Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief pour contester sa présumée rétrogradation; le grief a été réglé au moyen d’un protocole d’accord (PA) en 2002, avant le début de l’audience d’arbitrage et sans qu’il soit porté atteinte au droit du fonctionnaire s’estimant lésé de maintenir sa demande d’examen par une tierce partie indépendante (ETPI) - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas retiré son grief et, après le processus d’ETPI, qu’il n’a pas jugé satisfaisant, il a fait savoir à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) qu’il souhaitait maintenir son grief - l’employeur a soulevé une objection relative à la compétence de la Commission pour entendre le grief en s’appuyant sur le fait que le grief était réglé - l’arbitre a conclu que le PA constituait une entente valide et exécutoire et qu’il n’avait donc pas compétence pour entendre le grief - l’intention manifestée par les parties au moment de signer le PA est d’une importance critique, mais le fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais affirmé qu’il avait été contraint ou mal représenté, et il n’a jamais affirmé que les conditions énoncées dans le PA étaient déraisonnables - le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que l’employeur n’avait pas respecté une section du PA, mais la Commission avait précédemment déterminé qu’un arbitre n’avait pas compétence pour entendre un grief une fois que les parties avaient signé une entente exécutoire, que les modalités de l’entente aient été respectées ou non - un arbitre n’a pas compétence pour donner force exécutoire aux conclusions d’un ETPI - l’arbitre n’a donc pas tenu compte de l’allégation du fonctionnaire s’estimant lésé selon laquelle l’employeur avait ignoré les résultats du rapport de l’ETPI - bien que le fonctionnaire s’estimant lésé ait affirmé que le PA était trop vague pour être mis en application, il n’a pas déposé de preuves en ce sens - le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé n’ait pas retiré le grief de l’arbitrage n’a pu avoir d’incidence sur la question de la compétence, étant donné que la Commission avait examiné cette question et statué qu’une entente valide rend la Commission totalement inapte à entendre un grief - la formulation du PA était claire et n’était pas tributaire du retrait du grief du fonctionnaire s’estimant lésé et, de plus, le retrait du grief était implicite dans le libellé du PA, qui indique qu’il s’agit d’un règlement intégral et final, comme c’était le cas en l’espèce. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-07-20
  • Dossier:  166-2-30919
  • Référence:  2005 CRTFP 73

Devant un arbitre de grief



ENTRE

LIONEL CASTONGUAY

fonctionnaire s’estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Castonguay c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : D.R. Quigley, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Lui-même

Pour l’employeur : Me Neil McGraw, avocat


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 14 juin 2005.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l’arbitrage

[1]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté le grief qui suit dans une lettre datée du 20 août 2001 :

[Traduction]

[...]

Au sujet de votre lettre datée du 16 août 2001, je vous prie de prendre note que je m’oppose à ma rétrogradation du niveau PM5.

J’ai demandé à être représenté dans cette affaire pour être intégralement dédommagé de la sanction pécuniaire qui m’a été imposée.

À cet égard, le cabinet [...] va me représenter; j’autorise par la présente lettre l’Agence des douanes et du revenu du Canada à lui communiquer les renseignements pertinents.

Me Jeff Andrew, un associé du cabinet, va s’occuper de mon grief.

Je reste à votre disposition pour discuter avec vous de personne à personne, sans préjudice.

[...]

[2]   L’employeur avait d’abord commencé par ne pas considérer cette lettre comme un grief, mais il a ultérieurement décidé de la reconnaître comme tel. Dans une lettre datée du 23 octobre 2001, Sean Gaudet, avocat-conseil au Service du droit public et des organismes centraux du ministère de la Justice, a répondu à l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé comme suit :

[Traduction]

[...]

La présente lettre est une réponse à la vôtre datée du 31 août 2001, adressée à [...] , de l’ADRC, ainsi qu’à la lettre de M. Castonguay datée du 20 août 2001, elle aussi adressée à [...] .

