Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé, dont le poste est exclu, a déposé un grief concernant la date d’entrée en vigueur de la reclassification de son poste - le grief a été renvoyé à l’arbitrage par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada - les parties ont présenté des observations écrites à la Commission sur la question de savoir si un fonctionnaire exclu a le droit de renvoyer un grief à l’arbitrage - l’agent négociateur a fait valoir que la définition de ce qu’est un << grief >> au paragraphe 2(1) de l’ancienne LRTFP confère au fonctionnaire s’estimant lésé le statut de fonctionnaire pour l’application des dispositions limitées de l’ancienne LRTFP relatives aux griefs - l’employeur a soutenu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas le droit de renvoyer son grief à l’arbitrage en vertu de l’ancienne LRTFP, car il n’est pas assujetti à la convention collective du groupe CS, mais plutôt aux conditions d’emploi définies par le Secrétariat du Conseil du Trésor - l’arbitre de grief a conclu que même si l’employeur s’appuie sur la convention collective pertinente pour établir les conditions d’emploi des fonctionnaires exclus, ceux-ci n’en sont pas pour autant assujettis à cette convention collective - l’arbitre de grief a déterminé que le fait que l’agent négociateur soit tenu d’approuver les griefs présentés en vertu de la convention collective n’a pas pour effet, en soi, d’accorder des droits à un employé. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-10-27
  • Dossier:  166-2-37317
  • Référence:  2006 CRTFP 116

Devant un arbitre de grief



ENTRE

WAIMAN KWONG

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Commission de l’immigration et du statut de réfugié )

employeur

Répertorié
Kwong c. Conseil du Trésor (Commission de l’immigration et du statut de réfugié)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Ian R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Dan Rafferty, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Sandra Harrison-Martel


(Décision rendue sans audience)
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]   M. Kwong est gestionnaire régional de la technologie de l’information pour la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, soit un CS-03 (systèmes d’ordinateurs). Il ne fait pas partie de l’unité de négociation du groupe CS, car il est un fonctionnaire exclu (exclusion de personnes occupant un poste de direction : alinéa j) au paragraphe 2(1) de l’ancienne Loisur les relations de travail dans la fonction publique. Le 7 mai 2002, il a déposé un grief concernant la date de prise d’effet d’une reclassification. Il a reçu une réponse au dernier palier le 11 mai 2006. M. Kwong est actuellement représenté par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC). L’IPFPC a renvoyé le grief de M. Kwong à l’arbitrage le 22 juin 2006.

[2]   Par une lettre à l’agent négociateur et à l’employeur en date du 5 juillet 2006, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) a demandé aux parties des observations écrites sur la question de savoir s’il s’agissait d’un grief pouvant être à juste titre renvoyé à l’arbitrage. La question a été correctement énoncée par les parties comme étant de savoir si M. Kwong a, en tant que fonctionnaire exclu, le droit de soumettre son grief à l’arbitrage.

[3]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. ( 1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).

Observations écrites

[4]   Les observations formulées pour l’agent négociateur sont les suivantes :

[Traduction]

Contexte

Le 22 juin 2006, l’Institut professionnel a soumis à l’arbitrage le grief de M. Kwong, qui est un CS-03 employé par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié à Toronto. M. Kwong n’est pas membre de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) et n’est pas membre non plus de l’unité de négociation du groupe Systèmes d’ordinateurs, car il entre dans le cadre de l’alinéa j) de la définition de « fonctionnaire » figurant au paragraphe 2(1) de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique  :

« fonctionnaire » Personne employée dans la fonction publique […] à l’exclusion des personnes :

[…]

j) occupant un poste de direction ou de confiance.

M. Kwong a présenté son grief en 2002. Après un long retard, une réponse, au dernier palier, rejetant le grief a été donnée en avril  2006. À ce stade-là, M. Kwong a communiqué avec l’IPFPC pour savoir si ce dernier serait disposé à défendre son grief à l’étape de l’arbitrage et à assurer sa représentation. M. Kwong est le superviseur de cinq membres de l’IPFPC qui ont déposé des griefs identiques, invoquant l’article 20 et l’article 47 de la convention collective du groupe CS (Steve Cree et al. – n os de référence 166-02-37310 à 37314). Après avoir examiné la question du bien-fondé ainsi que les circonstances, l’IPFPC a accepté de soumettre à l’arbitrage le grief de M. Kwong et de représenter celui-ci devant la Commission.

