Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les postes des fonctionnaires s’estimant lésés ont été reclassifiés de PM-01 à PM-02 à la suite de la restructuration de l’unité des services de recouvrement et de l’entrée en vigueur de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) le 28 juin 2002 - la reclassification est entrée en vigueur le 12 mars 2002 - l’employeur a soutenu que les agents de recouvrement ont ainsi reçu de plus vastes pouvoirs d’ordre législatif et juridique et que les exigences étaient accrues au plan des connaissances et de la prise de décisions - les fonctionnaires s’estimant lésés ont fait valoir que leurs fonctions étaient demeurées les mêmes après l’adoption de la LIPR et que la date de rétroactivité aurait dû être le 1er janvier 2000, même si aucune preuve n’a été présentée quant à l’importance de cette date - l’employeur a contesté la compétence de l’arbitre de grief pour entendre les griefs en soutenant qu’il s’agissait de griefs de classification - conformément à l’article 7 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, l’employeur a compétence exclusive en matière de classification - les fonctionnaires s’estimant lésés ont soutenu que les griefs portaient sur la rémunération d’intérim, l’indemnisation et l’article de la convention collective qui accorde aux employés le droit à un exposé complet et courant de leurs fonctions - l’arbitre de grief a statué que la nouvelle description de travail du poste PM-02 était différente de l’ancienne et que la LIPR conférait aux fonctionnaires s’estimant lésés des responsabilités accrues - il incombait aux fonctionnaires s’estimant lésés d’établir qu’ils exécutaient les nouvelles fonctions du poste PM-02 depuis le 1er janvier 2000, mais la preuve a démontré que leurs nouvelles fonctions ne leur ont été attribuées qu’après l’entrée en vigueur de la LIPR - les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas déposé leur grief en temps opportun - l’arbitre de grief a statué qu’en raison de l’application de la décision Coallier de la Cour d’appel fédérale les fonctionnaires s’estimant lésés n’avaient pas droit une rémunération rétroactive à la date qu’ils prétendent être la date applicable - compte tenu de cette décision, l’arbitre de grief a déclaré qu’il n’était pas nécessaire de déterminer si les griefs portaient sur la classification ou la rémunération. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-11-24
  • Dossiers:  166-02-35538 et
    166-02-35540 à
    166-02-35548
  • Référence:  2006 CRTFP 130

Devant un arbitre de grief



ENTRE

ROBERT CAIRNS, GUY MCCULLUM, RICHARD ROBINSON, WILLIAM RYCHTAR, CAROL WEST, STEVEN WEST, GERARD CHARRON, GUY JOLY, DIANE LACERTE FOURNIER ET GINETTE VAILLANCOURT

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

employeur

Répertorié
 Cairns et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant des griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  D.R. Quigley, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés :  Chantal Homier-Nehmé, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Karl Chemsi, avocat et Amita R. Chandra, avocate


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 25 au 27 septembre 2006.
(Traduction de la C.R.TF.P.)

Griefs renvoyés à l'arbitrage

[1]   Les fonctionnaires s’estimant lésés sont des agents de recouvrement PM-02 dans l’unité des services de recouvrement au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (le « Ministère »). Leurs griefs se lisent ainsi :

[Traduction]

[Je] présente un grief concernant la date rétroactive du 12 mars 2002, car la description de poste selon la NGC était datée du 23 mars 1999, et une version préliminaire subséquente ne comportant que des modifications mineures était datée du 13 septembre 2002.

[2]   Ils cherchent à obtenir la mesure corrective suivante :

[Traduction]

[Je] demande un salaire rétroactif à partir du 1 er janvier 2000.

[3]   L’avocat de l’employeur a appelé deux témoins et a déposé 12 pièces. La représentante des fonctionnaires s’estimant lésés a appelé deux témoins et a déposé 13 pièces. Les parties ont convenu que Carol West témoignerait pour tous les fonctionnaires s’estimant lésés.

[4]   Les deux parties ont formulé des observations préliminaires.

[5]   Le 1 er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.  En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l'« ancienne Loi »).

Résumé de la preuve

[6]   La plupart des faits dans la présente espèce ne sont pas en litige. L’employeur soutient que la reclassification, en octobre 2002, des postes des fonctionnaires s’estimant lésés résultait de la restructuration de l’unité des services de recouvrement, ainsi que de la mise en vigueur de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) (pièce E-10), qui a remplacé la Loi sur l’immigration (pièce E-9) en 2002.

[7]   La position de l’employeur est que, à la suite de la restructuration de l’unité des services de recouvrement et de l’introduction de la LIPR, les agents de recouvrement devaient faire preuve d’un degré accru de connaissance, d’esprit de décision, de capacités et de compétences dans leur jugement de même que dans leurs techniques d’entrevue. C’était, en soi, reflété dans une description de travail révisée en date du 13 septembre 2002 (pièce G-1). Cette description de travail avait été envoyée à un comité de classification de trois personnes, qui a unanimement convenu, le 3 octobre 2002, que les postes PM-01 seraient portés au niveau PM-02 au 12 mars 2002. L’avocat de l’employeur a déclaré que la compétence d’un arbitre de grief en matière de classification est prévue à l’article 7 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP).

