Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté la décision de son employeur de lui refuser de la formation linguistique à temps plein, alléguant que cela constituait une sanction pécunaire de nature disciplinaire motivée par de la discrimination fondée sur la race ainsi que des représailles parce qu’il avait déposé une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne - l’employeur lui avait proposé de la formation linguistique à temps partiel, à la fin de laquelle le besoin de formation à temps plein serait évalué à nouveau - puisque la preuve démontrait que la décision de l’employeur se fondait sur des considérations d’ordre opérationnel, l’arbitre de grief a conclu qu’il incombait au fonctionnaire s’estimant lésé d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de l’employeur était de nature disciplinaire - l’arbitre de grief a conclu que l’offre de l’employeur n’appuyait pas la prétention du fonctionnaire s’estimant lésé selon laquelle la décision de l’employeur constituait une mesure disciplinaire - l’arbitre de grief a conclu que le grief n’avait pas été dûment renvoyé à l’arbitrage et qu’il n’avait pas compétence pour l’entendre. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-12-06
  • Dossier:  566-34-170
  • Référence:  2006 CRTFP 133

Devant un arbitre de grief



ENTRE

WILLIAM CHEUK HANG WONG

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

autre partie au grief

Répertorié
Wong c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  D.R. Quigley, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Rick Buchan et Fabia Wong

Pour l'autre partie au grief :  Victoria Yankou, avocate, et Sonia Virc de l'Agence du revenu du Canada


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
les 16 et 17 octobre 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

[1]    William Cheuk Hang Wong, fonctionnaire s'estimant lésé, est le gestionnaire, Vérification spécialisée, à la Division de la validation et de l'exécution du Bureau des services fiscaux de Toronto-Est (le « BSF de Toronto-Est ») de l'Agence du revenu du Canada (l'« employeur »).

[2]    Le 31 août 2005, M. Wong a déposé le grief suivant :

[Traduction]

Je présente un grief concernant la décision de rejeter ma demande de formation linguistique française à temps plein. La décision est injuste et déraisonnable et représente un mode de traitement inéquitable. Étant donné que ma demande avait déjà été approuvée par Mike Yee, directeur adjoint de la validation et de l'exécution, et par l'ancien directeur Vince Pranjivan, je considère que les circonstances n'ont pas suffisamment changé et que les allégations formulées ne peuvent justifier l'annulation de l'approbation. De plus, l'analyse de rentabilisation que j'avais fournie n'a pas été pleinement prise en compte [...] Les participants au PPC dans ma classe se sont vu donner l'occasion de recevoir une formation linguistique française pour obtenir la cote de compétence CBC, sauf moi. Je suis d'avis que j'ai été l'objet d'une discrimination fondée sur ma race et que la décision est un acte de représailles faisant suite à ma plainte à la Commission canadienne des droits de la personne.

Mesure corrective demandée
Que soit approuvée ma demande de formation linguistique française à temps plein.

[3]    M. Wong a renvoyé son grief à l'arbitrage le 14 février 2006, en se basant sur l'alinéa 209(1)b) de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), édictée par l'article 2 de la nouvelle Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22.

[4]    Le 15 février 2006, M. Wong a avisé la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) de la question suivante concernant l'interprétation ou l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP), L.R.C. (1985), ch. H-6 :

[Traduction]

[...]

