Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a présenté un grief à l’encontre de son renvoi en période de stage - son agent négociateur l’a représentée à tous les paliers de la procédure applicable aux griefs - il a cependant décidé de ne pas renvoyer son grief à l’arbitrage - la plaignante a présenté une plainte alléguant que son agent négociateur a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi dans le traitement de son grief - la Commission a conclu que l’agent négociateur a évalué consciencieusement le dossier de la plaignante avant de décider de ne pas renvoyer son grief à l’arbitrage - l’agent négociateur a pris cette décision dans le respect des normes établies par la jurisprudence. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de
travail dans la fonction
publique édictée par l’article
2 de la Loi sur la
modernisation de la
fonction publique, L.C. 2003,ch. 22

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-06-23
  • Dossier:  161-02-1296
  • Référence:  2005 CRTFP 62

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

CLAIRE HÉBERT

plaignante

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA, NATALIE ST-LOUIS, GABY LÉVESQUE ET KATE ROGERS

défenderesses

Répertorié :
Hébert c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al.

Affaire concernant une plainte logée en veru de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour la plaignante : Elle-même

Pour les défenderesses : Lise Leduc, avocate


Affaire entendue à Ottawa, (Ontario),
le 11 janvier 2005.


Plainte devant la Commission

[1]   Claire Hébert occupe un poste indéterminé auprès du ministère des Pêches et des Océans à compter du 14 mars 2002.   Sa nomination à ce poste est assujettie à un stage de douze (12) mois.   Le 9 janvier 2003, l’employeur avise Mme Hébert que son emploi prendra fin le 10 février 2003, soit un peu avant la fin de la période de stage.   Mme Hébert conteste son renvoi en cours de stage et dépose un grief.

[2]   L’agent négociateur de Mme Hébert, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (A.F.P.C.), la représente jusqu’au dernier palier de la procédure applicable aux griefs.   Par la suite, l’A.F.P.C. informe Mme Hébert qu’elle ne renverra pas son grief à l’arbitrage.   Mmes Natalie St-Louis, Gaby Lévesque et Kate Rogers défendent cette décision de l’A.F.P.C. dans leurs échanges avec Mme Hébert.

[3]   En conséquence, le 6 juillet 2004, Mme Hébert présente une plainte contre l’A.F.P.C. et Mmes St-Louis, Lévesque et Rogers, alléguant qu’elles ont agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation.

[4]   La plainte est entendue le 11 janvier 2005 à Ottawa.

[5]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.   En vertu de l’article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission demeure saisie de cette plainte.

Résumé de la preuve

[6]   Mme Hébert est embauchée auprès du ministère des Pêches et des Océans, le 14 mars 2002, dans un poste aux groupe et niveau ST-SCY-03.   Le 27 mai 2002, son employeur l’avise que son poste a été r e classifié aux groupe et niveau CR-05, rétroactivement au 15 mars 2002.

[7]   Mme Hébert admet avoir eu, en octobre et novembre 2002, des rencontres avec ses superviseurs relativement à la qualité de son travail et à ses relations interpersonnelles au travail.   Elle souligne, cependant, qu’elle s’est toujours efforcée de fournir une bonne qualité de travail et de composer avec la situation, bien qu’elle se sente harcelée par certaines personnes.

[8]   Commentant le rapport d’évaluation de rendement signé par sa superviseure le 21 novembre 2002, dans lequel on souhaite une amélioration de ses relations interpersonnelles, Mme Hébert dit ne pas être l’instigatrice des difficultés qui peuvent exister entre elles et ses collègues de travail (pièce S-1(a), onglet h).

[9]   Par la suite, soit le 9 janvier 2003, Mme Hébert reçoit une lettre de renvoi en cours de stage.   L’employeur lui indique que son emploi se terminera le 10 février 2003.   Cette décision serait justifiée par le fait que Mme Hébert ne rencontre pas les aptitudes et qualités requises pour le poste qu’elle occupe et qu’elle a des carences au niveau de l’adaptation à son entourage.

[10]   Mme Hébert conteste la décision de l’employeur de la renvoyer en cours de stage et demande à l’A.F.P.C. de la représenter.