Si j’en crois le renvoi à l’arbitrage du grief de votre client daté du 9 octobre 2001, il appert que M. Castonguay voulait que sa lettre du 20 août 2001 soit réputée être son grief présenté par écrit conformément aux dispositions sur les griefs de la convention collective. Bien que l’ADRC n’ait pas interprété cette lettre de M. Castonguay comme un grief, elle est disposée à la traiter comme tel maintenant, de sorte que la présente lettre constitue sa réponse au grief.

L’ADRC nie que M. Castonguay ait été rétrogradé et nie aussi qu’il lui ait été imposé une sanction pécuniaire. Le grief de M. Castonguay est donc rejeté.

[...]

[3]   Le grief a été renvoyé à l’arbitrage de grief le 10 octobre 2001; une date d’audience a été fixée en mars 2002. Avant le début de l’audience, toutefois, les parties sont arrivées à une entente grâce à la médiation. Elles ont signé un « protocole d’accord (PA) » daté du 19 mars 2001. (Il est à noter que les deux parties conviennent que ce PA devrait être daté du 19 mars 2002 plutôt que 2001.)

[4]   D’emblée, il faut préciser que, au moment où M. Castonguay a présenté son grief, il était au service de l’Agence des douanes et du revenu du Canada, alors un employeur distinct. Par suite de la réorganisation de l’administration fédérale annoncée le 12 décembre 2003, son poste a été transféré de cette Agence à l’Agence des services frontaliers du Canada, pour laquelle le Conseil du Trésor est l’employeur. Par conséquent, la décision rendue dans la présente affaire s’applique au fonctionnaire s’estimant lésé et au Conseil du Trésor.

[5]   Bien que le contenu d’un PA soit habituellement confidentiel, les parties en l’espèce m’ont autorisé à en faire état dans ma décision. L’avocat de l’employeur a toutefois demandé que l’identité de quiconque mentionnée dans le protocole d’accord soit protégée, et j’ai agi en conséquence.

[6]   Au début de l’audience, l’avocat de l’employeur a contesté ma compétence en disant que le grief avait été réglé. Il a fait valoir que le fonctionnaire s’estimant lésé avait accepté un règlement complet et final de son grief le 19 août 2002 et qu’il avait signé un PA l’attestant.

[7]   L’avocat a déclaré que la jurisprudence veut que, si le fonctionnaire s’estimant lésé ne peut prouver avoir été victime d’un règlement forcé ou avoir signé le protocole sous la contrainte, je n’aie pas compétence pour instruire l’affaire.

[8]   J’ai informé les parties que j’allais entendre leurs arguments sur la question de compétence seulement et que je rendrais ensuite une décision préliminaire.

[9]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, je demeure saisi de ce renvoi à l’arbitrage de grief, sur lequel je dois statuer conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’ancienne Loi).

Résumé de l’argumentation

[10]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a lu à haute voix la déclaration écrite qu’il a rédigée et qui est reproduite en partie ci-dessous. Une copie de la déclaration intégrale a été versée au dossier de la Commission.

[Traduction]

1.  Le grief n’a pas été retiré

  • [...] Je n’ai pas retiré ce grief et je ne m’en suis pas retiré non plus, contrairement à ce que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient fait dans les deux affaires tranchées par la CRTFP ( Myles et Bedok ) mentionnées dans la lettre du 6 juin de Me McGraw.
  • La Commission des relations de travail dans la fonction publique m’a plusieurs fois demandé depuis novembre 2002 si l’entente avait été conclue et si elle pouvait fermer son dossier. J’ai répondu chaque fois que ce n’était pas possible tant que la procédure d’examen par une tierce partie indépendante (ETPI) que prévoit l’ADRC ne serait pas terminée. De mon point de vue, cet examen n’est toujours pas fini, puisque l’employeur ne s’est pas conformé à l’esprit de la décision de la tierce partie, rendue le 16 novembre 2003. L’employeur m’a aussi refusé la possibilité de faire étudier par une tierce partie mon allégation dénonçant son comportement arbitraire, alors que c’était pourtant prévu dans le protocole d’accord à la suite de l’examen par une tierce partie indépendante en date du 12 juin 2002.