3.
Description de la question concernant l'interprétation ou l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de la pratique ou politique discriminatoire alléguée :
L'ancien directeur avait approuvé ma demande de formation linguistique selon le profil du Programme de perfectionnement des cadres (PPC) auquel je participe. Mon superviseur immédiat avait également approuvé ma formation linguistique, comme c'est indiqué dans mon plan d'apprentissage individuel.
Le nouveau directeur a rejeté ma demande de formation linguistique après que j'ai déposé une plainte fondée sur les droits de la personne relativement à de mauvais traitements dont j'ai été l'objet au fil des années et quant au refus de m'accorder une promotion lors du dernier processus de concours. Le rejet de ma demande est une forme de mesure disciplinaire et un acte de représailles faisant partie des interdictions prévues dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.
4.Motif de distinction illicite :
Je crois être l'objet d'une discrimination fondée sur mon origine ethnique.
5. Mesure corrective demandée :
Que je sois autorisé à suivre des cours particuliers de formation linguistique française en vue d'atteindre un niveau de compétence CBC.
Que je sois indemnisé à l'égard de la perte d'une prime d'obtention de diplôme d'un montant de 3 000 $. J'aurais eu droit à ce montant si l'on m'avait donné l'occasion de terminer ma formation linguistique et d'obtenir un diplôme du PPC.
Que je sois indemnisé à l'égard de la perte de possibilité de promotion au niveau de cadre au sein de la fonction publique. C'est attribuable au fait que je suis inscrit dans le répertoire de candidats préqualifiés pour un poste d'EX-01 selon le programme Cours et affectations de perfectionnement (CAP), sous réserve seulement de l'exigence relative à la langue française. Lorsque j'atteindrais le niveau de compétence linguistique française CBC, mon nom serait transmis à la Commission de la fonction publique aux fins de l'approbation du statut de candidat préqualifié pour un poste d'EX-01. Plus l'achèvement de ma formation linguistique prendra du temps, plus il est probable que je raterai dans l'intervalle d'autres occasions de nomination.
Que je sois indemnisé pour la douleur, la souffrance émotionnelle et l'humiliation que j'ai subies pendant une longue période.

[...]

[5]    Le 18 septembre 2006, la CCDP a déclaré qu'elle avait examiné le dossier de M. Wong et qu'elle n'entendait pas faire des observations à l'audience prévue.

Résumé de la preuve et de l'argumentation

[6]    L'avocate de l'employeur a formulé une objection à ma compétence pour entendre la présente affaire. Elle a argué que M. Wong avait renvoyé son grief à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP, qui mentionne « [...] une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire [...] ». Elle alléguait que la décision de l'employeur de refuser à M. Wong une formation linguistique française à temps plein était une décision opérationnelle et non une mesure disciplinaire. Elle soutenait que M. Wong n'avait commis aucune faute de conduite et que, par conséquent, on ne lui avait jamais imposé une mesure disciplinaire entraînant « [...] le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire [...] ».

[7]    L'avocate de l'employeur a déclaré que l'allégation de M. Wong selon laquelle on lui a infligé une sanction pécuniaire était le résultat de son inadmissibilité à recevoir une prime d'obtention de diplôme de 3 000 $; M. Wong n'a pas obtenu de diplôme du Programme de perfectionnement des cadres (PPC), car il n'a pas terminé sa formation linguistique et n'a donc pu répondre à l'exigence touchant la langue française. L'avocate de l'employeur me demande de conclure qu'il ne s'agit pas en soi d'une sanction pécuniaire au sens de l'alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP.

[8]    Fabia Wong, représentante du fonctionnaire s'estimant lésé, a affirmé que l'employeur s'est vengé de M. Wong parce que ce dernier avait déposé auprès de la CCDP une plainte portant sur les droits de la personne. Elle a soutenu que le dépôt de cette plainte a entraîné une sanction pécuniaire, étant donné que M. Wong n'a pas reçu la prime d'obtention de diplôme de 3 000 $ relative à l'achèvement du PPC et qu'il n'a pas été nommé EX-01 (groupe et niveau). Elle a argué que cette mesure a porté atteinte aux aspirations professionnelles de M. Wong et l'a privé de tout revenu supplémentaire lié à un poste d'EX-01.

[9]    L'avocate de l'employeur a répété que M. Wong n'a pas été l'objet d'une mesure disciplinaire et que la décision de lui refuser une formation linguistique française à temps plein résultait de considérations budgétaires. Elle a signalé que la formation linguistique française n'est pas un droit inhérent d'un fonctionnaire. Elle soutenait que l'employeur n'avait aucune raison de se venger de M. Wong et que sa décision de refuser à ce dernier une formation linguistique française n'était pas une mesure disciplinaire, puisqu'il n'y avait eu aucune faute de conduite de la part de M. Wong et aucune intention de le punir. Elle arguait que l'employeur avait agi conformément à ses droits et de bonne foi.

