Décisions de la CRTESPF

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Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-10-13
  • Dossiers:  166-02-31313 et
    32584 à 32586
  • Référence:  2006 CRTFP 112

Devant un arbitre de grief



ENTRE

ANNA CHOW

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Statistique Canada)

employeur

Répertorié
Chow c. Conseil du Trésor (Statistique Canada)

Affaire concernant des griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Dan Butler, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée : Elle-même;
Harry Kopyto, mandataire;
John R.S. Westdal, avocat;
Richard Mercier, avocat

Pour l'employeur : Drew Heavens, Secrétariat du Conseil du Trésor;
Karl Chemsi, avocat

Affaire entendue à Ottawa,
les 20 et 21 février et le 10 avril 2006.
(Observations écrites datées du 28 juin, des 5, 11 et 26 juillet et du 25 août 2006.)
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]   Avant son licenciement, Mme Anna Chow (« la fonctionnaire s'estimant lésée ») était au service de Statistique Canada au pré Tunney, à Ottawa, à titre d'analyste d'établissements multiples (CR-05). Le 11 avril 2002, elle a reçu la réponse de l'employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs aux 84 griefs qu'elle avait déposés (les numéros de grief mentionnés dans la présente décision correspondent à ceux qu'elle a utilisés et qui figurent dans cette réponse au dernier palier, versée au dossier).

[2]   Le 3 mai 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a renvoyé 84 griefs à l'arbitrage de grief. Dans une lettre en date du 21 mai 2002, l'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (« l'ancienne Commission ») se disait incapable de traiter ces griefs car l'information fournie dans la formule 14 (Renvoi à l'arbitrage) était incomplète et les retournait donc à l'intéressée.

[3]   Le 22 mai 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a renvoyé sept griefs (les numéros 4, 15, 24, 66, 68, 69 et 77) à l'arbitrage de grief en vertu du sous-alinéa 92(1)b)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C., 1985, ch. P-35 (« l'ancienne Loi »).

[4]   Dans une lettre datée du 17 juin 2002, l'ancienne Commission a refusé de traiter trois de ces griefs car ils ne semblaient pas être du ressort d'un arbitre de grief en vertu du sous-alinéa 92(1)b)(i) de l'ancienne Loi. Elle a réuni les quatre autres griefs dans le dossier d'arbitrage 166-02-31313. Ils se lisent comme suit :

[Traduction]

GRIEF No 4
L'employeur m'a suspendue à toutes fins utiles depuis le 1er juillet 2001, en prétextant des problèmes de santé ou d'invalidité, contrevenant ainsi à l'article 17, Discipline, de la convention collective, faute d'avoir appliqué la procédure pertinente.

J'allègue donc qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire déguisée.

[…]

GRIEF No 66
L'employeur me pénalise en définitive en m'empêchant sans motif valable de retourner au travail depuis le 1er juillet 2001.

[…]

GRIEF No 68
L'employeur me pénalise financièrement en m'empêchant de retourner au travail depuis le 1er juillet 2001.

[…]

GRIEF No 77
L'employeur m'a suspendue à toutes fins utiles depuis le 1er juillet 2001, sous prétexte d'appliquer les Codes de sécurité et santé au travail.

J'allègue donc qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire déguisée incluant une sanction pécuniaire.

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l'original]

[5]   Le 23 août 2002, l'ancienne Commission a écrit aux parties pour les informer qu'elle avait fixé la date d'audience du dossier 166-02-31313 au 15 octobre 2002. La fonctionnaire s'estimant lésée a écrit à l'ancienne Commission, le 4 septembre 2002, pour lui demander de reporter l'audience jusqu'à ce que la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) ait rendu une décision [traduction] « […] parce que mes griefs concernent un motif de distinction illicite […] ». L'employeur ne s'est pas opposé à cette demande, et l'ancienne Commission l'a accueillie.

[6]   La fonctionnaire s'estimant lésée a renvoyé d'autres griefs à l'arbitrage de grief le 6 août 2002. Dans une lettre datée du 30 septembre 2002, l'ancienne Commission les lui retournait en se disant incapable de traiter ces griefs car l'information fournie dans la formule 14 (Renvoi à l'arbitrage) était incomplète.

[7]   Le 19 décembre 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a renvoyé 33 griefs à l'arbitrage de grief (les numéros 94 à 110, 113, 114, 116 à 128 et 130). L'employeur avait donné sa réponse à ces griefs et à 13 autres (allant des numéros 85 à 130) au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 1er août 2002.

[8]   Le 3 juin 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a écrit à l'ancienne Commission pour savoir où en étaient les griefs renvoyés à l'arbitrage de grief en décembre 2002. Le 25 juillet 2003, l'ancienne Commission lui a répondu qu'elle avait ouvert des dossiers pour 16 des griefs en question. Elle lui en a toutefois retourné 17 qui ne lui semblaient pas relever de la compétence d'un arbitre de grief en vertu des sous-alinéas 92(1)b)(i) et (ii) de l'ancienne Loi. L'ancienne Commission a groupé les 16 autres griefs dans les trois dossiers suivants :

[Dossier de la CRTFP 166-02-32584 (licenciement)]

[Traduction]

GRIEF No 94
Je conteste mon licenciement selon les modalités exposées dans la lettre en date du 22 mai 2002 signée par M. Richard Barnaby.

GRIEF No 95
Je conteste mon licenciement résultant de mesures disciplinaires.

J'allègue donc qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire déguisée incluant une sanction pécuniaire .

GRIEF No 96
Je conteste mon licenciement, qui constitue en fait une mesure disciplinaire déguisée.

GRIEF No 97
M. Richard Barnaby et l'employeur m'ont licenciée injustement sans motif valable.

GRIEF No 98
J'ai été licenciée injustement, car il s'agit d'un congédiement déguisé.

GRIEF No 120
J'ai été licenciée injustement sous prétexte que j'étais absente du travail, tel que déclaré dans la lettre du 22 mai 2002, alors que j'avais fourni un certificat médical attestant que j'étais apte à travailler.

GRIEF No 121
J'ai été licenciée injustement sous prétexte que j'étais absente du travail, tel que déclaré dans la lettre du 22 mai 2002, car l'employeur a falsifié des renseignements personnels concernant mon comportement pour justifier et légitimer son refus constant de m'autoriser à retourner au travail pour m'acquitter de mes fonctions.

GRIEF No 122
Le motif de licenciement invoqué par l'employeur est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour subir un examen médical parce que j'aurais omis de me présenter à plusieurs rendez-vous préétablis par Santé Canada avec des médecins, car je me suis présentée à tous ces rendez-vous (deux).

GRIEF No 123
Le motif de licenciement invoqué par l'employeur est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour subir un examen médical à Santé Canada parce que j'aurais omis, lors d'un rendez-vous, de signer le formulaire de consentement requis afin que le médecin puisse communiquer à l'employeur les résultats de l'examen visant à établir si j'étais apte à travailler, car l'employeur a falsifié et forgé des renseignements à mon sujet dans la lettre de consultation que le médecin m'a remise à ce rendez-vous.

GRIEF No 124
Le motif de licenciement invoqué par l'employeur est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour avoir déclaré que j'avais signé contre mon gré la formule de consentement à subir une évaluation médicale à Santé Canada, car j'ai fait cette déclaration pour toutes les raisons relatives à mon harcèlement par l'employeur, tel qu'indiqué dans mes griefs.

GRIEF No 125
Le motif de licenciement invoqué par l'employeur est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour avoir déclaré que j'avais signé contre mon gré la formule de consentement à subir une évaluation médicale à Santé Canada, car ce consentement doit être donné volontairement, ainsi que l'employeur en a été informé à deux reprises par la Dre Lisa Taris de Santé Canada.

GRIEF No 126
Le motif de licenciement invoqué par l'employeur est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour avoir déclaré que j'avais signé contre mon gré la formule de consentement à subir une évaluation médicale à Santé Canada, car j'ai informé l'employeur par écrit que j'étais disposée à collaborer pleinement en me soumettant à l'examen médical et en signant tous les documents requis à cette fin.

GRIEF No 127
Le motif de licenciement invoqué par l'employeur est injuste, car j'ai reçu de vive voix des évaluations de rendement « entièrement satisfaisant » de mes supérieures, Mmes Christiane Leclair et Kathy Piening Faris, de même qu'une excellente lettre de recommandation de Mme Leclair pour mon travail à la DOI; j'ai respecté le délai et l'objectif global (établis de concert avec ma supérieure) durant mon affectation de deux mois à la DFCE, et l'employeur a falsifié et forgé des renseignements personnels me concernant sur des problèmes de comportement, dans des documents destinés à Santé Canada.

[Dossier de la CRTFP 166-02-32585 (suspension)]

[Traduction]

GRIEF No 103
Je conteste le fait que l'employeur m'a refusé l'autorisation de me présenter au lieu de travail pour m'acquitter de mes fonctions, initialement dans le seul but de me contraindre à subir l'examen médical de Santé Canada pour déterminer si j'étais apte à travailler et à signer tous les documents exigés par Santé Canada, dans le véritable but de me licencier pour incapacité afin de m'obliger à demander des prestations d'invalidité.

[Dossier de la CRTFP 166-02-32586 (sanction pécuniaire)]

[Traduction]

GRIEF No 106
Je conteste le fait que l'employeur m'a initialement refusé sans motif valable l'accès au lieu de travail pour que je puisse m'acquitter de mes fonctions.

J'allègue donc qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire déguisée incluant une sanction pécuniaire.

GRIEF No 107
Je conteste le fait que l'employeur a continué de me refuser sans motif valable l'accès au lieu de travail pour que je puisse m'acquitter de mes fonctions, même si j'avais présenté plusieurs certificats médicaux attestant que j'étais apte à travailler.

J'allègue donc qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire déguisée incluant une sanction pécuniaire.

[Les passages soulignés le sont dans l'original]

[9]   Le 6 août 2003, l'employeur a déclaré dans un courriel adressé à l'ancienne Commission qu'il contestait la compétence d'un arbitre de grief d'instruire les dossiers de la CRTFP 166-02-32584 à 32586, parce que les affaires avaient été renvoyées à l'arbitrage de grief après l'expiration du délai prescrit par le Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) (« l'ancien Règlement »).

[10]   Le 11 août 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé que les dossiers de la CRTFP 166-02-32584 à 32586 soient eux aussi suspendus en attendant une décision de la CCDP. L'ancienne Commission a accueilli cette demande le 28 août 2003, en priant la fonctionnaire s'estimant lésée de lui faire savoir quand elle serait prête à poursuivre la procédure.

[11]   Le 31 mars 2004, l'employeur a présenté par écrit une contestation détaillée de la compétence d'un arbitre de grief quant aux renvois à l'arbitrage de grief, en demandant leur rejet. En résumé, l'employeur soulevait trois objections. Il prétendait, en premier lieu, que toutes les questions soulevées dans les griefs étaient inextricablement liées aux allégations de discrimination avancées par la fonctionnaire s'estimant lésée dans la plainte à la CCDP; elles n'étaient donc pas du ressort d'un arbitre de grief en vertu de l'article 92 de l'ancienne Loi et ne pouvaient être instruites à moins que la CCDP ne décide que, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP), L.R.C., 1985, ch. H-6, la fonctionnaire s'estimant lésée devait épuiser les recours prévus par la procédure de règlement des griefs. En deuxième lieu, concernant les allégations de suspension et de sanctions pécuniaires dans les dossiers de la CRTFP 166-02-31313, 32585 et 32586, l'employeur soutenait qu'aucune mesure disciplinaire n'avait été imposée et que rien n'indiquait que les griefs alléguaient une violation de la convention collective, de sorte que les conditions prévues par l'article 92 de l'ancienne Loi n'avaient pas été remplies. En troisième lieu, quant aux dossiers de la CRTFP 166-02-32584 à 32586, la fonctionnaire s'estimant lésée avait renvoyé les griefs à l'arbitrage de grief bien après l'expiration du délai prescrit par l'ancien Règlement.

[12]   Le 19 mai 2004, M. Kopyto, mandataire de la fonctionnaire s'estimant lésée, a déposé une réplique à la contestation de compétence soulevée par l'employeur. Cette réplique a été communiquée à l'employeur pour qu'il puisse y répondre, et l'ancienne Commission a pris l'affaire en délibéré.

[13]   Le 19 juillet 2004, l'ancienne Commission a informé les parties par écrit de sa décision de suspendre les renvois à l'arbitrage de grief jusqu'à ce que la CCDP ait tranché la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée. Le 4 novembre 2004, la fonctionnaire s'estimant lésée a informé l'ancienne Commission que la CCDP avait rendu sa décision.

[14]   Le 15 novembre 2004, l'employeur a fait tenir à l'ancienne Commission copie de la décision de la CCDP rejetant la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée. L'employeur réitérait la position qu'il avait fait valoir dans sa lettre du 31 mars 2004 et soulignait que la CCDP n'avait pas décidé que la fonctionnaire s'estimant lésée aurait dû épuiser les recours prévus par la procédure de règlement des griefs. Il déclarait en outre que les questions soulevées par la fonctionnaire s'estimant lésée avaient été tranchées dans le cadre du processus de plainte de la CCDP et qu'elles n'étaient donc pas du ressort d'un arbitre de grief. Enfin, il demandait derechef à l'ancienne Commission de rejeter tous les griefs.

[15]   La fonctionnaire s'estimant lésée a déposé sa réponse aux observations de l'employeur le 7 janvier 2005, en disant que les questions soulevées dans ses griefs n'étaient pas inextricablement liées aux allégations de discrimination ayant fait l'objet de sa plainte à la CCDP, qui ne s'était d'ailleurs pas penchée sur toutes les questions soulevées. Il restait des questions à trancher, de son point de vue. Les griefs relatifs à la suspension et aux sanctions pécuniaires et le grief No 4 font bel et bien mention d'une violation de la convention collective. En raison des lacunes dans son enquête, la CCDP avait abouti à un [traduction] « […] déni de justice naturelle […] ». Un arbitre de grief devrait donc avoir compétence pour instruire les renvois à l'arbitrage de grief.

[16]   Le 7 février 2005, l'employeur a confirmé par écrit qu'il maintenait sa contestation de compétence pour les motifs déjà avancés. Au sujet de la prétention de la fonctionnaire s'estimant lésée qu'il y avait eu une violation de la convention collective, il a déclaré que les renvois à l'arbitrage de grief n'étaient pas fondés sur l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi, et que, contrairement à ce qui est exigé dans les cas où le renvoi concerne l'application ou l'interprétation de la convention collective, rien n'indiquait qu'elle ait obtenu l'appui pourtant indispensable de son agent négociateur. Et l'employeur a de nouveau prié l'ancienne Commission d'exercer les pouvoirs qui lui étaient conférés par l'ancien Règlement en rejetant toutes les affaires.

[17]   Le 9 février 2005, l'ancienne Commission a informé les parties qu'elle avait décidé de tenir une audience les 27 et 28 juin 2005 pour statuer sur la question de compétence.

[18]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.

[19]   Le 6 juin 2005, la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté une demande de remise de l'audience afin de retenir les services d'un avocat. Le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a accueilli cette demande le 14 juin 2005, malgré l'opposition de l'employeur, en demandant à la fonctionnaire s'estimant lésée de lui communiquer les coordonnées de son avocat au plus tard le 5 juillet 2005. Il a ensuite péremptoirement mis au rôle les dossiers de la Commission 166-02-31313 et 32584 à 32586, en vue d'une audience en août ou septembre 2005.

[20]   Dans un courriel expédié à 21 h 58 le 5 juillet 2005, la fonctionnaire s'estimant lésée s'est dite incapable de donner les coordonnées de son avocat parce qu'Aide juridique Ontario ne lui avait pas encore répondu. La Commission lui a immédiatement demandé si elle avait besoin d'une prolongation de délai. Trois semaines plus tard, le 27 juillet 2005, la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté une demande de prolongation de délai en déclarant qu'elle ne savait pas quand ses efforts pour retenir les services d'un avocat aboutiraient.

[21]   Le 25 septembre 2005, la fonctionnaire s'estimant lésée, toujours à la recherche d'un avocat, a demandé au président de la Commission de remettre l'audience jusqu'à ce qu'Aide juridique Ontario lui ait répondu et que la Cour fédérale ait rendu une décision sur sa demande de contrôle judiciaire de la décision de la CCDP de rejeter sa plainte. L'employeur s'est opposé à cette demande. Le 18 octobre 2005, le président a rejeté la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée et fixé l'audience aux 20, 21 et 22 février 2006.

[22]   Le 14 février 2006, John R.S. Westdal a informé que la fonctionnaire s'estimant lésée avait retenu ses services plus tôt dans la journée, en demandant la remise de l'audience pour pouvoir consulter et préparer ses arguments. L'employeur s'est opposé à cette demande. Dans sa réponse à M. Westdal, la Commission a exposé la chronologie des demandes de remise de la fonctionnaire s'estimant lésée, en précisant que le président rejetait sa demande (au dossier). Le 17 février 2006, M. Westdal a informé qu'il ne représentait plus Mme Chow.

[23]   Le 16 février 2006, Richard Mercier a informé la Commission que la fonctionnaire s'estimant lésée avait retenu ses services le 15 février 2006 et qu'il demandait la remise de l'audience. Le président de la Commission a rejeté la demande. La Commission a communiqué à M. Mercier la chronologie des demandes de remise présentées par la fonctionnaire s'estimant lésée (au dossier).