Arguments

Je présume aux fins de la présente thèse que la question devant être tranchée se limite à savoir si M. Kwong a, en tant que fonctionnaire exclu, le droit de renvoyer à l’arbitrage son grief concernant l’application ou l’interprétation de la convention collective du groupe CS, et mes arguments porteront sur cette question.

Tout d’abord, bien que M. Kwong ne soit pas considéré comme un « fonctionnaire » au sens de la définition figurant au paragraphe 2(1) de la Loi, l’effet de la définition de « grief » figurant au paragraphe 2(1) est de conférer à M. Kwong le statut de fonctionnaire aux fins limitées des dispositions de la Loi se rapportant aux griefs :

« grief » Plainte écrite déposée conformément à la présente loi par un fonctionnaire, soit pour son propre compte, soit pour son compte et celui de un ou plusieurs autres fonctionnaires. Les dispositions de la présente loi relatives aux griefs s’appliquent par ailleurs :

a) aux personnes visées aux alinéas f) ou j) de la définition de « fonctionnaire ».

Le paragraphe 92(1) de l’ancienne LRTFP dispose :

92.(1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur :

a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

Comme l’indique le document sur le renvoi à l’arbitrage, au paragraphe 18(4), le grief de M. Kwong se fonde sur les articles 20 et 47 de la convention collective.

Donc, par effet de l’alinéa a) de la définition de « grief » précitée, M. Kwong entre carrément dans le cadre des dispositions de l’alinéa 92(1)a). Il a porté le grief jusqu’au dernier palier de la procédure applicable, le grief concernait l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective (c’est-à-dire principalement la paye/l’administration de la paye) et M. Kwong n’a pas obtenu satisfaction.

La question ne s’arrête pas là. Le paragraphe 92(2) de l’ancienne LRTFP dispose que, pour pouvoir renvoyer à l’arbitrage un grief relatif à l’interprétation ou à l’application d’une disposition d’une convention collective :

[…]

le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l’approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

Les conditions d’emploi des fonctionnaires non syndiqués — sous réserve de certaines exceptions — sont assujetties au Règlement régissant les conditions d’emploi dans la fonction publique (le « Règlement ») pris conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques . Le Règlement définit le terme « employé » :

employé signifie une personne employée dans un service de la partie I, classée dans l’une des catégories professionnelles énumérées et définies à l’article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique , à l’exception des personnes employées comme instituteurs ou directeurs d’école au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, des personnes à qui s’appliquent le Règlement de 1964 sur les équipages de navire, le Règlement de 1964 sur les officiers de navire , ainsi que des personnes dont les conditions d’emploi sont établies dans les Directives régissant les conditions d’emploi des employés de la catégorie de la gestion (employee);

Il est clair que M. Kwong, en tant que CS-03 exclu, entre dans le cadre de cette définition.

Le Règlement définit aussi « convention collective applicable » :

convention collective applicable s’entend de la convention collective applicable à l’unité de négociation à laquelle l’employé est affecté ou serait affecté s’il n’était pas exclu. En ce qui concerne les groupes de la gestion du personnel, de l’organisation et des méthodes, et des stagiaires en gestion, la convention collective applicable est la convention collective du groupe de l’administration des programmes. La convention collective applicable des employés qui sont des étudiants qui participent à un programme coopératif officiel d’acquisition d’expérience de travail, ou qui sont employés en vertu d’un programme d’emploi d’été, est la convention collective du groupe prédominant dont les tâches sont exécutées ou assumées en double par les étudiants pendant le stage de travail (relevant collective agreement).

Là encore, il est clair que dans le cas de M. Kwong la convention collective applicable est celle du groupe CS.

En ce qui a trait à la question de la paye, le Règlement prévoit ceci :

Rémunération – Généralités

Droit à la rémunération

20.(1) Sous réserve du présent règlement et de tout autre édit du Conseil du Trésor, tout employé a le droit de toucher, pour services rendus, le taux de rémunération prévu dans la convention collective applicable ou le taux approuvé par le Conseil du Trésor applicable à son groupe et à son niveau de classification.

Le paragraphe 20(1), donc, a pour effet de stipuler que le taux de rémunération de M. Kwong est régi par les dispositions de la convention collective du groupe CS.