[10]    J'ai mis en délibéré les arguments des parties quant à ma compétence pour entendre le grief de M. Wong et j'ai demandé aux parties de faire valoir leur point de vue sur le fond de l'affaire.

[11]    Avant de produire sa preuve à l'appui de son grief, M. Wong a lu l'exposé introductif suivant :

[Traduction]

Ce cas ne se rapporte pas simplement au rejet d'une demande précédemment approuvée. Ce n'est pas un acte isolé de représailles à l'égard du dépôt d'une plainte touchant les droits de la personne. C'est beaucoup plus que cela. Il s'agit d'un cas classique de discrimination raciale de la pire espèce.

Imaginez un spécialiste qualifié et expérimenté ayant été sélectionné en vertu d'un programme spécial d'initiative gouvernementale, le Programme de leadership et de diversité pour les cadres de direction, soit un effort conjoint de la Commission de la fonction publique (CFP) et du Centre canadien de gestion (CCG), dont la principale fonction était de combler le fossé EX empêchant la progression des minorités visibles. Imaginez ce même spécialiste ayant été sélectionné pour le propre programme d'élite de l'Agence, le Programme de perfectionnement des cadres (PPC), en raison de son potentiel et de ses talents. Et imaginez que, pour des raisons arbitraires, on empêche pour toujours cette personne d'arriver au statut d'un EX.

Ce cas montre la discrimination systémique qui se développe au sein de l'Agence et il pose la question suivante : étant donné que ce candidat est hautement qualifié, qu'il répond à tous les critères objectifs de placement et qu'il ne parvient pas à obtenir le statut d'un EX, comment d'autres minorités visibles peuvent-elles s'attendre à réussir à aller au-delà du plafond de verre tendant à limiter leur ascension professionnelle?

M. Wong est comptable agréé, a 26 ans d'expérience en vérifications fiscales et est reconnu par ses pairs comme étant un spécialiste de l'impôt. Il est travailleur et extrêmement compétent, comme en font foi ses évaluations de rendement exemplaires. Il a constamment prouvé, dans divers concours depuis 1997, qu'il est bien qualifié pour devenir un cadre de direction dans la fonction publique. Toutefois, le système l'a continuellement trahi, et ce n'était pas parce qu'il était incapable d'arriver premier dans des concours ni parce qu'il n'avait pas l'expérience ou les qualifications pertinentes. En fait, M. Wong a été jugé qualifié dans un certain nombre des concours d'EX-01 à la fin des années 1990 et a réussi à devenir un candidat préqualifié dans le programme Cours et affectations de perfectionnement (CAP) ainsi que dans les répertoires de préqualification d'EX-01 en 2001 et 2002 respectivement. Malgré tout cela, M. Wong a été avisé par son supérieur qu'il ne deviendrait jamais un EX. Étant donné que des collègues de race blanche de M. Wong ont constamment passé avant lui dans la promotion au statut d'EX, que certains d'entre eux étaient moins qualifiés que lui et que bon nombre d'entre eux s'étaient moins bien classés que lui dans des concours, la déduction logique est que M. Wong a été victime d'une discrimination fondée sur sa race. Les processus en cause en 2003 étaient arbitraires et anormaux selon les normes gouvernementales : par exemple, et ceci s'écartait nettement du protocole normal, aucune note n'a été prise lors de ces processus, privant ainsi les candidats de leur aptitude à contester la décision du conseil par le mécanisme de recours disponible. En 2004, lorsque les candidats qualifiés ayant de l'expérience en vérification et faisant partie du bassin existant de candidats ont été nommés à l'exception de M. Wong, le gestionnaire chargé de l'embauchage est même allé jusqu'à faire fi, après seulement deux ans, du répertoire d'EX-01 établi pour trois ans et il a créé un nouveau processus pour établir un nouveau répertoire.

Enfin, la haute direction cherche maintenant à priver M. Wong de sa dernière chance de devenir un cadre de direction dans la fonction publique mais hors de l'ARC : plus particulièrement, M. Wong est devenu un candidat préqualifié dans le processus EX-01 selon le programme CAP sous réserve uniquement de l'exigence linguistique. Une fois qu'il obtiendrait la compétence linguistique CBC, son nom serait transmis à la CFP pour que soit envisagée une nomination. S'il ne répondait pas à l'exigence linguistique, M. Wong demeurerait dans un groupe immédiatement au-dessous de celui des EX à l'ARC pour le reste de sa carrière.

