’il ne peut plus le faire maintenant. Il a renoncé à son droit de soulever cette question et tente désormais simplement de retarder l’instruction de la plainte au fond.

[...]

[9]   Les plaignantes ont alors demandé d’être autorisées à modifier leur plainte en ajoutant le Conseil du Trésor et Don Graham comme autres défendeurs.

[10]   Dans une lettre datée du 4 février 2005, la Commission a informé les parties qu’elle accédait à la demande des plaignantes de modifier la plainte en ajoutant le Conseil du Trésor et Don Graham à titre de défendeurs.

[11]   À l’audience, l’avocat des défendeurs a de nouveau soulevé cette question en tant qu’objection préliminaire. Il a soutenu que, dans la plainte originale, seul le SCC était nommé comme défendeur, alors qu’il n’est ni « quiconque » ni « une personne » au sens des articles 8 et 9, respectivement, de l’ancienne LRTFP. À l’appui de son argument, il a cité les décisions suivantes de la Commission : Schmidt c. Lang, dossier de la CRTFP n o 161-2-145 (1979) (QL); Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2000 CRTFP 5; Syndicat des agents correctionnels du Canada-CSN c. Costello, 2003 CRTFP 54 et Association des économistes, sociologues et statisticiens c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP n o 161-2-168 (1978) (QL).

[12]   Me Newman a poursuivi en déclarant que le Conseil du Trésor n’est pas défini à l’article 2 de l’ancienne LRTFP, de sorte qu’il ne peut pas être nommé à titre de défendeur en vertu des articles 8 et 9. Bien que l’employeur soit mentionné à l’article 10, il l’est dans une réserve (« [s]auf sans le consentement de l’employeur »), de sorte que sa mention est implicite.

[13]   L’avocate des plaignantes a rétorqué que M. Graham et le Conseil du Trésor avaient été ajoutés à la plainte à titre de défendeurs par suite du courriel de M. Graham, qui avait été envoyé à tous les lieux de travail, d’une part, et d’autre part parce que le redressement demandé vise l’employeur. Dans son courriel, M. Graham avait cité le paragraphe 10(1) de l’ancienne LRTFP. Les plaignantes sont d’avis que l’employeur a refusé son consentement sans raison valable.

[14]   J’ai décidé d’entendre l’affaire au fond sans plus tarder. Je me prononcerai sur l’objection préliminaire de l’avocat des défendeurs dans mes motifs de décision.

[15]   On a demandé l’exclusion des témoins; j’ai accédé à cette demande.

[16]   L’avocate des plaignantes a fait comparaître quatre témoins et déposé quatre pièces. L’avocat des défendeurs en a fait comparaître un; il a déposé deux pièces.

[17]   David McIntosh, qui est actuellement CX-02 à l’établissement de Collins Bay, est au service du SCC depuis 29 ans. Il a déclaré que, avant que l’Union of Canadian Correctional Officers-Syndicat des agents correctionnels du Canada-CSN (UCCO-SACC-CSN) ait été accrédité à titre d’agent négociateur du groupe Services correctionnels (CX), le 13 mars 2001, il était secrétaire-trésorier du Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG), un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), l’agent négociateur accrédité du groupe CX.

[18]   Avant l’accréditation de l’UCCO-SACC-CSN, ses organisateurs étaient allés solliciter les membres de l’AFPC à leur lieu de travail, pendant les heures de travail, pour leur vendre des cartes de membres (2 $) et leur distribuer des casquettes de baseball, des boucles de ceinture et des épinglettes portant le nom et l’insigne de ce syndicat.

[19]   Le témoin a déclaré avoir présenté à l’époque une plainte à Fred Sissons, qui était alors directeur de l’établissement de Collins Bay, en disant s’opposer à ce que les organisateurs de l’UCCO-SACC-CSN fassent campagne à son lieu de travail pendant les heures de travail. Le directeur lui avait répondu : [traduction] « Nous ne devons pas nous en mêler », et la campagne avait continué.

[20]   M. McIntosh a identifié la pièce G-1, sa casquette de baseball. L’emblème de l’ANACF est brodé sur le devant, juste au-dessus d’« AIMTA ». Il a témoigné que, lorsqu’il a porté cette casquette à l’établissement de Collins Bay, deux superviseurs correctionnels (MM. Goldfinch et Gray) lui ont ordonné de l’enlever. Il s’est fait dire qu’il n’était pas autorisé à porter quoi que ce soit avec le logo ou l’insigne de l’ANACF à l’établissement. Il a été aussi averti que, s’il refusait de se conformer à cet ordre, il écoperait d’une mesure disciplinaire. Le témoin a déclaré : [traduction] « Je peux porter n’importe quelle autre casquette de baseball, avec n’importe quel autre logo, mais pas une casquette de l’ANACF. À Collins Bay, des CX portent ouvertement des casquettes de baseball avec des logos et des emblèmes comme ceux de l’Université Queen’s, du SESG, des pompiers ou de la police ». Quand l’avocate des plaignantes lui a demandé pourquoi il voulait porter sa casquette de l’ANACF, il a répondu : [traduction] « Afin de manifester mon appui pour le syndicat et pour notre mouvement ».

[21]   En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré avoir cessé d’être secrétaire-trésorier du SESG quand l’UCCO-SACC-CSN a été accrédité à titre d’agent négociateur.

[22]   Même s’il ne se rappelait pas si le SESG avait porté plainte à la Commission au sujet de la campagne de syndicalisation de l’UCCO-SACC-CSN, il a dit être convaincu que Lynn Ray et John Edmonds (deux dirigeants du SESG) l’avaient fait.

[23]   Quand il s’est fait demander pourquoi cela l’avait assez dérangé pour qu’il présente une plainte au directeur d’alors, le témoin a dit qu’il était choqué, en sa qualité de représentant du SESG, que les organisateurs de l’UCCO-SACC-CSN tentaient de supplanter le SESG et l’AFPC.

[24]   À la question de savoir s’il avait demandé aux organisateurs de l’UCCO-SACC-CSN pourquoi ils distribuaient des casquettes de baseball, des épinglettes et des boucles de ceinture, le témoin a répondu : [traduction] « Ils m’ont ignoré, et je n’aimais pas ça ».

[25]   Le témoin a confirmé qu’il connaît la pièce E-1, le Manuel de référence vestimentaire des employés. Il a reconnu que ce Manuel a pour objet de décrire les vêtements acceptables pour les employés du SCC. Il a aussi reconnu que les superviseurs correctionnels ont le devoir de faire respecter le Manuel. Il a confirmé qu’il existe des casquettes de baseball portant l’emblème du SCC et que les autres casquettes de baseball ne sont pas considérées comme faisant partie de l’uniforme officiel, pas plus que les boucles de ceinture portant un logo ou un insigne quelconques.

