Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté l’omission de l’employeur d’apprécier son rendement et de lui accorder une augmentation au rendement - il a prétendu que cette omission équivalait à [traduction] << une mesure disciplinaire et punitive déguisée >> - l’employeur a fait valoir que l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour instruire le grief étant donné qu’il ne s’agissait pas d’une mesure disciplinaire ou d’une sanction pécuniaire et que le fonctionnaire s’estimant lésé avait prétendument modifié son grief en ajoutant la question de la mesure disciplinaire déguisée à l’étape du renvoi à l’arbitrage seulement - des problèmes étaient survenus entre le service du fonctionnaire s’estimant lésé et le ministère de la Défense nationale (MDN) - le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé lui a donc confié, contre son gré, des tâches spéciales, mais il est toutefois demeuré dans son poste d’attache jusqu’à ce qu’on restructure le service et divise ses anciennes fonctions - le superviseur a déclaré que l’objectif visé était d’améliorer les communications entre le ministère et le MDN et non pas d’imposer une mesure disciplinaire - il estimait que ce dernier n’exécutait pas les tâches spéciales confiées; il lui avait demandé plusieurs fois, par écrit, de lui fournir des renseignements sur l’avancement de divers projets - l’employeur a soutenu que ces demandes étaient demeurées sans réponse - au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le fonctionnaire s’estimant lésé a été prié de fournir la liste des projets menés à terme, mais il a indiqué à l’employeur qu’il n’était pas dans son intérêt de répondre à cette demande - l’arbitre de grief a conclu, d’une part, que le grief n’indiquait pas expressément que les actions de l’employeur équivalaient à une mesure disciplinaire et, d’autre part, que la nature disciplinaire de ces actions n’avait pas été invoquée ni démontrée durant la procédure de règlement des griefs - le fonctionnaire s’estimant lésé a soulevé la question pour la première fois au moment du renvoi du grief à l’arbitrage - il se trouvait par le fait même à modifier la nature du grief - l’arbitre de grief n’était donc pas compétent pour trancher le grief - l’arbitre de grief a aussi conclu que le grief était sans fondement car le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas établi ses prétentions concernant la nature disciplinaire de la décision de l’employeur de lui confier des tâches spéciales et l’absence d’appréciation du rendement. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-02-21
  • Dossier:  166-2-34072
  • Référence:  2006 CRTFP 16

Devant un arbitre de grief



ENTRE

FERMIN GARCIA MARIN

fonctionnaire s’estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)

employeur

Répertorié
Garcia Marin c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Léo-Paul Guindon, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Lui-même

Pour l'employeur : Stéphane Hould, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 4 au 7 janvier et les 19 et 20 avril 2005.
(Observations écrites déposées le 5 juillet 2005.)
(Traduction de la C.R.T.F.P.)


Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]   Le fonctionnaire s’estimant lésé, Fermin Garcia Marin, a déposé un grief contre son employeur, le Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC)), le 2 avril 2004. Ce grief se lit comme suit :

[Traduction]

Le ministère n’a pas correctement calculé ma prime au rendement pour la période 2002-2003.

Le ministère ne m’a pas attribué de cote de rendement pour la période 2002-2003.

Redressement réclamé :

Que l’attribution de ma cote de rendement et le calcul de ma prime de rendement soient bien faits.

[2]   La Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’ancienne Commission) a reçu le 7 juin 2004 le renvoi du grief à l’arbitrage.

[3]   Le 14 juin 2004, l’ancienne Commission a demandé au fonctionnaire s’estimant lésé de lui donner un complément d’information pour étayer son grief (pièce G-1) :

[Traduction]

[...]

Pour renvoyer un grief à la Commission des relations de travail dans la fonction publique en vertu du sous-alinéa 92(1) b )(i) de la Loi, le fonctionnaire s’estimant lésé doit clairement déclarer qu’il a fait l’objet d’une mesure disciplinaire entraînant sa suspension ou une sanction pécuniaire. Après avoir lu la correspondance que vous avez soumise, y compris la réponse de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, la Commission aimerait un complément d’information pour être pleinement en mesure de déterminer si elle a compétence avant de poursuivre l’instruction du grief.

[...]

[4]   Le 21 juin 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé a fourni, par lettre, à l’ancienne Commission de plus amples renseignements sur son grief (pièce G-2). Il soumettait avoir été retiré de son poste d’attache de gestionnaire de la Division des vêtements et textiles pour être affecté à celui de gestionnaire des Projets spéciaux le 19 novembre 2001. Il énonçait que l’employeur avait refusé d’évaluer son rendement et de lui verser une prime au rendement depuis avril 2002, malgré sa demande. Il concluait que les actions de l’employeur de le retirer de son poste et de le priver de sa prime au rendement [traduction] « était un complément et une conséquence de la série de mesures disciplinaires et punitives à peine déguisées » auxquelles il avait été soumis. Il donnait aussi des précisions sur les mesures correctives qu’il réclamait :

[Traduction]

[...]

Comme redressement pour l’omission de me verser une prime au rendement et d’évaluation de mon rendement, je demande :

  • des excuses écrites explicites de la sous-ministre;
  • 8 100 $ plus l’intérêt pour la prime au rendement que je n’ai pas touchée pour l’exercice 2002-2003;
  • 33 600 $ pour la perte projetée de revenu de pension résultant directement du fait que l’évaluation n’a pas eu lieu et que la prime au rendement ne m’a pas été versée;
  • 16 000 $ en dommages moraux et psychologiques;
  • 150 000 $ en dommages punitifs exemplaires.

[...]

[5]   L’employeur a soumis à l’ancienne Commission, dans une lettre datée du 25 août 2004, qu’un arbitre de grief nommé pour entendre un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) n’a pas compétence en l’espèce, parce que le grief ne contestait ni une mesure disciplinaire, ni une sanction pécuniaire. L’employeur a demandé à la Commission de rejeter le grief sans audience.

[6]   Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est opposé à la demande de l’employeur dans une lettre datée du 8 septembre 2004. Après considération, l’ancienne Commission a communiqué avec les parties, le 17 septembre 2004, pour les informer que la question de compétence devrait être soulevée au début de l’audience et qu’elles devraient être prêtes à procéder sur le fond de l’affaire, dans l’éventualité où l’arbitre assigné réserverait sa décision sur cette question.

[7]    À la demande de l’avocat de l’employeur, l’ancienne Commission a fourni des services d’interprétation simultanée pendant toute l’audience.

[8]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »). Le même jour, la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) a été créée (l’ancienne Commission ayant cessé d’exister le 31 mars 2005), et cette nouvelle Commission continue d’être saisie du grief.

[9]   Au début de l’audience, l’avocat de l’employeur a déclaré que je n’avais pas compétence pour entendre le renvoi à l’arbitrage parce que le grief n’était pas lié à une mesure disciplinaire entraînant une suspension ou une sanction pécuniaire et que le fonctionnaire s’estimant lésé l’avait modifié en ajoutant la question d’une mesure disciplinaire déguisée au stade du renvoi à l’arbitrage. Le fonctionnaire s’estimant lésé a répliqué que la preuve allait démontrer que les actions de l’employeur, en le retirant de son poste d’attache ainsi qu’en le privant d’une évaluation de rendement et de sa prime au rendement, étaient par nature une mesure disciplinaire déguisée. J’ai réservé ma décision sur ces objections, en enjoignant aux parties d’effectuer leurs preuves.

[10]   L’avocat de l’employeur a demandé d’annuler l’assignation à comparaître signifiée à la sous-ministre adjointe (SMA) Yvette Aloïsi. J’ai rejeté cette demande, parce que la SMA avait été impliquée au dossier puisqu’elle avait donné la réponse de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 7 juin 2004. J’ai informé les parties que je devrai déterminer à la présente décision jusqu’à quel point son témoignage est pertinent et convaincant.

[11]   J’ai accédé à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé demandant l’exclusion des témoins, sauf pour John Bremner, un représentant de l’employeur à l’audience qui serait appelé à témoigner.

Résumé de la preuve

[12]   Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est joint à TPSGC en 1987; au moment où la situation qui a donné lieu à son grief a commencé, il était gestionnaire de la Division des vêtements et textiles (PG-06). En juin 2001, le directeur général, John Holinsky, lui a dit que quelque chose allait mal à la Division et qu’il s’inquiétait énormément, sans lui fournir de précision. Le fonctionnaire s’estimant lésé a réalisé que son avenir était en jeu parce que M. Holinsky lui avait dit de chercher un autre emploi. Certaines difficultés relativement au projet de vêtements des militaires étaient soulevées par M. Holinski dans un courriel qu’il avait adressé le 11 juin 2001 au général W.J. Brewer du ministère de la Défense nationale (MDN) (pièce G-17).

[13]   Dans son témoignage, le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il voulait déposer un affidavit, qui avait été produit en preuve devant une autre instance par Mary Larkin, une gestionnaire de projet par intérim à la Division des vêtements et textiles. L’employeur s’est objecté à l’admission de cette preuve. J’ai accepté l’objection puisque Mme Larkin pouvait être appelée à témoigner et qu’il n’y avait aucune raison de préférer un affidavit à son témoignage.

[14]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné que M. Holinsky lui avait dit que quelque chose allait mal à la Division. À l’époque, certains des employés de la Division s’étaient plaints à l’intéressé de la relation entre le service et le MDN. M. Holinsky n’avait pas donné de précisions sur les problèmes en question. M. Holinsky avait signé un Rapport de gestion du rendement et de rétroaction attribuant une cote de rendement globale « Supérieur » au fonctionnaire s’estimant lésé le 25 mars 2001 (pièce G-15).

[15]   Le 14 novembre 2001, M. Holinsky expliquait, dans un courriel adressé au général Brewer, la frustration des fonctionnaires de la Division en raison des difficultés qu’ils avaient éprouvées dans d’autres projets du MDN depuis 1998 (pièce G-34). Selon lui, ces difficultés étaient peut-être attribuables à un malentendu sur les rôles respectifs du MDN et de TPSGC, et il déclarait ce qui suit :

[Traduction]

[...]

[...] Sans pointer du doigt quelqu’un à blâmer, je pense que nous sommes rendus au point où les intéressés ont un trop lourd contentieux pour s’attaquer au problème et le résoudre. C’est pour cette raison, comme je le mentionnais, que je vais remplacer Fermin à compter de lundi prochain. J’espère que ce changement de personnel d’un côté va contribuer à faire avancer le dossier, mais, Bill, je dois vous demander si vous pouvez faire quelque chose de votre côté  [...]

[...]

[16]   Dans son témoignage, Mme Larkin a confirmé la conviction du fonctionnaire s’estimant lésé que M. Holinsky n’avait pas soutenu les évaluations et les décisions de la Division devant les pressions du MDN. Le fonctionnaire s’estimant lésé et Mme Larkin étaient d’avis que M. Holinsky avait changé d’idée et qu’il avait mis de côté les décisions de la Division après avoir subi des pressions du MDN.

[17]   Le 19 novembre 2001, M. Holinsky a assigné le fonctionnaire s’estimant lésé à des fonctions spéciales pour une période estimée de neuf mois susceptible d’être prolongée. Le titre de gestionnaire des Projets spéciaux est attribué à l’intéressé, mais il était précisé, dans sa lettre d’affectation, qu’il conserverait son poste d’origine. Durant l’affectation, Céline Bédard devait assurer la gestion de la Division dans le cadre d’une affectation spéciale. Le fonctionnaire s’estimant lésé devait accomplir les fonctions suivantes, d’après sa lettre d’affectation (pièce G-6) :

[Traduction]

[...]

          Durant cette affectation, vous porterez le titre de gestionnaire des Projets spéciaux et vos fonctions seront globalement les suivantes :

  • être le point central des relations avec le MAECI, avec la GRC et les autres clients pour les aider, sur demande, à définir et préciser rapidement leurs besoins relativement au Sommet du G8;
  • collaborer avec la GRC pour enquêter sur la possibilité et sur les mécanismes d’une approche commune d’acquisition de biens et de services en collaboration avec d’autres compétences;
  • aider la Direction (CGSB) au besoin, sur demande, à commercialiser, promouvoir et fournir ses services, particulièrement au Mexique;
  • donner des conseils et aide opportuns à la Division des vêtements et textiles.

          Le détail de vos fonctions sera établie dans les semaines à venir. J’estime que ces projets sont importants pour le Secteur et je vous ai choisi pour les gérer en raison de votre expérience et de vos connaissances acquises  [...]

