Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé/plaignant a renvoyé en arbitrage son renvoi en cours de stage - le fonctionnaire s’estimant lésé/plaignant a également déposé une plainte, alléguant que l’employeur avait menacé de le congédier s’il présentait un grief - la plainte a été déposée avant l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - la Commission a noté les importantes différences entre l’ancienne et la nouvelle LRTFP - en vertu de la nouvelle LRTFP, le fardeau de la preuve appartient à l’intimé plutôt qu’au plaignant - la Commission a jugé qu’une fois que la plainte était déposée, les droits des parties, y compris la question de savoir à qui incombe le fardeau de la preuve, devenaient figés - il ne faut pas modifier les droits des parties en l’absence d’une claire intention législative - la Commission a jugé que la question devrait être déterminée en vertu du régime législatif institué par l’ancienne LRTFP - l’intimé nie qu’il a tenté de décourager la présentation d’un grief par le fonctionnaire s’estimant lésé/plaignant - la Commission a jugé que l’intimé était plus crédible et que le fonctionnaire s’estimant lésé/plaignant ne s’est pas acquitté de son fardeau - la Commission a rejeté la plainte - en ce qui concerne le grief, la Commission a jugé que l’employeur avait un motif lié à l’emploi pour le renvoi en cours de stage - l’arbitre de grief a statué que le fonctionnaire s’estimant lésé/plaignant n’a pas pu démontrer que le renvoi était injustifié ou constituait un acte de mauvaise foi - par conséquent, l’arbitre de grief a jugé qu’il n’avait pas la compétence voulue pour entendre le grief. Grief rejeté. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C.
(1985), ch. P-35 et Loi sur les relations de travail dans la fonction
publique édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la
fonction publique, L.C. 2003, ch. 22

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-07-13
  • Dossiers:  166-2-33836
    561-2-25
  • Référence:  2005 CRTFP 72

Devant un arbitre de grief et devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

MOHAMMAD ASLAM CHAUDHRY

fonctionnaire s'estimant lésé/plaignant

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur/intimé

Répertorié
Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 et une plainte logée en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Ian Mackenzie, arbitre de grief et vice-président

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé/plaignant  : Daniel Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur/intimé  : Renée Roy, avocate


Affaire entendue à Kingston (Ontario),
du 6 au 8 juin 2005.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)


Grief renvoyé à l'arbitrage et plainte

[1]   Mohammed Aslam Chaudhry était adjoint des services administratifs au Service correctionnel du Canada (SCC) au bureau central de l’Établissement Millhaven.   Il a été renvoyé en cours de stage le 6 février 2004 et a reçu un mois de préavis, cessant par le fait même d’être un employé en date du 7 mars 2004.   Il a déposé un grief à l’encontre de ce renvoi le 11 février 2004 (pièce G-3).   M. Chaudhry et son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), ont également déposé une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) alléguant que sa superviseure, Susan Sly, l’a menacé de lui faire perdre son emploi s’il déposait effectivement un grief. La plainte a été déposée auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») le 16 juin 2004.   M. Chaudhry était assujetti à la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration conclue entre le Conseil du Trésor et l’AFPC ayant comme date d’expiration le 20 juin 2003 (pièce G-1).   

[2]   Dans une lettre en date du 3 septembre 2004, l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre d’entendre le grief sur le renvoi en cours de stage.   L’agent négociateur a fait valoir, pour le compte du fonctionnaire s’estimant lésé, que le renvoi en cours de stage était une mesure disciplinaire déguisée.   La Commission a informé les parties le 20 septembre 2004 que la question de la compétence devrait être soulevée au début de l’audition. En ce qui concerne le grief, cette décision a trait uniquement à la question de la compétence.

[3]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (LMFP), a été proclamée en vigueur.   En vertu de l’article 61 de la LMFP, je demeure saisi de ce renvoi à l’arbitrage de grief.   En vertu de l’article 39 de la LMFP, la Commission demeure saisie de cette plainte.   Il doit être statué sur le grief conformément à l’ancienne LRTFP, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).   L’employeur a présenté des observations sur la Loi qui devrait s’appliquer à la plainte et j’ai traité de cette question dans les motifs.

Résumé de la preuve

[4]   M. Chaudhry est entré à la fonction publique le 17 février 2003 à l’Établissement Bath à titre d’adjoint aux Services administratifs, un poste de groupe et de niveau CR-03 (pièce E-1).   Le 16 juin 2003, il a été nommé à un poste à durée indéterminée au bureau central de l’Établissement Millhaven.   À cet établissement, il a d’abord occupé le poste de préposé aux virements et a été affecté à un nouveau poste de préposé à la saisie des données et à la libération en octobre 2003.   Sa lettre d’offre portant sur la nomination pour une durée déterminée (pièce E-1) mentionnait que la période probatoire applicable à tous les employés nommés qui proviennent de l’extérieur de la fonction publique était de 12 mois.   La lettre d’offre ayant trait au poste d’une durée indéterminée (pièce E-2) déclarait qu’il devrait terminer sa période probatoire actuelle, comme l’énonçait la lettre d’offre initiale.   Par conséquent, la période probatoire de M. Chaudhry devait prendre fin le 16 février 2004.

[5]   Le directeur de l’Établissement Millhaven, Jim Marshall, a produit une note de service dans laquelle il procède au renvoi en cours de stage de M. Chaudhry le 6 février 2004 (pièce G-2).   M. Marshall possédait le pouvoir délégué d’effectuer le renvoi en cours de stage (pièce E-17).   La lettre expose le fondement du rejet en cours de stage de la façon suivante :

[…]

[Traduction]

J’ai revu votre évaluation de rendement récente produite par Susan Sly, chef des Services administratifs par intérim.   Cette information vous a été communiquée précédemment.   Ce document témoigne du fait que votre rendement au travail est inacceptable.   Des efforts déployés en vue de vous aider à satisfaire à des normes acceptables de rendement n’ont pas connu de succès.   Je constate également qu’au cours de cette période, vous avez fait l’objet de mesures disciplinaires en raison de votre comportement inacceptable pendant que vous étiez employé à l’Établissement Bath.

[…]

[6]   Susan Sly, chef des Services administratifs par intérim, était la superviseure de M. Chaudhry à l’Établissement Millhaven.   Elle a recommandé de renvoyer M. Chaudhry en cours de stage; son superviseur, le directeur adjoint des Services de gestion (DASG), John Stevenson, appuyait cette recommandation.

[7]   M. Stevenson a déclaré que Mme Sly a discuté en maintes occasions avec M. Chaudhry de problèmes touchant son rendement au travail.   Il a affirmé qu’elle a abordé pour la première fois des problèmes de rendement dans les deux à trois mois ayant suivi l’arrivée de M. Chaudhry à l’Établissement Millhaven.   Il a dit que sa superviseure a soulevé deux catégories de problèmes interreliées : l’une portait sur le respect de la procédure, et l’autre sur les relations et les interactions avec le personnel.

[8]   Mme Sly a témoigné qu’elle a recommandé le renvoi en cours de stage surtout en raison de l’incapacité de M. Chaudhry de s’acquitter des fonctions liées au poste de préposé à la saisie de données et à la libération, mais aussi, à titre secondaire, en raison de ses relations de travail.

[9]   La mesure disciplinaire dont il est question dans la note de service prononçant le renvoi en cours de stage a été prise à l’Établissement Bath.   Mme Sly a témoigné que même si elle savait qu’une mesure disciplinaire avait été infligée, elle ignorait les événements qui s’étaient produits à l’Établissement Bath et la mesure disciplinaire ne faisait pas partie de sa recommandation de renvoyer M. Chaudhry en cours de stage.

[10]   M. Stevenson a témoigné qu’il était au courant de la mesure disciplinaire prise à l’Établissement Bath, car c’est lui qui l’avait infligée après l’arrivée de M. Chaudhry à l’Établissement Millhaven.   La mesure disciplinaire était constituée d’une lettre de réprimande.   M. Stevenson a déclaré qu’elle ne faisait pas partie des facteurs dont il a tenu compte pour appuyer la recommandation de renvoi en cours de stage.

[11]   Jim Marshall, le directeur, a également déclaré qu’il n’a pas pris cette mesure disciplinaire en compte pour accepter la recommandation.   Il a demandé que le Service des ressources humaines rédige la note.   Il n’a pas demandé que la phrase traitant de la mesure disciplinaire à l’Établissement Bath soit comprise dans la lettre et il ne sait pas pourquoi elle y a été intégrée.

[12]   M. Chaudhry est venu au Canada en 1987.   Il a fait des études postsecondaires au Pakistan.   Lorsqu’il est venu au Canada pour la première fois, il a suivi des cours d’informatique et de commerce.   Il a demandé avec succès de se faire inscrire dans l’inventaire de la Commission de la fonction publique et a été recommandé pour un poste au SCC.   Il a loué une chambre à Kingston et allait et venait entre cet endroit et son domicile et sa famille, à Toronto, les fins de semaine.  

[13]   À l’Établissement Bath, il lui incombait de faire du classement, de remettre des dossiers aux gens, de trier du courrier, de répondre au téléphone et de saisir des données à l’ordinateur.   Il a déclaré qu’aucune lacune quant au rendement au travail n’a été portée à son attention pendant qu’il était à l’Établissement Bath.

[14]   M. Chaudhry a suivi une formation en gestion des dossiers en février 2003 ainsi qu’un cours sur le « système de gestion des détenus » en mars 2003.   Il a suivi une formation et une orientation rattachées au SCC en novembre 2003 (pièce E-8).

[15]   Lorsqu’il est arrivé à l’Établissement Millhaven, M. Chaudhry a été affecté au bureau des transferts.   Il avait une description de fonctions générique qui s’appliquait à tous les postes de préposé au Bureau central de l’Établissement Millhaven (pièce E-7).   Sa formation lui a été donnée par RosaLee Mohan, préposée aux Services administratifs.   Mme Mohan a élaboré une méthode de bureau à l’intention de M. Chaudhry qui couvrait les fonctions rattachées au poste (pièce E-9).   Mme Sly a déclaré qu’elle avait organisé une semaine de formation en cours d’emploi pour M. Chaudhry; la plupart des nouveaux employés ont reçu seulement deux à trois jours de formation.   Elle a affirmé qu’à ce moment-là, elle avait compris qu’il y avait des problèmes à l’Établissement Bath et elle voulait s’assurer que les problèmes n’étaient pas liés à une formation adéquate.