[26]   Le paragraphe 14, section III du Manuel de référence stipule notamment :

COMBINAISON DE VÊTEMENTS D’UNIFORME ET CIVILS

  1. L’agent de correction ne porte pas visiblement d’articles ne faisant pas partie de l’uniforme, sauf lorsque le présent document l’autorise expressément. À l’inverse, il est interdit de porter des vêtements d’uniforme (exception faite des casquettes de baseball) avec des vêtements civils, sauf lorsque le présent document l’autorise expressément.

[27]   Le paragraphe 19, section IIII précise ceci :

ÉPINGLETTES DU SERVICE

  1. L’épinglette de revers du Service correctionnel du Canada, l’épinglette d’ancienneté représentant jusqu’à 30 ans de service, une épinglette du syndicat (IPFP/SESG/AFPC) ou une épinglette en nacre peut être portée au revers gauche de la veste d’uniforme.

[28]   Le témoin a reconnu que le Manuel stipule que les épinglettes d’autres agents négociateurs — l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), le SESG et l’AFPC — peuvent être portées, mais il a souligné que l’UCCO-SACC-CSN n’est mentionné nulle part.

[29]   Le témoin a déclaré qu’il ne porte pas d’épinglettes sur son uniforme. S’il portait la casquette de baseball de l’ANTCF(ANACF), c’était afin de manifester son appui pour la campagne de supplantation de l’UCCO-SACC-CSN à titre d’agent négociateur du groupe CX.

[30]   Quand il s’est fait demander si le port de la casquette de l’ANTCF(ANACF) pourrait offenser d’autres membres de l’unité de négociation de l’UCCO-SACC-CSN — ou les agents de correction pris collectivement —, il a déclaré ne pas le savoir. Quant au risque de violence entre les agents de correction et les détenus si ces derniers constataient un manque de solidarité entre les agents, il a déclaré : [traduction] « Même si nous ne sommes pas d’accord sur quelque chose, nous [les agents de correction] nous entraidons tous. C’est notre travail. »

[31]   En réplique, le témoin a déclaré que, même s’il avait reconnu et accepté la pièce E-1, dans d’autres établissements (Bath, Frontenac, Pittsburgh et Beaver Creak), les agents de correction ne sont pas tenus de porter l’uniforme. Il a souligné en outre que de nombreux agents de correction portaient ouvertement des casquettes et des épinglettes arborant le logo de l’UCCO-SACC-CSN — ce qui n’était pas autorisé par le Manuel — pendant la campagne de syndicalisation de ce syndicat, et ce, sans avoir été menacés de sanctions disciplinaires.

[32]   Ron Fontaine est un représentant de haut niveau de l’AIMTA; il en est le président national et président-directeur général du district 140. Il a témoigné que l’AIMTA compte environ 55 000 membres au Canada et que le district 140 en représente environ 18 000. L’AIMTA existe depuis plus de 100 ans.

[33]   La pièce G-2 représente les Statuts de l’AIMTA, datés du 1 er janvier 2001, qui lient tous les éléments locaux du syndicat. Ils sont modifiés selon les besoins; les délégués au congrès national du syndicat, tenu tous les quatre ans, votent pour en accepter les modifications. La section locale 147 a été créée à la suite d’une demande d’un groupe d’agents de correction qui voulaient être représentés par un autre syndicat. Après plusieurs réunions, il a été convenu que leur choix serait l’AIMTA, et leur demande a été acceptée conformément aux Statuts. Le règlement intérieur de l’ANACF, qui est la section locale 147 de l’AIMTA (pièce G-3) a été avalisé et approuvé en juillet 2004 par Dave Ritchie, vice-président général pour le Canada de l’AIMTA, ainsi que par l’exécutif national.

[34]   M. Fontaine n’a pas été contre-interrogé.

[35]   Nelson Hunter, qui travaille actuellement comme CX-1 à l’établissement de Joyceville, est au service du SCC depuis 1991.

[36]   Dans son témoignage, il a déclaré que, depuis la création de l’ANTCF(ANACF), en juillet 2004, il travaille activement avec l’AIMTA pour déloger l’UCCO-SACC-CSN de sa position d’agent négociateur du groupe CX. Il a demandé et obtenu un congé d’un an pour affaires personnelles dans ce but.

[37]   M. Hunter a témoigné que, lorsqu’il est entré à l’établissement de Joyceville avec une casquette de l’ANTCF(ANACF), les superviseurs correctionnels John Pelleren et Ken Keating et le gestionnaire d’unité Dave Finucany sont venus lui ordonner de l’enlever. Ils lui ont dit que s’il décidait de ne pas obéir à leur ordre, il subirait une sanction disciplinaire.

[38]   Le témoin a confirmé qu’il était au courant du courriel envoyé par Don Graham le 15 mai 2003 à tous les directeurs d’établissements régionaux ainsi qu’à Lynn Lajoie, gestionnaire principale des Ressources humaines. Il a déclaré l’avoir déjà vu plusieurs fois.

[39]   Le témoin a déclaré qu’il portait une casquette de l’ANTCF(ANACF) afin de manifester son appui pour cette organisation. Il a souligné que les agents de correction portent des casquettes de baseball portant différents logos et emblèmes, des Maple Leafs de Toronto, des Canadiens de Montréal, des Packers de Green Bay, de Nike, de la GRC, etc. On leur permet de les porter avec leur uniforme, alors qu’on leur interdit de porter une casquette de l’ANTCF(ANACF). Il a dit qu’on ne lui a jamais donné de raison afin de lui expliquer pourquoi il ne pourrait pas porter une casquette de l’ANTCF(ANACF) dans l’établissement.

[40]   M. Hunter se rappelle une conversation qu’il a eue avec Cecil Vriesbnick, le directeur adjoint de l’établissement de Joyceville. Ils parlaient de ses options en vue de demander un congé afin de faire campagne pour l’AIMTA; le courriel du 15 mai 203 de M. Graham a été mentionné, et M. Vriesbnick a déclaré que c’était ces instructions-là qu’il avait eues quant au port de casquettes et d’épinglettes de l’ANTCF(ANACF). Le directeur adjoint lui avait dit que l’approche de la direction dans le contexte de la compagne de syndicalisation de l’UCCO-SACC-CSN — en 1999, 2000 et 2001 — avait consisté à se tenir à l’écart et à ne pas s’en mêler. Il avait précisé que, par suite du courriel de M. Graham, il ne serait pas permis de chercher à recruter des membres ni de porter des casquettes et des épinglettes associées à l’ANTCF(ANACF) ou à l’AIMTA. Cette conversation avec M. Vriesbnick a eu lieu à la mi-juillet 2004.