[8]   Les fonctionnaires s'estimant lésés maintiennent que leurs fonctions antérieures à l’entrée en vigueur de la LIPR sont restées les mêmes après l’introduction de la nouvelle législation et que, par conséquent, la date de prise d’effet du salaire rétroactif devrait être le 1 er janvier 2000. Les fonctionnaires s'estimant lésés n’ont jamais pendant la présente audience présenté une preuve ou une raison quant à la signification de cette date. Ils allèguent que la description de travail du 13 septembre 2000 selon la Norme générale de classification (NGC) (pièce G-7), dont ils avaient participé à la reformulation, comportait seulement des modifications mineures comparativement à la pièce G-1, soit la description de travail en date du 13 septembre 2002, qui a été examinée par le comité de classification.

[9]   La description de travail de mars 1997 relative aux agents de recouvrement PM-01 a été déposée en preuve (pièce E-3). Marie Latour, spécialiste de la classification ayant depuis lors quitté le Ministère pour prendre sa retraite, a donné des détails à ce sujet. (La pièce E-3 n’est pas datée, mais les deux parties ont convenu que la date de prise d’effet se situait en mars 1997.)

[10]   Mme Latour a expliqué que les agents de recouvrement ont, avec les cadres dirigeants et notamment avec André Couture, directeur des Opérations comptables, travaillé à la reformulation de la pièce G-7 en utilisant la NGC pour les descriptions de travail. Plusieurs de ces ébauches de descriptions de travail selon la NGC ont été produites en preuve, y compris, notamment, la pièce G-5, en date du 23 mars 1999, et la pièce G-7.

[11]   Mme Latour a également expliqué que, le 8 mai 2002, le Conseil du Trésor a annoncé que l’application d’une seule norme et d’une seule structure de rémunération n’était pas faisable dans l’environnement de l’époque. En d’autres termes, le projet de NGC a été annulé. En juin 2002, Mme Latour, M. Couture et Jean-Guy Brin, gestionnaire de l’unité des services de recouvrement, se sont réunis pour reformuler la description de travail des agents de recouvrement PM-01. Mme Latour a affirmé que, le 12 mars 2002 (pièce E-2), M. Couture a envoyé à Yvette Fontana-McGirr (son chef d’équipe de classification) un courriel demandant la reclassification des postes de superviseur et d’agent de recouvrement. Mme Latour a alors été affectée à des travaux portant sur cette demande.

[12]   Mme Latour a décrit la pièce G-7 comme étant une description de travail selon la NGC reconnaissant les fonctions générales d’un poste de PM-01. À la suite de discussions avec MM. Couture et Brin, il est devenu évident que les fonctions des agents de recouvrement PM-01 changeraient avec l’édiction de la LIPR. Leurs nouvelles fonctions ainsi que la nécessité de bien connaître la nouvelle législation ont été incorporées dans une description de travail révisée (pièce G-1). De concert avec Angela Mutsei et Bill Wackley, à savoir deux conseillers en classification, Mme Latour a comparé et évalué la pièce G-1 par rapport à l’ancienne description de travail (pièce E-3). Le 3 octobre 2002, ils ont recommandé que la classification PM-01 soit portée au niveau PM-02. Cette décision se fondait non seulement sur l’exigence selon laquelle les agents de recouvrement devaient avoir un plus haut degré de connaissance et remplir des fonctions d’ordre décisionnel, mais aussi sur l’exigence voulant que ces agents soient capables d’interpréter la nouvelle législation et de la communiquer à leurs clients. Ils ont analysé les postes d’agents de recouvrement PM-01 en fonction de postes comparables au sein de la fonction publique. Mme Latour a mentionné que le comité n’a utilisé ni la pièce G-5 ni la pièce G-7 dans le processus d’évaluation, car ces pièces étaient des ébauches de descriptions de travail selon la NGC.

[13]   Mme Latour a ajouté que les extraits suivants de la pièce G-1, qui ne figurent ni dans la pièce G-7 ni dans la pièce E-3, mettent en lumière les différences dans les fonctions des agents de recouvrement après l’entrée en vigueur de la LIPR. Sous la rubrique [traduction] « Information utilisée par d’autres », il est dit :

[Traduction]

[…]

Communiquer avec les employeurs des débiteurs pour les convaincre de collaborer à l’égard de l’accès à des fonds du débiteur, en les informant que, si un arrangement amiable ne peut être conclu, des mesures seront prises en vertu du paragraphe 147(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés pour saisir-arrêter le salaire de l’employé.

[…]

Aviser les débiteurs des conséquences du non-paiement des sommes appropriées, comme la compensation au moyen de la déclaration de revenu et/ou du transfert de comptes à des agences privées de recouvrement ou au moyen d’une action en justice. À ce sujet, analyser des cas et discuter avec les débiteurs pour négocier un calendrier de remboursement acceptable. Lorsqu’il n’y a pas de collaboration de la part du client, élaborer des cas soulignant tous les détails devant être pris en considération dans le cadre de ces programmes de recouvrement.

[…]

Fournir des renseignements aux groupes de parrainage concernant l’état des comptes, leur obligation de rembourser la dette ou leur obligation d’intervenir auprès du débiteur pour qu’il recommence à payer la dette.

Informer les débiteurs de leurs obligations de verser des cautionnements d’exécution (soit un engagement du client à veiller à ce que les conditions d’entrée au Canada d’un tiers soient respectées); à cet égard, convaincre les débiteurs de leurs obligations juridiques. Dans de tels cas, la mesure de recouvrement est plus agressive, vu le caractère exécutoire de la créance.