[24]   Le 17 février 2006, la fonctionnaire s'estimant lésée a écrit directement à la Commission pour demander au président de revenir sur sa décision de rejeter la demande de remise de l'audience, en soulevant des questions de procédure sur la présentation tardive et la recevabilité des contestations de l'employeur et sur la décision de la Commission de tenir une audience pour trancher ces contestations, ainsi qu'en demandant s'il ne serait pas possible de trancher ces questions de compétence en se fondant sur les observations écrites des avocats. La Commission a fait tenir copie des arguments de la fonctionnaire s'estimant lésée à son avocat, en disant que ces questions pourraient être soulevées devant l'arbitre de grief au début de l'audience.

[25]   En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi.

II.   Objections devant moi

[26]   Une partie des questions préliminaires dont je suis saisi ont déjà été tranchées. En effet, j'ai rendu cinq décisions dans Chow c. Conseil du Trésor (Statistique Canada), 2006 CRTFP 71. La première rejetait la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée du 20 février 2006 visant à obtenir la remise de l'audience prévue les 20 et 21 février 2006. La deuxième rejetait la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée du 20 février 2006 visant à ce que je tranche la contestation de ma compétence par l'employeur en me fondant sur les arguments écrits des parties, mais que je réserve ma décision au cas où je devrais la modifier en cours d'audience. La troisième décision rejetait la demande de récusation présentée par la fonctionnaire s'estimant lésée. La quatrième fixait le délai de présentation des observations écrites relativement à la contestation par la fonctionnaire s'estimant lésée du délai de présentation et de la recevabilité de la contestation de ma compétence. Enfin, la cinquième décision modifiait ma deuxième décision et fixait le délai de présentation des observations écrites sur la contestation de ma compétence par l'employeur quant aux questions de droits de la personne.

[27]   J'ai également indiqué dans la décision 2006 CRTFP 71, que l'employeur avait retiré sa contestation initiale quant à la présentation tardive des griefs de Mme Chow à l'audience du 20 février 2006.

[28]   Je me penche, dans la présente décision, sur deux des trois autres questions préliminaires soulevées par les parties à ce jour, soit la contestation de la fonctionnaire s'estimant lésée quant à la présentation tardive et à la recevabilité des contestations de ma compétence par l'employeur et la contestation de ma compétence quant aux questions de droits de la personne.

[29]   La troisième question préliminaire est la contestation de ma compétence par l'employeur quant aux mesures disciplinaires. J'ai suspendu cette affaire en attendant que je me prononce sur les deux autres questions.

A.   Contestation de la fonctionnaire s'estimant lésée quant à la présentation tardive et à la recevabilité des contestations de ma compétence par l'employeur

1.   Résumé de la preuve (audience du 20 février 2006)

[30]   La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré à l'audience qu'elle fondait sa défense sur trois documents. Dans l'ordre chronologique, il s'agit d'une lettre datée du 6 septembre 2002 à la Commission, dans laquelle l'employeur dit ne pas s'opposer à la demande de suspension du dossier de la CRTFP 166-02-31313 en attendant la décision de la CCDP sur une plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée. Le deuxième document est un courriel expédié à l'ancienne Commission le 6 août 2003, dans lequel l'employeur dit comprendre que les dossiers de la CRTFP 166-02-32584 à 32586 seront aussi suspendus en attendant la décision de la CCDP sur la plainte. Enfin, le troisième document, daté du 19 mai 2004, contient les observations de celui qui agissait comme mandataire de la fonctionnaire s'estimant lésée à l'époque, en réponse à l'exposé écrit des contestations de ma compétence par l'employeur du 31 mars 2004.

[31]   L'employeur s'appuie pour sa part sur plusieurs documents, soit la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée à la CCDP en date du 8 mai 2003; le rapport d'enquête de la CCDP (déposé derechef en tant que pièce E-1); l'avis de nomination de l'enquêteur de la CCDP (pièce E-3); et, enfin, la décision de la CCDP relativement à la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée (déposée derechef en tant que pièce E-4).

2.   Résumé de l'argumentation orale (audience du 20 février 2006)

a.   Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

[32]   La lettre de l'employeur datée du 6 septembre 2002 et le courriel daté du 6 août 2003 prouvent que l'employeur « a donné son accord » à la suspension des renvois à l'arbitrage en attendant la décision de la CCDP sur la plainte touchant aux droits de la personne. Or, ce n'est que le 31 mars 2004 que l'employeur a contesté la compétence de l'arbitre de grief, alors qu'il y avait plus de six mois que les parties « avaient donné leur accord » à la suspension des griefs.

[33]   Compte tenu de l'« accord » de suspendre les griefs, la fonctionnaire s'estimant lésée s'est demandé si l'employeur était fondé d'attendre que la CCDP rende sa décision pour contester la compétence de l'arbitre de grief. Dans un autre ordre d'idées, elle a soutenu que l'employeur ne devrait pas être autorisé à contester ma compétence à une date aussi tardive.

[34]   La fonctionnaire s'estimant lésée a cité un passage des observations écrites de celui qui agissait comme son mandataire à l'époque :

[Traduction]

[…]

Mentionnons […] que l'employeur conteste la compétence de la Commission de trancher l'affaire à un stade aussi avancé de la procédure. C'est un lieu commun de dire qu'il existe une longue tradition de décisions judiciaires qui imposent à celui ou celle qui envisage de contester la compétence d'un tribunal de le faire d'entrée de jeu. Or ce n'est pas ainsi que l'employeur a procédé puisqu'il a attendu jusqu'au 31 mars 2004 pour soulever la question de la compétence de l'arbitre de grief dans sa correspondance. L'omission de l'employeur de soulever cette question dès l'instant où il est devenu conscient du problème ne s'accorde pas avec la pratique établie et causera un préjudice à la fonctionnaire s'estimant lésée. Nous estimons donc que cette contestation tardive porte un coup fatal à l'argument concernant la compétence de la Commission.

[…]

b.   Pour l'employeur

[35]   L'employeur a soutenu qu'il est d'usage de suspendre les renvois à l'arbitrage de grief en attendant l'issue d'un autre recours judiciaire. C'est l'ancienne Commission et non l'employeur qui a décidé de suspendre les griefs, si bien qu'on ne peut accorder aucune validité à l'« accord » qu'aurait donné les parties de suspendre les griefs. La correspondance de l'employeur, à laquelle a renvoyé la fonctionnaire s'estimant lésée, a été rédigée avec minutie. Dans sa lettre du 6 septembre 2002, il a indiqué qu'il [traduction] « […] ne s'oppose pas à la demande de Mme Chow de faire suspendre les renvois susmentionnés […] ». Dans le courriel du 6 août 2003, il a dit [traduction] « […] comprendre que ces cas […] seront suspendus […] ».

[36]   Le fait que des griefs soient suspendus n'empêche nullement de soulever des questions de compétence surtout lorsque le litige touche aux droits de la personne.

[37]   Les arbitres de griefs régis par l'ancienne Loi ont compétence pour trancher des griefs touchant aux droits de la personne, à la condition toutefois que la CCDP exerce son pouvoir discrétionnaire et exige que le plaignant épuise d'abord la procédure de règlement des griefs. Ce pouvoir discrétionnaire de la CCDP lui est conféré par l'alinéa 41(1)a) de la LCDP :

[…]

41(1) Sous réserve de l'article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu'elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

a) la victime présumée de l'acte discriminatoire devrait épuiser d'abord les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

[…]

[38]   La CCDP peut également invoquer le paragraphe 44(2) de la LCDP, reproduit ci-après, pour exiger que le plaignant épuise d'abord la procédure de règlement des griefs :

[…]

44(2). La Commission renvoie le plaignant à l'autorité compétente dans les cas où […] elle est convaincue, selon le cas :

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

[…]

[39]   En l'occurrence, la CCDP aurait pu juger indiqué de demander à la fonctionnaire s'estimant lésée d'épuiser d'abord la procédure de règlement des griefs. Si cela avait été le cas, l'arbitre de grief régi par l'ancienne Loi aurait la compétence pour trancher les questions touchant aux droits de la personne soulevées par la fonctionnaire s'estimant lésée. La décision de l'ancienne Commission de suspendre les renvois à l'arbitrage de grief était directement reliée à cette éventualité.

[40]   La compétence d'un arbitre de grief régi par l'ancienne Loi d'instruire un grief s'articule autour de la définition de l'objet du grief, tel qu'il est indiqué au paragraphe 91(1) de l'ancienne Loi :

[…]

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement -- administratif ou autre --, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a )(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

[…]

[41]   Le paragraphe 91(1) de l'ancienne Loi a pour but d'empêcher le fonctionnaire de se prévaloir de la procédure de règlement des griefs quand un autre « […] recours administratif de réparation […] lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale […] ». Dans ce cas-ci, le recours administratif de réparation pertinent est celui prévu par la LCDP.

[42]   Une partie peut contester la compétence de l'arbitre de grief quand bon lui semble avant le début de l'audience ou au cours de celle-ci. Le renvoi d'un grief à l'arbitrage de grief en vertu de l'ancienne Loi entraîne un nouvel examen du dossier et ouvre la voie à la contestation de la compétence de l'arbitre de grief.

[43]   La Cour d'appel fédérale a statué que les parties devaient s'efforcer de régler les questions de compétence au début des procédures de règlement des griefs, mais qu'il est à tout le moins essentiel de soulever ces questions dans le cadre d'une audience. Dans Canada (Procureur général) c. Boutilier, [2000] 3 C.F. 27, la Cour fédérale a observé ce qui suit :

[…]

25. Un arbitre doit par conséquent examiner ces questions de compétence, soit avant le début des audiences, soit au cours de celles-ci; mais il serait idéal que la plupart de ces questions puissent être tranchées au début des procédures de règlement des griefs.

[…]

La Cour reconnaît aussi dans Boutilier qu'il est possible de soulever une question de compétence à l'issue de l'audience d'arbitrage de grief.

[44]   Dans Audate c. Conseil du Trésor(Anciens combattants), dossier de la CRTFP 166-02-27755 (1999) (QL), l'arbitre de grief déclare que la question fondamentale de la compétence de l'arbitre de grief se pose dès lors que le fonctionnaire s'estimant lésé s'estime victime d'un « acte discriminatoire » :

[…]

Durant son témoignage, Mme Audate a prétendu que la mesure disciplinaire qu'on lui avait imposée constituait un acte discriminatoire fondé sur sa race, sa couleur et son origine ethnique.

Suite à cette déclaration, et tenant compte de la récente décision de la juge McGillis dans l'affaire Canada c. Boutilier , [1999] 1 C.F. 459 (1 re instance), j'ai demandé aux représentants des parties de me faire des représentations écrites traitant de la compétence d'un arbitre d'entendre un renvoi disciplinaire quand la fonctionnaire s'estimant lésée prétend, comme c'est le cas ici, que la discipline imposée constitue un acte discriminatoire en contravention des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP), L.R.C. (1985), ch. H-6.

[…]

[45]   Bref, la jurisprudence nous enseigne que l'idéal serait de soulever les questions de compétence au début des procédures, mais que cela n'est pas absolument nécessaire, pour autant qu'elles soient soulevées avant le début de l'audience ou au cours de celle-ci. La décision Boutilier ajoute qu'il est également possible de contester la compétence de l'arbitre de grief après la tenue de l'audience.

[46]   C'est le 31 mars 2004, un peu moins de deux ans avant la tenue de l'audience, que l'employeur a contesté la compétence de l'arbitre de grief. Il avait reçu avis de la CCDP, le 4 décembre 2003 (pièce E-3), de la nomination d'un enquêteur dans l'affaire de la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée. Dans son rapport déposé le 18 mars 2004 (pièce E-1), l'enquêteur aurait pu recommander qu'elle épuise d'abord la procédure de règlement des griefs, mais il ne l'a pas fait. En rétrospective, il était logique, bien que cela ne soit pas déterminant, que l'employeur soulève ses contestations de ma compétence le 31 mars 2004, après le dépôt du rapport de l'enquêteur, quand il est devenu évident que la CCDP allait se saisir de la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée.

[47]   Le 6 octobre 2004, la CCDP a rejeté la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée (pièce E-4), sans toutefois exiger qu'elle épuise d'abord la procédure de règlement des griefs. Dans ce cas-là, l'arbitre de grief régi par l'ancienne Loi n'a pas compétence pour trancher les griefs touchant aux droits de la personne. L'employeur était donc fondé de contester ma compétence au moment où il l'a fait.

3.   Observations écrites

a.   Réfutation de la fonctionnaire s'estimant lésée

[48]   Le 28 juin 2006, la fonctionnaire s'estimant lésée a déposé la réfutation suivante :

[Traduction]

[…]

[…] la fonctionnaire s'estimant lésée fait bien humblement valoir que la contestation de la compétence de l'arbitre de grief par l'employeur quant aux questions de droits de la personne est irrecevable et que celle touchant aux mesures disciplinaires doit pour sa part être prise en délibéré.

La contestation de compétence quant aux questions de droits de la personne est irrecevable parce que l'employeur a omis de la soulever dès le début de l'audience des 20 et 21 février 2006 et qu'il lui est désormais interdit de le faire.

Ce genre de contestation soulève la question de l'incompétence relative, [1977] C.A, p. 543 , que la Cour suprême du Canada a qualifiée de « litige préliminaire » [1980] 2 R.C.S., p. 1073 et suivantes. De plus, le tribunal qui fait face à une telle contestation doit se garder d'usurper la compétence initiale d'un autre tribunal.

L'omission de soulever l'exception d'incompétence relative du tribunal au début de l'audience emporte interdiction de la soulever ultérieurement, une telle omission étant considérée comme une renonciation implicite. Ajoutons que le tribunal peut soulever spontanément la question de sa compétence initiale.

Selon la preuve produite, ni le tribunal ni l'employeur n'ont jugé indiqué de s'interroger sur la compétence de l'arbitre de grief quant aux questions de droits de la personne au début de l'audience ou spontanément. Au contraire, les 20 et 21 février 2006, ils se sont attaqués à la contestation concernant le volet des griefs touchant aux mesures disciplinaires en entendant le premier témoin appelé par l'employeur et contre-interrogé par la suite par la fonctionnaire s'estimant lésée. Or cette contestation n'est pas une question préliminaire.

En procédant ainsi, le tribunal s'est reconnu compétent pour instruire l'affaire, ayant de toute évidence déterminé qu'il n'empiétait pas sur la compétence de la Commission canadienne des droits de la personne. De plus, en acceptant cette façon de procéder, l'employeur a pour sa part renoncé à contester la compétence de l'arbitre de grief au moment opportun et admis que le tribunal avait compétence pour trancher l'affaire au fond.

Nous estimons également que la contestation concernant le volet des griefs touchant aux mesures disciplinaires constitue davantage un moyen de défense au fond qu'une contestation préliminaire. C'est le genre de question que les arbitres prennent généralement en délibéré et décident à la fin, quand l'affaire a été tranchée au fond.

En conclusion, nous faisons bien humblement valoir que la contestation de la compétence de l'actuel tribunal quant aux questions de droits de la personne est irrecevable puisque le tribunal ne s'y est pas arrêté à la première occasion et que ce silence et cette volonté de ne pas se prononcer sur cette question signifient implicitement que cette contestation n'est pas pertinente en l'espèce et que le tribunal la rejette. Non seulement l'employeur a-t-il omis de soulever la question au moment opportun, mais le tribunal n'a pas jugé indiqué de s'en saisir spontanément.

[…]

b.   Observations de l'employeur en réponse à l'argumentation de la fonctionnaire s'estimant lésée

[49]   Le 12 juillet 2006, l'employeur a déposé les observations suivantes en réponse à l'argumentation de la fonctionnaire s'estimant lésée :

[Traduction]

[…]

En ce qui concerne l'argument de la fonctionnaire s'estimant lésée selon lequel l'employeur a omis de contester la compétence de l'arbitre de grief quant aux questions de droits de la personne avant le début de l'audience et a par le fait même renoncé à le faire à une date ultérieure, nous aimerions formuler les observations suivantes :

L'employeur a soulevé la contestation de compétence dès le 31 mars 2004, presque deux ans avant l'audience du 20 février 2006. Il a également réitéré sa question le 15 novembre 2004 et le 7 février 2005.

Le 9 février 2005, l'ancienne Commission a avisé les parties qu'elle avait décidé de tenir une audience pour trancher la question de sa compétence seulement. Il s'ensuit que l'audience du 20 février 2006 était expressément réservée aux débats sur cette question particulière. La déclaration de la fonctionnaire s'estimant lésée selon laquelle [traduction] « ni le tribunal ni l'employeur n'ont jugé indiqué de s'interroger sur la compétence de l'arbitre de grief quant aux questions de droits de la personne au début de l'audience ou spontanément » est tout simplement non fondée.

Comme nous l'avons déjà mentionné de vive voix dans notre argumentation, cette compétence de la Commission lui est reconnue par une loi fédérale (soit le sous-alinéa 91(1) a) (ii) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ), si bien que les parties ne peuvent y renoncer ni même convenir de son application.

[…]

4.   Motifs

[50]   À l'audience du 20 février 2006, la fonctionnaire s'estimant lésée a contesté la recevabilité des contestations de ma compétence par l'employeur et le moment choisi pour soulever ces questions en rappelant que les parties « avaient donné leur accord », le 6 août 2003, à la suspension des renvois à l'arbitrage de grief en attendant la décision de la CCDP. Celui qui agissait comme son mandataire à l'époque avait également soutenu que l'omission de l'employeur de contester ma compétence avant le 31 mars 2004 [traduction] « […] port[ait] un coup fatal à l'argument concernant la compétence de la Commission ».

[51]   Dans ses observations écrites du 28 juin 2006, la fonctionnaire s'estimant lésée prétendait que l'omission de l'employeur de contester ma compétence quant aux questions de droits de la personne au début de l'audience lui interdisait de le faire à une date ultérieure ou le privait de ce droit. Dans le même ordre d'idées, elle affirmait que le fait que l'arbitre de grief n'avait pas soulevé spontanément la question de sa compétence au début de l'audience signifiait qu'il reconnaissait avoir compétence pour instruire les griefs.