[41]   En contre-interrogatoire, M. Hunter a déclaré que la direction avec changé sa façon de procéder après la campagne que l’UCCO-SACC-CSN avait menée pour supplanter l’AFPC.

[42]   Il a aussi dit qu’il ne considérait pas la campagne de l’UCCO-SACC-CSN comme offensante, mais plutôt comme l’expression d’une rivalité entre deux syndicats concurrents. Quand on lui a demandé s’il avait obtenu l’autorisation de faire campagne pour l’AIMTA à l’établissement de Joyceville, il a répondu que non.

[43]   En réplique, le témoin a confirmé qu’on n’avait pris des mesures disciplinaires contre aucun des organisateurs syndicaux et qu’on ne leur avait pas non plus refusé l’autorisation de tenter de recruter des membres pendant les heures de travail, lorsque l’UCCO-SACC-CSN faisait campagne.

[44]   Michael Boyd, qui est actuellement CX-02 à l’établissement de Workworth, est au service du SCC depuis environ 13 ans. Il a demandé et obtenu un an de congé pour affaires personnelles, à compter d’août 2004, pour faire campagne au nom de l’ANTCF(ANACF).

[45]   M. Boyd a témoigné s’être fait ordonner par le superviseur correctionnel Phil Gottlieb d’enlever sa casquette de l’ANTCF(ANACF) à son entrée à l’établissement, puisqu’elle n’était pas conforme au code vestimentaire. Il a toutefois souligné qu’on permettait aux agents de correction de porter d’autres casquettes arborant le logo d’équipes professionnelles de sports, de brasseries ou d’écuries de voitures de course, par exemple, avec leur uniforme. Quand il a refusé d’obéir à l’ordre du superviseur Gottlieb, on l’a envoyé chez le directeur adjoint, Rob Arbuckle, qui lui a répété l’ordre d’enlever sa casquette de l’ANTCF(ANACF) et l’a averti qu’il serait renvoyé chez lui sans paye s’il décidait de ne pas l’enlever.

[46]   Le témoin a déclaré que, lorsque l’UCCO-SACC-CSN faisait campagne à l’établissement Workworth pour déloger l’AFPC, il se vendait des cartes de membres 2 $ dans l’établissement, et que des agents portaient ouvertement des casquettes, des ceintures et des épinglettes au logo de l’UCCO-SACC-CSN, sans que la direction ne prenne de mesures disciplinaires. Ce n’est toutefois plus le cas, puisque la direction ne permet pas aux agents de porter quelque article que ce soit manifestant leur appui pour l’ANTCF(ANACF).

[47]   En contre-interrogatoire, M. Boyd a déclaré avoir présenté une plainte au directeur de l’établissement, en sa qualité de président de la section locale du SESG, pendant la campagne de l’UCCO-SACC-CSN à Workworth, mais sans succès.

[48]   Le témoin a dit qu’il peut porter d’autres casquettes — comme une casquette de pompier, par exemple — et qu’il le fait pendant ses rondes. Quand il s’est fait demander s’il avait déjà porté une casquette du SCC, il a répondu que oui, de temps en temps, en précisant toutefois qu’on ne leur fournit pas cette casquette avec l’uniforme; les agents de correction doivent l’acheter s’ils veulent la porter.

[49]   Don Graham, qui est au service du SCC depuis une dizaine d’années, est actuellement agent principal régional des Relations de travail. Avant de travailler au SCC, il a été agent des Ressources humaines au ministère de la Défense nationale (MDN) pendant 20 ans. Il relève de Lynn Lajoie, qui relève elle-même du sous-commissaire adjoint aux Services généraux du SCC. Ses fonctions consistent à donner des avis en matière de relations de travail aux gestionnaires de la Région de l’Ontario, à interpréter les conventions collectives, à prendre les mesures nécessaires au sujet des postes exclus et désignés et à donner des avis sur les questions disciplinaires.

[50]   Le témoin a reconnu avoir envoyé un courriel aux directeurs d’établissements de la région ainsi qu’à M me Lajoie, le 15 mai 2003. Il a expliqué que son courriel reflétait une discussion que les gestionnaires avaient eue en 2003 au sujet des employés qui tentaient de recruter des collègues pour leur faire signer des cartes de membres de l’ANTCF(ANACF). Quand il a été informé de cette campagne, il a demandé l’avis de l’administration centrale. Cet avis lui est venu de Pierre Fréchette, le directeur par intérim, Relations de travail, politiques et planification, après que celui-ci eut consulté des représentants du Conseil du Trésor; il se reflète dans les cinq paragraphes pertinents de son courriel.

[51]   M. Graham a déclaré qu’il avait envoyé le courriel, mais que ce n’était pas à lui qu’il revenait de l’appliquer, puisque c’est une fonction de gestion. Il a toutefois reconnu qu’il s’attendait à ce que la direction des établissements s’y conforme. Il a aussi souligné que la mention du paragraphe 10(1) de l’ancienne LRTFP figurait dans son courriel parce que M. Fréchette lui avait dit de l’invoquer. Enfin, il a déclaré que l’avis émanait de M. Fréchette, et qu’il ne faisait que le communiquer aux directeurs des établissements de tout le pays.

[52]   Le témoin a déclaré qu’il ne savait pas que les agents de correction portaient des casquettes non conformes dans les établissements; il n’avait aucune connaissance personnelle que la direction ne se conformait pas à son courriel.

[53]   Il a identifié la pièce E-2 en disant que c’était un courriel envoyé le 29 mars 2000 par Robert Desilets, directeur général des Relations de travail et de la rémunération au QGDN. Ce document avait été envoyé aux commissaires régionaux du Ministère dans chacune des cinq régions du Canada, de même qu’aux agents des Relations humaines et de travail aux niveaux régional et national, ainsi qu’à lui-même. Il contenait un avis analogue à celui que M. Fréchette lui avait donné.

[54]   Pour ce qui est du Manuel de référence vestimentaire des employés (pièce E-1), M. Graham a confirmé que le port des épinglettes des agents négociateurs y est mentionné. Il a aussi déclaré que, même si ce Manuel devrait être régulièrement mis à jour, il ne l’a pas été depuis 1995.

