Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant travaille pour l’ADRC et assume la charge de délégué syndical en chef de la section locale du Syndicat des employé(s)s de l’impôt (SEI) - juste avant la tenue de l’assemblée générale annuelle du SEI, un autre membre du SEI, Don Credico, a accepté une promotion au poste de directeur adjoint - la lettre d’offre indiquait que l’on proposerait l’exclusion du poste de directeur adjoint de l’unité de négociation -- Don Credico a assisté à l’assemblée générale annuelle et il a participé au vote - le plaignant a déposé une plainte contre l’ADRC, alléguant qu’un membre de la direction était intervenu dans la formation d’une organisation syndicale - l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission pour entendre cette plainte au motif que le plaignant n’avait pas la qualité requise pour déposer celle-ci - l’employeur a fait valoir que seul un agent négociateur pouvait déposer une plainte invoquant l’intervention de l’employeur dans la représentation d’un employé par l’agent négociateur - la Commission en est arrivée à la conclusion qu’une plainte fondée sur l’article 8 de l’ancienne LRTFP doit être présentée par une organisation syndicale - le plaignant n’avait pas la qualité requise pour déposer la plainte en question. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique édictée par l'article 2 de la Loi sur
la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-06-22
  • Dossier:  561-34-24
  • Référence:  2005 CRTFP 60

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

HAROLD BRYAN PEREVERSEFF

plaignant

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Pereverseff c. Agence des douanes et du revenu du Canada

Affaire concernant une plainte logée en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : John Steeves, commissaire

Pour le plaignant  : Harold Pereverseff

Pour l'employeur  : Simon Kamel, avocat


Affaire entendue à Lethbridge (Alberta),
le 31 mai 2005.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)


Plainte devant la Commission

[1]   Il s’agit d’une décision concernant une objection préliminaire de l’employeur.

[2]   Le 6 avril 2004, le plaignant a présenté une demande en vertu de l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’ancienne Loi). Il allègue qu’un membre de la direction est intervenu dans la formation d’une organisation syndicale en contravention du paragraphe 8(1).

[3]   À titre préliminaire, l’employeur soutient que je ne suis pas compétent pour instruire la plainte. Il prétend qu’une demande alléguant violation de l’article 8 de l’ancienne Loi peut seulement être présentée par une organisation syndicale telle que l’agent négociateur et qu’il n’est pas loisible à un particulier de présenter une demande de ce genre.

[4]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi  »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission demeure saisie de cette plainte, qui doit être décidée conformément à la nouvelle Loi.

Résumé de la preuve

[5]   L’employeur exploite des bureaux dans toutes les régions du Canada et emploie du personnel pour recouvrer les recettes et faire enquête sur des affaires connexes, notamment. Les événements à l’origine de la plainte se sont produits à Lethbridge (Alberta).

[6]   Le plaignant est M. Harold Pereverseff. Il est employé par l’employeur et assume parallèlement la charge de délégué syndical en chef de la section locale du Syndicat des employé(e)s de l’impôt (SEI). Depuis 2003, il y a une section locale du SEI au bureau de l’employeur situé à Lethbridge.

[7]   Le 26 février 2004, la section locale du SEI à Lethbridge a tenu son assemblée générale annuelle. Tous les membres en règle étaient autorisés à y participer.

[8]   M. Don Credico était membre du SEI. Avant l’assemblée générale annuelle, soit le 19 février 2004, il a accepté une promotion au poste de directeur adjoint du recouvrement des recettes. La lettre d’offre, datée du 11 février 2004, indiquait que le poste [traduction] « ferait l’objet d’une demande d’exclusion de l’unité de négociation ». Cette décision devait être prise par la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Dans l’intervalle, l’employeur était tenu de percevoir les cotisations syndicales. Un aspect important de l’exclusion du poste de M. Credico de l’unité de négociation était qu’il ne ferait plus partie de l’unité de négociation. Le personnel du bureau fiscal de Lethbridge Taxation a été informé de la nomination de M. Credico le 25 février 2004.

[9]   M. Credico a pris part à l’assemblée générale annuelle de la section locale du SEI à Lethbridge qui s’est tenue le 26 février 2004 et a participé à diverses activités telles que l’élection de ses dirigeants. Il semble que la présence de M. Credico à l’assemblée générale ait suscité des questions du fait de sa promotion.  