[52]   La fonctionnaire s'estimant lésée estimait également que la contestation de ma compétence par l'employeur sur la question des mesures disciplinaires ne constituait pas une question préliminaire, mais plutôt un moyen de défense au fond.

a.   Signification de la suspension des griefs

[53]   Précisons d'entrée de jeu que c'est l'ancienne Commission qui a décidé de suspendre les renvois à l'arbitrage de grief. Il est vrai que les deux fois où la fonctionnaire s'estimant lésée lui a demandé de le faire, l'ancienne Commission a sollicité l'avis de l'employeur et pris acte qu'il ne s'opposait pas à cette mesure. À cet égard, on peut dire qu'il n'y avait guère de conflit entre les parties sur la procédure proposée. Il reste que l'ancienne Commission n'était pas liée par leurs points de vue et qu'elle aurait pu rejeter les demandes de la fonctionnaire s'estimant lésée si cela lui avait paru justifié à ce moment-là.

[54]   Comme c'est l'ancienne Commission qui a décidé de suspendre les griefs et non l'employeur, on ne peut pas dire que les parties avaient véritablement « donné leur accord » ni que l'employeur a renoncé à son droit de contester la compétence de l'arbitre de grief à une date ultérieure du fait qu'il a « donné son accord » à la procédure proposée par la fonctionnaire s'estimant lésée. Je prends acte, à cet égard, du libellé des réponses de l'employeur à l'ancienne Commission. Ainsi, le 6 septembre 2002, l'employeur a écrit qu'il [traduction] « […] ne s'oppose pas à la demande de Mme Chow de suspendre les renvois à l'arbitrage de grief susmentionnés […] » et, le 6 août 2003, qu'il [traduction] « […] comprend que ces dossiers […] seront suspendus […] ». Il a évité d'employer des termes laissant entendre qu'il donnait son accord aux demandes de la fonctionnaire s'estimant lésée; n'empêche que rien, en définitive, ne ressortit à ce libellé. Même s'il avait employé des termes différents laissant clairement entendre qu'il donnait son « accord », le fait est que c'est l'ancienne Commission et non l'employeur qui a décidé de suspendre les griefs. La fonctionnaire s'estimant lésée ne peut donc pas interpréter le fait que l'employeur ne s'est pas opposé à ses demandes de suspension des griefs comme une indication qu'il appuyait sa contestation quant à la recevabilité des contestations de ma compétence de l'employeur.

[55]   La fonctionnaire s'estimant lésée a-t-elle par ailleurs démontré que la décision de l'ancienne Commission de suspendre les griefs mettait un terme à toute velléité de contester ultérieurement ma compétence? Je suis d'avis que non.

[56]   La fonctionnaire s'estimant lésée n'a ni cité de jurisprudence qui corrobore sa thèse ni mis au jour quelque aspect de l'ancienne Loi ou de l'ancien Règlement qui justifie de rejeter une contestation de compétence quand un dossier est en suspens. Je n'ai rien trouvé dans l'ancienne Loi ni l'ancien Règlement qui empêchait l'employeur de contester le renvoi des griefs à l'arbitrage de grief en mars 2004. Puisque la jurisprudence et les textes législatifs applicables ne sont d'aucun secours, cet aspect de l'argumentation de la fonctionnaire s'estimant lésée doit être rejeté.

[57]   En pratique, le fait de contester la compétence de l'arbitre de grief pendant qu'un grief est en suspens a peu de conséquences sur la procédure, sinon aucune. En effet, cette contestation n'aura plus de raison d'être si le fonctionnaire s'estimant lésé retire ultérieurement son renvoi à l'arbitrage de grief. Si le cas est par ailleurs mis au rôle à une date ultérieure, le fait qu'il y ait eu contestation de la compétence de l'arbitre de grief dans l'intervalle ne lui causera aucun préjudice additionnel. Cela lui laissera en fait plus de temps pour bien comprendre tous les aspects de la contestation et préparer son argumentation.

b.   Présentation « tardive » des contestations de ma compétence

[58]   L'employeur a-t-il présenté tardivement ses contestations de ma compétence en l'espèce? Encore une fois, je ne trouve pas que l'argument de la fonctionnaire s'estimant lésée soit convaincant.

[59]   L'ancienne Loi et l'ancien Règlement ne contiennent pas de dispositions traitant expressément du dépôt de contestations de la compétence de l'arbitre de grief.

[60]   Pour faire échec à la thèse de la fonctionnaire s'estimant lésée selon laquelle les contestations de ma compétence par l'employeur sont entachées d'un vice fatal en raison de leur présentation « tardive », l'employeur cite des précédents qui établissent pour l'essentiel qu'il peut y avoir de bonnes raisons de principe d'exiger que les parties présentent leurs contestations de compétence le plus tôt possible, mais que rien dans la loi ne les y oblige. La jurisprudence nous enseigne que l'arbitre de grief est régulièrement saisi des contestations de sa compétence qui sont soulevées avant la tenue de l'audience ou même au début de celle-ci. Messieurs Brown et Beatty (Canadian Labour Arbitration, 4e éd., au paragraphe 3:2100) observent d'ailleurs ceci : [traduction] « C'est généralement au début de l'audience que sont soulevées les contestations de l'arbitrabilité d'un grief ou de la compétence du conseil d'arbitrage, ou toute autre contestation préliminaire ou accessoire qui peut avoir une incidence sur le fond du grief […] ».

[61]   Mieux encore, dans Boutilier, la Cour d'appel fédérale a déterminé que rien ne justifiait de rejeter une contestation de compétence qui est soulevée pour la première fois dans le contexte d'une demande de contrôle judiciaire alors que l'arbitre de grief a déjà rendu sa décision. À cet égard, Boutilier s'accorde avec Byers Transport Limited c. Kosanovich, [1995] 3 C.F. 354, dans lequel la Cour d'appel fédérale a conclu que les parties ne peuvent, par leur silence, parer l'arbitre de grief d'une compétence qu'il ne possède pas au départ et que ce dernier a l'obligation de se prononcer sur sa propre compétence. Au vu de ces décisions, on ne peut donc trouver à redire du moment choisi pour contester la compétence d'un tribunal quand la question a été soulevée des mois, voire des années avant la tenue de l'audience.

[62]   Soit dit en passant, je ne crois pas que le moment choisi pour contester ma compétence dans ce cas-ci ait eu quelque incidence sur la capacité de la fonctionnaire s'estimant lésée de plaider sa cause. L'issue de la contestation de ma compétence par l'employeur quant aux questions de droits de la personne dépend des raisons qui seront plaidées, non pas du moment où j'en ai été saisi, de la même façon que l'issue de la contestation de ma compétence quant aux mesures disciplinaires dépend de la preuve produite et des arguments des parties au fond, tous éléments sur lesquels le moment choisi pour présenter la contestation ne me semble guère avoir d'incidence. En supposant que j'aie été saisi plus tôt des deux dernières contestations de ma compétence de l'employeur, je ne crois pas que le déroulement des renvois à l'arbitrage de grief s'en serait trouvé sensiblement modifié. Cela étant dit, la fonctionnaire s'estimant lésée ne m'a pas convaincu que je devais rejeter la contestation de ma compétence par l'employeur pour motif de présentation tardive.

c.   Omission de soulever ou prendre en considération la contestation de ma compétence quant aux questions de droits de la personne dès le début de l'audience

[63]   J'ai déjà tranché en partie cette question aux paragraphes 160 à 162 de la décision 2006 CRTFP 71. Mes observations portaient à ce moment-là sur des questions ayant trait à ma gestion de l'audience, dans le contexte de la demande de récusation de la fonctionnaire s'estimant lésée. Voici la décision à laquelle j'en suis venu sur ce point :

[…]

3. L'arbitre de grief n'a pas tranché la contestation de sa compétence quant aux questions de droit de la personne au début de l'audience. Il n'a pas conclu que l'employeur, en lançant la discussion sur la contestation de sa compétence concernant les mesures disciplinaires, avait renoncé à plaider sa contestation de compétence quant aux questions de droits de la personne.

[160]   À mon sens, rien n'oblige un arbitre de grief à statuer sur une contestation de sa compétence quant à des questions de droits de la personne de préférence à toute autre question préliminaire. Il s'agit là d'une question de procédure ou de droit qui ne justifie pas une crainte raisonnable de partialité. À l'audience de février, l'employeur a maintenu deux contestations de ma compétence, l'une concernant les mesures disciplinaires et l'autre, les questions de droits de la personne. Les deux étaient fondées sur la manière de l'employeur d'interpréter la procédure de règlement des griefs et le mandat d'un arbitre de grief en vertu des articles 91 et 92 de l'ancienne Loi . Cela dit, rien dans l'ancienne Loi ne dispose qu'un arbitre de grief doit statuer sur une contestation avant de passer à l'autre. De plus, compte tenu de son pouvoir d'établir le processus d'audience, l'arbitre de grief pourrait par exemple commencer par entendre une contestation de sa compétence quant aux questions de droits de la personne, réserver sa décision à cet égard et inviter les parties à présenter leur preuve et leurs arguments sur une autre contestation de sa compétence. C'est en définitive une décision d'ordre pratique en fonction du contexte de l'affaire dont l'arbitre de grief est saisi. En réalité, il faut en venir ici à une décision fondée sur la contestation de ma compétence quant aux questions de droits de la personne. Le fait que ce n'est pas la première décision que j'ai rendue sur ma compétence ne crée pas en soi une possibilité de parti pris.

[161]   La fonctionnaire s'estimant lésée prétend aussi que l'employeur a renoncé à plaider sa contestation de ma compétence quant aux questions de droits de la personne du fait qu'il est partie prenante d'un processus ayant ciblé d'abord d'autres questions. À supposer que cela soit soutenable, ce dont je doute, je ne vois pas comment une personne raisonnable trouverait dans cette proposition un lien logique avec la question de crainte raisonnable de partialité qui nous occupe.

[162]   Quoi qu'il en soit, compte tenu de la décision de procédure que j'ai prise à la fin de la journée du 21 février 2006, je statuerai sur la contestation de ma compétence en ce qui concerne les droits de la personne avant de me prononcer sur celle ayant trait aux mesures disciplinaires.

[…]

[64]   La fonctionnaire s'estimant lésée me demande maintenant de déterminer si le fait que l'employeur a omis de contester ma compétence quant aux questions de droits de la personne au début de l'audience signifie qu'il a perdu le droit de le faire à une date ultérieure ou qu'il a lui-même renoncé à ce droit. Au soutien de son argumentation orale du 10 avril 2006 et de ses observations écrites, la fonctionnaire me renvoie à Québec (Procureur général) c. Labrecque et autres, [1980] 2 R.C.S. 1057.

[65]    Labrecque et autres ne me convainc pas de la validité de l'argumentation de la fonctionnaire s'estimant lésée sur ce point. Ce cas porte essentiellement sur la question de savoir si un juge de la Cour provinciale du Québec avait la compétence pour déterminer s'il était habile à se saisir de la demande d'un travailleur occasionnel dans la fonction publique québécoise qui réclamait certains avantages découlant de la convention collective. Cette décision ne me paraît guère s'appliquer aux dossiers dont je suis saisi. Il n'y est nullement question du cadre législatif dans lequel s'inscrivent les griefs de la fonctionnaire s'estimant lésée et qui définit ma propre compétence. De plus, aucun aspect de cette décision ne touche de façon significative à la question du moment opportun pour soulever une question de compétence. Depuis Boutilier, beaucoup plus actuel et pertinent, le mieux que l'on puisse dire c'est que Labrecque et autres n'est pas d'une grande utilité pour étayer la thèse de la fonctionnaire s'estimant lésée.

[66]   Si l'on fait abstraction de la jurisprudence citée par la fonctionnaire s'estimant lésée, l'idée maîtresse de son argumentation reste que l'employeur a renoncé à défendre sa contestation de ma compétence quant aux questions de droits de la personne puisqu'il a omis de m'en saisir au début de l'audience ou que je me suis implicitement déclaré compétent pour instruire les griefs puisque je me suis engagé dans un processus sans d'abord soulever et trancher la question touchant aux droits de la personne.

[67]   Comme je l'ai dit plus tôt, il a été clairement démontré que l'employeur a soulevé la question de ma compétence avant la tenue de l'audience et que l'ancienne Commission a considéré en avoir été régulièrement saisie plus de deux ans avant la tenue de l'audience. J'étais indiscutablement saisi de cette contestation à l'audience car c'est la principale raison pour laquelle les parties y avaient été convoquées. La fonctionnaire s'estimant lésée choisit mal ses mots, à mon sens, quand elle dit que l'employeur a « omis de soulever la contestation de compétence » en parlant de ce qui s'est passé à l'audience. Ce qu'elle peut dire avec certitude c'est que je n'ai pas examiné ni tranché d'emblée la question de ma compétence. Voilà donc la question à laquelle il nous faut véritablement répondre : les parties et l'arbitre de grief étaient-ils obligés de régler la question de la compétence quant aux droits de la personne dès le début de la procédure?

[68]   En fait, les premiers points qui ont retenu l'attention des parties et de l'arbitre de grief à l'audience sont les trois questions préliminaires soulevées par la fonctionnaire s'estimant lésée elle-même, soit la demande de report de l'audience prévue les 20 et 21 février 2006, la demande d'autorisation de présenter des observations écrites relativement aux contestations de ma compétence par l'employeur et, enfin, la contestation quant à la présentation tardive et à la recevabilité des contestations de ma compétence de l'employeur. Je crois comprendre que la fonctionnaire s'estimant lésée ne me demande pas de conclure que, en acceptant de trancher ces questions préliminaires au début de l'audience du 20 février 2006, j'ai exclu, par le fait même, toute possibilité d'examiner ultérieurement la contestation de ma compétence par l'employeur quant aux questions de droits de la personne. Ce serait à mon avis un résultat totalement inique qui ne cadrerait nullement avec ce qu'elle cherchait à accomplir. Cela m'aurait contraint à entendre d'abord les arguments de l'employeur et de la fonctionnaire s'estimant lésée sur la question de ma compétence quant aux droits de la personne puisqu'en ne le faisant pas, je m'exposais nécessairement aux conséquences juridiques décrites par la fonctionnaire. Il ne saurait en être ainsi, selon moi.

[69]   Il faut donc tenir pour acquis que je me suis d'abord penché sur la contestation de ma compétence par l'employeur quant aux mesures disciplinaires avant d'en venir à la contestation quant aux questions de droits de la personne sur laquelle s'articule l'argumentation de la fonctionnaire s'estimant lésée.

[70]   J'ai expliqué en détail dans la décision 2006 CRTFP 71 pourquoi l'audience des 20 et 21 février 2006 s'est déroulée de cette façon particulière. La fonctionnaire s'estimant lésée prétend maintenant, à toutes fins utiles, que le fait que j'aie réorganisé la procédure pour tenir compte de sa méconnaissance du droit signifierait que l'employeur a renoncé à contester ma compétence quant aux questions de droits de la personne en acceptant ce changement ou que je dois être réputé m'être déclaré avoir la compétence pour trancher les griefs. S'il y a vice de procédure en l'espèce - ce que je ne crois pas -, la responsabilité ne saurait en être imputée à l'employeur. Ce n'est pas l'employeur qui a décidé de la façon dont je dirigerais l'audience. Il n'a aucunement renoncé, du fait d'une action ou d'un acte formaliste, à son droit de contester ma compétence quant aux questions de droits de la personne.

[71]   Au demeurant, compte tenu de Byers Transport Limited et Boutilier, j'estime que l'employeur a raison d'affirmer qu'il ne pouvait renoncer à soulever cette question. En effet, l'obligation de déterminer si un grief est de son ressort est intrinsèque au rôle de l'arbitre de grief, qui devra donc se prononcer sur cette question si le contenu du grief l'exige, indépendamment de ce que les parties pourraient faire valoir. Dans le même ordre d'idées, l'arbitre de grief qui rend une décision quant au déroulement de la procédure ne peut être réputé avoir statué de façon définitive sur une question touchant sa compétence. Il doit éventuellement y tourner son attention en offrant aux parties une juste occasion de présenter leur preuve et leurs observations avant de rendre une décision motivée. Or, rien de tout cela ne s'est produit les 20 et 21 février 2006, de sorte que je demeure entièrement saisi, à ce stade, des contestations de ma compétence par l'employeur.

[72]   Je crois qu'il est logiquement préférable de trancher la question de ma compétence quant aux droits de la personne avant celle de ma compétence quant aux mesures disciplinaires. La première touche au droit d'une fonctionnaire de présenter et poursuivre un grief, alors que la seconde vise à déterminer si le grief porte sur une question qui peut régulièrement être renvoyée à l'arbitrage de grief. Je ne crois pas, cependant, que la loi m'oblige à me prononcer définitivement sur la première avant de passer à la seconde. Rien n'empêche l'arbitre de grief régi par l'ancienne Loi de se prononcer sur tous les aspects d'une contestation de sa compétence concernant des mesures disciplinaires avant de déterminer s'il est compétent pour trancher des questions touchant aux droits de la personne. L'important, en définitive, c'est qu'il tranche les deux. Si j'ai tort sur ce point, permettez-moi d'attirer l'attention sur le fait que je me trouve en fait, en l'espèce, à me prononcer sur la contestation de ma compétence par l'employeur quant aux questions de droits de la personne avant la contestation quant aux mesures disciplinaires. Je rendrai cette décision fondamentale avant de me pencher sur toute autre question de compétence et bien avant de tourner mon attention sur le bien-fondé des griefs à proprement dit.

d.   La contestation de l'employeur quant aux mesures disciplinaires est-elle une question préliminaire?