2.  L’accord était conditionnel plutôt que final et exécutoire

  • [...] l’expression « sur la base suivante » figure dans le préambule du PA du 19 mars 2002, ce qui signifie que l’accord était conditionnel à l’exécution par l’employeur de ses modalités.
  • Le processus d’examen interne de l’ADRC elle-même a abouti à la conclusion que l’employeur avait été arbitraire et n’avait pas respecté le PA de mars 2002 [...] Dans sa décision rendue le 16 novembre 2003, la responsable de l’ETPI à l’ADRC, Tanja Wacyk, a conclu que l’employeur ne s’était pas conformé à ce PA de l’ancienne CRTFP de mars 2002.
  • [...] conformément au PA, le principe de préclusion interdisait à l’employeur de faire des commentaires négatifs ou de prendre des mesures qui pourraient me nuire et m’empêcher d’être dûment nommé PM5 pour une période indéterminée.

[...]

3.  Une entente est conclue lorsque les esprits se rencontrent

  • [...] Par conséquent, lorsqu’il n’y a pas d’engagement mutuel très concret, le PA ne peut pas être appliqué. Dans Corbin on Contracts , Arthur Linton Corbin a écrit que « le caractère flou, indéfini et incertain de toute condition essentielle a souvent été considéré comme prévenant la création d’un contrat exécutable ». Peut-être le PA de mars 2002 a-t-il été rédigé à la hâte. Une des indications qu’il l’a été est que même l’année de sa signature n’est pas la bonne. Il n’est pas applicable en raison des généralités de son libellé qui se prêtent à des interprétations divergentes par les parties.

4.  Compétence de la Commission quant à l’application du PA

[...]

  • [...] On ne devrait pas laisser les représentants de l’employeur échapper aux remords du négociateur du PA de mars 2002 en les niant ensuite dans le contexte de la procédure d’examen par une tierce partie indépendante de l’employeur. En faisant de nouveau des allégations mensongères à mon endroit dans le cadre de cette procédure sans reconnaître le fait que mon travail est irréprochable, ses représentants ont vidé le PA de son sens. Comme la nouvelle CRTFP ne peut pas le modifier de façon conforme à sa véritable raison d’être, le PA est donc nul et non avenu.
  • [...] Les représentants de l’employeur ne m’ont jamais rencontré et n’ont pas communiqué avec moi après le 19 mars 2002 pour revenir sur des expressions qu’il considérait comme ambiguës […]

5.  Nomination à un poste pour une période indéterminée

  • [...] Au moment de la signature du PA, les représentants de l’employeur soutenaient que je n’occupais mon poste qu’à titre intérimaire, et que la composition et la répartition définitives des postes restaient encore à déterminer.

[...]

  • J’avais toutes les raisons de m’attendre à être dûment nommé pour une période indéterminée en temps voulu [...]
  • En juin 2002, j’ai fini par obtenir une copie de l’organigramme du sud de l’Ontario de mon service, avec le 1er avril 2000 comme date d’effet. On peut y voir les postes dotés de l’organisation, dont celui que j’occupais, sans que rien n’indique que c’était intérimaire [...]
  • En juillet 2002, on m’a informé que le numéro de mon poste était le 30114636 et que c’était un poste permanent à compter du 1er avril 2000 [...]
  • Le PA contient une erreur critique, puisqu’il y est précisé qu’il s’agissait d’un poste intérimaire. Le poste 30114636 n’était pas un poste intérimaire, autrement dit temporaire ou occupé par une personne non qualifiée. En d’autres termes, tant en fait qu’en matière de procédure, mon poste était le poste 30114636, un poste permanent, ce qui signifie que, pour m’en retirer, l’employeur devait se conformer à une procédure établie et avoir des raisons valables.

[...]

  • [...] le poste a aussi été exclu de la compétence de l’agent négociateur. J’avais été exclu au moment où l’on m’a retiré du poste. L’AFPC avait déclaré qu’elle ne pourrait pas me représenter parce que j’étais exclu.