[...]

[18]   À l’époque, le fonctionnaire s’estimant lésé avait dit à M. Holinsky que cette affectation était contre son gré. Avant cette affectation, M. Holinsky ne lui avait jamais demandé de changer sa façon de gérer la Division ni de faire des concessions dans sa relation avec le MDN.

[19]   Le 14 novembre 2001, Mme Larkin a écrit une lettre à Janice Cochrane, la sous-ministre de TPSGC, pour appuyer le fonctionnaire s’estimant lésé et qu’on revienne sur sa réaffectation. Elle ressentait cette réaffectation comme étant une punition pour le fonctionnaire s’estimant lésé (pièce G-31).

[20]   Une ancienne chef d’équipe, Marie Hoover, a aussi exprimé son appui pour le fonctionnaire s’estimant lésé dans une lettre adressée à Mme Cochrane en lui précisant qu’elle croyait qu’il avait été traité injustement losqu’il avait été retiré de son poste de gestionnaire (pièce G-31). En octobre 2001, on avait prévu une réorganisation du ministère; c’est alors que M. Holinsky avait offert des postes au niveau PG-05 de gestion des projets du gouvernement et des déplacements du personnel à Mme Larkin et au fonctionnaire s’estimant lésé. Les deux ont décliné cette offre. En novembre 2001, Mme Larkin et le fonctionnaire s’estimant lésé avaient voulu rencontrer Mel Skinner, un représentait syndical, pour lui parler de leur situation au travail et de la possibilité de déposer une plainte de harcèlement fondée sur les menaces de l’employeur de scinder ou de réorganiser la Division, de mettre fin aux affectations intérimaires ou de prendre des mesures pour les retirer des postes qu’ils occupaient (pièce G-21).

[21]   Dans son témoignage, M. Holinsky a expliqué qu’il voulait déplacer les gens afin de tenter de rétablir la relation que la Division des vêtements et textiles avait avec ses clients, et plus particulièrement avec le MDN. La décision de changer les personnes responsables des rapports avec le MDN avait pour but d’accroître la capacité du ministère de communiquer avec le client. M. Holinsky a témoigné qu’il n’avait rien à reprocher au fonctionnaire s’estimant lésé et que son affectation aux Projets spéciaux n’était pas une réprimande et il ne l’avait pas non retiré de son poste. L’affectation aux Projets spéciaux s’était poursuivie au-delà des neuf mois prévus à l’origine.

[22]   Contrairement aux plans de M. Holinsky, le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas eu de rôle à jouer dans les Projets spéciaux liés au Sommet du G8. La personne responsable de ce poste avait choisi un autre candidat qui répondait aux exigences et qui était disposé à se réinstaller à Calgary, en Alberta (pièce G-22).

[23]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a été en congé de maladie du 20 décembre 2001 au 3 septembre 2002. À son retour au travail, il a demandé d’être réintégré dans son poste de gestionnaire de la Division des vêtements et textiles (pièce G-19).

[24]   M. Holinsky a réagi en maintenant son affectation aux Projets spéciaux (pièce G-20). Il lui a expliqué, dans un courriel daté du 26 septembre 2002, les tâches qui l’attendaient en ce qui concernait la réorganisation du ministère et la relation administrative avec Corcan (pièce E-4). Le 3 octobre 2002, M. Holinsky a demandé au fonctionnaire s’estimant lésé un rapport sur le projet Corcan (pièce E-5) et le fonctionnaire s’estimant lésé lui a répondu qu’il faudrait discuter et convenir au préalable des changements à ses fonctions (pièce G-32).

[25]   L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé a écrit au sous-ministre, lui demandant de réintégrer son client dans son poste d’attache. M. Holinsky a reçu copie de cette lettre et il a convoqué le fonctionnaire s’estimant lésé à ce sujet le 17 octobre 2002. Dans son témoignage, le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que M. Holinsky était très agité à cette occasion et qu’il lui avait dit que la lettre l’avait mis en colère. Il avait déclaré d’un ton menaçant au fonctionnaire s’estimant lésé que celui-ci ne retournerait jamais dans son poste d’attache.

[26]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a ajouté à son témoignage sur cette rencontre à la page 4 de sa réponse écrite à la plaidoirie de l’employeur. Dans sa réponse écrite, le fonctionnaire s’estimant lésé a donné de plus amples renseignements sur la conversation qu’il avait eue avec M. Holinsky le 17 octobre 2002, notamment il a déclaré s’être fait dire que, s’il persistait dans cette attitude de défi, M. Holinsky pourrait user de représailles. J’accepte cette déclaration en preuve puisque l’avocat de l’employeur n’a soulevé aucune objection à cet égard dans sa réponse que la Commission a reçue le 7 décembre 2005.

[27]   J’ai accepté l’objection de l’avocat de l’employeur en ce qui concerne l’admissibilité du témoignage de Mme Larkin au sujet de la rencontre du 17 octobre 2002 entre le fonctionnaire s’estimant lésé et M. Holinsky. J’ai déclaré que Mme Larkin ne pouvait pas témoigner sur les débats tenus lors d’une rencontre où elle n’était pas présente. Ce qu’elle aurait pu dire sur la conversation tenue en son absence entre le fonctionnaire s’estimant lésé et M. Holinsky était du ouï-dire et ne saurait être accepté comme preuve de la véracité des propos tenus à cette occasion.

[28]   Le 4 octobre 2002, le fonctionnaire déclarait ce qui suit dans un courriel (pièce G-32) :

[Traduction]

[...] Le point de départ de toute discussion devrait être les droits légaux à mon poste d’attache [...]

[29]   Dans ce courriel, le fonctionnaire s’estimant lésé se disait prêt à s’acquitter des fonctions ainsi qu’à accomplir les tâches qu’on lui demandait tout en étant en désaccord avec son affectation aux Projets spéciaux. Pour sa part, M. Holinsky a témoigné avoir demandé au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer qu’il avait fait des progrès en vue de la réalisation des projets spéciaux qui lui avaient été confiés en novembre 2001. Dans son témoignage, il a précisé qu’il n’avait pas ignoré le fonctionnaire s’estimant lésé, mais qu’il l’avait plutôt invité à venir lui parler et il s’est exprimé comme suit : [traduction] « Je ne vous excluais pas et je ne vous fermais pas la porte au nez. Je voulais que vous veniez me parler. »

[30]   La correspondance qu’on a déposée montre que M. Holinsky avait demandé au fonctionnaire s’estimant lésé d’assumer des fonctions spéciales et qu’il craignait que celui-ci ne s’en acquitte pas. La correspondance suivante concerne les projets spéciaux :

  • 16 novembre 2002 : M. Holinsky demande un projet relativement aux problèmes avec Corcan (pièce E-6).
  • 9 janvier 2003 : M. Holinsky demande au fonctionnaire s’estimant lésé où il en est dans les dossiers auxquels il travaille (pièce G-18).
  • 14 janvier 2003 : le fonctionnaire s’estimant lésé déclare qu’il n’a pas de tâches en attente. Il fait valoir que sa participation à la réorganisation du ministère a été très courte et que la discussion/l’entente relativement au dossier de Corcan n’a jamais abouti. Il demande à M. Holinsky des précisions sur une autre tâche importante dont il doit être chargé (pièce G-18).
  • 14 janvier 2003 : M. Holinksy répond en informant le fonctionnaire s’estimant lésé d’un projet spécial avec la GRC, lui précisant qu’il s’attend à ce que l’intéressé lui fasse savoir quels sont les besoins (pièce G-18). Le 23 janvier 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé déclare qu’il ne joue plus aucun rôle dans le dossier de Corcan (pièce E-7). Le 29 janvier 2003, M. Holinsky renouvelle sa demande au fonctionnaire s’estimant lésé de soumettre un plan d’intervention et une solution pour résoudre les problèmes avec Corcan (pièce E-8).

[31]   Le 18 juin 2003, Dan Ross, sous-ministre adjoint associé de la Direction des opérations, a offert au fonctionnaire s’estimant lésé le poste de gestionnaire du Transfert des connaissances (PG-06) (pièce G-23). Dans son témoignage, Mariette Fyfe-Fortin a déclaré avoir offert au fonctionnaire s’estimant lésé deux affectations après qu’elle eut pris en charge la gestion de la Division, en janvier 2003. La réorganisation de la Division était terminée le 1er avril 2003 et les responsabilités de l’ancienne Division des vêtements et textiles avaient été scindées; certains des fonctionnaires travaillant exclusivement pour répondre aux besoins du MDN, les autres tâches étant transférées à une Division gérée par Normand Dessureault.

[32]   En décembre 2001, juste avant de partir en congé de maladie, le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé une plainte contestant la décision de l’employeur de le retirer de son poste officiel et alléguant que c’était en fait une mutation sans son consentement. Cette plainte a été rejetée le 18 novembre 2002 par la Commission de la fonction publique (CFP) parce que l’affectation était temporaire. Sur ce, le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief le 11 décembre 2002 en dénonçant la décision de l’employeur de l’affecter aux Projets spéciaux en novembre 2001. Ce grief a lui aussi été rejeté le 13 juin 2003, au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, par M. Ross, étant donné que les fonctions confiées au fonctionnaire s’estimant lésé étaient couvertes par sa description de fonctions et selon les pouvoirs discrétionnaires de la direction (pièce G-10).

[33]   Le 29 avril 2003, Romeo Berti acceptait une nomination intérimaire au poste de gestionnaire de la Division des vêtements et textiles. En novembre 2003, les exigences linguistiques du poste ont été baissées pour qu’il puisse y être affecté en permanence. Le 14 novembre 2003, M. Berti a été muté pour une période indéterminée au poste de gestionnaire de l’Approvisionnement, qui englobe les responsabilités de gestion de la Division des vêtements et textiles (pièce G-11).

[34]   Le 9 décembre 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé une plainte fondée sur le paragraphe 34.3(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) pour contester la mutation de M. Berti dans le poste de gestionnaire de la Division des vêtements et textiles. Il y faisait valoir que faire assumer par M. Berti les responsabilités du poste no ICP-01471 (le poste d’attache du fonctionnaire s’estimant lésé à titre de gestionnaire de la Division des vêtements et textiles) dans le poste no ICP-04990 constituait un abus de pouvoir et n’était pas conforme aux lignes directrices de la politique applicable aux profils linguistiques des postes (pièce G-10).

[35]   Dans son rapport d’enquête, Claire Morissette résumait la position de la direction comme suit (pièce G-10) :

[...]

Avant d’amener M. Berti en détachement, M. Masse n’a pas envisagé de ramener M. Garcia Marin dans ses anciennes fonctions, car il savait de Mme Fyfe Fortin qu’il était hors de question de ramener M. Garcia Marin à la Division des vêtements et textiles compte tenu des plaintes antérieures des clients et des employés.

[...]

[36]   L’avocat de l’employeur a présenté une objection contestant l’admissibilité de cet extrait de la pièce G-10. J’ai suspendu ma décision sur cette objection car Mme Fyfe-Fortin allait être appelée à témoigner à l’audience. Lorsqu’elle l’a fait, elle a catégoriquement nié avoir dit cela, déclarant qu’on n’avait pas envisagé de ramener le fonctionnaire s’estimant lésé dans son poste d’attache parce que les responsabilités de la Division des vêtements et textiles avaient été scindées en deux par suite de la réorganisation, et que ça lui donnait la possibilité de prendre un nouveau départ dans une affectation analogue au même niveau.

[37]   Mme Morissette concluait son rapport du 23 février 2004 (pièce G-10) de la façon suivante :

CONCLUSION

J’en conclue [sic] donc que la mutation de M. Romeo Berti dans le poste ICP-04990, Gestionnaire, approvisionnement est autorisée par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique , qu’elle a été effectuée conformément à celle-ci et que cette mutation ne constitue pas un abus de pouvoir.

[38]   Insatisfait de cette décision, le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé sa plainte à la CFP le 18 mars 2004. L’enquêteur Maurice Gohier concluait comme il suit dans son rapport, daté du 5 novembre 2004 (pièce G-11) :

Recommandation :

[47]     Pour toutes les raisons précitées, je conclus que la mutation de Romeo Berti au poste ICP-04990, Gestionnaire d’approvisionnement, est illégale et n’est pas conforme aux dispositions du paragraphe 34.3(1) de la Loi puisqu’elle constitue un abus de pouvoir de la part du ministère. Aussi, l’assignation de nouvelles tâches et fonctions au poste substantif du plaignant et son transfert à une autre direction-générale constitue une mutation illégale qui n’est pas conforme aux dispositions du paragraphe 34.2(3) de la Loi puisque cela constitue une mutation sans son consentement.