[73]   La fonctionnaire s'estimant lésée affirme que [traduction] « […] la contestation concernant le volet des griefs touchant aux mesures disciplinaires […] n'est pas une question préliminaire ». Puisque j'ai suspendu l'examen de cette contestation en attendant de rendre ma décision en l'espèce, je m'abstiendrai de tout commentaire sur cette déclaration. Mme Chow aura l'occasion de m'exposer son point de vue sur la question si je reprends l'examen de la contestation.

[74]   Pour les motifs que je viens d'exposer, je rejette la contestation de la fonctionnaire s'estimant lésée quant à la présentation tardive et à la recevabilité des contestations de ma compétence.

B.   Contestation de ma compétence de l'employeur quant aux questions de droits de la personne

1.   Observations écrites

a.    Pour l'employeur

[75]   Je reproduis ci-dessous le texte des observations écrites de l'employeur datées du 6 juillet 2006 qu'il fait valoir au soutien de sa contestation de ma compétence quant aux questions de droits de la personne :

[Traduction]

Remarques préliminaires

1.   Les présentes observations font suite aux directives de l'arbitre de grief dans une décision datée du 7 juin 2006 (2006 CRTFP 71).

Anna Chow c. Conseil du Trésor (Statistique Canada) , 2006 CRTFP 71 […]

2.   Les griefs en cause ont été présentés avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et tombent dès lors sous le coup de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (« LRTFP » ).

Question en litige

3.   Il s'agit de déterminer si l'arbitre de grief nommé pour instruire les griefs en vertu de l'article 92 de la LRTFP a la compétence voulue pour le faire.

4.   L'employeur plaide bien humblement que l'arbitre de grief nommé sous le régime de la LRTFP n'a pas la compétence pour trancher des griefs traitant de questions de droits de la personne car il existe un autre recours administratif de réparation sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne (« LCDP »).

Argumentation

Il existe un autre recours administratif de réparation

5.   Le paragraphe 91(1) de la LRTFP limite expressément le droit d'un fonctionnaire de présenter un grief. En effet, le grief ne peut se rapporter à une question pour laquelle un autre recours administratif lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale :

91.(1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement - administratif ou autre -, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a) (i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi [non souligné dans l'original]

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35, article 91

6 .   Autrement dit, quand une loi fédérale prévoit un recours administratif pour obtenir réparation quant au fond d'un grief, l'employé lésé ne peut poursuivre son grief et se prévaloir de la procédure d'arbitrage de grief prévue aux articles 91 et 92 de la LRTFP . Il doit en fait déposer sa plainte auprès de l'autorité habile à s'en saisir sous le régime de la loi pertinente.

7.   C'est un lieu commun de dire que le recours de réparation prévu sous le régime de la LCDP constitue « un autre recours administratif de réparation » pour l'application du paragraphe 91(1) de la LRTFP. Voici ce que le juge Simpson a dit à ce sujet dans l'arrêt Chopra :

[…] si la CCDP a compétence pour traiter la plainte de façon raisonnable et efficace quant au fond du grief de l'employé alors elle peut adjuger une réparation [...] [Je souligne]

Chopra c. Canada (Conseil du Trésor) , [1995] A.C.F. No 1161 […]

Voir également :

Mohammed c. Canada (Conseil du Trésor) , [1998] A.C.F. No 845 […]

O'Hagan c. Canada (Conseil du Trésor), [1999] A.C.F. No 32 […]

8.   Dans Boutilier, la Cour d'appel fédérale a fait sienne la décision du juge McGillis de la Section de première instance selon laquelle la Commission n'a pas la compétence pour trancher les questions de droits de la personne à moins que la Commission canadienne des droits de la personne (« CCDP ») ordonne que le plaignant épuise la procédure de règlement des griefs :

Autrement dit, lorsqu'une restriction énoncée au paragraphe 91(1) ou (2) prive un employé de son droit non absolu de déposer un grief, celui-ci ne peut par la suite envisager de renvoyer le grief à l'arbitrage en vertu du paragraphe 92(1). Si un employé essaie d'agir de la sorte, l'arbitre n'a pas compétence pour connaître de ce grief.

[…]

En vertu du paragraphe 91(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique , le législateur a également choisi de priver un employé lésé de son droit non absolu de présenter un grief dans des circonstances où un autre recours de réparation existe sous le régime d'une loi fédérale. Par conséquent, lorsqu'un grief potentiel porte essentiellement sur une plainte d'acte discriminatoire dans le contexte de l'interprétation d'une convention collective, les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne s'appliquent et régissent la procédure à suivre. En pareilles circonstances, l'employé lésé doit donc déposer une plainte auprès de la Commission. L'affaire peut uniquement être entendue comme un grief en vertu des dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique dans le cas où la Commission détermine, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré aux alinéas 41(1) a ) ou 44(2) a ) de la Loi canadienne sur les droits de la personne , que la procédure de règlement des griefs doit d'abord être épuisée.

Canada (Procureur général) c. Boutilier (C.A.), [2000] 3 C.F. 27 […]

9.   Il ressort des éléments de preuve dont dispose la Commission que Mme Chow a déposé une plainte en matière de droits de la personne dans laquelle elle alléguait ceci :

[Traduction]

Statistique Canada a agi de manière discriminatoire à mon endroit en m'infligeant un traitement différent et abusif au travail et en me licenciant en raison d'une incapacité perçue (incapacité mentale), en violation de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Plainte adressée à la CCDP (8 mai 2003) […]

10.   La Commission canadienne des droits de la personne s'est saisie de la plainte et a désigné un enquêteur, qui en a recommandé le rejet après enquête. La CCDP a accepté cette recommandation et rejeté la plainte de Mme Chow.

Rapport de l'enquêteur (18 mars 2004) . . .
Décision de la CCDP (6 octobre 2004). . . .

11.   Fait important à noter, la CCDP n'a pas décidé, dans l'exercice des pouvoirs discrétionnaires qui lui sont reconnus par les alinéas 41(1) a ) ou 44(2) a ) de la LCDP , que la fonctionnaire s'estimant lésée devait épuiser la procédure de règlement des griefs. Comme il est indiqué dans Boutilier , cela aurait été la seule façon pour elle de poursuivre un grief sous le régime de la LRTFP .

12.   La preuve indique également que la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la CCDP, mais qu'elle a été rejetée le 5 janvier 2006.

Chow v. Attorney General of Canada , ordonnance de la protonotaire Tabib du 5 janvier 2006 […]

13.   L'employeur souhaite ajouter que le rejet de la plainte quant aux droits de la personne et de la demande de contrôle judiciaire ne sont pas des éléments déterminants pour trancher la question de la compétence de la Commission. L'analyse de la contestation de sa compétence devrait être circonscrite à la question de savoir s'il existe un autre recours administratif de réparation. Le fait que Mme Chow ait été déboutée par la CCDP et par la Cour fédérale n'a pas pour effet de rendre à la Commission la compétence pour trancher un grief en vertu du paragraphe 91(1) de la LRTFP . Dans le cas Price, qui portait sur le cas d'un fonctionnaire qui ne s'était pas prévalu du recours prévu par la LCDP, l'arbitre de grief Gordon a observé ceci :

La question de compétence selon le paragraphe 91(1) de l'ancienne Loi ne dépend pas de la question de savoir si un employé utilise réellement en temps opportun un recours administratif disponible en matière de réparation. Il s'agit plutôt de savoir si un recours administratif de réparation sous le régime d'une loi fédérale est disponible pour assurer un véritable redressement à un employé. En l'espèce, la preuve ne fait pas la lumière sur la raison pour laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas porté plainte à la CCDP alors qu'il comprenait que le type particulier de discrimination qu'il alléguait relevait de la compétence de ce tribunal. Son omission de se prévaloir de ce recours administratif de réparation ne permet pas à l'arbitre de grief d'exercer le pouvoir prévu au paragraphe 92(1) de l'ancienne Loi.

Price c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 47 […]

14.   Au soutien de sa thèse que la Commission n'a pas la compétence pour trancher les griefs, l'employeur s'appuie également sur le fait qu'ils portent essentiellement sur une question de droits de la personne qui a été tranchée dans le cadre du processus indépendant de la CCDP.

La nature du grief de Mme Chow

15.   Pour déterminer s'il a la compétence pour instruire un grief, l'arbitre de grief doit se demander quel est l'objet du litige. Dans Kehoe, le président Tarte a été obligé d'apprécier la nature du grief avant de conclure ce qui suit :

La seule conclusion logique à laquelle l'on puisse arriver en examinant le grief de Mme Kehoe est que l'essentiel du grief porte sur des questions fondamentales touchant les droits de la personne, c'est-à-dire la discrimination et le harcèlement fondés sur une déficience ou incapacité. Ces questions ne sont pas simplement secondaires au grief, mais en constituent au contraire l'élément essentiel. Si l'on fait abstraction de ces questions, tout ce qui reste au grief est une allégation imprécise de congédiement déguisé.

[…]

Dans les circonstances de l'affaire qui nous occupe, comme le grief de Mme Kehoe soulève des questions qui peuvent être réglées en recourant à la procédure d'examen des plaintes prévue par la L.C.D.P., et à la lumière de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Boutilier (C.A.) (supra), je conclus que, à la lecture du dossier que possède la Commission, le grief de Mme Kehoe ne peut être présenté en vertu du paragraphe 91(1) de la Loi et, en tant que tel, ne peut être renvoyé à l'arbitrage en vertu du paragraphe 92(1).

Kehoe c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2001 CRTFP 9 […]

16.   L'employeur est d'avis que l'essentiel des griefs de Mme Chow porte sur une question touchant les droits de la personne pour les raisons suivantes.

17.   Le 3 mai 2002, Mme Chow a déposé une multitude de griefs auprès de la Commission. Vingt d'entre eux ont été renvoyés à l'arbitrage de grief et regroupés dans quatre dossiers, soit les dossiers de la Commission 166-2-31313, 166-2-32584 et 166-2-32585 à 32586. Les griefs portent essentiellement sur trois questions, soit un licenciement, une suspension et une sanction pécuniaire.

18.   Les griefs se rapportent plus particulièrement aux grandes allégations suivantes :

- L'employeur a suspendu la fonctionnaire s'estimant lésée ou l'a pénalisée financièrement sans motif valable en lui refusant l'accès au lieu de travail tant qu'elle n'était pas déclarée apte à travailler par son médecin;

- L'employeur l'a licenciée sans motif valable en raison de son état de santé et de son manque de collaboration avec les représentants de Santé Canada chargés d'évaluer son état de santé;

- L'employeur lui a interdit l'accès au lieu de travail afin de l'obliger à subir un examen visant à déterminer si elle était apte à travailler;

- L'employeur lui a interdit à tort l'accès au lieu de travail alors qu'elle lui avait fourni plusieurs certificats médicaux attestant qu'elle était apte à travailler.

19.   Il est important de noter que la manière dont les griefs sont libellés n'est pas un facteur déterminant de la question de savoir si l'essentiel des griefs porte sur des questions de droits de la personne. Dans Cherrier , l'arbitre de grief a été obligé d'apprécier la nature du grief afin de trancher la question de sa compétence. Voici ce qu'il a observé :

Le congédiement est contesté par grief sur la base qu'il constituerait une mesure disciplinaire excessive en regard des actes reprochés à l'employé. Le libellé du grief ne précise pas les motifs à son appui et peut ainsi porter à croire qu'il est essentiellement de nature disciplinaire.

[…]

Bien que l'avocat de M. Cherrier se soit engagé à ne soumettre aucun élément de droits de la personne à l'audience sur le fond du grief, il n'en demeure pas moins que le conflit ou chevauchement entre les deux recours persiste néanmoins.

[…]

En conséquence, le grief est rejeté pour défaut de compétence, sous réserve d'un possible renvoi devant la C.R.T.F.P., par la C.C.D.P. sur la base de l'alinéa 44(2) a ) de la L.C.D.P.

Cherrier c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 37 […]

20.   L'employeur estime que les allégations touchant au licenciement, à la suspension et à la sanction pécuniaire que contiennent les griefs de Mme Chow se trouvent également dans la plainte portant sur une question de droits de la personne. À titre d'exemple, voici quelques incidents et circonstances ayant donné lieu à la plainte touchant aux droits de la personne :

[Traduction]

« Le 14 juin 2001, M. Jones m'a dit que je ne pouvais pas retourner au travail tant que je n'avais pas été déclarée apte à travailler par Santé Canada. Le 14 juin 2001, l'employeur a envoyé une lettre de consultation à Santé Canada, dans laquelle il prétendait faussement que j'étais incapable de travailler de façon permanente en raison d'un problème de santé mental. »

« Je suis d'avis que l'évaluation médicale n'était qu'un prétexte pour me faire déclarer incapable de travailler. Après l'évaluation, j'ai téléphoné à la conseillère en ressources humaines du défendeur, Johanne Grégoire, pour convenir d'un moment pour examiner mon dossier avec elle. Elle m'a dit que je ne serais pas payée tant que je ne signerais pas le formulaire . »

« Aux environs du 22 octobre 2001, le directeur de la division, M. Mel Jones, m'a envoyé une lettre dans laquelle il laissait faussement entendre que j'étais absente du travail pour raison de maladie depuis deux ans, exclusion faite d'une période de deux mois pendant laquelle j'étais en affectation. Il a utilisé ce prétexte pour m'obliger à subir une évaluation médicale à Santé Canada. Il menaçait aussi, dans sa lettre, de me licencier si je refusais de me soumettre à l'évaluation et de signer les documents requis. Cet incident montre que le défendeur a inventé de toutes pièces cette absence de deux ans pour raisons de santé afin de m'obliger à me soumettre à l'évaluation médicale et qu'il s'est ensuite servi de cette évaluation pour m'obliger à demander des prestations d'invalidité ou me licencier. »

« Elle m'a ensuite manipulée afin de transformer frauduleusement tous les congés que j'ai pris à ce jour en congés de maladie. Elle m'a mentie en me disant que pour obtenir le relevé cumulatif de mes congés, je devais présenter des demandes afin de faire transformer mes congés en congés de maladie et fournir un certificat médical attestant que toutes mes absences à ce jour étaient attribuables à des problèmes de santé. »

« En octobre 2001, j'ai fourni un certificat médical attestant que j'étais apte à travailler, mais le défendeur a refusé de me laisser retourner au travail tant que Santé Canada n'avait pas évalué mon état de santé. »

« Mme Lys a fini par me harceler sérieusement elle-même en fabriquant cette lettre qu'elle a ensuite envoyée à Santé Canada afin de camoufler et d'absoudre les actes discriminatoires auxquels le défendeur s'était livré en me m'interdisant l'accès au lieu de travail . »

« Le directeur, M. Jones, n'a pas fait obstacle à mon retour au travail pour des raisons de sécurité, mais plutôt pour m'empêcher de recevoir mon salaire afin de m'obliger à subir l'évaluation médicale et de s'en servir par la suite pour me faire déclarer incapable de travailler. »

« Le 29 avril 2002, le statisticien adjoint en chef, M. Richard Bamaby, m'a envoyé une lettre dans laquelle il m'offrait deux choix, soit signer un document indiquant que j'acceptais de mon plein gré de me présenter à Santé Canada pour y subir l'évaluation médicale, soit être licenciée. »

« Le 22 mai 2002, j'ai reçu une lettre m'informant que j'étais licenciée en raison de mon refus de m'associer aux efforts du défendeur pour me réintégrer dans mes fonctions. J'ai par la suite déposé des griefs pour contester ce licenciement. »

« Aux environs du 4 juillet 2002, le défendeur m'a envoyé un document ayant pour titre [traduction] Avis de licenciement et choix des avantages, dans lequel il mentait quant aux motifs de mon licenciement. Il prétendait faussement que j'étais licenciée parce que j'étais en congé de maladie depuis deux ans et que j'étais incapable de travailler. Le défendeur a inventé ces raisons pour camoufler les mesures discriminatoires qu'il a prises à mon endroit en m'interdisant l'accès au lieu de travail afin de m'obliger à demander des prestations d'invalidité et, en dernier ressort, de me licencier . »

Plainte à la CCDP (8 mai 2003) […]

21.   L'employeur estime que non seulement les questions soulevées dans les griefs sont déjà comprises dans la plainte touchant aux droits de la personne, mais que cette plainte est encore plus exhaustive en ce qu'elle touche à de nombreux autres aspects du licenciement. En définitive, toutes les allégations contenues dans les griefs et dans la plainte découlent des mêmes circonstances. Dans Price , l'arbitre de grief Gordon était saisi d'une question analogue. Voici ce qu'il observe :

La plainte précise qu'une question relative aux droits de la personne est au cour du grief. Le grief et la plainte résultent du même ensemble de circonstances et les deux sont centrés sur la même prétendue action ou inaction de la part des mêmes particuliers. La plainte renforce la conclusion selon laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé allègue essentiellement, en vertu de la convention collective, que son employeur l'a harcelé et a fait preuve de discrimination à son égard en raison de sa déficience physique. En fait, le fonctionnaire s'estimant lésé relie expressément sa plainte à la compétence de la CCDP en vertu de la LCDP .