[16]   Le poste au bureau de transfert comportait des tâches de transfert des dossiers de détenus lorsque ces derniers quittaient l’Établissement Millhaven pour se rendre dans d’autres établissements.   Chaque détenu a habituellement sept dossiers, dont un dossier de gestion de cas, un dossier de soins de santé, et un dossier d’admission et de départ.   L’Établissement Millhaven est une aire de réception pour l’Ontario ainsi qu’un pénitencier à sécurité maximale.   Les détenus se présentent à l’Établissement Millhaven pour être évalués avant d’être envoyés dans d’autres établissements de l’ensemble du pays.   Les agents de libération conditionnelle recueillent de l’information et procèdent à une évaluation de chaque détenu. Cette information est acheminée au bureau de transfert du Bureau central; l’information est ensuite classée dans le dossier adéquat.   Les évaluations sont souvent effectuées dans un échéancier serré, les détenus étant fréquemment transférés le lendemain matin.

[17]   Mme Sly a déclaré qu’elle s’est rendu compte qu’au début, le poste comportait une courbe d’apprentissage abrupte. Elle s’attendait à ce que le titulaire du poste gagne en exactitude et en rapidité au cours des trois premières semaines.   Elle a décrit le poste comme un poste comportant beaucoup de pression.   Les dossiers doivent être exacts et des équipes de transfert dont le coût est élevé doivent préparer les documents afin que les détenus puissent être transférés rapidement.   Elle croyait que le poste au bureau de transfert aurait pu être trop stressant pour M. Chaudhry.   Elle admettait que la pression élevée inhérente à ce poste ne convenait pas à tous et à toutes.   Elle a également déclaré que bien que ses collègues étaient prêts à aider M. Chaudhry, ils estimaient qu’il posait les mêmes questions trop fréquemment, ce qui engendrait une certaine frustration de leur part.   Elle a également déclaré que M. Chaudhry avait de la difficulté à suivre le rythme de travail.

[18]   En contre-interrogatoire, Mme Sly a déclaré qu’elle n’attribuait pas uniquement à M. Chaudhry les difficultés du poste au bureau de transfert, et qu’elle n’a pas présumé automatiquement qu’il devait être blâmé pour son rendement à ce poste.   Elle a donc organisé une rotation des affectations et a informé le personnel présent à une réunion le 9 septembre 2003 que la rotation devait débuter le 6 octobre 2003 (pièce E-11).

[19]   M. Chaudhry a déclaré que Mme Sly a expliqué la rotation à tous les membres du personnel comme une occasion, pour tous, d’apprendre en quoi consiste l’emploi des autres.   Il n’a pas été informé que la rotation visait expressément à le muter dans un autre poste.   Mme Sly a confirmé ne pas avoir avisé M. Chaudhry ou les autres employés des véritables motifs de la   rotation.

[20]   M. Chaudhry a témoigné que le poste au bureau de transfert était le poste le « plus utile » à avoir et qu’il disposait de beaucoup de temps pour aider les autres au Bureau central.   Il a déclaré qu’il avait beaucoup de temps pour faire plus que sa part de classement supplémentaire.   Il a affirmé qu’il avait reçu une formation et des ressources adéquates pour ce poste.   Il a ajouté qu’il ne lui est « jamais arrivé » de prendre du retard dans le cadre de ce poste.   Il a fait observer que ses rapports avec ses collègues étaient bons et qu’ils se parlaient tous.   Dans son témoignage, il a déclaré qu’il estimait que Mme Sly mélangeait les époques avant octobre et après octobre.

[21]   M. Chaudhry a commencé à occuper le poste de préposé à la saisie des données et à la libération au début d’octobre 2003.   Il devait, dans le cadre de son poste, préparer les dossiers des « nouveaux venus ».   Il a reçu de la formation de la part d’une collègue, Karen Douglas.   Mme Sly a témoigné qu’initialement, la formation ne s’est pas bien passée; M. Chaudhry recherchait la confrontation.   Elle n’était pas au bureau à l’époque, mais elle a témoigné que la confrontation a fait l’objet d’une médiation par le sous-directeur et le DASG, John Stevenson.

[22]   Mme Sly a affirmé que M. Chaudhry n’avait pas fermé tous ses dossiers au bureau de transfert avant d’accepter son nouveau poste.   Elle lui a demandé par courrier électronique s’il avait eu l’occasion de fermer les dossiers (pièce E-11) et il a répondu le lendemain qu’il l’avait fait.   Il a soutenu qu’il ne contestait pas le fait que certains dossiers n’avaient pas été fermés, mais il a ajouté qu’il changeait de poste et qu’il n’y avait rien de mal à laisser certains dossiers ouverts.

[23]   Mme Sly a déclaré que dans le cadre de son nouveau poste, M. Chaudhry a pris du retard dans son travail dès les premières semaines, ce qui, au dire de Mme Sly, était compréhensible.   M. Chaudhry a témoigné qu’il lui avait dit que lorsqu’il est entré en fonctions dans ce poste, le travail à accomplir à ce bureau accusait un retard de trois semaines.   Elle a ensuite constaté que M. Chaudhry est resté après 16 h 30 à maintes reprises, ce qui la préoccupait, car selon elle, le travail ne nécessitait pas ce genre d’heures prolongées.   Elle a exprimé sa consternation et lui a dit qu’elle ne pouvait pas le payer en heures supplémentaires.   Elle a déclaré qu’il lui a dit qu’il ne voulait pas être payé pour ses heures supplémentaires.   Elle a ajouté qu’au départ, elle avait laissé les heures supplémentaires se poursuivre parce qu’elle croyait qu’il deviendrait plus efficace au fur et à mesure qu’il consacrerait plus de temps à son travail.   Finalement, elle lui a interdit de faire des heures supplémentaires et elle a déclaré qu’il a pris beaucoup de retard dans son travail.   Mme Sly a témoigné que le fait de prendre du retard dans l’ouverture des dossiers de nouveaux-venus a eu des répercussions sur l’établissement.   Sans portefeuille juridique dans lequel placer l’information, les documents circulaient librement jusqu’à ce que le dossier soit constitué.   Elle a déclaré avoir reçu des plaintes de vive voix d’autres services au sein de l’établissement, mais elle leur a demandé de lui « donner une chance ».   Toutefois, vers décembre, Mme Sly a affirmé qu’un chef de département à Millhaven l’a informée qu’il ne voulait plus assumer la responsabilité des dossiers non ouverts et qu’il voulait que quelque chose soit fait sur-le-champ.

[24]   En contre-interrogatoire, Mme Sly s’est fait demander si elle avait déjà attiré l’attention de M. Chaudhry sur les aspects problématiques de son travail en octobre ou en novembre 2003.   Elle a soutenu qu’elle avait eu des conversations avec M. Chaudhry sur la nécessité de travailler de manière cohérente avec ses collègues.

[25]   M. Chaudhry a déclaré que dans le cadre de son poste de préposé à la saisie de données et à la libération, on s’attendait à ce qu’il exécute des tâches relevant du poste de préposé aux admissions.   Il a affirmé que Mme Sly semblait incapable de dire au titulaire de ce poste de faire son travail.   M. Chaudhry a déclaré que toutes les fonctions que l’on s’attendait à le voir exécuter n’étaient pas censées constituer un emploi.

[26]   Le 7 octobre 2003, des collègues ont constaté que dans la boîte de déchiquetage de M. Chaudhry se trouvaient des dossiers pouvant être réutilisés.   Quand les dossiers ont été retirés, on a découvert que certains d’entre eux n’auraient pas dû se trouver là.   M. Chaudhry a également été informé qu’il devait écrire son nom au complet de façon lisible sur toutes les notes d’accompagnement.   Il a affirmé avoir modifié sa façon de faire après que ses collègues eurent soulevé cette question.

[27]   Le 8 octobre 2003, Mme Sly a informé M. Chaudhry qu’il avait laissé fonctionner son terminal d’ordinateur après avoir quitté pour la journée (pièce E-11).   Elle l’a informé qu’il importait de quitter le réseau et de fermer son ordinateur quotidiennement.   M. Chaudhry a déclaré qu’il avait laissé fonctionner son ordinateur plus d’une fois et qu’il avait tenté de convaincre ses collègues qu’il était préférable pour le disque dur de laisser l’ordinateur sous tension que de le fermer tous les soirs.   Il a dit qu’il a commencé à fermer son ordinateur à la fin de sa journée de travail après que son superviseur a soulevé la question.

[28]   Le 22 octobre 2003, Maria Stebelsky, médiatrice régionale au SCC, a tenu des rencontres avec le personnel au bureau central pour tenter de régler des conflits en cours, y compris une rencontre individuelle avec M. Chaudhry.   Mme Sly a communiqué avec elle pour organiser les rencontres.

[29]   M. Chaudhry a demandé de l’aide relativement à l’arriéré accumulé dans son travail.   Dans un message envoyé par courrier électronique à deux de ses collègues le 23 octobre 2003 (pièce E-11), Mme Sly leur a demandé s’ils pouvaient lui apporter leur aide.   L’une de ses collègues, Anne Riggs, a répondu qu’elle était trop occupée pour l’aider.   M. Chaudhry a déclaré qu’il était souvent submergé de dossiers de nouveaux arrivants à ouvrir. Certains jours, il n’y en avait aucun mais certains autres, il pouvait y en avoir plus de 20.   Il a affirmé que ce jour-là, il y avait trop de dossiers. Il a en outre indiqué qu’il ne s’agissait pas de son travail, mais plutôt de celui du préposé aux admissions.

[30]   Mme Sly a dit que l’on s’attendait à ce que les préposés qui étaient à l’extérieur du bureau rattrappent le retard dans leur travail à leur retour, à l’exception du préposé aux virements, et qu’ils pouvaient habituellement le faire dans un délai de deux à trois jours.   Quand M. Chaudhry a suivi ses deux semaines de formation d’orientation en novembre, Mme Douglas a assumé ses fonctions parce qu’une absence de deux semaines représentait une période trop longue pour laisser le poste inoccupé.   Lorsqu’elle a pris la relève, M. Chaudhry avait pris du retard dans la création de 28 dossiers de nouveaux venus.   M. Chaudhry a reconnu que c’était vrai et a dit que l’on s’attendait à ce qu’un retard de quatre ou cinq jours ait été accumulé sur son bureau.

[31]   Le 28 octobre 2003, Mme Douglas a informé M. Chaudhry par courrier électronique (pièce E-11)qu’il n’inscrivait pas de« dates d’expiration du mandat » (DEM) dans les dossiers. Dans son message par courrier électronique, Mme Douglas disait ce qui suit :

[Traduction]

[…] Je ne vous critiquais aucunement ni ne tentais de vous imposer de la pression, j’essayais plutôt de vous aider en vous rappelant cette étape en particulier, car il arrive que des choses soient oubliées.   Comme vous le savez, j’ai occupé ce poste d’avril à votre entrée en fonctions, en octobre de cette année, et je sais à quel point il peut y avoir beaucoup de travail à l’occasion.

