Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée exerçait les fonctions d’un poste CS-01 à la GRC lorsqu’elle a accepté une mutation à un poste CS-01 à l’Agence des douanes et du revenu du Canada, devenue l’Agence du revenu du Canada (ARC) - après sa nomination au nouveau poste, le poste qu’elle occupait antérieurement à la GRC a été reclassifié rétroactivement au niveau 2 dans le groupe CS - la fonctionnaire s’estimant lésée conteste l’omission de l’ARC de tenir compte de la reclassification du poste en révisant son taux de rémunération à la nomination à son nouveau poste - la Politique sur les conditions d’emploi indique que la personne mutée ou mutée par nomination recevra le taux de rémunération qui se rapproche le plus, sans lui être inférieur, du taux de rémunération auquel elle avait droit à son niveau de titularisation immédiatement avant sa mutation ou nomination - les mots utilisés sont << avait droit >> plutôt que << recevait >> - l’arbitre de grief a rejeté la prétention de l’employeur selon laquelle la fonctionnaire s’estimant lésée lui demandait de reclassifier son poste - la fonctionnaire s’estimant lésée demandait simplement qu’on corrige son taux de rémunération à la nomination - l’arbitre de grief a également qualifié de non fondé en preuve ou en droit l’argument de l’employeur selon lequel la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas admissible à une mutation latérale à un poste de niveau inférieur et que rien ne l’autorisait à bénéficier des conséquences de la reclassification de son ancien poste sur son taux de rémunération à la nomination à l’ARC puisqu’elle n’était plus titulaire du poste au moment de la reclassification de celui-ci - il incombe à l’employeur de corriger les conséquences de l’erreur de classification. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-10-02
  • Dossier:  166-34-34769
  • Référence:  2006 CRTFP 106

Devant un arbitre de grief



ENTRE

RHONDA HARRIS

fonctionnaire s’estimant lésée

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

Employeur

Répertorié
Harris c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Paul Love, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Paul Reniers, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Adrian Bieniasiewicz, Agence du revenu du Canada


Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
le 11 mai 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]   Rhonda Harris, analyste de la technologie de l'information (TI) (CS-01) à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, à l'époque, a présenté un grief en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C., 1985, ch. P-35 (l'ancienne « Loi ») afin que son taux de rémunération à la nomination soit rajusté rétroactivement à la date où elle a été nommée à son nouveau poste, au même titre que les autres droits découlant de la reclassification de son poste antérieur à la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Elle conteste le refus de l'employeur de rajuster son taux de rémunération à compter de la date de sa nomination après que son employeur précédent, en l'occurrence la GRC, eut reclassifié son ancien poste avec effet rétroactif. Le grief a été renvoyé à l'arbitrage de grief le 24 novembre 2004. À la date du dépôt du grief, la fonctionnaire s'estimant lésée était employée par l'Agence des douanes et du revenu du Canada, devenue l'Agence du revenu du Canada (l'ARC ou « l'Agence »).

[2]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).

Résumé de la preuve

[3]   Dans sa réponse au dernier palier de la procédure de grief, D.G.J. Tucker, sous-commissaire, Ressources humaines, ARC, prétendait que le grief avait été présenté tardivement. L'avocat de l'employeur a toutefois abandonné cette position dès le début de l'instruction du grief en instance, sans soulever de question de compétence préliminaire. J'ai ensuite entendu le témoignage oral de la fonctionnaire s'estimant lésée. L'employeur  n'a pour sa part appelé aucun témoin.

[4]   Avant d'être employée par l'Agence, la fonctionnaire s'estimant lésée exerçait les fonctions d'administratrice du réseau local (LAN) régional à la GRC. Elle y occupait le poste no 2101, lequel était classifié dans le groupe CS, au niveau 1 (CS-01). Le fait est qu'elle s'acquittait des fonctions d'un poste CS-02, lesquelles consistaient à assurer le bon fonctionnement des serveurs LAN de la GRC, de Victoria à Nanaimo (Colombie-Britannique). Environ six à douze mois avant son départ de la GRC, elle a demandé que son poste soit reclassifié.

[5]   Mme Harris avait un ami qui travaillait à l'Agence et qui lui a proposé de venir y travailler car on avait besoin d'un CS-01. Mme Harris a déclaré que l'Agence lui avait demandé si elle était disposée à accepter une mutation plutôt que de se soumettre à un « processus externe ». La fonctionnaire s'estimant lésée a donc écrit à l'Agence pour demander une mutation si un poste se libérait.

