Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés occupaient des postes de numéro identique et accomplissaient les mêmes fonctions, mais ont été reclassés du groupe DA au groupe GL et finalement au groupe et au niveau CS-01 - les reclassifications à CS--01 étaient rétroactives à la date effective de reclassification, mais l’indemnité provisoire (IP) n’était pas rétroactive - les deux fonctionnaires s’estimant lésés ont contesté la décision de l’employeur en déposant des griefs - selon la convention collective, pour être admissible à l’IP, il faut être titulaire d’un poste classifié dans le groupe et aux niveaux CS-01 à CS-05, et accomplir des fonctions dans le groupe Systèmes d’ordinateurs - les fonctionnaires s’estimant lésés satisfaisaient aux deux conditions - l’employeur, dans les lettres de reclassification, a déterminé que les fonctionnaires s’estimant lésés étaient des titulaires de postes CS-01 et l’avaient toujours été, du fait que leurs fonctions et numéros de poste n’avaient pas changé - la jurisprudence soutenait la revendication du droit de rétroactivité de l’IP - d’après la convention collective, c’est le fait d’exercer les fonctions qui donne droit à l’IP. Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-11-06
  • Dossiers:  166-02-36220 et 36221
  • Référence:  2006 CRTFP 122

Devant un arbitre de grief



ENTRE

TONY RICE ET ANTHONY DEL VASTO

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Rice et Del Vasto c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant des griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Barry D. Done, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés :  Alan H. Phillips, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Renée Roy, avocate


Affaire entendue à Fredericton (Nouveau-Brunswick),
les 1er et 2 août 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Griefs renvoyés à l'arbitrage

[1]    Les fonctionnaires s'estimant lésés travaillent comme techniciens de soutien de la technologie de l'information à la base des Forces canadiennes à Gagetown (Nouveau-Brunswick) et ils occupent des postes de CS-01 (groupe et niveau). La convention collective applicable est celle entre le Conseil du Trésor et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) (pièce 1) ayant expiré le 21 décembre 2004. Au début de l'audience, huit pièces en tout ont été déposées par consentement :

  • pièce 1 : la convention collective;
  • pièce 2 : un « exposé conjoint des faits »;
  • pièce 3 : une lettre de reclassification en date du 7 juillet 2004 à M. Del Vasto;
  • pièce 4 : une lettre de reclassification en date du 7 juillet 2004 à M. Rice;
  • pièce 5 : une « fiche de mesure de classification » pour M. Del Vasto;
  • pièce 6 : une « fiche de mesure de classification » pour M. Rice;
  • pièce 7 : la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l'ancienne LRTFP);
  • pièce 8 : la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R., ch. P-32 (LEFP).

[2]    Le 17 août 2004, les deux fonctionnaires s'estimant lésés ont présenté des griefs presque identiques (la seule exception étant l'étendue de la rétroactivité demandée). Essentiellement, les fonctionnaires s'estimant lésés veulent se voir payer une indemnité provisoire (IP) rétroactive à partir de la date de prise d'effet de leur reclassification : dans le cas de M. Del Vasto, le 21 octobre 2003; dans le cas de M. Rice, le 21 août 2000.

[3]    Outre qu'elles ont déposé la pièce 2, soit l'« exposé conjoint des faits », les parties ont appelé un témoin chacune.

[4]    Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l'ancienne LRTFP.

Résumé de la preuve

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés

[5]    M. Del Vasto n'était pas présent à l'audience mais avait fourni des instructions écrites à son représentant pour que ce dernier produise sa preuve en son absence.

[6]    M. Rice a commencé à travailler pour le ministère de la Défense nationale le 4 juillet 2000, comme DA-PRO-04. Bien qu'il ait eu pendant une période de six ans trois classifications (il est passé de DA-PRO-04 à GL-ELE-03, puis à CS-01), il n'y a pas de différence importante dans les fonctions qui lui ont été attribuées. Vers juillet 2002, il a été l'objet d'une reclassification dans un poste de GL-ELE-03 (groupe et niveau). Le 6 mai 2004, a été signée la fiche de mesure de classification (pièce 6) autorisant un passage au groupe et niveau CS-01.

