Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

À la suite de la disparition d’équipement informatique ainsi que d’une somme d’argent provenant des paris de hockey du bureau, l’employeur a interrogé plusieurs employés, dont le fonctionnaire s’estimant lésé - certains collègues ont allégué que le fonctionnaire s’estimant lésé était impliqué dans les vols - le fonctionnaire s’estimant lésé a été convoqué, sans préavis, à une réunion avec l’employeur et a été interrogé concernant sa participation possible aux disparitions - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas été informé des allégations précises formulées par ses collègues - le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu sans solde et, deux semaines plus tard, a été licencié - le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté non seulement sa suspension et son licenciement, mais aussi l’application de la clause 36.03 de sa convention collective, en faisant valoir que l’employeur n’avait respecté ni son droit d’avoir un représentant syndical durant la réunion ni son droit à un préavis approprié de la tenue de la réunion - la présente décision porte seulement sur le grief concernant l’interprétation et l’application de la clause 36.03, bien que la preuve soit commune aux deux griefs et qu’elle sera versée au dossier du grief relatif à la suspension et au licenciement - l’arbitre de grief a ordonné au fonctionnaire s’estimant lésé de produire l’original d’un document qu’il a déposé en preuve et sur lequel il a témoigné - l’employeur souhaitait vérifier le témoignage du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel il n’avait pas modifié le contenu du document depuis décembre 2004 - le document produit par le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas le document identifié par l’arbitre de grief; le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il a constaté, pendant la soirée suivant l’ordonnance de production rendue par l’arbitre de grief, que le document en question contenait beaucoup d’annotations qu’il ne voulait montrer à personne et qu’il a supprimé le document dans son format original - le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré ne pas avoir compris qu’on lui ordonnait de produire le document dans son format original - l’arbitre de grief a statué que chaque cas concernant l’application des droits à la représentation devait être déterminé en fonction du libellé de la convention collective applicable et du contexte factuel - en l’espèce, la réunion doit porter sur une mesure disciplinaire - il s’agit d’une clause plus large que les clauses contenues dans d’autres conventions collectives qui font référence à des réunions au cours desquelles on impose une mesure disciplinaire - la question d’une mesure disciplinaire doit être soulevée au cours de l’audience - pour que soit soulevée la question d’une mesure disciplinaire, il doit être question d’une faute reprochée pouvant entraîner la prise d’une mesure disciplinaire - selon cette logique, les enquêtes administratives ou d’ordre factuel n’ont pas trait à des mesures disciplinaires - dans certains cas, la distinction entre les réunions administratives et celles qui visent des mesures disciplinaires n’est pas facile à faire et doit être fondée sur les faits de chaque dossier - le fait qu’une peine soit imposée en bout de ligne ne confère pas, a posteriori, une nature disciplinaire à chacune des étapes du processus disciplinaire - l’arbitre de grief a rejeté la notion de continuum disciplinaire - le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’au cours de la réunion des allégations ont été portées, des questions précises posées et des accusations formulées, et que ces éléments conféraient à la réunion une nature disciplinaire - la valeur probante de la version du fonctionnaire s’estimant lésé relativement à la réunion est fortement diminuée par le fait qu’il a volontairement fait en sorte que l’employeur et l’arbitre de grief n’aient pas accès au document - l’ordonnance était sans équivoque - l’arbitre de grief a statué qu’il était donc en droit de supposer que la preuve en question aurait été défavorable au fonctionnaire s’estimant lésé - l’employeur a mené une enquête afin d’établir les faits et aucune accusation n’a été portée - même s’il avait jugé crédible la version du fonctionnaire s’estimant lésé, l’arbitre de grief en serait arrivé à la même conclusion, puisque la question de la mesure disciplinaire n’a jamais été soulevée lors de la réunion en cause - étant donné que la réunion n’était pas de nature disciplinaire, la stipulation prévoyant un préavis de deux jours ouvrables ne peut s’appliquer en l’espèce. Grief sur l’interprétation de la convention collective rejeté. Grief sur la mesure disciplinaire à mettre au rôle.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-09-21
  • Dossiers:  166-02-35944 et 35945
  • Référence:  2006 CRTFP 105

Devant un arbitre de grief



ENTRE

IVO ARENA

fonctionnaire s’estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Finances)

employeur

Répertorié
Arena c. Conseil du Trésor (ministère des Finances)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Léo-Paul Guindon, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : André Lortie, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Karl G. Chemsi, avocat
                                    Louis-Philippe Dubrule, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 31 octobre au 3 novembre 2005,
les 14 et 15 décembre 2005 et le 23 mars 2006.

Griefs renvoyés à l'arbitrage

[1]     Ivo Arena occupe un emploi à la Section des services informatiques du ministère des Finances (Services corporatifs) depuis le 30 août 1999. Engagé initialement au poste d'analyste junior (groupe et niveau CS-01), il a été promu au poste d'analyste (groupe et niveau CS-02) le 1er novembre 2000 à la suite de la reclassification de son poste. Il a accédé au poste de spécialiste de Solutions de la technologie de l'information (groupe et niveau CS-03) le 2 juillet 2002 après avoir participé à un concours de promotion (pièce E-7).

[2]    Il a été suspendu sans solde de ses fonctions le 8 décembre 2004 pour une période indéterminée pendant la durée d'une enquête concernant des allégations de vol (pièce G-3). Le 20 décembre 2004, il a été congédié par son employeur pour les motifs précisés dans la lettre de congédiement qui lui a été remise ce même jour (pièce E-1).

[3]    Le 22 décembre 2004, M. Arena a rédigé un grief contestant sa suspension, ainsi que son congédiement. Ce grief a été renvoyé à l'arbitrage de grief et porte le numéro de dossier de la CRTFP 166-02-35944.

[4]    Au début du mois de janvier 2005, le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un second grief relativement à l'application de la clause 36.03 de la convention collective intervenue entre le Conseil du Trésor et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada pour le groupe Systèmes d'ordinateurs (code 303, date d'expiration le 21 décembre 2004). Le fonctionnaire s'estimant lésé y allègue que son employeur n'a pas respecté son droit à la représentation syndicale et n'y a pas respecté le délai de deux jours ouvrables prévu à la convention collective pour la rencontre tenue le 7 décembre 2004. Le grief a été renvoyé à l'arbitrage de grief et porte le numéro de dossier de la CRTFP 166-02-35945.

[5]    En début d'audience, sur les deux griefs le 31 octobre 2005, j'aurais préféré procéder en premier lieu sur le grief contestant la suspension et le congédiement. La preuve sur ce grief peut inclure, au moins en partie, celle reliée au grief portant sur l'application et l'interprétation de la clause 36.03 de la convention collective qui est reliée à la démarche entreprise par l'employeur pour décider de la mesure disciplinaire. À la demande de l'agent négociateur et en l'absence d'objection de l'employeur, j'ai accepté de commencer l'audience sur le grief d'interprétation et d'application de la convention collective (dossier de la CRTFP 166-02-35945). La preuve relative à ce dossier sera versée au dossier portant sur les mesures disciplinaires, advenant qu'une audience soit nécessaire sur le fond pour le dossier portant le numéro 166-02-35944.

[6]    Le grief déposé par le fonctionnaire s'estimant lésé relativement à l'application et à l'interprétation de la clause 36.03 de la convention collective est rédigé comme suit :

[Traduction de la C.R.T.F.P.]

ÉNONCÉ DE GRIEF :

Je dépose un grief pour contester le fait que mon employeur a violé l'article 36.03 de ma convention collective (CS),         le 7 décembre 2004, lorsqu'il m'a demandé de participer à une réunion portant sur des questions disciplinaires sans me donner l'occasion d'être accompagné par un représentant syndical. De plus, l'employeur, sans justification, ne m'a pas avisé par écrit, au moins deux jours ouvrables à l'avance, de la tenue de la réunion.

MESURE CORRECTRICE DEMANDÉE :

Je demande que mon employeur annule ma suspension et mon licenciement, qu'il me réintègre dans mon poste de CS-3 et qu'il me verse le salaire et les avantages sociaux perdus en raison de ma suspension et de mon congédiement.

Je demande également que mon employeur reconnaisse qu'il ne s'est pas conformé à la convention collective CS, et qu'il s'engage à respecter cette dernière à l'avenir.

[7]    Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l'« ancienne Loi »).

Sommaire des faits

Les incidents à l'origine de l'enquête de l'employeur

[8]    Helen O'Kane, directrice de la Division de la technologie de l'information, Direction des services ministériels, ministère des Finances et Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, a été informée le 3 novembre 2004 par Gertie Senuick, chef du Directorat de la gestion de l'information et de la technologie qu'au printemps 2004, trois ordinateurs portatifs ont été volés, ainsi que l'argent d'une cagnotte de hockey. Ces incidents ont été signalés à la sécurité (pièce G-10). Elle l'a aussi informée qu'à la fin du mois d'octobre 2004, lors de la revue des opérations budgétaires, il a été constaté qu'un nombre important d'achats ont été effectués entre les mois d'avril et septembre 2004 pour remplacer des cartes mémoires, des disques durs et des moniteurs d'ordinateurs qui ont disparus.

[9]    La procédure d'achat a été modifiée et l'accès à l'entrepôt du troisième étage a été restreint aux cinq techniciens seniors, par Mme Senuick et une autre chef du Directorat, Carole Mainville. Les employés ont été avisés, lors d'une rencontre tenue le 20 octobre 2004, que ces modifications étaient motivées par la perte d'équipement. À la suite de cette rencontre, trois employés ont confié à Mme Senuick que le fonctionnaire s'estimant lésé pourrait être impliqué dans la disparition d'équipement. Ils ont été avisés qu'aucune preuve ne reliait le fonctionnaire s'estimant lésé aux incidents et qu'ils devaient cesser les rumeurs à son égard (pièce G-10). Mme Senuick a envoyé une note de service à Mme O'Kane le 4 novembre 2004 (pièce E-11), reprenant les éléments du courriel du 3 novembre 2004 (pièce G-10).

[10]    Mme O'Kane a obtenu un rapport des incidents des chefs du Directorat afin d'en informer Marilyn Dingwall, directrice des Services de ressources humaines, Services corporatifs, ministère des Finances. Le rapport détaillé, estimant les pertes d'équipement à 24 371 $ pour la période d'avril à septembre 2004 a été envoyé au directeur exécutif du directorat, Robert Brodeur, le 1er novembre 2004  (pièce G-13). Mme Dingwall a reçu une copie du rapport et il a été convenu que les services de sécurité n'interviendraient qu'à sa demande (pièce G-13). Aucune demande en ce sens n'a été présentée par la suite.