[6]   Durant son témoignage, Mme Harris a indiqué qu'elle était prête à accepter une rétrogradation ou une mutation à un poste de niveau inférieur afin de quitter la GRC et de travailler à l'Agence.

[7]   Le 11 mars 2002, Art Gowling, directeur, Division des services de technologie de l'information, Région du Pacifique, a offert à Mme Harris une mutation latérale permanente à un poste CS-01 d'analyste TI, à compter du 29 mars 2002 (pièce E-1).  Mme Harris a accepté l'offre par écrit le 16 avril 2002. Dans une lettre datée du 18 avril 2002, Veronica Cormier, conseillère en rémunération (pièce G-3), lui fournissait de l'information [traduction] « […] concernant votre cessation d'emploi dans la fonction publique à compter de la fermeture des bureaux le 28 mars 2002 […] ». La lettre d'offre de l'employeur indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Le salaire auquel vous aurez droit à votre nomination sera déterminé en conformité avec le Règlement sur les conditions d'emploi applicable à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC).

[8]   Lorsqu'elle a quitté la GRC, le 29 mars 2002, Mme Harris était rémunérée au taux correspondant au 13e échelon de l'échelle de rémunération et sa rémunération annuelle s'établissait à 48 422 $. Si l'on compare les relevés de paie de la GRC (pièce G-2) à ceux de l'Agence (pièce G-4), on constate que Mme Harris a conservé le même taux de rémunération après sa mutation.

[9]   Après que Mme Harris eut accepté son nouveau poste, celui qu'elle occupait à la GRC a été reclassifié de CS-01 à CS-02, rétroactivement au 1er juillet 2001. On a alors déterminé que le taux de rémunération applicable correspondait au second échelon de l'échelle de rémunération CS-02, soit 50 663 $.

[10]   Le 20 juin 2003, Mme Harris a rempli un formulaire, décrit comme une demande de nomination intérimaire (pièce G-5), afin de recevoir le salaire rétroactif découlant de la reclassification de son ancien poste à la GRC. Scott Wiggley, ancien gestionnaire de Mme Harris à la GRC, lui a indiqué que c'était le seul moyen qu'on avait trouvé pour lui verser un salaire rétroactif vu que son poste avait été pourvu et que la GRC était effectivement incapable de payer deux fois pour le même poste. Mme Harris a donc suivi ces conseils et procédé de la manière suggérée par son ancien employeur. C'est ainsi qu'elle a reçu un salaire rétroactif de la GRC pour la période allant de la date de sa demande (le 1er juillet 2001) à la date de sa cessation d'emploi à la GRC.

[11]    Mme Harris se serait informée auprès de son nouvel employeur de la possibilité d'obtenir un rajustement de sa rémunération par suite de la reclassification de son ancien poste à la GRC. Le 29 juillet 2003, Dianna Giles, Service des ressources humaines, à Victoria, a envoyé un courriel à Susan Berndt, à l'administration centrale, pour savoir s'il était nécessaire de modifier le taux de rémunération de Mme Harris à compter du 29 mars 2002 par suite de la reclassification de son ancien poste à la GRC. Mme Berndt a répondu, le 28 août 2003, que si la GRC payait le nouveau salaire découlant de la reclassification, Mme Harris se trouverait à avoir été mutée à un poste de niveau inférieur.

[12]   Le 21 octobre 2003, Marie Thompson, Section des ressources humaines-fonction publique, Région du Pacifique, a envoyé le message suivant à Mme Giles, Service des ressources humaines :

[Traduction]

[…]

Veuillez trouver ci-joint le formulaire de demande de nomination intérimaire à la GRC, qui a été envoyé par télécopieur à Rhonda aujourd'hui. J'ai en ai obtenu une copie de la Section de la rémunération.  La période ouvrant droit à une rémunération provisoire relativement au poste CS-02 allait du 1er juillet 2001 au 28 mars 2002. La raison de cette demande est que le poste no 2101 a été reclassifié de CS-01 à CS-02. Puisque ce poste avait déjà été pourvu au moment où la décision en matière de classification a été rendue (dans l'année courante) et que la nouvelle classification entrait en vigueur le 1er juillet 2001, Rhona [sic] avait droit à une rémunération provisoire pour la période indiquée. Je tiens à préciser qu'aucune lettre n'a été envoyée.