[7]    M. Rice a reçu la lettre de reclassification (pièce 4) et l'a signée le 8 juillet 2004. L'essentiel de cette lettre était qu'elle informait M. Rice qu'il avait été l'objet d'une reclassification au groupe et niveau CS-01, soit une reclassification prenant effet le 21 août 2000, et que son traitement à la nomination devait être déterminé conformément au Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique, plus une IP mensuelle en conformité avec la convention collective (pièce 1).

[8]    M. Rice a reçu son augmentation de traitement rétroactivement à partir de la date d'entrée en vigueur de sa reclassification, c'est-à-dire le 21 août 2000. L'IP mensuelle, toutefois, n'était pas rétroactive, ce qui fait l'objet des présents griefs.

[9]    M. Rice a demandé une explication à son capitaine, (M. Saunders), qui s'est renseigné auprès du bureau des ressources humaines civiles de la base. Le capitaine Saunders a été avisé que l'IP n'était pas rétroactive. Le 17 août 2004, M. Rice a présenté un grief.

[10]    M. Rice a conclu sa preuve en affirmant qu'il estime ne jamais avoir été l'objet d'une classification appropriée et qu'il ne serait pas ici aujourd'hui s'il n'était pas de cet avis.

[11]    Il n'y a pas eu de contre-interrogatoire.

Pour l'employeur

[12]    En novembre 2005 Suzanne Marchand-Bigras est devenue la gestionnaire, au Conseil du Trésor, de Services de la rémunération, de l'analyse et des statistiques. Elle a expliqué ses antécédents professionnels et a reconnu  les pièces 9 à 11 :

  • Pièce 9 : Règlement concernant la rémunération lors de la reclassification ou de la transposition (RRRT) (en vigueur le 13 décembre 1981)
  • Pièce 10 : « Protocole d'entente (PE) - Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) » (protection salariale)
  • Pièce 11 : « Bulletin no 49-87 », soit une mise à jour relative aux pièces 10 et 11.

[13]    Le témoin a déclaré que la date de reclassification d'un ou d'une fonctionnaire peut différer de la date de reclassification d'un poste si son gestionnaire s'assure qu'il ou elle exerçait les fonctions d'un poste à une date spécifiée. Le formulaire du Conseil du Trésor TB330 (pièce 6) est le document d'autorisation qui donne une nouvelle classification à un poste. La date de prise d'effet de la classification d'un fonctionnaire est celle que le document autorise, alors que la date de prise d'effet de la classification du poste est celle que le gestionnaire détermine, en l'occurrence le 1er août 2000.

[14]    Lorsque le fonctionnaire répond à toutes les exigences du poste et qu'il remplit toutes les fonctions, le traitement devient rétroactif en vertu d'une politique de l'employeur (pièce 9 : Règlement concernant la rémunération lors de la reclassification ou de la transposition). Dans le cas de M. Rice, la Partie II, paragraphe 12 s'applique.

[15]    M. Rice a été avisé le 6 mai 2004 qu'il était maintenant couvert par une nouvelle convention collective, c'est-à-dire celle du groupe CS.

[16]    Aucune disposition des Conditions d'emploi (Politique) (les CE) (pièce 13) ne rend rétroactif le paiement de l'IP. La seule mention de paiements rétroactifs dans la convention collective des CS (pièce 1) désigne le traitement à la négociation et non à la reclassification.

[17]    Lors du contre-interrogatoire, on a montré au témoin la pièce 12, à savoir un extrait des CE portant sur le droit à la rémunération, c'est-à-dire le paragraphe 20(1), qui traite du taux de rémunération approprié.

[...]