[…]

[14]   Sous la rubrique [traduction] « Connaissance du domaine de travail », il est dit :

[Traduction]

[…]

Le travail exige une connaissance des principes et techniques de comptabilité et de recouvrement. Il faut : résoudre tous les aspects de la gestion de la dette; déterminer et analyser les montants effectifs des revenus et des frais du débiteur; établir ou réviser les arrangements en matière de paiement; calculer les intérêts en se fondant sur le taux d’intérêt et la date de paiement, compte tenu de l’âge du compte, lequel peut être l’objet de la législation antérieure à 1994, de la législation postérieure à 1994 ainsi que de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR).

[…]

[15]   Mme Latour a en outre spécifié que l’extrait pertinent de la pièce E-3, dont le titre est [traduction] « RÉSULTATS AXÉS SUR LE SERVICE À LA CLIENTÈLE — Mettre en œuvre un programme de recouvrement à l’égard de comptes problèmes pour le secteur de l’immigration », a été changé pour ceci dans la pièce G-1 :

[Traduction]

Résultats axés sur le service à la clientèle

Recouvrement de prêts/de créances auprès d’immigrants/de réfugiés qui doivent de l’argent au ministère pour diverses raisons.

Recouvrement de trop-payés de programme ainsi que d’autres créances du ministère, auprès d’employés, de membres du public et d’immigrants récemment arrivés.

[16]   Mme Latour a conclu en affirmant que, avec l’édiction de la LIPR, les agents de recouvrement PM-01 ont reçu de plus vastes pouvoirs d’ordre législatif et juridique et que, avec l’exigence accrue quant aux connaissances et aux pouvoirs décisionnels, il avait été décidé que les postes PM-01 seraient reclassifiés de manière à devenir des postes de niveau PM-02.

[17]   Lors du contre-interrogatoire, Mme Latour a confirmé que la pièce G-7 n’a pas été envoyée pour fins de classification, car c’était une ébauche de description de travail selon la NGC; c’est la pièce E-3 qui a été utilisée à des fins de comparaison, puisque c’était la seule description de travail valable.

[18]   M. Couture a déclaré que le changement officiel dans la structure organisationnelle de l’unité des services de recouvrement est entré en vigueur au 5 novembre 2002 (pièce E-5). Le poste de gestionnaire a été reclassifié, de PM-04 à AS-06 (groupes et niveaux), avec prise d’effet en juin 2001; les postes de superviseur PM-02 ont été reclassifiés PM-04 au 12 mars 2002; les postes d’agent de recouvrement PM-01 ont été reclassifiés PM-02 au 12 mars 2002. En outre, la nouvelle structure comporte maintenant aussi des postes de perfectionnement d’agent de recouvrement  PM-01 et un poste de spécialiste de surveillance AS-04. Le personnel de soutien CR-04 fait encore partie de la structure; cependant, le poste de réceptionniste/commis au courrier a été supprimé.

[19]   Entre le 7 et le 14 novembre 2002, les fonctionnaires s'estimant lésés ont tous signé la description de travail révisée (pièce E-7) indiquant que leurs postes étaient reclassifiés PM-02 au 12 mars 2002. M. Couture a expliqué pourquoi il avait choisi le 12 mars 2002 comme date de prise d’effet.

[20]   M. Couture a affirmé qu’autant qu’il s’en souvienne, en mars 2001, le projet de LIPR en était à l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes et que, le gouvernement étant majoritaire, il pensait que la nouvelle mesure législative serait adoptée. La LIPR a été proclamée en vigueur le 28 juin 2002.

[21]   M. Couture a mentionné que, durant les mois de mars, d’avril et de juin 2002, les cadres dirigeants avaient commencé à revoir les descriptions de travail au sein de l’unité des services de recouvrement en prévision de l’édiction de la LIPR. De nouvelles politiques étaient produites; la délégation de pouvoirs était évaluée, et des communications étaient affichées sur le site Web du Ministère au sujet des changements proposés avec l’entrée en vigueur de la LIPR et à propos de la formation des employés à l’égard de la LIPR. M. Couture a spécifié que, le 12 mars 2002, il avait officiellement demandé une reclassification des postes d’agents de recouvrement et de superviseurs (pièce E-2). Il a signalé que c’était l’édiction de la LIPR et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (pièce E-11) qui avait influé sur les aspects du travail des fonctionnaires s'estimant lésés touchant les connaissances et le processus décisionnel.

[22]   M. Couture a déclaré que, bien que la LIPR n’ait été édictée que le 28 juin 2002, la décision de fixer une date de prise d’effet rétroactive à partir du 12 mars 2002 avait été prise de manière à reconnaître et indemniser les PM-01 et PM-02 reclassifiés, pour l’assimilation des nouveaux changements attribuables à la législation imminente. Il a ajouté que, dans un environnement opérationnel, on n’a pas le luxe de permettre que les employés passent des heures en salle de classe. Les cadres dirigeants reconnaissaient que les agents de recouvrement auraient besoin de temps pour absorber les changements imputables à la nouvelle législation et qu’ils seraient tenus de restructurer leurs questions ainsi que leur approche à l’égard de leurs clients par suite de leurs pouvoirs accrus avec l’introduction de la LIPR.

[23]   Pendant le contre-interrogatoire, M. Couture a précisé qu’il n’était pas d’accord avec la représentante des fonctionnaires s'estimant lésés pour dire que les fonctions des agents de recouvrement PM-01 étaient demeurées les mêmes après l’entrée en vigueur de la LIPR. M. Couture maintenait catégoriquement que les fonctions étaient différentes : les agents de recouvrement devaient dorénavant être plus rigoureux dans l’évaluation des dossiers des clients, et un degré plus élevé quant aux connaissances et aux processus décisionnels était requis.