[…]

[13]    L'Agence n'a pris aucune mesure administrative supplémentaire pour rajuster le taux de rémunération de Mme Harris.

[14]   Mme Harris a déposé en preuve à l'audience les notes manuscrites (pièce G-10) de David Grey, directeur régional, Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC). M. Grey n'a pas été appelé à témoigner et l'avocat de l'employeur n'a pas contesté l'admissibilité ou l'exactitude de la preuve, qui contenait des calculs. Bien que ce ne soit pas Mme Harris qui ait préparé ces calculs, elle considérait qu'ils étaient justes. Il s'agissait en fait d'une comparaison entre la rémunération versée à Mme Harris par l'Agence et ce à quoi elle prétendait avoir droit si son taux de rémunération à l'Agence était rajusté pour tenir compte de la reclassification de son poste à la GRC avec effet rétroactif. L'écart est de 3 418 $ (brut) pour la période allant du 28 mars 2002 au 22 mai 2003, date à laquelle Mme Harris a atteint le dernier échelon de l'échelle de rémunération CS-01 prévue par la convention collective.

[15]   Après avoir accepté son nouveau poste, Mme Harris a été rémunérée comme suit : 

48 422 $ à compter du 29 mars 2002 (13échelon);

49 948 $ à compter du 1er mai 2002 (14échelon);

50 148 $ à compter du 1er mai 2002 (augmentation prévue par le contrat);

51 953 $ à compter du 22 juin 2002 (augmentation prévue par le contrat);

53 540 $ à compter du 1er mai 2003 (15échelon);

53 540 $ à compter du 22 mai 2003 (augmentation prévue par le contrat).

[16]   Si l'employeur avait tenu compte de la reclassification de l'ancien poste et considéré que Mme Harris avait été « mutée à un poste de niveau inférieur », la fonctionnaire s'estimant lésée aurait eu droit, avance-t-elle, au taux de rémunération correspondant au 15e échelon, soit 51 474 $, à compter de la date de sa nomination. Elle prétendait ainsi qu'elle aurait eu droit aux taux de rémunération suivants :

51 474 $ à compter du 28 mars 2002;

57 680 $ à compter du 1er mai 2002;

53 540 $ à compter du 22 juin 2002;

55 127 $ à compter du 22 mai 2003.

[17]   En réponse au grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs, le 24 octobre 2003, C. Lovallo, gestionnaire de la TI, Île de Vancouver, Bureau des services fiscaux, indique que la rémunération de Mme Harris a été établie comme il se doit, conformément au paragraphe 26(2) de la Politique sur les conditions d'emploi (PCE). Il ajoute ensuite ceci :

[Traduction]

Rien ne prouve que Mme Harris a été reclassifiée au niveau de titularisation CS 2 chez son ancien employeur, en l'occurrence la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Les listes de paie de la GRC indiquent que le poste a été reclassifié (le 1er juillet 2001), mais pas Mme Harris.  Puisque cette dernière n'était pas titulaire du poste à la date de la reclassification (2003), son niveau de titularisation - CS 1 - demeure inchangé. Mme Harris avait droit à une « rémunération provisoire » pour la période allant du 1er juillet 2001 au 28 mars 2002, laquelle rémunération lui a été versée par la GRC.

[18]   Cette réponse a été confirmée au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

[19]   Au terme de l'argumentation de Mme Harris, l'avocat de l'employeur a demandé l'ajournement de l'audience afin de présenter ses arguments écrits car il était peu familier avec cet aspect du droit. L'avocat de l'agent négociateur s'y est opposé. J'ai déterminé que j'entendrais les arguments oraux des parties. Le grief de Mme Harris est en instance depuis quelque temps et vise la période allant du 28 mars 2002 au 22 mai 2003.

Résumé de l'argumentation

[20]   Mme Harris estime que l'arbitre de grief devrait tenir compte des effets de la reclassification de son poste à la GRC et voir à ce qu'elle soit rémunérée correctement pour les fonctions qu'elle exerce à l'ARC. Elle ne lui demande pas de reclassifier son poste au niveau CS-02, mais plutôt d'enjoindre à l'employeur de corriger les effets administratifs de la reclassification de son ancien poste à la GRC. Il s'agit, à son point de vue, d'une affaire à laquelle s'étend la compétence de l'arbitre de grief. La question de savoir si la rémunération a été calculée correctement est sans conteste matière à grief en vertu de la convention collective : Burnett c. le Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-21562 (1991) (QL).