[55]   M. Graham a déclaré être convaincu que la raison pour laquelle on n’autorise pas les agents de correction à porter des casquettes non conformes, c’est pour éviter les discussions, les conflits ou la décertification des agents négociateurs et pour que les détenus ne détectent pas de faiblesses dans les rangs des agents de correction. Il a souligné que, dans un milieu carcéral, les détenus cherchent continuellement des moyens de causer des difficultés ou d’obtenir un avantage sur les agents de correction.

[56]   En contre-interrogatoire, le témoin a confirmé qu’il ne s’est pas rendu à l’établissement de Collins Bay ni à l’établissement de Workworth depuis plusieurs années.

Résumé des arguments

Pour les plaignantes

[57]   L’avocate a déclaré que le port des casquettes et des épinglettes de l’ANTCF(ANACF) est autorisé en vertu de l’article 6 de l’ancienne LRTFP, qui donne à tous les fonctionnaires le droit de participer aux activités légitimes d’une organisation syndicale. Les membres de l’AIMTA et de l’ANTCF(ANACF) sont victimes de discrimination injuste. On leur permet de porter des casquettes arborant différents logos ou les emblèmes d’autres syndicats, d’équipes professionnelles de sports, etc., mais pas de porter celles de l’ANTCF(ANACF), ce qui est contraire à l’esprit de l’alinéa 8(2)a) et du paragraphe 9(1) de cette Loi. Les défendeurs s’ingèrent dans les activités légitimes d’une organisation syndicale, alors que le paragraphe 8(1) l’interdit.

[58]   L’avocate a fait aussi valoir que les défendeurs refusent de consentir à ce que l’AIMTA tente de persuader des fonctionnaires d’adhérer, de s’abstenir, de continuer ou de cesser d’adhérer à une organisation syndicale, conformément au paragraphe 10(1) de l’ancienne LRTFP, alors qu’ils n’avaient pas refusé leur consentement à l’UCCO-SACC-CSN pendant que ce syndicat faisait campagne pour déloger l’AFPC.

[59]   Subsidiairement, l’avocate allègue que le port des casquettes et des épinglettes de l’ANTCF(ANACF) n’est pas une tentative d’amener des fonctionnaires à faire ce qu’envisage le paragraphe 10(1) de l’ancienne LRTFP.

[60]   Comme redressement, les plaignantes réclament une ordonnance de la Commission déclarant que les défendeurs ont enfreint les dispositions du paragraphe 8(1), de l’alinéa 8(2)a) et des paragraphes 9(1) et 10(1) de l’ancienne LRTFP et leur enjoignant de cesser d’interdire le port des casquettes et des épinglettes de l’ANTCF(ANACF). Elles demandent aussi que l’ordonnance de la Commission soit affichée dans chaque établissement.

[61]   À l’appui de ses arguments, l’avocate me renvoie à la jurisprudence suivante : Quan c. Conseil du Trésor (1990), 90 CLLC 12 039 (CAF); Independent Canadian Transit Union and Amalgamated Transit Union and Ottawa-Carleton Regional Transit Commission (1984), 7 CLRBR (NS) 137; Union of Bank Employees (B.C. & Yukon), Local 2100 and Canadian Imperial Bank of Commerce, North Hills Shopping Centre and Victoria Hills Branches, [1979] 1 Can LRBR 266; Alliance de la Fonction publique du Canada et Barnowski c. Agence des douanes et du revenu du Canada, Wright et Corrigal, 2001 CRTFP 105; Kuszelewski v. Consolidated Fastfrate Limited v. Teamsters Union, Local 938, affiliated with the International Brotherhood of Teamsters, Chauffeurs, Warehousemen and Helpers of America, [1980] OLRB Rep. April 418; Southern Ontario Newspaper Guild v. Metroland Printing, Publishing and Distributing, [1994] OLRB Rep. June 738; Re Wal-Mart Canada Inc. v. Retail Wholesale Canada, Canadian Service Sector Division of the United Steelworkers of America, Local 700, [1998] B.C.L.R.B.D. No. 90; International Brotherhood of Electrical Workers’ Local 636 v. Mississauga Hydro Electric Company, [1994] OLRB Rep. October 1376.

Pour les défendeurs

[62]   L’avocat soutient que ni le Conseil du Trésor, ni le SCC ne peuvent être considérés comme des parties à cette procédure en vertu des articles 8 ou 9 de la LRTFP.

[63]   Bien que la plainte ait été modifiée en vue d’y ajouter M. Graham à titre de défendeur, les plaignants n’ont avancé ni arguments, ni preuves pour justifier qu’on le tienne responsable d’une contravention à l’article 8 ou 9 de l’ancienne LRTFP. La plainte originale ne nommait que le SCC à titre de défendeur. Comme telle, elle devrait être rejetée.

[64]   Me Newman ne conteste pas que l’AIMTA est un syndicat et que la section locale 147 en est un élément, ce qui en fait une organisation syndicale au sens de l’ancienne LRTFP.

[65]   Le Conseil du Trésor et le SCC sont au courant de la campagne de l’ANTCF(ANACF) pour faire désertifier l’UCCO-SACC-CSN comme agent négociateur, tout comme ils étaient au courant, en 2000, de celle de l’UCCO-SACC-CSN pour supplanter l’AFPC. La pièce E-2 a été envoyée à tous les cadres supérieurs pour qu’ils s’en servent comme ligne directrice durant cette campagne.

[66]   En mai 2003, M. Graham avait envoyé des lignes directrices analogues où il citait les articles pertinents de l’ancienne LRTFP. Il n’y avait pas d’intention antisyndicale ni de changement des droits établis des syndicats accrédités dans ces lignes directrices. Le Manuel de référence vestimentaire des employés stipule qu’on ne doit pas porter des macarons syndicaux dans les locaux de l’employeur, mais que le port des épinglettes de long service (30 ans) et de celles de l’IPFPC, du SESG et de l’AFPC est autorisé. Il n’y a aucune objection à ce que des agents en uniforme portent ces épinglettes syndicales sur leur uniforme; ce n’est pas la question.

[67]   On a introduit une preuve anecdotique pour démontrer que les agents porteraient des casquettes non conformes. Si c’était vrai, ce serait de toute évidence une aberration. La preuve des agents de correction qui ont témoigné à l’audience avoir déposé une plainte parce qu’ils s’étaient fait ordonner d’enlever leurs casquettes de l’ANTCF(ANACF) est purement anecdotique elle aussi.