[24]   Interrogé sur la question de savoir quelles nouvelles fonctions avaient été attribuées aux superviseurs PM-04, M. Couture n’a pu répondre. Durant le contre-interrogatoire, Mme Latour aussi n’arrivait pas à se souvenir des nouvelles fonctions qui avaient été attribuées.

[25]   De juillet 1982 à novembre 2002, Mme West a été agent de recouvrement PM-01. Le 7 novembre 2002, son poste a été reclassifié PM-02.

[26]   Mme West a témoigné que, en 1999, elle et M. Couture étaient membre d’un comité devant veiller à ce que les nouvelles fonctions non reflétées dans la pièce E-3 soient incorporées à une description de travail selon la NGC. Mme West a reconnu la pièce G-5 comme étant une ébauche de description de travail selon la NGC contenant des observations manuscrites de M. Couture. Les pièces G-6a) et b) renferment des commentaires des agents de recouvrement. Le résultat de cette collaboration a été la pièce G-7, qui n’a pas été envoyée au comité de classification.

[27]   Mme West a également témoigné que les fonctions décrites dans la pièce G-1 sont les mêmes que celles énoncées dans la pièce G-7, établie deux années auparavant. Elle a affirmé que ses fonctions n’avaient pas changé depuis 1999 et sont encore les mêmes aujourd’hui. Elle a en outre affirmé que le nouveau renvoi, dans la pièce G-1, au paragraphe 147(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés n’avait pas eu d’incidence sur ses fonctions et qu’elle n’avait jamais reçu de formation relativement à la LIPR.

[28]   Au sujet du document sur les procédures de saisie-arrêt (pièce G-8a)), Mme West a déclaré que la manière de procéder des agents de recouvrement en matière de saisie-arrêt n’a pas changé avec l’adoption de la LIPR le 28 juin 2002. Elle a mentionné que ses fonctions demeurent les mêmes : établir des lettres destinées aux clients, remplir le questionnaire financier, parler avec les clients par téléphone, s’assurer des paiements avec les employeurs quant aux retenues salariales, etc. Si un client ou un employeur ne veut pas obtempérer, le gestionnaire lui envoie une lettre indiquant que, conformément à l’article 147 de la LIPR, le salaire du débiteur sera l’objet d’une saisie-arrêt. Mme West a spécifié qu’elle établit les lettres indiquant que l’employeur a le droit de saisir-arrêter le salaire du débiteur en conformité avec le paragraphe 147(1) de la LIPR.

[29]   Elle a expliqué que les employeurs sont priés d’adhérer volontairement à la formule des retenues salariales si un immigrant ou un employé ministériel a une dette. Toutefois, le Ministère peut invoquer le paragraphe 147(1) de la LIPR si l’employeur est réticent à observer la disposition relative aux retenues salariales.

[30]   Tout comme avant la LIPR, les agents de recouvrement n’ont pas le pouvoir d’obliger un employeur à adhérer à la saisie-arrêt du salaire d’un immigrant ou d’un employé ministériel. Seul le gestionnaire de l’unité des services de recouvrement détient un tel pouvoir, ce qui ressort clairement de la pièce G-10. Mme West a affirmé n’avoir jamais été tenue de faire en sorte que le gestionnaire invoque la pièce G-10, qui avise un employeur que le Ministère a le pouvoir légal, selon le paragraphe 147(1) de la LIPR, d’exiger de l’employeur qu’il prenne les mesures nécessaires pour que le salaire d’un immigrant ou d’un employé ministériel soit versé au receveur général du Canada. Mme West a déclaré toutefois qu’elle n’était pas certaine si des collègues avaient déjà eu à invoquer le paragraphe 147(1) de la LIPR pour obliger un employeur à saisir-arrêter des salaires.

[31]   Mme West a reconnu la pièce G-9 comme étant le formulaire « Autorisation de retenues à la source » qui est maintenant utilisé. Elle a signalé cependant que, malgré le fait que l’ancien formulaire (pièce G-11) ne mentionnait pas le paragraphe 147(1) de la LIPR, ce facteur n’influençait pas le processus des retenues sur la paye.

[32]    Mme West a également signalé que le processus de saisie-arrêt n’existait pas avant l’introduction de la LIPR. Toutefois, en vertu de l’ancien processus, l’utilisation de la pièce G-11 exigeait qu’elle rédige une note à la direction générale des services juridiques du Ministère, devant être signée par le directeur. Cette note ne représente plus une exigence.

[33]   Mme West a témoigné qu’il n’y a eu aucune restructuration de postes au sein de l’unité des services de recouvrement et aucun changement dans les fonctions. Elle a agi comme superviseure PM-02 un certain nombre de fois entre 1998 et 2000, et les fonctions qu’elle remplissait alors sont les mêmes que celles exercées aujourd’hui par les superviseurs, bien que les postes de ces derniers soient maintenant au niveau PM-04. Elle a conclu en affirmant que ses fonctions comme agente de recouvrement n’ont pas changé depuis 1999.

[34]   Durant le contre-interrogatoire, Mme West a mentionné que, quoique le document relatif aux procédures de saisie-arrêt (pièce G-8a)) n’ait pas existé avant l’introduction de la LIPR, les procédures qu’elle suit maintenant dans l’établissement de la documentation, etc., sont les mêmes que celles qu’elle suivait dans le passé.

