Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignantes ont déposé des plaintes conformément à l’article 23 de l’ancienne Loi, alléguant des contraventions aux interdictions énoncées au paragraphe 8(1), au sous-alinéa 8(2)c)(ii) et au paragraphe 9(1) de l’ancienne Loi - les plaignantes soutenaient qu’elles avaient été relevées de leurs fonctions ordinaires et retirées de leur lieu de travail directement en raison du fait qu’elles s’étaient livrées à des activités légitimes en tant que déléguées syndicales et représentantes pour l’agent négociateur - il a été conclu que les plaignantes n’ont pas, d’après la preuve présentée, démontré que les défendeurs avaient fait preuve d’une volonté antisyndicale ou qu’ils avaient enfreint l’ancienne Loi. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-10-31
  • Dossiers:  561-02-53 à 55
  • Référence:  2006 CRTFP 118

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

EVA SABIR, SANDRA JOHNSTON ET PAMELA BRIAR

plaignantes

et

DOUG RICHMOND, GERRY HOOPER ET DON DEMERS

défendeurs

Répertorié
Sabir et al. c. Richmond et al.

Affaire concernant des plaintes déposées en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  D.R. Quigley, commissaire

Pour les plaignantes :  Norm Wickstrom, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour les défendeurs :  John Jaworski, avocat


Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique),
du 10 au 12 août 2005 et du 10 au 12 janvier 2006.
(Observations écrites déposées les 1er mars, 1er mai et 15 mai 2006)
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Plaintes devant la Commission

[1]    Le 27 août 2004, les plaignantes, Eva Sabir, Sandra Johnston et Pamela Briar, ont déposé des plaintes identiques fondées sur l'article 23 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l'ancienne LRTFP, l'« ancienne Loi »). Elles allèguent que Doug Richmond,  alors directeur exécutif par intérim du centre régional de traitement (CRT) à l'Établissement du Pacifique, Gerry Hooper, alors sous-commissaire par intérim, région du Pacifique, et Don Demers, alors sous-commissiare pour la région du Pacifique, ont contrevenu aux dispositions d'interdiction du paragraphe 8 (1), du sous-alinéa 8(2)(c)(ii) et du paragraphe 9 (1) de l'ancienne Loi. Les plaintes ayant une formulation identique, je ne reproduirai que celle de Mme Sabir, qui se lit comme suit :

[Traduction]

[...]

2. La plaignante se plaint d'avoir été relevée de ses fonctions ordinaires et retirée de son lieu de travail directement en raison du fait qu'elle s'est livrée à des activités légitimes en tant que déléguée syndicale et représentante pour l'agent négociateur, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada.

2 ( c ) Le Service correctionnel s'est ingéré dans l'administration d'une organisation syndicale et a fait obstacle à la représentation des employés de cette organisation, contrevenant ainsi aux dispositions du paragraphe 8 (1).

Le Service correctionnel a cherché, en recourant à l'intimidation, à la menace et à l'imposition d'une pénalité ou à d'autres moyens, à obliger la plaignante à s'empêcher d'exercer un droit prévu dans la loi, en contravention des dispositions du sous- alinéa 8 (c) (ii).

Le Service correctionnel a pris des mesures contre la plaignante uniquement en raison du fait qu'elle est déléguée syndicale et qu'elle a agi comme représentante de l'organisation syndicale dont elle est membre, ce qui contrevient à l'alinéa 9 (i) de la Loi.

[...]

[Le passage souligné l'est dans l'original]

[2]    Les plaignantes cherchent à obtenir les mesures correctives suivantes :

[Traduction]

[...]

5.
(i)   Une déclaration indiquant qu'il y a eu contravention aux dispositions 8 (i), 8 (c) (ii) et  9 (i) de la Loi.
 
(ii)  Que le Service correctionnel cesse de contrevenir à ces dispositions.
 
(iii)  Que le Service correctionnel rétablisse la plaignante dans son lieu de travail et, autrement, qu'elle obtienne pleine réparation à tous égards.
 
(iv)    Qu'on empêche le Service correctionnel d'agir ainsi à l'avenir.

[3]    Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission demeure saisie de ces plaintes, qui doivent être réglées conformément à la nouvelle Loi.

[4]    L'avocat des défendeurs a présenté 52 pièces et fait intervenir deux témoins. Le représentant des plaignantes a produit 26 pièces et a appelé neuf témoins.

[5]    Au début de l'audience, les deux parties ont demandé et obtenu une ordonnance d'exclusion des témoins. Les deux parties ont fait de brèves observations préliminaires.

[6]    Les parties ont convenu de présenter leurs arguments par écrit après la partie de l'audience consacrée à la présentation de la preuve. Les arguments ont été dûment déposés auprès de la Commission aux dates convenues.

[7]    Les dispositions de l'ancienne Loi  qui sont pertinentes à ces plaintes se lisent comme suit :

   8.     (1) Il est interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance, qu'il agisse ou non pour le compte d'un employeur, de participer à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale, ou d'intervenir dans la représentation des fonctionnaires par une telle organisation ou dans les affaires en général de celle-ci.

 (2)  Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit :
 [...]
 (c)   de chercher, notamment par intimidation, par menace de destitution ou par l'imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger un fonctionnaire
[...]
(ii) à s'abstenir d'exercer tout autre droit que lui accorde la présente loi.
[...]

   9.   (1) Sauf dans les conditions et les cas prévus par la présente loi, un règlement, une convention collective ou une décision arbitrale, il est interdit à une personne occupant un poste de direction ou de confiance, qu'elle agisse ou non pour le compte de l'employeur, de faire des distinctions injustes à l'égard d'une organisation syndicale.

[...]

   23. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l'employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-ci ou de celle-ci n'a pas, selon le cas :

 a) observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10;
 b) mis à effet une disposition d'une décision arbitrale;
 c) mis à effet une décision d'un arbitre sur un grief;
 d) respecté l'un des règlements pris en matière de griefs par la Commission conformément à l'article 100.

   (2)  Dans les cas où, en application du paragraphe (1), elle juge l'employeur, une organisation syndicale ou une personne coupable d'un des manquements qui y sont énoncés, la Commission peut, par ordonnance, lui enjoindre d'y remédier ou de prendre toute mesure nécessaire à cette fin dans le délai qu'elle estime approprié.

   (3)  L'ordonnance visant une personne est en outre adressée :

 a)    lorsque l'auteur du manquement a agi ou a prétendu agir pour le compte de l'employeur, au premier dirigeant concerné
  (i)     dans le cas d'un employeur distinct, ou au directeur;
 (ii) au secrétaire du Conseil du Trésor, dans les autres cas;
 b)   lorsqu'il a agi ou prétendu agir pour le compte d'une organisation syndicale, au dirigeant attitré de celle-ci.

Contexte factuel pertinent

[8]    Les plaignantes sont des infirmières autorisées (du groupe NU) employées par le Service correctionnel du Canada (SCC). L'agent négociateur accrédité pour le groupe NU est l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC).

[9]    Le SCC exploite un service médical qui dessert les établissements de la région du Pacifique. En juillet 2003, il a déménagé le centre régional de réception et d'évaluation (CRRE) situé à l'établissement de Matsqui, pour l'installer au Centre régional de traitement (CRT) de l'établissement du Pacifique.

[10]    L'Établissement du Pacifique est un établissement à niveaux de sécurité multiples qui accueille tous les détenus sous responsabilité fédérale venant de la région du Pacifique. L'établissement abrite un service médical, une aile psychiatrique ainsi qu'un centre de réadaptation.

[11]    Le service médical du CRT a remplacé celui de l'établissement de Matsqui.

Résumé de la preuve

[12]    Mme Sabir est infirmière autorisée depuis environ 32 ans et est employée par le SCC depuis 1996.

La question du tableau de service du point de vue de Mme Sabir

[13]    Selon la plaignante, initialement, une infirmière était en poste sur le quart de soir, de 19 h à 7 h (un quart d'une durée de 11,75 heures), au service médical de l'établissement de Matsqui. À la suite de plusieurs incidents malheureux impliquant des détenus, deux infirmières ont été affectées à ce quart de travail. Cependant, pendant la période de transition durant laquelle on a déménagé le service de l'établissement de Matsqui pour l'installer au nouveau service médical du CRT, la direction a décidé d'apporter des changements au tableau de service, et l'on a envisagé de retourner à l'affectation d'une seule infirmière pour le quart de soir. Dans leur témoignage, les plaignantes ont déclaré que les infirmières avaient le sentiment que le fait de n'avoir qu'une infirmière en poste au CRT pour le quart de soir mettait leur sécurité, la sécurité des patients et l'exercice de leur profession d'infirmière en danger.

[14]    Fin 2003 et début 2004, les infirmières ont eu des discussions informelles avec Debra Gaskell, directrice et infirmière en chef au CRT. Ces discussions ont principalement porté sur le changement du quart de 11,75 heures des infirmières et sur le fait de n'avoir qu'une infirmière en poste plutôt que deux pour le quart de soir. Le 7 avril 2004, s'est tenue au CRT une réunion de consultation à laquelle ont pris part les plaignantes, Mme Sabir, Mme Johnston et Mme  Gaskell, ainsi que le Dr Art Gordon, directeur exécutif du service médical et superviseur de Mme Gaskell, entre autres.

[15]    Mme Gaskell a proposé la formule suivante : si les délégués syndicaux présents consentaient à cette journée, la direction accepterait de conserver le quart de travail de 11,75 heures, mais une seule infirmière serait affectée au quart de soir.

[16]    Les représentants de l'agent négociateur n'ont pas accepté cette proposition et ont fait une contre-proposition assortie d'une version révisée du tableau de service sur laquelle les infirmières se prononceraient par vote.

[17]    La direction n'a cependant pas accepté la proposition. La proposition finale déposée par Mme Gaskell était un horaire de 7 jours de travail, 3 jours de repos (7-3) et 7 jours de travail, 4 jours de repos (7-4) avec le quart de 11,75 heures et une seule infirmière sur le quart de soir. On a dit aux infirmières qu'elles pouvaient proposer des tableaux de service révisés. Une date limite a été fixée au 16 avril 2004. On leur demanderait alors de se prononcer par vote sur un quart de travail sur lequel on pouvait mutuellement s'entendre d'ici le 26 avril 2004.

[18]    La plaignante a déclaré que de 8 à 10 horaires de quart ont été donnés à Mme Gaskell, et que tous ces quarts maintenaient au moins deux infirmières en poste sur le quart de soir. Aucune de ces propositions d'horaire n'a trouvé grâce aux yeux de Mme Gaskell qui, en retour, a présenté un certain nombre de scénarios d'horaire en demandant aux infirmières de se prononcer par vote à ce sujet. Comme aucun de ces scénarios ne comprenait un quart de soir avec deux infirmières en poste, les infirmières ont choisi de ne pas voter.

[19]    Mme Gaskell a alors informé les infirmières qu'à compter du 10 mai 2004 elles commenceraient à effectuer un quart de 7,5 heures plutôt que le quart de 11,75 heures auquel elles étaient accoutumées.