[68]   Le code vestimentaire des agents travaillant dans les établissements pénitentiaires doit être conforme à une norme professionnelle, car ces établissements sont considérés comme des milieux volatils. Le port de casquettes non autorisées peut susciter des discussions ou alimenter la dissension entre des agents de correction, ce que les détenus ne manqueraient pas d’observer.

[69]   M. Graham donne des avis aux gestionnaires; il n’est pas gestionnaire lui-même. En outre, il avait reçu l’avis en question de M. Fréchette, après que celui-ci eut consulté des agents du Conseil du Trésor. M. Fréchette n’a pas été nommé à titre de défendeur en l’espèce. M. Graham n’était que le transmetteur de cet avis; cela faisait partie de ses fonctions. Il n’a pas contrevenu à l’article 8 ou 9 de l’ancienne LRTFP; il a tout simplement fait son travail. Par conséquent, il ne peut pas être légitimement considéré comme partie à la plainte.

[70]   L’avocat des défendeurs me renvoie à Almeida c. Canada (Conseil du Trésor), [1991] 1 C.F. 266.

Réplique

[71]   L’avocate des plaignantes fait valoir que l’organisation est la première étape du processus de négociation collective.

[72]   Elle convient que M. Graham n’était pas impliqué dans l’ordre intimé à MM. Hunter, McIntosh et Boyd de ne pas porter de casquettes de l’ANTCF(ANACF) et qu’il faisait son travail. C’est précisément pour cette raison que le Conseil du Trésor et le SCC sont nommés à juste titre comme défendeurs dans cette affaire. C’est l’employeur qui interdit une activité syndicale légitime; M. Graham était son porte-parole. Quant à l’allégation de Me Newman que le port d’épinglettes et de casquettes créerait une atmosphère explosive dans le milieu de travail entre syndicats rivaux et pourrait causer entre les agents de correction des problèmes que les détenus remarqueraient, il n’y a aucune preuve que cela se soit produit quand l’UCCO-SACC-CSN et l’AFPC étaient en campagne, en 1999, 2000 et 2001.

[73]   La preuve de MM. Hunter, McIntosh et Boyd est un témoignage non contredit quand ils ont déclaré s’être fait ordonner de ne pas porter de casquettes de l’ANTCF(ANACF), alors que le port d’autres casquettes était permis; ce n’est pas une preuve anecdotique, ni une aberration.

[74]   Enfin, alléguer qu’il n’y a pas d’antisyndicalisme à l’endroit de l’AIMTA va plus loin que le laisser entendre, puisque c’est une déclaration catégorique. En effet, on n’autorise pas le port d’épinglettes, de macarons ou de casquettes de l’ANTCF(ANACF) dans les locaux du SCC.

Observations écrites

[75]   Le 1 er avril 2005, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique est devenue la nouvelle Commission, avec l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, a lui aussi été remplacé par le Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le Règlement).

[76]   Bien que l’audience en l’espèce ait eu lieu les 21 et 22 février 2005, la décision n’était pas encore rendue avant l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi, dont la Commission a souligné le paragraphe 39(1) dans une lettre aux parties datée du 21 avril 2005 :

39(1)  Sous réserve des autres dispositions de la présente section, les affaires dont l’ancienne Commission était saisie à l’entrée en vigueur de l’article 12 de la loi se poursuivent devant la nouvelle Commission qui en décide conformément à la nouvelle loi.

[77]   Les parties ont été invitées à présenter des observations écrites quant à leur interprétation de l’expression « en décide conformément à la nouvelle loi », autrement dit sur le régime législatif qui devrait s’appliquer lorsqu’elle rendrait une décision, celui de l’ancienne Loi à l’égard des plaintes et des interdictions, ou celui de la nouvelle Loi à l’égard des plaintes et des pratiques déloyales de travail.

[78]   Le 9 mai 2005, Me Ballantyne a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Je réponds à votre lettre datée du 21 avril 2005 demandant des observations des parties sur l’effet de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi .

La position de la plaignante est que la question devrait être tranchée sous le régime de l’ancienne Loi . Si l’application de la décision posait problème, elle devrait se faire en vertu de la nouvelle Loi .

Je pense bien que les défendeurs prendront la même position et qu’une lettre d’eux en ce sens devrait suivre sous peu.

Ceci est dit sans préjudice pour la position que la plaignante pourra prendre dans des affaires ultérieures.

[79]   Dans une lettre datée du 10 mai 2005, Me Newman a donné la réponse suivante :

[Traduction]

Je réponds à votre lettre datée du 21 avril 2005 dans laquelle la Commission demandait aux parties des observations sur les applications du paragraphe 39(1) de la LMFP , et plus particulièrement sur la question de savoir comment la nouvelle Commission va trancher cette plainte fondée sur l’alinéa 23(1) a ) de l’ancienne Loi .

L’employeur a pour position que, comme tout ce qui restait à faire au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi était la rédaction d’une décision, cette décision peut désormais être rendue en tant que décision de la nouvelle Commission et appliquée comme telle conformément à la nouvelle Loi .

Il n’y a pas de disposition transitoire dans la nouvelle Loi en ce qui concerne les plaintes fondées sur l’alinéa 23(1) a ) de l’ancienne. Quand le Parlement a voulu qu’un régime différent s’applique à la procédure, il a expressément précisé de quelle façon l’affaire devait être tranchée (voir p. ex. l’art. 59 de la LMFP ). Toutefois, il ne l’a pas fait en ce qui concerne les plaintes fondées sur l’al. 23(1) a ). La présomption veut que la loi ne soit pas censée avoir d’effets rétroactifs ni porter atteinte à des droits acquis, mais des dispositions procédurales peuvent s’appliquer immédiatement (voir Driedger on the Construction of Statutes , 3 rd ed., p. 508-549. Voir aussi la Loi d’interprétation , art. 43). Le paragraphe 39(1) de la LFMP précise simplement que l’ordonnance qui sera rendue est une ordonnance de la nouvelle Commission.

Si cette observation n’est pas retenue, il serait apprécié que les parties aient la possibilité de présenter des arguments de vive voix.

Motifs

  • Le régime législatif applicable

[80]   Il existe de grandes différences entre les régimes de l’ancienne et de la nouvelle LRTFP. L’une d’elles concerne la partie contre laquelle une plainte peut être portée : en vertu du paragraphe 8(1) de l’ancienne Loi, la plainte peut concerner « quiconque occupant un poste de direction ou de confiance », alors que le paragraphe 186(1) de la nouvelle LRTFP interdit « à l’employeur » ainsi qu’au « titulaire d’un poste de direction ou de confiance » d’avoir des pratiques déloyales de travail. En outre, dans la nouvelle Loi, lorsqu’une plainte est fondée sur le paragraphe 186(2), l’équivalent du paragraphe 8(2) de l’ancienne Loi, le fardeau de la preuve est inversé et incombe au défendeur.