[35]   Janine Mercier a été la chef/gestionnaire de l’unité des services de recouvrement de 1996 à mai 2001. À l’époque, elle occupait un poste de PM-04 (groupe et niveau). Elle a témoigné que, lorsque son poste a été reclassifié AS-06 (groupe et niveau), il lui a fallu se présenter à un concours pour le poste mais elle a échoué, n’ayant pas le bagage financier nécessaire. Elle a également témoigné que, avant son départ en mai 2001, les postes PM-01 n’avaient pas été reclassifiés.

[36]   Mme Mercier a déclaré que le paragraphe 147(1) de la LIPR confère aux agents de recouvrement davantage de pouvoirs quant à la saisie-arrêt de salaires. À sa connaissance, toutefois, jamais un employeur n’a refusé que soient saisis-arrêtés les salaires d’un débiteur. Un employeur peut maugréer, mais il obtempère toujours.

[37]   Mme Mercier a mentionné que, bien que la pièce G-7 n’ait jamais été envoyée pour revue de classification,  la description de travail selon la NGC était plus à jour que la pièce E-3 et était utilisée aux fins de la dotation.

[38]   Lors du contre-interrogatoire, Mme Mercier a reconnu que la NGC était destinée à être une opération visant non pas à reclassifier des postes mais plutôt à mettre à jour les descriptions de travail de manière qu’elles reflètent les fonctions des postes.

Résumé de l’argumentation

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés

[39]   La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés a renvoyé à la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services des programmes et de l’administration (date d’expiration : 20 juin 2003). L’avocat de l’employeur a soulevé une objection au motif que, pendant les deux jours d’audience, il n’y avait eu aucune mention de la convention collective ou de dispositions pertinentes de celle-ci. L’avocat a ensuite dit qu’il était d’accord que la convention collective soit déposée comme pièce par consentement (pièce G-13).

[40]   Les griefs concernent un salaire rétroactif basé sur le fait que les fonctionnaires s'estimant lésés ont exercé les fonctions d’un niveau de classification supérieur (PM-02) avant la date officielle de la reclassification de leurs postes de PM-01.

[41]   La pièce G-1, en date du 13 septembre 2002, indique essentiellement les mêmes fonctions que la pièce G-7, qui est datée du 13 septembre 2000.

[42]   La mesure corrective demandée est une indemnisation et non une classification.

[43]   L’omission de l’employeur de prendre des mesures pour que la pièce G-7 soit classifiée en temps opportun était une négligence de sa part, et les fonctionnaires s'estimant lésés ont droit à un salaire rétroactif à partir du 1 er janvier 2000 plutôt que du 12 mars 2002.

[44]   Les propres témoins de l’employeur, Mme Latour et M. Couture, n’ont pu déterminer les nouvelles fonctions attribuées aux superviseurs. Mme West a témoigné que, entre 1998 et 2000, elle a agi comme superviseure et que, autant qu’elle s’en souvienne, les fonctions du poste n’ont pas changé.

[45]   En ce qui a trait à la restructuration de l’unité des services de recouvrement, le seul changement important est que le poste de chef/gestionnaire a été reclassifié, de PM-04 à AS-06 (groupes et niveaux). De plus, le poste de réceptionniste/commis au courrier a été supprimé.

[46]   Mme West a témoigné qu’aucune formation n’a été assurée aux agents de recouvrement après l’introduction de la LIPR.

[47]   La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés a fait référence à l’alinéa 64.07a) de la convention collective, qui se lit comme suit :

64.07

a)   Lorsque l’employé-e est tenu par l’Employeur d’exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d’un niveau de classification supérieur et qu’il ou elle exécute ces fonctions pendant au moins trois (3) jours de travail ou postes consécutifs, il ou elle touche, pendant la période d’intérim, une rémunération d’intérim calculée à compter de la date à laquelle il ou elle commence à remplir ces fonctions, comme s’il ou elle avait été nommé à ce niveau supérieur.

[48]   La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés arguait que ces derniers exécutaient à titre intérimaire une grande partie des fonctions d’un niveau de classification supérieur (PM-02) avant le 12 mars 2002. Elle a également fait référence à la clause 55.01 (« Exposé des fonctions »), qui dit :

55.01 Sur demande écrite, l’employé-e reçoit un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, y compris le niveau de classification du poste et, le cas échéant, la cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu’un organigramme décrivant le classement de son poste dans l’organisation.

[49]   La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés a conclu en affirmant que ces derniers n’ont pas reçu un exposé complet et courant de leurs fonctions et responsabilités.

[50]   La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés a renvoyé aux cas suivants : Stagg c. Canada (Conseil du Trésor), [1993] A.C.F. n o 1393 (QL); Blais c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossier de la CRTFP 166-2-15006 (1986); Macri c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), dossier de la CRTFP 166-2-15319 (1987); Vanier c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-2-23562 (1994); Woodward c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), 2000 CRTFP 44.

Pour l’employeur

[51]   L’avocat de l’employeur a formulé une objection au renvoi à l’alinéa 64.07a) de la convention collective, car aucune mention d’une rémunération d’intérim n’a été faite dans les griefs. La mesure corrective que les fonctionnaires s'estimant lésés cherchent à obtenir est que l’arbitre de grief leur accorde un salaire rétroactif au 1 er janvier 2000. Cela impliquerait que l’arbitre de grief doit déterminer que la description de travail du 13 septembre 2000 (pièce G-7) aurait dû indiquer une classification de PM-02. La jurisprudence établit clairement que les arbitres de griefs ne sont pas des experts en classification.