[21]   Au moment où elle a quitté la GRC, Mme Harris avait droit au taux de rémunération et aux avantages associés à un poste CS-02. Le fait est que la GRC a tardé à admettre qu'elle avait des obligations à son endroit. Mme Harris indique que sa rémunération initiale à l'Agence devrait être considérée comme découlant d'une mutation à un poste de niveau inférieur si l'on compare le taux de rémunération du poste CS-02 à la GRC au taux de rémunération du poste CS-01 à l'Agence.  L'employeur doit donc appliquer le paragraphe 26(2) de la PCE de manière à ce que son taux de rémunération corresponde au taux qui se rapproche le plus, sans lui être inférieur, du premier échelon de l'échelle de rémunération CS-02. Autrement dit, son taux de rémunération devrait correspondre au 15e échelon de l'échelle CS-01,  soit 51 474 $ par année.

[22]   En effet, Mme Harris a accepté une mutation à un poste de niveau inférieur à l'Agence et l'ARC se doit de tenir compte de la rémunération provisoire découlant de la reclassification de son ancien poste et de rajuster sa rémunération et ses avantages en conséquence, puisque son taux de salaire à l'ARC devrait être basé sur celui auquel elle avait droit et non pas sur celui qu'elle recevait : Grant c. Conseil du Trésor (Agriculture et Agroalimentaire Canada), 2004 CRTFP 108. Elle avait droit d'être rémunérée au taux correspondant à celui du 15e échelon de l'échelle de rémunération.

[23]   Mme Harris étant une « employée du Conseil du Trésor » exerçant ses fonctions à la GRC en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP), l'ARC doit la traiter comme une employée de l'employeur avec des droits de recours (voir le paragraphe 55(3) de la Loi sur l'Agence du revenu du Canada, L.C. 1997, ch. 17 (Loi sur l'ARC)). Il s'ensuit que l'ARC doit s'acquitter à l'endroit de Mme Harris des obligations prévues par la LEFP.

[24]   Mme Harris m'a renvoyé au paragraphe 4.7-10 du programme de dotation de l'ARC, qui traite du recrutement externe et qui dit ceci :

[Traduction]

Il incombe aux personnes autorisées d'établir un taux de rémunération supérieur au taux minimal conformément à la directive sur le recrutement externe, en tenant compte, au besoin, des conditions d'emploi des employés de la fonction publique [sic].

[25]   L'ARC doit donc rajuster le taux de rémunération de Mme Harris. Pour l'application du paragraphe 26(2) de la PCE, ce taux doit correspondre à celui du dernier échelon de l'échelle de rémunération du poste, en l'occurrence, dans ce cas-ci, le 15e échelon.

[26]   L'agent négociateur affirme qu'il est absurde de prétendre que les droits découlant de la reclassification cessent d'exister quand l'employée quitte son poste. Il soutient qu'on devrait partir du principe que Mme Harris exerçait les fonctions d'un poste CS-02 et qu'elle a accepté une mutation à un poste de niveau inférieur, en l'occurrence un poste CS-01, à l'Agence et rajuster son taux de rémunération en conséquence. Il s'agit d'une absurdité que l'arbitre de grief est habile à corriger : Billett c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens combattants), 2006 CRTFP 28.

[27]   L'employeur plaide que le grief se rapporte à des questions salariales et qu'il a été renvoyé à l'arbitrage de grief en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi. L'agent négociateur doit donc démontrer que l'employeur a contrevenu aux dispositions de la convention collective et que la fonctionnaire s'estimant lésée ne s'est pas déchargée de ce fardeau. La rémunération de Mme Harris à l'Agence a été établie conformément à la convention collective (paragraphes 45.01 et 45.02) et concorde avec le taux de rémunération propre à la classification du poste auquel elle a été nommée. Le fait est que Mme Harris a été nommée au même poste et rémunérée au même taux que celui qu'elle recevait immédiatement avant sa nomination et que les dispositions des articles 23 ou 26 de la PCE ont été respectées.