[20]    En réponse à la proposition du quart de travail de 7,5 heures qui allait entrer en vigueur, Mme Sabir a adressé au Dr Gordon une lettre (pièce G-3), en date du 19 avril 2004, dans laquelle elle demandait qu'une autorité compétente effectue une évaluation des risques afin d'analyser le besoin d'avoir une seconde infirmière en poste sur le quart de soir en raison de préoccupations liées à la sécurité des infirmières. Mme Sabir a exprimé la position de l'agent négociateur selon laquelle le quart de 7,5 heures qui allait entrer en vigueur ne respectait pas les dispositions de la convention collective. Le Dr Gordon a répondu le 21 avril 2004 (pièce G-4) en indiquant que la direction estimait que le fait d'avoir une seule infirmière en poste pour le quart de soir était approprié, raisonnable et sécuritaire. Il a ajouté que la direction ne contrevenait pas à la convention collective en choisissant d'appliquer un quart de travail de 7,5 heures.

[21]    Le 30 avril 2004, les plaignantes ont adressé au Dr Gordon une lettre (pièce G-5) demandant à nouveau la conduite d'une évaluation des risques. Elles ont une nouvelle fois soulevé la question d'une infraction alléguée à la convention collective. Dans son témoignage, Mme Sabir a déclaré que, personnellement, elle n'avait jamais reçu de réponse du Dr Gordon.

[22]    Le 19 mai 2004, les plaignantes et leur représentant, M. Wickstrom, ont pris part à une réunion de consultation syndicale-patronale de l'IPFPC, tenue à l'administration régionale et présidée par Heather Bergen, sous-commissaire adjointe. La question de l'imposition du tableau de service modifié a été portée à l'attention de la présidente de la réunion dans un document faisant état des préoccupations des infirmières concernant leur sécurité, la sécurité des patients et l'exercice de leur profession d'infirmière à la suite de l'entrée en vigueur du nouveau tableau de service. Les infirmières avaient déposé de 70 à 80 griefs et le moral était bas. Elles avaient demandé le retour à un quart de 11,75 heures et la conduite d'une évaluation des risques par une autorité compétente. Mme Sabir a indiqué, dans son témoignage, qu'elle n'avait jamais reçu de réponse de Mme Bergen au sujet des questions soulevées lors de cette réunion.

[23]    Mme Sabir a déclaré que, à la suite du déménagement de l'établissement de Matsqui au CRT, il y avait un grand nombre de délégués syndicaux au CRT. Par vote, ces derniers ont désigné Mme Sabir et Mme Johnston comme leurs représentantes pour les questions du tableau de service et des deux infirmières. Les résultats du vote ont été envoyés à Mme Gaskell au début du printemps 2004.

[24]    Dans son témoignage, Mme Sabir a déclaré qu'elle et les autres infirmières du CRT ignoraient que les services de Morrie Steele (un consultant externe en soins infirmiers) avaient été retenus par le SCC pour effectuer une évaluation des risques. En contre-interrogatoire, une lettre émanant de Paul Urmson, sous-commissaire adjoint par intérim, datée du 7 juillet 2004 (pièce E-3) et adressée à M. Wickstrom, a été produite. Cette lettre informait M. Wickstrom que les services de M. Steele avaient été retenus et que ce dernier devait procéder à un examen pendant la semaine du 19 juillet 2004. Mme Sabir a reconnu qu'elle ignorait le contenu de cette lettre. Cependant, M. Wickstrom a apporté un éclaircissement à la Commission en précisant qu'il n'avait reçu cette lettre que le 15juillet 2004.

[25]    En réponse à la pièce E-3, M. Wickstrom a écrit à M. Urmson, le 16 juillet 2004 (pièce E-4), pour lui demander des clarifications sur son mandat. Mme Sabir a reconnu que même si elle avait reçue copie de cette lettre, elle ne l'avait pas reçue avant le 20 juillet 2004. Mme Sabir a confirmé avoir rencontré M. Steele à son bureau, mais ne se souvenait pas de la date de la rencontre. Elle a indiqué avoir reçu, le 7 septembre 2004, une copie du rapport préliminaire de M. Steele sur l'évaluation des risques pour la santé et, le 22 septembre 2004, une copie de son rapport final, envoyée par Pauline Lentinu, chef des services régionaux de santé pour la région du Pacifique.

[26]    La plaignante a déclaré que, à la suite du rapport de M. Steele et après une réunion tenue avec l'IPFPC et la direction, il a été convenu que le quart de soir au CRT nécessitait deux infirmières et le quart de 11,75 heures a été rétabli.

La question du harcèlement du point de vue de Mme Sabir

[27]    Mme Sabir a identifié la pièce G-6 comme étant un courriel que Sue Falconer, déléguée syndicale à l'IPFPC, avait envoyé, le 1er juillet 2004 aux plaignantes et aux autres infirmières concernées. Au sujet de la question des « suggestions de tableau de service », ce courriel indique ce qui suit :

[Traduction]

[...]

Rebonjour. Merci à Pam et Bally d'avoir répondu à mon précédent courriel. Je remarque que chacune de vous estime qu'il est inapproprié de n'avoir qu'une infirmière sur les quarts de nuit. Comme nous en avons souvent discuté, aucune de nous ne considère qu'il est sécuritaire, pour les patients ou pour les membres du personnel de n'avoir qu'une infirmière en poste, la nuit. Il ressort des deux réponses au courriel que le tableau de service (ci-joint) n'est pas viable, car il ne prévoit qu'une infirmière en poste la nuit. Je conviens avec vous qu'il nous faut deux infirmières la nuit. Je crois toutefois qu'il s'écoulera un certain temps avant que notre actuel tableau de service ne soit corrigé et, dans l'intervalle, je proposerais que l'on planche sur un tableau de service qui prévoirait toujours un temps de repos accru tout en limitant les quarts de nuit (avec une seule infirmière) à un quart de 8 heures, comme l'ont aussi suggéré plusieurs des infirmières dans la conversation. Lorsque ce sera possible, nous aurons un tableau de service qui nous accorde deux membres du personnel la nuit. Pour l'heure, cela ne semble pas possible. Je proposerais que l'on se penche sur un tableau de service qui nous permette d'obtenir un peu de ce que nous voulons, pendant que nous continuons de travailler sur un tableau qui nous permettrait à tous d'exercer notre profession de la meilleure façon.

J'aimerais aussi porter deux ou trois choses à votre attention. J'ai entendu dire que la demande que l'administration régionale a adressée à la RNABC pour conduire une évaluation des risques a été rejetée par l'association. Ils ont refusé de se rendre ici pour évaluer nos risques, car ils estiment que cela n'est pas de leur ressort. En deuxième lieu, le sous-commissaire a apparemment jugé tout à fait approprié de n'affecter qu'une infirmière la nuit au service médical et a suggéré de ne pas poster de seconde infirmière la nuit, à moins que Debra ou Lisa ne le juge absolument nécessaire (avec l'assistance des infirmières en poste).

Alors, nous voilà maintenant avec un horaire de 7-3-7-4 pour un certain temps. On prévoit que les chambres d'isolement seront prêtes à être occupées d'ici novembre et on m'a dit que, quand cela se produira, l'unité C sera rouverte, permettant l'embauche de quatre infirmières, dont une, probablement, travaillera la nuit. Cela nous donnera donc deux infirmières en poste la nuit. En attendant, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes et, personnellement, je déteste l'actuel tableau de service. Je défends les intérêts du personnel en présentant des suggestions. En tant que représentante de l'IPFPC, je nous encourage à trouver des solutions à nos problèmes et à les soumettre à la direction. Si vous n'êtes pas d'accord avec cela, je recevrai avec plaisir vos commentaires et suggestions concernant le tableau de service. Je joins à nouveau le tableau à heures variées que j'ai distribué il y a quelques jours afin que vous l'examiniez et le commentiez, et j'espère que vous me ferez part de vos observations à ce sujet.

[28]    Aux destinataires du courriel de Mme Falconer, Mme Sabir a répondu comme suit (pièce G-6), le 2 juillet 2004 :

[Traduction]

Étant l'une des représentantes à la table, je dois dire que je n'ai obtenu AUCUNE réponse de la part du sous-commissaire au sujet de nos préoccupations. Je trouve intriguant qu'il envoie de l'information à quelqu'un (?), tout le monde (?) sans avoir la courtoisie de répondre en premier lieu au syndicat qui a soulevé la question. Peut-êre qu'il veut par-là sous-tendre le processus consultatif qui n'existe pas dans ce lieu de travail.

Je n'ai pas reçu davantage de réponse de la part de la RNABC.

Favoriser un système de communication qui n'est pas consultatif et qui sert à « diviser pour mieux régner » si on lui en donne la possibilité est peut-être la SEULE chose que la direction a bien faite jusqu'à maintenant.

[...]

[29]    Mme Sabir a déclaré que Mme Falconer occupait alors par intérim les fonctions de Mme Gaskell, mais qu'elle ne savait vraiment pas où Mme Falconer avait obtenu les renseignements inclus dans son courriel. Elle a également fait remarquer qu'il aurait été courtois de transmette ces renseignements à l'agent négociateur.

[30]    Le 23 juillet 2004, Mme Gaskell à sommé Mme Sabir de se présenter à une réunion avec M. Richmond. Cette dernière s'est présentée à la réunion, accompagnée de Jasmine MacKay, déléguée syndicale de l'IPFPC et infirmière autorisée depuis 1972, ainsi que de Dave Kereliuk, représentant syndical régional de l'IPFPC. M. Richmond l'a avisé que Mme Falconer avait déposé une plainte de harcèlement contre elle. On lui a présenté une note de service, datée du 21 juillet 2004 (pièce-E-2), émanant de M. Hooper qui proposait une médiation pour tenter de résoudre la plainte, mentionnait l'existence du Programme d'aide aux employés et exposait les grandes lignes de la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor. On lui a également remis une copie vérifiée de la plainte de harcèlement, en conformité avec la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[31]    M. Richmond a informé Mme Sabir qu'il séparait les parties à la plainte de harcèlement et qu'elle devait se présenter à l'établissement Mission à 9 h, le 26 juillet 2004. Mme Sabir est ensuite sortie des locaux du CRT, escortée par Mme Gaskell.

[32]    Le 4 octobre 2004, Mme  Sabir a reçu une lettre (pièce E-7) de M. Demers l'informant que, après avoir examiné la plainte de harcèlement de Mme Falconer, il estimait que cette plainte répondait aux critères énoncés dans la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor. La lettre de M. Demers l'informait aussi que les services de Michael McCaffrey, évaluateur externe de cas de harcèlement, avaient été retenus par le SCC pour enquêter sur la plainte de harcèlement de Mme Falconer.

[33]    Le 29 mars 2005, M. Demers a écrit à Mme Sabir pour l'informer de l'achèvement du rapport d'enquête final de M. McCaffrey et lui a remis une copie du rapport. Ledit rapport avait été transmis au SCC le 11 février 2005.

[34]    Mme Sabir a mentionné le paragraphe 56 du rapport final d'enquête (pièce G-7) de M. McCaffrey, où ce dernier reproduisait un courriel de Mme Gaskell, à l'attention de Mme Falconer, dans lequel des suggestions étaient faites sur la façon dont Mme Falconer devait formuler son courriel du 1er juillet 2004 (pièce G-6) :

[Traduction]

« Je l'allégerais un peu.