[81]   En l’espèce, toutefois, la plainte a été présentée sous le régime de l’ancienne LRTFP. Une fois qu’elle a été déposée, les droits des parties ont été fixés, et cela inclut l’identité des parties éventuelles et celle des parties qui doivent assumer le fardeau de la preuve. À moins que le Parlement ne l’ait clairement indiqué, il ne faudrait pas porter atteinte à ces droits (voir Ruth Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4 th ed., p. 568, et l’art. 43 de la Loi d’interprétation). Pour ces motifs, je souscris aux observations des parties et conclus que l’article 39 de la LMFP explique que, dans les circonstances, la plainte doit être tranchée par la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique, conformément au régime législatif de l’ancienne LRTFP.

  • La plainte

[82]   Dans la présente affaire, la plainte est fondée sur l’alinéa 23(1)a) de l’ancienne LRTFP, qui dispose que : « La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l’employeur [...] ou une personne agissant pour le compte de celui-ci [...] n’a pas [...] observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10 ».

[83]   Dans leur plainte originale, les plaignantes alléguaient que le SCC avait contrevenu au paragraphe 8(1), à l’alinéa 8(2)a) et aux paragraphes 9(1) et 10(1) de l’ancienne LRTFP. L’avocat des défendeurs a répliqué que le SCC n’est pas « quiconque » ni « une personne » au sens respectivement de l’article 8 et de l’article 9 de l’ancienne LRTFP, ni pour leurs fins, de sorte qu’il ne pouvait pas être légitimement nommé à titre de défendeur. L’avocate des plaignantes a demandé alors que la plainte soit modifiée de façon à inclure le Conseil du Trésor et M. Graham à titre de défendeurs. La Commission a accueilli cette demande en vertu de l’article 7 du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, qui stipule que la Commission peut ordonner l’adjonction de personnes à titre de parties à une procédure.

[84]   Je dois donc commencer par me prononcer sur le statut des défendeurs nommés. Comme le Conseil du Trésor et Don Graham ont été ajoutés, je dois déterminer si l’on peut dire qu’ils sont « l’employeur » ou « une personne agissant pour [son] compte », au sens où l’entend le paragraphe 23(1) de l’ancienne LRTFP.

[85]   À cette fin, je dois analyser le libellé du paragraphe 8(1), de l’alinéa 8(2)a) et des paragraphes 9(1) et 10(1) de l’ancienne Loi :

8. (1)  Il est interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur, de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale, ou d’intervenir dans la représentation des fonctionnaires par une telle organisation ou dans les affaires en général de celle-ci.

  (2)  Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne, ou encore de faire des distinctions injustes fondées, en ce qui concerne l’emploi ou l’une quelconque des conditions d’emploi d’une personne, sur l’appartenance de celle-ci à une organisation syndicale ou sur l’exercice d’un droit que lui accorde la présente loi;

[...]

9. (1)  Sauf dans les conditions et cas prévus par la présente loi, un règlement, une convention collective ou une décision arbitrale, il est interdit à une personne occupant un poste de direction ou de confiance, qu’elle agisse ou non pour le compte de l’employeur, de faire des distinctions injustes à l’égard d’une organisation syndicale.

[...]

10. (1)  Sans le consentement de l’employeur, un dirigeant ou un représentant d’une organisation syndicale ne peut, dans les locaux de l’employeur et pendant les heures de travail d’un fonctionnaire, tenter d’amener celui-ci à adhérer, ou à s’abstenir, continuer ou cesser d’adhérer, à une organisation syndicale.

[86]   Les paragraphe 8(1) et 9(1) limitent l’application des interdictions aux personnes occupant un poste de direction ou de confiance, selon la définition qu’en donne l’article 2 de l’ancienne LRTFP :

« poste de direction ou de confiance »

a) Poste de confiance occupé auprès du gouverneur général, d’un ministre fédéral, d’un juge de la Cour suprême du Canada, de la Cour d’appel fédérale, de la Cour fédérale ou de la Cour canadienne de l’impôt, de l’administrateur général d’un ministère ou du premier dirigeant de tout autre secteur de la fonction publique;

b) poste classé par l’employeur dans le groupe de la direction, quelle qu’en soit la dénomination;

c) poste de conseiller juridique du ministère de la Justice ou de l’Agence des douanes et du revenu du Canada;

d) poste du Conseil du Trésor;

e) poste dont l’occupant dispense des avis sur les relations de travail, la dotation en personnel ou la classification;

f) poste dont l’occupant a, en matière de relations de travail, des fonctions de confiance auprès des occupants des postes visés aux alinéas  b ) ou c );

g) poste ainsi qualifié en application des articles 5.1 ou 5.2 et dont la qualification n’a pas été annulée en application de l’article 5.3;

[C’est moi qui souligne.]

[87]   Par contre, l’alinéa 8(2)a), plus spécifique, précise les activités interdites :

(2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit :

a ) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne, ou encore de faire des distinctions injustes fondées, en ce qui concerne l’emploi ou l’une quelconque des conditions d’emploi d’une personne, sur l’appartenance de celle-ci à une organisation syndicale ou sur l’exercice d’un droit que lui accorde la présente loi [...]

[C’est moi qui souligne.]

[88]   Je suis convaincu que le SCC et le Conseil du Trésor ne sont pas visés aux alinéas 2(1)a) à g). Plus précisément, je conclus qu’ils ne peuvent pas être nommés à titre de défendeurs, puisque les interdictions du paragraphe 8(1), de l’alinéa 8(2)a) et de l’article 9(1) ne s’appliquent pas à eux. Toutefois, je suis d’avis que M. Graham est certainement visé par l’alinéa (2)e) de l’ancienne LRTFP.

[89]   M. Graham a témoigné que ses fonctions consistent à donner des avis sur les questions de relations de travail, y compris les aspects disciplinaires, ainsi que sur l’interprétation des conventions collectives. Le paragraphe 23(1) de l’ancienne LRTFP impose à la Commission l’obligation d’instruire toute plainte dont elle est saisie selon laquelle un défendeur n’a pas observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10. Cela dit, il incombe à l’AIMTA ainsi qu’à l’ANTCF(ANACF) de produire des preuves que les activités des défendeurs ont eu un effet ou des conséquences directes pour elles.