En somme, dans le cas de M. Kwong la « convention collective applicable », où que figure cette expression dans le Règlement, est celle du groupe CS. L’une des mentions de la « convention collective applicable » figure à l’égard de la rémunération, soit l’objet du grief.

Nous attirons l’attention sur la manière dont le paragraphe 92(2) de l’ancienne LRTFP est libellé :

Pour pouvoir renvoyer à l’arbitrage un grief du type visé à l’alinéa 1a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l’approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

Comme nous l’avons établi précédemment, M. Kwong est, en conformité avec la définition de « grief » qui figure au paragraphe 2(1) de la Loi, considéré comme un « fonctionnaire » aux fins des « dispositions de la présente loi relatives aux griefs ». De plus, le grief est « un grief du type visé à l’alinéa [92]1a) » de la Loi, puisque le grief de M. Kwong porte sur « l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale ».

Pour que M. Kwong soit en droit de renvoyer un tel grief à l’arbitrage, l’agent négociateur de l’unité de négociation à laquelle s’applique la convention collective ou la décision arbitrale doit approuver le renvoi et faire savoir qu’il accepte de représenter le fonctionnaire. En l’espèce, l’Institut professionnel est l’agent négociateur de l’unité de négociation (CS) à laquelle s’applique la convention collective. L’IPFPC a signifié son approbation comme c’était requis et a fait savoir qu’il accepte de représenter M. Kwong.

Jurisprudence

Il y a très peu de décisions de l’ancienne CRTFP sur cette question. Les deux qui semblent les plus étroitement liées à la présente espèce sont la décision rendue par la vice-présidente Wexler en 1994 dans O’Neil et Conseil du Trésor (dossiers 166-2-25361 à 25368, 166-25613 à 25615 et 172-2-827) et la décision rendue par le président Tarte en 2002 dans Green-Davies c. Conseil du Trésor (dossier 166-2-30865).

Dans le cas O’Neil , la fonctionnaire s’estimant lésée occupait un poste de secrétariat (ST-SCY-O4) qui avait été exclu en vertu de l’alinéa  2j) de l’ancienne LRTFP au motif que l’intéressée occupait un poste de direction ou de confiance. La fonctionnaire cherchait entre autres à renvoyer 11 griefs à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 92(1)a) et du paragraphe 92(2) de la Loi. L’Alliance de la Fonction publique du Canada, qui était l’agent négociateur du groupe ST, n’approuvait pas les renvois à l’arbitrage. Dans ses motifs de décision, Mme Wexler a rejeté les griefs :

Par conséquent, en l’absence de l’approbation de l’agent négociateur et vu que Mme O’Neil occupe un poste qualifié de poste de direction ou de confiance, les griefs de celle-ci ne peuvent être renvoyés à l’arbitrage. En d’autres termes, elle ne peut renvoyer ses onze griefs à l’arbitrage étant donné les dispositions de l’alinéa 92(1)a) et du paragraphe 92(2) de la Loi.     (p. 6, premier paragraphe)

Ce cas est d’une aide limitée, car l’agent négociateur dans cette situation n’approuvait pas les renvois à l’arbitrage. De plus, il n’a pas été fait mention de la définition de « grief » figurant à l’article 2 de l’ancienne LRTFP, qui confère effectivement le statut de fonctionnaire à certaines catégories de fonctionnaires exclus, aux fins des dispositions de la Loi relatives aux griefs.

Le cas Green-Davies est d’une utilité encore moindre. Dans cette affaire, la fonctionnaire s’estimant lésée était une fonctionnaire non syndiquée qui était exclue en vertu de l’article 2 de l’ancienne LRTFP. M. Tarte a signalé, au paragraphe 8 de la décision :

Comme Mme Green-Davies est membre du groupe PE, il n’y a pas d’unité de négociation, de convention collective ni de décision arbitrale applicable, ni non plus d’agent négociateur. En tant que fonctionnaire non syndiquée assujettie à la LRTFP, elle ne peut donc pas porter un grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 92(1)a) de la LRTFP.

En fin de compte, chacun des deux cas susmentionnés a été tranché strictement sur le fondement de situations factuelles totalement différentes de celles qui se rapportent à la présente espèce et chacun de ces deux cas n’est applicable que dans la mesure où, sur la foi des faits présentés, il a été tranché correctement.

Conclusion

Nous soutenons donc que toutes les conditions requises pour le renvoi à l’arbitrage du grief de M. Kwong sont réunies et nous demandons que la Commission conserve immédiatement sa compétence.