Premièrement, remerciez les deux personnes qui ont répondu à votre courriel, puis effectuez un suivi en disant que les réponses que vous avez reçues ont été, pour vous, déterminantes dans votre décision de ne mettre qu'une infirmière en poste la nuit, ce qui ne remportait pas l'adhésion des infirmières.

Je poursuivrais ensuite en disant être également favorable à l'affectation de deux infirmières au quart de nuit. Dites aussi, cependant, que vous pourriez facilement faire valoir la nécessité de deux infirmières la nuit avec un tableau de service qui serait plus attrayant pour les membres que le tableau actuel. Encouragez les gens à séparer la question des deux infirmières la nuit de celle du tableau de service sur lequel ils travaillent. »

[35]    Mme Sabir a déclaré que l'intervention de Mme Gaskell démontre l'existence d'une collusion avec Mme Falconer. Selon Mme Sabir, c'est ce qui a été à l'origine de la plainte de harcèlement déposée contre elle.

[36]    Mme Sabir a déclaré que, bien qu'elle aurait pu retourner au CRT en janvier 2005, vu que Mme Falconer n'y était plus, pour des raisons personnelles, elle n'y est retournée que le 15 juin 2005.

[37]    En contre-interrogatoire, Mme Sabir a convenu du fait qu'elle était employée au groupe régional des unités de services de santé et que ses conditions d'emploi prévoyaient qu'elle pourrait être appelée à travailler à divers endroits de la région du Pacifique.

[38]    Mme Sabir a confirmé avoir reçu une note de service (pièce E-5), datée du 29 juillet 2004, intitulée [traduction] « Plainte de harcèlement séparant les parties » et signée par M. Richmond. La note de service se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[...]

L'accès au Centre régional de traitement et à l'établissement du Pacifique vous est restreint jusqu'au règlement de cette plainte. Si vous avez besoin d'accéder aux locaux, une autorisation peut vous être accordée par le directeur exécutif ou la personne désignée qui le remplace.

[...]

[39]    Mme Sabir a convenu avec l'avocat des défendeurs qu'elle n'avait jamais demandé à avoir accès au CRT.

[40]    Quand on lui a demandé si elle avait déjà rencontré M. Hooper, l'auteur de la pièce E-2, Mme Sabir a répondu que non. Elle a également déclaré que personne ne l'avait mise au courant de la plainte de harcèlement avant sa rencontre avec M. Richmond. Bien qu'elle ait admis qu'elle n'avait pas participé à la médiation offerte par le SCC, elle a déclaré que c'était parce qu'elle estimait que, si elle y participait, cela signifierait qu'elle était coupable de harcèlement. À son avis, la plainte de harcèlement représente un geste de la direction du SCC ayant pour but de la retirer de son lieu de travail, pour qu'elle ne puisse pas poursuivre l'exploration de la question du tableau de service et défendre le besoin d'avoir deux infirmières en poste le soir.

[41]    Mme Johnston, infirmière autorisée depuis environ 16 ans, est à l'emploi du SCC depuis quatre ans.

La question du tableau de service du point de vue de Mme Johnston

[42]    La version du problème relatif au tableau de service donnée par Mme Johnston était très semblable, pour ne pas dire identique, à celle de Mme Sabir. Par conséquent, je ne ferai état que des différences ou des clarifications que Mme Johnston a fournies dans son témoignage.

[43]    Mme Johnston a déclaré que, en décembre 2003, Mme Gaskell avait décidé de ne pas remplacer la seconde infirmière du quart de soir si cette dernière s'absentait pour cause de maladie. La première discussion officielle des questions relatives au tableau de service a été une réunion de consultation au service médical, tenue le 2 février 2004, à laquelle Mme Johnston, Mme Briar, Mme Falconer, Mme Gaskel et le Dr Gordon, entre autres, ont pris part. On n'est parvenu à aucune entente lors de cette réunion. La réunion suivante s'est tenue le 7 avril 2004 et est mentionnée dans le témoignage de Mme Sabir (ci-dessus).

[44]    Mme Johnston a qualifié les réunions et les discussions avec Mme Gaskell d'empreintes d'un climat de confrontation. Les différentes propositions de tableau de service qu'elle a présentées à Mme Gaskell n'ont pas été retenues. À son avis, les scénarios de tableau de service présentés par Mme Gaskell contrevenaient aux dispositions de la convention collective.

[45]    Le 29 avril 2004, la première version du tableau de service de 7,5 heures était affichée. À trois reprises, la direction a modifié ce tableau de service avant de finalement l'instaurer, le 10 mai 2004.

[46]    Dans son témoignage, Mme Johnston a déclaré que le courriel du 1er juillet 2004 (pièce G-6) que Mme Falconer a envoyé aux infirmières concernées a eu l'effet d'une surprise et qu'elle pensait que Mme Falconer avait accès à des renseignements privilégiés ou internes. Mme Johnston a déclaré que Mme Sabir et elle-même avaient été élues porte-parole pour ces questions par les autres infirmières.

[47]    Mme Johnston a déclaré qu'on l'avait informée, par courriel daté du 23 juillet 2004, que M. Steele devait la rencontrer en tête à tête le 26 juillet 2004.

La question du harcèlement du point de vue de Mme Johnston

[48]    Le 23 juillet 200, Mme Johnston a reçu, à son domicile, un coup de téléphone l'avisant qu'elle devrait rencontrer Mme Gaskell et M. Richmond le 26 juillet 2004. Aucune indication de l'objet de la rencontre n'a été donnée. Le 26 juillet 2004, à 10 h, elle a d'abord rencontré M. Steele. Vers 15 h, accompagnée de Mme  Briar et de Jérome Fransblow, un délégué syndical de l'IPFPC, elle s'est présentée à la réunion avec Mme Gaskell et M. Richmond.

[49]    Lors de cette rencontre, M. Richmond lui a remis la lettre de M. Hooper qui accompagnait la plainte de harcèlement (pièce E-14) ainsi qu'une copie vérifiée de la plainte déposée par Mme Falconer. M. Richmond l'a informée qu'elle devait être temporairement réaffectée, soit à l'établissement de Kent soit à l'établissement Mountain, en attendant le règlement de la plainte de harcèlement. On lui a demandé où allait sa préférence, et elle a répondu qu'elle préférait l'établissement Mountain. On lui a dit d'appeler M. Richmond le lendemain matin, à 9 h, pour vérifier si elle pouvait obtenir satisfaction. Elle a ensuite quitté l'enceinte du CRT, sous l'escorte de Mme Gaskell.

[50]    Le 27 juillet 2004, Mme Johnston a appelé M. Richmond et a appris qu'elle serait temporairement réaffectée à l'établissement de Kent. M. Richmond lui a expliqué que cette décision était justifiée par le fait qu'elle avait reçu une formation d'infirmière spécialisée en traitement des maladies infectieuses. Mme Johnston a cependant nié avoir reçu pareille formation.

[51]    Elle s'est présentée à l'établissement de Kent le lendemain, le 28 juillet 2004, et n'est pas retournée au CRT avant le 2 février 2005, la note de service de M. Richmond (pièce G-13) l'ayant informée que son accès au CRT était restreint.

[52]    Le 16 décembre 2004, Mme Johnston a participé à une rencontre avec des représentants du SCC; cette réunion était dirigée par Jeff Christian, dont les services avaient été retenus par le SCC. À l'issue de la rencontre, il a été convenu de revenir à la formule du quart de soir avec deux infirmières en poste et d'instaurer le tableau de service à 11,75 heures que Mme Johnston avait présenté à Mme Gaskell le 7 avril 2004.

[53]    Mme Johnston a déclaré que, dans le rapport final d'enquête de M. McCaffrey sur le harcèlement, daté du 11 février 2005 (pièce G-14), la plainte de harcèlement déposée par Mme Falconer avait été jugée sans fondement et de nature vexatoire.

[54]    En contre-interrogatoire, la plaignante a reconnu que, en acceptant d'être employée par le SCC, elle était susceptible d'être affectée à d'autres lieux de travail de la région du Pacifique.

[55]    Elle a également convenu du fait que, même si on l'avait informée que son accès au CRT était restreint, elle aurait pu y obtenir accès si elle avait communiqué avec le directeur exécutif ou le responsable désigné du CRT. Elle a convenu, avec l'avocat des défendeurs que, à aucun moment, elle n'avait demandé à avoir accès au CRT pendant sa réaffectation temporaire.

[56]    Lorsque l'avocat lui a demandé si elle avait déjà rencontré M. Hooper, qui occupait par intérim les fonctions de M. Demers, ou si elle lui avait déjà parlé, elle a répondu par la négative.

[57]    La plaignante a reconnu que le SCC lui avait offert des services de médiation pour essayer de résoudre la plainte de harcèlement déposée par Mme Falconer. Elle a déclaré, cependant, qu'elle avait décliné l'offre du fait qu'elle estimait n'avoir rien fait de mal.

[58]    Elle a également reconnu que M. Richmond était le directeur exécutif par intérim qui remplaçait le Dr Gordon.

[59]    Mme Johnston a également reconnu qu'elle avait vu la lettre de M. Wickstrom datée du 16 juillet 2004 et adressée à M. Urmson (pièce E-4). Quand on lui a demandé si elle avait reçu de la correspondance sur des questions syndicales de la part de M. Wickstrom, elle a répondu par l'affirmative.

[60]    En réfutation, Mme Johnston a confirmé qu'elle n'avait reçu la pièce E-4 que le 20 juillet 2004. Elle a également confirmé avoir reçu la pièce E-3 le 20 juillet 2004, bien que la décision de retenir les services de M. Steele ait été prise le 7 juillet 2004.

[61]    Mme Briar est une infirmière autorisée qui est à l'emploi du SCC depuis quatre ans environ.

La question du tableau de service du point de vue de Mme Briar

[62]    Le témoignage de la plaignante fait de nouveau écho à ceux de Mme Sabir et Mme Johnston. Pour éviter les répétitions, je retiens que son témoignage est très semblable, sinon identique, quant aux dates et événements décrits plus haut. Le témoin a rencontré M. Steele le matin du 26 juillet 2004, dans un bureau situé à l'extérieur de l'enceinte du CRT.

La question du harcèlement du point de vue de Mme Briar

[63]    Mme Briar a fait une description de sa rencontre avec M. Richmond. Le 26 juillet 2004, en compagnie de Mme Johnston et de M. Fransblow, elle a rencontré M. Richmond et Mme Gaskell. On lui a remis la même lettre d'accompagnement que celle qu'on avait remise aux autres plaignantes; cette lettre était signée de M. Hooper et l'avisait qu'une plainte de harcèlement avait été déposée contre elle par Mme Falconer. On lui a également remis une copie vérifiée de la plainte de harcèlement. Elle a déclaré que, en prenant connaissance de la plainte, elle avait été incapable de discerner toute allégation faite à son endroit.