Price c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada) , 2006 CRTFP 47 […]

22.   Ajoutons que l'un des facteurs décisifs dont il faut tenir compte dans l'analyse de la question est la manière dont la fonctionnaire s'estimant lésée définit l'essentiel de ses griefs. En fait, dans une lettre du 4 septembre 2002 à la Commission, Mme Chow a confirmé clairement que ses griefs portaient essentiellement sur une question de droits de la personne. Le passage pertinent est reproduit ci-dessous :

[Traduction]

[…] Veuillez prendre note que j'ai déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne [...]. Par conséquent, parce que mes griefs concernent un motif de distinction illicite selon les critères de la Commission canadienne des droits de la personne, je demande que l'audience soit suspendue en attendant sa décision. [Je souligne]

Lettre de Anna Chow à la CRTFP en date du 4 septembre 2002 […]

23.   Dans de cas Price , l'arbitre de grief Gordon a analysé l'argument de l'agent négociateur selon lequel même si le fonctionnaire s'estimant lésé faisait allusion à des actes discriminatoires dans une lettre, l'essentiel du grief portait en réalité sur la manière dont il avait été traité par la direction, le temps qu'elle avait mis à le réintégrer dans ses fonctions, le refus de l'employeur d'appliquer les politiques, etc. Dans sa décision, l'arbitre de grief observe ce qui suit :

Certes, ces questions sont mentionnées dans la plainte; le fonctionnaire s'estimant lésé invoque certains éléments et/ou une conduite à cet égard pour étayer son point de vue selon lequel l'employeur a agi d'une manière discriminatoire envers lui à cause de sa déficience physique. Toutefois, le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé mentionne ces événements/cette conduite pour étayer ses allégations de harcèlement et de discrimination ne transforme pas essentiellement le grief en autre chose qu'une question ayant trait aux droits de la personne. Un examen de la conduite de la direction relativement à d'autres dispositions de la convention collective peut être approprié pour établir s'il y a eu une violation des droits de la personne pour ce qui est du fonctionnaire s'estimant lésé. Je suis cependant convaincue que de telles questions doivent être considérées comme accessoires par rapport à l'essence du grief.

Mais surtout, il ajoute ceci :

De manière générale, les employeurs ne peuvent modifier fondamentalement l'essence des motifs de discipline à l'audience d'arbitrage de grief, et les employés ayant déterminé l'essence de leurs griefs, comme en l'espèce, ne devraient pas pouvoir non plus modifier l'essence de leurs allégations contre l'employeur selon la convention collective.

Price c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 47 […]

24.   Dans la décision Audate, la fonctionnaire s'estimant lésée contestait une suspension de 10 jours. Le grief a été examiné au fond sans qu'elle soulève la question touchant aux droits de la personne. C'est seulement quand elle a témoigné qu'elle a prétendu que sa suspension était motivée par le racisme. L'arbitre de grief, M. Yvon Tarte, a ajourné l'audience en invitant les parties de lui soumettre des observations sur sa compétence avant de conclure qu'il n'était pas habile à trancher l'affaire car un autre recours administratif de réparation était ouvert à la fonctionnaire s'estimant lésée sous le régime d'une loi fédérale.

Audate c. Conseil du Trésor (Anciens combattants), 35 CRTFP 37 […]

25.   Lorsqu'on fait un rapprochement entre la plainte touchant aux droits de la personne et les griefs de Mme Chow, on ne peut que conclure que les allégations soulèvent toutes les mêmes questions et concernent toutes les mêmes prétendus actes de l'employeur. Il existe incontestablement un lien entre les questions soulevées dans les griefs et les allégations de discrimination que contient la plainte touchant aux droits de la personne. Ajoutons à cela que Mme Chow a clairement indiqué que ses griefs portaient essentiellement sur une question de droits de la personne.

Conclusion

26.   Nous faisons bien humblement valoir que l'arbitre de grief nommé en vertu de l'article 92 de la LRTFP n'a pas la compétence pour trancher les griefs.

27.   L'essentiel des griefs de Mme Chow nécessite réparation sous le régime de la LCDP. Conformément aux critères établis par la Cour d'appel fédérale dans Boutilier et dans les autres décisions citées, l'employeur demande bien humblement que l'affaire soit rejetée pour motif d'absence de compétence.

[…]

[ Sic pour l'ensemble de la citation]

[Les passages soulignés le sont dans l'original]

[76]   L'employeur avait joint divers documents à ses observations, dont trois ayant déjà été produits en preuve, soit le rapport de l'enquêteur de la CCDP du 18 mars 2004 (pièce E-1); une lettre datée du 6 octobre 2004 faisant état de la décision de la CCDP (pièce E-4) et l'ordonnance du 5 janvier 2005 de la protonotaire eu égard à la demande de contrôle judiciaire de Mme Chow à la Cour fédérale (pièce E-2). Il y avait aussi la plainte de Mme Chow à la CCDP, en date du 8 mai 2003, dont la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas contesté ultérieurement l'admission, si bien qu'elle fait également partie du dossier.

b.   Argumentation et réponse de la fonctionnaire s'estimant lésée

[77]   La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté son argumentation écrite sur la question de ma compétence le 26 juillet 2006. Le texte en est reproduit ci-dessous :

[Traduction]

REMARQUES PRÉLIMINAIRES

La fonctionnaire s'estimant lésée accepte les remarques préliminaires contenues dans l'argumentation écrite de l'employeur sur la question de la compétence de l'arbitre de grief (droits de la personne).

QUESTION EN LITIGE

Nous faisons bien humblement valoir que la question qui découle de la contestation en cause est la suivante : Est-ce que le fait que la CCDP ait rejeté la plainte de discrimination de Mme Chow en vertu de l'alinéa 44(3) b ) de la LCDP prive le tribunal d'arbitrage de grief de toute compétence pour trancher les griefs de la fonctionnaire s'estimant lésée?

ARGUMENTATION

La réponse à cette question est évidemment non. Il est aussi intéressant de noter que M. Drew Heavens a lui-même admis que la Commission ne perd pas automatiquement sa compétence pour trancher des griefs du fait que la CCDP a été saisie d'une plainte de discrimination. Voici ce qu'il écrit à ce sujet dans la lettre du 31 mars 2004 par laquelle il contestait la compétence de l'arbitre de grief alors qu'il y avait déjà plusieurs mois que Mme Chow avait déposé sa plainte auprès de la CCDP (le 8 mai 2003) :

[Traduction]

On se doit de faire un rapprochement entre la plainte touchant aux droits de la personne et les griefs.

L'employeur admet que la Commission ne perd pas forcément sa compétence pour instruire un grief dès lors que la Commission des droits de la personne se saisit d'une plainte en vertu du paragraphe 41(1) de la LCDP . En fait, pour reprendre la conclusion de l'arbitre de grief Guindon au paragraphe 47 de Cherrier (dossier de la Commission 166-2-31767) :

Un arbitre se doit d'évaluer la nature et la portée des recours utilisés par le fonctionnaire s'estimant lésé afin de déterminer si un élément de la nature des droits de la personne est au cour du grief et si un conflit ou un chevauchement existe entre le grief et un autre recours administratif prévu à une autre loi fédérale. Le fait que la C.C.D.P. ait procédé à l'évaluation de la plainte qui lui est soumise et qu'elle ait décidé de statuer sur cette plainte, en vertu de sa loi constituante (L.C.D.P.) ne peut pas avoir pour effet de dessaisir l'arbitre assigné au grief de ses responsabilités de déterminer sa compétence en vertu de sa propre loi constituante.

Cela dit, la question à laquelle le tribunal actuel doit répondre c'est comment il doit procéder pour déterminer s'il a la compétence ou non pour instruire les griefs dont il est saisi.

C'est une question sur laquelle la Cour suprême du Canada s'est prononcée à maintes reprises.

Ainsi, dans Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Québec (Procureur général) , [2004] 2 R.C.S. 685, la juge en chef McLachlin, s'exprimant pour la majorité, rappelle que c'est dans Weber c. Ontario Hydro , [1995] 2 R.C.S 929 que la Cour suprême a statué qu'il existait trois avenues possibles pour départager la compétence de deux tribunaux susceptibles de trancher un litige en matière de relations de travail lorsque la loi semble attribuer compétence aux deux.

Il ressort de la lecture des motifs de la juge en chef que le seul critère qui s'applique est celui du contexte factuel décrit dans l'arrêt Weber .

Voici ce que la juge en chef écrit au paragraphe 11 du jugement :

« L'arrêt Weber pose le principe que le choix du modèle dépend des dispositions législatives en cause, compte tenu de leur application au différend considéré dans son contexte factuel. »

Nous estimons que les griefs en question s'inscrivent uniquement dans le contexte factuel d'une mesure disciplinaire reliée aux relations de travail et qu'il en a toujours été ainsi, pour la raison suivante :

Dans une lettre datée du 29 avril 2002, M. Barnabé a écrit à Mme Chow concernant l'évaluation médicale qu'il lui a demandé de subir à Santé Canada pour déterminer si elle est apte à travailler. Voici un exemple du genre de libellé qu'on y trouve :

[Traduction]

Nous avons déjà pris deux rendez-vous pour que vous soyez évaluée, mais vous n'avez toujours pas signé le formulaire autorisant les médecins de Santé Canada à communiquer leurs conclusions au ministère. Nous avons insisté dans nos échanges avec vous sur l'importance de nous accorder votre collaboration à cet égard.

[…]

Vous trouverez également ci-joint des enveloppes préadressées. Si vous refusez de donner suite à la demande et de subir l'évaluation médicale, la direction entreprendra les démarches nécessaires pour mettre un terme à votre emploi à Statistique Canada.

Le 22 mai 2002, M. Richard Barnabé a écrit de nouveau à Mme Chow pour lui faire savoir cette fois qu'il avait décidé de mettre fin à son emploi à Statistique Canada. Voici un exemple du libellé qu'on trouve dans cette lettre :

[Traduction]

« Selon nos dossiers, vous avez manqué plusieurs rendez-vous médicaux préétablis. Or la seule fois où vous vous êtes présentée, vous avez refusé de signer le formulaire autorisant le médecin à communiquer à l'employeur les résultats de l'évaluation visant à déterminer si vous apte à travailler. »

« Vous avez continué de frustrer les efforts de la direction et lui avez refusé votre collaboration. »

« Dans ma lettre du 29 avril 2002, je vous avisais que vous vous exposiez à un licenciement si vous persistiez dans votre refus de collaborer. Or, la situation n'a guère changé. »

« J'ai donc conclu, à l'examen de votre dossier cumulatif d'absence, que votre absence continue du travail se veut de durée indéterminée. Compte tenu de ce qui précède, j'ai déterminé que la relation employeur-employé actuelle n'était plus viable. »

Au vu de ces lettres, on peut donc résumer le contexte factuel comme suit : Mme Chow estime que son absence est justifiée, mais l'employeur n'en croit rien et veut faire vérifier les raisons de cette absence en l'obligeant à consulter le médecin choisi par lui. Mme Chow semble se montrer réticente au début, si bien que l'employeur menace de la licencier si elle ne se conforme pas à ses directives. Les absences sont donc considérées comme non justifiées, comme M. Barnabé l'indique dans ses lettres, et Mme Chow est licenciée. Ajoutons que rien dans ces lettres ne touche à une question de droits de la personne. Le contexte factuel est définitivement et strictement celui d'une mesure disciplinaire reliée aux relations de travail. Il est admis que les mesures prises par l'employeur en réaction à une attitude ou un comportement jugé répréhensible sont considérées comme des mesures disciplinaires.

Il est acquis que la Commission a la compétence pour trancher des griefs portant sur des mesures disciplinaires entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire (sous-alinéa 92(1) b )(i) de la Loi) et un licenciement ou une rétrogradation (sous-alinéa 92(1) b )(ii) de la Loi).

À cet égard, il est intéressant de noter que l'agent du greffe, Dennis J.A. Dumoulin, ne partage pas le point de vue de M. Heavans en ce qui concerne les griefs auxquels s'étend la compétence de la Commission. Dans ses lettres du 17 juin 2002 et du 25 juillet 2003, il admet à l'évidence avoir procédé à une présélection et mis de l'ordre dans les griefs. Il ajoute que la Commission est disposée à accepter ceux portant sur des mesures disciplinaires entraînant une suspension ou une sanction pécuniaire ainsi qu'un licenciement ou une rétrogradation.

Précisons que M. Dumoulin n'a pas hésité à refuser les griefs qui lui paraissaient hors de la compétence de la Commission. À titre d'exemple, voici comment il justifie le rejet du grief No 99 dans sa lettre du 25 juillet 2003 : [traduction] « Le grief suivant, qui touche à une question de droits de la personne, ne peut être tranché en vertu du sous-alinéa 92(1) b )(ii) de la Loi; c'est pourquoi nous vous le retournons. »

Contrairement à ce que mon confrère et M. Heavans prétendent dans leur lettre du 31 mars 2004, un examen attentif des griefs portés à l'attention de la Commission révèle qu'ils sont sans rapport avec la plainte de discrimination et qu'ils relèvent de la compétence de la Commission.

Le dossier de la Commission 166-2-31313 englobe les griefs nos 4, 66, 68 et 77. Précisons que les griefs nos 15, 24 et 69 ont été rejetés par l'agent du greffe pour motif d'absence de compétence. Le grief No 4 allègue que la fonctionnaire s'estimant lésée a fait l'objet d'une mesure disciplinaire déguisée, le grief No 66, d'une sanction et de mesures disciplinaires, le No 68, d'une sanction pécuniaire et le grief No 77, d'une suspension, d'une mesure disciplinaire déguisée et d'une sanction pécuniaire. Prière de noter que M. Heavens n'a jamais expliqué clairement en quoi les griefs portés à l'attention de la Commission sont englobés dans la plainte à la CCDP. Sa déclaration est vague, imprécise et sans fondement.

Le dossier de la Commission 166-2-32584 englobe les griefs nos 94, 95, 96, 97, 98, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126 et 127. Précisons que les griefs nos 100, 101, 102, 104, 105, 108, 109, 110, 119, 99, 113, 114, 128, 130, 116, 117 et 118 ont été rejetés pour motif d'absence de compétence. Tous les griefs dont la Commission est saisie font mention de questions touchant à la discipline dont l'issue ressort évidemment à la compétence de la Commission.

Le dossier de la Commission 166-2-32585 concerne le grief No 103, lequel possède sans contredit tous les atours d'un grief touchant à la discipline, ne serait-ce que parce qu'on y utilise le mot « obligé », lequel implique l'idée d'obéir à un ordre de l'employeur ou, a contrario, celle de l'insubordination de la fonctionnaire s'estimant lésée.

Le dossier de la Commission 166-2-32586 réunit les griefs nos 106 et 107, lesquels sont très clairement libellés et ne se prêtent donc pas à interprétation. Il s'agit nettement de griefs touchant à la discipline dont l'issue ressort à la compétence de la Commission.

À la lumière de ce qui précède, nous faisons bien humblement valoir que le fait que la CCDP se soit saisie d'une plainte de discrimination ne dépouille aucunement la Commission de sa compétence pour trancher les griefs et qu'un examen minutieux s'impose pour déterminer s'ils relèvent de sa compétence, en tout ou en partie. Nous estimons que la Commission a la compétence pour instruire tous les griefs dont elle est saisie parce que, par leur nature et leur substance, ils sont sans rapport avec les questions soulevées dans la plainte de discrimination à la CCDP, et qu'il n'y a ni conflit de compétence, ni concurrence entre les deux tribunaux.

Cela dit, pour s'en convaincre davantage, voyons voir quelle est la nature véritable des recours engagés par Mme Chow.

Rappelons d'abord que Mme Chow a introduit deux recours distincts concernant son licenciement. Le premier, comme nous venons de le voir, consistait en une multitude de griefs alléguant notamment la violation de l'article 17 de la convention collective sous la forme d'une mesure disciplinaire déguisée, d'une sanction pécuniaire et d'une suspension.

Le second recours prend la forme d'une plainte personnelle à la CCDP alléguant que l'employeur a agi de manière discriminatoire à son endroit, en violation de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le cas Boutillier , (C.A.) (2000) 3 C.F. 27, dit clairement que les griefs ou les plaintes de discrimination relèvent de la compétence de la CCDP. Cela est d'autant plus vrai que les griefs, qui alléguaient la violation de la disposition collective interdisant la discrimination, relevaient sans exception de la compétence exclusive de la CCDP.

En ce qui concerne la plainte de Mme Chow, la CCDP a décidé de la rejeter en vertu de l'alinéa 44(3) b ) de la LCDP après avoir pris connaissance du rapport de l'enquêteur, Rod Grainger, du 18 mars 2004. Rien n'indique toutefois si c'est en vertu du sous-alinéa 43(3)b)(i) ou du sous-alinéa 43(3)b)(ii), mais en se reportant aux recommandations de l'enquêteur à la page 11, on peut lire que la preuve dont il disposait ne lui permet pas de conclure que Mme Chow a été victime de discrimination de la part de son employeur.

Nous estimons que l'enquêteur a même outrepassé sa compétence en s'autorisant une conclusion qui nécessitait une preuve plus circonstanciée que la simple déclaration non vérifiée de l'employeur rapportée comme suit : [traduction] « Le défendeur affirme que le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée pour « incapacité » ne constitue pas une mesure disciplinaire. C'est juste le motif qui convenait le mieux parmi ceux qui s'offraient dans le formulaire de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. » (pages 9 et 10 du rapport de l'enquêteur)

En se basant à toutes fins utiles sur cette simple déclaration de l'employeur, l'enquêteur conclut ceci :

[Traduction]

Il ressort de la preuve que la fonctionnaire s'estimant lésée a été licenciée pour avoir refusé de subir une évaluation médicale à Santé Canada.

Nous estimons bien humblement que cette conclusion ne ressort pas à la compétence de la CCDP, mais à celle du tribunal d'arbitrage. Comme les griefs allèguent que Mme Chow a fait l'objet d'une mesure disciplinaire déguisée, c'est au tribunal d'arbitrage qu'il appartient de déterminer si le licenciement constitue une mesure disciplinaire ou non.

Quoi qu'il en soit, il nous paraît évident que les griefs de la fonctionnaire s'estimant lésée touchent à la discipline. Cela est tellement vrai que l'employeur a soulevé une contestation à ce sujet.