[…]  

[32]   M. Chaudhry a affirmé qu’il était contre l’inscription de ces dates sur les dossiers, car cette tâche lui donnait du travail supplémentaire.   Il a mentionné que ces dossiers provenaient d’autres établissements et que la DEM aurait dû être inscrite sur les dossiers à ces établissements.

[33]   Le 27 octobre 2003 (pièce G-7), M. Chaudhry a communiqué avec la présidente du syndicat local, Julia Westfall, pour se plaindre des « pressions considérables » exercées par ses collègues de travail.   Il a déclaré qu’au cours de cette semaine, Mme Sly était à l’extérieur et que la préposée aux admissions a assumé « à titre non officiel » un rôle plus déterminant en milieu de travail en raison de son ancienneté et de son influence.   M. Chaudhry a soutenu qu’il avait formulé certaines inquiétudes relativement au travail de la préposée aux admissions et la titulaire de ce poste estimait que ces commentaires ont été faits contre elle.   Elle lui a rendu la vie très difficile et a montré sa rancœur.   Il a déclaré que cette période difficile a duré seulement quelques jours et que les rapports sont revenus au beau fixe entre eux.

[34]   Le 28 octobre 2003, M. Chaudhry a eu une réunion avec M. Stevenson (pièce E-11).   Mme Douglas était toujours en train de former M. Chaudhry et il s’est dit préoccupé du fait qu’elle continuait de lui dire de faire les choses d’une certaine façon.   M. Chaudhry a déclaré qu’il a dit à M. Stevenson que s’il faisait les choses à sa manière à elle et qu’il s’agissait d’une erreur, la responsabilité de l’erreur incomberait à Mme Douglas.   Il a en outre ajouté que M. Stevenson était d’accord avec cette position.

[35]   Mme Sly a fait parvenir à M. Chaudhry un message par courrier électronique en date du 5 décembre 2003 (pièce G-8) dans lequel elle reconnaissait qu’il était un « travailleur très consciencieux », comme le montraient ses heures de travail prolongées pour rattraper son retard.   Elle a également déclaré qu’elle ne pouvait pas le payer en heures supplémentaires. Elle l’a autorisé à quitter tôt ce jour-là (un vendredi) pour prendre un bon départ en vue de son retour à Toronto.   M. Chaudhry a affirmé qu’il lui était impossible de faire son travail et de s’acquitter de ses fonctions au bureau d’accueil et de ses fonctions de préposé aux admissions sans rester plus tard.

[36]   Le 16 décembre 2003, Mme Sly a fait observer que M. Chaudhry accusait un retard de six jours dans ses dossiers de transfert international (pièce E-11).   Au cours des vacances de Noël, l’une de ses collègues, Ruth Cordukes, a rattrapé le retard accumulé au niveau de l’ouverture des dossiers de nouveaux venus et en a ouvert 24 (pièce E-11).

[37]   M. Chaudhry a déclaré que Mme Sly l’a incité à croire qu’elle allait l’aider au niveau du travail et à apaiser ses préoccupations portant sur les fonctions rattachées à son poste et elle a affirmé que la charge de travail serait évaluée après les vacances de Noël.

[38]   L’Établissement Millhaven joue également un rôle comme dépôt régional des dossiers de détenus.   Mme Sly a déclaré qu’un poste à demi-temps était inoccupé au dépôt.   Quand les membres du personnel avaient du temps, ils aidaient la personne travaillant au dépôt et une fois par mois, chacun classe le contenu d’une boîte.   Elle a témoigné que cette mesure n’a pas eu d’impact sur la charge de travail de M. Chaudhry parce que l’on ne s’attendait pas à ce que la personne non occupée à son travail apporte son aide au dépôt.   Il y avait également un poste à temps plein qui était libre aux Services administratifs.   Ces fonctions étaient tout simplement exécutées au fur et à mesure que le temps le permettait, et il ne s’agissait pas d’une priorité aussi importante que d’autres tâches de classement.   Encore une fois, Mme Sly a déclaré que cela n’avait pas d’impact sur M. Chaudhry, car on ne s’attendait pas à ce que les employés apportent leur aide s’ils accusaient du retard dans leur travail.

[39]   Mme Sly a dit que M. Chaudhry était impliqué dans des procédures d’appel et de grief au début de janvier et qu’il avait des conversations téléphoniques au travail.   M. Chaudhry a déclaré qu’il avait interjeté appel à l’encontre de mesures de dotation et qu’un représentant de la Commission de la fonction publique lui avait téléphoné pour discuter du dossier au travail.   Ses collègues de travail ont exprimé leurs réserves au sujet de ces appels téléphoniques « dérangeants » (pièce E-11).   Il a nié qu’il parlait fort et qu’il était agressif au téléphone.   Il a déclaré que Mme Sly lui a dit qu’il devrait prendre tout autre appel dans son bureau à elle et il a accepté de le faire.

[40]   Le 8 janvier 2004, M. Chaudhry a communiqué avec la présidente de son syndicat local, Julia Westfall, pour obtenir de l’aide au sujet d’un problème lié à la répartition du travail (pièce G-9) après qu’il se soit rendu compte que Mme Sly ne poserait aucun geste concret relativement à la charge de travail et aux postes vacants.   Il a déclaré qu’il avait tenté d’obtenir son titre de poste et un énoncé des fonctions rattachées à ce poste en s’adressant au Service des ressources humaines et à Mme Sly.   Il estimait que Mme Sly l’avait trompé et qu’elle n’avait jamais eu l’intention de revoir la charge de travail.

[41]   Le 8 janvier 2004 (pièce E-11), Mme Sly a soulevé la question de la préparation de chemises de papier bulle pour les étagères avec M. Chaudhry; ces chemises de classement tenaient lieu d’intercalaires entre chaque série de dossiers de détenu.   Elle lui a ensuite fait parvenir un message par courrier électronique en date du 13 janvier 2004 dans lequel elle lui demandait où en était la préparation des chemises de papier bulle.   Mme Sly a déclaré qu’il aurait pu préparer les chemises puis les mettre sur les étagères en deux ou trois heures.   M. Chaudhry lui a répondu par courrier électronique et a fait parvenir une copie de son message à deux représentants syndicaux, soit John Nugent et Mme Westfall (pièce E-11).   Il a expliqué qu’alors qu’il préparait les chemises, il a découvert des dossiers sans chemise.   Il a dit qu’elle aurait pu lui donner instruction de s’occuper des chemises et de ne pas s’occuper du reste et c’est ce qu’il aurait fait.   Il a également affirmé [traduction] « je suis responsable d’à peu près toute la circulation de dossiers au sein de l’établissement ».   Il a en outre déclaré qu’il travaillait comme préposé à la libération, comme préposé à la saisie des données, comme préposé au bureau d’accueil et comme préposé aux admissions.

[42]   À la suite du message par courrier électronique qu’elle a reçu de M. Chaudhry le 13 janvier 2004, Mme Sly a demandé qu’il assiste à une [traduction] « séance informelle d’orientation pour discuter de questions liées au travail » le 20 janvier 2004 (pièce G-10).   Mme Sly a déclaré qu’elle a convoqué la rencontre parce que le message par courrier électronique a également été adressé à des représentants syndicaux et parce que M. Chaudhry semblait vouloir être dirigé à la minute près.   M. Stevenson, Mme Sly, M. Chaudhry et son représentant syndical, John Nugent, étaient présents.   Mme Sly a affirmé qu’à la rencontre, M. Chaudhry s’est fait dire qu’il devait augmenter la cadence et que le fait d’accuser du retard dans son travail était inacceptable.   Elle a déclaré que M. Chaudhry a soulevé les postes vacants et a soutenu que si ces postes étaient comblés, il bénéficierait de plus d’aide pour faire son travail.   Mme Sly a répliqué qu’elle a souligné que ces postes vacants n’avaient rien à voir avec son poste.

[43]   M. Nugent a rédigé des notes de la rencontre dans les deux ou trois semaines ayant suivi celle-ci (pièce G-6).   Ses notes reflètent le fait qu’à la réunion, M. Chaudhry a soulevé certaines préoccupations au sujet de sa charge de travail.   M. Nugent a déclaré qu’un incident impliquant une collègue de M. Chaudhry, RosaLee Mohan, a été mentionné à la fin de la rencontre.   De son point de vue, il s’agissait presque d’« une réflexion après coup ».   M. Nugent a également soutenu qu’il n’a pas été suggéré au cours de la rencontre que le rendement au travail de M. Chaudhry était inadéquat ni que son emploi était en péril.   Mme Sly a déclaré qu’au terme de la rencontre, il était entendu qu’à l’avenir, M. Chaudhry lui soumettrait directement ses difficultés professionnelles.

[44]   M. Chaudhry a fait parvenir un message par courrier électronique à M. Nugent après la réunion (pièce G-11); ce message résumait l’essence de la rencontre.   Selon ce qu’il avait compris, la préparation de dossiers en vue de nouvelles admissions deviendrait la responsabilité du préposé aux admissions.   Il a déclaré que M. Stevenson ignorait qu’il s’acquittait des tâches rattachées au poste de préposé aux admissions.   D’après les dires de M. Chaudhry, M. Stevenson avait affirmé qu’il avait soulevé des arguments valables et avait laissé entendre que sa superviseure (Mme Sly) s’occuperait de la question.

[45]   Le 15 janvier 2004, le chef de l’administration des sentences à l’Établissement Matsqui demandait le dossier d’un détenu ayant été libéré le 29 septembre 2003 (pièce E-11).   Mme Sly a déclaré que le dossier aurait dû être envoyé au nouvel établissement et qu’il s’agit d’une condition de base.   Le 23 janvier 2004, une autre demande a été présentée pour obtenir le dossier d’un détenu qui a été transféré de l’Établissement de détention pénitentiaire temporaire de Kingston à l’Établissement de Collins Bay le 6 janvier 2003.   Mme Sly a déclaré qu’habituellement, ces dossiers seraient acheminés dans les deux à trois jours suivants.   Le retard dans l’envoi rapide des dossiers prend son importance du fait que le nouvel établissement ne disposera peut-être pas, alors, de données primordiales sur la santé et l’évaluation psychologique du détenu.   Cette situation pourrait avoir des conséquences pour le SCC s’il survenait un problème.   M. Chaudhry a déclaré qu’il a tardé à envoyer les dossiers et ce, sans motif valable.   Il a reconnu qu’il avait eu une lacune, mais que de telles choses se produisent.