La rencontre du 7 décembre 2004

[11]    Les incidents ont été revus par Mmes Dingwall et O'Kane le 1 décembre 2004 et il a été décidé de faire enquête auprès des employés de la Section des services informatiques afin de déterminer les faits. Mmes Dingwall et O'Kane ont rencontré quatre employés le 7 décembre 2004 et quatre autres par la suite.

[12]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a été rencontré le 7 décembre 2004. Deux autres employés l'ont été avant lui. Selon les témoignages, Mme O'Kane a convoqué le fonctionnaire s'estimant lésé par téléphone vers 10 h 30, le 7 décembre 2004. Elle lui a demandé de se présenter immédiatement à la salle 22-C, sans lui fournir de motif. Suite à sa demande, il a été informé qu'il n'avait pas besoin d'outils. Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné qu'il croyait alors que ses services étaient requis pour réparer ou installer un appareil servant lors d'une rencontre, comme il a souvent été appelé à le faire.

[13]    Mme O'Kane a rédigé, à partir des notes manuscrites qu'elle a prises lors de la rencontre, les « notes relatives aux entrevues » (pièce G-1). Le document a été finalisé le 15 décembre 2004, et a été approuvé par Mme Dingwall le même jour. Ces notes se lisent comme suit : 

[Traduction]   

[...]

 ENQUÊTE TI (Se référer aux déclarations initiales des gestionnaires)

Notes relatives aux entrevues

Ivo Arena                                                              7 décembre 2004 

J'ai informé Ivo que nous faisions enquête sur les vols d'équipements informatiques. Je lui ai expliqué qu'il s'agissait en fait d'une rencontre visant à trouver des faits et qu'aucune accusation ne serait portée, mais que, dans certains des cas, des personnes le pointaient du doigt. Nous avions quatre catégories de questions.

J'ai demandé à Ivo ce qu'il savait à propos des équipements informatiques manquants.

  • Il a expliqué qu'il avait entendu dire que 15 moniteurs à écran plat avaient disparu, mais que selon lui c'était plutôt 25, qu'il s'agissait d'un « gros coup », qu'il fallait être bien organisé pour le réaliser et qu'il fallait plus d'une personne.
  • Je lui ai demandé s'il avait déjà pris de l'équipement ou s'il avait entendu dire que quelqu'un en avait pris, et il a répondu qu'il ne savait rien à ce sujet.

Clés

J'ai demandé à IVO comment il accédait à la salle de stockage, et s'il y avait accès.

  • Il a expliqué le processus de signature avec Ruth.
  • Je lui ai demandé s'il avait fait faire ses propres clés et il a répondu par la négative.

Argent des paris sur le hockey

J'ai demandé à Ivo ce qui était arrivé aux 100 $ qui avaient disparu de la cagnotte des paris sur le hockey. Il a dit qu'il ne savait rien à ce sujet, qu'il avait remporté la deuxième place et que l'argent lui appartenait en partie.

Coupons de taxi

J'ai demandé à Ivo s'il avait quelque chose à nous dire à propos des coupons de taxi.

  • Il a dit qu'il ne savait rien à ce sujet.
  • Je lui ai demandé s'il lui arrivait d'utiliser des coupons de taxi et il a répondu par la négative.
  • J'ai dit : « Vous n'en avez jamais utilisé? ». Il a dit qu'il ne s'en servait que lorsqu'il devait faire des heures supplémentaires à l'occasion. Je lui ai demandé s'il avait autre chose à dire. Il a répondu par la négative. Je lui ai demandé s'il utilisait des coupons à des fins personnelles. Il a dit non.

Vin

J'ai demandé à Ivo s'il savait ce qui s'était passé avec le vin.

  • Il a dit qu'il ne savait rien à ce sujet mais qu'il avait entendu dire que des bouteilles avaient disparu.
  • Il a ensuite dit qu'il avait entendu dire, sans qu'on lui donne de preuves, que [M. X.] se servait du vin pour payer son stationnement - il ne donnait jamais d'argent mais remettait des bouteilles de vin au préposé au stationnement.

Nous avons répété qu'il s'agissait d'une rencontre visant à trouver des faits et que si d'autres renseignements lui venaient à l'esprit après la rencontre, il n'avait qu'à nous en faire part.

Se tenant sur la défensive, il a répondu qu'il n'avait pas à faire cela, qu'il n'avait pas de renseignements, puis il a commencé à dire « Je n'ai pas fait ça. Je jure que je n'ai pas fait ça. »

J'ai dit que ça allait comme ça et que s'il savait qui l'avait fait, il devait encourager cette personne à se dénoncer, parce que nous étions prêts à aider cette personne si cela était en notre pouvoir. Je lui ai dit que nous voulions commencer par résoudre le problème à l'interne, et que si nous n'y arrivions pas, nous ferions appel à la police, et que si nous constations que la personne coupable avait déclaré n'avoir rien fait de mal, les conséquences et la discipline seraient plus sévères.

Il a alors demandé s'il pouvait dire quelque chose. Nous avons dit oui. Il a dit qu'il avait fait faire ses propres clés. Nous avons demandé pourquoi. Il a dit qu'il ne voulait pas signer pour l'emprunt des clés à chaque fois. Il a dit qu'il ne voulait pas mentir, qu'il n'avait pas l'intention de mentir, et qu'il voulait nous le dire parce que si nous découvrions plus tard qu'il avait fait faire ses propres clés, nous nous demanderions pourquoi il avait menti. Helen a demandé où se trouvaient les clés. Il a répondu que lorsque le vin avait disparu de la salle de stockage, il ne voulait pas être accusé et il les a détruites. Il a dit qu'il croyait que cela le ferait passer pour le coupable s'il possédait les clés, alors il les a détruites.

Il a demandé si nous rencontrions tout le monde et nous avons répondu que nous le ferions si c'était nécessaire. Nous avions l'intention de résoudre le problème.

8 décembre

Ivo s'est rendu au bureau de Helen O'Kane à 8 h. Il a dit qu'il voulait expliquer pourquoi il avait menti à propos des clés. Il a dit qu'il croyait que cela le ferait passer pour le coupable et qu'il ne voulait pas admettre qu'il avait des clés. Après avoir réfléchi pendant quelques minutes, il a compris qu'il devait nous dire la vérité. Il a juré de nouveau qu'il n'avait rien à voir avec les vols des moniteurs à écran plat, du vin ou de l'argent des paris sur le hockey. Helen lui a répété que nous ne faisons qu'enquêter et que s'il savait quoi que ce soit il devait nous en parler. Elle lui a également répété que nous essayions de régler le problème à l'interne et que nous ne voulions pas faire appel à la police.

Helen O'Kane                                                Marilyn Dingwall

15 décembre 2004                               15 décembre 2004

[L'identité de la personne a été protégée.]

[14]    Lors de leurs témoignages, Mmes Dingwall et O'Kane ont énoncé substantiellement les éléments de leurs notes de la rencontre du 7 décembre 2004. Mme Dingwall a aussi précisé que les employés interviewés avant le fonctionnaire s'estimant lésé ont dit que ce dernier s'était vanté de sortir de l'équipement. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas été informé précisément de ces allégations mais a été avisé que certaines déclarations le visaient. Mme Dingwall n'a pas assisté à la rencontre du 8 décembre 2004 entre le fonctionnaire s'estimant lésé et Mme O'Kane. Elle ne peut donc pas confirmer l'exactitude des éléments reportés par Mme O'Kane (pièce G-1).

[15]    Lors de son témoignage, Mme O'Kane a confirmé le contenu de l'entretien qu'elle a eu avec le fonctionnaire s'estimant lésé le 8 décembre 2004 et la note à la fin de la pièce G-1. Selon Mme O'Kane, le fonctionnaire s'estimant lésé a été suspendu car il n'aurait pas respecté la directive reçue, soit de ne pas parler de l'enquête en cours à qui que ce soit. Elle a vérifié les réclamations de taxi et de temps supplémentaire au dossier du fonctionnaire s'estimant lésé vers la mi-décembre 2004. L'examen des coupons de taxi et du temps supplémentaire indique qu'à certaines occasions des déboursés de taxi ont été réclamés sans indication de travail en temps supplémentaire (pièces E-2, E-3 et E-4).

[16]    La procédure d'utilisation des coupons de taxi fonctionnait sur la base de la bonne foi, personne n'autorisant ces déboursés. Mme O'Kane a ajouté qu'elle n'avait jamais soupçonné que quelqu'un pouvait abuser des coupons de taxi et qu'elle ne regardait jamais les détails des réclamations bien qu'elle en était responsable. Elle a précisé que l'employé impliqué ne se préoccupait peut-être pas de la distinction entre  « temps supplémentaire » et « temps de disponibilité ». Elle n'aurait pas précisé au fonctionnaire s'estimant lésé l'heure limite déclenchant l'utilisation des coupons de taxi.

[17]    Elle a procédé à une vérification des courriels du fonctionnaire s'estimant lésé et a retracé les courriels du 15 octobre 2004, entre Joseph Boushey et le fonctionnaire s'estimant lésé, relatifs à la compagnie Mica Technologie (pièce E-12). Les factures pour services rendus de Mica Technologie (pièce E-6) et les documents reliés à l'incorporation de cette compagnie (pièce E-9) ont été obtenus par Mme Dingwall. Pour sa part, le fonctionnaire s'estimant lésé a rédigé, à la sortie de sa rencontre du 7 décembre 2004, une note précisant, dans la forme suivante, les éléments abordés (pièce G-14) :

[. . .]

[Traduction]

7 décembre: Réunion avec Marylyn Dingwall et Helen O'Kane.
Elles m'ont posé des questions au sujet des clés de P2 et P3.
Elles m'ont demandé si j'ai pris du matériel de TriNet.
Elles m'ont posé des questions à propos des bons de taxi.
Elles m'ont demandé ce que je savais. Je leur ai parlé de [M. X.]

[. . .]

[18]    Du 7 au 9 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a rédigé, à partir de sa note (pièce G-14), un résumé plus élaboré de la rencontre du 7 décembre 2004. Le résumé se lit comme suit (pièce G-15) :

[Traduction]   

[...]

Le 9 décembre 2004

Le matin du 7 décembre, j'ai reçu un appel de Helen O'Kane, qui a demandé à me rencontrer sur-le-champ dans la salle de conférence 22C. Lorsque je suis arrivé, elle m'a présenté Marilyn Dingwall, des Ressources humaines/Relations de travail. Elle m'a dit que la réunion concernait les vols qui se sont produits dans notre division. Au total, la réunion a duré de 10 à 15 minutes. Elles m'ont posé les quatre questions suivantes :

1.Elles m'ont dit que certains de mes collègues avaient révélé que je m'étais vanté d'avoir volé et revendu du matériel du ministère.