Pour en finir avec le rapport de l'enquêteur, nous estimons que certains des mots utilisés dans la conclusion reproduite ci-dessus pointent en direction de mesures disciplinaires et non administratives. En effet, justifier le licenciement en disant que la fonctionnaire s'estimant lésée a REFUSÉ de subir un examen implique qu'elle a désobéi à l'employeur, une conduite répréhensible en soi. Ajoutons à cela que la jurisprudence nous enseigne avec raison que ce genre de conduite touche à la discipline.

Rappelons-nous également que, durant l'examen de la contestation quant aux mesures disciplinaires, le 21 février 2006, la Commission a dit à la fonctionnaire s'estimant lésée, selon les notes manuscrites de cette dernière, qu'elle devait démontrer que l'employeur avait pris une mesure disciplinaire. Mme Chow a alors déclaré qu'elle avait en sa possession des bandes sonores qui prouvaient que les faits allégués dans les lettres de l'employeur étaient faux. La réaction de l'arbitre de grief est révélatrice. En effet, il s'est immédiatement exclamé : [traduction] « Si le problème n'existe pas, si les documents ont été fabriqués, je dis qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire déguisée ».

Nous considérons que la question de savoir si l'employeur a pris une mesure disciplinaire ou administrative à l'endroit de la fonctionnaire s'estimant lésée relève de la compétence exclusive du tribunal d'arbitrage.

En réalité, et cela dit avec tout le respect que nous devons à notre confrère, il nous apparaît que son raisonnement est basé sur une prémisse erronée. Sauf erreur, il prétend que le tribunal d'arbitrage n'a pas la compétence pour instruire les griefs de Mme Chow puisque la CCDP n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire pour lui déléguer cette compétence, ayant simplement rejeté la plainte de Mme Chow.

Ce raisonnement erroné appelle plusieurs observations. Premièrement, cela revient à dire que le tribunal d'arbitrage reçoit sa compétence de la CCDP plutôt que de sa loi habilitante. Deuxièmement, cela équivaut aussi à prétendre que la CCDP décide en tout temps de la compétence du tribunal d'arbitrage. C'est enfin confondre les divers pouvoirs discrétionnaires dont dispose la CCDP pour traiter les plaintes de discrimination.

En l'occurrence, la CCDP a simplement décidé de rejeter la plainte de discrimination de Mme Chow, comme elle en avait le pouvoir. Elle n'a pas jugé indiqué de partager sa compétence en la matière avec la Commission, ou de la lui déléguer.

Maintenant que la CCDP a rejeté la plainte, il reste encore à la Commission à trancher les griefs, lesquels soulèvent sans contredit des questions touchant à la discipline qui sont du ressort même de la Commission.

Pour tous ces motifs, nous estimons que la contestation préliminaire de l'employeur concernant les droits de la personne devrait être rejetée.

[…]

[Sic pour l'ensemble de la citation]

[Les passages soulignés le sont dans l'original]

c.   Observations de l'employeur au sujet de l'argumentation de la fonctionnaire s'estimant lésée

[78]   L'employeur a demandé une prorogation de délai pour répondre à l'argumentation de la fonctionnaire s'estimant lésée. Je lui ai accordé jusqu'au 25 juin 2006 pour ce faire. Les observations ont été reçues à la date prévue; en voici le texte :

[Traduction]

[…]

Nous estimons que la fonctionnaire s'estimant lésée définit mal la question que la Commission doit trancher. Il s'ensuit que son argumentation repose sur un raisonnement qui est sans rapport avec la question en litige.

La compétence de la Commission lui est reconnue par le paragraphe 91(1) de la LRTFP . Les deux questions à trancher sont donc les suivantes :

1) Le grief porte-t-il essentiellement sur une question de droits de la personne?

2) Existe-t-il un autre recours administratif de réparation sous le régime d'une loi fédérale?

Le fait que la CCDP ait rejeté la plainte touchant aux droits de la personne est sans rapport avec l'affaire que la Commission doit trancher.

Pour les motifs exposés dans notre argumentation écrite, nous faisons bien humblement valoir que le grief devrait être rejeté pour motif d'absence de compétence.

[…]

2.   Motifs

[79]   L'employeur estime que les griefs dont je suis saisi touchent essentiellement à des questions de droits de la personne et que la fonctionnaire s'estimant lésée dispose dès lors d'un autre recours administratif sous le régime de la CCDP pour obtenir réparation. Il me demande d'admettre que l'existence de cet autre recours la prive du droit de se prévaloir de la procédure de règlement des griefs et, partant, de la procédure d'arbitrage de grief prévue par l'article 92 de l'ancienne Loi.

[80]   La fonctionnaire s'estimant lésée soutient pour sa part que le contexte factuel est celui [traduction] « […] d'une mesure disciplinaire reliée aux relations de travail et qu'il en a toujours été ainsi […] » et que l'arbitre de grief a l'obligation d'analyser les griefs dont il est saisi pour déterminer s'ils mettent au jour, par leur nature et leur essence, des questions qui relèvent de sa compétence, indépendamment de la plainte à la CCDP. Elle estime que ses griefs n'ont, à toutes fins utiles, [traduction] « […] rien à voir avec les questions soulevées dans la plainte de discrimination à la CCDP et qu'il n'y a ni conflit de compétence ni concurrence entre les deux tribunaux ». Elle me demande de conclure que le fait que la CCDP ait rejeté sa plainte touchant aux droits de la personne ne dépouille pas l'arbitre de grief de sa compétence pour instruire les griefs.

a.   Observations préliminaires

[81]   Avant de passer à l'analyse des arguments des parties, je voudrais revenir sur trois passages de l'argumentation écrite de la fonctionnaire s'estimant lésée qui suscitent des questions pour divers motifs.

i.   Interventions de l'agent du greffe de l'ancienne Commission

[82]   Dans le premier passage reproduit ci-dessous, la fonctionnaire s'estimant lésée fait allusion aux interventions d'un agent du greffe de l'ancienne Commission :

[Traduction]

[…]

À cet égard, il est intéressant de noter que l'agent du greffe, Dennis J.A. Dumoulin, ne partage pas le point de vue de M. Heavans en ce qui concerne les griefs auxquels s'étend la compétence de la Commission. Dans ses lettres du 17 juin 2002 et du 25 juillet 2003, il admet à l'évidence avoir procédé à une présélection et mis de l'ordre dans les griefs. Il ajoute que la Commission est disposée à accepter ceux portant sur des mesures disciplinaires entraînant une suspension ou une sanction pécuniaire ainsi qu'un licenciement ou une rétrogradation.

Précisons que M. Dumoulin n'a pas hésité à refuser les griefs qui lui paraissaient hors de la compétence de la Commission. À titre d'exemple, voici comment il justifie le rejet du grief No 99 dans sa lettre du 25 juillet 2003 : [traduction] « Le grief suivant, qui se rapporte à une question de droits de la personne, ne peut être tranché en vertu du sous-alinéa 92(1)b)(ii) de la Loi; c'est pourquoi nous vous le retournons. »

[…]

[83]   Les seuls griefs que je dois trancher sont ceux contenus dans les dossiers dont je suis saisi (dossiers de la Commission 166-02-31313 et 32584 à 32586). Je sais que la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté d'autres griefs, qu'elle voulait renvoyer à l'arbitrage de grief, mais qui lui ont été retournés accompagnés d'une explication. Je le mentionne d'ailleurs au début de la présente décision. Il reste que je ne suis pas habilité à me saisir de ces griefs dans le cadre de l'affaire en instance, ni ne puis tirer quelque conclusion de leur existence ou de la manière dont il en a été disposé pour trancher les questions en litige. De même, je n'ai pas à tenir compte de la décision administrative de l'agent du greffe de l'ancienne Commission de réunir les vingt griefs restants dans les quatre dossiers que j'ai devant moi pour déterminer s'ils sont arbitrables. C'est une question que je dois décider à nouveau en l'espèce. Il s'ensuit qu'aux fins de trancher la question de ma compétence, je ne tire aucune conclusion des interventions de M. Dumoulin.

ii.   Enquête de la CCDP au sujet de la plainte touchant aux droits de la personne

[84]   Dans le deuxième passage en cause, reproduit ci-dessous, la fonctionnaire s'estimant lésée semble attaquer les résultats de l'enquête de la CCDP sur la plainte touchant aux droits de la personne :

[Traduction]

[…]

Nous estimons que l'enquêteur a même outrepassé sa compétence en s'autorisant une conclusion qui nécessitait une preuve plus circonstanciée que la simple déclaration non vérifiée de l'employeur rapportée comme suit : [traduction] « Le défendeur affirme que le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée pour « incapacité » ne constitue pas une mesure disciplinaire. C'est juste le motif qui convenait le mieux parmi ceux qui s'offraient dans le formulaire de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. » (pages 9 et 10 du rapport de l'enquêteur)

[…]

[85]   Il serait inapproprié pour moi de formuler un avis sur la question de savoir si l'enquêteur de la CCDP a outrepassé sa compétence et je m'abstiendrai donc de le faire. Je prends toutefois acte du fait que la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la CCDP de rejeter sa plainte touchant aux droits de la personne et que sa démarche s'est soldée par un échec.

iii.   Gestion de l'audience

[86]   Dans le troisième passage en cause, la fonctionnaire s'estimant lésée y va d'observations sur la gestion de l'audition des griefs :

[Traduction]

[…]

Rappelons-nous également que, durant l'examen de la contestation quant aux mesures disciplinaires, le 21 février 2006, la Commission a dit à la fonctionnaire s'estimant lésée, selon les notes manuscrites de cette dernière, qu'elle devait démontrer que l'employeur avait pris une mesure disciplinaire. Mme Chow a alors déclaré qu'elle avait en sa possession des bandes sonores qui prouvaient que les faits allégués dans les lettres de l'employeur étaient faux. La réaction de l'arbitre de grief est révélatrice. En effet, il s'est immédiatement exclamé : [traduction] « Si le problème n'existe pas, si les documents ont été fabriqués, je dis qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire déguisée ».

[…]

[87]   La fonctionnaire s'estimant lésée affirme dans ce passage que l'arbitre de grief lui a dit qu'elle devait [traduction] « […] démontrer que l'employeur avait pris une mesure disciplinaire […] ». Or, je ne me souviens pas d'avoir tenu de tels propos, mais il n'est pas impossible que j'aie indiqué, à un certain moment, que dans les cas où un fonctionnaire s'estimant lésé croit avoir été l'objet d'une mesure disciplinaire déguisée, il lui appartient d'en faire la preuve. Toujours est-il que le deuxième jour de l'audience, le 21 février 2006, j'ai demandé à l'employeur de présenter sa preuve - une procédure qui s'accorde avec l'attribution du fardeau initial, à tout le moins, à l'employeur. C'est d'ailleurs en me fondant sur cette preuve que je déciderais ensuite s'il y avait lieu de transférer le fardeau de la preuve à la fonctionnaire s'estimant lésée et de quelle manière il convenait de le faire.

[88]   Je le redis à nouveau, je n'ai pas tenu les propos suivants : [traduction] « […] Si le problème n'existe pas, si les documents ont été fabriqués, je dis qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire déguisée », ni prononcé quelque parole de ce genre. La fonctionnaire s'estimant lésée affirme se reporter à ses « notes manuscrites » pour corroborer ce qui s'est dit à l'audience du 21 février 2006. Il se trouve que ces notes n'ont pas été produites en preuve si bien qu'il est impossible d'en éprouver l'exactitude et l'exhaustivité. Or, comme il est indiqué dans la décision 2006 CRTFP 71, des témoins ont mis en doute la longueur et l'exhaustivité de ces notes à l'audience de récusation du 10 avril 2006. Je ne formulerai donc pas d'autres commentaires sur ce point, si ce n'est pour dire que je ne peux accorder de valeur probante en l'espèce à des propos qui n'ont jamais été tenus.

b.   Cadre réglementaire

[89]   La contestation de ma compétence de l'employeur est fondée sur l'interprétation des articles 91 et 92 de l'ancienne Loi. Le paragraphe 91(1) dispose que le fonctionnaire ne peut présenter un grief si un « […] autre recours administratif de réparation […] lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale […] », tandis que le paragraphe 92(1) dispose que les griefs présentés en vertu de l'article 91 peuvent être renvoyés à l'arbitrage :

91.(1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement - administratif ou autre -, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a )(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

[...]

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2) f ) ou g ) de la Loi sur la gestion des finances publiques ;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

[90]   Divers arbitres de griefs ont analysé les conséquences de ces dispositions dans des cas où il était allégué que des griefs dévoilaient l'existence de questions de droits de la personne. Dans la foulée de Boutilier, les arbitres de griefs ont généralement conclu que les allégations d'actes discriminatoires fondées sur l'un des motifs de distinction illicites prévus par la LCDP ne peuvent faire l'objet de griefs en vertu de l'article 91 de l'ancienne Loi, puisqu'il existe un autre « […] recours administratifs de réparation […] » sous le régime de la LCDP. Le recours à la procédure d'arbitrage prévu par l'article 92 est par ailleurs exclu dans ces circonstances car aucun grief régulièrement formé ne peut être présenté jusqu'au dernier palier de la procédure de règlement des griefs sous le régime de l'ancienne Loi si la CCDP n'a pas elle-même demandé au fonctionnaire s'estimant lésé d'épuiser cette procédure.

[91]   Les alinéas 41(1)a) et 44(2)a) de la LCDP disposent que la CCDP peut décider de ne pas se saisir d'une plainte s'il existe « […] des procédures d'appel ou de règlement des griefs qui […] sont normalement ouverts […] ». Ces dispositions sont libellées comme suit :

41. (1) Sous réserve de l'article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu'elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

a) la victime présumée de l'acte discriminatoire devrait épuiser d'abord les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

[…]

44. (2) La Commission renvoie le plaignant à l'autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas :

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts […]

Le fonctionnaire qui prétend avoir été victime d'actes discriminatoires peut déposer un grief auprès de son employeur, lequel constitue « l'autorité compétente » mentionnée au paragraphe 44(2) de la LCDP.

[92]   Dans les griefs dont je suis saisi, il est acquis que la CCDP n'a pas demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée d'épuiser la procédure de règlement des griefs en vertu des alinéas 41(1)a) ou 44(2)a) de la LCDP.

[93]   La fonctionnaire s'estimant lésée observe que la CCDP a rejeté sa plainte en vertu de l'alinéa 44(3)b) de la LCDP sans indiquer pour quel motif. Je ne comprends pas tout à fait à quoi elle veut en venir en faisant cette distinction. Je prends toutefois acte du fait que la CCDP n'indique pas, à tout le moins, en être venue à la conclusion que la plainte outrepassait sa compétence.

3.   Questions à trancher

[94]   L'employeur m'exhorte à formuler les questions soulevées dans sa contestation de ma compétence comme suit : Les griefs portent-ils sur des questions de droits de la personne? Si c'est le cas, existe-t-il un recours administratif de réparation sous le régime de la LCDP qui me dépouille de ma compétence? Pour sa part, la fonctionnaire s'estimant lésée pose la question différemment : Est-ce que le rejet de la plainte par la CCDP me rend sans compétence pour trancher les griefs?

[95]   Je trouve la question de la fonctionnaire s'estimant lésée drôlement formulée, mais elle a le mérite d'attirer l'attention sur un aspect du dossier qui le distingue certainement de la plupart des autres dossiers portés à l'attention d'arbitres de griefs sous le régime de l'ancienne Loi; il s'agit du fait que la fonctionnaire s'estimant lésée ait poursuivi jusqu'à sa conclusion une plainte touchant aux droits de la personne sous le régime de la LCDP et que la CCDP l'ait rejetée. Bien que la question fondamentale dans la contestation de ma compétence demeure, à mon sens, celle formulée par l'employeur, à savoir : Les griefs portent-ils sur des questions de droits de la personne?, je dois également déterminer si le fait que la CCDP ait analysé et rejeté la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée constitue un facteur pertinent et significatif en l'espèce. C'est d'ailleurs sur cet aspect que je me pencherai en premier.

a.   Le rejet de la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée par la CCDP constitue-t-il un facteur pertinent et significatif?

[96]   Pour en revenir à Cherrier c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 37, citée par la fonctionnaire s'estimant lésée, l'arbitre de grief a conclu que ni l'existence d'une plainte à la CCDP ni le fait que celle-ci ait accepté de s'en saisir n'ont pour effet de dessaisir l'arbitre de grief de sa responsabilité de déterminer si un élément de la nature des droits de la personne est au cour du grief. Voici ce qu'il dit à ce sujet :

[…]

[47] Je ne peux pas accepter l'argument de l'avocate de l'employeur selon lequel l'arbitre assigné par la C.R.T.F.P. devient automatiquement sans compétence pour entendre un grief lorsque la C.C.D.P. se saisit d'une plainte aux fins d'enquête par le biais du paragraphe 41(1) de la L.C.D.P. Les décisions et jugements cités à la présente indiquent clairement qu'un arbitre se doit d'évaluer la nature et la portée des recours utilisés par le fonctionnaire s'estimant lésé afin de déterminer si un élément de la nature des droits de la personne est au cour du grief et si un conflit ou un chevauchement existe entre le grief et un autre recours administratif prévu à une autre loi fédérale. Le fait que la C.C.D.P. ait procédé à l'évaluation de la plainte qui lui est soumise et qu'elle ait décidé de statuer sur cette plainte, en vertu de sa loi constituante ( L.C.D.P. ) ne peut pas avoir pour effet de dessaisir l'arbitre assigné au grief de ses responsabilités de déterminer sa compétence en vertu de sa propre loi constituante (L.R.T.F.P.).