[28]   Le rajustement demandé entraînerait la reclassification de Mme Harris. Or, l'arbitre de grief n'a pas compétence pour ordonner à l'ARC de reclassifier le poste de Mme Harris de manière à ce qu'elle obtienne la rémunération et les avantages associés à un poste CS-02. Tout en souscrivant aux principes énoncés dans Burnett, l'employeur plaide néanmoins que le niveau du poste de la fonctionnaire concernée dans cette affaire n'était pas remis en cause, que le poste avait été reclassifié, qu'il s'agissait du même employeur et qu'il était nécessaire de corriger une erreur administrative qui avait eu des conséquences salariales négatives. En l'espèce, le taux de rémunération de Mme Harris a été évalué correctement au moment où elle a accepté le poste et cela n'a eu aucune incidence salariale négative. L'employeur avance que les questions en litige étaient très différentes dans Grant, car il s'agissait d'établir le taux de rémunération d'une fonctionnaire qui avait obtenu une promotion durant la période de rétroactivité de la convention collective et dont le poste avait été reclassifié avec effet rétroactif, ce qui compliquait davantage le problème du taux de rémunération applicable.

[29]   L'employeur ajoute qu'à la date à laquelle le poste à la GRC a été reclassifié de CS-01 à CS-02, Mme Harris n'en était plus titulaire, si bien que le poste CS-02 à la GRC n'a jamais été son poste d'attache aux fins de l'établissement de son taux de rémunération à l'Agence. Si le poste avait été reclassifié avant son départ pour l'Agence, elle n'aurait pas été admissible à une mutation latérale car cela n'aurait pas cadré avec la définition de « mutation latérale permanente ». L'employeur avance aussi qu'elle n'aurait pas pu passer d'un poste CS-02 à la GRC à un poste CS-01 à l'Agence, car cela aurait équivalu à une rétrogradation et non pas à une mutation latérale permanente.

[30]   Il est purement hypothétique de supposer que l'ARC, un organisme distinct, aurait reclassifié le poste de CS-01 à CS-02 parce que la GRC avait reclassifié l'ancien poste de Mme Harris. Si son poste d'attache avait changé avant la date de sa mutation à l'ARC, l'employeur aurait pu décider de lancer un concours pour pourvoir le poste CS-01.

[31]   En ce qui concerne Billett, l'employeur affirme qu'il ne résulte aucune absurdité de l'application rigoureuse de la convention collective.

[32]   Mme Harris réplique qu'il n'est pas question de postes pourvus au paragraphe 26(2) de la PCE, mais du taux de rémunération auquel un employé a droit. L'employeur n'a pas démontré qu'il avait vérifié à quel échelon de l'échelle de rémunération Mme Harris devait être rémunérée. La fonctionnaire s'estimant lésée soutient qu'elle aurait accepté une nomination volontaire à un poste de niveau inférieur et que l'Agence avait un poste à lui offrir.

Motifs

[33]   L'employeur plaide qu'il n'a pas contrevenu à la convention collective et que la nomination de Mme Harris n'a entraîné aucune conséquence négative. En vertu du paragraphe 45.02 de la convention collective, l'employé a le droit d'être rémunéré pour services rendus au taux précisé à l'annexe « A » pour la classification du poste auquel il est nommé. Le taux de rémunération de Mme Harris correspondait à celui du 13e échelon de l'échelle de rémunération à sa nomination à l'Agence. Or elle prétend qu'il aurait dû correspondre à celui du 15e échelon, soit 51 474 $, à la nomination, puisque c'était l'échelon le plus élevé et que le poste CS-01 qu'elle occupait à la GRC était en réalité un poste CS-02. L'ARC s'est en fait basée sur la classification erronée pour établir son taux de rémunération à la nomination.

[34]    Selon l'analyse de Mme Harris, si l'on compare le taux de rémunération auquel elle soutient avoir droit par suite de la reclassification de son poste à la GRC (15e échelon de l'échelle CS-01) au taux qui a été établi à sa nomination à l'Agence (13e échelon de l'échelle CS-01), il ne fait aucun doute qu'elle a été pénalisée financièrement. Selon les calculs reproduits précédemment, la perte subie s'établit à 3 418 $ durant la période allant du 29 mars 2002 au 22 mai 2003.