[11]   De leur côté, les défenderesses déposent, en liasse, deux volumes d’une centaine de pages (pièce S-1(a) et S-1(b)), contenant l’ensemble de la correspondance échangée   entre Mme Hébert et les défenderesses, les comptes rendus préparés par l’employeur et la correspondance entre Mme Hébert et l’employeur.

[12]   Gaby Lévesque était coordonnatrice des griefs et des arbitrages pour le compte de l’A.F.P.C. au moment des faits qui ont donné lieu à la plainte.   Elle explique que l’A.F.P.C. se compose de syndicats locaux regroupés sous 17 éléments (sections).   Ces derniers s’occupent des griefs aux différents paliers de la procédure applicable aux griefs.   La décision de renvoyer un grief à l’arbitrage appartient à  l’A.F.P.C.

[13]   Le grief de Mme Hébert est acheminé par le responsable de section, Simon Ferrand, à Mme Lévesque et cette dernière demande à Nathalie St-Louis, analyste aux griefs et à l’arbitrage pour l’A.F.P.C., d’en faire l’étude.

[14]   Mme Lévesque indique que, dans un avis daté du 30 mars 2004, Mme St-Louis conclut que le grief est difficilement défendable puisque Mme Hébert était en période de stage et qu’elle a été renvoyée en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.E.F.P.).   Mme St-Louis soutient qu’un tel renvoi n’est pas arbitrable, à moins qu’on puisse démontrer que l’employeur a agi de mauvaise foi.   Cet avis est remis à M. Ferrand, responsable de section, avec copie à Mme Hébert. À ce sujet, Mme Lévesque réfère à l’offre d’emploi faite à Mme Hébert (pièce S-1(a), onglet a), qui spécifie que «  […] les fonctionnaires nommés de l’extérieur de la fonction publique sont assujettis à un stage de douze mois […] ».

[15]   Suite à cet avis, Mme Lévesque discute plus d’une heure au téléphone avec Mme Hébert.   Elle dit avoir expliqué à Mme Hébert qu’elle était en période de stage et que son offre d’emploi (pièce S-1(a), onglet a) précise qu’elle est assujettie à un stage de 12 mois.   Mme Lévesque précise aussi à Mme Hébert que, puisque son poste a été reclassifié de façon administrative, Mme Hébert ne peut prétendre avoir eu une promotion en cours d’emploi.   Mme Lévesque souligne avoir demandé à Mme Hébert de présenter une plainte si elle veut contester la décision de l’A.F.P.C. de ne pas vouloir renvoyer son grief à l’arbitrage.

[16]   Selon Mme St-Louis, l’examen des comptes rendus de l’employeur et l’étude de la correspondance échangée entre Mme Hébert et l’employeur démontrent que celui-ci soulève des manquements de la part de Mme Hébert relativement à l’exécution de son travail et à ses relations interpersonnelles au travail.   Dans les circonstances, il serait difficile de prouver que l’employeur a agi de mauvaise foi.

[17]   Mme St-Louis indique avoir transmis un avis écrit sur le grief de Mme Hébert (pièce S-1(a), onglet 5), dans lequel elle analyse la possibilité de défendre un tel grief.   Compte tenu de la nature de l’emploi, des motifs du renvoi, du cadre législatif et après avoir examiné la jurisprudence en arbitrage de grief, Mme St-Louis considère que le grief n’est pas défendable.

Résumé de l’argumentation

[18]   Mme Hébert soutient que les défenderesses tiennent davantage compte des arguments de l’employeur que des siens.

[19]   Selon Mme Hébert, les défenderesses ont un parti pris sur la question de ses relations interpersonnelles au travail.   Elles devaient tenir compte des arguments qu’elle a soulevés.   Mme Hébert estime avoir bien accompli son travail et ne pas être l’instigatrice de difficultés de communications avec ses coll ègues de travail .   L’employeur n’est pas en droit de la congédier.

[20]   Les défenderesses soulignent de leur côté que l’agent négociateur a une marge d’évaluation et d’appréciation dans l’analyse d’un grief.   Les défenderesses ont fait une étude sérieuse des documents concernant Mme Hébert et de la jurisprudence applicable à un employé renvoyé en période de stage.