[52]   La position de l’employeur est que l’introduction de la nouvelle législation a donné lieu à l’opération de reclassification et que M. Couture avait alors eu une occasion légitime de réécrire la description de travail et de la soumettre à un comité de classification pour révision.

[53]   Connaître la LIPR et son règlement correspondant est une nouvelle responsabilité qui n’était pas indiquée dans la pièce G-7. Cette responsabilité constitue maintenant une partie essentielle des fonctions quotidiennes des agents de recouvrement. Même si ces derniers ne font pas référence à ces documents, ils y ont accès. En outre, les agents de recouvrement ont maintenant le pouvoir d’obliger un employeur à permettre que soient effectuées des retenues salariales et que soit saisi-arrêté le salaire.

[54]   Les agents de recouvrement sont « les yeux, les oreilles et la bouche » du ministre. C’est eux qui sont au téléphone avec les clients; ils sont pour ainsi dire au front et doivent préparer une analyse rigoureuse et proposer une décision pouvant être justifiée auprès du gestionnaire, qui déterminera ce qu’il en sera des retenues à la source.

[55]   L’avocat de l’employeur a conclu en affirmant que c’est aux fonctionnaires s’estimant lésés qu’incombe la charge de prouver que l’entrée en vigueur de la LIPR n’a pas donné lieu à la reclassification de leurs postes. Ils ne se sont toutefois pas acquittés de cette charge.

[56]   L’avocat a renvoyé aux cas suivants : Burchill c. Le procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109; Nagle c. Conseil du Trésor (Consommation et Corporations), dossier de la CRTFP 166-2-21445 (1991); Gendron c. Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossier de la CRTFP 166-2-19054 (1989); Gvildys c. Conseil du Trésor (Santé Canada), 2002 CRTFP 86.

Réplique des fonctionnaires s'estimant lésés

[57]   La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés a argué que la reclassification à PM-02 n’est pas en litige. Ce qui est en litige, c’est la question de savoir si les fonctionnaires s'estimant lésés accomplissaient le même travail en 2000 qu’en 2002. La seule différence est la mention actuelle de la LIPR dans leur description de travail. La LIPR confère au ministre le pouvoir législatif d’autoriser le recouvrement d’une créance auprès d’un employeur réticent à obtempérer. Les agents de recouvrement sont chargés de recouvrer des créances, et les procédures qu’ils suivent n’ont pas changé. Ils ne sont pas signataires autorisés. Faire preuve de jugement pour déterminer si un débiteur est capable de payer ou s’il a un emploi était déjà une exigence de leur poste. Si les agents de recouvrement n’arrivaient pas à recouvrer une créance, ils enverraient le dossier à la direction générale des services juridiques du Ministère. La LIPR facilite ce processus, le Ministère ayant maintenant le pouvoir législatif nécessaire.

[58]   Les fonctions des agents de recouvrement sont restées les mêmes.

[59]   La LIPR est un texte législatif faisant autorité dont l’exécution relève du ministre. Pour l’essentiel, les fonctions des agents de recouvrement consistent à recouvrer des créances, si c’est possible, et les mesures qu’ils prennent pour ce faire n’ont pas changé. Les évaluations des agents de recouvrement antérieures et postérieures à l’introduction de la LIPR sont rigoureuses et défendables.

Motifs

[60]   L’alinéa 64.07a) de la convention collective applicable se lit comme suit :

64.07

a)   Lorsque l’employé-e est tenu par l’Employeur d’exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d’un niveau de classification supérieur et qu’il ou elle exécute ces fonctions pendant au moins trois (3) jours de travail ou postes consécutifs, il ou elle touche, pendant la période d’intérim, une rémunération d’intérim calculée à compter de la date à laquelle il ou elle commence à remplir ces fonctions, comme s’il ou elle avait été nommé à ce niveau supérieur.

[61]   Les fonctionnaires s’estimant lésés soutiennent que cet alinéa donne à l’arbitre de grief le pouvoir d’entendre leurs griefs et de leur accorder la mesure corrective qu’ils demandent.

[62]   L’avocat de l’employeur a fait référence à l’article 7 de la LRTFP, qui spécifie ceci : « La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité de l’employeur quant à [...] la classification de ces derniers [les postes] » au sein de la fonction publique.

[63]   De plus, l’avocat maintenait que l’article 7 de la LRTFP empêche l’arbitre de grief d’entendre les griefs sur le fond.

[64]   L’alinéa 92(1)a) de la LRTFP dit :

92.(1)  Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur :

  1. l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

[65]   La question de compétence dépend de la question de savoir si les griefs se rapportent à la classification de postes dans la fonction publique ou à l’interprétation ou à l’application d’une disposition d’une convention collective. Si les griefs peuvent être considérés comme des griefs de classification, alors, indépendamment des dispositions de l’alinéa 64.07a) de la convention collective applicable, un arbitre de grief n’a pas compétence pour traiter d’une telle question.