J'ai répondu de façon non équivoque que je n'avais jamais rien volé et que si je l'avais fait, je ne m'en serais pas vanté. J'ai mentionné que les rumeurs donnaient à penser que certaines personnes avaient une vendetta personnelle contre moi, ce qu'elles ont nié.

2.Ensuite, elles m'ont demandé si j'avais déjà utilisé des bons de taxi.

J'ai répondu par l'affirmative, en précisant que c'était uniquement quand je travaillais des heures supplémentaires.

3.Puis, elles m'ont demandé si j'avais mes propres clés de nos espaces de rangement supplémentaires dans le garage.

J'ai répondu par la négative.

4.Ensuite, elles m'ont demandé encore une fois si j'avais déjà volé du matériel du ministère.

J'ai répondu que le seul matériel que j'ai pris est celui qui m'a été attribué, à savoir l'ordinateur que j'utilise à la maison.

5.Elles m'ont dit qu'il est de mon devoir de leur communiquer tout ce que je sais, et ont ajouté que si je savais quoi que ce soit à propos de ces vols, c'était le moment de parler.

Comme je ne voulais pas parler de soupçons non fondés, j'ai hésité. Je leur ai dit que c'était des rumeurs qui faisaient en sorte qu'elles me rencontraient en entrevue ce jour-là et que je ne voulais pas mettre un de mes collègues dans la même situation. Elles m'ont rappelé qu'à titre de fonctionnaire, j'avais le devoir de parler. Je leur ai dit que tout ce que j'avais entendu, c'est que Roland avait le sentiment que [M. X.] était responsable des vols et qu'il en avait glissé un mot à notre supérieur, Gertie Senuick. J'ai ajouté que Roland avait confié à bon nombre d'entre nous qu'il savait pertinemment que [M. X.] ne payait pas son espace de stationnement dans le stationnement  souterrain. À la place, il donnait au préposé des bouteilles de vin et des boissons alcoolisées. Selon lui, cela expliquerait les bouteilles de vin manquantes. Il a également mentionné que [M. X.] se chargeait de tous nos approvisionnements et qu'il gérait les stocks lui-même dans une grande mesure et donc avait l'opportunité. Il a rajouté que [M. X.] lui empruntait régulièrement de 50 $ à 100 $ pour tenir jusqu'à la paie suivante, ce qui pourrait constituer un motif pour voler l'argent mis en commun. Helen O'Kane et Marilyn Dingwall ont dit qu'elles n'étaient pas au courant et cette dernière a pris mon témoignage en note.

Elles m'ont ensuite demandé si j'avais autre chose à dire. Je leur ai dit que j'avais mes propres clés de nos espaces de rangement supplémentaires au sous-sol. Je les avais fait faire cinq ans auparavant, quand j'étais responsable des réparations au réseau TriNet (j'agissais comme intermédiaire avec nos fournisseurs de service). J'ai mentionné que, en rétrospective, je me rendais compte que je n'aurais pas dû faire faire des doubles de ces clés, mais à l'époque j'étais fatigué de toujours devoir demander des autorisations pour les obtenir pour faire mon travail (lorsque j'effectuais des réparations au réseau TriNet), qui exigeait que je me rende fréquemment dans nos espaces de rangement supplémentaires. Je ne croyais pas que c'était grave parce que seul notre matériel excédentaire et désuet destiné aux écoles était conservé à cet endroit.

Elles m'ont demandé si j'avais déjà prêté les clés à quelqu'un d'autre et je leur ai dit qu'il était arrivé souvent que je les prête à Claude Robillard et à Derek Nemer.

Le lendemain, le 8 décembre à 15 h 45, j'ai reçu un appel de Sylvie Cloutier, des Relations de travail. Elle m'a demandé de venir à une réunion dans le bureau de Robert Brodeur à     16 h. Lorsque je suis arrivé, il y avait Robert Brodeur, directeur général des Services informatiques, Helen O'Kane et Marilyn Dingwall. Elles m'ont annoncé qu'elles avaient pris l'initiative d'inviter un représentant de l'IPFPC à assister à la réunion. Elles ont dit qu'il attendait dans la salle de conférence et que si je le souhaitais, il pourrait se joindre à nous. Je leur ai dit que je n'avais rien à cacher, mais que si on l'avait invité, aussi bien qu'il assiste à la réunion.

Le représentant de l'IPFPC, Jean-François Mélançon, n'était pas tout à fait au courant de la raison de sa présence. Elles l'ont renseigné pendant une minute et demie au sujet des vols dans la division et l'ont informé que j'étais soupçonné d'y avoir pris part. Elles se sont ensuite tournées vers moi et m'ont annoncé que j'étais suspendu sans traitement pour une durée indéterminée, en attendant la tenue d'une enquête approfondie sur les vols allégués dans la division. Elles m'ont remis une note de service à cet égard signée par            Dennis Kam, SMA par intérim des Services ministériels. J'ai plaidé mon innocence de façon répétée et je leur ai demandé de faire appel à la police pour mener le reste de l'enquête, parce que je ne croyais pas qu'elles prenaient la situation en main de la bonne façon. Je leur ai dit que j'étais prêt à être visé par des accusations criminelles afin de pouvoir prouver mon innocence.

[...]

[L'identité de la personne a été protégée.]

[19]    Lors de son témoignage, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que le premier paragraphe de la pièce G-1 est bien l'introduction énoncée au début de la rencontre du 7 décembre 2004. Il a ajouté que les termes utilisés étaient plus précis, énonçant qu'il était impliqué dans les vols et que Mmes Dingwall et O'Kane voulaient savoir ce qu'il avait à dire. Sa version de cet élément est précisée au point 1 de la pièce G-15.

[20]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a expliqué qu'il avait répondu « Non » à la question des clés car il était alors bouleversé par le fait que des personnes le pointaient du doigt. À la fin de la rencontre, il est revenu pour dire qu'il avait fait ses propres clés pour les entrepôts des sous-sols et qu'il les avait prêtées à deux employés de niveau CS-02. Il a admis que les éléments énoncés (pièce G-1) pour le 8 décembre 2004 sont exacts.

[21]    Relativement aux coupons de taxi, Mmes Dingwall et O'Kane ont demandé au fonctionnaire s'estimant lésé s'il les utilisait que lorsqu'il faisait du temps supplémentaire. M. Arena considère que ce genre de question induit des allégations contre lui.

[22]    Relativement à la caisse de vin, Mmes Dingwall et O'Kane lui ont demandé s'il l'avait pris puisque des employés leur avaient fait part de ces allégations. Il leur aurait alors déclaré ce qui est énoncé dans la pièce G-1, soit qu'il avait entendu dire qu'un employé donnait le vin à un préposé au stationnement en guise de paiement.

[23]    Le fonctionnaire s'estimant lésé à précisé, en son témoignage, qu'il n'a pas demandé à être accompagné d'un représentant syndical lors de la rencontre du 7 décembre 2004. Il a expliqué qu'il était un peu bouleversé par les questions directes de Mmes Dingwall et O'Kane et qu'il ne savait pas qu'il avait le droit d'être représenté.

[24]    Selon Mme Dingwall, « les lignes directrices du Conseil du Trésor concernant la discipline » (pièce G-2) ne peuvent recevoir application pour la rencontre tenue le 7 décembre 2004. Selon elle, cette rencontre n'a rien de disciplinaire car son objectif était d'obtenir la version des faits du fonctionnaire s'estimant lésé en regard des incidents. Elle précise qu'aucun reproche n'a été adressé au fonctionnaire s'estimant lésé lors de cette rencontre et l'employeur n'avait aucune preuve que le fonctionnaire s'estimant lésé était impliqué dans ces incidents. Elle confirme que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas demandé à être accompagné par un représentant syndical. Mme O'Kane n'était pas familière avec la procédure disciplinaire, y participant pour la première fois dans le cadre de ces incidents.

[25]    Mme Dingwall n'a pas renvoyé le dossier des pertes de matériel au service de la police locale ou au contentieux du ministère ni n'a appliqué au présent dossier la « Politique de l'employeur sur les pertes de deniers, infractions et autres actes illégaux commis contre la Couronne » (pièce G-6).

[26]    La convention collective intervenue entre le Conseil du Trésor et l'Institut professionnel de la Fonction publique du Canada pour le groupe Systèmes d'ordinateurs (date d'expiration : le 21 décembre 2004), s'applique au présent dossier. Plus particulièrement, la convention prévoit ce qui suit :

ARTICLE 36

NORMES DE DISCIPLINE

[...]

36.03  Lorsque l'employé est tenu d'assister à une réunion concernant une mesure disciplinaire, il a le droit de se faire accompagner par un représentant de l'Institut lorsque celui-ci est facilement disponible. Autant que possible, l'employé est prévenu par écrit au moins deux (2) jours ouvrables avant la tenue d'une telle réunion.

[...]

Les événements après le 7 décembre 2004

[27]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a été suspendu sans solde à compter du 9 décembre 2004 pour une période indéterminée pendant la durée de l'enquête. Une lettre l'avisant de sa suspension lui a été remise lors d'une rencontre tenue le 8 décembre 2004 avec Robert Brodeur, directeur exécutif et Mmes Dingwall et O'Kane. L'employeur avait avisé l'agent négociateur de cette rencontre et un représentant était disponible sur place. L'employeur a avisé le fonctionnaire s'estimant lésé de son droit d'être accompagné. La présence du représentant syndical a été requise par le fonctionnaire s'estimant lésé. La note de service se lit comme suit (pièce G-3) :

[Traduction]

[...]

Suspension en attendant les résultants d'une enquête

La présente a pour but de vous informer que vous êtes suspendu du travail sans traitement pour une période indéterminée, à compter du 9 décembre 2004. Cette mesure est prise en attendant les résultats d'une enquête concernant des actes de vol présumés.

Il vous est interdit de pénétrer dans les locaux, à moins que la direction vous demande de le faire. Si vous souhaitez vous rendre dans les locaux durant la suspension, vous pouvez communiquer par téléphone avec Robert Brodeur, au      992-4306.

Une décision définitive concernant cette affaire ne sera prise qu'après l'achèvement d'une enquête complète. Vous serez informé des résultats le plus tôt possible.

[...]

[28]    Selon Mme O'Kane, l'employeur a suspendu le fonctionnaire s'estimant lésé pour la durée de l'enquête car il n'aurait pas respecté la directive de ne pas parler de la rencontre du 7 décembre 2004 à qui que ce soit.