[10]   Les interrogations ont continué, après l’assemblée générale, au sujet du statut de M. Credico. Le 3 mars 2004, le plaignant a envoyé un courriel au directeur des Services fiscaux de Lethbridge, M. Tony Persaud, afin de savoir si le nouveau poste de M. Credico était désigné comme un poste de direction exclu ou comme un poste syndiqué.   M. Persaud lui a répondu le 4 mars 2004 que c’était un poste exclu.

[11]   M. Greg Krokosh est président de la section locale de l’unité de négociation de Lethbridge. C’est lui qui présidait l’assemblée générale annuelle du 25 février 2004. À l’issue de la réunion, il s’est employé à obtenir des renseignements supplémentaires au sujet du statut de M. Credico. Il a écrit à la présidente nationale du SEI, M me Betty Bannon, laquelle lui a envoyé un courriel le 10 mars 2004 avec copie à un certain nombre de personnes, dont le plaignant.

[Traduction]

Le présent courriel fait suite à une plainte que j’ai reçue concernant le vote tenu lors de votre dernière assemblée générale annuelle ainsi que la présence et la participation du frère Don Credico.

Je me suis entretenue avec M. Greg Krokosh ainsi qu’avec votre directeur, M. Tony Persaud. Le poste auquel M. Don Credico est promu est un nouveau poste, dont l’exclusion a été demandée. Don paie des cotisations à l’heure actuelle et continuera d’en payer jusqu’à ce que le poste soit exclu. Le jour où le poste est exclu, Don le sera aussi.

Par conséquent, je n’entends pas déclarer la dernière élection nulle et sans effet puisqu’elle s’est déroulée conformément aux règles et que M. Don Credico avait pertinemment le droit d’être présent à l’assemble et d’y participer pleinement, y compris de voter pour les candidats de son choix.

[…]

[12]   Le 14 avril 2004, M. Credico a été informé que son poste était désigné comme l'un des paliers de la procédure de règlement des griefs. Autrement dit, il était exclu de l’unité de négociation.

La plainte

[13]   Le 6 avril 2004, le plaignant a présenté une plainte à la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Le défendeur désigné était [traduction] : « Agence du revenu du Canada, à l’attention de M. Tony Persaud (Directeur) ». L’employeur soutient que M. Persaud n’est pas le défendeur pertinent. Par suite de la décision rendue ci‑après, je n’ai pas à trancher cette question.

[14]   La plainte alléguait que M. Credico occupait un poste de gestion exclu lorsqu’il a assisté à l’assemblée générale annuelle de l’agent négociateur. Il prétendait aussi que sa présence à l’assemblée était [traduction] « considérée et perçue par certains des membres du syndicat comme une forme d’intimidation compte tenu du poste de gestion qu’il occupait désormais ».

[15]   La plainte indiquait que M. Credico avait entendu les préoccupations du plaignant lors de l’assemblée générale annuelle. Le plaignant s’était levé, dans le cadre d’un rappel au règlement, et avait demandé au président de l’assemblée [traduction] « si toutes les personnes présentes étaient membres du SEI et si tous ceux qui participaient au vote avaient le droit de voter. Or, il (M. Credico) a décidé de ne pas admettre l’existence d’un conflit d’intérêt et il a continué de participer à l’assemblée », selon la plainte écrite.

[16]   Le mesure corrective demandée dans la plainte était une ordonnance visée par l’article 23 de la Loi enjoignant à M. Credico [traduction] « d’observer les interdictions dont est assorti son poste de gestion de durée indéterminée à titre de directeur adjoint, Recouvrement des recettes, à Lethbridge ».

Résumé de l’argumentation

[17]   La plainte a été instruite à Lethbridge (Alberta), le 30 mai 2005. C’est à ce moment que l’employeur a soulevé son objection préliminaire. L’employeur et le plaignant ont présenté leur preuve et leur argumentation. L’audition a été ajournée afin que je statue sur l’objection préliminaire de l’employeur.