[66]   Le principal argument des fonctionnaires s’estimant lésés reposait sur une comparaison des descriptions de poste de septembre 2000 et de septembre 2002. La représentante des fonctionnaires s’estimant lésés soutenait que les deux descriptions de poste étaient identiques et que ces fonctionnaires avaient donc droit à une rémunération d’intérim pour une période précise précédant leur reclassification par l’employeur. Certes, un tel grief est un grief d’indemnisation plutôt que de classification, mais je ne suis pas d’accord pour dire que les fonctions des fonctionnaires s'estimant lésés n’ont jamais changé. Ayant examiné les deux documents, je signale qu’il y a des différences entre les deux, comme Mme Latour l’a décrit dans son témoignage, résumé au paragraphe 13. J’accepte en outre la preuve des témoins de l’employeur selon laquelle l’introduction de la LIPR a accru les responsabilités des agents de recouvrement. Quoique les fonctionnaires s'estimant lésés soient sincères dans leur conviction que leurs fonctions n’ont pas changé, il m’apparaît clairement que leurs responsabilités ont bel et bien changé et que ce changement était ce que l’employeur avait déterminé comme justifiant une classification supérieure.

[67]   Pour que les fonctionnaires s'estimant lésés aient gain de cause dans le présent grief, il leur incombe de me prouver que les mêmes fonctions et responsabilités existaient en janvier 2000. La preuve qui m’a été présentée révèle que tel n’était pas le cas et que tel ne pouvait en réalité être le cas, car le texte législatif habilitant à l’égard des nouvelles responsabilités n’existait pas avant l’entrée en vigueur de la LIPR.

[68]   La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés a argué que les griefs sont des griefs d’indemnisation étant donné que la mesure corrective demandée est une indemnisation plutôt qu’une reclassification. La mesure de redressement demandée dans un grief ne détermine pas nécessairement comment le grief sera considéré. Bien que la mesure de redressement demandée puisse être une indemnisation, si la demande de redressement découle de ce qui est essentiellement un grief de classification, je n’ai pas compétence, en application de l’article 7 de la LRTFP. Toutefois, vu ma décision susmentionnée, je n’ai pas à formuler de conclusions supplémentaires sur la question de savoir si les présents griefs doivent être considérés comme des griefs relatifs à la rémunération ou à la classification.

[69]   La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés soutenait aussi que les cadres dirigeants avaient fait preuve de négligence en ne procédant pas en temps opportun à la classification concernant la pièce G-7, soit la description de poste selon la NGC. Même si c’était le cas, une telle omission de la part de l’employeur n’aurait pas pour effet, sans preuve supplémentaire, de donner gain de cause aux fonctionnaires dans le présent grief. Premièrement, je souligne que l’on n’a présenté aucune preuve selon laquelle M. Couture a garanti ou promis aux fonctionnaires s'estimant lésés que la description de travail selon la NGC (pièce G-7) serait envoyée à la classification ou qu’un niveau PM-02 serait le résultat d’une opération de classification. Deuxièmement, si, à l’époque de l’établissement de la pièce G-7, les fonctionnaires s'estimant lésés considéraient que ce document, plutôt que leur précédente description de poste, était un reflet fidèle de leurs fonctions et qu’il aurait dû être adopté et ensuite envoyé pour les fins de la classification, ils auraient dû veiller à faire cette demande aux cadres dirigeants. En conformité avec la convention collective, il appartient aux fonctionnaires s'estimant lésés de prendre des mesures s’ils sont d’avis que leur classification n’est pas adéquate. Ils doivent aussi prendre ces mesures en temps opportun et non deux ans après.

[70]   Les fonctionnaires s’estimant lésés ont argué que le point litigieux est la date de prise d’effet de la reclassification de PM-01 à PM-02. Ils avaient la charge de prouver pourquoi ils ont choisi le 1 er janvier 2000 comme date de prise d’effet et de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils exerçaient les fonctions du poste PM-02 depuis cette date. La seule preuve présentée à cet égard a été le témoignage de Mme West selon lequel les fonctions de cette dernière n’ont pas changé depuis 1999. L’employeur a contredit la déposition de Mme West en produisant des documents qui traitent de modifications législatives résultant de l’introduction de la LIPR et de son règlement, lesquels documents indiquaient de manière claire que les nouvelles fonctions étaient officiellement confiées aux agents de recouvrement.

[71]   Même si je reconnais qu’il s’agit ici d’une question d’interprétation de convention collective, les principes établis dans Coallierc. Office national du film du Canada, [1983] A.C.F. n o 813, entrent en jeu. Les trois derniers paragraphes de la décision de la Cour d’appel fédérale se lisent comme suit :

[…]

Il nous semble que, suivant l’article 25.03 de la convention collective, le grief de l’intimé ne pouvait se rapporter qu’au salaire que l’employeur aurait dû lui payer dans les 20 jours précédant la présentation du grief. L’arbitre a eu tort de dire que l’intimé pouvait réclamer plus que cela.

Enfin, contrairement à ce qu’a plaidé l’avocat de la requérante, nous croyons que l’intimé avait droit, comme l’a jugé l’arbitre, au salaire qui, suivant la convention collective, était attaché au poste qu’il occupait.

Il s’ensuit que la requête sera accueillie, la décision attaquée sera cassée et l’affaire sera renvoyée à l’arbitre pour qu’il la décide de nouveau en prenant pour acquis que le grief de l’intimé n’était pas recevable pour la période antérieure à celle de 20 jours ouvrables précédant la présentation du grief.