[29]    Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, il s'est senti piégé lors de la rencontre du 8 décembre 2004. La lettre de suspension précise que l'enquête portait sur les vols alors que la rencontre de la veille n'était qu'une rencontre pour obtenir sa version des faits. Lors de la remise de l'avis de suspension, aucune allégation d'inconduite ne lui a été présentée. Le fonctionnaire s'estimant lésé a réagi émotivement. Il a été informé qu'il serait accompagné à l'extérieur par la sécurité. Il a qualifié la situation de "bull shit", précisant qu'il n'était pas coupable et que les gestionnaires de la section et des Ressources humaines n'étaient pas qualifiés pour ces enquêtes. Il a demandé que la police soit appelée de manière à mener correctement cette enquête. Les notes de l'employeur (pièce G-7) corroborent ces éléments.

[30]    Un courriel en date du 13 décembre 2004, envoyé à Mme O'Kane par Mme Dingwall, précise que cette dernière désire que la rencontre finale se tienne le jeudi 16 décembre 2004 et qu'elle doit préalablement informer le sous-ministre et faire rédiger les lettres (pièce G-4). Mme O'Kane suggère à Mme Dingwall de ne pas remettre les lettres avant le lundi 20 décembre 2004, afin d'éviter la présence de visiteurs non désirés au dîner du groupe le vendredi 17 décembre 2004 (pièce G-4).

[31]    Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, ces courriels démontrent que la décision de le congédier était prise le 13 décembre 2004. Mme O'Kane a témoigné qu'à cette date, elle n'avait pas encore terminé l'étude des coupons de taxi et qu'aucune décision disciplinaire n'était finalisée.

[32]    La décision de congédiement a été remise au fonctionnaire s'estimant lésé le 20 décembre 2004 lors d'une rencontre avec M. Brodeur, Mme Dingwall et un représentant syndical. La lettre de congédiement se lit comme suit (pièce E-1) :

[Traduction]

[...]

Monsieur,

          Le 9 décembre 2004, vous avez été suspendu sans rémunération jusqu'à ce que la direction ait eu le temps d'examiner attentivement tous les renseignements recueillis au cours d'une enquête concernant des allégations relatives à votre conduite. L'examen est maintenant terminé et mes conclusions sont les suivantes.

          En ce qui concerne les coupons de taxi, à la suite d'un examen approfondi, j'ai conclu que vous avez, à plusieurs reprises, utilisé des coupons de taxi à des fins autres que l'exécution de vos tâches et, plus précisément, à des fins autres que l'exécution de travail supplémentaire. Lorsque vous avez été interrogé sur l'utilisation des coupons de taxi pendant l'enquête, vous avez affirmé que vous ne les aviez pas utilisés, sauf pour effectuer des heures supplémentaires.

          J'ai également appris que vous êtes directement associé à une entreprise, soit MICA, qui a conclu des marchés avec le Ministère au fil des ans, ce qui constitue une infraction au Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique. À au moins trois reprises, cette entreprise a fourni des équipements informatiques dans le cadre d'événements majeurs tels que les séminaires relatifs au budget et au Ministère. Ces faits étaient connus de vos collègues, mais vous ne les avez pas mentionnés dans votre déclaration sur les conflits d'intérêts. À titre d'employé du Ministère, vous étiez tenu de déclarer votre association avec cette entreprise dans un rapport confidentiel soumis au gestionnaire délégué. Si vous l'aviez fait, on vous aurait informé qu'il était inapproprié, pour cette entreprise, de conclure toute entente touchant le Ministère.

          Il existe également des preuves que vous avez commenté et reconnu, devant vos collègues, le fait que vous avez retiré des équipements gouvernementaux des lieux de travail en vue de les vendre à l'extérieur des lieux de travail. Il a été constaté subséquemment que vous aviez réparé, sur les lieux de travail, des équipements personnels.

          Par ailleurs, j'ai conclu que vous saviez que le fait de faire fabriquer un ensemble de clés des zone de stockage P2 et P3 pour votre usage personnel n'était pas approprié et contraire aux procédés de la division. Les procédés comprennent un processus de signature d'un registre pour l'emprunt de clés. Malgré cela, vous avez décidé de faire fabriquer vos propres clés. Lorsque vous avez été interrogé, vous avez d'abord nié cette allégation, puis vous êtes revenu sur votre parole à deux reprises. Cela suffit pour me convaincre que vous saviez que vous aviez tort.

          Votre conduite a entaché de façon irréparable votre intégrité ainsi que la confiance que l'employeur avait en vous. Ces incidents révèlent de très graves erreurs de jugement de votre part. J'ai tenu compte du fait que vous n'avez pas fait preuve d'une entière franchise  pendant l'enquête ainsi que du fait que, manifestement, vous n'avez pas reconnu l'importance de vos actes.

          Votre conduite a donné lieu à une situation faisant en sorte que moi-même, ainsi que les autres représentants de la direction, ne vous faisons plus confiance en ce qui concerne les équipements gouvernementaux et votre aptitude à maintenir des relations professionnelles et respectueuses avec vos collègues.

          Par conséquent, j'ai conclu que la relation entre employeur et employé était irrévocablement détériorée et que, par suite de votre conduite, vous ne pouviez pas demeurer dans la fonction publique.

          Dans les circonstances, je mets immédiatement fin à votre poste pour un motif se rapportant à l'alinéa 11 (2)(f) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Cette mesure entre en vigueur à la fermeture des bureaux, le 8 décembre 2004, soit à la date de votre suspension sans rémunération en attendant l'ouverture d'une enquête.

          Vous avez le droit de déposer un grief concernant cette décision dans les 25 jours suivant la date de la présente lettre.

[...]

Ordonnance de production de documents

[33]    Lors du contre-interrogatoire et de l'audience du 3 novembre 2005, le fonctionnaire s'estimant lésé a été interrogé relativement aux notes de la rencontre du 7 décembre 2004 déposées comme pièces G-14 et G-15. Le fonctionnaire s'estimant lésé a dressé la liste des points qui ont été discutés immédiatement après la rencontre à l'aide de l'ordinateur que l'employeur mettait à sa disposition au travail et l'a transférée par la suite à l'ordinateur que l'employeur lui avait fourni pour usage à son domicile. La copie papier de ce document a été déposée comme pièce G-14. C'est à partir de ce document que le fonctionnaire s'estimant lésé a rédigé un compte-rendu plus complet de la rencontre du 7 décembre 2004 avec l'ordinateur de l'employeur à son domicile. Il a précisé qu'il avait commencé la rédaction du compte-rendu le soir du 7 décembre 2004 et qu'il l'a terminée les 8 et 9 décembre 2004. La copie papier de ce document a été déposée comme pièce G-15.

[34]    Le compte-rendu (pièce G-15) a été élaboré à l'aide du logiciel Microsoft Word 2000. Le document a été transféré de l'ordinateur prêté par l'employeur à l'ordinateur personnel du fonctionnaire s'estimant lésé en décembre 2004 et au début du mois de janvier 2005 sur le logiciel Microsoft Word 2003. C'est à partir de son ordinateur personnel que la pièce G-15 a été imprimée, la semaine avant l'audience du 31 octobre 2005.

[35]    Lors du contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a affirmé avoir encore sur support informatique les documents originaux, des pièces G-14 et G-15, dans son ordinateur personnel. Il s'est dit en mesure de transmettre au tribunal, par l'entremise de son représentant, des copies des documents informatiques ayant servi à l'élaboration des pièces G-14 et G-15.

[36]    Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a soumis une objection à cette demande de dépôt de documents car ils n'ont pas été demandés par subpoena préalablement à l'audience. Il s'est interrogé aussi sur la capacité du tribunal d'ordonner le dépôt de ces documents. L'avocat de l'employeur a répondu qu'il est en droit de demander le dépôt d'un document que le témoin a mentionné lors de son témoignage et qui est pertinent au litige. Le témoin a dit avoir ce document en sa possession et être en mesure de le transmettre au tribunal. En réplique, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a soumis que cette demande de l'avocat de l'employeur est sans fondement.

[37]    J'ai rejeté l'objection en précisant aux parties que le tribunal peut ordonner à un témoin de produire un document auquel il a fait référence lors de son témoignage et qui est pertinent au litige. J'ai ordonné verbalement au témoin de faire suivre par courriel à son procureur les pièces G-14 et G-15 sur le support informatique initial dans la soirée du 3 novembre 2005. Il s'est dit en mesure de faire parvenir ces documents par pièce jointe à un courriel expédié à son représentant dans la soirée du 3 novembre 2005. Son représentant s'est engagé à faire suivre ces documents au tribunal et au représentant de l'employeur au début de la semaine du 6 novembre 2005.

[38]    Le 10 novembre 2005, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a envoyé au tribunal, sous forme de pièce jointe à son courriel, la pièce identifié comme pièce G-13, qui lui avait été transmise par le fonctionnaire s'estimant lésé le 3 novembre 2005 le document est une copie de la pièce G-14 sur support informatique. Le 10 novembre 2005, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a envoyé au tribunal un second courriel comportant copie des documents qu'il identifie comme pièces G-14 et G-15, qu'il a reçus du fonctionnaire s'estimant lésé, le 10 novembre 2005.

[39]    L'avocat de l'employeur souligne au tribunal, par courriel en date du          15 novembre 2005, ce qui suit :

[...]

Le présent couriel fait suite à votre lettre du 8 novembre 2005 concernant la directive de monsieur Guindon, ainsi qu'à la correspondance reçue de monsieur André Lortie.

L'employeur désire vous aviser qu'il sera prêt à procéder directement avec les plaidoiries orales le 14 décembre 2005 et ne poursuivra pas le contre-interrogatoire de monsieur Arena.
Toutefois, l'employeur souhaite souligner l'élément suivant :

La requête de l'employeur concernant les documents électronique G14 et G15 faisait suite au témoignage de monsieur Arena à l'effet qu'il avait originalement créé ces documents avec le logiciel Word. C'est précisément les documents électroniques originaux sous le format Word qui ont été demandés et il n'y avait aucune ambiguïté sur cet aspect lors de l'audience. Or, les documents électroniques reçus sont sous le format pdf (acrobat reader). Ceux-ci ne sont manifestement pas les documents originaux demandés lors de l'audience et pour lesquels le commissaire Guindon a ordonné la divulgation.

L'employeur, par conséquent se réserve le droit de réitérer sa demande lors de l'audition sur le fond de ce dossier s'il l'estime nécessaire.

Néanmoins, afin d'éviter d'autres délais dans ce dossier nous seront prêts à procéder directement avec les plaidoiries le 14 décembre 2005,

[...]