[48]     Par conséquent, il est recommandé que le ministère mette fin à ces mutations et que M. Berti et du plaignant retournent tous les deux à leur poste substantif respectif et aux tâches et fonctions respectives qu’ils occupaient auparavant.

[49]     Le ministère a trente jours suivant la date d’émission du présent rapport d’enquête pour aviser le soussigné, par écrit, des mesures de redressement qu’il entend prendre suite à cette recommandation. Conformément au paragraphe 34.5(1) de la Loi , si je ne suis pas satisfait des mesures de redressement prises par le ministère, je ferai rapport de la situation à la Commission de la fonction publique qui, en vertu du paragraphe 34.5(2) de la Loi , pourra alors choisir de d’ordonner à l’administrateur général de prendre les mesures de redressement qu’elle juge indiquées, y compris l’annulation de ces mutations.

[ Sic pour l’ensemble de la citation]

[39]   Le 24 juillet 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé à Normand Masse, son directeur par intérim, de vérifier sa prime au rendement (pièce G-7). Sa demande a été renvoyée à Mme Fyfe-Fortin, la directrice générale en fonction de la Division des vêtements et textiles. Le 8 septembre 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé une réponse à Mme Fyfe-Fortin et il a reçu une copie de la feuille individuelle d’information sur sa rémunération au rendement où il était précisé que sa cote de rendement était impossible à évaluer et qu’il n’avait droit à aucune prime au rendement pour la période de 2002 à 2003 (pièce G-18).

[40]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a été informé par les Services de rémunération des Ressources humaines que sa cote de rendement avait été fournie par Mme Fyfe-Fortin. Il s’est aussi fait dire que s’il ne souscrivait pas à cette cote, il devrait en parler avec son gestionnaire (pièce G-9, 22 mars 2004). Dans son témoignage, le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré n’avoir jamais été approché par son gestionnaire pour lui demander des renseignements en vue de l’évaluation de son rendement. Le 2 avril 2004, il a déposé un grief contestant la décision de l’employeur de ne pas lui attribuer de cote de rendement pour la période 2002-2003 et, par conséquent, son refus de lui verser une prime au rendement.

[41]   Le conseiller principal en relations de travail John Bremner a rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé le 27 mai 2004 pour lui expliquer la procédure de règlement des griefs en lui disant que la SMA allait présider la séance. Le fonctionnaire s’estimant lésé avait déclaré à M. Bremner qu’il estimait que le grief devrait être entendu au dernier palier par la sous-ministre, et que c’était au ministère de justifier la décision de ne pas l’évaluer. M. Bremner avait aussi expliqué au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il aurait la possibilité de faire valoir son point de vue et de produire une preuve pour étayer son grief à cette audience. Les notes de M. Bremner sur cette rencontre ont été produites en preuve (pièce E-9).

[42]   La SMA a présidé l’audience au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le 27 mai 2004, en présence du fonctionnaire s’estimant lésé et de M. Bremner. Mme Fyfe-Fortin l’avait préalablement informée qu’il lui avait été impossible d’évaluer le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé. Lors de l’audience au dernier palier, la SMA a demandé au fonctionnaire s’estimant lésé s’il pouvait lui fournir une liste des tâches qu’il avait accomplies. Il a refusé de le faire, en disant qu’on ne pourrait pas l’évaluer de façon à refléter correctement son rendement ni sa situation. Dans son témoignage lors de l’audience au présent dossier, il a confirmé avoir dit à la SMA que ce ne serait pas dans son intérêt de lui fournir une telle liste, tel que précisé dans la réponse de Mme Fyfe-Fortin au grief (pièce G-5). Elle lui avait expliqué qu’il n’était pas possible d’évaluer son rendement sans ces renseignements. Aucune prime au rendement ne peut être versée sans procéder à une évaluation de la performance, tel que stipulé à la Politique sur l’administration de la rémunération au rendement (pièce G-4). Les notes de M. Bremner sur cette séance au dernier palier de la procédure de règlement des griefs ont été produites en preuve (pièce E-10).

[43]   Le 7 juin 2004, la SMA a répondu au grief (pièce G-5) :

[Traduction]

[...]

          Lors de l’audience, vous avez dit que vos supérieurs ne vous avaient fixé aucun objectif de rendement après votre retour d’un congé de maladie en septembre 2002. L’examen de la documentation révèle que John Holinsky, le directeur général des Produits industriels et commerciaux et des services de standardisation, vous a informé par courriel que vous étiez affecté à des projets rendus nécessaires par la réorganisation du ministère, ainsi qu’à un projet relatif aux questions de responsabilité civile dans les marchés de construction faisant appel à des employés de CORCAN. Quand vous vous êtes fait demander quel travail vous aviez effectué en ces projets, vous avez dit que vous ne vous en rappeliez pas et vous n’avez pas conservé la liste des travaux complétés en raison de vos circonstances particulières. J’ai été informée par des cadres du ministère que vous avez fait très peu de travail pour ces projets, et que les circonstances particulières dont vous aviez parlé étaient d’autres questions vous concernant à votre lieu de travail.

          Quand vous vous êtes fait demander si vous alliez maintenant fournir une liste de vos réalisations, vous avez refusé de le faire en disant que vous ne pensiez pas qu’il serait possible d’arriver à une évaluation réaliste reflétant votre rendement réel ou la situation telle qu’elle était. Vous avez ajouté que ce n’était pas une bonne idée et qu’il ne serait pas dans votre intérêt de le faire. Vous avez aussi dit que vous aviez souffert financièrement de la situation et que vous vouliez changer le redressement que vous demandiez dans votre grief en ne réclamant plus que la prime au rendement, sans évaluation de votre rendement.

          En votre qualité de cadre supérieur ayant déjà touché une prime au rendement, vous connaissez la « Politique sur l’administration de la rémunération au rendement de certains niveaux supérieurs exclus non compris dans la catégorie de la gestion ». Vous savez donc que le versement d’une prime au rendement est directement lié au rendement de l’employé et à l’évaluation du travail accompli durant la période d’examen. S’il n’a pas d’abord évalué votre rendement, le ministère ne peut pas vous verser de prime au rendement.

          Pour ces raisons, la mesure corrective ne peut pas être accordée et votre grief est rejeté.

[44]   Dans son Rapport de gestion du rendement et de rétroaction pour l’exercice 1999-2000, le rendement global du fonctionnaire s’estimant lésé avait été coté supérieur. Pour cette période, le fonctionnaire s’estimant lésé avait touché une prime au rendement de 4 495 $ (6 %). Pour l’exercice 2001-2002, ce Rapport de gestion du rendement et de rétroaction précisait qu’il avait été impossible à l’employeur d’évaluer le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé, mais celui-ci avait quand même touché une prime au rendement de 3 497 $ (4,40 %) (pièces G-15 et G-16).

[45]   Dans son témoignage, M. Holinsky a expliqué qu’il lui avait été impossible d’évaluer le travail accompli par le fonctionnaire s’estimant lésé en 2002-2003 parce que celui-ci ne lui avait jamais répondu lorsqu’il lui avait demandé de démontrer où il en était dans les projets qui lui avaient été confiés. Par conséquent, il avait été incapable de donner à Mme Fyfe-Fortin une évaluation du rendement de l’intéressé pour cet exercice. Il ne pouvait fournir une évaluation sans la motiver. En outre, il a témoigné n’avoir jamais reçu la pièce jointe mentionnée dans le document du 29 janvier 2003 (pièce G-33), en disant qu’il avait vu pour la première fois cette pièce jointe (au sujet du congé) à l’audience en l’espèce.

[46]   Mme Fyfe-Fortin a pris en charge la Division des vêtements et textiles le 1er avril 2003; auparavant, elle n’avait aucune idée du travail accompli par le fonctionnaire s’estimant lésé. Ni M. Holinsky, qui était responsable de la Division jusqu’en janvier 2003, ni Jean Lacelle, qui en avait assumé la direction de janvier 2003 à la fin de mars 2003, n’avaient pu la renseigner sur le travail accompli par le fonctionnaire s’estimant lésé au cours de la période pertinente. Il était précisé dans la feuille individuelle d’information par individu de 2002-2003 que la cote de rendement du fonctionnaire s’estimant lésé avait été « impossible à évaluer » par l’employeur (et aucun montant forfaitaire n’apparaissait) (pièce G-8).

Argumentation

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[47]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté l’argumentation suivante :

[Traduction]

Grief.

          - J’ai présenté un grief parce que je n’ai pas touché de prime au rendement ni eu d’évaluation pour la période 2002-2003.

          - L’employeur est tenu d’évaluer le rendement des employés (voir G12, G13) et d’appliquer le processus de prime au rendement en se fondant sur la cote de rendement/le rapport d’évaluation; voir G-4. Dans le cas des employés exclus et non-syndiqués, s’il n’y a pas d’évaluation de rendement, il peut en résulter des sanctions pécuniaires, autrement dit un non-versement de la prime au rendement ou une réduction de cette prime.

          - J’étais en service pour la période en question, présent au bureau et prêt à travailler du 3 septembre 2002 au 31 mars 2003.

          - Pour la période 2002-2003, mon rendement n’a pas été évalué. J’en ai la preuve documentaire : voir G-8 et G-15. Il y a aussi les témoignages de Mariette Fife-Fortin et John Holinsky : ils ont tous deux décidé de conclure qu’il leur était impossible d’évaluer mon rendement pour la période 2002-2003.

          - La pièce G-15, mon dossier d’évaluation officiel, révèle que la plus récente évaluation de rendement dont j’ai fait l’objet portait sur la période 1999-2000; j’avais obtenu la cote « Supérieur ». L’agent de révision de cette évaluation était John Holinsky, qui l’a signée le 25 mai 2001. Pour les périodes 2000-2001, 2001-2002 et 2002-2003, je n’ai pas eu d’évaluation de mon rendement.

- Contrairement à la politique, ni Mariette Fife-Fortin ni John Holinsky ne m’ont informé de la procédure d’évaluation de mon rendement initiée pour la période 2002-2003; ils ne m’ont pas non plus dit avoir besoin que je leur fournisse de l’information pour les aider dans cette évaluation; ils ne m’ont pas dit non plus qu’ils étaient tous deux arrivés à la conclusion que mon rendement était « impossible à évaluer ». En outre, et toujours contrairement à la politique, ni Mariette Fife-Fortin, ni John Holinsky ne m’ont demandé mes commentaires sur le rapport d’évaluation de mon rendement (rien ne prouve qu’un tel rapport ait jamais été produit) et ne m’ont pas demandé non plus de signer pareil document.

- Toutes les actions ou omissions qui précèdent n’étaient attribuables ni à l’inadvertance, ni à une erreur; elles découlaient de décisions conscientes de ne pas faire mon évaluation correctement ainsi que de m’en cacher les résultats et de ne jamais m’impliquer dans le processus d’évaluation de mon rendement/de calcul de ma prime au rendement. Toutes ces décisions sont contraires à la politique. Le processus d’évaluation du rendement doit être transparent, et ce n’a pas été le cas. Je conclus que les décisions en question étaient arbitraires, déraisonnables et de mauvaise foi, pour me punir/m’imposer des mesures disciplinaires d’une façon à peine déguisée.

- En dépit de mes demandes répétées d’explications/d’information (G-7, courriel G-9 daté du 14 octobre 2003, courriel du 18 mars 2004, E-9 et E-10), les représentants du ministère ne m’ont jamais donné les raisons pour lesquelles il n’ont pas appliqué le processus d’évaluation du rendement/de calcul de la prime au rendement dans mon cas. On n’a pas tenu compte de ma demande d’obtenir de l’information ainsi que de pouvoir poser des questions aux personnes au courant au dernier palier de la procédure de règlement des griefs du ministère. De toute évidence, c’est en soi un déni de justice naturelle. On ne m’a jamais dit ce qui s’était passé, qui avait ou n’avait pas fait quoi, ni pour quelle raison. Dans ces conditions, mes possibilités de faire pleinement valoir mon point de vue ont été grandement sapées, notamment en m’empêchant de découvrir les raisons susceptibles d’avoir inspiré à l’employeur un comportement qui m’a été si préjudiciable. Jusque-là, je ne pouvais pas raisonnablement conclure à la mauvaise foi et/ou à des intentions punitives, même si je soupçonnais de telles motivations. Toutes ces actions sont des fautes majeures constituant un déni de justice naturelle et invalidant à toutes fins utiles la procédure de règlement des griefs telle qu’elle a été appliquée.