Partie II - Reclassification dans un groupe ou à un niveau dont le taux de rémunération maximal est supérieur à celui de l'ancien groupe ou niveau

12. 1) Lorsqu'un poste doit être reclassifié dans un groupe ou à un niveau dont le taux de rémunération maximal est supérieur à celui de l'ancien groupe ou niveau, la date d'entrée en vigueur de la reclassification est déterminée par les services de classification compétents, compte tenu de la date à laquelle les fonctions et responsabilités du moment ont été assignées au poste.

2) Le taux de rémunération et la date d'augmentation de traitement de l'employé assigné à un nouveau niveau en vertu du paragraphe (1) sont fixés conformément à la convention collective, au régime de rémunération ou au Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique, selon le cas.

[...]

[Le caractère gras est dans l'original.]

20.
1) Sous réserve du présent règlement et de tout autre édit du Conseil du Trésor, tout employé a le droit de toucher, pour services rendus, le taux de rémunération prévu dans la convention collective applicable ou le taux approuvé par le Conseil du Trésor applicable à son groupe et à son niveau de classification.

[...]

En outre, le témoin reconnaissait que la définition de la rémunération figurant dans la pièce 13, c'est-à-dire dans les CE, incluait le traitement et les indemnités.

Arguments des fonctionnaires s'estimant lésés

[18]    La pièce 7, qui est l'ancienne LRTFP, définit au paragraphe 2(1) la « rémunération » comme incluant « [...] toute allocation journalière ou autre indemnité accordée pour l'exécution des fonctions d'un poste [...] »

[19]    La pièce 8, soit la LEFP, dans la Partie III, à l'article 22, dispose que « Toute nomination effectuée en vertu de la présente loi prend effet à la date fixée dans l'acte de nomination, le cas échéant, indépendamment de la date de l'acte même [...] »

[20]    La pièce 4, à savoir la lettre de reclassification pour M. Rice, montre que la reclassification au groupe et niveau CS-01 est une nomination en vertu de la LEFP (pièce 8), car les droits d'appel ont été affichés concernant la nomination. Dans le cas de M. Rice, la nomination entrait en vigueur le 21 août 2000; dans le cas de M. Del Vasto, c'était le 21 octobre 2003 (pièces 5 et 6, les fiches de mesure de classification).

[21]    Les fonctionnaires s'estimant lésés exerçaient les fonctions de leurs postes aux dates d'entrée en vigueur de nomination.

[22]    Mme Marchand-Bigras a reconnu que la rémunération inclut le traitement et les indemnités.

[23]    L'appendice « E » de la pièce 1, c'est-à-dire de la convention collective (PE concernant l'IP), dit à l'alinéa 1b) que l'IP ne fait pas partie du traitement mais ne dit pas qu'elle ne fait pas partie de la rémunération.

[24]    Là encore, à l'appendice « E » de la pièce 1, la mention du « certificat de nomination » désigne dans la présente espèce les pièces 5 et 6 (les fiches de mesure de classification). Les dates de nomination sont le 21 août 2000 dans le cas de M. Rice et le 21 octobre 2003 dans le cas de M. Del Vasto.

[25]    La pratique courante pour ce qui est de la rémunération est d'appliquer celle-ci rétroactivement.

[26]    Jurisprudence :