[…]

[97]   Je souscris aux motifs de l'arbitre de grief, au paragraphe 47 de Cherrier. J'irais même jusqu'à dire qu'on peut pousser la réflexion un peu plus loin en l'espèce. Si le fait que la CCDP se saisisse d'une plainte n'a pas pour effet de libérer l'arbitre de grief de sa responsabilité de déterminer sa compétence, il s'ensuit que le fait que la CCDP mène une plainte jusqu'à sa conclusion (en rendant une décision) ne libère pas nécessairement l'arbitre de grief de cette responsabilité. Donc, le fait que la CCDP ait rejeté la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée ne devrait pas être considéré, en soi, comme une preuve concluante que les questions soulevées dans les griefs touchent ou ne touchent pas aux droits de la personne. Si la CCDP avait statué, par exemple, que la plainte outrepassait sa compétence, on aurait pu en tirer une conclusion importante. Mais ce n'est pas ce qui s'est produit.

[98]   La fonctionnaire s'estimant lésée renvoie au texte de la décision de la CCDP au soutien de son argument contraire que son licenciement constitue une mesure disciplinaire car il résulte de son refus de subir un examen médical. Voici comment elle formule son argument :

[Traduction]

[…]

Pour en finir avec le rapport de l'enquêteur, nous estimons que certains des mots utilisés dans la conclusion reproduite ci-dessus pointent en direction de mesures disciplinaires et non administratives. En effet, justifier le licenciement en disant que la fonctionnaire s'estimant lésée a REFUSÉ de subir un examen implique qu'elle a désobéi à l'employeur, une conduite répréhensible en soi. Ajoutons à cela que la jurisprudence nous enseigne avec raison que ce genre de conduite touche à la discipline.

[…]

[99]   Ailleurs dans son argumentation, la fonctionnaire s'estimant lésée emprunte des chemins contraires. En plus de se demander si l'enquêteur de la CCDP [traduction] « […] a outrepassé sa compétence […] », elle réagit à sa conclusion en déclarant ceci : [traduction] « Nous estimons bien humblement que cette conclusion ne ressort pas à la compétence de la CCDP, mais à celle du tribunal d'arbitrage […] ». Si elle entend par cela que c'est à l'arbitre de grief régi par l'ancienne Loi, plutôt qu'à la CCDP, qu'il appartient de déterminer si son licenciement résulte d'une mesure disciplinaire, je souscrirais alors inconditionnellement à son argument. Les conclusions tirées par la CCDP quant aux motifs d'un licenciement, qui débordent le cadre de la question de savoir s'il y a eu une violation de la LCDP, ne peuvent être considérées comme ayant une valeur décisive ou même probante aux fins de l'arbitrage de grief. C'est en effet l'arbitre de grief qui a la compétence requise pour tirer une telle conclusion en se fondant sur les déclarations sous serment et les témoignages entendus à l'audience d'arbitrage - lesquels peuvent être différents de l'information recueillie par l'enquêteur du CCDP -, que l'autre partie aura eu l'occasion de contester.

[100]   Cela étant dit, je n'accorde aucune importance à la conclusion de la CCDP quant aux motifs de licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée. Je crois également que la décision de la CCDP de ne pas lui demander d'épuiser la procédure de règlement des griefs ne me dessaisit pas de la responsabilité de déterminer ma compétence en l'espèce. Cela ne veut pas dire que le rapport d'enquête et la décision de la CCDP sont sans intérêt.

[101]   Si je ne puis m'appuyer sur l'existence d'un rapport enquête ou d'une décision de la CCDP pour trancher la question de ma compétence, j'estime toutefois avoir le droit de me servir de l'information recueillie par la CCDP, lorsqu'il y a lieu, pour m'aider à déterminer si les griefs portent sur des questions de droits de la personne. Je pense notamment à la description des problèmes de travail contenue dans la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée.

[102]   Si l'existence d'une décision de la CCDP n'a pas d'effet en soi sur la compétence de l'arbitre de grief, faut-il craindre que les fonctionnaires s'estimant lésés cherchent à se ménager une porte de sortie en se prévalant des deux recours - la situation même que le paragraphe 91(1) de l'ancienne Loi vise à interdire? Je crois moi aussi qu'on doit éviter de faire se chevaucher les deux recours de réparation. Il n'en reste pas moins qu'il peut y avoir des cas où le fonctionnaire s'estimant lésé a tout à fait le droit de poursuivre un grief même si la CCDP s'est saisie d'une plainte concernant des incidents identiques ou analogues. À titre d'exemple, il se peut que le contexte général examiné dans le cade d'une plainte comporte des éléments spécifiques à un grief qui sont fondamentalement liés à l'emploi et dont les aspects touchant aux droits de la personne ne sont que secondaires. Autrement dit, un grief et une plainte touchant aux droits de la personne peuvent porter sur les mêmes faits et mettre en cause les mêmes acteurs tout en soulevant des questions différentes, dont l'élément essentiel, dans certains cas, peut ne pas être du ressort de l'autre « […] recours administratif de réparation […] » envisagé par le paragraphe 91(1).

[103]   Tout cela confirme que l'arbitre de grief doit examiner minutieusement les griefs de manière autonome afin de déterminer s'ils touchent ou non aux droits de la personne - la question fondamentale que doit se poser l'arbitre de grief, suivant la logique de Boutilier, pour déterminer s'il existe un autre «[…] recours administratif de réparation […] » au sens du paragraphe 91(1) de l'ancienne Loi. Au paragraphe 20 de Kehoe c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2001 CRTFP 9, la Commission ajoute une précision importante en indiquant que l'interdiction prévue au paragraphe 91(1) s'applique dans les cas où les questions de droits de la personne constituent « […] l'élément essentiel […] » du grief au lieu d'y être « […] simplement accessoires […] ». La question qui se pose en l'espèce est donc la suivante : est-ce qu'il ressort de l'examen des griefs et des dossiers dont je suis saisi que les questions soulevées par la fonctionnaire s'estimant lésée se rapportent à des questions ou des actions dont « l'élément essentiel » touche aux droits de la personne? Ou, pour reprendre les propos de l'arbitre de grief au paragraphe 47 de l'affaire Cherrier, est-ce qu'« […] un élément de la nature des droits de la personne est au cour du grief […] »?

b.   Les griefs touchent-ils aux droits de la personne?

[104]   À première vue, aucun des griefs en instance n'est formulé d'une manière qui donne immédiatement à penser que la fonctionnaire s'estimant lésée soulève une question de droits de la personne. Ils contiennent tous des mots et expressions qu'une personne raisonnable considérerait comme propres à la terminologie habituelle du droit de l'emploi, tels que « sanction financière non justifiée » « mesure disciplinaire déguisée » « licenciement injuste » « manque de collaboration » ou « refusé l'accès au lieu de travail ».

[105]   Avant de poursuivre, je prends acte du fait que le grief No 4 dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313 soulève une question qui touche à l'interprétation ou l'application de la convention collective. En voici le texte :

[ Traduction]

GRIEF No 4
L'employeur m'a suspendue à toutes fins utiles depuis le 1er juillet 2001, en prétextant des problèmes de santé ou d'invalidité, contrevenant ainsi à l'article 17, Discipline, de la convention collective, faute d'avoir appliqué la procédure pertinente.

J'allègue donc qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire déguisée.

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l'original]

[106]   Dans la mesure où le grief No 4 dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313 allègue le non-respect du processus disciplinaire prévu à l'article 17 de la convention collective, la fonctionnaire s'estimant lésée n'est pas autorisée à le renvoyer à l'arbitrage de grief à moins que, conformément au paragraphe 92(2) de l'ancienne Loi, elle « […] obt[ienne], dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage ». Or, le dossier ne laisse subsister aucun doute sur ce point et la fonctionnaire s'estimant lésée a d'ailleurs confirmé, tel qu'il est indiqué au paragraphe 34 de la décision 2006 CRTFP 71, qu'elle n'avait pas obtenu l'indispensable appui de son agent négociateur pour présenter ce grief. Je considère donc que le grief No 4 n'a pas été renvoyé à l'arbitrage de grief dans les formes réglementaires pour ce qui touche la violation de la convention collective et je rejette ce volet pour ce motif sans examen supplémentaire.

[107]   Pour en revenir au volet du grief No 4 dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313 qui ne se rapporte pas à une violation de la convention collective et aux 19 autres griefs, de quelle information pertinente disposons-nous, au-delà de leur libellé, pour déterminer quelle en est la nature fondamentale? Pour répondre à cette question, nous devons nécessairement nous reporter à la preuve documentaire et principalement aux observations écrites de la fonctionnaire s'estimant lésée sur ce sujet.

[108]   Les griefs constituant le dossier de la CRTFP 166-02-31313 ont été reçus par l'ancienne Commission le 22 mai 2002. Or, le 4 septembre 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a fait savoir qu'elle avait déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, en demandant que l'audition des griefs soit reportée jusqu'à ce que la CCDP ait rendu sa décision.

[109]   On peut s'interroger sur l'exactitude factuelle de la déclaration suivante dans la lettre du 4 septembre 2004 de la fonctionnaire s'estimant lésée à l'ancienne Commission : [traduction] « […] Veuillez prendre note que j'ai déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne […] ». Or, la plainte porte la date du 8 mai 2003, ce qui signifie qu'elle a été déposée un peu plus de huit mois plus tard. La fonctionnaire ajoute par ailleurs qu'elle [traduction] « sera fixée sur l'issue de la plainte dans les prochaines semaines ». Il reste que cette contradiction n'a aucune importance à ce stade-ci.

[110]   La fonctionnaire s'estimant lésée explique clairement la raison de sa demande dans sa lettre à la Commission du 4 septembre 2002 :

[Traduction]

[…]

Par conséquent, parce que mes griefs concernent un motif de distinction illicite selon les critères de la Commission canadienne des droits de la personne, je demande que l'audience soit suspendue en attendant sa décision.

[…]

[111]   Les termes utilisés dans la lettre du 4 septembre 2002 ne laissent subsister aucun doute. La fonctionnaire s'estimant lésée écrit en toutes lettres que [traduction] « […] [ses] griefs concernent un motif de distinction illicite […] ». Elle utilise le pluriel pour désigner tous les griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313 et indique qu'ils concernent une question de droits de la personne, non pas qu'ils « pourraient concerner » ou qu'ils « concernent en partie ». Il faut donc en conclure qu'il était déjà clair dans son esprit qu'elle s'estimait victime d'actes discriminatoires interdits par la LCDP, et qu'elle avait agi, ou envisageait d'agir en conséquence. En ce qui concerne les quatre griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313, à tout le moins, ce rappel des événements me paraît contredire totalement l'argument actuel de la fonctionnaire s'estimant lésée selon lequel [traduction] « […] le contexte factuel est celui d'une mesure disciplinaire reliée aux relations du travail et qu'il en a toujours été ainsi […] ».

[112]   Suis-je en droit d'accepter la parole de la fonctionnaire s'estimant lésée quand elle déclare que les griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313 [traduction] « […] concernent un motif de distinction illicite […] »? Est-ce une raison suffisante pour conclure que les griefs portent essentiellement sur une question de droits de la personne? Réflexion faite, je réponds oui aux deux questions.

[113]   Je considère que la demande faite par la fonctionnaire s'estimant lésée le 4 septembre 2002 a pour effet de modifier le libellé des griefs dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313 pour préciser que les actes de l'employeur procédaient dans chaque cas d'un motif de distinction illicite. Il s'agit, à mon sens, d'une situation presque en tous points identique à celle décrite dans Audate, où la fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré durant son témoignage oral que « […] la mesure disciplinaire qu'on lui avait imposée constituait un acte discriminatoire fondé sur sa race, sa couleur et son origine ethnique ». En entendant ces paroles, l'arbitre de grief a demandé aux parties de lui soumettre des observations sur la question de savoir s'il avait la compétence pour continuer d'instruire le grief de Mme Audate et s'est ensuite appuyé sur sa déclaration pour conclure que le grief concernait une question de droits de la personne en observant ceci : « […] le témoignage de Mme Audate était clair […] la mesure disciplinaire lui a été imposée parce qu'elle était noire et d'origine haïtienne ».

[114]   Dans les quatre griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313, j'estime que la déclaration de Mme Chow selon laquelle [traduction] « […] [ses] griefs concernent un motif de distinction illicite […] est tout aussi significative et importante. Je ne crois pas que je puisse apprécier le libellé des griefs sans tenir compte de l'allusion à la discrimination contenue dans cette déclaration.

[115]   On se doit d'attacher une grande signification aux observations de la fonctionnaire s'estimant lésée du 4 septembre 2004, à moins qu'il en découle une injustice fondamentale. Certaines décisions cruciales dans le processus d'arbitrage dépendent de la manière dont les parties plaident leur cas. Il est donc nécessaire qu'elles présentent leurs arguments avec soin et que l'arbitre de grief puisse en tenir compte en toute confiance pour préserver l'efficacité et l'intégrité du processus d'arbitrage. Je ne crois pas qu'apprécier une preuve en faisant comme si des déclarations antérieures n'avaient jamais été faites ou ne veulent maintenant plus rien dire s'accorde avec un processus d'arbitrage juste et équitable. Au vu du dossier, je n'accepte pas l'argument de la fonctionnaire s'estimant lésée selon lequel [traduction] « […] le contexte factuel [des griefs compris dans le dossier de la CRTFP 166-02-313131] est celui d'une mesure disciplinaire reliée aux relations de travail et qu'il en a toujours été ainsi […] ».

[116]   J'estime donc que les griefs compris dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313 concernent essentiellement une allégation de discrimination. Je conclus qu'il existe un […] autre recours administratif de réparation […] » sous le régime de la LCDP dans le cas de ces griefs et que je n'ai pas la compétence pour les instruire sous le régime de l'ancienne Loi. Je rejette donc le volet du grief No 4 dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313 qui ne se rapporte pas à une violation de la convention collective et les trois autres griefs compris dans ce dossier.

[117]   La conclusion que j'ai tirée en me fondant sur les observations de la fonctionnaire s'estimant lésée du 4 septembre 2002 ne s'applique pas aux 16 autres griefs réunis dans les dossiers de la CRTFP 166-02-32584 à 32586, dont je suis également saisi. Son effet est donc limité, si bien que la plupart des griefs de la fonctionnaire s'estimant lésée feront l'objet d'un examen plus étoffé.

[118]   Les 16 griefs réunis dans les dossiers de la CRTFP 166-02-32584 à 32586 ont été renvoyés à l'arbitrage de grief en décembre 2002. Tout ce que je peux dire à leur sujet est qu'ils ont été renvoyés à l'arbitrage de grief trois mois avant que la fonctionnaire s'estimant lésée dépose sa plainte définitive auprès de la CCDP.

[119]   Un an après avoir initialement demandé la suspension des griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313, la fonctionnaire s'estimant lésée a écrit à l'ancienne Commission pour lui demander de suspendre les dossiers de la CRTFP 166-02-32584 à 32586 en attendant une décision de la CCDP. Cette demande était formulée comme suit :

[Traduction]

[…]

Je demande qu'à l'instar du grief numéro 166-2-31313, les griefs 166-2-32584 à 32586 soient également suspendus en attendant une décision de la Commission canadienne des droits de la personne.

[…]

La fonctionnaire s'estimant lésée ne précise toutefois pas les raisons pour lesquelles elle demande cette suspension. Aucun mot ne permet de dire avec certitude qu'elle modifie l'objet des 16 griefs restants afin d'y inclure un motif de distinction illicite. Il n'est certainement pas déraisonnable de penser que ces griefs concernaient également une question de droits de la personne dans son esprit, mais je ne suis pas disposé à tirer une telle conclusion en l'absence de toute mention expresse d'un motif de distinction illicite ou d'une question de droits de la personne dans la seconde demande de suspension.

[120]   Cela m'amène donc à la plainte déposée auprès de la CCDP en mai 2003, dans laquelle la fonctionnaire s'estimant lésée expose son allégation comme suit :

[Traduction]

ALLÉGATION

Statistique Canada a agi de manière discriminatoire à mon endroit en m'infligeant un traitement différent et abusif au travail et en me licenciant en raison d'une déficience perçue (incapacité mentale), en violation de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[121]   À première vue, le libellé de cette allégation donne à penser qu'il existe un lien direct entre les 16 griefs réunis dans les dossiers de la CRTFP 166-02-32584 à 32586 et la plainte à la CCDP. Dans la première partie, la fonctionnaire s'estimant lésée dit que l'employeur a pris des mesures discriminatoires à son endroit en lui infligeant un traitement différent et abusif. On pourrait croire qu'elle fait aussi référence à l'objet des 16 griefs réunis dans les dossiers de la CRTFP 166-02-32584 à 32586, mais l'énoncé est si général qu'on ne peut tirer de conclusion crédible en ce sens. La seconde partie de l'allégation est toutefois beaucoup plus explicite. En indiquant qu'elle a été licenciée pour un motif de distinction illicite, c'est-à-dire une déficience perçue, la fonctionnaire s'estimant lésée établit elle-même un lien direct entre sa plainte et les 13 griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-32584, qui contestent la décision de l'employeur de la licencier.

[122]   Les passages essentiels des 13 griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-32584 sont libellés comme suit :

[Traduction]

GRIEF No 94
[…] licenciement […]

GRIEF No 95
[…] licenciement résultant de mesures disciplinaires.

[…] mesure disciplinaire déguisée incluant une sanction pécuniaire .

GRIEF No 96
[…] licenciement, qui constitue […] une mesure disciplinaire déguisée.

GRIEF No 97
[…] licenciée injustement sans motif valable.

GRIEF No 98
[…] licenciée injustement, car il s'agit d'un congédiement déguisé.

GRIEF No 120
J'ai été
[…] licenciée injustement sous prétexte que j'étais absente du travail […] alors que j'avais fourni un certificat médical attestant que j'étais apte à travailler.