[46]    Le 23 janvier 2004, il régnait une certaine confusion au sujet de dossiers de détenu manquants.   D’après la fiche de sortie portant sur les dossiers, il y avait 12 dossiers alors que dans les faits, il n’y en avait que huit.   Mme Sly a témoigné que les dossiers manquants ont dû faire l’objet d’une recherche majeure dans la salle des dossiers jusqu’à ce que l’erreur de M. Chaudhry soit découverte.   M. Chaudhry a déclaré qu’oficiellement, il lui incombait d’enregistrer le nombre de dossiers sortis de la salle des dossiers; toutefois, il arrivait fréquemment que les agents de libération conditionnelle signent eux-mêmes les cartes si M. Chaudhry ne se trouvait pas dans la pièce à ce moment-là.

[47]   Mme Sly a déclaré que le superviseur des visites et de la correspondance, Mike Mitchell, a communiqué avec elle un certain nombre de fois pour lui demander où en était le statut des dossiers de nouveaux venus.   En janvier, il lui a fait parvenir un message par courrier électronique.   Elle a reçu une liste de M. Mitchell et a demandé à M. Chaudhry ce qu’il en était des dossiers des détenus qui sont arrivés le 14 janvier et le 19 janvier 2004 (pièce E-11).   M. Chaudhry a répondu à son message par courrier électronique et a admis qu’il accusait du retard dans ses dossiers. Il a affirmé que le travail devrait être confié au préposé aux admissions.   Mme Sly a soutenu que le travail lié aux admissions était confié au préposé à la saisie des données et à la libération et non à la personne appelée préposé aux admissions.   Elle a en outre déclaré que cela avait été expliqué à M. Chaudhry.

[48]   En contre-interrogatoire, M. Chaudhry s’est fait demander si Mme Sly lui faisait constamment remarquer qu’elle croyait que les dossiers de nouveaux venus faisaient partie de son travail.   Il a répliqué que « d’une certaine façon, elle le faisait ».   Le manuel administratif du préposé à la saisie des données et à la libération (pièce E-10) énonce que ce poste comporte des responsabilités relatives aux nouvelles admissions.

[49]   Le 26 janvier 2004, Mme Sly a fait parvenir un message par courrier électronique à M. Chaudhry pour lui demander des renseignements sur le statut des dossiers.   Il a répondu à Mme Sly et a fait parvenir des copies à ses représentants syndicaux et à M.  Stevenson.   Mme Sly a fait des démarches auprès de M. Stevenson pour lui demander conseil, car elle estimait qu’elle n’avait plus de ressources à offrir pour aider M. Chaudhry.   M. Stevenson a proposé que soit dressé un « rapport d’évaluation du rendement » (RÉR) à mi-parcours qui décrit les problèmes posés par le rendement de M. Chaudhry et qui, selon lui, avaient déjà été mentionnés à M. Chaudhry.   M. Stevenson a déclaré qu’[traduction]« il est apparu clairement que nous étions tenus d’établir très clairement » que tous les efforts déployés pour aider M. Chaudhry n’avaient pas l’effet souhaité.   Il a dit que le RÉR avait pour objet d’établir un sommaire du rendement [traduction] « pour dresser le portrait des problèmes non résolus » qui soit le plus clair possible.   À ce stade, Mme Sly et lui croyaient à tort que la période probatoire de M. Chaudhry s’étalait sur une année complète à compter de la date de son arrivée à l’Établissement Millhaven (soit le 16 juin 2004) et non du début de son emploi pour une durée déterminée au SCC.   Par conséquent, tous deux avaient la fausse impression qu’ils ont eue jusqu’au 16 juin 2004, soit qu’ils devaient régler ces problèmes de rendement.   M. Stevenson a déclaré qu’ils estimaient tous les deux qu’il était prématuré de renvoyer M. Chaudhry en cours de stage avant de lui laisser toute la période prévue pour faire ses preuves. Une fois qu’ils ont appris qu’ils avaient moins de temps, ils ont décidé d’aller de l’avant et de renvoyer M. Chaudhry en cours de stage.

[50]   Avec l’aide de sa représentante syndicale, Julia Westfall, M. Chaudhry a élaboré un projet de grief portant la date du 29 janvier 2004 (pièce G-14) :

[Traduction]

DÉTAILS DU GRIEF

Je me plains du fait que je dois occuper deux emplois à temps plein et, parfois, trois emplois, tandis qu’un collègue ne doit occuper qu’un emploi à temps plein. Je me plains du fait que cette pratique est discriminatoire parce que je suis un nouvel employé et du fait que la situation aura des répercussions sur ma santé et sur ma sécurité si je dois continuer d’occuper plus de un emploi à temps plein […]

REDRESSEMENT DEMANDÉ

Je demande de pouvoir occuper seulement un poste à temps plein et que l’établissemen recrute le personnel requis pour que soient comblés les postes vacants que je dois maintenant combler.

[51]   M. Chaudhry a déclaré qu’il a imprimé le projet de grief et qu’il est demeuré sur l’imprimante pendant une courte période.   Il avait compris que Mme Sly avait été informée du grief.   Cependant, cette dernière a nié être au courant qu’il entendait déposer un grief.

[52]   Mme Sly a rencontré M. Chaudhry au cours de l’après-midi du 29 janvier 2004.   Elle a dit qu’elle lui a demandé de réfléchir, pendant la fin de semaine, à ce qu’elle pourrait faire d’autre pour l’aider à améliorer son rendement.   Elle a affirmé que M. Chaudhry lui a dit que sa charge de travail était « incroyable ».   Mme Sly soutenait qu’elle croyait lui avoir fourni un graphique qui comparait les charges de travail sur quelques années (pièce E-14) et qui révélait que l’on comptait en définitive le même nombre de dossiers que durant l’année précédente.   Elle lui a également montré les objectifs de rendement de l’adjoint aux services administratifs (pièce E-13) et lui a dit que les fonctions rattachées à ce poste n’ont pas évolué.   M. Chaudhry a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir vu ce document.   Dans un message par courrier électronique envoyé à sa représentante syndicale, Mme Westfall, le lendemain, il a résumé la rencontre de la manière suivante (pièce G-13) :

[Traduction]

[…]

J’ai été convoqué par ma superviseure le 29 janvier 2004, vers 15 h 30.   Je suis allé voir la superviseure vers 15 h 40.   Celle-ci désirait discuter du message par courrier électronique que je lui avais envoyé la veille (le lundi 26 janvier 2004, à 15 h 23).   Elle m’a dit très clairement : « Aslam, j’espère que vous savez que vous êtes encore en stage. Je dois rédiger votre rapport d’évaluation. Je dois être en mesure de constater que vous êtes capable de vous acquitter de votre tâche en temps utile. » Votre rapport d’évaluation est très important pour vous car il vous HANTERA ultérieurement.

« Vous devez terminer toutes les tâches qui vous sont attribuées. »   Toutes ces tâches que vous mentionnez sont des tâches que des gens avant vous ont exécutées lorsqu’ils se trouvaient à ce bureau.

Nous avons beaucoup plus discuté de l’importance du rapport d’évaluation du rendement. On m’a dit à plusieurs reprises que je dois exécuter toutes ces tâches car ce sont les tâches rattachées à ce BUREAU. J’ai tenté de comprendre la différence entre le BUREAU et le travail D’UNE PERSONNE.   Je ne suis pas parvenu à obtenir une réponse claire à ce sujet.

J’éprouvais certaines craintes, ce qui fait que j’ai retardé l’audition sur le grief avec la direction.   J’aimerais que vous me disiez quelles sont les conséquences possibles et quelles sont les menaces gratuites. En toute logique, les menaces semblaient véridiques.   J’ai peur et je suis toujours résolu à faire quelque chose à ce sujet. Il s’agit d’une situation très stressante.

[…]

[53]   À cette rencontre, M. Chaudhry a déclaré que Mme Sly n’a pas utilisé le mot « grief » comme il était allégué dans sa plainte.   Elle a dit [traduction] « Je sais ce que vous allez faire et qui vous induit en erreur. »   Elle a ajouté que s’il donnait suite à la question de la charge de travail, elle devrait rédiger un RÉR qui « le hanterait ».   Il a déclaré qu’elle a fait référence à un « grief » le 4 février 2004.   À la réunion du 4 février 2004, M. Chaudhry a déclaré que Mme Sly lui a dit que s’il n’acceptait pas de faire son travail, elle devrait rédiger un RÉR.   Il lui a répondu qu’il convenait que toutes les fonctions étaient les siennes.   Elle lui a ensuite demandé s’il allait déposer un grief et il lui a répondu qu’il attendrait d’avoir terminé sa période probatoire pour y donner suite.   Mme Sly a nié l’avoir incité de quelque façon que ce soit à ne pas déposer de grief.

[54]   M. Chaudhry a ensuite déclaré que Mme Sly lui a fait parvenir un avis de nomination par intérim après qu’il lui a dit qu’il n’avait pas fait de demande en ce sens.   M. Chaudhry a affirmé que [traduction] « Dieu voulait qu’il reste » et qu’[traduction] « il serait immoral de quitter un endroit où les choses se passent mal ».   Il a déclaré qu’il ne laisserait pas la personne qui lui en voulait souffrir comme il l’a fait.

[55]   Mme Sly a dit qu’elle a donné instruction à Mme Mohan d’aider M. Chaudhry à rattraper son retard dans ses dossiers.   Le 30 janvier 2004, Mme Mohan a envoyé à Mme Sly un message par courrier électronique pour lui dire que M. Chaudhry n’avait pas préparé suffisamment d’étiquettes pour qu’elle puisse ouvrir les dossiers.   Dans une notre de service élaborée par Mme Mohan le 2 février 2004 (pièce E-11), elle a indiqué qu’elle avait achevé 84 dossiers en plus de ses fonctions régulières.

[56]   Mme Sly a dressé un RÉR et l’a acheminé à M. Marshall le 6 février 2004 (pièce E-16).   Dans la page d’accompagnement de la note de service envoyée à M. Marshall (pièce E-15), elle déclarait : [traduction] « Tous les efforts ont été déployés pour faciliter une intégration réussie dans notre salle des dossiers et dans l’Établissement Millhaven en général ».   Elle a ensuite recommandé que d’après l’« exécution de fonctions défaillante », M. Chaudhry soit renvoyé en cours de stage le ou vers le 16 février 2004.   Le même jour, M. Marshall a accepté la recommandation et a demandé qu’une lettre soit rédigée.