La décision qu’Y. Aloïsi a rendu à l’égard du grief le 7 juin 2004 est aussi invalide pour les raisons suivantes :

1)
la décision ne porte pas comme il se devait sur les questions soulevées dans le grief : la prime au rendement et l’évaluation du rendement. On ne m’a pas donné de réponses explicites aux questions suivantes :

   Avait-on réalisé une évaluation de mon rendement? Qui était responsable de le faire? Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait? L’employeur avait-il une justification pour ne pas le faire? Pourquoi? Comment le fonctionnaire serait-il affecté? La prime au rendement peut-elle/devrait-elle m’être refusée dans les circonstances? Si la prime au rendement ne peut être versée, que pourrait-on faire pour remédier aux effets négatifs (financiers et autres) sur le fonctionnaire résultant du fait que l’employeur ne l’a pas évalué, sans justification? Etc.

2)
Même si la décision d’Y. Aloïsi devait être considérée comme ayant répondu ainsi qu’il se devait à toutes les questions soulevées dans le grief, elle n’avait pas l’autorité voulue pour l’entendre au dernier palier de la procédure, comme je l’ai dit plus haut dans le contexte de la plainte no 3.
3)
Même si Y. Aloïsi avait l’autorité voulue pour entendre le grief au dernier palier, l’employeur n’y a pas répondu dans le délai prescrit au paragraphe 74(1) du Règlement de la CRTFP. Je m’étais déjà prévalu de mon droit de renvoyer le grief à l’arbitrage, ce qui rend la réponse du 7 juin 2004 irrecevable.

Pour déterminer si l’employeur s’était bel et bien conformé à la politique et s’il s’était acquitté correctement de ses obligations d’évaluation de mon rendement pour la période à l’étude, 2002-2003, il n’est pas nécessaire de savoir si mon rendement était considéré comme bon, mauvais ou entre bon et mauvais. Ce qu’il s’agit d’établir au fond, c’est si l’évaluation a été faite. Or, l’employeur ne l’a pas faite, contrairement à la politique. Il est critique aussi d’établir si l’évaluation a été faite conformément à la politique, de façon raisonnable et en toute transparence. L’employeur ne l’a pas fait non plus. J. Holinsky a témoigné qu’il croyait mon rendement mauvais; pourtant, il a manqué à son obligation de l’évaluer et décidé de ne pas me demander mon avis ni de m’en parler d’une façon quelconque. Mariette Fife-Fortin a témoigné qu’elle avait parlé avec J. Holinsky et fait siennes ses conclusions. De toute évidence, elle était préoccupée par les effets potentiels de leurs conclusions; elle a témoigné avoir consulté Dan Ross et d’autres cadres supérieurs du ministère, notamment des Relations de travail, pour enfin décider, contrairement à la politique, de ne pas remplir de rapport d’évaluation du rendement et de ne pas communiquer avec moi pour m’en informer afin d’obtenir ma version des faits et ma signature sur un tel rapport. Ce faisant, elle a manqué à ses responsabilités envers le ministère et envers moi et m’a en réalité imposé une sanction pécuniaire en me privant de la possibilité de me défendre. Dans cette affaire, les actions de l’employeur étaient arbitraires et déraisonnables, sans la moindre transparence; elles étaient contraires à une politique et à coutume bien établies et constituent des fautes graves, un abus de pouvoir et une punition déguisée/cachée que je n’avais pas méritée et qui me fait subir une perte financière.

Le comportement de John Holinsky était illégal, arbitraire, déraisonnable et de mauvaise foi quand il a décidé de me chasser de mon poste d’attache (voir G-34 et G-11) en usant du subterfuge d’une affectation temporaire de neuf mois contre ma volonté (voir G-6). C’est cela qui posait les conditions dans lesquelles il m’a arbitrairement, indûment et sans justification privé d’évaluation de rendement pendant trois années d’affilée et privé aussi d’un emploi important et utile correspondant à mes qualifications et à mon expérience.

À la fin de l’affectation temporaire, en août 2002, quand je suis retourné au travail après mon congé de maladie, John Holinsky ne l’a pas prolongée, ne l’a pas remplacée par une autre affectation et ne m’a pas réintégré dans mon poste, mais m’a plutôt laissé entre deux chaises, négligé, sans superviseur à qui me rapporter. Voir G-2 pour plus de précisions. Dans la pièce G-19, on peut lire un courriel que j’ai envoyé à J. Holinsky pour lui demander de me réintégrer dans mon poste. Il n’a jamais répondu. Dans son témoignage, J. Holinsky a dit qu’il [traduction] « croyait avoir prolongé mon affectation »; quand je lui ai demandé de le prouver, il a déclaré qu’il [traduction] « avait de la difficulté à retrouver son courrier ». Autrement dit, l’envoi d’un courriel serait une façon acceptable d’officialiser une affectation, mais ce n’est pas le cas : c’est contraire aux politiques tant de la CFP que de TPSGC. John Holinsky n’a pas produit même cette prétendue preuve (le courriel). S’il avait jamais envoyé un courriel quelconque sur la prolongation de mon affectation ou sur ma situation professionnelle, il l’aurait certainement mentionné dans sa réponse à mes courriels, particulièrement celui daté du 14 janvier 2003 (voir G-33) qu’il a laissé incontesté. Quand j’ai demandé à J. Holinsky [traduction] « existe-t-il un écrit de [lui] mentionnant une tâche quelconque de l’affectation originale », il a répondu [traduction] « nous en avons parlé, mais il (moi) n’a jamais répondu à aucune ». S’il y avait eu une mention quelconque des tâches originales, il en aurait fait le suivi comme il l’avait fait pour les « nouvelles tâches » qui m’ont été confiées dans cette prétendue même affectation qui ne se terminerait désormais jamais, puisqu’il n’existait pas d’ensemble de conditions préparées pour l’affectation semblables à celle de G-6. C’est ainsi que l’affectation aurait pu être pour une période indéterminée, ce qui est contraire à la politique.

Dans son témoignage, quand je lui ai demandé qui était mon superviseur, J. Holinsky a dit [traduction] « je vous faisais relever de moi ». Il ne m’en a jamais informé; il a admis dans son témoignage ne pas avoir changé la formule de rapport hiérarchique, comme l’exige pourtant la politique d’administration du personnel du ministère. M. Holinsky et moi nous sommes rencontrés seulement deux fois depuis septembre 2002, et l’une de ces fois-là, il m’a convoqué pour me menacer, m’humilier, me crier après, me rabaisser et me harceler en tentant de m’intimider et de m’empêcher de présenter d’autres plaintes/griefs l’impliquant. Mary Larking a tenté de témoigner là-dessus et de présenter une preuve à cet égard, mais les objections de l’avocat de l’employeur l’ont empêchée de le faire.

Quand J. Holinsky a quitté le Secteur, en février 2003, il n’a pas informé son remplaçant par intérim Jean Lacelle de mon existence et de ma situation particulière, ni du prétendu rôle de supervision qu’il avait assumé, pas plus d’ailleurs que des tâches restantes prétendument « importantes » auxquelles j’étais tenu de travailler. Par conséquent, j’ai été plus négligé encore. Lorsque Mariette Fife-Fortin a remplacé Jean Lacelle, en mars 2003, elle n’avait donc aucune idée de la situation de mon poste ni de mes fonctions. En outre, ni Jean Lacelle, ni Mariette Fife-Fortin ne m’ont jamais parlé ni n’ont communiqué avec moi autrement. Elle ne m’a pas appelé non plus quand elle a dû faire mon évaluation de rendement.

Les actions de l’employeur dans cette affaire étaient arbitraires, déraisonnables, sans aucune transparence et contraires à une politique et une coutume bien établies. Elles constituent des fautes sérieuses, un abus de pouvoir, du harcèlement et une punition déguisée/cachée non méritée qui m’a fait subir une perte financière.

À la suite d’une plainte que j’avais présentée à la Commission de la fonction publique pour contester la mutation de Romeo Berti dans mon poste d’attache, la CFP a déclaré (voir G-11) que la mutation de Romeo Berti et ma situation étaient toutes deux absolument illégales (G-11, p. 13, paragr. 36 : «  [...] les actions du ministère à l’égard du plaignant et de M. Berti vont carrément à l’encontre des dispositions de la Loi . Ceci est une affaire très sérieuse et je manquerais à mes responsabilités si je choisissais de laisser passer sous silence les actions que je considère inacceptables du ministère.  ») et manquaient de transparence à mon endroit ( G-11, p. 15, paragr. 44 : «  À mon avis, les actions du ministère démontrent un sérieux manque de transparence envers le plaignant et cette situation persiste depuis beaucoup trop longtemps déjà, soit depuis le 7 novembre 2001.  » [C’est moi qui souligne.]

Comme ma situation professionnelle était illégale depuis le 7 novembre 2001 le fait qu’on ne m’a pas confié de véritable travail et qu’on ne m’a pas supervisé depuis ne peut pas être raisonnablement invoqué contre moi pour me priver d’une importante partie de ma rémunération que j’avais toujours touchée jusque-là.

La notion de « punition » a été introduite rapidement dans la succession de faits ayant mené aux actions qui ont abouti au présent grief. Prière de voir G-31. Mary Larkin et Janice Cochrane ont soulevé la possibilité de punition comme une des raisons de la réaffectation de mes fonctions par John Holinsky, la personne même qui commis de procéder à mes évaluations de rendement pour les périodes 2000-2001, 2001-2002 et 2002-2003 ou ne les avait pas non plus fait faire par d’autres. Prière de voir G-15, une copie du dossier officiel du ministère sur mes évaluations de rendement en mai 2004 et de mes formules de prime au rendement tirées du dossier ministériel officiel de rémunération et d’avantages sociaux à peu près au même moment. On peut y voir deux rapports d’évaluation, pour les périodes 1999-2000 et 2001-2002 respectivement. Contrairement à la politique, dans ce dernier rapport, signé par mon superviseur à l’époque, Terry Henry, le directeur, mon rendement est « impossible à évaluer », un point c’est tout. Il n’y a rien pour 2001-2002 ni pour 2002-2003. Les évaluations de mon rendement (ou leur absence) dans cette période de trois ans font nettement contraste avec ceux de la période précédente, quand l’évaluation a été bien faite et que le rapport a été signé par John Monette, le directeur, John Holinsky, le DG, et par moi-même. Ma cote était alors supérieur et ma prime au rendement s’élevait à 6 % de mon traitement à l’époque, soit 4 495 $.

En 2000-2001, j’ai travaillé toute l’année dans mon poste d’attache. John Monette supervisait mon travail et J. Holinsky était le DG. Il n’y a pas eu d’évaluation de mon rendement, pas de rapport sur mon rendement, rien du tout.

En 2001-2002, j’ai accompli mon travail normal de gestionnaire, Vêtements et textiles, du 1er avril au 17 décembre 2001. J’ai été en congé de maladie de la mi-décembre 2001 jusqu’à la fin de mars 2002. De février 2002 jusqu’à la fin de mars 2003, Terry Henry était mon directeur. Il pouvait obtenir de John Monette son avis sur mon rendement pour la période, et il aurait dû le faire. John Holinsky aurait dû s’assurer que mon rendement serait évalué comme il se devait. Il ne l’a pas fait.

De même, pour la période 2002-2003, mon rendement n’a pas été évalué. Pour cette période, on peut lire « Impossible à évaluer » sur la feuille individuelle d’information pour la rémunération au rendement. Ce formulaire aurait dû m’être remis avant que les chèques de prime au rendement ne soient délivrés en juillet 2003, mais il ne l’a pas été, contrairement à la politique. Prière de voir G-13, paragr. no 5.

Les décisions de ne pas évaluer mon rendement pour toutes ces périodes étaient arbitraires, contraires à la politique, déraisonnables et de mauvaise foi. Ces actions sont de toute évidence des punitions/mesures disciplinaires à peine déguisées entraînant des sanctions pécuniaires substantielles.