[5]   Les observations formulées pour l’employeur sont les suivantes :

[Traduction]

[…]

Introduction

Le 22 juin 2006, avec l’approbation de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), le grief susmentionné a été renvoyé à l’arbitrage. Le grief de M.  Kwong concerne la date de prise d’effet de sa reclassification, et M. Kwong invoque dans son renvoi à l’arbitrage les articles 20 et 47 de la convention collective du groupe CS. Le fonctionnaire s’estimant lésé, soit un CS-03, est une personne « occupant un poste de direction ou de confiance » en vertu de l’alinéa j) de la définition de « fonctionnaire » figurant à l’article 2 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP).

L’employeur est d’avis que M. Kwong n’est pas en droit de renvoyer son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 92(1)a) de l’ancienne LRTFP parce qu’il est assujetti non pas à la convention collective du groupe CS mais aux conditions d’emploi énoncées par le Secrétariat du Conseil du Trésor.

L’employeur présume en outre que, aux fins de cette thèse, la question à trancher se limite à savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé a, en tant que fonctionnaire exclu, le droit de renvoyer son grief à l’arbitrage.

Arguments

D’abord et avant tout, il est clair que l’employeur et, selon les observations de l’IPFPC, l’agent négociateur reconnaissent que M. Kwong est un CS-03 qui occupe un poste de direction ou de confiance. M. Kwong n’est pas considéré comme un « fonctionnaire » au sens de la définition figurant à l’article 2 de l’ancienne LRTFP, sauf que son grief entre dans le cadre de la définition de « grief » figurant au même article, ce qui lui donne le droit de déposer un grief. M. Kwong a bel et bien le droit de présenter un grief, mais il n’a pas le pouvoir de renvoyer son grief à l’arbitrage. La raison en est que, parce qu’il occupe un poste exclu, il ne répond pas au critère requis pour avoir la possibilité de soumettre son grief à l’arbitrage. Ce critère, établi par le paragraphe 92(1) de l’ancienne LRTFP, est le suivant :

92. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur :

  1. l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;
  2. dans le cas d’un fonctionnaire d’un ministère ou secteur de l’administration publique fédérale spécifié à la partie I de l’annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe ( 4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2) f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques ;
  3. dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire. 

Étant donné que le fonctionnaire s’estimant lésé, qui occupe un poste exclu, n’est pas assujetti à l’interprétation ou à l’application d’une disposition d’une convention collective et que son grief ne porte pas sur une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire ou un licenciement, M. Kwong ne répond nettement pas aux exigences pour être autorisé à renvoyer son grief à l’arbitrage.

Le deuxième argument de l’agent négociateur était que, comme ce dernier acceptait de représenter le fonctionnaire exclu, celui-ci pouvait renvoyer à l’arbitrage son grief concernant l’interprétation ou l’application d’une disposition d’une convention collective conformément au paragraphe 92(2). L’employeur argue que, là encore, ce n’est pas applicable puisqu’il a été clairement démontré précédemment que le fonctionnaire s’estimant lésé ne répond pas aux exigences pour renvoyer son grief à l’arbitrage en vertu du paragraphe 92(1), que ce soit avec ou sans l’approbation de l’agent négociateur. 

Un autre argument invoqué par l’agent négociateur était que les définitions d’« employé » et de « convention collective applicable » énoncées dans les conditions applicables d’emploi des fonctionnaires non syndiqués, permettaient de répondre aux exigences quant au renvoi à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 92(1)a) de la Loi. C’est faux, car seuls les fonctionnaires qui sont liés par une convention collective peuvent alléguer une violation d’une convention collective et renvoyer ce grief à l’arbitrage. Il est clairement établi en vertu de l’article 59 de l’ancienne LRTFP que la convention collective lie les fonctionnaires de l’unité de négociation :

59. Pour l’application de la présente loi et sous réserve de dispositions contraires de celle-ci, une convention collective lie l’employeur, l’agent négociateur qui y est partie et ses éléments constitutifs, ainsi que les fonctionnaires de l’unité de négociation pour laquelle cet agent a été accrédité, à compter du jour de son entrée en vigueur sous le régime du paragraphe 58(1).