[21]   L’évaluation de rendement remise à Mme Hébert en cour de stage soul ève des questions d’adaptation à son entourage et ne réfère à aucun problème disciplinaire.

Motifs

[22]   Un agent négociateur doit représenter les fonctionnaires d’une unité de négociation d’une manière qui ne soit pas arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi.   Lorsqu’elle est saisie d’une plainte de représentation inéquitable, la Commission doit évaluer les gestes reprochés afin de déterminer s’ils constituent un manquement à ce devoir de représentation.

[23]   La lettre d’offre du 15 mars 2002 démontre clairement que Mme Hébert était en période de stage pour une période de 12 mois et qu’elle était assujettie à la L.E.F.P.

[24]   Le 9 janvier 2003, la lettre de renvoi explique ainsi la décision de l’employeur :

[…]

Cette décision est justifiée par le fait que vous ne rencontrez pas les aptitudes et qualités requises pour occuper l’emploi visé ainsi qu’en raison de vos carences au niveau de l’adaptation à votre entourage.   Vous avez été avisée à plusieurs reprises qu’à [ sic ] défaut de corriger cette situation, des mesures seraient prises pour mettre fin à votre emploi.

[… ]

[25]   L’examen de la preuve présentée et de la volumineuse documentation soumise me démontre que l’employeur a évalué le rendement de Mme Hébert au travail et ses carences à s’adapter avec son entourage.   Dans son évaluation du grief (lettre du 30 mars 2004), Mme St-Louis tient compte de ces raisons invoquées par l’employeur et conclut qu’il serait difficile d’établir que l’employeur a agi de mauvaise foi ou qu’il s’agit d’une question disciplinaire. Cette opinion concorde avec les exigences de preuve établies dans l’affaire Rinaldi c. Conseil du Trésor (Agence spatiale canadienne), dossiers de la CRTFP 166-2-26927 et 26928 (1996) (QL).

[26]   Dans le présent dossier, je considère que les défenderesses ont évalué consciencieusement l’ensemble de la preuve et ont décidé, en toute bonne foi et de façon non discriminatoire ou arbitraire, de ne pas renvoyer le grief de Mme Hébert à l’arbitrage.   Mme Hébert n’a fourni aucune preuve permettant d’établir que l’employeur a agi de mauvaise foi ou pour des raisons disciplinaires. Dans le présent cas, on doit considérer le fait que l’employeur n’a pas précipité son geste et a évalué Mme Hébert tout au long de la période de stage pour enfin décider de mettre fin à l’emploi, à la toute fin du stage.

[27]   Les défenderesses ont examiné les circonstances de l’affaire et décidé de ne pas aller plus loin.   Cette décision discrétionnaire respecte les paramètres du devoir de représentation équitable, tel que reconnu dans la décision Ford c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 161-2-775 (1995) (QL) :

[…]

Il existe de nombreux cas de jurisprudence tranchés par la présente Commission concernant la disposition ci-dessus.   Il n’est pas nécessaire de les résumer ici.   Qu’il suffise de dire que la Loi exige que l’agent négociateur représente ses membres équitablement et lui interdit d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi.   Cela étant dit, il ne faut pas en conclure que l’agent négociateur est tenu de porter chaque plainte présentée par ses membres devant les plus hauts tribunaux au pays.   Le membre ne jouit pas du droit absolu de se faire représenter par son agent négociateur en arbitrage.   Diverses possibilités sont offertes à l’agent négociateur et celui-ci est entièrement libre de peser les multiples facteurs qui interviennent dans une prise de décision tels que la jurisprudence pertinente, la question de savoir si le grief du membre est bien fondé, les coûts et les intérêts généraux de l’unité de négociation ainsi que d’autres considérations. […]

[…]

[28]   Je considère donc que la plaignante n’a pu établir qu’il y a eu mauvaise foi ou discrimination de la part des défenderesses ou qu ’elles ont fait preuve d’arbitraire dans leur traitement du grief de la plaignante .  

[29]   Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[30]   La plainte est rejetée.

Le 23 juin 2005.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire

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