[18]   L’employeur prétend que seule une organisation syndicale telle que l’agent négociateur a qualité pour présenter une plainte concernant l’article 8 de l’ancienne Loi. En l’espèce, la partie qui est autorisée par l’article 8 à présenter une plainte est l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). Puisqu’il n’y a aucune preuve directe de la participation de l’AFPC, la demande du plaignant doit être rejetée de façon préliminaire. L’employeur renvoie à Reekie et Thomson, dossier de la CRTFP 161‑2‑855 (1998) (QL).

[19]   Le plaignant affirme que le président par intérim de la section locale du SEI à Lethbridge appuyait sa plainte. Il dit aussi en avoir discuté avec des représentants de l’AFPC, qui lui ont donné des conseils; il était et est encore le délégué syndical en chef de la section locale du SEI à Lethbridge. En ce qui concerne la décision Reekie , supra, il indique que cette affaire est en instance de contrôle judiciaire. Le plaignant s’appuie aussi sur Simon Cloutier et Conseil du Trésor (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CRTFP 21, une décision où un fonctionnaire a réussi à faire instruire une plainte fondée sur l’article 8 de l’ancienne Loi.

Motifs

[20]   Le paragraphe 8(1) de l’ancienne Loi est libellé comme suit :

8(1) Il est interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance, qu'il agisse ou non pour le compte de l'employeur, de participer à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale, ou d'intervenir dans la représentation des fonctionnaires par une telle organisation ou dans les affaires en général de celle-ci.

[21]   Le paragraphe 23(1) de l’ancienne Loi est libellé comme suit :

23(1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l'employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n'a pas, selon le cas :

observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10;

[…]

[22]   Ces dispositions ont été examinées dans d’autres décisions.

[23]   Dans Reekie , supra, un fonctionnaire, M. Reekie, avait présenté une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi alléguant qu’il y avait eu intervention dans sa représentation durant une enquête disciplinaire, en contravention de l’article 8. La plainte a été rejetée pour des motifs liés à la compétence. Les motifs de la Commission sont exposés ci-dessous :

13.   Une plainte fondée sur l'article 23 de la LRTFP peut invoquer des violations des articles 8, 9 et 10 de la LRTFP . Dans sa plainte, M. Reekie prétend qu'il y a eu violation des paragraphes 8(1) et 9(1) de la LRTFP , lesquels mentionnent une « organisation syndicale », soit l'AFPC en l'espèce, qui est une organisation syndicale définie à l'article 2 de la LRTFP . Vu que M. Reekie n'est pas un représentant officiel de l'AFPC et qu'aucune des personnes présentes à l'audience ne représentait l'AFPC relativement à la présente plainte fondée sur l'article 23, je n'ai pas compétence pour instruire la plainte de M. Reekie.

14.   Les droits prévus aux paragraphes 8(1) et 9(1) de la Loi ont été accordés par le législateur pour protéger les organisations syndicales, telles que l'AFPC, et non pas les fonctionnaires à titre particulier, contre l'intervention ou la discrimination de l'employeur.

Voir aussi Feldsted et Alliance de la Fonction publique du Canada, dossiers de la CRTFP 161‑2‑945/946/955 (1999) (QL), au paragraphe 13, et Czmola et Garwood-Filbert, dossier de la CRTFP 161-2-938/939/953 (1999) (QL), au paragraphe 8.

[24]   Je souscris à l’issue et aux motifs de la décision Reekie , supra. Le plaignant a fait valoir que cette décision était en instance de contrôle judiciaire. Cette observation est fondée très raisonnablement sur le fait qu’il était indiqué dans le résumé de la décision Reekie , supra, préparé par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, qu’une demande de contrôle judiciaire était en instance. Or, il s’agissait d’une malencontreuse erreur. Il y avait bien eu une demande de contrôle judiciaire, mais elle avait été rejetée.

[25]   L’article 2 de l’ancienne Loi définit une « organisation syndicale » comme suit :

Organisation regroupant des fonctionnaires en vue, notamment, de la réglementation des relations entre l'employeur et son personnel pour l'application de la présente loi; s'entend en outre, sauf indication contraire du contexte, d'un regroupement d'organisations syndicales.

[26]   Il ne fait guère de doute que l’AFPC est l’organisation regroupant le personnel de l’employeur, y compris celui du bureau fiscal de Lethbridge.  