Le fonctionnaire s’estimant lésé est exclu de l’unité de négociation, de sorte qu’il n’est pas lié par la convention collective. C’est également confirmé par la définition d’« employé » figurant dans la convention collective du groupe CS. Les conditions d’emploi du fonctionnaire sont celles énoncées dans la politique sur les conditions d’emploi. Cette politique dit ceci, dans la section « Énoncé de la politique » :

Les conditions d’emploi des employés, y compris les employés occasionnels, toute autre personne nommée pour une durée déterminée, les travailleurs à temps partiel et les employés exclus et non représentés, sont indiquées dans la convention collective applicable et sont complétées par le Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique (appendice A) ainsi que par toute autre politique pertinente.

En tant que fonctionnaire exclu, les conditions d’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé sont les mêmes que celles énoncées dans la convention collective, mais le fonctionnaire s’estimant lésé n’est pas couvert par la convention collective. Ainsi, M. Kwong ne peut déposer un grief ou renvoyer à l’arbitrage un grief concernant une prétendue violation d’une convention collective par laquelle il n’est pas lié.

Jurisprudence

La question de la compétence dans des cas semblables a déjà été déterminée par des arbitres de grief nommés en vertu de l’ancienne LRTFP dans Beaulieu (dossier de la Commission 166-2-27335) et Montgomery (dossier de la Commission 166-2-2078). Ces décisions montrent clairement que la CRTFP n’a pas compétence pour entendre de tels griefs.

Dans Beaulieu (supra) , la question était de savoir si la CRTFP avait compétence pour entendre le grief d’une avocate exclue qui avait déposé un grief contre le refus de l’employeur de répondre à ses questions. Dans ce cas, l’arbitre de grief a conclu que, comme le grief ne se rapportait pas à une mesure disciplinaire et que la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas couverte par une convention collective et qu’elle ne pouvait donc renvoyer à l’arbitrage un grief relatif à la paye, il n’avait pas la compétence nécessaire pour trancher le grief.

Dans Montgomery (supra), la Commission a clairement établi que les employés « exclus » des unités de négociation à titre de « personnes préposées à la gestion ou à des fonctions confidentielles » n’ont pas droit, aux termes de la loi, de renvoyer leurs demandes à l’arbitrage, même si l’employeur a décidé unilatéralement de rendre applicables à ces personnes certaines dispositions de la « convention collective pertinente ».

Conclusion

L’employeur soutient respectueusement que la formulation de l’ancienne LRTFP en vertu du paragraphe 92(1) ne permet pas le présent renvoi à l’arbitrage.

[6]   La réplique présentée pour l’agent négociateur est la suivante :

[Traduction]

[…]

Les affirmations de l’employeur […] selon lesquelles le grief de M. Kwong ne répond pas aux exigences des paragraphes 92(1) et 92(2) de l’ancienne LRTFP sont de simples assertions sans fondement argumentatif. L’employeur n’a pas montré en quoi le fonctionnaire s’estimant lésé ne satisfait pas aux critères énoncés à cet article.

L’employeur affirme aussi […] que « seuls les fonctionnaires qui sont liés par une convention collective peuvent alléguer une violation […]  ». À l’appui de cette assertion, il fait référence à l’article 59. Cependant, l’objet de cet article semble être de souligner que la convention collective est réputée traiter exhaustivement des questions qui y sont formulées et que les parties n’ont pas la liberté de conclure des marchés ou arrangements secondaires hors du contexte de la convention. Cela n’a pas d’incidence sur M. Kwong, qui est assujetti aux dispositions de la convention collective en raison du Règlement régissant les conditions d’emploi dans la fonction publique. L’article 92 ne renvoie pas à l’article 59 et ne dit pas non plus que seuls les membres d’une unité de négociation peuvent soumettre à l’arbitrage un grief relatif à une convention collective. D’ailleurs, ce serait contredire l’« exception » énoncée à l’article 2 quant au droit, en matière de grief, de certains fonctionnaires exclus. Là encore, l’assertion de l’employeur voulant que M. Kwong ne soit pas « couvert » par la convention collective ne mène pas l’argument très loin. Le fait est que le Règlement régissant les conditions d’emploi dans la fonction publique spécifie que les conditions d’emploi de M. Kwong sont « indiquées dans la convention collective applicable ». On pourrait tout aussi facilement dire qu’il est « couvert » par la convention collective, sinon « lié » par celle-ci.

Jurisprudence

L’employeur fait référence à deux décisions de la Commission.