[Sic pour l'ensemble de la citation]

[Les passages soulignés le sont dans l'original]

[40]    À la reprise de l'audience, le 14 décembre 2005, l'avocat de l'employeur a soumis qu'il n'a pas reçu les documents sur support informatique original Microsoft Word 2003 (format « doc ») mais sur support informatique Adobe (format « pdf »). Il ne peut pas retrouver sur un document de format « pdf » les informations qui se trouvaient sur le format initial « doc ». Il réitère qu'il n'a pas reçu le document informatique qu'il a spécifiquement demandé et que l'arbitre de grief a ordonné au témoin de produire. Il a soumis que le document produit ne lui permet pas de vérifier si le document a été modifié par le fonctionnaire s'estimant lésé après le 9 décembre 2004.

[41]    Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a soumis qu'un document de format « doc »  permettrait à l'employeur de retracer des renseignements contenus dans les métadonnées et n'apparaissant pas sur les copies « papier » déposées comme pièces G-14 et G-15. Ces renseignements pourraient être protégés par le privilège relatif aux communications entre le fonctionnaire s'estimant lésé et son avocat. De plus, la demande de fournir le document en format « doc » est différente de l'ordonnance transmise par écrit par le tribunal, le 8 novembre 2005. Elle se lit comme suit (pièce E-14) :

[...]

De plus, nous rappelons les directives de monsieur Guindon lors de l'audience :

-         Monsieur Ivo Arena devra faire parvenir, par courrier électronique et comme pièce jointe à ce courriel, les copies, sur support informatique, des pièces G-14 (notes de M. Arena de la rencontre du 7 décembre) et G-15 (notes de M. Arena en date du 9 décembre 2004) à monsieur André Lortie (IPFPC) dès le 3 novembre 2005;

-         Monsieur André Lortie (IPFPC) doit faire suivre cette correspondance (incluant les documents demandés à monsieur Arena), dans la semaine du 7 novembre 2005 (cette semaine), par courrier électronique, à la Commission ainsi qu'à Me Karl Chemsi;

-         Ces correspondances et documents seront déposés en preuve comme pièce E-13 au dossier 166-02-35945.

[...]

[42]    En réponse, l'avocat de l'employeur a soumis qu'une des parties a le droit d'obtenir le détail des étapes de production d'un document qui a été déposé en preuve. L'ordonnance de l'arbitre de grief énoncée lors de l'audience, ne portait pas à confusion et il était clair que l'employeur voulait le document en format « doc ». L'employeur ne voulait pas obtenir les renseignements qui pourraient être de la nature du privilège rattaché aux communications entre l'avocat et son client mais désire être en mesure de vérifier si des modifications ont été apportées aux documents (pièces G-14 et G-15) après la période de confection précisée par le fonctionnaire s'estimant lésé lors de son témoignage.

[43]    Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé m'a demandé d'ajourner l'audience pour lui permettre de vérifier auprès de ses conseillers juridiques si l'ordonnance de produire les documents, rendue le 3 novembre 2005 respecte les droits du témoin prévus à la Charte des droits et libertés de la personne.

[44]    J'ai décidé, relativement à l'argumentation soumise par le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé, de clarifier l'ordonnance de production édictée le 3 novembre 2005. J'ai donc ordonné au fonctionnaire s'estimant lésé, pour la reprise de l'audience le 15 décembre 2005 à  9 h 30, de produire au tribunal sur disquette informatique, le document sur format « doc » ayant servi à l'élaboration des pièces    G-14 et G-15 et de fournir une copie de cette disquette au représentant de l'employeur. Si certains renseignements contenus à ce document de format « doc » peuvent être considérés au titre de communication privilégiée entre un avocat et son client, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé devra me les soumettre et me convaincre que je dois lui permettre d'enlever ces renseignements afin que l'employeur n'y ait pas accès. Les représentants des deux parties ainsi que le fonctionnaire s'estimant lésé ont admis que cette ordonnance est claire et non-ambigüe.

[45]    L'audience a donc été ajournée, permettant ainsi au représentant du fonctionnaire s'estimant lésé de vérifier les renseignements qu'il croit utiles auprès de ses procureurs, en l'après-midi du 14 décembre 2005.

[46]    À la reprise de l'audience le 15 décembre 2005 à 9 h 30, les représentants des parties ont demandé de suspendre l'audience afin de leur permettre de débattre, entre eux, des suites de la preuve. L'audience a repris vers 11 h avec la continuation du contre-interrogatoire du fonctionnaire s'estimant lésé. Ce dernier a alors expliqué que pendant la soirée du 3 novembre 2005, il a constaté que la pièce G-15 contenait beaucoup d'annotations personnelles en regard de certains paragraphes et qu'en fournissant le document de format « doc », il transmettrait aussi les annotations. Il a précisé qu'il ne voulait pas fournir ces annotations et la façon de les effacer était de convertir le document en format « pdf » il a supprimé le document de format « doc », car il ne voulait pas que l'avocat de l'employeur ait accès à ses notes personnelles. Il a témoigné qu'il ne croyait pas agir à l'encontre de l'ordonnance en procédant ainsi, ayant regardé ça que d'un aspect de technique informatique. Il a ajouté que ce document a été créé sur l'ordinateur fourni par le ministère et qui a été remis à l'employeur. Il a ajouté que ce document a été créé à l'aide de l'ordinateur fourni par le ministère et qui a été effacé, il y a peut-être un moyen d'être récupéré si l'employeur veut le faire.

[47]    Considérant que le sujet de l'exécution de l'ordonnance de produire les documents a été soulevé lors du contre-interrogatoire du fonctionnaire s'estimant lésé, il a été permis de le réinterroger à ce sujet en réexamen. Le fonctionnaire s'estimant lésé a alors expliqué que ses notes n'apparaissaient pas à l'écran lorsqu'il a imprimé la pièce E-15 et n'apparaissaient pas non plus sur la copie papier. Les notes sont alors en métadonnées du document en format « doc ». Lors du transfert des données en format « pdf », les métadonnées n'ont pas été transférées au nouveau format. Entre le 3 novembre et la date où il a fourni le deuxième document, le fonctionnaire s'estimant lésé a parlé à son représentant, qui lui a dit de ne pas supprimer de document. En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a énoncé qu'il n'avait pas compris qu'il devait fournir le document originale et qu'il a décidé, sans consultation, de le supprimer. Ces annotations avaient été ajoutées au document jusqu'au 31 octobre 2005 à la suite des réflexions personnelles du fonctionnaire s'estimant lésé et certaines conversations avec son représentant. Il s'agissait de notes personnelles ainsi que des lignes de défense. Le texte qui a été imprimé et déposé comme pièce G-15 n'a pas été modifié depuis la rédaction initiale; seules des annotations ont été ajoutées en-dessous des paragraphes. Elles ont été supprimées par la suite.

[48]    En contre-preuve, le fonctionnaire s'estimant lésé a procédé longuement à une manipulation à l'ordinateur en transférant un dossier d'une disquette au disque dur de l'ordinateur et du disque dur vers une disquette ou d'un disque compact. Ces diverses manipulations d'un document original modifient la date de création du document apparaissant dans les propriétés de ce document.

[49]    La disquette contenant les renseignements de l'ordinateur utilisé par le fonctionnaire s'estimant lésé au travail est déposée comme pièce G-17. Le document contient des renseignements de nature confidentielle qui doivent être protégés.

[50]    À la fin du témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé, je l'ai informé que son défaut de respecter une ordonnance d'un tribunal peut constituer un outrage au tribunal et que je pourrais lui ordonner de comparaître devant la Cour pour expliquer pourquoi il ne devrait pas être condamné pour outrage au tribunal. J'ai précisé au fonctionnaire s'estimant lésé, qu'au présent dossier, une telle ordonnance ne serait pas dans l'intérêt de la justice. Les représentants ont été avisés de me préciser, lors de leurs plaidoiries, la conséquence du défaut du fonctionnaire s'estimant lésé de se conformer à l'ordonnance de production de documents sur la crédibilité de son témoignage.

Sommaire des plaidoiries

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

Ordonnance de production de documents

[51]    Selon le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé, ce dernier a respecté l'ordonnance en déposant une copie sur support informatique des pièces G-14 et G-15. Il a ajouté que l'ordonnance écrite, envoyée par la Commission, ne précise pas le type de fichier ou le format du fichier qui doit être utilisé pour transmettre le document. S'il y a ambiguïté sur ce qui a été ordonné, le fonctionnaire s'estimant lésé ne devrait pas en subir les conséquences.

[52]    Le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas compris qu'il lui était ordonné de déposer les deux documents et il a fait parvenir la copie du deuxième document à la suite de la précision apportée par son représentant. Ainsi, il a produit avec diligence les documents requis.

[53]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a voulu protéger les notes personnelles et les communications privilégiées avec son représentant en transférant le document en format « doc » au format « pdf ». Ce transfert a fait en sorte de conserver des copies exactes des documents sur papier (pièces G-14 et G-15) qui ont été fournies ainsi sur support informatique. Le document en format « doc» n'est plus disponible, le fonctionnaire s'estimant lésé l'ayant effacé à la suite du changement de format.

[54]    Selon la démonstration effectuée lors de l'audience, les renseignements voulus du document par l'employeur (dates auxquelles des changements ont été apportés au texte) ne sont plus accessibles. Le transfert d'un document d'un support informatique à un autre modifie automatiquement la date de création du document.

Sur le fond du grief

[55]    Le grief porte sur la rencontre du 7 décembre 2004. La seule rencontre à laquelle il a été invité à présenter sa version des faits est lorsqu'il a été interrogé le 7 décembre 2004. Les rencontres subséquentes du 8 et 20 décembre 2004 sont pertinentes car elles démontrent que l'employeur n'a pas présenté d'allégations d'actes fautifs à l'origine de l'enquête disciplinaire au fonctionnaire s'estimant lésé.

[56]    Lors de cette rencontre, trois des motifs de congédiement ont été abordés, à savoir: 

-            vol d'équipement;
-            coupons de taxi;
-            contrefaçon des clés d'entrepôt.

Le quatrième motif portant sur un conflit d'intérêt, n'a pas été abordé lors de cette rencontre et l'employeur n'a jamais offert au fonctionnaire s'estimant lésé l'occasion de présenter sa version sur ce point.

[57]    La disparition des ordinateurs portatifs, de l'argent de la cagnotte de hockey et des caisses de vin remonte au printemps 2004. L'employeur n'a rien fait relativement à ces incidents avant le 1er novembre 2004, alors qu'une vérification du budget estime la perte de matériel à plus de 24 000 $. Des employés ont exprimé aux chefs de service des doutes envers le fonctionnaire s'estimant lésé.

[58]    Malgré le montant élevé des pertes, ni la police, ni le contentieux du ministère n'ont été appelés. Ceci est à l'encontre de la politique sur les pertes de deniers, infractions et autres actes illégaux commis contre la Couronne (pièce G-6) lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'incidents majeurs.