M. Wong est continuellement l'objet d'une discrimination, ce qui s'est répercuté sur son bien-être psychologique et son intégrité personnelle et a en fin de compte miné la sécurité à laquelle il a droit comme citoyen et comme fonctionnaire du Canada.

La raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui est que la haute direction a sans équivoque manqué à son devoir d'équité envers M. Wong ainsi qu'à l'égard des procédures de nomination au statut d'EX. M. Wong a été injustement privé de son droit à ne pas être traité arbitrairement, et la manière dont il a été traité au fil des ans a eu une incidence sur sa vie et ses choix de vie - y compris son emploi et son lieu de résidence : des questions de nature fondamentalement personnelle.

[12]    Les représentants du fonctionnaire s'estimant lésé ont déposé quatre pièces, et M. Wong a témoigné pour lui-même. L'avocate de l'employeur a déposé une pièce, mais n'a appelé aucun témoin.

[13]    M. Wong participait au PPC de l'employeur et, après la préqualification (sous réserve de l'exigence linguistique) relative au répertoire des EX-01 selon le programme Cours et affectations de perfectionnement (CAP), il a été envoyé en formation linguistique. Le PPC et le programme CAP ont le même objectif : assurer le perfectionnement de fonctionnaires ayant beaucoup de potentiel, pour qu'ils se joignent au groupe des cadres de direction. D'après son plan d'apprentissage et comme condition d'obtention de diplôme, M. Wong devait atteindre le niveau de compétence linguistique française CBC.

[14]    M. Wong a entrepris une formation linguistique française à temps plein vers septembre 2001. Entre mai et août 2002, il a obtenu le niveau « B » en lecture, le niveau « C » en écriture et le niveau « A » en interaction orale (BCA). Sa formation linguistique a pris fin le 15 août 2002. Ainsi, M. Wong n'est pas parvenu au niveau de compétence linguistique française CBC requis pour avoir son diplôme.

[15]    M. Wong affirme qu'on lui a offert une formation lui permettant d'atteindre non pas le niveau CBC mais plutôt le niveau inférieur BBB, ce qui était discriminatoire, car ses collègues du PPC ont reçu la formation pour parvenir au niveau CBC.

[16]    En octobre 2002, M. Wong a accepté une affectation intérimaire de trois mois à un poste d'EX-01 (groupe et niveau), laquelle affectation a été prolongée plusieurs fois avant de prendre fin en février 2004. M. Wong a déclaré que la raison pour laquelle il avait accepté l'affectation intérimaire à un poste d'EX-01 était que c'était la première fois qu'il se voyait offrir une affectation dans ce groupe et à ce niveau et qu'il ne voulait pas rater une telle occasion. Pendant qu'il était dans cette affectation intérimaire, M. Wong a cessé de suivre des cours de formation linguistique.

[17]    En septembre 2004, M. Wong a contacté la haute direction de l'employeur pour savoir quand il pourrait reprendre sa formation linguistique française. Il a affirmé que, initialement, l'approbation nécessaire pour qu'il reprenne sa formation lui avait été donnée par Vince Pranjivan, alors directeur, BSF de Toronto-Est, et par son propre gestionnaire, Mike Yee, directeur adjoint, Validation et exécution, au BSF de Toronto-Est. Il a toutefois été avisé ultérieurement qu'une décision ne serait prise qu'à l'arrivée de Deborah Danis, la nouvelle directrice, BSF de Toronto-Est.

[18]    M. Wong a témoigné qu'il a rencontré Mme Danis en janvier 2005. Il alléguait que Mme Danis l'avait informé qu'elle serait disposée à lui servir de mentor pour l'aider à obtenir une promotion, s'il entrait en communication avec la CCDP et demandait que sa plainte soit mise en suspens. M. Wong a déclaré qu'il avait fait savoir à Mme Danis qu'il aurait à consulter la CCDP.