1)
Guétré c. Office national du film du Canada, dossier de la CRTFP 166-08-12642 (1982) :
Cette décision montre que certaines indemnités peuvent être modifiées rétroactivement. Une ST-03 avait été rétroactivement reclassifiée dans un poste de CR-03, et le montant de la prime au bilinguisme qu'elle avait reçu dans le poste de ST-03 lui a été retiré rétroactivement, car elle n'avait pas droit à la prime dans le poste de CR-03.
2)
Gagnon et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires extérieures),dossiers de la CRTFP 166-02-16987 à 17013 (1987) :
Cette décision concerne une reclassification rétroactive d'un poste de PM-05 à un poste de FS-02, ainsi qu'un changement de ministère, soit le passage de l'Agence canadienne de développement international au ministère des Affaires extérieures. Le grief a été accueilli et accordait une rémunération au rendement pour une période durant laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé n'était même pas au ministère.
3)
Parker et al. c. Conseil du Trésor (Archives nationales du Canada), 2004 CRTFP 13 :
Cette décision soutient aussi le droit rétroactif à une IP. Les fonctionnaires s'estimant lésées avaient été rétroactivement reclassifiées, de postes d'AS-02 à des postes de CS-01. Les griefs ont été accueillis, et l'IP a été appliquée rétroactivement; en outre, il n'y a pas eu de demande de contrôle judiciaire.
4)
Gunn c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes, Accise et Impôt),dossier de la CRTFP 166-02-28657 (1999) :
Cette décision traite de la question de savoir si l'on est en droit de recevoir une IP pendant que l'on est en congé non payé. Le grief a été accueilli, car le fonctionnaire s'estimant lésé était titulaire du poste.

En terminant, le représentant de l'agent négociateur a déclaré que les fonctionnaires s'estimant lésés avaient droit à l'IP à partir du jour où il a été considéré par l'employeur qu'ils accomplissaient le travail.

Arguments de l'employeur

[27]    Ce peut être vrai que, comme l'affirme l'agent négociateur, la date de nomination est la date spécifiée dans la lettre de reclassification, mais, quoique les reclassifications soient entrées en vigueur le 21 août 2000 et le 21 octobre 2003 (pièces 3 et 4, lettres de reclassification), les nominations ont pris effet seulement à la date de la lettre de nomination.

[28]    Aucune disposition de la convention collective (pièce 1) ne précise que les CE sont rétroactives. Ne sont pas abordées non plus les questions de la rétroactivité de l'appartenance à une unité de négociation ou de la couverture, rétroactive, par la convention collective de cette unité de négociation.

[29]    Si les parties avaient voulu que la convention collective s'applique rétroactivement, elles l'auraient indiqué.

[30]    La date de nomination n'est pas pertinente aux fins qui nous occupent.

[31]    Les CE (pièce 13) et le règlement sur la reclassification (pièce 9) traitent du droit à un traitement et non du droit à une rémunération. Toute exception doit être expressément énoncée, comme dans les pièces 10 (le PE sur la protection salariale) et 11 (la mise à jour relative à la pièce 10) négociées entre les parties.

[32]    Bien que ce puisse être vrai que le certificat de nomination mentionné à l'appendice « E » de la pièce 1 (convention collective) est la « fiche de mesure de classification », il n'est pas spécifié que l'IP est rétroactive; par conséquent, la nomination doit entrer en vigueur à la date de la lettre (pièces 3 et 4, lettres de reclassification), c'est-à-dire le 7 juillet 2004.

[33]    Observations sur la jurisprudence produite par l'agent négociateur :

1)
Guétré :
Cette décision a été rendue il y a 24 ans, et la pratique actuelle de l'employeur n'est pas et ne doit pas être de recouvrer une indemnité rétroactivement.
2) Gagnon :

Cette décision est erronée. Aucune disposition figurant dans la convention, la législation, les règlements, les politiques ou le PE ne prévoit l'application rétroactive d'une convention collective. Quoique certains syndicats aient négocié l'application rétroactive de certaines conditions, tel n'est pas le cas ici.

3) Parker et al. :

Ce cas a été mal tranché. L'employeur dans ce cas avait correctement déterminé le droit à un traitement rétroactif fondé sur le règlement (pièce 9), et le règlement s'applique nettement à un traitement et non à une indemnité accordée rétroactivement. M. Guindon s'est trompé en affirmant, au paragraphe 52, que l'employé est en droit de recevoir un traitement et des indemnités. Le paragraphe 20(1) des CE ne traite que du taux de rémunération.