[64]    M. Richmond l'a informée qu'elle devait être temporairement réaffectée à un autre lieu de travail, en attendant le règlement de l'affaire. Les établissements qui lui étaient disponibles étaient l'établissement de Kent ou l'établissement Mountain. Mme Gaskell l'a ensuite escortée jusqu'à la sortie de l'enceinte du CRT. Bien qu'elle ait choisi l'établissement de Kent, on l'a informée le jour suivant qu'elle était réaffectée à l'établissement Mountain. Elle a déclaré que c'était elle, et non pas Mme Johnston, qui avait reçu une formation d'infirmière spécialisée en traitement des maladies infectieuses, et que M. Richmond avait quand même décidé de la réaffecter à l'établissement Mountain.

[65]    Elle a déclaré que, d'après la note de service de M. Richmond et du fait qu'elle ne pouvait pas retourner au CRT, elle avait le sentiment qu'il s'agissait [traduction] « d'une tentative de M. Richmond de la faire partir du CRT et de la sortir du tableau ». En faisant cela, il ne laissait qu'une déléguée syndicale dans l'établissement (Danielle Stonehouse Carrier) pour faire valoir les préoccupations du syndicat concernant les questions du tableau de service et du quart de soir avec une seule infirmière, alors que les autres délégués étaient absents.

[66]    Mme Briar a reçu copie du rapport final d'enquête de M. McCaffrey, lequel jugeait que les allégations faites à son endroit étaient sans fondement et à caractère vexatoire. Elle a déclaré que le rapport en question laissait aussi entendre que Mme Gaskell avait un plan pour obtenir qu'on retire les plaignantes du CRT. Mme Briar est retournée au CRT en mars 2005.

[67]    En contre-interrogatoire, Mme Briar a reconnu n'avoir jamais rencontré M. Hooper ni ne lui avoir parlé au téléphone. Elle a confirmé que les établissements Mountain et de Kent étaient voisins. Elle a reconnu que les conditions de son emploi donnaient à l'employeur le droit de la réaffecter à différents endroits. Elle a cependant déclaré que, pendant toute la durée de son emploi au SCC, elle n'avait jamais entendu parler de la réaffectation d'une infirmière à un endroit différent.

[68]    Penny Sharp, infirmière autorisée depuis 1986, est à l'emploi du SCC depuis cinq ans. Elle a déclaré que la décision de la direction de passer du quart de travail de 11,75 heures à celui de 7,5 heures avait affaibli le moral des troupes, entraîné un recours excessif aux congés de maladie et donné lieu à des confrontations avec le personnel ainsi qu'avec la direction.

[69]    Mme Sharp n'assumait pas les fonctions de déléguée syndicale pour l'IPFPC avant le retrait des plaignantes du CRT. Le 3 août 2004, elle a adressé une lettre à Lucie McClung, commissaire du SCC (pièce G-15), dans laquelle elle exposait en détail les événements qui s'étaient produits au CRT eu égard à l'imposition du quart de travail de 7,5 heures et au fait de n'avoir qu'une infirmière en poste pour le quart de soir. Elle a également clairement indiqué que les plaignantes bénéficiaient d'un appui entier et sans équivoque des neuf infirmières travaillant au CRT, lesquelles avaient signé la lettre. Elle a aussi indiqué qu'elle était maintenant la porte-parole des infirmières du CRT. Mme Sharp a fait remarquer qu'elle n'avait jamais reçu de réponse ou d'accusé de réception de la part du bureau de Mme McClung.

[70]    Le 14 août 2004, Mme Sharp a envoyé une lettre (pièce G-16) à Don Head, le commissaire adjoint du SCC, dans laquelle elle décrivait la situation qui prévalait au CRT. Elle a également déclaré que, puisque Mme Falconer n'était plus au CRT et n'y retournerait pas dans un avenir prévisible, les trois plaignantes qui étaient la voix des infirmières au CRT, pouvaient être rétablies dans leurs fonctions au CRT. Elle n'a reçu aucune réponse de M. Head.

[71]    Mme Sharp a reconnu la pièce G-17 comme étant deux lettres de l'IPFPC à l'attention de M. Head. La première, datée du 4 octobre 2004, émanait de Michèle Demers, vice-présidente nationale, et la seconde, datée du 19 novembre 2004, d'Isabelle Petrin, agente des relations de travail. Ces lettres faisaient part des préoccupations au sujet des problèmes éprouvés par les infirmières au CRT ainsi que de l'absence d'intervention de la direction à cet égard.

[72]    Le 7 décembre 2004, M. Head a répondu à Mme Demers (pièce G-18), et Mme Sharp a reçu copie de cette réponse par l'entremise de sa représentante syndicale.

[73]    Le 16 décembre 2004, la direction a pris la décision de revenir au quart de travail à 11,75 heures et d'avoir deux infirmières en poste pendant le quart de soir.

[74]    Mme Sharp a déclaré qu'elle était d'avis qu'on avait obligé Mme Falconer à déposer la plainte de harcèlement contre les plaignantes.

[75]    En contre-interrogatoire, Mme Sharp a déclaré que, à son avis, Mme Falconer avait été manipulée en sorte d'être amenée à présenter une plainte de harcèlement. Quand on lui a demandé si elle émettait là une hypothèse, Mme Sharp a répondu que oui et qu'il s'agissait d'une « supposition raisonnée ».

[76]    En réfutation, Mme Sharp a déclaré que Mme Falconer avait été manipulée, mais pas forcée de déposer la plainte de harcèlement.

[77]    Heather East, infirmière autorisée depuis 1972, est à l'emploi du SCC depuis trois ans. Mme MacKay est à l'emploi du SCC depuis huit ans; Balbinder Corra, infirmière autorisée depuis 1994, est à l'emploi du SCC depuis dix ans. Elles ont toutes trois livré un témoignage qui recoupait celui des plaignantes.

[78]    Harvinder Mahil est employé comme agent des relations de travail au bureau régional de l'IPFPC, à Vancouver. M. Mahil a repris le dossier du CRT au mois d'août 2004, lorsque M. Wickstrom a été hospitalisé. Il a déclaré que Mme Demers avait envoyé à M. Head une lettre, le 4 octobre 2004 (pièce G-17), dans laquelle elle exprimait les préoccupations de l'IPFPC quant à la perception d'un abus de procédure et d'un abus d'autorité au CRT. Il s'agissait d'un suivi à la lettre que Mme Sharp avait adressée à M. Head et qui était demeurée sans réponse.

[79]    M. Mahil a déclaré que le retrait des trois déléguées syndicales de leur lieu de travail au vu et au su de tous était considéré, par l'IPFPC, comme une affaire grave. L'IPFPC estimait que le retrait des déléguées syndicales représentait un geste d'intimidation de la part de la direction du SCC et que, ce faisant, cela avait laissé un vide de leadership syndical au CRT.

[80]    M. Mahil a également déclaré que, peu après la production du rapport final d'enquête, Mme Falconer avait quitté le CRT pour partir en congé de longue durée. Par conséquent, les trois plaignantes devaient être réaffectées au CRT.

[81]    En contre-interrogatoire, M. Mahil ne s'est pas souvenu de la date exacte du départ de Mme Falconer ou de son retour. Il n'était pas au courant du fait que Mme Falconer avait écrit une lettre à l'attention de M. Wickstrom, le 1er juillet 2004, et que c'est après avoir reçu la réponse de M. Wickstrom que Mme Falconer a déposé sa plainte de harcèlement.

[82]    En 1997, les services de Michael McCaffrey ont été retenus par le ministère de la Défense nationale, le ministère de la Justice, la Commission canadienne des droits de la personne et des entreprises privées pour agir en tant que médiateur et enquêteur dans des cas de plaintes liées au harcèlement et aux droits de la personne. Ses services ont été retenus par le SCC pour conduire une enquête à la suite de la plainte de harcèlement déposée par Mme Falconer.

[83]    M. McCaffrey a décrit comme suit la procédure qu'il suit dans la réalisation d'une enquête :

-          bien comprendre le mandat;

-          recevoir une convocation claire;

-          trouver tous les témoins éventuels;

-          communiquer avec le ou les défendeurs;

-          communiquer avec le ou les plaignants;

-          mener des entrevues avec le ou les défendeurs;

-          mener des entrevues avec le ou les plaignants;

-          dresser une liste des témoins;

-          mener des entrevues avec les témoins;

-          étudier tous les documents pertinents et effectuer
           une inspection sur place;

-          établir la forme de son rapport préliminaire;

-          présenter un rapport préliminaire;

-          présenter un rapport final d'enquête au coordonnateur,
           qui en transmet ensuite une copie aux parties concernées.

[84]    Les entrevues sont confidentielles et les notes que prend M. McCaffrey sont initialées par les parties afin de confirmer leur exactitude et que les procédures et les protocoles ont été dûment suivis. Il a déclaré que, une fois qu'il soumettait son rapport final, il [traduction] « n'exprimait pas d'autre intérêt ».

[85]    Au sujet du rapport final qu'il a déposé à la suite de son enquête sur la plainte de harcèlement (pièce G-7) présentée par Mme Falconer, M. McCaffrey a apporté la précision que le paragraphe 56 constituait une preuve documentaire qu'il avait obtenue et une reproduction textuelle du courriel que Mme Gaskell avait adressé à Mme Falconer.

[86]    Le représentant des plaignantes a porté à l'attention de M. McCaffrey le paragraphe 124 de la pièce G-7, qui indique que Susan Nolan, chef des services de santé à l'Établissement de Kent, a fourni les renseignements suivants lors de son entrevue :

[Traduction]

[124]. Le témoin Nolan a déclaré que, début juillet 2004, l'administratrice régionale des services de santé, Pauline Lentinu, avait communiqué avec elle pour l'informer qu'il lui faudrait probablement retirer du CRT les trois intimées « en raison des difficultés qu'elles causaient ». Le témoin Nolan déclare que, à la suite d'un compte rendu sans rapport avec cette affaire qui a été fait au sous-commissaire par intérim, le 21 juillet 2004, Mme Lentinu a demandé à s'entretenir avec elle en privé. Elles sont allées dans le bureau de Mme Lentinu, et Mme Nolan a appris que les intimées seraient envoyées dans d'autres établissements, et que l'établissement de Kent recevrait l'une d'elles.

[87]    M. McCaffrey a reconnu que le paragraphe 137 de la pièce  G-21 rendait compte de la conversation qu'il avait eue avec Mme Lentinu pendant l'entrevue de cette dernière. Le paragraphe 137 se lit comme suit :

[Traduction]

[137]   Le témoin Lentinu a été questionné au sujet des discussions avec Susan Nolan, à l'établissement de Kent, concernant la reprise, par Mme Nolan, d'une ou de plusieurs des intimées. Elle a déclaré que, avant le dépôt comme tel de la plainte, une discussion avait eu lieu avec la commissaire intérimaire, Pauline Guenette, et Doug Richmond au sujet du retrait des parties. Elle déclare avoir cru comprendre que la plaignante ne souhaitait pas être déplacée, du fait qu'elle « n'avait rien fait de mal ». Le témoin Lentinu déclare que, pendant cette même conversation, on a mentionné que le déplacement des intimées donnerait un peu « d'air frais » à l'hôpital - voulant dire par là que, à cette époque, plusieurs griefs individuels avaient été déposés en rapport avec le tableau de service, qu'une bonne infirmière avait quitté le service hospitalier et que plusieurs demandes de réaffectation avaient été présentées.