[35]   Il m'apparaît que je devrai conclure que l'employeur a contrevenu à la convention collective si Mme Harris démontre avec succès que son taux de rémunération n'a pas été établi correctement. Il s'agit en fait de déterminer si le taux de rémunération de Mme Harris à l'ARC aurait dû être rajusté à la suite de la reclassification de son ancien poste à la GRC. Nul ne prétend en l'espèce que Mme Harris n'est pas assujettie aux conditions d'emploi énoncées dans la PCE. Il est indiqué au paragraphe 26(2) de cette politique que la personne mutée ou mutée par nomination recevra le taux de rémunération qui se rapproche le plus, sans lui être inférieur, du taux de rémunération auquel elle avait droit à son niveau de titularisation immédiatement avant sa mutation ou nomination.

[36]   L'arbitre de grief n'a pas le pouvoir de reclassifier ou d'enjoindre à l'employeur de reclassifier le poste d'un employé. La classification est du ressort exclusif de l'employeur, conformément à l'article 7 de l'ancienne Loi, et c'est notamment un droit reconnu à l'ARC à l'égard de ses effectifs par l'alinéa 51(1)a) de la Loi sur l'ARC. On me demande en fait de modifier ou de rajuster la rémunération de Mme Harris par suite de la reclassification de son ancien poste à la GRC après qu'elle eut accepté un poste CS-01 à l'Agence. Cette reclassification a eu une incidence sur le taux de rémunération de Mme Harris de la date de sa nomination à la date à laquelle elle a atteint le dernier échelon de l'échelle de rémunération prévue par la convention collective, soit le 22 mai 2003.

[37]   L'arbitre de grief a compétence pour se pencher sur les conséquences salariales des décisions rendues en matière de classification et la mise en ouvre de ces décisions par l'employeur. À ce propos, l'arbitre de grief a déclaré ce qui suit dans Burnett :

[…]

Selon l'employeur, je n'ai pas compétence pour instruire le grief de M. Burnett qui, soutient-il, porte sur une question de classification. Je ne suis pas d'accord. Ce qui est en litige ici, ce n'est pas le fait que M. Burnett devrait être EG-02 ou EG-03, mais les conséquences que cela entraîne pour lui du point de vue de la rémunération. Tel qu'il est signalé dans Macri (dossier de la Commission 166-2-15319) (l'employeur a présenté, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, une demande pour faire annuler la décision Macri, laquelle fut rejetée par la Cour - dossier A-1042-87) et dans Costain et autres (dossiers de la Commission 166-2-18508 à 19511), dans ces circonstances l'arbitre n'a pas à se prononcer sur le bien-fondé de l'évaluation des fonctions du fonctionnaire pour les besoins de la classification; il s'agit là d'une question qui est du ressort exclusif de l'employeur. Cependant, la rémunération à laquelle un fonctionnaire a droit à la suite de ces décisions va au cour même de la négociation collective et est une question fondamentale des conventions collectives conclues par l'employeur. En tant que telle, il s'agit donc d'une question qui peut être renvoyée à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi.

[…]

[38]   Dans Grant, l'arbitre de grief a conclu qu'il était nécessaire de tenir compte de la reclassification d'un poste avec effet rétroactif pour établir le taux de rémunération de la fonctionnaire s'estimant lésée à la date de sa promotion, même si elle avait quitté son poste à Santé Canada et travaillait désormais à Agriculture et Agroalimentaire Canada. Sa théorie était que la classification est du ressort exclusif de l'employeur, que la reclassification d'un poste est un aveu que le poste avait été « mal classé au départ » et que l'employeur se devait de « corriger son erreur au complet ». L'employée en cause exerçait les fonctions d'un poste CR-04, reclassifié par la suite au niveau CR-05, à Santé Canada, et avait obtenu une promotion à un poste FI-01 à Agriculture et Agroalimentaire Canada. Le cas concernait les « règles sur la promotion » ou le paragraphe 24(1) du Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique durant une période de rétroactivité. Le cas qui nous occupe se rapporte à une mutation d'un poste CS-01 dans la fonction publique à un poste CS-01 dans un organisme distinct.

[39]   Mme Harris a demandé une mutation à l'Agence, qui lui a offert un poste classifié au niveau CS-01 au moment de sa mutation. Or, après qu'elle eut accepté ce poste, celui qu'elle occupait à la GRC a été reclassifié, mais elle n'en était plus titulaire. La GRC lui a alors versé un salaire rétroactif jusqu'à la date de sa demande de mutation, au taux du poste reclassifié, salaire que l'ancien employeur a qualifié de rémunération provisoire. Il s'agissait en fait d'un arrangement administratif commode pour la GRC pour verser un salaire rétroactif à Mme Harris, mais qui ne s'accorde pas avec la véritable nature des faits. En effet, Mme Harris n'exerçait pas les fonctions d'un poste de niveau supérieur par intérim, d'où l'évaluation erronée du taux de rémunération à la nomination. Mme Harris demande que son taux de rémunération à la nomination au poste CS-01 soit rajusté pour tenir compte du fait que son ancien poste a été reclassifié avec effet rétroactif.