De plus, contrairement aux faits énoncés au paragraphe 54 de cette décision, l'employeur en l'espèce n'applique nullement la convention collective, si ce n'est par renvoi au taux de rémunération figurant dans la convention collective.

4) Gunn :

Ce cas doit être distingué des présents griefs, car le fonctionnaire s'estimant lésé dans ce cas était membre de l'unité de négociation et était couvert par la convention collective. Aucune autre question n'est pertinente.

[34]    Il serait impossible de recréer toutes les conditions d'une convention collective.

[35]    Le versement d'une IP est un paiement pour maintien du personnel. On ne peut avoir besoin de ce maintien rétroactivement.

[36]    Les pièces 10 et 11, à savoir le bulletin et la mise à jour concernant la protection salariale, sont des exemples d'une situation où les parties ont négocié une protection, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

[37]    Janveau c. Conseil du Trésor (Ressources naturelles Canada) et l'Alliance de la Fonction publique du Canada, 2002 CRTFP 2 (décision confirmée à l'étape du contrôle judiciaire) concernait un CS-02 reclassifié dans un poste d'EG-04 et ayant perdu son droit à une IP. La décision disait que la reclassification signifiait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait cessé de faire partie de l'unité de négociation des CS et qu'il avait donc cessé d'être couvert par la convention collective des CS.

En l'espèce, l'employeur a conclu en demandant que, si les griefs sont accueillis, je conserve la compétence sur la question de savoir si l'IP a déjà été payée du 1er mai 2004 jusqu'en juillet 2004.

Réplique des fonctionnaires s'estimant lésés

[38]    Le représentant des fonctionnaires s'estimant lésés arguait que je ne devrais pas prendre en compte les pièces 10 et 11, soit le protocole d'entente et la mise à jour concernant la protection salariale, car ces documents ne s'appliquent pas aux faits qui me sont exposés.

[39]    Il n'y a aucune différence entre la rémunération et le traitement. L'ancienne LRTFP dispose que la rémunération inclut le traitement et les indemnités, et cette définition doit primer une politique de l'employeur.

[40]    La pièce 4, c'est-à-dire la lettre de reclassification, au paragraphe I, ne spécifie pas que l'IP n'entre en vigueur qu'à la date de la signature de la fiche de mesure de classification. L'employeur considère que les fonctionnaires s'estimant lésés exercent les fonctions du poste de CS-01 depuis août 2000.

[41]    La pièce 8, à savoir la LEFP, à l'article 22, prévoit des nominations rétroactives puisqu'il est précisé que toute nomination prend effet à la date fixée dans l'acte de nomination, indépendamment de la date de l'acte même.

[42]    Si l'employeur avait bien classifié ces postes à l'origine au lieu de les faire passer par une série de reclassifications pour aboutir à la classification CS-01 sans aucun changement dans les fonctions, les fonctionnaires s'estimant lésés n'auraient pas maintenant à réclamer l'indemnité rétroactivement.

Motifs

[43]    Le 17 août 2004, MM. Rice et Del Vasto ont présenté essentiellement le même grief :

[Traduction]

L'employeur a déterminé que les fonctions que j'exerce sont celles d'un CS-01 et il a fait en sorte que mon poste soit reclassifié CS-01 rétroactivement au 21 août 2000. Il n'a toutefois pas inclus une « indemnité provisoire » dans ce calcul. Je suis donc lésé.

[44]    La disposition prévoyant le paiement d'une IP figure à l'appendice « E » de la convention collective, dans un PE signé le 3 juin 2003 et ayant pris fin le 21 décembre 2004. Pour pouvoir recevoir l'IP, on doit répondre à certains critères énoncés dans le préambule :

1.Il faut être titulaire d'un poste classifié CS-01 à CS-05 (groupe et niveau).
2. Il faut exercer des fonctions du groupe Systèmes d'ordinateurs..
[...]

[45]    Je conclus que les deux fonctionnaires s'estimant lésés répondent à ces exigences.