[57]   M. Chaudhry a reçu le RÉR en même temps qu’il a reçu la note de renvoi en cours de stage, c’est-à-dire au cours d’une rencontre avec Mme Sly et M. Stevenson le 6 février 2004.   La partie sommaire du RÉR (« Plan d’action ») (pièce E-16) est ainsi rédigée :

[Traduction]

M. Chaudhry a bénéficié de séances de counseling ayant impliqué individuellement l’adjoint au chef des services administratifs et le DASG et de séances de counseling conjointes entre ces parties.   M. Chaudhry a également obtenu accès et a utilisé en plusieurs occasions dont j’ai eu connaissance, l’aide de représentants syndicaux pour bien comprendre son rôle de fonctionnaire.   Travaillant encore dans un environnement d’équipe, M. Chaudhry a eu accès à des collègues du bureau central qui possèdent plus de 20 ans d’expérience de travail expressément dans ce domaine.   Il était entendu dès le début de son stage qu’il pouvait poser toute question concernant des dossiers et qu’il obtiendrait une réponse. En outre, M. Chaudhry a participé à une discussion individuelle avec notre médiatrice régionale, Mme Maria Stebelsky.   Malgré cette intervention importante, M. Chaudhry a continué, comme il a été indiqué précédemment, à éprouver des difficultés à terminer son travail au moment opportun, à respecter les échéances et à établir ses priorités.   Son travail demeure considérablement en retard et d’autres membres du personnel doivent mettre la main à la pâte pour que nous respections les normes et la réglementation convenues.   Manifestement, il ne peut pas distinguer les aspects importants et non importants du travail qui lui est attribué.   En outre, ses interactions avec le personnel du bureau central demeurent du type conflictuel, ce qui ne favorise pas l’esprit d’équipe.

[58]   M. Chaudhry a dit à M. Stevenson qu’il ne signerait pas le RÉR tant qu’il n’aurait pas une occasion de rédiger un énoncé de ses motifs de désaccord.   M. Chaudhry a rédigé ses motifs de désaccord et a fourni cet énoncé le 14 février 2004 (pièce G-15).   Les motifs de désaccord de M. Chaudhry renfermaient des énoncés au sujet desquels il s’était prononcé en long et en large dans le cadre de cette audition.   En outre, il a formulé les commentaires suivants :

[Traduction]

[…]

On ne m’a jamais dit que mon rendement est inférieur aux attentes de mon superviseur ou aux exigences officielles.   Les rencontres, maintenant appelées « SÉANCES DE COUNSELING », n’étaient rien d’autre que des appréciations de mon bon travail ou, à l’occasion, une mise à jour courante du statut d’un dossier en particulier, d’un transfert ou d’une libération.

Mon travail acharné, mon dévouement et ma volonté d’aider les autres ont fait l’objet de louanges et de reconnaissance au moins dix fois de vive voix et une fois par courrier électronique.

Selon ce que j’ai compris de la situation, avant le 20 janvier, ma superviseure n’a jamais eu de raison de me demander d’améliorer mon rendement et elle ne l’a jamais fait.   En de rares occasions, mes superviseurs m’ont posé des questions au sujet d’une situation particulière relative au travail.   Elle était toujours satisfaite une fois qu’elle avait obtenu mes explications de la situation en question.   Seulement 3 ou 4 de ces situations se sont présentées au cours des 7 derniers mois.   Compte tenu du fait que je faisais le travail relié à quatre postes, ce rendement était appréciable et ma superviseure l’a reconnu à de nombreuses reprises.

Ma superviseure ne pouvait jamais soutenir que je n’étais pas suffisamment efficace parce que j’abattais déjà plus de deux fois la charge de travail normale pour une personne.   Je crois que l’idée du renvoi en cours de stage ne s’appuyait pas du tout sur mon rendement ou sur mes compétences.   Mme Sly a loué à maintes reprises mes capacités tant en privé qu’en présence d’autrui.

[…]

Quel motif a pu inciter ma superviseure à élaborer ce rapport d’évaluation du rendement?   Pour autant que je sache, ma superviseure était persuadée que je déposerais un grief auprès de la direction sous peu.   Elle a tenté de m’en dissuader, mais je lui ai dit qu’il en va de mon obligation religieuse de tenter de mettre fin à cette pratique répréhensible pour que la personne qui occupera ce bureau après moi n’ait pas à subir autant de difficultés et de tortures.   Je lui ai également rappelé que peu importe l’avantage qu’il y a à mener ce bureau avec deux membres du personnel de moins que la quantité approuvée, cela ne vaut pas les difficultés que vous occasionnez à votre personnel de ce bureau.

[…]

[59]   Mme Sly a affirmé qu’elle ne nourrissait pas de ressentiment à l’endroit de M. Chaudhry, bien qu’à titre de superviseure, elle ait été frustrée de devoir traiter de ses problèmes de rendement.   Elle croyait qu’il faisait de son mieux et qu’il s’efforcait d’accomplir son travail le mieux possible, mais que cela ne suffisait pas pour le travail à exécuter.

[60]   M. Chaudhry a déclaré que Mme Sly ne lui a jamais indiqué qu’il prenait du retard dans ses dossiers ni qu’il était incompétent.

Résumé de l’argumentation

Pour l’employeur/intimé

[61]   L’avocate de l’employeur/intimé a fait valoir que je n’ai pas compétence pour être saisi de cette affaire.   La preuve établit clairement qu’il s’agissait d’un renvoi en cours de stage en vertu de l’article 28 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP ).   Il existait un motif lié à l’emploi bien défini de renvoi en cours de stage.   Le fonctionnaire s’estimant lésé n’est pas parvenu à prouver que le renvoi était un stratagème, du camouflage ou un geste de mauvaise foi.   Le renvoi en cours de stage est soustrait de la compétence prévue au paragraphe 92(3) de l’ancienne LRTFP.

[62]   Le fardeau d’un renvoi en cours de stage est bien établi.   L’avocate m’a renvoyé à Canada (Procureur général) c. Penner , [1989] 3 C.F. 429, et au critère énoncé dansJacmain c. Procureur général (Canada) et autres, [1978] 2 R.C.S. 15.   L’avocate m’a également renvoyé à Canada (Attorney General) v. Leonarduzzi , 2001 FCT 529.

[63]   En l’espèce, l’employeur a établi qu’il avait des motifs liés à l’emploi justifiant le renvoi en cours de stage.   M. Chaudhry était incapable de suivre le rythme de la charge de travail et les efforts déployés pour l’aider se sont révélés vains.   Il est vrai que M. Chaudhry a peut-être cru qu’il ne s’agissait pas de fonctions et il n’a peut-être pas cru qu’il accusait un retard inacceptable. Toutefois, l’avocate a fait valoir qu’il n’a pas envisagé l’aspect réaliste de la situation.

[64]   Le fonctionnaire s’estimant lésé assume désormais le fardeau de la preuve une fois que l’employeur a établi des motifs liés à l’emploi du renvoi en cours de stage.   L’avocate m’a renvoyé à Canada (Treasury Board) v. Rinaldi (1977), 127 F.T.R. 60 et aux décisions de la Commission dans Boycec. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2004 CRTFP 39, et Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du   Canada) , 2003 CRTFP 33.   Le fonctionnaire s’estimant lésé a un seuil très élevé à respecter.   Elle a fait observer que dans Owens, supra, l’employeur avait déjà lancé le processus de mesure disciplinaire; néanmoins, le grief a été rejeté.   Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas établi qu’il y a eu de la mauvaise foi ni usage d’un stratagème ou de camouflage.   Mme Sly était visiblement crédible; devrait-elle être blâmée pour lui avoir donné le bénéfice du doute au départ?   Ses messages par courrier électronique de novembre (en particulier celui qui porte la date du 17 novembre 2003, pièce E-11) témoignaient de sa frustration et de la nécessité pour M. Chaudhry de s’améliorer.   Oui, la situation est devenue critique en janvier parce que Mme Sly s’est rendu compte qu’il était tout simplement incapable de s’acquitter de ses fonctions.   Ce n’est pas une indication de mauvaise foi.   Tant Mme Sly que M. Stevenson auraient préféré lui communiquer un message « fort et clair ».   À défaut de temps pour le faire, ils se sont aperçus qu’il ne serait pas en mesure d’offrir un rendement satisfaisant.   Il n’y avait pas de mauvaise volonté; tous les efforts possibles ont été déployés pour l’aider à réussir.   Mme Sly a mis à l’essai une rotation de postes et a tenté de demander, puis d’exiger des collègues qu’ils l’aident à rattraper son retard; elle lui a même offert de l’aider elle-même.   L’avocate a dit qu’elle ne croyait pas que de nombreux superviseurs auraient présenté une telle offre à leurs employés.   M. Chaudhry soutient que la gentillesse dont Mme Sly a fait preuve à son égard révélait la qualité de son travail.   Cependant, elle tentait tout simplement de faire du renforcement positif.

[65]   Mme Roy a fait valoir que si Mme Sly avait tenté de lui dire que telles étaient ses fonctions, on pourrait présumer qu’elle exposait de bonne foi ses attentes à son égard.   M. Chaudhry a choisi de croire un certain nombre de choses.   Il peut décider de croire qu’il a été renvoyé en cours de stage parce que Mme Sly a en quelque sorte modifié son opinion à son sujet.   Il a résisté à certaines facettes de sa formation et estimait qu’il avait raison et que ses collègues avaient tort.   Il croyait que des tensions ont pris naissance non pas parce qu’il était un fardeau pour autrui, mais plutôt en raison de Mme Watt; il a même laissé entendre que Mme Sly avait peur de Mme Watt.   Il croyait en outre qu’il était le meilleur employé et le plus efficace.   Toutefois, M. Chaudhry fait erreur relativement à la plupart, pour ne pas dire la totalité de ces éléments.

[66]   Mme Roy a fait valoir qu’en ce qui a trait à la plainte fondée sur l’article 23, les dispositions transitoires prévoient, de façon implicite, que la plainte doit être examinée en vertu de la nouvelle LRTFP.   L’interdiction est formulée au paragraphe 186(2) et la disposition sur la plainte est l’article 190.   En ce qui concerne la plainte, Mme Roy n’a fait valoir, ni en vertu de l’ancienne Loi ni en vertu de la nouvelle, que le témoignage de Mme Sly doit être privilégié par rapport à celui de M. Chaudhry.   Mme Sly a clairement déclaré qu’elle n’aurait jamais tenté de le décourager de déposer un grief; elle n’a jamais dit que quelque chose allait « le hanter ».   Ses observations formulées dans le RÉR ne révèlent pas une infraction à l’ancienne ou à la nouvelle LRTFP.

[67]   Pour ce qui est de la crédibilité, l’avocate de l’employeur m’a renvoyé à Faryna v. Chorny , [1952] 2 D.L.R. 354.   Tandis que M. Chaudhry reste résolument sur ses positions; son témoignage ne satisfait pas au critère de la prépondérance des probabilités.