[27]   Dans l’affaire dont je suis saisi, je note que la convention collective conclue entre les parties est intitulée « Convention entre l’Agence des douanes et du revenu du Canada et l’Alliance de la Fonction publique du Canada » (date d’expiration le 31 octobre 2007). Au paragraphe 9.01, il est dit que « L’Employeur reconnaît l’Alliance comme agent négociateur exclusif de tous les employé-e-s visés […] » et au paragraphe 3.01, que les dispositions de la convention collective « s’appliquent à l’Alliance, aux employé-e-s et à l’Employeur ». « L’Alliance » est définie au paragraphe 2.01 comme l’Alliance de la Fonction publique du Canada. Je note également qu’un « agent négociateur » est défini au paragraphe 2(1) de l’ancienne Loi comme une    « [o]rganisation syndicale accréditée par la Commission et représentant à ce titre une unité de négociation, et dont l'accréditation n'a pas été révoquée » (c’est moi qui souligne). Je conclus que l’AFPC est l’agent négociateur ainsi que l’organisation syndicale.

[28]   La preuve a démontré qu’il y avait divergence d’opinion au sein de la section locale du SEI à Lethbridge concernant l’opportunité de présenter la plainte. Le plaignant, en sa qualité de délégué syndical en chef, et la personne qui occupait le poste de président par intérim à l’époque, appuient la plainte, mais pas le président. Je n’ai entendu aucun témoignage du SEI ou de l’AFPC; la plainte ne peut pas être considérée comme une plainte émanant de l’une ou l’autre de ces deux organisations. En fait, le courriel de la présidente nationale du SEI indique qu’elle est d’avis que M. Credico n’était pas exclu de l’unité de négociation au moment de l’assemblée générale annuelle.

[29]   À mon point de vue, cette situation corrobore les motifs de principe qui sous‑tendent la décision rendue dans Reekie , supra. Il arrive qu’il y ait mésentente au sujet de l’opportunité de présenter une demande concernant des dispositions comme l’article 8 de l’ancienne Loi. Une section locale de l’organisation syndicale ou un fonctionnaire représenté par cette section peut vouloir ou ne pas vouloir aller de l’avant avec une plainte. Un débat quelconque peut s’engager entre les dirigeants l’organisation syndicale, à l’issue duquel une décision sera prise. Cette décision sera fondée sur des facteurs juridiques, nationaux et autres propres à l’organisation syndicale. Il reste que quelqu’un doit prendre une décision sur l’opportunité de présenter une demande et il est logique et pertinent que ce soit l’organisation syndicale.

[30]   Je comprends qu’en l’espèce, le plaignant est le délégué syndical en chef de la section locale du SEI à Lethbridge. Il avait aussi l’appui du président par intérim à l’époque et il a discuté de la plainte avec les représentants de l’AFPC. Cependant, la preuve montre clairement que l’AFPC ne participe à la plainte d’aucune façon qui puisse être perçue comme une indication qu’elle souscrit à la démarche ou en est l’instigatrice. La convention collective précise que l’AFPC est l’agent négociateur exclusif.  

[31]   J’ai également tenu compte de la décision Cloutier , supra. Certes, on pourrait penser qu’un fonctionnaire a réussi à présenter une demande concernant l’article 8. Or, l’affaire s’est soldée par le refus de proroger le délai de présentation d’une demande déposée 22 mois après les incidents pertinents. Je conclus que la demande a été rejetée au motif qu’elle avait été présentée tardivement; la Commission n’a donc pas été appelée à statuer sur la question de savoir si un fonctionnaire peut présenter une demande concernant l’article 8.

[32]   Le paragraphe 8(1) de l’ancienne Loi, qui a été interprété correctement dans la décision Reekie , supra, exige qu’une demande concernant l’article 8 soit présentée par une organisation syndicale. En l’espèce, il s’agit de l’AFPC; je ne suis donc pas compétent pour statuer sur une demande présentée par un membre de l’organisation syndicale à titre particulier. Autrement dit, je m’abstiens de formuler quelque observation sur la légalité ou la pertinence de la présence de M. Credico à l’assemblée générale annuelle du 26 février 2004.

[33]   Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

[34]   La plainte est rejetée.

Le 22 juin 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

John Steeves,
commissaire

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