La pièce G-21 a aussi introduit des facteurs de dommages personnels, de harcèlement, de menaces, d’atteinte à la réputation, d’attaques contre ma crédibilité personnelle et d’impact négatif sur notre capacité de performer.

La pièce G-23 révèle le climat de menaces et de sanctions disciplinaires sous-jacent à peu près au même moment où Mariette Fife-Fortin parlait avec Dan Ross de mon évaluation de rendement. J’aimerais préciser que ces menaces/avertissements n’étaient pas justifiés, puisque j’ai toujours suivi les instructions de mes gestionnaires.

Pour conclure, je dirai que l’employeur a illégalement créé et entretenu une situation qui m’a empêché de faire du vrai travail d’importance correspondant à mes qualifications et à mon expérience. Ces actions hostiles sans provocation de ma part se sont poursuivies plus de trois ans jusqu’ici et m’ont fait subir des sanctions pécuniaires et autres non méritées et illégales, dont la privation d’évaluation de mon rendement (pour trois années d’affilée) et d’avancement professionnel, le salissage de mon nom et de ma réputation, ce qui a nui à ma santé, peut-être à tout jamais, et m’a forcé à déployer de grands efforts ainsi qu’à investir beaucoup d’argent pour défendre ma dignité et pour me protéger.

Cette affaire est-elle vraiment ce qu’elle semblerait être d’après la version de l’employeur, à savoir que je n’ai pas touché de prime au rendement parce que mon rendement a été « impossible à évaluer » pour l’employeur?

Nous avons vu qu’il n’y a eu aucun rapport d’évaluation/de cote de rendement, contrairement à la politique, et contrairement à la politique aussi, on ne m’a absolument rien dit sur le processus, du début à la fin.

Dans l’affaire Rhing v. Conseil du Trésor, dossiers de la CRTFP n os 166-2-27472 et 166-2-20975, l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait le droit d’être informé des arguments de l’employeur et des preuves qui pesaient contre lui de façon à pouvoir se défendre en conséquence.

J’avais le même droit et je n’ai pas pu m’en prévaloir parce que l’employeur ne m’a pas communiqué l’information.

Dans Procureur général c. John Mathews, dossier de la Cour fédérale no T-618-97, le juge de la Cour fédérale a déclaré que : « l’arbitre a conclu que l’employeur avait agi de mauvaise foi en se débarrassant de façon arbitraire du fonctionnaire s’estimant lésé sans évaluation de son rendement, sous prétexte d’une mise en disponibilité ».

La même chose s’est produite dans mon cas. Rien n’empêchait l’employeur de se conformer à ses propres politiques, de m’évaluer comme il se devait et de m’attribuer une cote de rendement. Il ne l’a tout simplement pas fait, sous prétexte que mon rendement était « impossible à évaluer ».

L’arbitre de grief a pris la même approche dans D. Vogan et Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP no 166-2-26900, en disant qu’il aurait compétence pour entendre le grief s’il était prouvé que l’employeur avait agi de mauvaise foi.

Dans mon cas, j’affirme que l’employeur n’a pas agi sincèrement et que ses actions étaient de mauvaise foi.

[ Sic ]

Pour l’employeur

[48]   L’avocat de l’employeur a réitéré l’objection qu’il avait déjà formulée dans sa lettre du 25 août 2004, à savoir qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre un renvoi à l’arbitrage lorsque le grief ne peut être fondé sur le paragraphe 92(1) de l’ancienne LRTFP. Dans le cas du fonctionnaire s’estimant lésé, le grief n’est pas lié à une mesure disciplinaire entraînant une suspension ou une sanction pécuniaire, ni à un licenciement ou une rétrogradation fondés sur les alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP).

[49]   Selon l’avocat de l’employeur, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas touché de prime au rendement parce qu’il était impossible pour l’employeur d’évaluer le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé et qu’il s’agit donc d’une décision administrative plutôt que disciplinaire. La nature prétendument disciplinaire de la décision de l’employeur n’était pas mentionnée dans le grief que le fonctionnaire s’estimant lésé lui a présenté. L’aspect disciplinaire n’a pas non plus été soulevé au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, et c’est pourquoi l’employeur n’y a pas réagi. Le fonctionnaire s’estimant lésé a modifié la nature de son grief lorsqu’il a ajouté l’aspect disciplinaire au grief original au moment de son renvoi à la Commission.

[50]   Le principe établi dans Burchill c. Canada (Procureur général), 37 N.R. 530 (C.A.F.) est applicable en l’espèce. Ce principe a été cité dans Schofield c. Canada (Procureur général), 2004 C.F. 622, comme suit :

[...]

Aux termes de l’article 92 de la LRTFP, le pouvoir de l’arbitre se limite à étudier un grief qui s’inscrit dans le cadre des procédures de grief internes. Comme l’a dit le juge Thurlow, alors juge en chef, au sujet du paragraphe 91(1) de la LRTFP dans la cause Burchill c. Canada (Procureur général) , 37 N.R. 530 (C.A.F.), au paragraphe 5 :

[...] À notre avis, après le rejet de son seul grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le requérant ne pouvait présenter à l’arbitrage un nouveau grief ou un grief différent, ni transformer son grief en un grief contre une mesure disciplinaire entraînant le congédiement au sens du paragraphe 91(1) [...] À notre avis, puisque le requérant n’a pas énoncé dans son grief la plainte dont il aurait voulu saisir l’arbitre, à savoir que sa mise en disponibilité n’était, en vérité, qu’une mesure disciplinaire camouflée, rien ne vient donner à l’arbitre compétence pour connaître du grief en vertu du paragraphe 91(1). Par conséquent, l’arbitre n’a pas compétence.

[...]

[51]   S’il n’y a pas eu d’évaluation du rendement ni de versement d’une prime au rendement, ce n’était pas pour des raisons disciplinaires, et le fonctionnaire s’estimant lésé doit convaincre la Commission de la nature disciplinaire de la décision de l’employeur. Or, une décision disciplinaire est normalement basée sur un acte d’inconduite du fonctionnaire que l’employeur souhaite punir. Dans la présente affaire, on n’a pas allégué que la sanction disciplinaire ait été basée sur une inconduite.

[52]   Mme Fyfe-Fortin ne savait pas quel travail le fonctionnaire s’estimant lésé faisait au cours de l’exercice 2002-2003, et c’est pourquoi elle a demandé à l’ancien directeur de la Division, M. Holinsky, de se charger de son évaluation. M. Holinsky a répondu qu’il ne pourrait pas la faire parce que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait jamais répondu lorsque qu’il lui avait demandé où il en était sur les projets auxquels il avait été affecté. Au moment de l’évaluation du rendement, M. Holinsky n’était plus le directeur de la Division; il ne pouvait pas donner les renseignements nécessaires à Mme Fyfe-Fortin parce qu’il ne les avait jamais reçus du fonctionnaire s’estimant lésé.

[53]   Sans information sur le travail accompli par un fonctionnaire, l’employeur est incapable d’évaluer son rendement. Par conséquent, il était incapable d’accorder une prime au rendement au fonctionnaire s’estimant lésé parce qu’il lui avait été impossible d’évaluer son rendement. La décision prise par l’employeur sur cette base est de nature administrative plutôt que disciplinaire. Dans son témoignage, M. Holinsky a clairement déclaré que l’affectation du fonctionnaire s’estimant lésé aux Projets spéciaux n’était pas disciplinaire et ne constituait pas une réprimande à son endroit.

[54]   Le fait que la décision avait affecté financièrement le fonctionnaire s’estimant lésé ne le transforme pas en une décision disciplinaire. Même si une évaluation de rendement peut avoir des conséquences financières, elle ne constitue pas une sanction pécuniaire, et la Commission l’a établi dans Bratrud c. Bureau du surintendant des institutions financières Canada, 2004 CRTFP 10 :

[...]

          La jurisprudence de la Commission est constante quant à la manière dont celle-ci traite les évaluations du rendement (voir Porter, Hassan, Veilleux et Ansari , supra). Bien qu’une évaluation du rendement puisse être assortie de conséquences financières, ces conséquences ne constituent pas une « sanction pécuniaire » au sens de l’article 92 de la LRTFP .

          Il incombe au fonctionnaire s’estimant lésé qui allègue l’existence d’une mesure disciplinaire déguisée d’en faire la preuve. [...]

[...]

[55]   Dans Veilleux c. Conseil du Trésor (Commission de la fonction publique), dossier de la CRTFP no 166-2-11370 (1982) (QL), l’arbitre a déclaré que sa compétence est limitée par l’article 7 de la LRTFP :

[...]

L’article 7 de la Loi contient les dispositions suivantes :

  7. Rien dans la présente loi ne doit s’interpréter comme portant atteinte au droit ou à l’autorité que possède l’employeur de déterminer comment doit être organisée la Fonction publique, et d’attribuer des fonctions aux postes de classer ces dossiers.

          À la lecture de cet article, on se rend compte qu’à défaut de prouver à la satisfaction de l’arbitre qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire déguisée, celui-ci ne peut en aucun cas se substituer à l’employeur en matière d’organisation du travail, d’attribution de fonctions aux postes et de classification. Il ne peut non plus s’arroger le droit de décider à la place de l’employeur de l’évaluation donnée à un employé, puisque ce droit appartient à l’employeur aux termes de l’article 7 de la Loi sur l’administration financière.

[...]

[56]   En l’espèce, la SMA a offert au fonctionnaire s’estimant lésé une possibilité de lui montrer ce qu’il avait fait, mais il a refusé de le faire. Sans cette information, elle ne pouvait pas évaluer son rendement et n’avait d’autre choix que de conclure qu’elle ne pouvait pas accueillir le grief.

[57]   C’est au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il incombait d’établir qu’une inconduite ou un manquement à la discipline avait influé sur la décision de l’employeur de ne pas évaluer son rendement. Ce principe est établi dans Porter c. Conseil du Trésor (Ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources) , dossier de la CRTFP no 166-2-752 (1973), et il devrait être appliqué ici. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas prouvé qu’une inconduite de sa part était une raison pour que l’employeur n’évalue pas son rendement. Il s’ensuit que l’arbitre de grief devrait rejeter le grief, parce que le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas acquitté du fardeau de prouver la nature disciplinaire de la décision de l’employeur.

Réplique

[58]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a répondu par écrit aux arguments de l’employeur le 12 mai 2005. Il a récapitulé les arguments présentés à l’audience et déclaré que l’employeur l’avait puni notamment pour avoir dénoncé son inconduite. Son affectation aux Projets spéciaux par M. Holinsky était une éviction illégale de son poste d’attache, et le fait que M. Holinsky n’avait pas évalué son rendement pendant trois années d’affilée, de 2000 à 2003, doit être considéré comme une inconduite de sa part. La décision de M. Ross de le muter dans le poste de gestionnaire du Transfert des connaissances en juin 2003 constituait elle aussi une inconduite, tout comme la mutation illégale de M. Berti par M. Masse en novembre 2003. Mme Fyfe-Fortin était impliquée dans l’inconduite relative à la mutation de M. Berti ainsi qu’au fait que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas eu d’évaluation de son rendement pour l’exercice 2002-2003.

[59]   À l’appui de sa réplique, le fonctionnaire s’estimant lésé a cité les décisions suivantes :

  • Thibault c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel) , dossier de la CRTFP no 166-2-26613 (1996) (QL), la disant favorable au principe que, en l’absence de preuves contre l’intéressé, l’action de l’employeur est réputée disciplinaire, ce qui devrait s’appliquer en l’espèce.
  • Tucci c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes, Accise et Impôt et Commission de la fonction publique) (96-RC-006). Dans cette décision, la CFP a déclaré qu’il y a abus de pouvoir lorsqu’un gestionnaire délégué exerce son pouvoir discrétionnaire en se conformant à l’intention de l’employeur, ce qui subsume le fait d’agir pour une fin interdite, de mauvaise foi ou en se fondant sur des considérations non pertinentes. La mauvaise foi a été prouvée dans cette affaire-ci, et ce principe devrait s’appliquer parce que la mutation aux Projets spéciaux était illégale.
  • Canada (VG) c. Penner , [1989] 3 C.F. 429, (C.A.F.) 440, commentant l’arrêt Jacmain c. Procureur général, [1978] 2 R.C.S. 15 : dans ces deux jugements, on a conclu qu’il est absolument intolérable de priver quelqu’un d’une protection prévue par la loi en ayant recours à une supercherie. En l’espèce, l’employeur a privé le fonctionnaire s’estimant lésé de l’évaluation de rendement et de la cote de rendement qu’exige la Politique du Conseil du Trésor.
  • Les décisions rendues dans Bratrud (supra) et dans Veilleux (supra) ne sauraient s’appliquer ici, parce qu’il s’agissait dans les deux cas de déclarations inexactes et trompeuses. La situation est différente en l’espèce puisqu’il s’agit de la non-production d’évaluations de rendement.
  • Vogan c. Conseil du Trésor (Défense nationale) , dossier de la CRTFP no 166-2-26900 (1996) (QL). Dans cette affaire-là, l’arbitre aurait eu compétence si la mauvaise foi de l’employeur avait été prouvée.
  • Porter (supra) ne peut s’appliquer en l’espèce parce que c’est l’inconduite de l’employeur qui est à l’origine des mesures disciplinaires imposées au fonctionnaire s’estimant lésé.
  • Le fonctionnaire s’estimant lésé a aussi cité un principe énoncé dans Principles of Administrative Law , de Jones et Villars, Carswell, 1991, en disant qu’il devrait s’appliquer dans son cas :

[Traduction]

[...]

