Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief en conformité avec la procédure de règlement des griefs prévue dans sa convention collective ainsi qu’une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) - il a allégué que l’employeur s’était livré à des pratiques discriminatoires en raison de l’accident qu’il a subi au travail et il a allégué que l’employeur n’avait pris aucune mesure pour répondre à ses besoins - la Commission a conclu, à la lecture du dossier, que le grief soulevait essentiellement des questions fondamentales de droits de la personne pour lesquelles une procédure de traitement des plaintes est prévue dans la Loi canadienne sur les droits de la personne - sur le fondement de la décision rendue dans l’affaire Canada (procureur général) c. Boutilier, [2000] 3 C.F. 27 (C.A.), la Commission a conclu que le grief ne constituait pas un grief pouvant être déposé en vertu du paragraphe 91(1) de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - la Commission a exercé ses pouvoirs en vertu de l’article 84 du Règlement et a rejeté le grief pour défaut de compétence. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction
publique, L.R.C. 1985, ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-06-28
  • Dossier:  166-2-35471
  • Référence:  2005 CRTFP 64

Devant un arbitre de grief



ENTRE

WAYNE G. WESTBROOK

fonctionnaire s’estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Westbrook c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Yvon Tarte, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Michel Bouchard, UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS – SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA – CSN

Pour l’employeur : Mark Sullivan, conseiller en représentation de l’employeur


(Décision rendue sans audience)
Traduction de la C.R.T.F.P.

Grief renvoyé à l’arbitrage

[1]   Le fonctionnaire s’estimant lésé, Wayne G. Westbrook, a renvoyé à l’arbitrage un grief contestant son licenciement. La présente décision a pour objet de déterminer si la Commission devrait se prévaloir de son pouvoir de rejeter le grief de M. Westbrook faute de compétence, en vertu de l’article 84 du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993 (le Règlement).

[2]    Dans son grief, déposé le 16 août 2004 et reçu par l’employeur le 18 août 2004, M. Westbrook déclare ce qui suit :

[Traduction]

Je conteste les pratiques discriminatoires de l’employeur, y compris mon licenciement, à la suite de la blessure que j’ai subie à mon travail en 2002.

[3]   Il réclame le redressement suivant :

[Traduction]

J’exige que les pratiques discriminatoires cessent, qu’on me réintègre comme fonctionnaire dans la fonction publique du Canada, qu’on tienne compte de mes handicaps physiques et qu’on me dédommage rétroactivement de toutes les pertes financières que j’ai subies.

[4]   L’employeur a rejeté le grief au dernier palier, après quoi le fonctionnaire s’estimant lésé l’a renvoyé à l’arbitrage.

[5]   Le 1 er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, je continue d’être saisi de ce renvoi à l’arbitrage, qui doit être traité conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P–35 (« l’ancienne Loi »).

[6]   Le 10 juin 2005, l’employeur a soulevé une objection contestant la compétence d’un arbitre de grief pour entendre l’affaire. Il a demandé que le grief soit rejeté sans audience, en application de l’article 84 du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993.

[7]   Une copie de l’objection de l’employeur a été envoyée à l’agent négociateur, dont la réponse a été reçue le 15 juin 2005.

Résumé des arguments

Pour l’employeur

[8]   L’employeur a demandé que le grief soit rejeté faute de compétence. Il a informé la Commission que le fonctionnaire s’estimant lésé avait présenté le 26 janvier 2004 une plainte contestant son licenciement à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP). Le 25 mars 2005, la CCDP a écrit à la commissaire du Service correctionnel du Canada pour l’informer qu’elle avait décidé de rejeter la plainte et que le dossier était désormais fermé. Une copie de la lettre de la CCDP était jointe à l’objection de l’employeur; elle a été versée au dossier de la Commission. L’employeur a donc fait valoir qu’une plainte fondée sur la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) était manifestement le recours administratif de réparation pour la plainte en l’espèce, et que le fonctionnaire s’estimant lésé s’était prévalu de ce recours, ce qui le privait du droit de présenter un grief. L’employeur a soutenu que la seule justification que l’affaire puisse être traitée comme un grief aurait été une ordonnance de la CCDP rendue en vertu de l’alinéa 44(2)a) de la LCDP et voulant que la question soit renvoyée à la procédure de règlement des griefs, en ajoutant que la CCDP n’avait pas rendu une telle ordonnance.