La première de ces décisions, c’est-à-dire Beaulieu, concernait la tentative d’une avocate, membre du groupe LA, pour renvoyer à l’arbitrage une plainte de harcèlement. Les membres du groupe LA n’étaient pas couverts par une convention collective en vertu du Règlement régissant les conditions d’emploi dans la fonction publique. Mon interprétation de ce règlement est que les membres du groupe LA étaient assujettis à un régime distinct énoncé à l’annexe A du Règlement. Par conséquent, la décision Beaulieu n’est pas pertinente dans le cas de M. Kwong.

En ce qui a trait à l’autre cas cité, Montgomery , cette décision a été rendue il y a 30 ans et ne semble pas avoir été invoquée dans le contexte de la définition de « grief » figurant au paragraphe 2(1) de l’ancienne LRTFP. D’ailleurs, je suis incapable de déterminer si la définition de « grief » figurant actuellement au paragraphe 2(1) existait à l’époque. Le fait que l’arbitre en chef Jolliffe dit […] que les employés s’estimant lésés « ne sont pas des « employés » aux termes de l’article 2 » de la Loi, sans aucune mention de l’« exception » figurant dans la définition de « grief », signifie que personne n’a soulevé l’exception devant la Commission ou que l’exception n’existait pas à cette époque. Dans l’un ou l’autre cas, la décision Montgomery n’est donc guère utile étant donné cette omission.

Motifs

[7]   Les fonctionnaires exclus ne sont pas couverts par des conventions collectives. Les conditions d’emploi de ces fonctionnaires sont déterminées par l’employeur. Ce dernier a décidé d’utiliser la convention collective applicable (au fonctionnaire sans son statut de fonctionnaire exclu) comme étant la base pour ce qui est des conditions d’emploi d’un fonctionnaire exclu. Le fonctionnaire exclu ne bénéficie pas pour autant de la protection de la convention collective. Statuer autrement, ce serait enlever toute signification au concept de fonctionnaire exclu.

[8]   Le statut des fonctionnaires exclus a été clairement établi il y a environ 30 ans par l’arbitre en chef Jolliffe dans Montgomery et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), dossier de la CRTFP 166-02-02078 (1976) :

[…]

[…] les employés « exclus » des unités de négociation à titre de « personnes préposées à la gestion ou à des fonctions confidentielles » ne bénéficient pas de la protection d’une convention collective et n’ont pas droit, aux termes de la loi, de renvoyer leurs demandes à l’arbitrage, même si l’employeur a décidé unilatéralement de rendre applicables à ces personnes certaines dispositions de la « convention collective pertinente ».

[…]

[9]   Ce principe a été plus récemment énoncé dans Clements c. Nannini et al., dossier de la CRTFP 161-2-707 (1994) (QL), alors que la Commission a déclaré :

[…]

[…] Le fait que l’employeur a décidé d’appliquer dans son cas certaines des conditions d’emploi prévues par la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’ACCTA n’a nullement pour effet d’intégrer M. Clements à l’unité de négociation.

[…]

[10]   La convention collective du groupe CS confirme également cette conclusion. Le mot « employé » est défini dans la convention collective comme désignant « l’employé tel que l’entend la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et qui fait partie de l’unité de négociation » (alinéa 2.01h)). Une « unité de négociation » est définie comme désignant le personnel faisant partie du groupe CS décrit dans le certificat émis par la CRTFP (alinéa 2.01a)). L’article « Champ d’application » de la convention collective dit que les dispositions de cette dernière s’appliquent à l’IPFPC, aux employés et à l’employeur (article 4). L’article « Procédure de règlement des griefs » traite également des droits d’un « employé » (au sens de la définition figurant dans la convention collective) (article 33). En outre, les fonctionnaires exclus ne sont pas tenus de payer des cotisations à l’agent négociateur. Si la convention collective s’appliquait aux fonctionnaires exclus, l’agent négociateur pourrait mettre en œuvre cette exigence de la convention collective et recevoir des cotisations des fonctionnaires exclus.

[11]   Le fait que l’agent négociateur accepte de représenter un fonctionnaire exclu ne change rien, à mon avis. L’exigence relative à l’approbation de l’agent négociateur à l’égard de griefs relatifs à la convention collective vise à protéger les intérêts de l’agent négociateur en tant que représentant de tous les fonctionnaires de l’unité de négociation. En soi, cette exigence ne donne aucun droit à un fonctionnaire.

[12]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[13]   Le grief est rejeté.

Le 27 octobre 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

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