La meilleure définition d’un pouvoir discrétionnaire est le pouvoir de prendre une décision qu’on ne pourrait absolument pas considérer objectivement comme bonne ou mauvaise; néanmoins, un pouvoir discrétionnaire sans limite ne peut pas exister. Les tribunaux ont toujours fait valoir leurs droits d’intervention pour dénoncer une vaste gamme d’abus de pouvoir dans les cas d’exercice d’un pouvoir discrétionnaire délégué.

[...]

[60]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que les principes suivants devraient entrer en ligne de compte dans la présente affaire :

  • Leonarduzzi c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP no  166-2-27886 (1999) (QL):

[...]

[...] Il ne faut pas oublier que l’employeur est le seul à savoir pourquoi il a pris la décision que l’on sait; en ne fournissant pas d’éléments de preuve et de renseignements, il place le fonctionnaire dans la position peu enviable de spéculer sur les raisons de sa décision et, par conséquent, d’assumer un fardeau presque impossible, soit celui d’essayer de prouver la mauvaise foi. Ce n’est pas ce qu’exigent les dispositions législatives en cause, et cela est contraire à l’équité et au bon sens élémentaires.

[...]

  • Ling c. Conseil du Trésor (Anciens combattants Canada), dossiers de la CRTFP nos 166-2-27472 et 27975 (1999) (QL), où l’arbitre a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait le droit de connaître le point de vue de l’employeur et les preuves qui pesaient contre lui pour se défendre en conséquence.

[61]   Dans sa réplique écrite, le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que l’absence des mots [traduction] « mesure disciplinaire déguisée » dans la description de son grief tel qu’il a été présenté au départ n’enlève rien au fait qu’il s’agit fondamentalement dans cette affaire de mesures disciplinaires/punitives déguisées. C’est l’essence de l’affaire et non sa forme ou la façon dont elle a été exprimée qui est déterminante. À l’appui de cet argument, le fonctionnaire s’estimant lésé a invoqué les décisions suivantes :

  • Doré c. Canada (Procureur général) , [1987] 2 R.C.S., 503;
  • Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada , [1991] 1 R.C.S., 614;
  • Leonarduzzi (supra);
  • Ling (supra).

[62]   Dans Leonarduzzi (supra), l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit :

[...]

[...]  lorsqu’un grief contestant un prétendu licenciement est renvoyé à l’arbitrage, il incombe à l’arbitre dont la compétence est contestée de déterminer si le licenciement est réellement le résultat de l’application de la LEFP et non pas un subterfuge ou un « camouflage » (le terme employé par la Cour suprême dans l’arrêt Jacmain ). [...]

[...]

[63]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a aussi cité le passage suivant du jugement Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi , 2001 CFPI 529 :

[...]

          De plus, le juge Mackay a déclaré, dans Horn , précitée, à la page 469 :

Ces fonctions spéciales, ainsi que l’expertise des personnes chargées, en vertu de la LRTFP, de régler les différends survenant en matière de relations du travail dans le secteur public sont maintenant établies. [...]

À mon avis, l’intention du législateur était que la détermination de ce qui constitue une « mesure disciplinaire », dans un cas donné, relève des personnes désignées à titre d’arbitres par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, conformément à l’article 93 de la LRTFP. Il suffit pour l’arbitre de savoir si la mesure prise par l’employeur constitue une « mesure disciplinaire entraînant le congédiement » au sens du paragraphe 92(1). [...]

[...]

[64]   Dans Canada (Procureur général) c. Matthews, [1997] A.C.F. no 1692, le juge Richard a fait une citation dans sa conclusion :

Conclusion

[23]     Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Penner , M. le juge Marceau a fait des remarques au sujet de la décision que la Cour suprême du Canada avait rendue dans l’affaire Jacmain c. Procureur général (du Canada) . Voici ce qu’il a dit :

           Il est clair que cinq des neuf juges ayant rendu le jugement dans l’affaire Jacmain ont exprimé l’opinion qu’un arbitre saisi d’un grief déposé par un employé renvoyé en cours de stage a le droit d’examiner les circonstances de l’affaire pour s’assurer qu’elle soit réellement ce qu’elle semble être. Cet examen serait effectué en application du principe selon lequel la forme ne devrait pas l’emporter sur le fond. [...]

[...]

[65]   Bien que l’avocat de l’employeur ait soutenu que celui-ci n’avait pas eu l’occasion de répondre au bon grief puisque le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas soulevé la question d’une sanction disciplinaire, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé de façon répétée si le ministère avait déjà décidé quelle réponse donner à son grief (pièce E-9), parce que l’employeur n’avait manifesté aucune intention de révéler les faits sous-jacents à son manquement à l’obligation d’évaluer le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé. Ces questions du fonctionnaire s’estimant lésé laissaient implicitement entendre de la mauvaise foi/un déni de justice naturelle/un abus de pouvoir/des mesures disciplinaires déguisées implicites. En outre, la question de savoir si le ministère a subi un préjudice n’est pas pertinente puisqu’il n’a de toute façon pas répondu même aux allégations fondamentales du grief. Il n’a donné aucune réponse valide au grief, à quelque niveau que ce soit de la procédure de règlement des griefs, y compris le dernier.

[66]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que l’employeur a commencé en 2001 à faire preuve d’inconduite, de comportements illégaux et arbitraires, de non-respect des politiques, de manque de transparence, d’insincérité, de mauvaise foi et d’abus de pouvoir, toutes et chacune de ces actions se traduisant par des mesures disciplinaires déguisées pour les raisons suivantes :

  • l’employeur l’a illégalement chassé de son poste;
  • l’employeur l’a empêché d’avoir un vrai poste entre septembre 2002 et juin 2003;
  • l’employeur a manqué à son obligation de faire une évaluation en bonne et due forme de son rendement.

[67]   Quant aux sanctions pécuniaires qui ont résulté de tout cela, le fonctionnaire s’estimant lésé a souligné qu’il n’a pas touché de prime au rendement, qu’il a dû engager des frais pour tenter de se défendre, et que sa santé, sa réputation et ses chances d’avancement et d’accès à d’autres postes en ont souffert.

[68]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a précisé les dommages-intérêts qu’il réclame comme suit :

[Traduction]

8 100 $ plus l’intérêt pour la perte de la prime au
   rendement de 2002-2003
Les primes au rendement peuvent s’élever jusqu’à 10 % du traitement. Je suis en droit de m’attendre à toucher le maximum, si l’employeur avait agi de bonne foi et évalué mon rendement de façon raisonnable.

Traitement actuel : 81 481 $ X 10 % = 8 148 $, arrondis à 8 100 $

• 33 600 $ pour la perte du revenu de pension
  projeté résultant de la non-production d’une
  évaluation de rendement/le non-versement de la
  prime au rendement
J’ai 61 ans et je pourrais décider de prendre ma retraite n’importe quand dès maintenant sans pénalité. Si je prenais ma retraite quand j’aurai accumulé 30 années de service ouvrant droit à pension (en janvier 2007), l’impact des agissements de l’employeur sur ma pension serait le suivant :
8 148 $ ÷ 5 = 1 629,60 $ par année serait le montant manquant dans la moyenne du traitement de mes cinq meilleures années consécutives.

30 ans x 2 % par année = 60 %
60 % de 1 629,60 $ = 997,76 $ par année de perte de revenu de pension.
977,76 $ x 30 ans = 29 332,80 $
J’assume que mon épouse me survivra neuf ans, ce qui signifie que sa perte serait de 977,76 $ x 30 ans = 488,88 $ par année de perte de revenu
488,88 $ x 9 = 4 399,92 $
Total = 29 332,80 $ + 4 399,92 $ = 33 732,72 $, arrondis à 33 600 $

16 000 $ en dommages-intérêts moraux et    psychologiques

La décision arbitraire et déraisonnable de ne pas faire mon évaluation de rendement/de ne pas me verser de prime au rendement, contrairement à la politique du CT et à celle du ministère, a causé à ma famille et à moi-même beaucoup d’anxiété, de stress et de crainte de ce que l’avenir nous réserve.
Je dois tous les jours rentrer à la maison en pensant à mon échec et à toute l’injustice avec laquelle ces gens m’ont traité et continuent de me traiter.
Je penserai encore à ce qui m’est arrivé dans dix ou vingt ans. L’effet permanent de ces actions illégales ne saurait être effacé. Elles vont continuer à me hanter, car je sais que je vais devoir leur faire face au travail.
En manquant (plusieurs fois) à son devoir d’évaluer mon rendement, l’employeur a entaché mon dossier, et mes chances d’avancement ou d’emploi ailleurs en sont grandement réduites.
Mon image et ma réputation sont salies à jamais parce que j’ai été contraint à me défendre et à intenter une procédure contre l’employeur. Qui plus est, mon angoisse et mon stress s’accroissent à cause de l’impact que ces agissements ont eus sur ma santé et sur le bien-être de ma famille.

Les actions de l’employeur sont moralement et éthiquement répréhensibles. Comment aurait-on pu s’attendre à me voir fonctionner à un niveau extraordinaire quand leurs actions illégales m’empêchent de travailler? Il en a résulté des effets à long terme sur mon estime de moi-même et sur celle d’autres personnes aussi.
J’estime que la somme de 16 000 $ est purement symbolique pour me dédommager de tout cela.

   •  150 000 $ en dommages-intérêts punitifs exemplaires
Des mesures efficaces s’imposent pour prévenir la récurrence d’événements malheureux de ce genre. Il faut que l’employeur sente qu’il existe de puissants facteurs de dissuasion chaque fois qu’il est tenté de faire quelque chose comme ça. Il est illusoire de penser qu’une amende symbolique atteindrait ces objectifs.
Si nous estimons les « économies » réalisées par l’employeur dans une situation comparable à ce que ses coûts directs sont pour moi, soit 33 600 $ + 8 100 $ = 41 700 $, et que nous estimons aussi que la victime se plaindrait et aurait gain de cause dans seulement un cas sur dix, les « économies » totales pour le ministère seraient de 41 700 $ x 9 = 375 300 $ pour chaque série de dix cas.
Les dommages-intérêts exemplaires et punitifs de 150 000 $ ne représentent qu’une fraction de cette somme « économisée », mais la pénalité serait dissuasive comparativement aux « gains » réalisés dans un cas donné.

[69]   Dans la réponse que la Commission a reçue le 7 décembre 2005, l’avocat de l’employeur a tenu le raisonnement suivant :

[Traduction]

Je tiens à répondre à votre lettre datée du 6 décembre 2005 avec laquelle vous nous faisiez parvenir des documents déposés par M. Garcia Marin le 10 mai 2005. En réponse aux arguments qu’il avance pour justifier des dommages-intérêts, l’employeur/intimé demanderait que, puisqu’on n’a pas entendu de preuve à cet égard à l’audience, l’arbitre de grief/commissaire en reste saisi dans sa décision sur le fond. Dans l’éventualité où le grief et/ou les plaintes seraient accueillis, les parties auraient la possibilité de présenter une preuve et des observations si elles n’arrivaient pas à s’entendre sur le redressement approprié.