[40]   La PCE du Conseil du Trésor vise à s'assurer de l'application uniforme des conditions d'emploi dans la fonction publique. Le paragraphe 26(2) de la PCE prévoit ce qui suit :

[…]

Sous réserve des articles 27 et 28, la personne mutée ou mutée par nomination recevra le taux de rémunération qui se rapproche le plus, sans lui être inférieur, du taux de rémunération auquel elle avait droit à son niveau de titularisation immédiatement avant sa mutation ou nomination ou, si pareil taux n'existe pas, elle recevra le taux de rémunération maximum prévu pour le poste auquel elle est mutée ou nommée.

[…]

[Je souligne]

[41]   Je note qu'on utilise les mots « avait droit », au paragraphe 26(2), plutôt que le mot « recevait ». Ce droit englobe le concept du droit de l'employé par opposition à la décision salariale prise par l'employeur. À la date de la mutation, le droit de Mme Harris à la GRC faisait l'objet d'une révision.

[42]   L'argument de Mme Harris selon lequel « l'employeur » avait mal classifié son poste à l'époque où elle a présenté sa demande de mutation à l'Agence n'est pas dénué de fondement. La GRC a reclassifié le poste qu'elle occupait antérieurement pour le bénéfice du nouveau titulaire et a versé à la fonctionnaire s'estimant lésée un salaire provisoire en réparation des conséquences financières qu'avait entraînées la reclassification. Il s'agit, selon moi, d'un moyen technique utilisé par la GRC pour verser à Mme Harris le salaire rétroactif auquel elle avait droit par suite de la reclassification de son ancien poste CS-01 étant donné qu'elle n'en était plus titulaire.

[43]   Il ne fait aucun doute que Mme Harris aurait eu droit à la rémunération d'un poste CS-02 si elle était restée à la GRC. Il reste qu'aucune disposition de l'ancienne Loi ne m'autorise à ordonner que son poste à l'ARC soit reclassifié en ce sens. En quittant la GRC pour l'Agence, Mme Harris a-t-elle renoncé aux effets de la reclassification de son ancien poste à la GRC? Est-ce que le fait d'avoir accepté le poste CS-01 lui interdit d'obtenir une augmentation? L'employeur avance que je n'ai pas compétence pour ordonner la reclassification de son poste actuel. Or, Mme Harris ne demande pas que son poste soit reclassifié; elle veut juste que son taux de rémunération à la nomination soit rajusté.

[44]   L'employeur prétend que, s'il avait su que Mme Harris était en réalité titulaire d'un poste CS-02 et non d'un poste CS-01, il ne lui aurait pas offert le poste, car il était à la recherche d'un CS-01. Il soutient aussi qu'elle n'était pas admissible à une mutation latérale à un poste de niveau inférieur. L'employeur n'a appelé aucun témoin en l'espèce, si bien que je considère cet argument comme hypothétique et sans fondement. Mme Harris a déclaré de vive voix qu'elle était prête à accepter une rétrogradation ou une mutation latérale à un poste de niveau inférieur afin de quitter la GRC et de travailler à l'Agence.

[45]   L'employeur avance aussi que Mme Harris est en quelque sorte privée du droit de bénéficier des effets de la reclassification sur son taux de rémunération à la nomination puisqu'elle n'était plus titulaire du poste à la GRC lorsque la décision en matière de classification a été rendue. Or, l'employeur n'a présenté aucun élément de preuve ni invoqué quelque texte juridique pour étayer cet argument. La GRC avait classifié le poste par erreur au niveau CS-01 alors qu'il s'agissait en réalité d'un poste CS-02. Il est évident que Mme Harris n'a jamais exercé les fonctions du poste de façon provisoire même si la GRC a jugé plus pratique de lui faire remplir une demande de rémunération provisoire pour lui verser un salaire rétroactif au taux de rémunération applicable au poste CS-02. Le poste d'attache auquel Mme Harris avait droit immédiatement avant sa mutation était un poste CS-02 plutôt qu'un poste CS-01. Il s'ensuit que le taux de rémunération auquel elle avait droit au titre de son poste d'attache était donc celui s'appliquant à un poste CS-02.