[19]    Des semaines plus tard, M. Wong a de nouveau rencontré Mme Danis. Il l'a informée que, après avoir discuté de la question avec la CCDP, on l'avait avisé que, si sa plainte était mise en suspens, son dossier serait, à toutes fins, considéré comme une affaire classée.

[20]    M. Wong a déclaré qu'il a pris part à une séance de médiation avec Mme Danis en mai 2005. Par suite de la médiation, Mme Danis lui a demandé d'établir une analyse de rentabilisation pour la formation linguistique française. M. Wong a établi cette analyse et l'a présentée à Mme Danis au début d'août 2005.

[21]    M. Wong a ajouté que, le 16 août 2005, Mme Danis l'a informé que, ayant examiné son analyse de rentabilisation, elle rejetait sa demande, parce qu'il était près de la retraite et que l'investissement dans la formation linguistique n'était pas un investissement sûr. De plus, puisque les ressources étaient limitées, d'autres fonctionnaires pourraient se voir offrir ces ressources. M. Wong a signalé que Mme Danis lui avait bel et bien offert une formation linguistique à temps partiel (de plusieurs heures, deux ou trois fois par semaine) assortie d'une évaluation de suivi quant à sa capacité d'apprendre, et qu'elle aurait ensuite envisagé la possibilité d'une formation linguistique française à temps plein. M. Wong a cependant refusé, car il croyait que ce n'était que par un enseignement individuel à temps plein qu'il pourrait arriver au niveau CBC requis.

[22]    M. Wong a témoigné qu'il n'a pas l'intention de partir à la retraite dans un proche avenir et que, pour autant qu'il le sache, il n'y a pas d'âge de retraite obligatoire dans la fonction publique fédérale. Il a également témoigné que les gestionnaires ont toujours des fonds discrétionnaires à leur disposition pour les fins de la formation.

[23]    Au cours du contre-interrogatoire, M. Wong a mentionné que l'analyse de rentabilisation qu'il avait établie et qu'il avait présentée à Mme Danis pour une formation linguistique française à temps plein représentait un coût estimatif de 35 000 $ et consistait en à peu près 800 heures de formation.

[24]    Interrogé par l'avocate de l'employeur sur la question de savoir quelle mesure disciplinaire on lui avait soi-disant imposée, M. Wong a répondu que Mme Danis lui avait dit ceci à la réunion d'août 2005 [traduction] : « Ce que vous faites [déposer une plainte touchant les droits de la personne] est préjudiciable à votre carrière. Si vous mettez la plainte en suspens, votre réputation au bureau ainsi que dans la région pourrait vous donner la chance d'être promu EX-01. » M. Wong a affirmé que son refus de mettre en suspens sa plainte à la CCDP a été considéré par l'employeur comme de l'insubordination et que le fait qu'une formation linguistique française à temps plein lui a été refusée était des représailles contre lui. Il a également affirmé qu'il a écrit des lettres au ministre et au premier dirigeant de l'employeur pour se plaindre d'une discrimination de la part de la haute direction.

[25]    M. Wong a répété que la décision de Mme Danis de lui refuser une formation linguistique française à temps plein qui lui aurait permis de parvenir au niveau CBC requis était une mesure de représailles imputable à son refus de mettre en suspens sa plainte concernant les droits de la personne. Il a déclaré que, en lui refusant une formation linguistique, on le punissait : il ne pouvait atteindre le niveau de compétence linguistique française CBC qui était une condition pour obtenir son diplôme ainsi que la prime y afférente de 3 000 $. On lui a en outre ainsi enlevé des chances de promotion, ce qui s'ajoutait à ses pertes d'ordre financier.

[26]    L'avocate de l'employeur soutenait que M. Wong ne s'est pas acquitté de la charge qui lui incombe de prouver que son grief est à bon droit renvoyé devant un arbitre de grief. Elle demandait que je rende une décision sur la question de compétence en me fondant seulement sur le témoignage de M. Wong et que les témoins de l'employeur, qui étaient présents, ne soient pas tenus de témoigner. Après avoir entendu les observations de l'avocate de l'employeur, j'ai accédé à la demande de cette dernière, pour les raisons suivantes.