[...]

6.  Demande à la Commission

  • [...] veuillez entendre le grief original. Je réclame une exonération inconditionnelle. J’ai le droit qu’on me soulage des stigmates qu’on m’a infligés en prétendant que je harcèle les employés et que je ne me conforme pas aux politiques et pratiques de l’employeur. J’ai l’intention de demander à être réintégré à compter de la date où j’ai été retiré de mon poste, avec dédommagement intégral.
  • Si la Commission refuse d’entendre mon grief, je devrai présenter une demande de contrôle judiciaire ou intenter une procédure en vertu de la Loi sur la responsabilité civile de l’État contre les personnes qui ont sciemment fait des déclarations mensongères et injurieuses à mon endroit, dans le but de me nuire [...]
  • [...] les savants juges de la Cour suprême Bora Laskin et Bertha Wilson ont publiquement déclaré que trop d’affaires entendues par la Cour fédérale et par la Cour suprême auraient dû être réglées au palier administratif. J’ajouterais que la médiation est une procédure à laquelle on accorde encore plus la préférence pour le règlement des griefs. J’ai toujours été ouvert à la médiation, mais à la médiation basée sur l’intégrité et la confiance.

[11]   L’avocat de l’employeur invoque le premier paragraphe du protocole d’accord (pièce E-1), où l’on peut lire ce qui suit : [traduction] « Le fonctionnaire s’estimant lésé et l’employeur conviennent du règlement intégral et final du grief du fonctionnaire s’estimant lésé daté du 20 août 2001 ». M e McGraw déclare que la jurisprudence est très claire : dès que les deux parties ont conclu une entente finale et qu’elle n’est pas signée sous la contrainte, un arbitre de grief n’a pas compétence pour intervenir ou pour entendre le grief original. M e McGraw souligne que le fonctionnaire s’estimant lésé était représenté par un avocat à la séance de médiation.

[12]   Me McGraw soutient que, si le fonctionnaire s’estimant lésé était insatisfait — ou qu’il ne souscrit plus aux modalités du PA, il m’est impossible de modifier une condition quelconque de l’entente conclue grâce à la médiation.

[13]   En outre, il affirme que la jurisprudence a confirmé qu’une fois que les parties se sont entendues sur un accord et que l’entente a été dûment signée, elle annule le grief. En d’autres termes, le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas officiellement retiré son grief n’est pas pertinent.

[14]   Pour étayer ses arguments, l’avocat me renvoie aux décisions suivantes : Bedok c. Conseil du Trésor (Ministère du Développement des ressources humaines), 2004 CRTFP 163; Vogan c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2004 CRTFP 159; Carignan c. Conseil du Trésor (Anciens combattants Canada), 2003 CRTFP 58; Lindor c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel Canada), 2003 CRTFP 10; Myles c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 53; Skandharajah c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), 2000 CRTFP 114; MacDonald c. Canada, [1998] A.C.F. no 1562; Bhatia c. Conseil du Trésor (Travaux publics Canada), dossier de la CRTFP 166-2-17829 (1989) (QL); et Conseil du Trésor c. Déom, dossier de la CRTFP 148-2-107 (1985) (QL).

Motifs

[15]   La question que je dois trancher dans cette décision préliminaire sur la question de compétence consiste à savoir si le PA signé par les deux parties les lie.

[16]   Pour les motifs que je vais maintenant préciser, j’ai conclu que ce PA est une entente valide et exécutoire, de sorte que je n’ai pas compétence pour entendre l’affaire.