[90]   L’AIMTA et son élément la section locale 147 ANTCF(ANACF) correspondent à la définition d’une organisation syndicale à l’article 2 de l’ancienne LRTFP. Je fonde cette conclusion sur l’introduction des Statuts et du Règlement intérieur dûment constitués et établis (pièces G-2 et G-3) des intéressés.

[91]   L’article 6 de l’ancienne LRTFP dispose que :

6.   Un fonctionnaire peut adhérer à une organisation syndicale et participer à l’activité légitime de celle-ci.

[92]   Dans Alliance de la Fonction publique du Canada et Barnowski c. Agence des douanes et du revenu du Canada, Wright et Corrigal (supra), le président Yvon Tarte a déclaré ce qui suit et à quoi je souscris :

[51]    La Commission a reconnu il y a longtemps l’importance fondamentale que l’on doit attribuer au droit d’un fonctionnaire de participer aux activités légitimes d’une organisation syndicale dans M. M. Stonehouse et le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 161-2-137, au paragraphe 43) :

[...]

Les termes employés dans l’article 6 de la loi sont essentiels à l’intention de la loi. Ils sont la Grande Charte réglementaire des droits conférés à tous les employés assujettis à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique . En termes simples et concis, l’article stipule que tout employé peut devenir membre d’une association d’employés et participer aux activités légitimes de cette dernière. Ces droits peuvent être exercés sans distinction par tous les employés sans exception et ce sans crainte et sans restriction imposée par qui que ce soit. Sans ces droits, l’ensemble des autres dispositions de la loi portant sur l’accréditation d’un agent négociateur, la négociation collective, la médiation et le règlement des différends et des griefs serait pure moquerie.

[...]

[93]   La preuve produite à l’audience ne me permet pas de conclure que les témoins des plaignantes aient fait du tort ou se soient engagés dans des activités illégales ou illicites en portant des casquettes de l’ANTCF(ANACF) dans leurs établissements respectifs. J’accepte leurs témoignages non contredits et non contestés que des agents de correction ont porté et portent encore diverses casquettes au logo ou à l’emblème d’équipes de sports, d’universités, de corps de pompiers et de police, etc. J’accepte leurs témoignages que la direction leur a ordonné d’enlever leurs casquettes de l’ANTCF(ANACF) et les a avertis que, s’ils n’obéissaient pas à cet ordre, ils subiraient des mesures disciplinaires.

[94]   À mon avis, il est évident que le Manuel de référence vestimentaire des employés est rarement appliqué et qu’il ne l’est pas également quand on l’applique. Sa dernière mise à jour remonte à 1995, ce qui en dit long sur l’importance — ou le peu d’importance — que le SCC accorde à l’habillement des agents de correction. J’ai analysé ce Manuel et je n’y ai trouvé aucune indication que des couleurs, des logos ou des emblèmes de casquettes soient interdits. Plus précisément, les paragraphes 14 et 44 stipulent ce qui suit :

COMBINAISON DE VÊTEMENTS D’UNIFORME ET CIVILS

  1. L’agent de correction ne porte pas visiblement d’articles ne faisant pas partie de l’uniforme, sauf lorsque le présent document l’autorise expressément. À l’inverse, il est interdit de porter des vêtements d’uniforme (exception faite des casquettes de baseball) avec des vêtements civils, sauf lorsque le présent document l’autorise expressément.

[C’est moi qui souligne.]

VÊTEMENTS DE TRAVAIL D’ÉTÉ

  1. Les vêtements de travail d’été sont portés pour les tâches opérationnelles et d’instruction de routine quand ils sont autorisés. Ils comprennent :

    - une casquette de baseball (facultatif)

[... ]

[C’est moi qui souligne.]

[95]   Le paragraphe 19, qui porte sur les Épinglettes du Service, stipule que les agents peuvent porter des épinglettes de l’IPFPC, du SESG et de l’AFPC au revers gauche de leur veste d’uniforme. Il s’ensuit, dans l’interprétation de ce paragraphe, qu’ils ne sont pas autorisés à porter des épinglettes de l’UCCO-SACC-CSN. Dans ce cas-là aussi, j’accepte le témoignage rendu par les personnes qui ont comparu pour les plaignantes, à savoir que des agents de correction portent bel et bien de telles épinglettes. Je ne souscris pas à l’argument des défendeurs que les agents mettent en danger le personnel de l’établissement, leurs collègues agents de correction et (ou) les détenus en portant des casquettes ou des épinglettes de syndicats rivaux. Il se porte actuellement des casquettes et des épinglettes différentes, et l’on ne m’a soumis aucune preuve écrite ou orale pour me convaincre qu’on s’inquiète actuellement ou qu’on s’est jamais inquiété à juste titre pour la sécurité. Je suis beaucoup plus enclin à accepter le témoignage de M. McIntosh, un agent de correction justifiant de quelque 29 ans d’expérience. Je suis convaincu que, quel que soit le syndicat auquel ils adhèrent, les agents de correction ont l’obligation et le devoir fondamentaux de s’entraider, même si cela n’est pas précisé dans un manuel, une ligne directrice, une politique ou une directive. Comme M. McIntosh l’a déclaré, c’est leur travail. Je pense que leur raison d’être consiste à se protéger les uns les autres dans un environnement qui peut parfois être dangereux et volatil.

[96]   Je conclus par conséquent que M. Graham peut à juste titre être considéré comme un défendeur dans la présente affaire, mais je ne conclus toutefois pas qu’il ait contrevenu au paragraphe 8(1) de l’ancienne LRTFP. Les plaignantes n’ont pas produit de preuve pour démontrer qu’il ait participé à la formation ou à l’administration de la section locale 147 ou qu’il soit intervenu dans la représentation des fonctionnaires par cette organisation syndicale.

[97]   Je juge toutefois que M. Graham a contrevenu à l’alinéa 8(2)a) et au paragraphe 9(1) de l’ancienne LRTFP en envoyant un courriel contenant l’avis d’interdire aux agents de correction de porter des épinglettes, des macarons ou des casquettes de baseball portant l’emblème de l’ANTCF(ANACF) dans les locaux du SCC et précisant que, s’ils ne se conformaient pas à cet ordre, ils seraient passibles de sanctions disciplinaires.