Motifs

[27]    M. Wong a renvoyé son grief à l'arbitrage en se basant sur l'alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP, qui se lit comme suit :

  209. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief individuel portant sur :

[...]

 b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[...]

[28]    La première question que je dois trancher est de savoir si M. Wong s'est vu imposer « [...] une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire [...] ». C'est uniquement si la réponse à cette question est affirmative que je peux entendre les autres questions soulevées dans le grief de M. Wong. Les faits qui m'ont été présentés n'indiquent pas que M. Wong avait été licencié, rétrogradé ou suspendu, et M. Wong n'alléguait pas cela non plus. Le seul élément restant de l'alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP en vertu duquel M. Wong pourrait donc renvoyer son grief à l'arbitrage est une mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire.

[29]    En l'espèce, l'employeur alléguait que sa décision de ne pas envoyer M. Wong en formation linguistique à temps plein était basée sur des considérations opérationnelles, et le témoignage de M. Wong étaye cette allégation jusqu'à un certain point. Dans ces circonstances, M. Wong a la charge de prouver selon la prépondérance des probabilités que la décision de l'employeur était de nature disciplinaire et a entraîné une sanction pécuniaire.

[30]    M. Wong alléguait pour sa part que la décision de l'employeur de ne pas l'envoyer en formation linguistique à temps plein était une mesure disciplinaire. À l'appui de son allégation, il prétendait que la décision de l'employeur était motivée par des considérations répréhensibles, à savoir du racisme et des représailles parce qu'il avait déposé auprès de la CCDP une plainte touchant les droits de la personne.

[31]    Dans son témoignage, M. Wong a reconnu que, bien que Mme Danis ait rejeté sa demande de formation linguistique à temps plein, elle lui a offert une formation à temps partiel, de plusieurs heures, deux ou trois fois par semaine, après quoi elle aurait évalué ses progrès et examiné la possibilité d'une formation à temps plein. Cependant, M. Wong a refusé cette offre, comme il était en droit de le faire.

[32]    Je voudrais signaler ici que la formation linguistique n'est pas un droit absolu; elle n'est pas un droit garanti par une loi ou une convention collective, et aucun fonctionnaire ne devrait s'attendre à être en droit de recevoir cette formation.

[33]    Si Mme Danis avait décidé de n'offrir aucune formation linguistique à M. Wong, à temps plein ou à temps partiel, l'allégation de M. Wong faisant état d'une mesure disciplinaire aurait eu plus de poids. Cependant, que Mme Danis lui ait bel et bien offert une formation à temps partiel et ait été disposée à envisager une formation à temps plein à une date ultérieure enlève de la crédibilité à l'allégation de M. Wong.

[34]    Dans les circonstances de la présente espèce et sur la foi de la preuve qui m'a été soumise, je ne suis pas convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, la décision de ne pas autoriser M. Wong à partir en formation linguistique à temps plein soit une mesure disciplinaire. Par conséquent, je conclus que le grief de M. Wong n'est pas une question renvoyée à juste titre à l'arbitrage en vertu de la nouvelle LRTFP et je rejette ce grief, pour défaut de compétence. Il ne m'est donc pas loisible de traiter de l'une quelconque des autres questions soulevées dans le grief de M. Wong.

[35]    En parvenant à ma décision, j'ai été attentif au fait que le législateur a prévu la compétence des arbitres de griefs pour interpréter et appliquer la LCDP, lorsque des questions relatives aux droits de la personne sont soulevées dans un grief individuel. Les paragraphes 208(2) et (3) de la nouvelle LRTFP donnent expressément à un fonctionnaire le droit de présenter un grief individuel soulevant de telles questions, pourvu qu'elles ne se rapportent pas à la parité salariale. De leur côté, les alinéas 226(1)g) à i) de la nouvelle LRTFP permettent à un arbitre de grief d'interpréter et d'appliquer la LCDP relativement à des questions renvoyées à juste titre à l'arbitrage, sauf des questions de parité salariale. Dans le cas de M. Wong, toutefois, j'ai déterminé que le grief individuel de M. Wong n'a pas à bon droit été renvoyé à l'arbitrage.

[36]    Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[37]    Le grief est rejeté.

Le 6 décembre 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

D.R. Quigley,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.