[17]   L’intention des parties au moment de la signature d’un PA est d’importance critique lorsqu’il s’agit de déterminer si elle est exécutoire (voir MacDonald c. Canada , supra, et Bedok , supra). L’intention peut être contestable parce que l’entente est déraisonnable, qu’elle a été conclue sous la contrainte ou qu’une des parties n’était pas représentée. Le fonctionnaire s’estimant lésé ne prétend pas que le consentement mutuel indispensable à la conclusion d’un marché faisait défaut en raison du caractère déraisonnable du PA. Dans Stephenson v. Hilti (Can.) Ltd., (1989), 29 C.C.E.L. 80 (N.S.S.C.T.D.), le juge Hallett a résumé le droit en ces termes, à la page 87 :

[Traduction]

Une opération peut être rejetée parce que déraisonnable si la preuve démontre :

1)        l’existence d’une inégalité des positions de négociation attribuable à l’ignorance, au besoin ou à la détresse de la partie la plus faible;

2)        que la partie la plus forte a indûment usé de sa position de force pour obtenir un avantage;

3)        que l’entente conclue est nettement injuste pour la partie la plus faible ou, comme on l’a écrit dans Harry v. Kreutziger, qu’elle est suffisamment incompatible avec les normes sociales de la moralité commerciale qu’elle devrait être annulée.

[18]   Je n’ai pas non plus entendu le fonctionnaire s’estimant lésé déclarer qu’il a été forcé à signer le protocole d’accord, qu’il l’a fait sous la contrainte ou qu’il était privé de représentation, à toutes fins utiles, à la séance de médiation.

[19]   Dans son grief, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est opposé à ce qu’il déclare être sa rétrogradation d’un poste de PM-05, en disant avoir [traduction] « demandé à être représenté pour être intégralement dédommagé de la sanction pécuniaire qui [lui avait] été imposée [...] ».

[20]   Dans le PA, il est clairement précisé que les deux parties se sont entendues sur le :

[Traduction]

règlement intégral et final du grief du fonctionnaire s’estimant lésé daté du 20 août 2001, qui fait l’objet du présent renvoi à l’arbitrage, sur la base suivante :

1)        le fonctionnaire s’estimant lésé sera réintégré dans son poste de PM-5 par intérim à compter du 17 août 2001, jusqu’à l’expiration de sa période la plus récente de nomination à titre intérimaire comme PM-5, le 31 octobre 2001, et touchera toute la rémunération et tous les autres avantages auxquels il aurait eu droit durant cette période.

[...]

[21]   Cela n’est pas contesté.

[22]   Le deuxième paragraphe du PA stipule ce qui suit :

[Traduction]

La lettre de [...] au fonctionnaire s’estimant lésé datée du 16 août 2001, ci-jointe en Annexe « A » est par la présente retirée de son dossier et ne peut être invoquée par l’employeur pour aucune raison. Pour plus de certitude, l’employeur accepte de ne pas l’invoquer ni de se fonder sur des éléments qui y sont mentionnés, incluant le grief pour harcèlement, ni de s’en servir dans l’avenir.

[23]   Le fonctionnaire s’estimant lésé estime que l’employeur n’a pas respecté cette partie du PA, qui est par conséquent nul et non avenu, et que je devrais entendre son grief de novo.

[24]   Il a déjà été déterminé qu’un arbitre de grief nommé en vertu de l’ancienne LRTFP n’a pas compétence pour entendre un grief une fois que les parties ont signé une entente exécutoire après s’être prévalues de la médiation, que les modalités de l’accord aient été respectées ou pas (voir Myles , supra, et Carignan , supra).

[25]   On peut lire ce qui suit au quatrième paragraphe du PA :

[Traduction]

Cette entente de règlement est sans préjudice et ne constitue ni un précédent pour les parties, ni une admission de responsabilité. Pour plus de certitude, elle est sans préjudice et ne constitue pas un précédent en ce qui concerne l’application de l’examen du grief du fonctionnaire s’estimant lésé par une tierce partie indépendante et tout redressement qui pourrait en découler.

[26]   Le libellé de ce paragraphe est limpide. En signant le PA, le fonctionnaire s’estimant lésé a reconnu qu’il était sans préjudice et ne constituait pas un précédent pour sa demande d’examen par une tierce partie indépendante. Il a fait valoir que l’employeur n’a pas tenu compte des résultats du rapport de cet examen. Que cela soit vrai ou pas, je tiens à souligner que les constatations d’un examen par une tierce partie indépendante et leur application ne sont pas de la compétence d’un arbitre de grief.