[9]   L’employeur a soutenu en outre que, même si la Commission devait décider d’entendre l’affaire, il contestait la prétention du fonctionnaire s’estimant lésé qu’on l’avait licencié. Il a déclaré que les autorités de Santé Canada avaient confirmé en février 2004 que l’intéressé était définitivement incapable d’occuper régulièrement un emploi rémunéré, en recommandant qu’il soit mis à la retraite pour invalidité permanente. L’employeur a joint à ses observations une copie d’une lettre datée du 4 avril 2005 rédigée par le fonctionnaire s’estimant lésé et adressée au directeur de l’établissement de Collins Bay dans laquelle M. Westbrook déclarait qu’il n’était plus capable de travailler et demandait qu’on entreprenne le plus tôt possible la procédure de mise à la retraite pour raison médicale. Par conséquent, selon l’employeur, le grief ne porte pas sur une question pouvant être renvoyée à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ni ne concerne une mesure disciplinaire entraînant une suspension ou une peine pécuniaire, ni le licenciement, conformément aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

[10]   Enfin, l’employeur a fait valoir que le grief est irrecevable puisque le fonctionnaire s’estimant lésé l’a déposé environ deux ans après les prétendus incidents qui lui auraient donné lieu.

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[11]   Au nom du fonctionnaire s’estimant lésé, M. Bouchard a déclaré que le grief n’est pas irrecevable puisque les pratiques discriminatoires dont il se plaint étaient une série d’agissements répétés et que le grief conteste par conséquent une situation continue.

[12]   Sur la question du licenciement, l’agent négociateur a déclaré que le fonctionnaire s’estimant lésé était arrivé vers le 16 août 2004 à la conclusion qu’on ne lui permettrait plus de travailler pour l’employeur et qu’il avait décidé ce jour–là de se prévaloir de la procédure de règlement des griefs.

Motifs

[13]   Les demandes de rejet d’un grief sans audience sont entendues en application de l’article 84 du Règlement, qui stipule :

84. (1) Sous réserve du paragraphe (2), et malgré toute autre disposition du présent règlement, la Commission peut rejeter un grief pour le motif qu’il ne constitue pas un grief pouvant être renvoyé à l’arbitrage aux termes de l’article 92 de la Loi.

(2) En déterminant s’il y a lieu de rejeter un grief pour le motif visé au paragraphe (1), la Commission :

  1. soit demande aux parties de présenter un exposé écrit de leurs arguments, dans le délai et de la manière qu’elle précise;

  2. soit tient une audience.

[14]   Comme la Commission l’a établi dans Gascon et autres c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel), 2000 CRTFP 68 et dans Lowther c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 89, s’il existe un « argument défendable » que le grief puisse être renvoyé à l’arbitrage, il n’est pas correct de le rejeter en vertu de l’article 84.

[15]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a–t–il avancé un argument défendable que son grief peut être renvoyé à l’arbitrage? Lorsque la question fondamentale est une allégation de discrimination, les décisions de la Commission sont claires : elle n’a pas compétence puisque cela ne peut pas être renvoyé à l’arbitrage (voir Kehoe c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2001 CRTFP 9, Sincère c. Conseil national de recherches du Canada, 2004 CRTFP 2 et Lowther (supra).

[16]   Comme l’arbitre qui a rendu la décision Cherrier c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel), 2003 CRTFP 37 l’a écrit au paragraphe 47, j’ai tenu compte de « la nature et la portée des recours utilisés par le fonctionnaire s’estimant lésé afin de déterminer si un élément de la nature des droits de la personne est au cœur du grief ». Il est clair, à la face même du dossier, qu’une allégation de discrimination est effectivement au cœur de ce grief, puisqu’il allègue que l’employeur s’est livré à des pratiques discriminatoires en licenciant le fonctionnaire s’estimant lésé parce qu’il s’était blessé au travail et qu’il s’était retrouvé physiquement handicapé. La nature du grief est évidente aussi au vu du redressement réclamé, que l’employeur tienne compte des handicaps de l’intéressé.

[17]   Ces questions relèvent manifestement de la LCDP, de sorte que le fonctionnaire s’estimant lésé pouvait se prévaloir (comme il l’a fait, d’ailleurs) de la procédure de plainte prévue par cette loi. Dans Boutilier (supra), la Cour d’appel fédérale a jugé que la procédure de plainte prévue par la LCDP constitue un recours administratif de réparation pour les fins du paragraphe 91(1) de l’ancienne LRTFP. Par conséquent, comme le grief de M. Westbrook ne peut pas être fondé sur le paragraphe 91(1) de l’ancienne LRTFP, il n’y a pas d’argument défendable justifiant son renvoi à l’arbitrage en vertu du paragraphe 92(1).

[18]   Pour tous ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[19]   La demande de l’employeur fondée sur l’art. 84 est accueillie et le grief est donc rejeté faute de compétence.

Le 28 juin 2005.

Yvon Tarte,
arbitre de grief

Traduction de la C.R.T.F.P.

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