[88]    En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré qu'il n'avait pas mandat de recommander au SCC d'éventuelles mesures à prendre après le dépôt de son rapport. Son rapport ne contenait pas de recommandations; il ne renfermait qu'un compte rendu chronologique détaillé des événements. On a porté à l'attention du témoin le paragraphe 124 de la pièce G-7, plus précisément la phrase qui parle du retrait des trois plaignantes du CRT [traduction] « [...] en raison des difficultés qu'elles causaient [...] ». L'avocat des défendeurs a déclaré que cette phrase ne se retrouvait pas dans la déclaration faite par Mme Nolan lors de son entrevue. M. McCaffrey a convenu que la phrase ne s'y trouvait pas; toutefois, il s'agissait d'un courriel que Mme Nolan lui avait envoyé le 8 décembre 2004 (pièce E-31). Il a déclaré que Mme Nolan avait lu le paragraphe 124 en sa présence et l'avait initialé comme étant un compte rendu exact des événements.

[89]    Le témoin a reconnu que la date mentionnée au paragraphe 132 de la pièce  G-7, eu égard à une réunion tenue avec M.  Urmson, M. Richmond, Mme Lentinu et Pauline Guenette, chef régionale et coordonnatrice des services de médiation et de lutte contre le harcèlement, aurait dû être le 22 juillet 2004 plutôt que le 21 juillet 2004.

[90]    Lorsque l'avocat des défendeurs a demandé à M. McCaffrey si, pendant l'entrevue qu'il avait effectuée avec Mme  Lentinu, cette dernière lui avait fourni des notes au sujet de la date de la conversation qu'elle avait eue avec Mme Nolan, il a répondu par la négative.

[91]    On a produit au témoin la pièce E-31, le courriel que Mme Nolan lui a envoyé le 8 décembre 2004:

[Traduction]

[...]

Il s'agit d'un suivi à l'entretien que nous avons eu plus tôt. Début juillet (je suis désolée, je n'ai pas la date exacte), Pauline Lentinu a fait remarquer qu'il lui faudrait probablement retirer les trois infirmières de l'établissement du Pacifique en raison des difficultés qu'elles causaient. À cette date-là, Pauline ne m'avait pas informée que l'établissement de Kent accepterait l'une ou l'autre de ces membres du personnel. Je me souviens d'avoir pensé que ce changement ne me toucherait pas, du fait que deux des infirmières avaient antérieurement travaillé à l'établissement de Kent.

Le 21 juillet, je devais faire un compte rendu à la sous-commissaire intérimaire au sujet du décès, de cause naturelle, d'un détenu à l'établissement de Matsqui, car je faisais partie de l'équipe qu'on avait chargée d'enquêter sur l'incident. Pauline était présente lors de ce compte rendu. À la fin de la réunion, Pauline m'a demandée si elle pouvait s'entretenir avec moi. Nous sommes allées dans son bureau, de façon qu'elle puisse me parler en privé. Vers 14 h 30, Pauline m'a informée que les trois infirmières de l'établissement du Pacifique seraient envoyées dans d'autres établissements et que, bien que l'on ne m'avait pas encore informée des infirmières que je recevrais à mon service, je devrais accepter l'une d'elles.

Si vous avez besoin d'autres renseignements, n'hésitez pas à communiquer avec moi.

[...]

[92]    Le témoin a déclaré qu'il ne se souvenait pas de la date exacte de « début juillet » mentionnée dans le courriel de Mme Nolan. Lorsqu'on a porté à son attention les paragraphes 181 à 183 de la pièce G-7, il a déclaré que lui et l'avocat pouvaient ne pas être d'accord sur son analyse et qu'il acceptait qu'ils aient des divergences d'opinion. Toutefois, il estime que son analyse est exacte. Les passages pertinents des paragraphes 181 à 183 se lisent comme suit :

[Traduction]

[181]. Il ressort que la preuve qu'il y avait au moins une intention, sinon un projet, de faire retirer les trois intimées du lieu de travail quelques jours avant que les allégations de la plaignante ne soient faites. Bien que l'on ne sache pas exactement dans quelle mesure la plaignante était au courant de cela, à supposer qu'elle le fût, il ressort clairement de la preuve que sa plainte de harcèlement a servi de prétexte au retrait de ces trois personnes du lieu de travail. La preuve en tant que telle indique que, jusqu'au moment où la plainte de harcèlement a été déposée, l'intention de retirer les trois intimées du lieu de travail était limitée aux témoins, Mme Gaskell et Mme Lentinu, Mme Nolan jouant un rôle quelque peu involontaire. 

[182]. Après que la plainte de harcèlement de la plaignante a été déposée, le témoin Richmond est devenu mêlé à l'affaire, dans la mesure où il avait entendu la plainte verbale initiale de harcèlement, le 13 juillet 2004, où il avait ultérieurement consulté Pauline Guenette, le 21 juillet 2004, et où il avait ensuite déféré la plainte écrite à l'administration générale, le 22 juillet 2004, afin de rencontrer le personnel cadre pour discuter de l'affaire. Il importe de faire observer que, la veille de la rencontre du témoin Richmond avec les cadres supérieurs pour discuter de la question, le témoin Lentinu avait informé le témoin Nolan du retrait des intimées du lieu de travail.

[183]. Revenons un moment sur le critère particulier retenu par le sous-commissaire pour séparer les parties à une plainte de harcèlement. S'il est clair que le témoin Richmond n'a pas été mis au courant du fait que la plaignante était sur le point de prendre congé et avait déjà été transférée pour diminuer ses contacts avec deux des trois intimées, ses délibérations au sujet du retrait des trois intimées et la décision prise à cet effet ne semblent pas refléter l'orientation suivie par le sous-commissaire en la matière. Il ressort clairement de la preuve que la décision de retirer les intimées du lieu de travail a été prise avant qu'on les consulte et qu'il n'y a pas eu de considération évidente fournie pour motiver le retrait de la plaignante après qu'elle eût exprimé son désir de ne pas être transférée [...].

[Validation dans l'original]

[93]    M. McCaffrey a convenu qu'il n'entrait pas dans son mandat d'enquêter sur la question de la « séparation des parties ». Il a également convenu qu'il ne croyait pas que M. Richmond était mêlé à l'affaire et que, à sa connaissance, M. Richmond n'était pas mêlé au « projet », dont il est question au paragraphe 181 de son rapport final d'enquête. M. McCaffrey a reconnu qu'il n'avait pas fait d'entrevue de M. Hooper ou de M. Demers, et que les commentaires qu'il a faits dans le paragraphe 181 n'étaient pas dirigés vers l'un ou l'autre de ces derniers.

[94]    Depuis 1984, Mme Guenette a occupé un certain nombre de postes au SCC. Pendant la période pertinente, elle était chef régionale et coordonnatrice de la médiation et de la lutte contre le harcèlement. Elle relevait de M. Hooper et ses fonctions consistaient à interpréter et à administrer les politiques du SCC et du Conseil du Trésor en matière de médiation et de harcèlement, ainsi qu'à dispenser formation et conseils à la direction.

[95]    On a apporté à l'attention de Mme Guenette la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail (pièce E-33) du Conseil du Trésor, qui a pris effet le 1er juin 2001. Elle a décrit les étapes à suivre lorsqu'une plainte de harcèlement est déposée au SCC.

[96]    Le sous-commissaire régional est la personne habilitée à recevoir une plainte écrite. La plainte doit préciser la nature des allégations, le nom des intimés, leurs rapports hiérarchiques, la date et une description des incidents allégués ainsi que le nom des témoins éventuels. Sur réception d'une plainte, le sous-commissaire régional l'examine et, si l'on détermine que les allégations peuvent constituer un cas de harcèlement, une copie vérifiée de la plainte est envoyée (pour répondre aux exigences de la Loi sur la protection des renseignements personnels) aux parties intéressées.

[97]    L'un des modes de règlement possibles est la médiation. Mme Guenette a fait observer que, dans ce cas, on a proposé une médiation mais elle a été refusée. Par suite de ce refus, la prochaine étape consistait à procéder à une enquête sur la plainte de harcèlement. Comme on l'a mentionné précédemment, les services de M. McCaffrey ont été retenus pour conduire une enquête et soumettre un rapport.

[98]    Faisant allusion à la pièce E-4, les lignes directrices du Conseil du Trésor pour Faire face au harcèlement : Guide à l'intention des gestionnaires, plus particulièrement à la page 17, qui traite de la « Séparation des parties », Mme Guenette a déclaré que la principale raison pour laquelle on a séparé les plaignantes et Mme Falconer était de réduire les tensions, de procurer un environnement de travail sain et d'éviter que leurs collègues prennent parti pour un camp ou l'autre. Elle a poursuivi en disant que les critères utilisés par M. Richmond pour déterminer la nécessité de séparer les parties étaient la gravité des allégations et les besoins de l'organisation.

[99]    Mme Guenette a fait allusion aux notes (pièce E-36) qu'elle avait prises lors d'une réunion tenue le 24 juin 2004 avec Mme Gaskell et Mme Lentinu. Il est indiqué dans ses notes que des problèmes au CRT semblaient diviser les infirmières. Comme ces problèmes revêtaient un caractère syndical, la direction du SCC a estimé qu'elle ne devait pas y être mêlée, car cela pouvait mener au dépôt d'une plainte contre elle aux termes de l'article 23 de l'ancienne Loi.

[100]    La témoin a également fait allusion aux notes (pièce E-37) qu'elle a prises lors d'une réunion, tenue le 13 juillet 2004, avec M. Richmond, Mme Falconer et Bob Blakeway, un employé formé à l'évaluation des cas de harcèlement. L'objet de cette rencontre était de discuter des problèmes qui se posaient au CRT. Mme Falconer alléguait que les plaignantes empoisonnaient son environnement de travail, qu'elle était visée par un certain nombre de courriels négatifs, qu'elle n'était pas mise au courant des problèmes syndicaux et qu'on la laissait à l'écart. D'après le témoin, Mme Falconer a déclaré qu'elle avait communiqué avec M. Wickstrom et que celui-ci lui avait conseillé d'appuyer la position de l'agent négociateur au sujet des questions du tableau de service et de l'affectation de deux infirmières au quart de soir.

[101]    À la réunion du 13 juillet 2004, M. Richmond a soulevé la question de la séparation des parties. Mme Falconer lui a indiqué qu'elle souhaitait demeurer au CRT. Il lui a mentionné que, si elle avait l'intention de déposer une plainte de harcèlement, elle devait le faire par écrit.

[102]    La pièce E-38 se compose des notes prises par Mme Guenette le 19 juillet 2004; ces notes confirment que M. Richmond a bel et bien reçu une plainte écrite officielle de la part de Mme Falconer.

[103]    Le témoin a également fait allusion aux notes qu'elle a prises lors d'une rencontre tenue le 21 juillet 2004 (pièce E-39) avec Mme Gaskell et Mme Lentinu. Elle a indiqué que Mme Falconer avait déposé une plainte officielle et que Mme Gaskell devait se pencher sur le besoin de séparer les parties. Mme Gaskell et Mme Lentinu ont estimé qu'il serait peut-être difficile de réaffecter les infirmières, du fait qu'il n'y avait pas de postes vacants dans la région; cependant, il y avait la possibilité de les employer pendant les congés annuels pris dans les autres établissements. Mme Falconer a indiqué à Mme Gaskell qu'elle ne voulait pas quitter le CRT.