[27]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a soulevé la question de l’intention des parties, en affirmant que le PA était trop vague pour être applicable. On pourrait peut-être discuter de la question de savoir si un PA peut être annulé par un arbitre de grief parce que trop vague, mais le fonctionnaire s’estimant lésé n’a de toute manière pas démontré que le PA en question est vague. Il n’a fait qu’alléguer que ses modalités étaient des [traduction] « généralités [se prêtant] à des interprétations divergentes », sans avancer d’exemples. En fait, le seul exemple qu’il ait soulevé à l’appui de son allégation n’est pas une formulation vague, mais plutôt une erreur d’inattention. Le fait que la date du protocole ne soit pas la bonne ne l’invalide pas parce que ses modalités fondamentales seraient vagues ou incertaines.

[28]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’un arbitre de grief a compétence pour entendre son grief parce qu’il ne l’a pas retiré de l’arbitrage de grief. Même s’il déclare qu’il n’a pas [traduction] « retiré [son] grief et [qu’il ne s’en est] pas retiré » (c’est moi qui souligne), il est clair, dans la preuve que les parties ont soumise, que le PA a effectivement été signé par le fonctionnaire s’estimant lésé, même s’il n’a jamais officiellement informé la Commission que son grief était retiré, ce sur quoi il se fonde pour prétendre que son grief est encore « maintenu ».

[29]   Que le fonctionnaire s’estimant lésé ait retiré son grief ou pas n’a aucune importance pour trancher la question de compétence. Un arbitre de grief s’est penché sur les conséquences de l’existence d’un protocole de règlement pour sa compétence dans Lindor , supra, en concluant, au paragraphe 16, qu’« [i]l est de jurisprudence constante à la Commission qu’un protocole de règlement valide rend la Commission totalement inhabile à se saisir de l’affaire : Bhatia (dossier de la Commission 166-2-17829); Skandharajah (précitée) et Déom (dossier de la Commission 148-2-107) ». Les arbitres de grief ont expliqué à plusieurs reprises qu’il faut, pour assurer leur certitude en relations du travail, que les ententes de règlement valides soient finales et exécutoires.

[30]   Le fonctionnaire s’estimant lésé déclare que sa situation est différente ce celle qui existait dans Bedok , supra, et dans Myles , supra, parce qu’il n’a pas officiellement retiré son grief. Or, il s’agissait dans Bedok , supra, comme l’arbitre de grief l’a écrit au paragraphe 52, de savoir si le protocole d’entente signé liait les parties. Après avoir conclu que ce protocole était une entente valide et exécutoire, l’arbitre a déclaré ne pas avoir compétence. Il a précisé au paragraphe 59 que le facteur critique de la détermination de la validité ou de l’invalidité d’un règlement est l’intention des parties à sa signature. Enfin, au paragraphe 62, il a ajouté que, quoi qu’il en soit, l’annulation d’un contrat n’est justifiée que si le consentement de la partie en cause n’a pas été vraiment obtenu en raison des moyens de persuasion répréhensibles de l’employeur. Une fois que l’arbitre de grief a déterminé que l’entente a été signée volontairement, l’employeur a le droit de considérer le dossier comme fermé. La question du retrait du grief lui-même après la signature du protocole d’entente n’est même pas mentionnée dans ces motifs de décision et n’en fait absolument pas partie. En d’autres termes, le fait que le libellé du protocole d’entente pouvait être interprété comme constituant un retrait du grief n’a pas joué au détriment du fonctionnaire s’estimant lésé et n’a pas été invoqué par l’employeur pour appuyer son argument que le grief ne pouvait plus être renvoyé à l’arbitrage. De même, le fait que le grief n’a pas été retiré ne signifie pas automatiquement que l’arbitre a compétence pour le trancher.