[46]    En vertu des pièces 3 et 4 (les lettres de reclassification), c'est l'employeur qui a déterminé que les fonctionnaires s'estimant lésés étaient les titulaires de postes de CS-01 le 21 aout 2000 (dans le cas de M. Rice) et le 21 octobre 2003 (dans le cas de M. Del Vasto). De plus, le paiement rétroactif du traitement à ces dates corrobore le fait que telles étaient les dates auxquelles les fonctionnaires s'estimant lésés ont été reconnus comme ayant commencé à exercer ces fonctions. Ces faits semblent concorder avec d'autres éléments de preuve : Mme Marchand-Bigras a témoigné que le traitement devient rétroactif en vertu d'une politique de l'employeur (pièce 9) [traduction] « [...] lorsque le fonctionnaire répond à toutes les exigences du poste et qu'il remplit toutes les fonctions [...] »

[47]    L'employeur ne contestait pas non plus le témoignage de M. Rice selon lequel tout au long de son emploi, indépendamment de la classification, les fonctions qui lui étaient assignées n'ont pas changé. Aussi, aucune preuve n'indiquait que les numéros de poste ont changé. D'ailleurs, quand on examine les pièces 5 et 6, soit les fiches de mesure de classification, le numéro de poste semble être continu dans le cas des deux fonctionnaires s'estimant lésés. Cela dit, je conclus que les deux fonctionnaires s'estimant lésés ont été les titulaires de ces postes depuis le début. L'employeur n'a pas soutenu le contraire.

[48]    De plus, il est satisfait au deuxième critère du préambule de l'appendice « E », car les fonctions sont restées les mêmes tout au long de la période rétroactive indiquée par les fonctionnaires s'estimant lésés. L'employeur a concédé - en finissant par reconnaître une iniquité de longue date en matière de classification - qu'il était plus approprié de classifier les fonctions exercées comme étant des fonctions au groupe et niveau CS-01. Là encore, rien n'indiquait que la classification supérieure était attribuable à une modification des fonctions ou au fait que certaines fonctions et/ou responsabilités ont été ajoutées ou même améliorées.

[49]    La jurisprudence citée permet amplement de conclure que les fonctionnaires s'estimant lésés sont en droit de recevoir l'IP rétroactivement.

[50]    Dans Guétré, en raison d'une reclassification rétroactive, l'Office national du film a retiré une prime au bilinguisme qui n'aurait pas été gagnée dans la nouvelle classification. Cette mesure de la part de l'employeur a été appuyée à l'étape de l'arbitrage de grief.

[51]    L'employeur ne peut gagner sur les deux tableaux. S'il peut remonter à une époque et supprimer rétroactivement une prime qui était payée pendant la période rétroactive, il peut aussi remonter à une époque et accorder une indemnité qui n'était pas versée pendant une période rétroactive.

[52]    Je suis d'accord sur le raisonnement exprimé dans Gagnon :

[...]

Comment peut-on prétendre que l'employé n'était pas un employé du ministère au sens de la clause 8.04 alors qu'il était reconnu comme étant un employé au sens de la clause 8.03? Ou, en date du 1er avril 1983 il était reconnu comme étant un employé, ou il ne l'était pas. Il appert qu'il était reconnu comme un employé, si je me fie à la lettre du 29 avril 1983 à laquelle je fais référence plus haut. Je ne vois pas comment on peut parler de rétroactivité de façon générale dans une lettre et que par la suite on semble prétendre qu'il n'y a pas de rétroactivité eu égard à une clause en particulier de la convention.

[...]

[53]    Ces fonctionnaires s'estimant lésés ont été payés rétroactivement parce qu'il a été considéré par l'employeur qu'ils exerçaient les fonctions rétroactivement. C'est pour cette raison que je ne peux accepter l'argument de l'avocate de l'employeur selon lequel aucune disposition des CE ne prévoit la rétroactivité d'une indemnité. Dans l'article d'interprétation de ce règlement, soit l'article 2, le mot « indemnité » est défini comme suit :

[...]