[…]

[72]   Par conséquent, je conclus que, même si je devais accueillir les griefs, les fonctionnaires s'estimant lésés ne seraient pas en droit de recevoir une rémunération rétroactive à partir de l’an 2000, étant donné qu’ils n’ont déposé leurs griefs qu’en 2002 et qu’ils ont déjà été payés rétroactivement à partir d’une date représentant beaucoup plus que la période maximale de 25 jours prévue dans leur convention collective.

[73]   Ces griefs ont été déposés en novembre 2002, mais les fonctionnaires s'estimant lésés demandent un salaire rétroactif à partir du 1 er janvier 2000. Il ressort nettement de Coallier qu’un fonctionnaire s’estimant lésé ne peut revenir à une date qui dépasse la période de 25 jours antérieure au dépôt du grief. En l’espèce, les fonctionnaires s'estimant lésés ont été payés au 12 mars 2002, ce qui dépasse de beaucoup la période de 25 jours.

[74]   L’affaire Stagg c. Canada (Conseil du Trésor) concernait une demande par laquelle la fonctionnaire s’estimant lésée cherchait à obtenir une rémunération d’intérim pour la période antérieure à la reclassification de son poste à un niveau supérieur. L’arbitre de grief avait déterminé qu’il s’agissait d’une question de classification et avait déclaré qu’il n’avait pas compétence. Le juge Muldoon de la section de première instance de la Cour fédérale a, en examinant la décision de l’arbitre de grief, considéré que, vu la preuve non contredite selon laquelle la fonctionnaire s’estimant lésée exécutait une grande partie des fonctions d’un niveau de classification supérieur pendant la période en cause, il n’y avait pas de raison que l’arbitre de grief décline sa compétence, puisque c’était « nettement une affaire de grief portant sur la rémunération ».

[75]   Dans Stagg, il y avait une entente entre les parties quant aux fonctions et responsabilités de la fonctionnaire s’estimant lésée. En l’espèce, la position de l’employeur est que, après l’introduction de la LIPR, les fonctions des agents de recouvrement ont changé, ce qui a donné lieu à une reclassification à un niveau supérieur. Les fonctionnaires s'estimant lésés croient toutefois que leurs fonctions n’ont pas changé depuis 1999 et ils contestent la date de prise d’effet de la reclassification à PM-02.

[76]   La clause 55.01 de la convention collective se lit comme suit :

ARTILCE 55

EXPOSÉ DES FONCTIONS

55.01 Sur demande écrite, l’employé-e reçoit un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, y compris le niveau de classification du poste et, le cas échéant, la cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu’un organigramme décrivant le classement de son poste dans l’organisation.

[77]   Quand on traite d’une question de classification, les fonctions et les responsabilités du poste sont examinées et évaluées. Il n’importe pas de savoir si l’employé exerce quotidiennement toutes les fonctions énumérées dans la description de travail. Ce qui est important, c’est que l’employé soit chargé de remplir ces fonctions au besoin. 

[78]   Par conséquent, la preuve des fonctionnaires s'estimant lésés selon laquelle ils n’ont jamais utilisé les procédures de saisie-arrêt n’est pas pertinente aux fins de l’opération de classification. Ce qui est pertinent, c’est qu’ils ont la possibilité et le pouvoir de le faire.

[79]   L’employeur a affirmé que non seulement les fonctions mais aussi les responsabilités des fonctionnaires s’estimant lésés ont changé. Quoique leurs fonctions puissent ou non avoir beaucoup changé, il reste que, par suite de l’introduction de la LIPR et de son règlement, leurs responsabilités ont bel et bien changé. La question de savoir s’ils invoquent les textes habilitants dans l’exercice de leurs fonctions quotidiennes n’est pas pertinente. Il s’agit de savoir s’ils peuvent invoquer au besoin ces textes.

[80]   Me fondant sur la preuve, je conclus que l’introduction de la LIPR a été le catalyseur de l’opération de reclassification. Bien que les agents de recouvrement puissent ne pas utiliser quotidiennement les pouvoirs qui leur sont conférés, ces pouvoirs ainsi que les exigences du poste sur le plan des connaissances et sur le plan décisionnel représentaient, d’après les experts en classification, ce qui justifiait le passage au niveau supérieur PM-02.

[81]   Vu l’article 7 de la LRTFP, je suis obligé d’accepter la conclusion de l’employeur quant à la classification. L’argument des fonctionnaires s'estimant lésés reposait entièrement sur la conviction qu’il n’y a pas eu de changement dans les fonctions, soit un argument que je rejette. S’ils avaient soutenu qu’ils avaient droit à une rémunération d’intérim indépendamment du changement dans les fonctions, je serais d’accord avec l’employeur pour dire qu’un tel grief doit être considéré comme un grief de classification.

[82]   De plus, si les fonctions des fonctionnaires s'estimant lésés n’ont pas changé depuis 1999 comme le prétend Mme West, alors pourquoi ces fonctionnaires ont-ils choisi la date du 1 er janvier 2000?

[83]   Je suis d’avis que, en janvier 2000, les fonctionnaires s'estimant lésés auraient dû invoquer la clause 55.01 de leur convention collective et demander un exposé complet et courant de leurs fonctions et responsabilités. Il ne m’a pas été prouvé qu’ils l’aient fait. Je signale qu’il aurait été prudent de leur part de le faire ou de déposer alors un grief pour protéger leurs droits.

[84]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[85]   Les présents griefs sont rejetés.

Le 24 novembre 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

D.R. Quigley,
arbitre de grief

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