Motifs de décision

[70]   L’employeur a contesté la compétence de la Commission d’entendre le grief en l’espèce pour deux raisons. Premièrement, il a allégué que le fonctionnaire s’estimant lésé avait modifié la nature de son grief en le renvoyant à l’arbitrage. Deuxièmement, il a soutenu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas démontré que la décision de ne pas faire son évaluation et de ne pas lui attribuer une cote de rendement pour l’exercice 2002-2003 était une mesure disciplinaire entraînant une suspension, une sanction pécuniaire, le licenciement ou la rétrogradation.

1.        Nature du grief

[71]   Dans le grief déposé le 2 avril 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé contestait seulement le fait que le ministère n’avait pas évalué son rendement et ne lui avait pas attribué de cote de rendement pour l’exercice 2002-2003. Il ne disait nullement que ces actions de l’employeur étaient disciplinaires. La nature disciplinaire des actions de l’employeur n’a été ni alléguée, ni prouvée lorsque le grief a été entendu au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le 27 mai 2004. Quand il a comparu à cette occasion devant la SMA, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas allégué que les actions de l’employeur étaient de nature disciplinaire ou de mauvaise foi; il ne l’avait d’ailleurs pas fait non plus dans sa rencontre antérieure avec M. Bremner. Même s’il a allégué dans sa réplique qu’il avait laissé entendre pendant la procédure disciplinaire qu’une intention disciplinaire était inhérente aux mesures de l’employeur, la jurisprudence est claire : elle exige davantage de lui. Il faut que la question soit soulevée clairement pour qu’un employeur puisse réagir à une allégation qu’il sait avoir été faite à son endroit.

[72]   La preuve et les déclarations des témoins à l’audience démontrent que la question de la nature disciplinaire des actions de l’employeur dans le contexte de la non-production d’une évaluation de rendement et, partant, de l’inexistence d’une cote de rendement a été soulevée pour la première fois par le fonctionnaire s’estimant lésé dans sa lettre du 21 juin 2004, après que la Commission lui eut demandé un complément d’information sur son renvoi à l’arbitrage.

[73]   Le principe établi dans Burchill (supra) , et cité dans Schofield (supra) , est le suivant :

[...]

          Aux termes de l’article 92 de la LRTFP, le pouvoir de l’arbitre se limite à étudier un grief qui s’inscrit dans le cadre des procédures de grief internes. Comme l’a dit le juge Thurlow, alors juge en chef, au sujet du paragraphe 91(1) de la LRTFP dans la cause Burchill c. Canada (Procureur général) , 37 N.R. 530 (C.A.F.), au paragraphe 5 :

          [...]  À notre avis, après le rejet de son seul grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le requérant ne pouvait présenter à l’arbitrage un nouveau grief ou un grief différent, ni transformer son grief en un grief contre une mesure disciplinaire entraînant le congédiement au sens du paragraphe 91(1) [...] À notre avis, puisque le requérant n’a pas énoncé dans son grief la plainte dont il aurait voulu saisir l’arbitre, à savoir que sa mise en disponibilité n’était, en vérité, qu’une mesure disciplinaire camouflée, rien ne vient donner à l’arbitre compétence pour connaître du grief en vertu du paragraphe 91(1). Par conséquent, l’arbitre n’a pas compétence.

[...]

[74]   Il ressort clairement de la preuve que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais fait valoir à l’employeur, au cours de la procédure de règlement des griefs, qu’on l’avait privé de sa prime au rendement de l’exercice 2002-2003 pour des motifs disciplinaires, ni que le non-versement de cette prime constituait une sanction pécuniaire au sens de l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne LRTFP.

[75]   Ces questions auraient dû être discutées avec l’employeur au cours de la procédure de règlement des griefs avant d’être soumises par renvoi à l’arbitrage fondé sur l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne LRTFP. Le témoignage rendu au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 27 mai 2004 et les notes déposées en preuve (pièce E-10) révèlent que l’allégation qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée n’a pas été soumise à l’employeur par le fonctionnaire s’estimant lésé pour étayer son grief.

[76]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a soulevé la question de son affectation aux Projets spéciaux avec l’employeur dans diverses procédures, la première peu après sa nomination, en novembre 2001, après quoi il l’a fait deux fois de plus dans des plaintes fondées sur les paragraphes 34.3(1) et 34.4(1) de la LEFP. La première de ces démarches a été rejetée par le ministère; dans le cas des plaintes déposées en vertu de la LEFP, il y a eu des décisions de Mme Morissette, le 25 février 2004, et de M. Gohier, le 5 novembre 2004. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais lié, dans le contexte de la procédure de règlement des griefs, la question disciplinaire à celles de sa prime au rendement et de sa nomination aux Projets spéciaux.

[77]   Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a établi un lien entre la question disciplinaire et celle de son affectation aux Projets spéciaux de même que de sa demande d’évaluation de rendement et de prime au rendement qu’au stade du renvoi de son grief à l’arbitrage, dans sa lettre datée du 21 juin 2004. Ce faisant, il a modifié la nature de son grief, en y ajoutant que les actions du ministère pour le priver de sa prime au rendement étaient une mesure disciplinaire déguisée entraînant une sanction pécuniaire.

[78]   Dans le présent cas, le fonctionnaire s’estimant lésé a modifié la nature de son grief lorsqu’il a déclaré ce qui suit dans sa lettre du 21 juin 2004 à l’ancienne Commission :

[Traduction]

[...]

J’estime que les actions et les omissions du ministère pour me priver de ma prime au rendement sont un complément et une conséquence de la série de mesures disciplinaires et punitives à peine déguisées qui m’ont été imposées. On m’a évincé de mon poste pour une période de plus de 2,5 ans, on m’a refusé la possibilité de faire un travail valide, approprié et valable dans le cadre d’un poste existant qui me convenait; on m’a laissé sans superviseur pendant plus d’un an; on ne m’a pas donné d’objectifs de rendement clairement définis et l’on ma privé d’évaluations de mon rendement, tout cela constituant des infractions à la Loi sur la gestion des finances publiques et à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

[79]   Par conséquent, le principe établi dans Burchill (supra), doit être appliqué dans la présente affaire, et je n’ai pas compétence pour trancher le grief tel que formulé dans la lettre du 21 juin 2004. L’objection de l’employeur sur le premier motif est acceptée. Je n’ai donc pas compétence pour entendre le grief au fond.

2.        Nature disciplinaire de la décision de l’employeur

[80]   Subsidiairement, le grief ne peut pas non plus être accueilli au fond. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a effectivement pas prouvé que la non-production d’une évaluation de son rendement et, partant, le non-versement de sa prime au rendement étaient attribuables à des motifs disciplinaires.

    A.  Nature de la décision d’affectation

[81]   Bien qu’il ne soit absolument pas fait mention de la question de l’affectation dans le grief, j’ai néanmoins décidé de m’y attaquer pour deux raisons, d’abord parce que le fonctionnaire s’estimant lésé y a consacré une grande partie de son témoignage et de ses arguments sans que l’employeur ne fasse objection et ensuite parce que cette preuve aurait nécessairement influé sur ma décision quant aux points qui faisaient l’objet du grief, s’il avait prouvé que son affectation était disciplinaire. Néanmoins, j’ai conclu qu’il n’a pas réussi à prouver qu’elle était d’ordre disciplinaire au sens où l’entend l’ancienne LRTFP.

[82]   Les problèmes de communication entre la Division des vêtements et textiles et le MDN existaient depuis longtemps lorsque M. Holinsky a pris la décision d’affecter le fonctionnaire s’estimant lésé aux Projets spéciaux, le 7 novembre 2001. La correspondance du 11 juin 2001 de M. Holinsky mentionnait des problèmes fondamentaux et un malentendu sur les rôles, les responsabilités et les objectifs (pièce G-17). En outre, dans sa correspondance du 14 novembre 2001, M. Holinsky déclarait que les problèmes existaient depuis 1998 (pièce G-34).

[83]   Dans leurs témoignages, le fonctionnaire s’estimant lésé et Mme Larkin ont confirmé l’existence de problèmes concernant les commandes du MDN. L’intention de la direction d’apporter des changements à la structure de la Division était considérée par le fonctionnaire s’estimant lésé et par Mme Larkin comme une situation très grave de relations de travail. Ils percevaient les discussions sur la réorganisation de la Division et leur remplacement dans les postes qu’ils occupaient à titre intérimaire ou permanent comme des menaces de la direction contre eux (pièce G-21).

[84]   Dans son témoignage, M. Holinsky a clairement précisé que l’affectation du fonctionnaire s’estimant lésé aux Projets spéciaux le 7 novembre 2001 n’était pas une punition. Il a déclaré n’avoir rien à reprocher au fonctionnaire s’estimant lésé. L’objectif de cette décision de changer les personnes responsables des rapports avec le MDN était d’améliorer l’aptitude du ministère à communiquer avec ce client. La correspondance à l’intention du général Brewer en date du 14 novembre 2001 était la confirmation écrite que M. Holinsky espérait que le remplacement du personnel à son ministère allait contribuer à rétablir leur relation, sans blâmer qui que ce soit (pièce G-34).

[85]   La preuve a démontré que le fonctionnaire s’estimant lésé pensait qu’on le chassait de son poste d’attache et que Mme Larkin avait tout comme lui le sentiment d’être traitée injustement (pièce G-31). Toutefois, le sentiment du fonctionnaire s’estimant lésé d’être traité injustement ne signifie pas qu’il avait bel et bien écopé d’une mesure disciplinaire. M. Gohier a conclu que la décision de confier de nouvelles tâches et de nouvelles fonctions au poste d’attache du fonctionnaire s’estimant lésé et de muter celui-ci dans une autre direction constituait une mutation illégale sans son consentement, mais cela ne signifie pas que c’était une décision disciplinaire (pièce G-11).

[86]   Dans Porter (supra), l’arbitre de grief a donné son interprétation de la notion de « mesure disciplinaire » au sens du sous-alinéa 92(1)b)(i) de l’ancienne LRTFP. Après avoir tenu compte des dispositions législatives en matière de discipline de la LGFP, du Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique et de l’ancienne LRTFP, il est arrivé à la conclusion suivante :

[...]

[...] Dans l’affaire Robertson (166-2-454) j’ai tenté d’expliquer la question comme il suit :

           « La Loi sur l’administration financière ainsi que l’article 106 font mention en termes précis de pénalités en cas d’infraction à la discipline ou d’inconduite. Les termes employés comportent la notion de culpabilité : infractions volontaires ou négligence coupable; ces attitudes peuvent entraîner tous deux l’adoption de mesures punitives. Je crois toutefois que les termes employés ne se réfèrent pas à certains cas de manquements ou de déficiences, tels que l’incompétence involontaire ou l’incapacité (causée par l’inexpérience ou la vieillesse); dans les deux cas, on ne remarque aucune volonté de nuire.

           « Il me semble que la “ mesure disciplinaire ” à laquelle se réfère l’article  91(1) b ) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique a été adoptée pour sévir contre toute “ infraction à la discipline ou inconduite ” ou, en d’autres mots, pour pallier à tout ce que l’employeur considère comme agissement coupable, quel que soit le terme inscrit dans les dossiers à cet effet.

           « Pour plus de clarté, ajoutons que dans certains cas l’incompétence ou l’incapacité peut être attribuable à une volonté de nuire et entraîner l’adoption de mesures disciplinaires. Si un employé refuse de fournir l’effort requis alors qu’il en est capable, il se peut que le “ rendement insuffisant ” qui en résulte attire l’attention et entraîne même l’adoption de mesures punitives. Toutefois, dans un tel cas, c’est le refus de l’employé et non son rendement insuffisant qui constitue l’infraction à proprement parler; son refus pourrait amener les autorités à prendre certaines mesures punitives à son égard.

           « Si l’on étudie bien les trois textes de lois, il semble en ressortir que les “ infractions à la discipline et l’inconduite ” sont le fait d’une volonté de nuire, et que les mesures punitives très sévères qui en résultent (et qui sont imposées par le Conseil du Trésor ou en son nom) sont arbitrables. D’autre part, les incapacités, les insuffisances ou les manquements de nature involontaire ne peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires, mais peuvent entraîner de diverses façons le licenciement ou le déclassement de l’employé (à la discrétion du sous-chef ou [de] la Commission). Il est possible dans certains cas d’en appeler de la décision rendue; dans d’autres, c’est impossible. On fait donc une distinction très nette entre ce qui est volontaire ou ce qui est lié à la volonté de l’employé, et ce qui ne l’est pas ou ce qui échappe au contrôle ou à l’habileté de celui-ci. »

          Bien que l’extrait précité de la décision rendue dans l’affaire Robertson a rapport à des affaires qui portent sur la cessation d’emploi ou la rétrogradation, je pense qu’il s’applique en principe à une affaire semblable à celle dont je suis saisi maintenant et dans laquelle l’employé se plaint de l’appréciation faite de sa valeur ainsi que de l’augmentation de traitement qu’on lui a accordé en 1972. [...]