[98]   Le paragraphe 8(2) de l’ancienne LRTFP interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance de faire des distinctions injustes contre une personne parce qu’elle est membre d’une organisation syndicale. MM. Hunter, Boyd et McIntosh, qui sont tous trois membres de la section locale 147, ont été menacés par leurs superviseurs de sanctions disciplinaires — incluant celle d’être renvoyés chez eux sans paye — s’ils refusaient d’enlever leurs casquettes de l’ANTCF(ANACF) pendant qu’ils étaient dans les locaux de l’établissement. D’après le courriel de M. Graham, seuls les agents de correction portant des casquettes de l’ANTCF(ANACF) étaient passibles de mesures disciplinaires. Je crois le témoignage des agents de correction, à savoir qu’on porte ouvertement des casquettes de différents syndicats, de corps de pompiers et de corps de police, d’équipes de sports et d’universités, par exemple, dans leurs établissements respectifs.

[99]   Je conclus par conséquent que M. Graham a contrevenu au paragraphe 9(1) de l’ancienne LRTFP en faisant une distinction injuste à l’égard de l’AIMTA et de l’ANTCF(ANACF), à savoir d’une organisation syndicale, lorsqu’il a interdit dans son courriel le port des casquettes de l’ANTCF(ANACF).

[100]   Je ne suis toutefois pas d’avis qu’il ait contrevenu au paragraphe 10(1) en s’opposant à ce que les représentants d’une organisation syndicale tentent pendant les heures de travail d’un fonctionnaire de l’amener à adhérer à leur organisation, puisque ce paragraphe précise très clairement qu’une telle activité est interdite «  [s]ans le consentement de l’employeur » [c’est moi qui souligne]. Les plaignantes n’ont pas produit de preuve pour démontrer qu’elles avaient officiellement demandé ce consentement à l’employeur et qu’il l’avait refusé. Bien qu’elles aient déclaré en preuve que les organisateurs de l’UCCO-SACC-CSN vendaient des cartes de membre durant leur campagne, il est possible que ce syndicat ait obtenu le consentement de l’employeur, à l’époque.

[101]   J’accepte l’allégation que M. Graham n’était qu’un intermédiaire entre le SCC et M. Fréchette. Toutefois, j’ai conclu qu’il n’a pas observé les interdictions énoncées à l’alinéa 8(2)a) et au paragraphe 9(1) de l’ancienne LRTFP, en envoyant son courriel au nom de l’employeur.

[102]   Je tiens aussi à souligner que mon analyse des décisions rendues dans les affaires Almeida c. Canada (Conseil du Trésor) (supra) et Quan c. Conseil du Trésor (supra) auxquelles les avocats des parties m’ont renvoyé, m’a amené à la conclusion suivante.

[103]   Dans Quan c. Conseil du Trésor, le juge en chef Iacobucci (qu’il était à l’époque) avait repris l’approche et le libellé de la Commission dans Canada (Procureur général) c. Bodkin, [1990] 2 C.F. 191, tels que reproduits dans Quan. Quand on se demande si porter un macaron d’un syndicat pendant les heures de travail est une activité syndicale légitime, on n’a d’autre choix que de se demander ce que le macaron signifie. En fait, j’ai été invité par les deux parties à le faire, et, ce faisant, je pars du principe que l’employeur ne devrait pas être obligé de tolérer que des fonctionnaires portent pendant leurs heures de travail des macarons syndicaux arborant des déclarations dérogatoires ou dommageables pour sa réputation et pouvant aussi nuire à ses opérations.

[104]   En l’espèce, on ne m’a présenté aucune preuve probante que la réputation ou les opérations de l’employeur aient souffert du fait que des agents de correction portaient des casquettes ou des épinglettes de l’ANTCF(ANACF).

[105]   Dans Quan c. Conseil du Trésor (supra) les fonctionnaires portaient des macarons déclarant qu’ils étaient prêts pour la grève, ce qui témoignait de la conviction du syndicat que les négociations collectives n’avançaient pas assez rapidement.

[106]   Dans cette affaire-ci, les agents de correction ne portaient pas des macarons, mais plutôt des épinglettes du syndicat. Une épinglette syndicale porte simplement le nom et le logo de la section locale ou de l’organisation syndicale mère. Ce n’est pas une déclaration politique concernant les négociations collectives, les politiques ou les pratiques de l’employeur, ou encore des projets de loi du gouvernement susceptibles d’avoir des répercussions sur les relations de travail. Une épinglette syndicale est une simple reconnaissance du syndicat auquel les fonctionnaires décident d’adhérer.

[107]   Dans Almeida c. Conseil du Trésor (supra), les inspecteurs des douanes portaient des macarons syndicaux arborant des déclarations comme « PAS DE DROGUE NI DE PORNO » et « GARDONS NOS INSPECTEURS DES DOUANES ». Ces macarons étaient des déclarations politiques. Les inspecteurs des douanes, qui sont constamment en contact avec le public, les portaient sur leur uniforme. Par contre, en l’espèce, les agents de correction ne sont pas en contact avec le public. Aux établissements dont les témoins ont parlé, il se porte une multitude de casquettes, et la direction tolère une conformité nonchalante au code vestimentaire des agents de correction. C’est pour ces motifs que je ne pense pas que la décision rendue dans cette affaire-là s’applique ici.

[108]   Le paragraphe 23(2) de l’ancienne LRTFP prévoit que :

(2) Dans les cas où, en application du paragraphe (1), elle juge l’employeur, une organisation syndicale ou une personne coupable d’un des manquements qui y sont énoncés, la Commission peut, par ordonnance, lui enjoindre d’y remédier ou de prendre toute mesure nécessaire à cet effet dans le délai qu’elle estime approprié.

[109]   Par conséquent, j’ordonne que M. Graham retire son courriel et que son texte soit retiré du milieu de travail, puisque j’ai conclu que le port de casquettes et d’épinglettes de l’ANTCF(ANACF) est une activité légitime légale d’une organisation syndicale dûment autorisée et qu’il ne met absolument pas en danger les détenus, le personnel et les agents de correction dans leurs établissements respectifs.

[110]   Je ne vois aucune raison d’ordonner à l’employeur d’afficher la déclaration de la Commission dans chaque lieu de travail ou chaque établissement.

[111]   Pour finir, je tiens à souligner que la direction a manqué de rigueur dans sa mise à jour et son application du Manuel de référence vestimentaire des employés.

[112]   Pour tous les motifs qui précèdent, la Commission rend l’ordonnance suivante :

Ordonnance

[113]   La plainte est accueillie dans la mesure précisée précédemment.

Le 6 juin 2005.

D.R. Quigley,
commissaire

Traduction de la C.R.T.F.P.

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