[68]   En vertu de l’article 23 de l’ancienne LRTFP, M. Chaudhry doit prouver que Mme Sly cherchait à l’empêcher de déposer un grief.   Il s’agit d’une allégation sérieuse qui ne doit pas être prise à la légère (l’avocate m’a renvoyé à Dalphyc. Farber , dossier de la CRTFP o 161-2-690 (1993) (QL)).   En ce qui a trait à la plainte, le témoignage de Mme Sly est beaucoup plus crédible.   Mme Roy a fait valoir que la plainte devrait être rejetée.

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé/plaignant

 

[69]   Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que le fonctionnaire s’estimant lésé s’est acquitté du fardeau de la preuve en établissant que son renvoi en cours de stage est lié à une mesure disciplinaire.   La conduite de l’employeur était de mauvaise foi et arbitraire.   M. Chaudhry n’a pas été informé que son gagne-pain était en péril.   Il n’a eu cette mise en garde qu’une fois que la décision de le renvoyer en cours de stage a été prise.   M. Fisher prétend que l’application régulière de la loi n’a pas été suivie.

[70]   Il a fait valoir qu’il n’existait aucun conflit quant au critère formulé dans la jurisprudence.   Il m’a renvoyé à Dhaliwalc. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel) , 2004 CRTFP 109, qui renvoie à la nécessité de suivre les « éléments de base » pour prendre la décision du renvoi en cours de stage.   M. Chaudhry s’est vu accorder une sécurité illusoire et a été trompé relativement à son rendement.   De juin à octobre 2003, il n’a nullement été fait mention de son rendement et il n’a pas reçu de messages par courrier électronique.   Au cours de cette longue période, aucune préoccupation n’a été exprimée au sujet de son rendement.

[71]   M. Fisher m’a renvoyé à Dhaliwal, supra, qui énonce l’obligation d’agir de bonne foi.   Plus précisément, cette affaire expose l’obligation d’informer les intéressés des conséquences.   Quand l’employeur a-t-il informé M. Chaudhry des conséquences?   L’employeur a reconnu qu’il était sous pression et que par conséquent, il s’est pressé pour renvoyer le fonctionnaire s’estimant lésé pendant qu’il était en cours de stage.   M. Chaudhry n’a pas eu d’occasion d’apporter des ajustements parce que l’occasion s’est produite trop tard.

[72]   M. Fisher m’a également renvoyé à la conclusion dans Dhaliwal, supra, selon laquelle « l’employeur n’a pas fait preuve de la diligence qui aurait fourni au fonctionnaire s’estimant lésé une occasion de discuter, de se défendre ou d’apporter les ajustements nécessaires pour satisfaire aux exigences de son poste ».   M. Fisher a déclaré qu’il a adopté la même position dans la présente affaire.   Il m’a également renvoyé à la définition de bonne foi et à celle de l’équité que renferme cette décision et au qualificatif « trompeur ».   La rencontre du 20 janvier 2004 était trompeuse parce que M. Chaudhry n’aurait rien pu faire pour rectifier la situation.

[73]   M. Fisher a fait observer que dans un message reçu par courrier électronique de Mme Sly (pièce G-8) en date du 5 décembre 2003, elle qualifie M. Chaudhry de « travailleur très consciencieux ».   Cela semble être un compliment qui loue son travail.   Ce message par courrier électronique est trompeur, eu égard à la crédibilité de Mme Sly, qui a fait parvenir ce message quelque huit semaines avant la fin de son statut.   Dans le message par courrier électronique en date du 8 octobre 2003 (pièce E-11), elle fait référence à « vos amis des dossiers », ce qui était également trompeur, compte tenu de son témoignage au sujet des rapports dans le bureau.   Dans son message par courrier électronique du 24 octobre 2003, (pièce E-11), elle mentionne le fait qu’il était « submergé » de dossiers.   Cela confirme son témoignage selon lequel il était submergé et il pourrait considérer le tout comme un signal que tout allait bien.   Le message par courrier électronique du 28 octobre 2003 envoyé par Mme Douglas (pièce E-11) confirme qu’il entretenait des relations harmonieuses et soulève certains problèmes quant au témoignage de Mme Sly sur ce point.   Le témoignage de M. Chaudhry établissait clairement que toutes les lacunes constituaient seulement des problèmes de rendement en milieu de travail naturels et compréhensibles qui ne devraient pas représenter le fondement d’un renvoi en cours de stage.

[74]   M. Fisher laissait entendre que la demi-heure qu’il a fallu à Mme Sly et à M. Stevenson pour discuter du renvoi montre que l’employeur hésitait à en venir à cette décision.   M. Fisher a fait observer que certains problèmes de crédibilité se posaient concernant la prise de la décision; chacun semblait suggérait que l’autre l’avait prise.   La crédibilité de Mme Sly était remise en question parce qu’elle ne pouvait pas se souvenir de la date à laquelle elle a pris la décision de recommander le renvoi en cours de stage.

[75]   M. Fisher a fait valoir que M. Chaudhry ne devrait pas avoir à subir les conséquences du retard de sa superviseure à porter les questions pertinentes à l’attention de son surveillant, M. Stevenson.   Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait plus tôt?   M. Chaudhry subit les conséquences parce que Mme Sly ignorait que sa période probatoire prenait fin plus tôt qu’elle le prévoyait.   La décision du 29 janvier 2004 de le renvoyer en cours de stage a rendu théoriques les préoccupations et les conclusions soulevées lors de la rencontre du 20 janvier 2004.

[76]   M. Fisher m’a renvoyé à la citation suivante de Dhaliwal , supra :

[…]

         Pour établir si les gestes de l’employeur ont été posés de bonne foi, je dois me pencher sur la signification de la bonne foi.   Dans le document intitulé « Lignes directrices du Conseil du Trésor concernant la rétrogradation et le licenciement pour un motif valable », la bonne foi est définie de la façon suivante : « Désigne une façon de se comporter reposant sur l’honnêteté des intentions et l’équité du traitement. » Le critère ou la procédure/les principes adoptés par le Conseil du Trésor quant aux principes d’équité sont les suivants :

  • agir de bonne foi;
  • communiquer au fonctionnaire tous les renseignements concernant l’exécution de ses fonctions;
  • faire savoir au fonctionnaire qu’il ne satisfait pas aux exigences du poste et l’informer de la nature du problème et des conséquences, s’il ne corrige pas les lacunes signalées;
  • donner au fonctionnaire la possibilité de prendre les dispositions qui lui permettront de répondre aux exigences de son poste;
  • aider le fonctionnaire, dans la mesure du possible, à prendre les dispositions nécessaires;
  • explorer les solutions raisonnables autres que le licenciement et la rétrogradation.

[…]

[77]   M. Fisher prétend que les étapes prévues par la politique du Conseil du Trésor ne disent pas « congédiez-le, puis acquittez-vous de l’obligation ».   L’employeur s’est efforcé de manière intéressée à combler les lacunes et a enfreint inconditionnellement la politique du Conseil du Trésor.

[78]   M. Fisher a signalé que la note sur le renvoi en cours de stage mentionne que la mesure disciplinaire est un élément fondamental. Les réponses des témoins de l’employeur étaient insatisfaisantes.   Le témoignage du directeur de l’établissement révèle qu’il a tout simplement approuvé la décision à l’aveuglette.   Quel facteur valide a été considéré par le directeur de l’établissement, et s’est-il satisfait du fait que le renvoi en cours de stage était justifié?   Il ne savait pas qui a rédigé la lettre.   Aucun des témoins ne pouvait témoigner des motifs pour lesquels le renvoi à la mesure disciplinaire était inclus.   Cela n’est tout simplement pas assez bon.

[79]   M. Fisher m’a renvoyé à Re City of Toronto and Canadian Union of Public Employees, Local 79 (2002), 113 L.A.C. (4 th) 151.   M. Chaudhry avait droit à une évaluation juste, mais celle-ci s’est produite de manière trop tardive (le 29 janvier 2004).   M. Fisher m’a également renvoyé à Re Pacific Western Airlines Ltd. and Canadian Airline Flight Attendants Association (1981), 30 L.A.C. (2d) 68.   M. Chaudhry n’a pas eu d’occasion équitable.   Le fait que ses lacunes aient été portées à son attention trop tard témoigne du traitement arbitraire dont il a fait l’objet.   J’ai également été renvoyé à Canada (Attorney General) v. Matthews (1997), 139 F.T.R. 287, ainsi qu’à Re AbexIndustries Ltd. and United Food & Commercial Workers’ Union, Local 173W (1995), 48 L.A.C. (4 th) 353.   M. Fisher a déclaré que si l’employeur n’informe pas l’intéressé comme il se doit de ses lacunes, cela rend la décision arbitraire.   Il m’a également renvoyé à Goodale c. Conseil du Trésor (ministère des Postes) , dossier de la CRTFP 166-2-3050 (1978) (QL).

[80]   En conclusion, M. Fisher a demandé que compte tenu de la preuve, j’accueille le grief et que la plainte soit examinée.   

Réplique

 

[81]   Mme Roy a plaidé que le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé fait grand cas de l’inobservation de la politique du Conseil du Trésor sur les licenciements pour motif non lié à la discipline.   Toutefois, le critère applicable à un renvoi en cours de stage est tiré de la jurisprudence et non de la politique du Conseil du Trésor.   La politique énonce clairement qu’elle s’applique à l’alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) et il est établi clairement dans la note 3 de la politique que le renvoi en cours de stage n’est pas régi par la politique.   Elle m’a renvoyé à Owens, supra, affaire dans laquelle cet argument a été soulevé, et il ressort de la décision que cet élément n’était pas pertinent.   Elle a fait valoir que la politique n’a pas été portée clairement à l’attention de l’arbitre dans Dhaliwal, supra, ou qu’il était dans l’erreur.

[82]   Mme Roy a fait observer que dans Dhaliwal, supra, l’employeur ignorait les véritables faits; la mère de M. Dhaliwal était décédée et il y avait d’autres circonstances atténuantes.   En l’espèce, Mme Sly a évalué le rendement de M. Chaudhry sur une période prolongée et elle l’a formé et aidé.

[83]   Elle m’a également renvoyé à Spurrellc. Bureau du surintendant des institutions financières , 2003 CRTFP 15, dans le cadre de laquelle un grief a été rejeté même si le processus n’était pas adéquat.   En outre, elle a fait référence à Boyce, supra. Dans cette affaire, l’arbitre a statué qu’il ne lui incombait pas de juger du caractère adéquat de la procédure.

[84]   Mme Roy a prétendu qu’en ce qui a trait à la crédibilité et à la date à laquelle la décision a été prise, M. Fisher n’a jamais contesté les propos de Mme Sly en contre-interrogatoire selon lesquels les notes datées du 29 janvier étaient fabriquées et ne lui a jamais demandé si l’évaluation à mi-parcours était adéquate.