[59]    L'employeur a commencé les rencontres avec certains employés le 7 décembre 2004, soit plus de trois semaines après les dénonciations du début novembre 2004. L'employeur disposait de suffisamment de temps pour respecter le préavis de deux jours ouvrables prévu à la convention collective qui doit être donné à l'employé pour une rencontre disciplinaire.

[60]    Le motif de la rencontre précisée dans les notes de Mmes Dingwall et O'Kane est une enquête sur les vols (pièce G-1). Les allégations énoncées par les autres employés contre le fonctionnaire s'estimant lésé et un autre fonctionnaire sont les raisons motivant les rencontres tenues les 7 et 8 décembre 2004. Lors de la rencontre avec le fonctionnaire s'estimant lésé, l'employeur ne lui a pas exposé d'allégations précises relativement à la perte d'équipement, le vol de la cagnotte de hockey ou l'utilisation des coupons de taxi. Cette façon de procéder va à l'encontre des lignes directrices relatives aux enquêtes et entrevues sur des vols qui précisent que l'employé est en droit de savoir les inconduites qu'on lui reproche et qu'il doit pouvoir y répondre.

[61]    L'employeur n'a pas informé le fonctionnaire s'estimant lésé, lors de la rencontre du 7 décembre 2004, de son droit d'être représenté alors que l'employeur a tenté indirectement de le faire répondre aux allégations formulées contre lui par les autres employés. On lui a dit que d'autres employés le pointaient du doigt.

[62]    Il n'est pas logique qu'en ces circonstances l'employeur n'ait pas informé le fonctionnaire s'estimant lésé de son droit d'être représenté alors que, pour la rencontre du 8 décembre 2004, l'employeur a pris l'initiative d'aviser l'agent négociateur de manière à ce qu'un représentant syndical soit disponible pour ce faire.

[63]    Après les rencontres des 7 et 8 décembre 2004, l'employeur a décidé de congédier le fonctionnaire s'estimant lésé après seulement deux jours ouvrables, soit le 13 décembre 2004 (pièce G-4). La rencontre de congédiement a été retardée au 20 décembre 2004 pour éviter des visiteurs non désirés au dîner du groupe le vendredi 17 décembre 2004. À ce moment, l'employeur connaissait les allégations relatives aux clés, aux vols d'équipement et aux coupons de taxi à la suite de la dénonciation d'employés. Seul l'élément relié au conflit d'intérêt a été découvert par l'employeur par la suite.

[64]    Selon le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé, le droit à la représentation n'est pas seulement une question d'équité procédurale mais un droit fondamental. En ce sens, une violation du droit à la représentation ne peut pas être corrigée par une enquête de novo devant un arbitre de grief et la procédure disciplinaire doit alors être annulée. Les décisions suivantes ont précisé cette interprétation :

-      
Shneidman c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 133;
-      
Evans c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-2-25641 (1994);
-      
Corporation of City of Toronto v. Canadian Union of Public Employees, Local 79 (1995), 47 L.A.C. (4th) 197;
-      
Brink's Canada Ltd. v. Independent Canadian Transit Union, Local 1 (1997), 69 L.A.C. (4th) 199.

[65]    L'employeur a l'obligation implicite, comme signataire de la convention collective, de faire respecter ce droit de représentation (Brink's Canada Ltd.). De plus, l'employeur doit aviser l'employé de son droit d'être représenté (Corporation of City of Toronto).

[66]    Il est très difficile de distinguer à quel moment une enquête devient de nature disciplinaire. Cette distinction entre enquête administrative et disciplinaire est purement sémantique et les arbitres de griefs préfèrent s'en tenir aux faits. Lorsqu'une mesure disciplinaire est imposée à un employé, chacune des étapes menant à cette décision fait partie d'un continuum disciplinaire. Les droits de l'employé peuvent être affectés à chacune de ces étapes du continuum disciplinaire et son droit à la représentation doit être respecté. Les décisionsRiverdale Hospital v. Canadian Union of Public Employees, Local 79 (2000), 93 L.A.C. (4th) 195, Medis Health and Pharmaceutical Services v. Teamsters, Chemical and Allied Workers, Local 424 (2001), 100 L.A.C. (4th) 178 et United Food v. Commercial Workers International Union, Local 175 (2000), 87 L.A.C. (4th) 100 sont en cesens et doiventrecevoir application au présent dossier.

[67]    La clause 36.03 de la convention collective s'appliquant au présent grief présente un libellé plus général que la clause de la convention collective interprétée dans la décision Naidu c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 124. La clause 36.03 précise que le droit à la représentation s'applique pour une « réunion concernant une mesure disciplinaire » alors que dans la décision Naidu, ce droit est restreint à une réunion à laquelle est rendue une décision disciplinaire. Dans Shneidman, l'arbitre de grief a précisé que le droit à la représentation s'applique pour les réunions concernant les mesures disciplinaires selon un libellé plus large que dans Naidu, et similaire à celui de la clause 36.03 de la convention collective s'appliquant au dossier du fonctionnaire s'estimant lésé.

[68]    Selon le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé, la rencontre du 7 décembre 2004 est clairement de nature disciplinaire. L'employeur a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de s'expliquer sur les vols de matériel et de vins ainsi que sur l'utilisation des coupons de taxi. De toute façon, cette rencontre s'inscrit dans un continuum disciplinaire, les éléments discutés lors de cette rencontre ayant été repris aux motifs du congédiement. Le grief devrait donc être accueilli par l'arbitre de grief et le congédiement devrait être annulé. Le fonctionnaire s'estimant lésé doit être réintégré à son poste avec tous ses droits et avantages.

Pour l'employeur

Sur le fond du grief

[69]    Le fonctionnaire s'estimant lésé doit démontrer que son droit à la représentation, prévu à la clause 36.03 de la convention collective, n'a pas été respecté lors de la rencontre du 7 décembre 2004. Pour se faire, il doit convaincre l'arbitre de grief de la nature disciplinaire de cette rencontre, qu'il n'a pas eu l'occasion d'y être représenté et que cette violation ne peut pas être corrigée par une audience de novo devant l'arbitre de grief.

[70]    Le libellé de la clause 36.03 prévoit le droit à la représentation lors d'une « rencontre concernant une mesure disciplinaire ». Ce droit, prévu à la convention collective, est différent des droits précisés aux chartes et son étendue est déterminée par les stipulations convenues par les parties.

[71]    Les décisions citées par le fonctionnaire s'estimant lésé interprètent des clauses différentes de celle considérée au présent grief. Ainsi, dans United Food et Commercial Workers International Union, Local 175, la convention collective précise un droit à la représentation qui s'étend aussi aux rencontres de nature professionnelle. De même, l'arbitre de grief a précisé dans Shneidman que le droit à la représentation est élargi aussi pour des rencontres administratives. Au présent dossier, le droit de représentation a été convenu que pour les rencontres de nature disciplinaire, tout comme dans le cas de Naidu.

[72]    L'arbitre de grief doit déterminer, à partir des faits particuliers soumis en preuve, si la rencontre présente les caractéristiques d'une rencontre disciplinaire. Les arbitres de griefs ont déterminé que les rencontres étaient de nature disciplinaire lorsque l'employeur demande à un employé de répondre ou d'expliquer sa conduite relativement à des allégations précises. Dans le cas du fonctionnaire s'estimant lésé, lors de la rencontre du 7 décembre 2004, l'employeur n'avait aucune preuve que les allégations formulées contre le fonctionnaire s'estimant lésé par d'autres employés étaient fondées. L'employeur n'a pris aucune décision disciplinaire contre le fonctionnaire s'estimant lésé lors de cette rencontre. L'employeur a qualifié les allégations contre le fonctionnaire s'estimant lésé de rumeurs dans le rapport du 4 novembre 2004 (pièce E-11) et a ordonné aux employés de cesser de les répandre.

[73]    L'employeur a rencontré les employés à partir du 7 décembre 2004 pour relever les faits entourant les événements à la suite du rapport du 1er novembre 2004 (pièce G-13). Lors de la rencontre avec le fonctionnaire s'estimant lésé, l'employeur ne lui a pas demandé s'il avait volé, mais s'il savait quelque chose relativement au matériel manquant et aux coupons de taxi. Lors de cette rencontre, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas été confronté aux allégations formulées par les autres employés et il n'y a pas été question de mesure disciplinaire (pièces E-1 et G-15). Selon les témoignages de Mmes O'Kane et Dingwall, aucune mesure disciplinaire n'a été envisagée envers le fonctionnaire s'estimant lésé à ce stage. Selon ces témoins, les preuves démontrant que le fonctionnaire s'estimant lésé a abusé des coupons de taxi, qu'il n'a pas déclaré la possibilité d'un conflit d'intérêt et qu'il détenait un double des clés de l'entrepôt, ont été découvertes après cette rencontre du 7 décembre 2004. Le congédiement du fonctionnaire s'estimant lésé repose sur une perte de confiance de l'employeur découlant des trois incidents précités et non pas pour vol de matériel.

[74]    Lors des deux rencontres subséquentes, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est prévalu de son droit à la représentation et l'employeur avait pris l'initiative en avisant d'avance l'agent négociateur. La suspension sans solde pour la durée de l'enquête a été imposée le 8 décembre 2004 car le fonctionnaire s'estimant lésé a parlé de l'enquête à un autre employé en contravention de la directive reçue. Il était représenté lors de la rencontre du 20 décembre 2004 avec l'employeur pendant laquelle ce dernier lui a remis la lettre de congédiement.

[75]    Le présent grief ne porte que sur la rencontre du 7 décembre 2004. Si le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas eu l'occasion de présenter sa version des faits lors des rencontres subséquentes avec l'employeur, il pourra le faire lors de l'audience devant l'arbitre de grief, selon la décision Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] ACF No. 818 (C.A.).

[76]    Dans Arctander c. le Conseil du Trésor (Postes Canada), dossier de la CRTFP 166-2-10565 (1982), l'arbitre a conclu qu'une entrevue n'est pas nécessairement de nature disciplinaire simplement parce qu'un acte discuté est par la suite l'objet d'une mesure disciplinaire. Au moment de l'entrevue, malgré qu'il avait des soupçons envers l'employé, l'employeur n'avait pas de preuve tangible et n'a pas porté d'accusation. Dans le dossier du fonctionnaire s'estimant lésé, les mêmes circonstances prévalent lors de la rencontre du 7 décembre 2004.