[104]    La pièce E-40 se compose des notes que Mme Guenette a prises lors d'un entretien téléphonique qu'elle a eu avec Mme Lentinu le 21 juillet 2004; il y est confirmé qu'un certain nombre d'infirmières étaient disponibles pour rencontrer M. Steele ce jour-là. Mme Lentinu a demandé à Mme Gaskell de remettre à plus tard ces rencontres.

[105]    La pièce E-42 se compose des notes prises par Mme Guenette lors d'une rencontre tenue le 21 juillet 2004, avec Maureen Hines, conseillère principale en relations de travail; lors de cette rencontre, elle a indiqué à Mme Hines que M. Richmond devait rencontrer les quatre infirmières concernées, et qu'il devait demeurer objectif au moment de son examen de la séparation des parties pendant le traitement de la plainte de harcèlement.

[106]    La pièce E-43 se compose des notes de Mme Guenette à la suite d'une conversation téléphonique qu'elle a eue le 21 juillet 2004 avec M. Wickstrom, durant laquelle elle lui a indiqué qu'elle avait parlé à M. Richmond et à Mme Gaskell de sa demande à l'effet que M. Steele devait rencontrer les infirmières en groupe plutôt que une par une. Elle a également fourni à M. Wickstrom le numéro de téléphone de Mme Gaskell, de manière qu'il puisse confirmer la date et l'heure des réunions reportées.

[107]    La pièce E-44 se compose des notes prises par Mme Guenette le 21 juillet 2004; il y est indiqué qu'elle avait conseillé à M. Richmond de rencontrer les parties pour discuter de la nécessité de les séparer.

[108]    La pièce E-45 est une lettre que Mme  Guenette a envoyée à M. Hooper le 21 juillet 2004 et dans laquelle elle l'avisait du dépôt de la plainte de harcèlement par Mme Falconer. Elle l'a aussi informé qu'il lui fallait [traduction] « [...] examiner la nécessité de séparer les parties jusqu'à ce que l'affaire soit réglée ». Elle a aussi déclaré que le retrait de l'une ou l'autre des infirmières travaillant au CRT donnerait lieu à des préoccupations opérationnelles.

[109]    La pièce E-46 se compose des notes que Mme Guenette a prises lors d'une réunion, tenue le 22 juillet 2004, vers 13 h, avec Messieurs Hooper, Urmson et Richmond, et Mme  Lentinu. Mme Guenette a déclaré que M. Hooper voulait que l'administration nationale soit avisée de la plainte de harcèlement présentée par Mme Falconer. M. Richmond s'est penché sur le besoin de séparer les parties et a déclaré que, puisque les trois plaignantes faisaient partie du groupe régional des unités de services de santé, elles pouvaient, au besoin, être relocalisées dans différents établissements.

[110]    Plus tard, ce jour-là, vers 16 h, Mme Guenette a envoyé à M. Richmond un courriel auquel étaient joints les critères (pièce E-47), approuvés par le sous-commissaire, que le SCC emploie au moment d'examiner une séparation des parties.

[111]    Mme Guenette a déclaré qu'elle n'était pas présente lorsque M. Richmond a rencontré les trois plaignantes et a pris la décision de séparer les parties. Elle a déclaré en outre qu'elle n'avait pas dit à M. Richmond s'il devait ou non séparer les parties.

[112]    En contre-interrogatoire, on a porté à l'attention de Mme Guenette la pièce E-8, la convocation et le mandat que M. Demers a signés pour nommer M. McCaffrey enquêteur. Lorsque le représentant des plaignantes lui a demandé si elle avait validé la plainte de Mme Falconer, elle a répondu qu'elle avait examiné les questions soulevées par Mme Falconer et qu'elle avait jugé qu'un certain nombre de problèmes engendraient un environnement de travail précaire et malsain. Elle a précisé que l'on ne peut déterminer si une plainte est sans fondement ou vexatoire tant que l'affaire n'a pas fait l'objet d'une enquête par un tiers neutre.

[113]    Lorsqu'on a porté à son attention l'étape 3, « Étude de la plainte » (pièce E-33) de la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor, Mme Guenette a déclaré que M. Hooper était le gestionnaire délégué qui examinait la plainte, car il occupait alors par intérim le poste de M. Demers. Elle a également mentionné que la direction a l'obligation de traiter une plainte dès qu'on l'informe de son dépôt.

[114]    Conformément à ses notes du 24 juin 2004 (pièce E-36), Mme Guenette a déclaré que Mme Gaskell et Mme Lentinu avaient décrit le CRT comme étant un lieu de travail vicié. Elle a aussi rappelé que Mme Falconer avait mentionné qu'elle s'était entretenue avec M. Wickstrom des problèmes qui se posaient entre elle et les plaignantes. Elle a déclaré que Mme Falconer avait été mécontente de la réponse de M. Wickstrom et qu'elle avait par la suite déposé sa plainte de harcèlement.

[115]    Mme Guenette a déclaré qu'elle n'était pas au courant d'éventuelles mesures que la direction du CRT aurait prises, après le dépôt du rapport final d'enquête de M. McCaffrey, pour rétablir les relations.

[116]    Elle a également précisé que, d'après son expérience, il n'est pas rare que la direction restreigne l'accès d'un employé à son lieu de travail lorsque ce dernier est temporairement relocalisé pendant que la direction fait enquête sur une plainte de harcèlement.

[117]    Mme Guenette a mentionné qu'elle ignorait si Mme Falconer avait fait l'objet de mesures disciplinaires à la suite du dépôt du rapport final d'enquête dans lequel M. McCaffrey concluait que sa plainte était sans fondement et vexatoire.

[118]    Mme Guenette a fait observer qu'elle avait pris des dispositions pour qu'un tiers rencontre Mme Falconer et les plaignantes afin d'essayer de régler l'affaire par médiation. Bien que Mme Falconer ait acquiescé à cela, ce ne fut pas le cas des plaignantes.

[119]    Mme Guenette a déclaré que M. Hooper avait reçu la plainte de harcèlement et décidé qu'il n'était pas nécessaire d'obtenir d'autres renseignements de Mme Falconer, vu qu'il estimait qu'il y avait suffisamment d'allégations pour fonder le harcèlement allégué.

[120]    M. Richmond a commencé sa carrière au sein du SCC en 1973. En avril 2003, il est devenu le sous-directeur de l'établissement du Pacifique et du CRT. Il relevait du directeur, John Costello. Entre le 13 juillet 2004, ou vers cette date, et le 27 juillet 2004, il a remplacé le Dr Gordon au poste de directeur exécutif du CRT. M. Richmond a, depuis, pris sa retraite du SCC.

[121]    Aux dires de M. Richmond, Mme Falconer et M. Blakeway l'ont rencontré, lui et Mme Gaskell, le 13 juillet 2004, vers 9 h 30. Mme Falconer l'a informé qu'elle était harcelée par les trois plaignantes. Elle a déclaré qu'elle recevait des courriels hostiles et que les plaignantes l'évitaient et la traitaient en recherchant la confrontation. En outre, Mme Falconer estimait que le dirigeant syndical contribuait au harcèlement, vu que M. Wickstrom s'était emporté contre elle lorsqu'elle avait discuté avec lui de la question du tableau de service. On a accordé à Mme Falconer un temps de congé (trois jours) pour rédiger sa plainte. Vers 11 h 45, ce jour-là, M. Richmond a communiqué avec Mme Guenette pour l'informer qu'il envisagerait de séparer les parties s'il recevait une plainte écrite officielle de Mme Falconer.

[122]    Bien que la plainte de Mme Falconer ait été déposée le 16 juillet 2004, M. Richmond ne l'a reçue que le 19 juillet 2004. Il en a pris connaissance pour déterminer si la plainte rendait compte de ce que Mme Falconer lui avait exposé le 13 juillet 2004. Il a ensuite pris contact avec Mme Guenette et Mme Hines pour discuter de la plainte et des lignes directrices concernant la séparation des parties.

[123]    Le 21 juillet 2004, M. Richmond a de nouveau parlé à Mme Guenette. Celle-ci lui a conseillé de ne rencontrer les parties à la plainte de harcèlement qu'une fois que la note de service de M. Hooper et une copie validée de la plainte seraient prêtes.

[124]    Le 22 juillet 2004, vers 11 h, M. Richmond a mis M. Urmson au courant de la plainte de harcèlement présentée par Mme Falconer. Vers 15 h, lui et M. Urmson ont mis M. Hooper au courant de la question. Ils ont discuté de la nécessité de séparer les parties et de l'incidence opérationnelle que cela aurait au CRT. La possibilité que d'autres établissements reçoivent les parties séparées a également été discutée. Cependant, il fallait communiquer avec les directeurs de ces établissements pour vérifier s'il y avait des postes vacants. M. Richmond a demandé et obtenu de M. Hooper l'autorisation de communiquer avec les directeurs d'établissement.

[125]    À l'issue de la réunion avec M. Hooper, M. Richmond a appelé les directeurs des établissements de Kent, Mission et Mountain pour discuter de la réaffectation temporaire des parties à la plainte. Chacun des directeurs d'établissement a accepté de recevoir une infirmière.

[126]    Le 23 juillet 2004, vers 10 h 25, M. Richmond a rencontré Mme Falconer et M. Kereliuk. M. Richmond a soulevé la question de la séparation des parties et a lu à Mme Falconer et à M. Kereliuk les lignes directrices prévues à cet effet. Mme Falconer a signifié à M. Richmond qu'elle ne voulait pas être relocalisée, en raison des implications financières que cela aurait pour elle. M. Richmond lui a indiqué qu'il se pencherait sur sa requête, mais qu'il rencontrerait d'abord les trois plaignantes.

[127]    Ce même jour, vers 10 h 45, M. Richmond et Mme Gaskell ont rencontré Mme Sabir, qui était accompagnée de Mme MacKay. On a remis à Mme Sabir une copie de la note de service (pièce E-2) de M. Hooper ainsi qu'une copie vérifiée de la plainte de harcèlement déposée par Mme Falconer. La question de la séparation des parties a été soulevée et Mme Sabir a indiqué qu'elle trouvait cela inutile. M. Richmond l'a avisée qu'elle serait temporairement réaffectée à l'établissement Mission, le 26 juillet 2004. Il a offert à Mme Sabir la possibilité de commenter sa décision, mais elle a décliné l'offre.

[128]    Le 26 juillet 2004, vers 8 h 45, Mme Gaskell a informé M. Richmond que Mme Johnston et Mme Briar assisteraient à une réunion avec M. Steele, à 10 h, ce jour-là.

[129]    Vers 15 h, M. Richmond a rencontré Mme Briar et M. Fransblow. Peu après, M. Richmond a rencontré Mme Johnston et M. Fransblow. Il a remis aux deux plaignantes la note de service de M. Hooper ainsi qu'une copie de la plainte de harcèlement vérifiée que Mme Falconer avait déposée contre elles. Lorsque la question de la séparation des parties a été soulevée, Mme Briar a indiqué que sa préférence allait à l'établissement de Kent, tandis que Mme  Johnston a opté pour l'établissement Mountain.