[...]

[87]   Dans la présente affaire, les actions de l’employeur quand il a décidé d’affecter le fonctionnaire s’estimant lésé aux Projets spéciaux le 7 novembre 2001 et qu’il a réorganisé la Division, le 1er avril 2003, n’ont pas eu lieu en réaction à des agissements coupables du fonctionnaire s’estimant lésé. La preuve m’a convaincu que les décisions en question ont été prises afin d’améliorer l’aptitude du ministère à communiquer avec le MDN et non parce qu’on reprochait quelque chose au fonctionnaire s’estimant lésé. J’accepte le témoignage de M. Holinsky à cet égard. Ces mesures ont eu lieu en vertu du droit de l’employeur de déterminer l’organisation de la fonction publique et de confier des fonctions aux employés pour améliorer les services offerts par TPSGC, particulièrement au MDN, conformément à l’article 7 de l’ancienne LRTFP. Je souscris au raisonnement de l’arbitre de grief dans Veilleux (supra), à savoir qu’à moins que l’arbitre de grief ne soit convaincu qu’il y a eu en l’occurrence une mesure disciplinaire déguisée, il ne peut se substituer à l’employeur dans des questions relatives à l’organisation du travail ou à l’attribution de fonctions aux postes. La preuve m’amène à conclure que l’affectation du fonctionnaire s’estimant lésé aux Projets spéciaux était une décision de nature administrative plutôt que disciplinaire.

B.        Absence d’évaluation du rendement

[88]   En ce qui concerne l’évaluation du rendement et la prime au rendement, j’ai conclu que les actions de l’employeur n’étaient pas de nature disciplinaire quand il n’a pas produit d’évaluation du rendement de l’intéressé pour 2002-2003. La preuve a révélé qu’il n’avait pas produit d’évaluation de son rendement pour les exercices 2000-2001, 2001-2002 et 2002-2003, mais les deux premiers ne sont pas visés par le grief dont je suis saisi. Cela dit, bien que les exercices 2000-2001 et 2001-2002 ne soient pas mentionnés dans son grief, le fonctionnaire s’estimant lésé n’en a pas moins soutenu dans ses arguments et dans sa lettre du 21 juin 2004 (pièce G-2) que l’employeur avait agi de mauvaise foi en négligeant d’appliquer la procédure de rémunération au rendement de 2000 à 2003. Il a aussi déclaré que le fait de n’avoir pas touché de prime au rendement pour ces périodes équivalait pour lui à une sanction pécuniaire. Fondamentalement, il allègue que la mauvaise foi et les motifs disciplinaires de l’employeur existaient depuis le début et qu’ils ont entaché tout ce qui s’est passé ultérieurement.

Exercice 2001-2002

[89]   Pour l’exercice 2001-2002, le Rapport de gestion du rendement et de rétroaction précise que le rendement global du fonctionnaire s’estimant lésé était « impossible à évaluer » (pièce G-15). La feuille d’information par individu (pièce G-15) montre qu’on avait calculé une prime au rendement de 4,40 % (soit 3 497 $), et l’état des gains daté du 29 juillet 2002 (pièce G-16) atteste que le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu cette prime.

[90]   Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est acquitté de toutes les fonctions de son poste de directeur de la Division des vêtements et textiles jusqu’au 18 novembre 2001, après quoi il a été en affectation spéciale du 19 novembre 2001 au 31 avril 2002. Il était en congé de maladie du 20 décembre 2001 au 3 septembre 2002 (pièce G-19).

[91]   La preuve a donc montré que le fonctionnaire s’estimant lésé était en congé de maladie à la fin de l’exercice 2001-2002, ce qui peut expliquer que son rendement n’ait pas été évalué et que l’indication « impossible à évaluer » figure dans le Rapport de gestion du rendement et de rétroaction. Or, il a touché une prime au rendement pour cette période même si son rendement était « impossible à évaluer ». Dans son argumentation, le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’on n’avait pas produit d’évaluation de son rendement pour cette période, sans toutefois mentionner qu’il avait touché une prime au rendement. Le versement de cette prime va à l’encontre de l’allégation générale que la décision de l’employeur de ne pas évaluer son rendement pendant deux ans et demi, incluant l’exercice 2002-2003, témoignait de sa mauvaise foi ou de la nature disciplinaire de cette décision.

[92]   Je ne peux donc pas souscrire à l’allégation du fonctionnaire s’estimant lésé que la décision de l’employeur était disciplinaire ou de mauvaise foi pour la première partie de son affectation aux Projets spéciaux, du 19 novembre 2001 à la fin de mars 2002.

Exercice 2002-2003

[93]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a été affecté aux Projets spéciaux à partir de novembre 2001. Il était encore en congé de maladie du 20 décembre 2001 au 3 septembre 2002. À son retour au travail, il a informé M. Holinsky qu’il s’attendait à être réintégré dans son poste d’attache (pièce G-19). M. Holinsky lui a répondu (pièce G-15) [traduction] : « Nous allons devoir parler du travail que vous ferez. »

[94]   Le 26 septembre 2002, M. Holinsky a confié au fonctionnaire s’estimant lésé des tâches spéciales relatives à divers problèmes concernant Corcan en lui demandant de lui soumettre un plan pour la mi-octobre (pièce E-5). Il lui a ensuite demandé des suivis le 1er octobre 2002 (pièce G-5) et le 9 janvier 2003 (pièce G-18). Le 14 janvier 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé lui a déclaré ce qui suit (pièce G-18) :

[Traduction]

[...]

[...] Après quoi vous avez proposé que je travaille sur le dossier de Corcan, mais, de mon point de vue, les discussions qui ont suivi en vue d’une entente sur cette tâche n’ont jamais abouti. [...]

[...]

[95]   Le 23 janvier 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il ne jouait plus aucun rôle dans le dossier de Corcan (pièce E-7). Quelques jours plus tard, le 29 janvier 2003, M. Holinsky lui a quand même demandé un plan visant à résoudre les problèmes avec Corcan (pièce E-8). M. Holinsky a déclaré dans son témoignage que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait jamais produit ce plan. La preuve a donc démontré que l’employeur avait demandé à l’intéressé des rapports sur les tâches accomplies ainsi qu’un plan visant à régler les problèmes relatifs à Corcan, mais que ce dernier n’avait pas obtempéré. Il est compréhensible, dans ces circonstances, que M. Holinsky ait déclaré avoir été incapable d’évaluer le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé. Le fait que celui-ci n’ait pas répondu aux demandes de suivi de M. Holinsky sur les nouvelles tâches qui lui avaient été confiées m’amène à rejeter son argument reprochant à la direction de ne pas lui avoir demandé de fournir des renseignements avant de déclarer que son rendement était impossible à évaluer. Qui plus est, toute erreur de ce genre de la direction aurait été corrigée au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, quand elle lui a de nouveau demandé une liste des tâches accomplies au cours de l’année écoulée et qu’il a refusé de la fournir.

[96]   Le fait que M. Holinsky ait quitté son poste de directeur au début de février 2003 peut aussi partiellement expliquer pourquoi il n’a pas évalué le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé pour la période terminée le 31 mars 2003. Le directeur par intérim, Jean Lacelle, était à la tête de la Division jusqu’au 31 mars 2003, quand Mme Fyfe-Fortin a pris la relève. Dans son témoignage, celle-ci a dit avoir demandé à ses prédécesseurs des renseignements sur le travail accompli par le fonctionnaire s’estimant lésé pendant la période 2002-2003, en ajoutant que personne n’avait pu lui fournir l’information demandée.

[97]   Dans ces circonstances, il appert que la conclusion de Mme Fyfe-Fortin qu’il lui était impossible d’évaluer le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé pour la période 2002-2003 était raisonnable. Le fait qu’elle n’a pas communiqué avec le fonctionnaire s’estimant lésé afin d’obtenir l’information dont elle avait besoin pour faire son évaluation de rendement est toutefois resté inexpliqué. C’était sûrement une erreur, compte tenu de la pratique de demander une rétroaction aux employés dans le contexte de l’évaluation de leur rendement (pièce G-13), mais une partie du blâme est néanmoins attribuable au fonctionnaire s’estimant lésé, pour n’avoir pas obtempéré aux demandes de M. Holinsky.

[98]   La Politique sur l’administration de la rémunération au rendement du Conseil du Trésor n’a pas été respectée par la direction lorsqu’elle n’a pas évalué le rendement de l’intéressé pour les exercices 2000-2001, 2001-2002 et 2002-2003. C’était une faute administrative. Rien dans la preuve n’a toutefois révélé qu’elle était entachée du désir de punir le fonctionnaire s’estimant lésé, ni qu’il y avait un rapport entre la menace de représailles que M. Holinsky lui aurait faite lors de leur rencontre du 17 octobre 2002 et la conclusion de Mme Fyfe-Fortin qu’il lui était impossible d’évaluer son rendement pour la période 2002-2003. Même si Mme Fyfe-Fortin a témoigné et qu’elle a été contre-interrogée par le fonctionnaire s’estimant lésé, il n’a jamais soulevé la question d’une intention disciplinaire, ni celle de ces représailles, de sorte que je ne puis me fonder que sur son témoignage qu’elle était dans l’impossibilité d’évaluer le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé parce qu’elle n’avait pas pu obtenir de renseignements sur le travail effectué pendant cette période-là. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas prouvé qu’il avait subi des mesures disciplinaires, puisqu’il n’a produit aucune preuve qui me permettrait de conclure que, selon la prépondérance des probabilités, il aurait écopé d’une sanction disciplinaire pour un agissement coupable quelconque pendant cette période.

[99]   Dans Porter (supra), l’arbitre de grief a retenu le principe que c’est au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il incombe de prouver qu’une inconduite ou une mesure disciplinaire sont reliés à sa constatation d’une évaluation de son mérite. Ce principe doit être appliqué en l’espèce. C’était au fonctionnaire s’estimant lésé de prouver que la décision de l’employeur de ne pas évaluer son rendement était disciplinaire.

[100]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a invoqué la décision dans l’affaire Thibault (supra) pour étayer son allégation que les actions de l’employeur sont disciplinaires lorsqu’il n’y a pas de preuves contre le fonctionnaire s’estimant lésé, mais ce n’est pas ce que dit cette décision. La décision réfère au grief qui mentionne clairement les soupçons de l’employeur sur la consommation d’alcool du fonctionnaire s’estimant lésé et conclu en déclarant que les deux parties savaient que le grief contestait une mesure disciplinaire. Dans Thibault (supra) l’arbitre a jugé que le fonctionnaire s’estimant lésé avait perdu le poste qu’il occupait à titre intérimaire pour des raisons disciplinaires, et qu’il les avait toujours contestées tout au long de la procédure de grief. Elle a poursuivi en analysant la raison de la mesure disciplinaire pour enfin conclure que l’employeur ne s’était pas acquitté du fardeau de la preuve, faute d’avoir fait comparaître l’auteur des allégations contre le fonctionnaire s’estimant lésé. Sa décision portait sur la raison de la mesure disciplinaire et non sur la question de savoir s’il y avait eu ou non une action disciplinaire. La décision n’étaye pas le raisonnement avancé par le fonctionnaire s’estimant lésé.

[101]   La preuve n’a pas démontré que les décisions de l’employeur de ne pas évaluer le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé pour l’exercice 2002-2003 et de ne pas lui accorder de prime au rendement pour cet exercice équivalaient à une mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire.

[102]   Faute de preuve que l’inconduite du fonctionnaire s’estimant lésé ait influé d’une façon quelconque sur la décision de l’employeur de ne pas évaluer son rendement pour l’exercice 2002-2003, le renvoi à l’arbitrage est rejeté puisque le grief est sans fondement en vertu de l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne LRTFP.

[103]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[104]   Pour tous ces motifs, le grief est rejeté.

Le 21 février 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Léo-Paul Guindon,
arbitre de grief

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