Indemnité désigne la rémunération payable

i. à l'égard d'un poste, ou d'un certain nombre de postes d'un groupe en raison de fonctions de nature spéciale,

[...]

[Je souligne]

[54]    Il est clair que ces fonctionnaires s'estimant lésés, comme je l'ai précédemment conclu, étaient titulaires des postes et exerçaient les fonctions attribuées à ces postes. Selon la convention collective, c'est l'exécution de fonctions qui donne lieu à l'indemnité. Il est difficile de comprendre la position de l'employeur en l'espèce, car ou bien les fonctionnaires s'estimant lésés exerçaient les fonctions, ou bien ils ne les exerçaient pas. En payant ces fonctionnaires rétroactivement, l'employeur a reconnu qu'ils exerçaient les fonctions. Je renvoie de nouveau au propre témoignage de Mme Marchand-Bigras selon lequel [traduction] « [...] lorsque le fonctionnaire répond à toutes les exigences du poste et qu'il remplit toutes les fonctions, le traitement devient rétroactif en vertu d'une politique de l'employeur ». [Je souligne]

[55]    L'employeur m'exhorte cependant à conclure que les fonctionnaires s'estimant lésés exerçaient toutes les fonctions et que cela donne lieu à un traitement rétroactif mais non à l'IP. Cette dichotomie n'est pas fondée. De plus, je suis le raisonnement de l'arbitre dans Parker et al.,au paragraphe 54, qui se lit comme suit :

[...] L'employeur ne peut pas, à sa guise, reconnaître que les fonctionnaires rencontrent les éléments pour être considérées comme employés assujettis à une convention collective qu'en regard de certaines parties de la convention collective [...]

[56]    L'employeur me demande de prendre en considération la décision rendue dans Janveau. Le raisonnement tenu au paragraphe 29 de cette décision appuie mes conclusions susmentionnées, et non le contraire : « [...] suite à la reclassification de son poste, le fonctionnaire s'estimant lésé est devenu membre d'une unité de négociation pour laquelle l'Alliance est accréditée. La convention collective du groupe CS conclue par l'Institut ne lui était plus applicable, car son poste ne faisait plus partie de l'unité de négociation du groupe CS [...] » En appliquant ce raisonnement à la présente espèce, les fonctionnaires s'estimant lésés sont devenus membres de l'unité de négociation des CS (et sont ainsi devenus couverts par cette convention) aux dates auxquelles leurs postes ont été reclassifiés : le 21 août 2000 dans le cas de M. Rice et le 21 octobre 2003 dans le cas de M. Del Vasto (pièce 2, « Exposé conjoint des faits »).

[57]    Pour revenir à la loi régissant les nominations, à savoir la pièce 8 (la LEFP), l'article 22 est clair : « Toute nomination effectuée en vertu de la présente loi prend effet à la date fixée dans l'acte de nomination, le cas échéant, indépendamment de la date de l'acte même ».

[58]    Les dates fixées dans les actes (pièces 3 et 4) sont le 21 août 2000 (dans le cas de M. Rice) et le 21 octobre 2003 (dans le cas de M. Del Vasto), soit des dates qui sont antérieures à la date des actes, c'est-à-dire antérieures au 6 mai et au 17 mai 2004 respectivement.

[59]    Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[60]    MM. Rice et Del Vasto doivent se voir verser l'indemnité provisoire prévue dans la convention collective des CS qui est applicable, et ce, rétroactivement à partir du 21 août 2000 et du 21 octobre 2003 respectivement.

[61]    Comme l'a demandé Mme Roy, pendant deux mois à partir de la date de la présente décision, je demeure saisi de l'affaire aux fins du calcul des sommes dues.

Le 6 novembre 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Barry D. Done,
arbitre de grief

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