[130]    Le 27 juillet 2004, après avoir discuté de la question avec les chefs des services de santé à l'établissement de Kent et à l'établissement Mountain, M. Richmond a informé Mme  Briar qu'elle serait temporairement réaffecté à l'établissement Mountain, et Mme Johnston, qu'elle serait temporairement réaffectée à l'établissement de Kent.

[131]    Dans son témoignage, M. Richmond a indiqué qu'il avait pris la décision de réaffecter temporairement les plaignantes après les avoir rencontrées, le jour de leurs entrevues respectives. Sa décision de permettre à Mme Falconer de demeurer au CRT reposait sur les préoccupations financières de cette dernière, sur le nombre de ses années de service dans cet établissement et sur le groupe de soutien dont elle bénéficiait au CRT.

[132]    M. Richmond a expliqué que sa note de service adressée aux plaignantes pour les aviser de la restriction de leur accès au CRT et à l'établissement du Pacifique était pratique normale dans un cas de séparation des parties à une plainte de harcèlement. Il a mentionné que sa note de service précisait que, si les infirmières avaient besoin d'avoir accès, soit à l'établissement du Pacifique, soit au CRT, l'autorisation pourrait leur en être donnée. Il a indiqué qu'il a annulé cette ordonnance le 21 janvier 2005.

[133]    Dans son témoignage, M. Richmond a indiqué qu'il avait vu un résumé du rapport d'enquête final dans lequel McCaffrey concluait que la plainte de harcèlement de Mme Falconer était sans fondement et vexatoire. Il a déclaré qu'il ignorait si des mesures disciplinaires avaient été prises à l'endroit de Mme Falconer ou si pareilles mesures auraient été prises par le superviseur de cette dernière.

[134]    En contre-interrogatoire, M. Richmond a nié que la réaffectation temporaire des trois plaignantes dans différents établissements était une mutation, comme l'insinuait leur représentant. M. Richmond a déclaré qu'il s'agissait d'une réaffectation temporaire respectant les lignes directrices visant la séparation des parties. La séparation des plaignantes était une option possible. Conformément à leurs conditions d'emploi et du fait qu'elles faisaient partie du groupe régional des unités de services de santé, elles pouvaient être transférées à différents endroits. M. Richmond a fait remarquer que, à trois ou quatre reprises, dans le passé, il avait temporairement réaffecté des membres du personnel dont le nom était mentionné dans des plaintes de harcèlement.  Il a toutefois concédé qu'aucun de ces employés n'était une infirmière.

[135]    M. Richmond a déclaré que, bien qu'il fût au courant des autres questions que les infirmières avaient soulevées (celles du tableau de service et d'avoir deux infirmières en poste sur le quart de soir), le règlement de ces questions relevait du Dr Gordon. M. Richmond a déclaré que sa participation ne se limitait qu'au traitement de la plainte de harcèlement. Il a fait valoir qu'il n'occupait qu'à titre intérimaire les fonctions de directeur exécutif, et que toute question en suspens de longue durée devait être traitée par le Dr Gordon.

[136]    M. Richmond a déclaré n'avoir aucune connaissance de l'absence de Mme Falconer du CRT aux mois d'août, septembre et octobre 2004. Il a mentionné qu'il était responsable de plus de 200 employés et qu'il n'était pas au courant des dates de leurs congés.

[137]    M. Richmond a indiqué que sa décision de réaffecter les plaignantes avait été prise lors de la réunion qu'il avait eue avec elles. Il a fondé sa décision sur leurs entretiens, les intérêts du CRT, les parties concernées et la gravité des questions soulevées par Mme Falconer dans sa plainte. Il a déclaré qu'il avait également tenu compte de l'état émotif dans lequel se trouvait Mme Falconer, du fait que les plaignantes l'évitaient, des préoccupations financières qu'elle avait exprimées, de l'emportement supposé de M. Wickstrom à son endroit et des courriels hostiles qu'elle avait reçus, ce qu'elle a décrit à la fois dans sa plainte verbale et sa plainte écrite. Il a déclaré qu'il avait pris la décision de séparer les parties, même s'il savait que cela pouvait poser des problèmes opérationnels.

[138]    M. Richmond a également déclaré qu'il avait initialement envisagé de séparer les parties quant il avait reçu la plainte écrite de Mme Falconer. Il a également précisé que ni M. Demers ni M. Hooper ne lui avaient jamais conseillé ou ordonné de séparer les parties. Il a pris seul cette décision.

Résumé de l'argumentation

[139]    Les arguments écrits des parties sont reproduits ici en totalité.

[140]    Les arguments écrits des plaignantes se lisent comme suit :

[Traduction]

[...]

1. Dès le début, le problème, ainsi que Mme Briar, Mme Johnston et Mme Sabir le voyaient, avait trait à la sécurité des patients, à la sécurité de l'exercice de leur profession - à l'égard duquel elles sont responsables devant leur organisme de réglementation professionnelle, (maintenant) le College of Registered Nurses of British Columbia - ainsi que leur sécurité à elles, du fait qu'elles travaillaient dans un environnement correctionnel à risque élevé.

2. L'existence de ce problème est clairement ressortie du témoignage des collègues infirmières pendant les audiences relatives à ce cas, de même que, de façon continue, dans la preuve documentaire qui est apparue tout au long de cette période trouble du 24 février (G-11) au 27 août 2004 (G-16). Pendant toute cette période, les infirmières se sont conduites de manière exemplaire, sans jamais perdre de vue la question qui leur importait, mais sans jamais manquer pour autant de traiter leurs adversaires cordialement et avec respect. La permanence de l'approche et de l'argumentation s'observe tout au long des pièces G-1, G-2, G-3, G-5 et G15.

3. La présentation du problème n'est jamais parvenue directement au Service correctionnel. Les infirmières ont décrit un milieu de travail qui n'était pas prêt à discuter des préoccupations qu'elles avaient soulevées, aussi fondamentales que fussent ces préoccupations, mais qui cherchait plutôt à les évacuer. La preuve documentaire abonde d'exemples de cette évacuation, qui a pris d'abord la forme de menaces, puis d'un fait accompli avec des horaires de travail difficiles et peu commodes (G-1, G-5 et G-15).

4. Au mois d'avril, les problèmes ont commencé à empirer et le personnel infirmier du service médical a élu les déléguées syndicales Eva Sabir et Sandra Johnston comme porte-parole, début avril, puis en a avisé le Service correctionnel (G-7, paragr. 50).

5. Ayant toujours été d'avis que le quart de nuit, qui était le quart de travail faisant l'objet du litige, exigeait la présence de deux infirmières, alors que le Service correctionnel avait indiqué qu'une infirmière la nuit était suffisant, les infirmières ont répondu en demandant à ce qu'une autorité compétente examine la situation. C'est là le signe d'un groupe raisonnable d'employés et non d'un groupe résolu à obtenir ce qu'il désire, peu importe quoi.

6 Le problème a continué de s'aggraver et, le 10 mai, le Service correctionnel a imposé un horaire de 7,5 heures par jour, avec un tableau de 7-3, 7-4, aux infirmières du service médical. Peut-être que le Service pensait que les infirmières renonceraient à demander plus d'une infirmière en poste la nuit pour empêcher l'imposition de cet horaire, mais ce n'est là qu'une spéculation de ma part. La réalité, c'est que le plan a été dressé si hâtivement que cela a créé des fossés (G-2, page 6). Il en a résulté une intense activité de dépôt de griefs. Après que près d'une centaine de griefs eurent été présentés, les infirmières, de leur propre initiative, ont imposé un moratoire sur toute autre activité liée aux horaires de travail, et les griefs ont cessé. Il y en avait eu assez.

7. Le 19 mai, les membres du comité régional de consultation syndicale-patronale se sont réunis pour la première fois depuis l'imposition de l'horaire de 7,5 heures. À la réunion (G-2), les infirmières ont de nouveau exprimé leur demande qu'une autorité compétente se penche sur la question d'« une infirmière sur le quart de nuit ». Bien que l'Institut professionnel n'ait pas été informé des décisions prises, les fonctionnaires du Service correctionnel se sont rencontrés le 2 juin, ou vers cette date, et ont décidé d'accéder à la demande (G 22, pp. 210 et 211). Les infirmières sont restées dans le noir là-dessus. À cette réunion, la  Registered Nurses Association of BC (ainsi que s'appelait cette association alors) était vue comme une « autorité compétente » potentielle pour conduire un examen. Au cas où la RNABC refuserait ce mandat, on voyait en Morrie Steele, ancien employé de la RNABC, un candidat de rechange possible. La RNABC a effectivement décliné l'offre et, le 5 juillet, Morrie Steele a entrepris le projet (G-22, pp.  209 et 210) Encore une fois, les infirmières n'ont pas été mises au courant de cela.

8. À la même période, au service médical comme tel, le 21 juin, l'infirmière (et déléguée syndicale) Sue Falconer (qui allait bientôt devenir la « plaignante » - bien que pas au sens de cette procédure - dans le scénario qui allait se dérouler) a proposé un horaire mixte possible avec un quart de nuit de 8 heures et des quarts de jour et de soir de 11,75 heures (G-7, paragr. 53). Le 24 juin, cette suggestion a suscité un courriel de réponse émanant de Pam  Briar, lequel est cité (G-7, paragr. 54).

10. Ce qui s'est produit ensuite sort un peu de l'ordinaire en ce que Sue Falconer a rédigé un brouillon de réponse à Pam Briar et l'a envoyé à Debra Gaskell, chef du service médical, et à Lisa Krenus, chef adjointe, pour obtenir leurs commentaires (G-21, paragr. 57). La chef Gaskell a répondu en donnant des conseils sur la façon d'embellir la réponse (G-21, paragr. 58), et Mme Falconer a adopté les suggestions. Il s'agissait clairement d'encadrement et, comme le message portait sur un litige opposant les déléguées syndicales, représentant le personnel infirmier et ayant été choisies comme porte-parole, et le gestionnaire qui était en charge du service médical, la chef Gaskell était tiraillée. Sa participation à ce qui était clairement une communication adressée aux infirmières était inappropriée et donnait des apparences d'immixtion. La communication a été envoyée à tout le personnel infirmier le 30 juin. Les infirmières qui ont reçu la communication l'identifiaient comme émanant de Mme Falconer, et non de la chef Gaskell (G-2, paragr. 59). Il est dit, dans cette communication, que la RNABC a décliné l'invitation à réaliser une analyse des risques; de plus, la lettre émanant de Mme Falconer/Mme Gaskell identifie l'auteur comme un délégué syndical de l'IPFPC.

11. Ce courriel est parvenu à Eva Sabir, vu qu'elle faisait partie de « tout le personnel infirmier », et elle y a réagi le 2 juillet (comme le décrit la pièce G-6) en expliquant qu'en sa qualité de représentante désignée à la table de négociation elle n'était au courant d'aucune position semblable de la part du sous-commissaire et que, de plus, elle ignorait l'existence d'une telle réponse de la part de la RNABC. Cette communication a été envoyée aux destinataires de la même liste de distribution que celle à qui on avait destiné la communication Falconer/Gaskell. Cette réponse allait prendre de l'importance dans ce qui suivrait.