GRIEF No 121
J'ai été
[…] licenciée injustement sous prétexte que j'étais absente du travail […] car l'employeur a falsifié des renseignements personnels concernant mon comportement pour justifier et légitimer son refus constant de m'autoriser à retourner au travail pour m'acquitter de mes fonctions.

GRIEF No 122
Le
[…] motif de licenciement […] est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour subir un examen médical parce que j'aurais omis de me présenter à plusieurs rendez-vous préétablis par Santé Canada avec des médecins, car je me suis présentée à tous ces rendez-vous (deux).

GRIEF No 123
Le
[…] motif de licenciement […] est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour subir un examen médical à Santé Canada parce que j'aurais omis, lors d'un rendez-vous, de signer le formulaire de consentement requis afin que le médecin puisse communiquer à l'employeur les résultats de l'examen visant à établir si j'étais apte à travailler, car l'employeur a falsifié et forgé des renseignements à mon sujet dans la lettre de consultation que le médecin m'a remise à ce rendez-vous.

GRIEF No 124
Le
[…] motif de licenciement […] est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour avoir déclaré que j'avais signé contre mon gré la formule de consentement à subir une évaluation médicale à Santé Canada, car j'ai fait cette déclaration pour toutes les raisons relatives à mon harcèlement par l'employeur, tel qu'indiqué dans mes griefs.

GRIEF No 125
Le
[…] motif de licenciement […] est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour avoir déclaré que j'avais signé contre mon gré la formule de consentement à subir une évaluation médicale à Santé Canada, car ce consentement doit être donné volontairement, ainsi que l'employeur en a été informé à deux reprises par la Dre Lisa Taris de Santé Canada.

GRIEF No 126
Le
[…] motif de licenciement […] est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour avoir déclaré que j'avais signé contre mon gré la formule de consentement à subir une évaluation médicale à Santé Canada, car j'ai informé l'employeur par écrit que j'étais disposée à collaborer pleinement en me soumettant à l'examen médical et en signant tous les documents requis à cette fin.

GRIEF No 127
Le
[…] motif de licenciement […] est injuste, car j'ai reçu de vive voix des évaluations de rendement « entièrement satisfaisant » de mes supérieures, Mmes Christiane Leclair et Kathy Piening Faris, de même qu'une excellente lettre de recommandation de Mme Leclair pour mon travail à la DOI; j'ai respecté le délai et l'objectif global (établis de concert avec ma supérieure) durant mon affectation de deux mois à la DFCE, et l'employeur a falsifié et forgé des renseignements personnels me concernant sur des problèmes de comportement, dans des documents destinés à Santé Canada.

[Les passages soulignés le sont dans l'original]

[123]   Les 13 griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-32284 s'articulent autour de la décision de l'employeur de licencier la fonctionnaire s'estimant lésée dans le contexte d'au moins six mesures ou incidents interdépendants, soit la demande de certificats médicaux pour justifier les absences, la falsification alléguée de l'information, l'interdiction alléguée d'accès au lieu de travail; le harcèlement allégué; la collaboration ou plutôt le manque de collaboration eu égard à l'évaluation médicale; et l'appréciation du rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée. J'ai pris connaissance des détails de la plainte à la CCDP et relevé des énoncés qui renvoient clairement à ces incidents ou mesures, auxquels l'employeur fait en partie allusion dans son argumentation écrite. Je reproduis ci-dessous quelques courts passages des détails fournis dans la plainte à la CCDP qui me paraissent illustrer les liens qui existent avec les 13 griefs ayant trait au licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée :

[Demande de certificats médicaux pour justifier les absences]

[Traduction]

[…] J'ai demandé un congé de maladie […] et fourni un certificat médical […]

[…]

[…] J'ai fourni au défendeur un certificat médical attestant que j'étais apte à travailler, mais il a refusé de m'autoriser à retourner au travail sans que j'aie subi une évaluation médicale […]

[Falsification alléguée de l'information]

[Traduction]

[…] il est vraisemblable de croire que la communication de renseignements erronés quant à mon rendement a suscité des réactions hostiles à mon endroit […]

[…]

[…] elle a inventé des problèmes pour justifier ma mauvaise cote de rendement […]

[…]

[…] [il] a écrit dans une lettre que, sans être spécialiste en la matière, il croyait que j'avais de graves problèmes psychologiques […] ces déclarations sont sans fondement, elles s'appuient uniquement sur les mensonges qu'il a entendus […]

[…]

[…] Une lettre de consultation a été envoyée […] qui laissait faussement entendre que j'étais frappée d'une incapacité permanente en raison de mon état mental […] les problèmes et les allégations concernant mon état mental et mon rendement insatisfaisant sont de pures inventions […]

[…]

[…] Le défendeur a tenté de m'empêcher de voir les lettres contenant des preuves fabriquées qu'ils ont utilisées pour essayer de me faire déclarer incapable de travailler à mon insu et sans mon consentement […]

[…]

[…] le défendeur a inventé de toutes pièces la fausse raison des deux années de congé de maladie […]

[Interdiction alléguée d'accès au lieu de travail]

[Traduction]

[…] afin de camoufler les actes discriminatoires auxquels s'est livré le défendeur en m'interdisant l'accès au lieu de travail, et l'en absoudre.

[Harcèlement allégué]

[Traduction]

[…] [c]et événement a révélé que […] le défendeur s'est servi de l'évaluation de Santé Canada pour me faire déclarer incapable de travailler contre mon gré et explique pourquoi le médecin de Santé Canada m'a harcelée.

[…]

[…] J'ai d'abord sollicité son aide […] pour mettre un terme au harcèlement de l'employeur. Mais [elle] a fini par me harceler sérieusement elle-même […]

[Collaboration ou absence de collaboration relativement à l'évaluation médicale]

[Traduction]

[…] il a menacé de me licencier si je refusais de me soumettre à l'évaluation médicale […]

[…]

[…] le défendeur s'est servi de l'évaluation médicale de Santé Canada […] pour me faire déclarer incapable de travailler ou pour me licencier.

[…]

[…] j'ai accepté de participer pleinement à l'évaluation médicale […] tout en envoyant une lettre au défendeur pour lui faire savoir que ma participation n'était pas volontaire compte tenu de ses actions, qui équivalaient, à mon avis, à du harcèlement et de la discrimination […]

[…]

[…] j'ai été licenciée parce que j'ai refusé de m'associer aux efforts du défendeur pour me réintégrer dans mes fonctions.

[Appréciation du rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée]

[Traduction]

[…] Mme Leclair […] a faussement prétendu que mon rendement était insatisfaisant depuis le début […]

[…]

Mon appréciation du rendement […] faisait état d'un rendement satisfaisant […]

[…]

[…] a été informé […] que mon rendement avait laissé à désirer lors de mes deux dernières affectations […]

[…]

[…] [l]es problèmes décrits dans cette appréciation sont de pures inventions.

[…]

[…] [c]ette appréciation est une pure invention et mentionne des problèmes qui n'existent pas.

[124]   J'estime que les dossiers dont je dispose établissent sans l'ombre d'un doute que la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée à la CCDP et les 13 griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-32584 concernent les mêmes faits et, selon toute indication, les mêmes acteurs. Les similitudes sont si nombreuses que, selon moi, elles minent profondément la crédibilité de l'argument de la fonctionnaire s'estimant lésée selon lequel les griefs [traduction] « […] par […] leur substance […] sont sans rapport avec les questions soulevées dans la plainte de discrimination […] ». Pour reprendre les paroles de l'arbitre de grief, au paragraphe 40 de Price c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 47, « […] Le grief et la plainte résultent du même ensemble de circonstances et les deux sont centrés sur la même prétendue action ou inaction de la part des mêmes particuliers […] ». La question fondamentale qu'il faut se poser est si la plainte à la CCDP et les 13 griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-32584 concernent les mêmes questions et si ces questions touchent essentiellement aux droits de la personne.

[125]   La fonctionnaire s'estimant lésée m'exhorte à conclure que les 13 griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-32584 soulèvent des questions d'emploi fondamentales différentes de celles soumises à la CCDP. J'admets qu'on puisse aborder les faits qui sous-tendent les 13 griefs de manière à en isoler les aspects liés à l'emploi. Sur la question, par exemple, du « manque de collaboration » de la fonctionnaire s'estimant lésée, en ce qui concerne l'évaluation médicale demandée par l'employeur, on pourrait dire que les incidents entourant cette évaluation ont permis d'éprouver l'empressement de la fonctionnaire s'estimant lésée à se conformer aux instructions de l'employeur. Suivant cette théorie, l'employeur aurait licencié la fonctionnaire s'estimant lésée parce qu'elle refusait en définitive à se soumettre à ses ordres, fonctionnaire s'estimant lésée parce qu'elle refusait en définitive de se soumettre à ses ordres, offrant ainsi à l'examen l'objectif et la nature disciplinaires de ses actes. C'est une théorie que je pourrais faire mienne et même appliquer à d'autres aspects des griefs si ce n'était que, dans sa plainte à la CCDP, la fonctionnaire s'estimant lésée elle-même intègre elle-même les détails de son allégation, qui se rapporte aux mêmes faits que les 13 griefs, dans une théorie qui repose inextricablement sur un motif de distinction illicite. Indépendamment des diverses allusions à des actes discriminatoires et de harcèlement qui émaillent sa description des faits dans la plainte à la CCDP et du libellé de la principale allégation en soi, c'est à la toute fin de la plainte que la fonctionnaire s'estimant lésée me semble résumer le mieux ses doléances :

[Traduction]

[…]

Aux environs du 4 juillet 2002, le défendeur m'a envoyé un document ayant pour titre [traduction] Avis de licenciement et choix des avantages, dans lequel il mentait quant aux motifs de mon licenciement. Il prétendait faussement que j'étais licenciée parce que j'étais en congé de maladie depuis deux ans et que j'étais incapable de travailler. Le défendeur a inventé ces raisons pour camoufler les mesures discriminatoires qu'il a prises à mon endroit en m'interdisant l'accès au lieu de travail afin de m'obliger à demander des prestations d'invalidité et, en dernier ressort, de me licencier .

[…]

[126]   Le fil conducteur qui relie les 13 griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-32584 et la plainte à la CCDP est que l'employeur a [traduction] « […] inventé […] » les raisons pour lesquelles il a licencié la fonctionnaire s'estimant lésée afin de [traduction] « […] camoufler les mesures discriminatoires […] » qu'il a prises à son endroit. La fonctionnaire s'estimant lésée peut-elle faire une telle affirmation dans le cadre d'un recours administratif de réparation et soutenir ensuite le contraire aux fins d'obtenir réparation sous le régime de l'ancienne Loi? Je ne le crois pas. Quand elle renvoie à d'autres documents dans son argumentation et sa réponse écrites pour établir le contexte factuel des mesures disciplinaires (p. ex., les lettres de Richard Barnabé du 29 avril et du 22 mai 2002), je n'ai d'autre choix que d'examiner ces documents en les situant dans le contexte des dossiers que j'ai devant moi, et notamment de la plainte à la CCDP dans laquelle elle accuse l'employeur, dans ses propres mots, d'avoir camouflé des faits et d'avoir fondamentalement agi de manière discriminatoire à son endroit. En faisant abstraction de ce contexte, je me trouverais, à toutes fins utiles, à autoriser la fonctionnaire s'estimant lésée à fractionner son cas pour multiplier les procédures afin de se prévaloir du recours qui lui est ouvert sous le régime de l'ancienne Loi. Je ne crois pas que je puisse faire cela.

[127]   L'argument de la fonctionnaire s'estimant lésée selon lequel les 13 griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-32584 touchent à des mesures disciplinaires ne s'accorde pas avec la plainte à la CCDP. Je ne puis faire abstraction des mots qu'elle y utilise. En comparant les détails de sa plainte à la CCDP au libellé des 13 griefs, on voit bien qu'ils sont directement reliés entre eux; c'est pourquoi j'estime que je suis en droit de me servir du libellé de la plainte à la CCDP pour apprécier l'objet fondamental des 13 griefs. J'en suis donc venu à la conclusion que les griefs reposent essentiellement sur une série d'allégations interdépendantes voulant que l'employeur ait camouflé les vrais motifs du licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée. Pour reprendre les termes utilisés par cette dernière, elle a été licenciée [traduction] « […] en raison d'une déficience perçue (incapacité mentale), en violation de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ». Compte tenu de cette conclusion, je suis convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, les questions soulevées dans les 13 griefs touchent principalement aux droits de la personne, ce qui m'oblige à conclure qu'un « […] autre recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale […] » pour faire valoir ses doléances -, c.-à-d. le processus de plainte prévu par la LCDP. Étant sans compétence pour trancher les 13 griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-32584, je les rejette donc.

[128]   Il me reste encore à examiner les trois griefs réunis dans les dossiers de la CRTFP 166-02-32585 et 32586. L'examen de leur libellé indique qu'il y est question d'une interdiction d'accès au lieu de travail, de demandes de certificat médical attestant que la fonctionnaire s'estimant lésée est apte à travailler ou d'une évaluation médicale forcée. Puisqu'ils ne sont pas substantiellement différents des 13 griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-32584, je conclus, pour les motifs déjà indiqués, qu'un autre «[…] recours administratif de réparation […] est ouvert à la fonctionnaire s'estimant lésée pour faire valoir ses doléances. Je rejette donc ces griefs pour motif d'absence de compétence.

[129]   J'ai conclu plus tôt que le volet du grief No 4 dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313 qui ne se rapporte pas à une violation de la convention collective et les trois autres griefs réunis dans ce dossier touchent à des questions de droits de la personne du seul fait que la fonctionnaire s'estimant lésée indique explicitement, dans ses observations du 4 septembre 2002, que [traduction] « […] [ses] griefs concernent un motif de discrimination illicite […] ». Au cas où j'aurais fait erreur en tirant cette conclusion, je conclus que le libellé de ces griefs touche essentiellement au refus d'autoriser la fonctionnaire s'estimant lésée à retourner au travail dont il est question dans les allégations de discrimination contenues dans la plainte à la CCDP. Pour les motifs déjà indiqués dans le cas des 19 griefs réunis dans les dossiers de la CRTFP 166-02-32584 à 166-02-32586, j'aurais également conclu qu'il existe un autre « […] recours administratif […] » pour obtenir réparation relativement aux questions soulevées dans le volet du grief No 4 dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313 qui ne se rapporte pas à une violation de la convention collective et les trois autres griefs réunis dans ce dossier.

[130]   Avant de conclure en l'espèce, je voudrais dire quelques mots sur la jurisprudence offerte par la fonctionnaire s'estimant lésée. Exception faite d'une brève mention de Boutilier dans ses observations et sa réponse écrites, la fonctionnaire s'estimant lésée me renvoie principalement à Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Québec (Procureur général), 2004 CSC 39, qui analyse la compétence de la Commission des droits de la personne du Québec par rapport à celle d'un arbitre régi par le Code du travail du Québec. La fonctionnaire s'estimant lésée offre cette décision au soutien de son argument qu'il faut analyser le « contexte factuel » d'une situation pour trancher une question de compétence. Voici ce que la juge en chef McLachlin a écrit à ce propos :

[…]

14. Il faut […] se demander dans chaque cas si la loi pertinente, appliquée au litige considéré dans son contexte factuel, établit que la compétence de l'arbitre en droit du travail est exclusive.

15. Cette question suppose deux étapes connexes. La première consiste à examiner les dispositions en cause et ce qu'elles prévoient au chapitre de la compétence de l'arbitre. La seconde - qui s'impose logiquement puisqu'il faut déterminer si le litige relève du mandat conféré par la loi - consiste à se pencher sur la nature du litige et à se demander s'il appert de la loi qu'il est du ressort exclusif de l'arbitre. La seconde étape favorise une plus grande adéquation entre le tribunal et le litige et contribue à ce que « les questions de compétence [soient] tranchées d'une manière […] conforme au régime législatif régissant les parties », comme le veut le raisonnement tenu dans Weber , précité; voir Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners , [2000] 1 R.C.S 360, 2000 CSC 14, par. 39.

[…]

[131]   J'estime que l'optique préconisée par la juge en chef McLachlin dans Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) n'est pas incompatible - la fonctionnaire s'estimant lésée ne prétend d'ailleurs pas le contraire -avec le cadre analytique utilisé dans la foulée de Boutilier pour déterminer la compétence d'un arbitre de grief régi par l'ancienne Loi qui doit se prononcer sur une question qui toucherait aux droits de la personne. Boutilier et les décisions d'arbitrage rendues par la suite partent d'une analyse de la législation pertinente pour en venir ensuite à l'examen de la nature du différend (c.-à-d. son « contexte factuel »). Le contexte législatif en cause dans Boutilier est bien sûr différent des régimes législatifs analysés dans la jurisprudence offerte par la fonctionnaire s'estimant lésée, mais la logique fondamentale, elle, reste la même. Je crois que les conclusions auxquelles j'en suis venu en l'espèce procèdent aussi de la même optique.

[132]   Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[133]   La contestation de la fonctionnaire s'estimant lésée quant à la présentation tardive et à la recevabilité des contestations de ma compétence par l'employeur est rejetée.

[134]   Le volet du grief No 4 dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313 qui se rapporte à une violation de la convention collective est rejeté.

[135]   Le volet du grief No 4 dans le dossier de la CRTFP 166-02-31313 qui ne se rapporte pas à une violation de la convention collective et les trois autres griefs réunis dans ce dossier sont rejetés.

[136]   Les 13 griefs réunis dans le dossier de la CRTFP 166-02-32584 sont rejetés.

[137]   Enfin, les trois griefs réunis dans les dossiers de la CRTFP 166-02-32585 et 32586 sont aussi rejetés.

Le 13 octobre 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Dan Butler,
arbitre de grief

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