[85]   Mme Roy a noté que M. Fisher s’est également contredit lorsqu’il a fait valoir que Mme  Sly et M. Stevenson ont pris une demi-heure pour discuter du renvoi en cours de stage, ce qui révélait une certaine hésitation de la part de l’employeur, pour ensuite plaider que la décision était planifiée d’avance.

[87]   Mme Roy a plaidé qu’en ce qui a trait aux relations en milieu de travail, Mme Sly tentait d’intégrer M. Chaudhry.   Quoi qu’il en soit, les difficultés avec les collègues étaient secondaires; le motif principal du renvoi était son rendement au travail.   Le message par courrier électronique daté du 28 octobre 2003 n’était pas nécessairement révélateur d’une bonne   relation, cette question ayant été abordée à la suite d’une rencontre avec M. Stevenson.

[87]   Mme Roy a déclaré qu’il y avait un certain nombre de postulats au sujet des motifs du renvoi qui ont été mis de l’avant par M. Chaudhry.   Cependant, en définitive, ce ne sont que des postulats formulés à l’encontre d’une superviseure qui a fait tout ce qu’elle pouvait pour aider cet employé.

[88]   Mme Roy a fait observer qu’il arrive très fréquemment que le Service des ressources humaines rédige des lettres de renvoi en cours de stage.

[89]   Elle a fait valoir que le fait que Mme Sly ait parfois mis en relief des éléments positifs du rendement de M. Chaudhry ne signifie pas qu’il n’y avait pas de problèmes.   M. Chaudhry a fait abstraction de ces problèmes dans son témoignage.

[90]   Mme Roy a prétendu que tous les témoins de l’employeur ont affirmé clairement que la mesure disciplinaire ne constituait pas le fondement du renvoi, pas même en partie.   Elle m’a également renvoyé à l’affaire Penner, supra, dans laquelle il a été statué que l’employeur avait deux choix : une mesure disciplinaire ou le renvoi en cours de stage.

[91]   Mme Roy a soutenu que je ne peux éviter de procéder à un examen du bien-fondé du renvoi en cours de stage.   Il ne s’agit pas de déterminer si M. Chaudhry faisait bien son travail, mais plutôt d’établir s’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée.

Motifs

[92]   M. Chaudhry a déposé une plainte et a renvoyé un grief à l’arbitrage à l’encontre de son renvoi en cours de stage.   La preuve relative à la plainte et au grief se dédouble.   Je traiterai d’abord de la plainte avant de passer au grief.

  • Plainte en vertu de l’article 23

[93]   M. Chaudhry et son représentant allèguent que les mesures prises par Mme Sly enfreignaient directement le paragraphe 8(1) et les alinéas 8(2) a) et c) de l’ancienne LRTFP .   Ce paragraphe et ces alinéas sont ainsi rédigés :

8.(1)   Il est interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur, de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale, ou d’intervenir dans la représentation des fonctionnaires par une telle organisation ou dans les affaires en général de celle-ci.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne, ou encore de faire des distinctions injustes fondées, en ce qui concerne l’emploi ou l’une quelconque des conditions d’emploi d’une personne, sur l’appartenance de celle-ci à une organisation syndicale ou sur l’exercice d’un droit que lui accorde la présente loi;

[…]

c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de destitution ou par l’imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger un fonctionnaire

(i) à adhérer -- ou s’abstenir ou cesser d’adhérer --, ou encore, sauf disposition contraire dans une convention collective, à continuer d’adhérer à une organisation syndicale, (ii) à s’abstenir d’exercer tout autre droit que lui accorde la présente loi.

[94]   L’avocate de l’employeur a fait valoir que son interprétation des dispositions transitoires de la nouvelle LRTFP l’a amenée à conclure que les nouvelles dispositions de la nouvelle LRTFP s’appliqueraient à cette plainte.   Le représentant de M. Chaudhry n’a formulé aucune observation sur ce point.   Les nouvelles dispositions de la nouvelle LRTFP sont essentiellement les mêmes pour ce qui est des motifs d’une plainte.   La différence importante entre les deux régimes, dans le contexte de la présente plainte, tient dans l’inversion du fardeau de la preuve qui incombe à l’intimé :

 191(3) La présentation par écrit, au titre du paragraphe 190(1), de toute plainte faisant état d’une contravention, par l’employeur ou la personne agissant pour son compte, du paragraphe 186(2), constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.   

[95]   La disposition transitoire de la Loi sur la modernisation de la fonction publique prévoit que :

39.(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente section, les affaires dont l’ancienne Commission était saisie à l’entrée en vigueur de l’article 12 de la loi se poursuivent devant la nouvelle Commission qui en décide conformément à la nouvelle loi.

[96]   Le traitement des griefs déposés avant l’entrée en vigueur de la nouvelle LRTFP est expressément prévu dans les dispositions transitoires : les griefs doivent être réglés « sous le régime de l’ancienne loi s’ils n’ont pas encore fait l’objet d’une décision définitive à cette date » (LMFP, paragraphe 61(1)).   Il peut alors être soutenu, en l’absence d’une disposition similaire sur les plaintes, que les plaintes seront réglées sous le régime des nouvelles dispositions contenues dans la nouvelle LRTFP.   Toutefois, certains droits sont acquis lorsque la plainte a été déposée : en particulier, l’absence du renversement de la charge qui incombe à l’intimé.   Il existe une présomption d’interprétation des lois selon laquelle les droits acquis ne devraient pas être entravés sauf si le législateur a indiqué clairement son intention de le faire : Loi d’interprétation (art. 63) et Ruth Sullivan, Sullivan and Dreidger on the Construction of Statutes, 4 e édition, page 568.   En l’espèce, il n’existe pas de disposition expresse qui supprime le droit acquis du fardeau de la preuve.   Par conséquent, j’ai statué que la plainte doit être tranchée par la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique conformément au régime législatif de l’ancienne LRTFP.    Cela signifie que le fardeau de la preuve incombe au plaignant.

[97]   Je constate que le représentant de M. Chaudhry n’a formulé aucune observation particulière au sujet de cette plainte.   Je conviens avec l’avocate de l’employeur qu’une plainte pour violation de l’article 8 de l’ancienne LRTFP est une question grave.   Bien que je ne sois pas prêt à aller aussi loin que la Commission dans Dalphy, supra, et à désigner l’affaire sous le vocable de quasi-criminelle, il doit certes y avoir des preuves solides à l’appui de telles prétentions.

[98]   Le plaignant allègue que l’inclusion d’un renvoi à son recours à la représentation syndicale dans son RÉR (pièce E-15) était inadéquate.   D’après les commentaires de Mme Sly dans le RÉR, la représentation syndicale a été utilisée pour lui donner une [traduction] « compréhension claire de son rôle de fonctionnaire ».   Je conviens que le renvoi était inhabituel; toutefois, il ne représente pas une ingérence dans ses droits en vertu de l’ancienne LRTFP.   Rien ne prouve que le fait qu’il a consulté des représentants syndicaux a été pris en compte dans la décision de le renvoyer en cours de stage.

[99]   Le plaignant remet également en question la « pertinence » du renvoi à une mesure disciplinaire précédente dans la note sur le renvoi en cours de stage (pièce G-2).   Le lien de cette plainte avec une plainte de pratique déloyale de travail n’est pas clair pour moi.   La pertinence de la déclaration dans la note convient mieux dans le cas du grief.

[100]   Le plaignant allègue que la menace pour le maintien au travail de M. Chaudhry, dans l’éventualité où il déciderait de donner suite à son grief, était claire et que cette menace s’est traduite sous forme de renvoi en cours de stage.   M. Chaudhry a déclaré que le projet de grief élaboré par son représentant (pièce G-14) est demeuré dans l’imprimante pendant une courte période et il formule l’hypothèse que Mme Sly en a par conséquent pris connaissance.   Mme Sly nie qu’elle était au courant du grief.   Pendant son témoignage, M. Chaudhry a reconnu que Mme Sly n’a pas utilisé le mot « grief » lorsqu’elle l’a mis en garde des conséquences de continuer à examiner la question de ses fonctions et responsabilités.   M. Chaudhry soutient que Mme Sly a déclaré que s’il continue à se plaindre au sujet de sa charge de travail, son RÉR pourrait renfermer des observations négatives qui le hanteraient dans l’avenir.   Il prétend ensuite, dans sa plainte, qu’elle lui a demandé de réfléchir à nouveau à la présentation de son grief et de lui fournir une réponse le lendemain.   Lorsqu’il lui est revenu, il a déclaré qu’il ne donnerait pas suite au grief à ce moment-là, mais qu’il attendrait jusqu’à l’expiration de sa période probatoire avant de demander l’examen des questions de sa charge de travail et de ses fonctions liées au travail.   Mme Sly nie lui avoir demandé de reconsidérer le dépôt d’un grief et nie l’avoir incité de quelque manière que ce soit à ne pas déposer de grief.

[101]   Dans leur témoignage, Mme Sly et M. Chaudhry se contredisent directement.   Je dois établir laquelle des versions des événements est la plus crédible.

[102]   Dans Faryna v. Chorny , supra, les critères servant à établir la crédibilité sont énoncés de la façon suivante :

[Traduction]

 

[…] Bref, le véritable critère de la véracité du récit d’un témoin en pareil cas est la mesure dans laquelle le témoignage s’harmonise avec la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et avisée reconnaîtrait facilement comme raisonnable en ce lieu et dans ces circonstances […]

  […]

[103]   Je conclus qu’il est probable que Mme Sly l’ait mis en garde des conséquences qu’il y aurait à continuer de contester les fonctions rattachées à son poste, ces conséquences menant à un renvoi possible en cours de stage.   Toutefois, cette mise en garde avait trait à l’exécution de ses fonctions et non au dépôt d’un grief.   Il n’existait pas assez de preuves pour établir qu’elle savait qu’il entendait déposer un grief.   M. Chaudhry ne disposait d’aucun élément de preuve pouvant prouver qu’elle a vu le grief sur l’imprimante ou qu’elle a été informée de son existence par une personne qui l’a vu.   Je conclus par conséquent qu’il faut privilégier le témoignage de Mme Sly, car il s’harmonise avec la « prépondérance des probabilités ».

[104]   Par conséquent, la plainte est rejetée.   Si j’avais tort relativement à l’effet des dispositions transitoires et si les dispositions de la nouvelle LRTFP s’appliquent, je conclus que l’intimé se serait acquitté du fardeau du renversement de la charge de preuve dans la présente affaire.

  • Grief relatif au renvoi en cours de stage

[105]   La compétence d’un arbitre dans les dossiers de renvoi en cours de stage dans le noyau de la fonction publique est très limitée par la loi et par la jurisprudence.