[46]   Je me suis demandé si l'ARC était obligée de mettre en ouvre la décision en matière de classification rendue par la GRC, du moins en ce qui concerne le taux de rémunération de Mme Harris à la nomination. Afin de répondre à cette question, j'ai pris en considération l'effet du paragraphe 55(3) de la Loi sur l'ARC, qui est libellé comme suit :

55(3) Lorsqu'elle les admet à postuler un emploi en son sein, l'Agence traite les fonctionnaires, au sens de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, comme s'ils étaient ses employés et avaient les mêmes recours que ceux-ci.

[47]   Le paragraphe 55(3) de la Loi sur l'ARC accorde des recours aux employés au sens de la LEFP dans le cadre des processus de sélection et de nomination de l'ARC. Il y est indiqué que les employés de l'Agence ou de l'extérieur qui postulent un emploi sont traités de manière équitable ou transparente. Le fait de prendre en considération la candidature d'un employé en vue d'une nomination donne naissance à des droits de recours. L'ARC tient compte d'une multitude d'éléments lorsque vient le moment d'offrir un poste à l'Agence, dont le taux de rémunération à la nomination.

[48]   Mme Harris a accepté une mutation latérale permanente au nouveau poste. L'acceptation d'un nouveau poste ne devrait pas être considérée comme la confirmation que le taux de rémunération de l'ancien poste avait été établi correctement. L'une des conséquences de la reclassification d'un poste est que l'employeur est obligé de tenir compte des conséquences de cette mesure sur le taux de rémunération de l'employé. Si l'objectif de la PCE avait été de limiter l'impact de la reclassification d'un poste sur le taux de rémunération de l'employé en cas de mutation, on aurait indiqué « […] le taux de rémunération auquel l'employé était rémunéré » plutôt que « […] le taux de rémunération auquel [l'employé] avait droit à son niveau de titularisation immédiatement avant sa mutation ou nomination […] ». Ce libellé semble m'accorder la souplesse nécessaire pour statuer sur le cas et rendre justice en l'espèce.

[49]   Le législateur a accordé à l'ARC le droit exclusif de classifier les postes et les employés de l'Agence (voir l'alinéa 51(1)a) de la Loi sur l'ARC). Ces derniers auraient droit, à la reclassification de leur poste, au taux de rémunération associé à la nouvelle classification. À mon sens, il incombe à l'employeur de corriger les conséquences de l'erreur de classification. Je note que les ministères en cause dans Grant avaient tous deux le Conseil du Trésor pour employeur et que la fonctionnaire concernée avait droit aux avantages découlant de la reclassification de son poste et que l'employeur a été contraint de « […] corriger son erreur au complet ». Compte tenu du paragraphe 55(3) de la Loi sur l'ARC et des mots « […] traite les fonctionnaires […] comme s'ils étaient ses employés et avaient les mêmes recours que ceux-ci […] », l'ARC, en tant que nouvel employeur, est obligée de tenir compte des effets salariaux de la reclassification. L'employeur avance que je n'ai pas compétence pour reclassifier le poste de Mme Harris; or, ce n'est pas ce qu'elle demande. Elle veut plutôt que l'employeur rajuste son taux de rémunération à la nomination et qu'il « corrige son erreur au complet ». L'employeur doit toutefois traiter Mme Harris comme si elle était une employée de l'Agence pour les besoins des recours; or, une employée de l'ARC aurait certainement droit au rajustement de son taux de rémunération par suite de la reclassification de son poste.

[50]   Compte tenu des motifs exposés dans Grant, j'estime que Mme Harris a le droit d'être rémunérée au taux applicable à un poste CS-02 du 28 mars 2002, date de sa nomination, au 22 mai 2003.

[51]   Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[52]   Le grief de Mme Harris est accueilli. Mme Harris a droit à la rémunération correspondant au 15e échelon de l'échelle CS-01 du 28 mars 2002 au 22 mai 2003, moins les retenues obligatoires applicables, le cas échéant. En cas de difficultés pour établir ce montant, les parties peuvent me soumettre à nouveau le cas pour que je rende une décision. Je demeure donc saisi de l'affaire à cette fin pour une période de 60 jours à compter de la date de la présente décision.

Le 2 octobre 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Paul Love,
arbitre de grief

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