[77]    La décision Johnson c. le Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), dossier de la CRTFP 166-2-26107 (1995) concerne le droit à la représentation lors de rencontre disciplinaire, tout comme au présent dossier. Selon cette décision, le fonctionnaire s'estimant lésé doit démontrer qu'une mesure disciplinaire lui a été imposée lors de cette rencontre, directement ou de façon constructive. L'arbitre précise que si les parties avaient l'intention d'accorder un droit de représentation lors des réunions d'enquêtes où un employé doit motiver sa conduite, elles devaient inclure ce droit à la convention collective. L'arbitre de grief devrait conclure dans le même sens au présent dossier, la preuve démontrant les mêmes éléments.

[78]    Le remède pour corriger la négation du droit de représentation doit être déterminé en rapport avec les torts causés au fonctionnaire s'estimant lésé. Dans Naidu c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 124, l'arbitre de grief est en accord avec la Cour d'appel de la Saskatchewan, qui énonce que le droit de représentation est fondamental étant plus qu'une simple question de procédure (Canada Safeway Ltd. v. Retail, Wholesale and department store Union, Local 454, 2000 SKCA 119). Toutefois, la Cour précise que la violation d'une telle clause n'entraine pas nécessairement la réintégration de l'employé comme un redressement présumé. En de telles circonstances, l'arbitre de grief doit choisir un redressement qui soit adapté de façon à réparer, de façon efficace mais non excessive, le préjudice causé à l'employé.

[79]    Le lendemain de l'audience, la Cour fédérale a annulé la décision rendue par l'arbitre de grief dans la décision Shneidman (Attorney General of Canada) v. Lillian Shneidman, 2006 FC 381.

Relativement à la crédibilité du fonctionnaire s'estimant lésé

[80]    Lors de son témoignage, le fonctionnaire s'estimant lésé a admis avoir délibérément détruit le document sur support informatique de format « doc » afin qu'il ne soit pas divulgué. Lors de son contre-interrogatoire, l'employeur a demandé la production du document fait en format « doc » et le fonctionnaire s'estimant lésé a plutôt décidé de le fournir en format « pdf » (Adobe). Il a détruit le document en format « doc » après l'ordonnance du tribunal.

[81]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné relativement aux sujets abordés lors de la rencontre du 7 décembre 2004 sur la base de ce document (pièce G-15). Le fait qu'il ait détruit le document initial pour en empêcher la vérification enlève toute force probante à sa version. L'arbitre de grief doit appliquer le principe que ces circonstances créent une présomption que cette preuve aurait été préjudiciable à la partie en cause. La preuve de la mauvaise foi du fonctionnaire s'estimant lésé, qui a détruit la preuve pour en empêcher la communication, crée une présomption que cette preuve se serait révélée défavorable selon le principe précisé dans Spencer c. Équipement Quadco Inc., 2005 NBBR2.

[82]    Le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est pas déchargé de son fardeau de preuve et n'a pas démontré que la rencontre du 7 décembre 2004 était de nature disciplinaire. Le grief devrait être rejeté sur cette base. Même s'il était possible de conclure que le fonctionnaire avait le droit d'être représenté, le grief ne pourrait être admis car l'employé n'a pas subi de préjudice. De plus, l'arbitre de grief devrait réserver sa décision et entendre la preuve sur le fond du grief de congédiement, les arbitres de grief ayant toujours agi de la sorte dans les décisions soumises au tribunal.

Réplique pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[83]    L'employeur a rencontré le fonctionnaire s'estimant lésé car il avait été pointé du doigt par d'autres employés et non parce que l'employeur croyait qu'il détenait des renseignements sur les vols. Suivant le principe énoncé dans la décision Medis Health, l'enquête menée par l'employeur fait partie de la procédure disciplinaire lorsqu'il est question de vol, tout comme au présent dossier.

[84]    Relativement à l'argument selon lequel les arbitres de griefs ont toujours entendu la preuve complète sur le fond de la mesure disciplinaire avant de se prononcer sur le non-respect du droit à la représentation, la seconde question ayant été abordée grâce à un grief contestant la mesure disciplinaire. On doit faire la distinction entre le dossier du fonctionnaire s'estimant lésé et la décision Shneidman, car au présent dossier, un grief spécifique conteste le défaut de l'employeur d'appliquer le droit à la représentation. La Cour fédérale n'a pas remis en cause le droit à la représentation syndicale lors d'entrevue disciplinaire dans Shneidman. La Cour a estimé que l'arbitre de grief n'était pas saisi d'un grief concernant le droit à la représentation qui doit être traité en un grief distinct de celui contestant le congédiment.

[85]    Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a réitéré en réplique que le fonctionnaire s'estimant lésé a respecté l'ordonnance du tribunal et a produit une copie des pièces G-14 et G-15 sur support informatique. Le fonctionnaire s'estimant lésé était en droit de croire qu'un ficher en format « pdf » rencontrait les exigences exprimées dans cette ordonnance.

[86]    La décision Riverdale énonce clairement que le non respect du droit à la représentation est une atteinte aux droits fondamentaux d'un fonctionnaire et qu'une telle atteinte entraîne l'annulation de la sanction disciplinaire. Ces orientations doivent recevoir une application au présent dossier du fonctionnaire s'estimant lésé.

Motifs de décision

[87]     Le grief d'interprétation déposé par le fonctionnaire s'estimant lésé allègue que l'employeur n'a pas respecté son droit à la représentation syndicale lors de la rencontre du 7 décembre 2004. Le fonctionnaire s'estimant lésé y dénonce aussi que son employeur ne lui a pas donné le préavis de deux jours ouvrables pour cette rencontre. Il demande, comme mesure correctrice, que sa suspension et son congédiement soient annulés et il désire être réintégré dans son poste avec tous ses droits et privilèges.

[88]    Les représentants des parties en cause ont longuement élaboré sur les principes et l'application des notions de procédure équitable en matière de discipline. Sans procéder à une analyse systématique de chacune des observations qui m'ont été soumises sur cette question, il est essentiel de cerner les éléments pertinents au présent grief, chaque convention collective présentant un libellé qui lui est propre et devant recevoir application en un contexte factuel particulier.

[89]    Les éléments du principe de la procédure équitable en matière de contrat sont précisés par les termes utilisés dans les conventions collectives. Dans la décision Evans, un extrait de l'article publié par Mervin Chertkow précise que l'énoncé de la convention collective prévoit les éléments constituant une procédure équitable. Ainsi, les modalités du droit à la représentation ainsi que sa portée doivent être interprétées selon le libellé de la convention collective. Dans la décision Naidu, au paragraphe 79, l'arbitre de grief y précise comme suit, sa pensée sur ce sujet :

[...]

Les réunions d'enquête et les réunions au cours desquelles on demande à des employés de motiver leur conduite sont monnaie courante dans les lieux de travail. Si les parties avaient eu l'intention de faire en sorte que les dispositions de la convention collective comprennent le droit de représentation à ces réunions ou à toute réunion entre l'employeur et ses employés, collectivement ou individuellement, elles n'auraient eu qu'à inclure ce droit dans la convention.

[...]

[90]    Comme tout autre droit consenti par la convention collective, le droit à la représentation doit être déterminé sur la base du texte de la convention collective et ne doit pas être confondu avec les droits fondamentaux des chartes. Au présent dossier, le droit de représentation qui a été convenu entre les parties est libellé comme suit :

[...]

36.03 
Lorsque l'employé est tenu d'assister à une réunion concernant une mesure disciplinaire, il a le droit de se faire accompagner par un représentant de l'Institut lorsque celui-ci est facilement disponible. Autant que possible, l'employé est prévenu par écrit au moins deux (2) jours ouvrables avant la tenue d'une telle réunion.

[...]

[91]    Les termes utilisés dans cette clause doivent être compris dans leurs sens commun. Aucune définition de la convention collective ne détermine la signification des termes « concernant une mesure disciplinaire ». Le mot « concernant » signifie « à propos de » ou « au sujet de » en son sens commun. Il faut donc comprendre que la réunion pendant laquelle le droit à la représentation a été convenu est « à propos d'une mesure disciplinaire » ou « au sujet d'une mesure disciplinaire ».

[92]    Cet énoncé est plus large que le libellé de certaines conventions collectives qui ont été portées à mon attention et qui concernent une réunion où une décision disciplinaire sera rendue. La clause 36.03 fait en sorte toutefois qu'il faut que le sujet d'une mesure disciplinaire soit abordée lors de la réunion. Aborder la question d'une mesure disciplinaire implique nécessairement qu'une faute est reprochée au fonctionnaire et qu'une sanction contre lui peut en découler.

[93]    Suivant ce raisonnement, une rencontre pendant laquelle l'employeur recherche les faits entourant des événements, normalement considérée comme une « enquête administrative » ne concerne pas une mesure disciplinaire. Lors de cette démarche d'enquête, l'objectif visé par l'employeur est de cumuler l'ensemble des faits et d'en vérifier l'exactitude. Par la suite, cette démarche administrative peut être suivie d'une procédure disciplinaire lorsque les faits démontrent, selon l'évaluation de l'employeur, qu'un fonctionnaire a posé un acte fautif et que cet acte mérite une sanction.

[94]    Je peux concevoir que dans certaines circonstances il puisse être difficile de déterminer à quel moment la démarche administrative se termine et celui où débute la procédure disciplinaire. Cette question doit être évaluée à la lumière des faits particuliers de chaque dossier. On ne doit pas conclure a priori  que l'imposition d'une pénalité à un employé confère rétroactivement une nature disciplinaire à chacune des étapes suivies par l'employeur pour lui permettre de finaliser sa décision.

[95]    La théorie d'un continuum disciplinaire qui découlerait nécessairement de l'imposition a posteriori d'une mesure disciplinaire irait à l'encontre du principe qu'un arbitre de grief ne peut pas modifier ou ajouter au libellé d'une convention collective. Selon l'argumentation soumise par le fonctionnaire s'estimant lésé, je devrais conclure au continuum disciplinaire en la présente cause et ainsi attribuer à la rencontre du 7 décembre 2004, une nature disciplinaire donnant ainsi effet au droit à la représentation. Je ne crois pas que les arbitres ayant rendu les décisions Riverdale Hospital; Brink's Canada; et Evans c. le Conseil du Trésor aient voulu étendre le droit à la représentation aux rencontres administratives à l'encontre du libellé des conventions collectives.

[96]    Au présent dossier, il est clair que le droit à la représentation est retreint aux rencontres concernant une mesure disciplinaire et le libellé de la clause 36.03 de la convention collective n'inclut pas les rencontres de recherche de faits qui sont de nature administrative. Conclure autrement irait à l'encontre du principe bien établi qu'un arbitre n'a pas le pouvoir de modifier ou d'ajouter au libellé de la convention collective (Brown and Beatty, Canadian Labour Arbitration, Third Edition, 2: 1202).