[31]   En ce qui concerne la décision dans Myles , supra, il faut bien dire que les griefs en question avaient été réglés avant leur prétendu renvoi à l’arbitrage et que, conformément au protocole d’entente, la fonctionnaire s’estimant lésée les avait retirés. Ce facteur n’avait toutefois pas joué dans la décision, que l’arbitre avait basée, tout comme dans Bedok , supra, sur la validité de l’entente elle-même et sur le fait que « son existence empêche le fonctionnaire s’estimant lésé de renvoyer le litige à l’arbitrage. » L’arbitre avait expliqué le raisonnement sous-jacent à ce principe, au paragraphe 14 :

La procédure de règlement des griefs est conçue pour offrir aux employeurs et aux employés un processus ordonné pour traiter les griefs grâce à laquelle ils peuvent tenter de régler leurs litiges aux divers stades et paliers du processus. Par conséquent, si les parties concluent une entente exécutoire en vue d’un règlement en discutant entre elles, elles ne devraient pas être autorisées à revenir sur cette entente. Autrement, l’employeur ou l’employé ne sauraient jamais si une entente a bel et bien été conclue, et cela causerait un tort irréparable aux relations de travail en risquant de faire avorter toutes les tentatives de règlement.

 

[32]   Ce principe vaut que le fonctionnaire s’estimant lésé ou l’agent négociateur ait officiellement retiré le grief ou pas. En outre, le retrait de grief est implicite lorsqu’on trouve dans le protocole d’accord une proposition comme [traduction] « Cette entente constitue un accord intégral et final du grief en cause » ou son équivalent, comme c’est le cas en l’espèce.

[33]   Les modalités de l’accord dans la présente affaire sont claires et sans équivoque; elles existent que le fonctionnaire s’estimant lésé retire son grief ou pas. Le protocole d’accord commence en précisant clairement que l’entente constitue un accord intégral et final du grief.

[34]   Les faits dans Lindor , supra, ressemblent beaucoup à ceux dont je suis saisi. Dans cette affaire-là, le fonctionnaire s’estimant lésé avait reçu de la Commission une lettre comme celle que M. Castonguay a reçue, mais il avait refusé de retirer son grief même s’il reconnaissait que l’accord était valide. Qui plus est, toutefois, il avait aussi reconnu que l’employeur s’était acquitté de ses obligations en vertu de l’entente. L’arbitre a donc dû déterminer s’il existait une entente valide et exécutoire en concluant que l’existence d’une telle entente rend l’arbitre de grief totalement inhabile à se saisir de l’affaire. C’est l’existence d’un accord qui est le facteur déterminant de la compétence de l’arbitre de grief, pas la question de savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé ou l’agent négociateur a expressément retiré le grief.

[35]   Dans son argument sur la question du retrait de son grief, le fonctionnaire s’estimant lésé a poursuivi en déclarant que, puisque l’employeur ne s’était pas conformé à l’esprit du rapport de l’examen par une tierce partie indépendante, il n’avait pas retiré son grief. Comme je l’ai déjà déclaré, si le fonctionnaire s’estimant lésé compte prétendre qu’il a laissé son dossier de grief ouvert afin que l’arbitre de grief continue d’avoir compétence, en vue de lui faire appliquer les conclusions du rapport de l’examen par une tierce partie indépendante, je dois conclure à l’inhabilité de l’arbitre de grief. Par ailleurs, s’il avance cet argument afin d’expliquer pourquoi il n’a pas retiré son grief, bien que ce soit logique et compréhensible, c’est un argument qui n’investit absolument pas un arbitre de grief de la compétence voulue.

[36]   J’ai aussi conclu qu’il n’y a pas dans le protocole d’accord de disposition le rendant conditionnel dans l’éventualité où l’une ou l’autre ou les deux parties ne s’acquitteraient pas de leurs obligations.

[37]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[38]   Je conclus que le protocole d’accord est un accord intégral et final du grief; par conséquent, je n’ai pas compétence pour poursuivre cette affaire.

Le 20 juillet 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

D.R. Quigley,
arbitre de grief

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