[106]   Le paragraphe 92(3) de l’ancienne LRTFP dispose quant à lui que rien dans le paragraphe 92(1) « n’a pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique » .   Le renvoi en cours de stage est régi par l’article 28 de la LEFP .   Il ne fait aucun doute que M. Chaudhry était en période probatoire et qu’il a reçu la note de renvoi alors qu’il était en cours de stage.

[107]   Dans l’affaire Leonarduzzi, supra, la Cour fédérale a statué que l’employeur n’était pas tenu d’établir un motif valable, mais seulement d’établir, d’une manière quelconque, que le renvoi était lié à l’emploi et non à un autre motif.   Dans l’arrêt Penner , supra, la Cour d’appel fédérale a retenu le critère que la Commission avait établi dans Smith c. Conseil du Trésor (ministère des Postes), dossier de la CRTFP 166-2-3017 (1977) (QL) :

[…]

En effet, une fois que l’employeur a présenté à l’arbitre une preuve concluante indiquant un motif de renvoi valable à première vue, l’audition sur le fond dans l’affaire de congédiement ne peut alors aboutir qu’à une impasse soudaine […]

[…]

[108]   Une fois que l’employeur s’est acquitté de sa charge de démontrer que le motif du renvoi était lié à l’emploi, la charge de la preuve retombe sur le fonctionnaire s’estimant lésé, qui doit démontrer que les actions de l’employeur étaient une supercherie ou du camouflage et n’étaient donc pas conformes aux dispositions du paragraphe 28(2) de la LEFP, comme dans Leonarduzzi, supra, et Penner, supra.

Le motif était-il lié à l’emploi?

[109]   Mme Sly a déclaré qu’elle n’a pas pris M. Chaudhry en défaut pour son rendement au bureau de transfert. Elle a reconnu que le travail ne convenait pas à tous et à toutes.   Toutefois, à l’audition, l’employeur a soulevé un certain nombre de préoccupations au sujet du rendement de M. Chaudhry avant sa rotation au nouveau poste de préposé à la saisie de données et à la libération.   Je n’ai pas tenu compte de cette preuve pour établir s’il existe un motif lié à l’emploi parce que Mme Sly n’a pas invoqué ces incidents pour décider de renvoyer le fonctionnaire s’estimant lésé en cours de stage.

[110]   La note sur le renvoi en cours de stage (pièce G-2) comportait une réprimande écrite.   Compte tenu des témoignages de Mme Sly et de MM. Stevenson et Marshall, je suis convaincu que cette mesure disciplinaire ne faisait pas partie de la décision de renvoyer M. Chaudhry en cours de stage.   Malheureusement, cet élément n’a pas été énoncé dans la réponse au dernier palier du grief (pièce G-4).   En outre, il est malheureux que ni une note révisée ni un retrait officiel de cette partie de la note qui renvoie à la mesure disciplinaire n’a été produit.   Toutefois, l’omission de le faire n’a pas d’impact sur ma décision.

[111]   La preuve portant sur le rendement de M. Chaudhry après sa rotation au bureau de la saisie des données et des libérations révèle qu’il existait un certain nombre de motifs liés à l’emploi justifiant son renvoi en cours de stage.   Mme Sly a témoigné concernant un certain nombre de préoccupations relatives aux retards dans son travail et des conflits ainsi que des erreurs dans l’exécution de ses fonctions.

[112]   Par conséquent, je conclus que l’employeur avait un motif lié à l’emploi de renvoi en cours de stage.

Le renvoi constituait-il une supercherie ou de la mauvaise foi?

[113]   Il incombe donc maintenant au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que le renvoi en cours de stage est une supercherie ou repose sur de la mauvaise foi.   L e représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a invoqué l’affaire Dhaliwal , supra, pour plaider la mauvaise foi de la part de l’employeur.   Selon moi, Dhaliwal s’inscrit tout à fait dans l’analyse faite dans McMorrowc . Conseil du Trésor (Anciens combattants), dossier de la CRTFP 166-2-23967 (1993) (QL).   DansMcMorrow,   l’arbitre a fait observer qu’à son point de vue :

[...] À mon avis, si on peut démontrer que l’employeur a tiré une conclusion arbitraire sur les faits lorsqu’il a décidé effectivement de renvoyer la personne en cours de stage, alors cette décision est nulle...

Il est banal d’affirmer que pour établir s’il y a eu ou non bonne foi il faut examiner toutes les circonstances entourant l’affaire. Les faits qui peuvent justifier une conclusion de mauvaise foi peuvent se présenter de multiples façons [...] en tenant pour acquis, bien sûr, que l’on doit toujours, en partant, présumer de la bonne foi de l’employeur.

[114]   Il importe de souligner qu’il appartient au fonctionnaire s’estimant lésé de s’acquitter du fardeau de prouver la mauvaise foi; l’employeur n’est pas tenu d’établir qu’il a agi de bonne foi.   Il incombe toujours au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que l’employeur a agi de mauvaise foi ou comme l’énonce Dhaliwal, supra, de prouver que l’employeur n’a pas agi de bonne foi.

[115]   L’affaire Dhaliwal , supra renvoie à la politique du Conseil du Trésor sur les licenciements à la suite de mesures autres que disciplinaires comme exemple d’éléments de base requis pour appuyer un renvoi en cours de stage.   Je crois que cette politique a été utilisée pour illustrer uniquement certains des principes de bonne foi et qu’elle n’a pas été considérée par l’arbitre comme liant l’employeur dans un cas de renvoi en cours de stage.   Comme l’avocate de l’employeur l’a fait observer, la politique du Conseil du Trésor ne s’applique pas à des employés en cours de stage.

[116]   Dans l’affaire McMorrow ,supra, l’arbitre a conclu que le superviseur avait tiré la conclusion de renvoyer le fonctionnaire s’estimant lésé en cours de stage avant même l’issue de l’enquête et sans que le fonctionnaire s’estimant lésé puisse s’expliquer.   De même, dans Dhaliwal , supra, les préoccupations de l’employeur au sujet de l’utilisation, par le fonctionnaire s’estimant lésé, de ses congés n’ont pas été portées à son attention et il n’a pas eu l’occasion d’expliquer les motifs de ses demandes de congé.   Il existait également un élément d’absolution de la part de l’employeur, compte tenu du fait que son superviseur a approuvé les demandes de congé sans s’interroger à leur sujet.   Dans le cas de M. Chaudhry, il était conscient que sa superviseure avait des réserves au sujet de son rendement.   Elle lui a fait parvenir de nombreux messages par courrier électronique et a discuté de certains problèmes avec lui. Il a eu de nombreuses occasions de discuter de son rendement avec elle et l’a fait à maintes reprises.

[117]   M. Fisher a insisté sur le fait que M. Chaudhry n’a pas été mis en garde au moment opportun des conséquences de ses lacunes de rendement.   La première mention de la possibilité d’un renvoi en cours de stage est survenue très peu de temps avant son renvoi en cours de stage.   M. Fisher a fait référence à l’affaire Dhaliwal , supra, qui cite la définition de bonne foi dans la politique du Conseil du Trésor comme l’inclusion d’une mise en garde informant l’employé « des conséquences, s’il ne corrige pas les lacunes signalées ».   Il importe de signaler que ce principe a été élaboré à l’intention des employés qui ne sont plus en période probatoire.   Les arbitres reconnaissent depuis longtemps que la période probatoire comporte un objet sous-jacent.   Elle exige que les employés en stage soient traités différemment de ceux qui ont terminé leur stage :

[Traduction]

[…]

[…] il faut également reconnaître les intérêts légitimes de l’employeur qui tente de recruter l’effectif le plus compétent, compatible et convenable possible. On ne peut raisonnablement pas s’attendre à ce qu’un employeur soit en mesure d’évaluer toutes les capacités et tout le potentiel d’un candidat à un emploi à partir d’une courte entrevue, d’une formule de demande d’emploi, de références et ainsi de suite. Il doit plutôt avoir le droit de bénéficier de l’occasion de voir le nouvel employé dans le contexte particulier de son propre milieu de travail. Il s’agit du seul objet de la période de stage. Comme nous l’avons dit, c’est le seul objet légitime.

[…]

( Re Porcupine Area Ambulance Service and Canadian Union of Public Employees, Local 1484 (1974), 7 L.A.C. (2d) 182 (Beatty), p. 185.)

[118]   Le fait qu’un employé soit informé qu’il est en stage au début de son emploi constitue une mise en garde suffisante que des préoccupations liées au rendement peuvent se traduire par un renvoi en cours de stage.   Cela s’harmonise avec l’objectif sous-jacent de la situation de la personne en stage, qui consiste à évaluer la capacité d’un employé de demeurer en poste.   Divers facteurs s’appliquent aux employés qui ont terminé leur période probatoire, dans les cas où un avertissement quant aux conséquences du défaut de satisfaire aux objectifs de rendement est adéquat.

[119]   En l’espèce, des préoccupations relatives au rendement ont été portées à l’attention de M. Chaudhry à maintes reprises.   De l’aide en vue d’atteindre ses objectifs de rendement lui a été fournie sous forme de formation en cours d’emploi, de manuel de bureau et d’assistance périodique afin qu’il puisse se mettre à jour dans sa charge de travail.   Le fait que M. Chaudhry ait contesté certaines des fonctions qui lui ont été attribuées ou qu’il estimait que sa charge de travail était trop lourde n’est pas pertinent pour statuer sur la bonne foi.   Rien ne prouvait que les fonctions attribuées à M. Chaudhry étaient différentes de celles qui étaient habituellement attribuées aux employés du poste de préposé à la saisie de données et à la libération.   Quoi qu’il en soit, la prise en compte des fonctions liées au poste ou de la charge de travail se traduirait par une évaluation du bien-fondé de la décision de renvoyer M. Chaudhry en cours de stage et je n’ai pas compétence pour le faire.   Comme je n’ai pas compétence pour étudier le bien-fondé de la décision de le renvoyer en cours de stage ou le caractère adéquat de l’évaluation de son rendement, je ne tire aucune conclusion sur ces questions.

[120]   En conclusion, je statue que M. Chaudhry ne s’est pas acquitté de son fardeau de la preuve; la preuve produite n’a pas établit que le renvoi en cours de stage constituait une supercherie, un camouflage ou un geste posé de mauvaise foi.   Par conséquent, je n’ai pas compétence.

[121]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[122]   La plainte fondée sur l’article 23 de l’ancienne LRTFP est rejetée.

[123]   Le grief à l’encontre du renvoi en cours de stage est rejeté faute de compétence.

 

Le 13 juillet 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian Mackenzie,
arbitre de grief et vice-président

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