[97]    Les parties ont une compréhension différente des événements survenus lors de la rencontre du 7 décembre 2004. La version de l'employeur, notée par Mmes Dingwall et O'Kane (pièce G-1) et dont l'exactitude a été confirmée par leurs témoignages, démontrerait la nature administrative de la rencontre. Le fonctionnaire s'estimant lésé a pour sa part voulu démontrer la nature disciplinaire de cette rencontre, tant par ses notes (pièces G-14 et G-15) que par son témoignage.

[98]    L'évaluation de la preuve présentée par Mmes Dingwall et O'Kane démontre que la rencontre du 7 décembre 2004 étaient motivés par les vols au Service de la technologie de l'information. Le fonctionnaire s'estimant lésé a clairement été avisé que certains collègues de travail le pointaient du doigt. Il lui a été demandé s'il détenait des renseignements relativement à l'équipement manquant, à la procédure d'accès aux salles d'entreposage, à la disparition de la cagnotte de hockey et des bouteilles de vin ainsi qu'à l'utilisation des coupons de taxi. Des questions précises lui ont été posées à savoir s'il avait déjà pris de l'équipement ou s'il avait déjà utilisé des coupons de taxi à des fins personnelles. À la suite de l'aveu du fonctionnaire s'estimant lésé à savoir qu'il avait fait faire une copie des clés, il a été questionné sur les raisons pouvant expliquer qu'il modifiait sa réponse préalable sur ce point et s'il avait encore les clés en sa possession.

[99]    Selon le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé, appuyé par ses notes (pièce G-15), les deux représentants de l'employeur auraient été plus loin en lui précisant que les collègues de travail avaient précisé qu'il se vantait de prendre du matériel et de le vendre. Le fonctionnaire s'estimant lésé aurait même soumis que ceci constituait une vendetta contre lui. La pièce G-15, précise que les représentants de l'employeur lui ont demandé une seconde fois s'il avait pris du matériel après une question générale sur l'utilisation des coupons de taxi et d'avoir abordé la question des clés. Le fonctionnaire s'estimant lésé a insisté, tout au long de son témoignage, que ces questions insinuent qu'il était impliqué dans le vol du matériel et du vin et qu'il a abusé des coupons de taxi. Pourtant, lorsqu'il a donné sa version de la rencontre du 8 décembre 2004, lorsque l'avis de suspension sans solde pour la durée de l'enquête lui a été remis, il a exprimé avoir été surpris que l'employeur lui précise qu'il était impliqué dans les vols, alors que la rencontre de la veille (7 décembre 2004) n'était qu'une enquête pour rechercher les faits.

[100]      La force probante de la version du fonctionnaire s'estimant lésé relativement à la rencontre du 7 décembre 2004 est diminuée fortement par le fait qu'il a volontairement fait en sorte que l'arbitre de grief et l'employeur n'aient pas accès au document informatique original en format « doc », à partir duquel il a élaboré les notes sur cette rencontre. L'ordonnance que j'ai rendue à l'audience le 3 novembre 2005 était sans équivoque sur ce point. Lors de son contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé avait clairement répondu à l'avocat de l'employeur qu'il avait dans son ordinateur personnel le document Word 2003, à partir duquel il avait imprimé la pièce G-15. Il a précisé qu'il ferait parvenir à son représentant par courriel et dans la même journée par pièce jointe une copie du document sur le support informatique original et que ceci ne lui causait pas de problème.

[101]      En soumettant, à la reprise de l'audience le 14 décembre 2005, que le document déposé sur support informatique (pièces jointes à un courriel) rencontrait les exigences de la confirmation écrite de l'ordonnance expédiée par la Commission, le 8 novembre 2005, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé enlève toute pertinence et toute importance à la preuve que le tribunal désirait obtenir. Selon l'argument soumis, le tribunal aurait tout simplement voulu obtenir, sous forme électronique, copie d'un document déjà déposé sur support papier. Cet argument ne peut être valable qu'en sortant l'ordonnance du contexte dans lequel elle a été rendu, lors de l'audience du 3 novembre 2005 lequel précisait bien que c'était le document sur support informatique initial qui était requis.

[102]      Lorsque j'ai exigé de nouveau du fonctionnaire s'estimant lésé qu'il dépose le document sur support informatique initial, lors de l'audience du 14 décembre 2005, le fonctionnaire s'estimant lésé et son représentant ont répondu que cette ordonnance était claire et non-ambigüe. Il est pour le moins questionnable qu'ils ne m'aient pas avisé, à ce moment, que ce document avait été effacé et n'était plus disponible. Ainsi, selon les explications fournies au tribunal par le fonctionnaire s'estimant lésé, à la reprise de l'audience le 15 décembre 2005, le document original avait déjà été effacé. Il n'était plus nécessaire de suspendre l'audience afin de permettre au représentant du fonctionnaire s'estimant lésé de vérifier si l'ordonnance de déposer ce document respectait les principes de justice naturelle et/ou les droits prévus aux Chartes. Le questionnement devenait purement académique; l'ordonnance ne pouvant plus être exécutée puisque le document avait été supprimé.

[103]      En modifiant son document initial, en le transférant du format « doc » (Microsoft Word 2003) au format « pdf » (Adobe), le fonctionnaire s'estimant lésé voulait empêcher le tribunal et l'avocat de l'employeur d'avoir accès aux éléments en « metadonnées » du document informatique original. Cette façon de faire va clairement à l'encontre de l'ordonnance en date du 3 novembre 2005. Refuser de se conformer à une ordonnance du tribunal, modifier ou détruire un document dont le tribunal ordonne la production constitue un outrage au tribunal. Dans le présent cas, j'ai avisé le fonctionnaire s'estimant lésé que je considérais qu'il n'était pas dans l'intérêt de la justice de faire en sorte qu'il soit convoqué devant une cour pour devoir à expliquer pourquoi il ne devait pas être trouvé coupable d'outrage au tribunal.

[104]      Après avoir évalué l'ensemble des éléments relatifs à cet incident et avoir pris en considération les arguments présentés par les parties, je considère qu'une conclusion défavorable doit être retenue contre le fonctionnaire s'estimant lésé, qui a sciemment détruit une preuve afin d'éviter que le tribunal et l'autre partie ne puissent y avoir accès. En de telles circonstances, je peux déduire que si cette preuve avait été déposée au tribunal conformément à l'ordonnance, elle aurait été défavorable au fonctionnaire s'estimant lésé. Les auteurs Gorsky, Usprich et Brandt énoncent, en leur ouvrage intitulé « Evidence and Procedure in Canadian Labour Arbitration (Carswell, 2005), dans le paragraphe 13-8, ce principe comme suit :

(Traduction de la Commission)

« Le défaut de fournir une explication adéquate en des circonstances suspectes peut mener à la conclusion qu'une qu'une conclusion défavorable est justifiée. »

[105]      Les auteurs Brown and Beatty reprennent ce principe au paragraphe 3:5120 de leur "Canadian Labour Arbitration" (Third edition) dans les termes suivants:

(Traduction de la Commission)

« Ainsi, lorsqu'une partie peut, par son propre témoignage, éclairer un sujet et échoue à la faire, un arbitre est en droit de tirer la conclusion défavorable que la preuve n'aurait pas soutenu son point de vue. »

[106]      En conséquence, j'accorde une force probante plus élevée à la preuve présentée par l'employeur relativement à l'objet et au déroulement de la rencontre du 7 décembre 2004. L'ensemble de la preuve déposée devant moi démontre que l'employeur a procédé, lors de la rencontre du 7 décembre 2004, à une enquête pour découvrir les faits relativement aux incidents (perte de matériels, de bouteilles de vins, disparition de la cagnotte de hockey, l'utilisation des coupons de taxi et de la duplication des clés de l'entrepôt). Aucun reproche ni accusation n'ont été formulés à l'encontre du fonctionnaire s'estimant lésé lors de cette rencontre. Bien que l'employeur avait été informé de certains soupçons de certains employés envers le fonctionnaire s'estimant lésé, il ne détenait aucun élément de preuve démontrant son implication. En ces circonstances, la rencontre du 7 décembre 2004 est de nature « administrative » et ne présente pas d'éléments qui pourraient démontrer que son objet concernait une mesure disciplinaire.

[107]      Même si je donnais toute crédibilité à la version présentée par M. Arena du déroulement de la rencontre du 7 décembre 2004, je viendrais aussi à la conclusion que cette rencontre ne concernait pas une mesure disciplinaire. Bien que, selon la version de M. Arena, les questions de l'employeur auraient été insistantes et auraient insinué qu'il était impliqué dans les incidents, en aucun moment il ne mentionne qu'une mesure disciplinaire y aurait été abordée.

[108]       L'employeur a démontré une grande ouverture lors de la rencontre avec le fonctionnaire s'estimant lésé en lui précisant clairement que certains collègues le pointaient du doigt quant aux incidents sous enquête. Il a aussi demandé explicitement au fonctionnaire s'estimant lésé s'il avait pris du matériel ou s'il avait utilisé des coupons de taxi à des fins personnelles. Ces éléments se retrouvaient aussi dans le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé. Je n'ai pas accordé de force probante à la version du fonctionnaire s'estimant lésé qui a amplifiée les faits dans son témoignage tout en les interprétant comme des reproches.

[109]      Je tiens à souligner qu'étendre le droit à la représentation à toutes les enquêtes « administratives » auxquelles l'employeur doit procéder aurait un impact négatif important sur le climat des relations de travail en provoquant une paranoïa qui empêcherait une communication ouverte et sincère entre les parties.

[110]      Considérant que cette rencontre ne concernait pas une mesure disciplinaire, le préavis prévu à la clause 36.03 ne peut recevoir application. De plus, en ces circonstances, il n'est pas opportun de débattre, au présent dossier, de l'impact qu'aurait pu avoir le défaut de respecter le droit à la représentation sur la validité de la mesure disciplinaire imposée, par la suite, au fonctionnaire s'estimant lésé.

[111]      La Commission doit convoquer les parties, selon sa procédure habituelle, de manière à fixer la continuation de l'audience sur le fond du grief contestant la suspension sans solde et le congédiement portant le numéro de dossier 166-02-35944. La preuve présentée au présent grief portant le numéro 166-02-35945 et relatif au droit à la représentation, est pertinente au dossier relatif à la suspension et au congédiement et y sera considérée sous réserve des arguments que les parties pourraient me soumettre lors de la continuation de l'audience.

[112]      Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[113]      Le grief portant le numéro de dossier 166-02-35945 est rejeté.

[114]      La Commission doit fixer la continuation de l'audience pour ce qui est du dossier portant le numéro 166-02-35944 contestant la suspension sans solde et le congédiement dans le plus bref délai possible en suivant sa procédure habituelle.

Le 21 septembre 2006.

Léo-Paul Guindon,
arbitre de grief

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