12. Le 21 juillet, Morrie Steele est arrivé au Centre régional de traitement pour commencer son évaluation. Les membres du personnel n'étaient pas prêts pour lui, et aucune entrevue n'a été réalisée ce jour-là (E-40). L'administratrice régionale des services de santé était préoccupée car, selon elle, M. Steele n'avait qu'un mois pour terminer le projet (E-39)

13. Il était convenu que Morrie Steele reviendrait le lundi 26 juillet et rencontrerait d'abord le personnel infirmier en groupe pour exposer son mandat et la procédure qu'il suivrait; par la suite, son enquête s'est déroulée sans anicroche.

14. Le 13 juillet, Sue Falconer et Debra Gaskell ont communiqué avec Doug Richmond, directeur exécutif par intérim du Centre régional de traitement, et Mme Falconer s'est plainte de harcèlement, alléguant que l'environnement de travail était pollué. Lors de cette réunion, Doug Richmond a envisagé, apparemment pour la première fois, la possibilité de séparer les parties. Il a indiqué à Mme Falconer qu'il voulait une plainte écrite (E-37).

15. Le 21 juillet, Doug Richmond avait reçu la plainte écrite de harcèlement qu'il avait demandée. On avait accordé à Susan Falconer un congé pour rédiger la plainte. Debra Gaskell a informé l'administratrice régionale des soins de santé que la plainte avait été reçue et que Mme Gaskell devait maintenant envisager la séparation des « parties » (E-39). Dans la plainte, Pam Briar (G-20, paragr. 9), Sandra Johnston (G14, paragr. 9) et Eva Sabir sont nommées comme ayant harcelé Mme Falcone en créant un environnement de travail vicié, caractérisé par l'intimidation et l'isolement. La plainte se poursuit avec une deuxième allégation à l'endroit d'Eva Sabir selon laquelle Eva Sabir a envoyé un courriel à ses collègues de travail qui jette le doute sur les actes de Mme Falconer et nuit à sa réputation aux yeux des collègues (G-7, paragr. 9 et 10). Cette lettre était la réponse d'Eva Sabir à la même liste de distribution que celle du courriel de Falconer/Gaskell envoyé le 30 juin.

16. Le 21 juillet, Pauline Guenette, la conseillère régionale en matière de harcèlement, conseillait à Doug Richmond de discuter avec « les parties » de la question de la séparation. (E-44)

17. Le vendredi 23 juillet, Doug Richmond convoquait Eva Sabir à son bureau et l'informait qu'il y avait une allégation de harcèlement à son endroit faite par Sue Falconer et que, le lundi matin suivant, elle devrait se présenter à l'établissement Mission. Le lundi 26 juillet, la même chose s'est produite pour Sandra Johnston et Pam Briar, qui ont été « réaffectées » respectivement à l'établissement de Kent et à l'établissement Mountain (en dépit du fait qu'elles avaient demandé l'affectation de l'autre).

18. Eva Sabir et Sandra Johnston étaient les porte-parole des infirmières sur la question de la dotation du quart de nuit; alors, il ne faut pas beaucoup d'imagination pour se demander pourquoi elles ont été choisies. Pam Briar avait été désignée par Eva Sabir dès le 28 mai, car Eva Sabir devait s'absenter du Centre régional de traitement pour des raisons familiales urgentes. Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour se demander pourquoi elle a été choisie. Du vendredi 23 juillet au lundi 26 juillet, le leadership de la question de la dotation du quart de nuit a été assigné à d'autres établissements. D'autres leaders se sont signalés par la suite, mais ils n'étaient pas encore les champions de la cause.

19. L'autre possibilité est que les trois infirmières se livraient à un comportement de harcèlement et que la mesure prise était appropriée. Compte tenu de la nature des allégations, il faut peut-être un peu plus d'imagination pour se demander pourquoi les trois ont été choisies. Une bonne partie du contenu de la plainte (pièces E-21, E-14 et E-2) porte sur des stylos manquants, par exemple, mais sans qu'aucune personne susceptible de les avoir pris ne soit nommée. On y discute des différentes façons de traiter l'horaire de travail de 7,5 heures ainsi que des désagréments que cela cause, mais rien qu'une personne raisonnable pourrait définir comme du harcèlement, et la plainte n'explique pas pourquoi cela devrait en être.

20. Ce serait absolument être dupe que de croire que le courriel qu'Eva Sabir avait envoyé le 2 juillet (G-6) en réponse à celui de  Falconer/Gaskell ait pu être traité comme une allégation de harcèlement, et cela nous montre peut-être que tout le soin que le Service correctionnel a pris pour créer un prétexte au déplacement des leaders.

21. Le 16 août, neuf des infirmières ont écrit à ce sujet au commissaire du Service correctionnel et ont fait part de leurs préoccupations (G-15). Cette lettre étant demeurée sans réponse, Penny Sharp, qui avait alors offert de devenir déléguée syndicale pour l'Institut, a écrit de nouveau et, entre autres, a indiqué que la plaignante ne se trouvait plus au lieu de travail (sa présence avait été la « raison » pour laquelle on avait transféré les autres ailleurs) et que l'on n'attendait pas son retour dans un avenir prévisible ((G 16, deuxième page, « page 3 »).

22. Seules les trois infirmières ont été envoyées ailleurs. Elles étaient les championnes visibles de la cause. D'autres pourtant avaient été nommées par la plaignante, mais, à cette époque, ces personnes n'étaient pas encore devenues des délégués syndicaux (G-21, paragr. 34)

23. En réalité, la question du harcèlement n'a jamais été un véritable problème. Elle avait pour unique objet de détourner l'attention du vrai problème, celui de la sécurité des patients, de la sécurité de la pratique professionnelle et de la sécurité personnelle, questions qui avaient toujours été en cause. Et le jour même où Sandra  Johnston et Pam Briar étaient exclues du Centre régional de traitement et envoyées en exil, Morrie Steele est arrivé pour commencer son évaluation.

24. À la première insinuation de harcèlement, ce mot est devenu inséparable de l'expression « séparation des parties » et là était le véritable programme. 

25. Il ressort clairement de la preuve du Service correctionnel que l'approche suivie par le Service pour traiter le cas de harcèlement était exempte de tout critère fondé sur la cause probable ou les motifs raisonnables. Il semble plutôt que l'approche suivie par le Service correctionnel ait consisté à se dire « voyons si un enquêteur peut en faire quelque chose » sans procéder à une analyse plus poussée de l'allégation. Le critère juridique de la preuve prima facie utilisé par la Commission canadienne des droits de la personne n'est pas utilisé non plus.

26. Malgré l'absence de détails dans l'allégation à l'endroit des trois infirmières et le rapport qu'il y avait entre le courriel qu'Eva Sabir avait envoyé en réponse à celui de Mme Falconer et Mme Gaskell, le 2 juillet, et la politique en matière de harcèlement du Conseil du Trésor, les plaintes formulées à l'endroit d'Eva Sabir, de Sandra Johnston et de Pam Briar ont fait l'objet d'une enquête. Une médiation avait été offerte et déclinée. Les résultats de l'enquête ont montré non seulement que les plaintes contre les trois infirmières ne tenaient pas, mais aussi qu'elles avaient été faites de mauvaise foi et qu'elles renfermaient des affirmations si fallacieuses qu'elles en étaient vexatoires (G-7, paragr. 184, 185, 186 et 187), (G-14, paragr. 185 et 186) et (G-20, paragr. 195 et 196)

27. À l'issue d'une enquête poussée, menée avec la pleine coopération du Service correctionnel, l'enquêteur a conclu ce qui suit :[traduction]« Il ressort de la preuve qu'il y avait au moins une intention, sinon un projet, de faire retirer les trois intimées du lieu de travail quelques jours avant que les allégations de la plaignante ne soient faites. Bien que l'on ne sache pas exactement dans quelle mesure la plaignante était au courant de cela, à supposer qu'elle le fût, il ressort clairement de la preuve que sa plainte de harcèlement a servi de prétexte au retrait de ces trois personnes du lieu de travail. » (G-14, paragr. 182, G-7, paragr. 183 et G-20, paragr. 192)

28. L'enquêteur a également fait observer ce qui suit :[traduction] « [...] il y avait à la fois une structure et une stratégie émergente de la part du syndicat qui comprenait des délégués syndicaux qui devaient représenter les membres. Il n'y a pas de preuve indiquant que la plaignante ait été, à un moment ou un autre, considérée comme le porte-parole des membres. La plaignante savait que les efforts qu'elle a déployés par la suite au sujet de la question du tableau de service étaient considérés par ses pairs comme une tentative de faciliter l'atteinte des buts de la direction dans l'affaire. Cette perception l'a mise en conflit direct avec la stratégie de son syndicat dans l'affaire ainsi qu'avec chacun de ses pairs qui adhérait à l'approche défendue par le syndicat. (G-20, paragr. 169)

29. Penny Sharp, infirmière au service médical, a décrit une conclusion semblable au commissaire intérimaire, Don Head, dans la lettre qu'elle lui a adressée le 1er septembre (G-16) :

« Nous croyons comprendre que le retrait de nos trois collègues du lieu de travail a été motivé par la volonté de séparer les parties à la suite d'une plainte de harcèlement. La personne que j'ai vu écrire la plainte ne se trouve plus au lieu de travail et son retour dans le tableau de service n'est pas prévu dans un avenir prévisible. Pourquoi alors ne pas nous rendre le personnel dont nous avons désespérément besoin? Nous croyons que la raison pour laquelle elles ont été retirées, en premier lieu, était de les punir publiquement et de remettre le reste du personnel sur le droit chemin [...] La direction aurait dit que, avec le retrait des déléguées syndicales, le personnel opérationnel capitulerait et acquiescerait à un roulement par quart de 12 heures avec une infirmière en poste la nuit. Je crois que cela dénote une absence marquée de compréhension des problèmes [...]

30. Pendant ce temps,Morrie Steele a mené son projet à terme. Le 20 août, il a présenté un rapport contenant sept recommandations (G-8).La dernière recommandation est la plus éloquente. Elle dit que deux infirmières devraient être affectées au quart de nuit jusqu'à ce que les six premières recommandations aient été mises en ouvre.

Il a fourni la justification suivante :

Les infirmières autorisées doivent répondre aux normes de la RNABC en matière d'exercice de la profession infirmière en Colombie-Britannique (version 2003 des Standards for Registered Nursing Practice in British Columbia). Si les six premières recommandations sont suivies, alors on peut raisonnablement penser que les infirmières disposeront des soutiens et des structures nécessaires leur permettant de dispenser des soins sécuritaires et compétents en travaillant seules sur le quart de nuit.

31. À présent, les trois déléguées syndicales exilées sont de retour au Centre régional de traitement. Deux infirmières sont postées au quart de nuit. Sue Falconer, qui s'était plainte de harcèlement, est en poste à l'établissement de la Vallée du Fraser qui, avec le CRT, fait partie du complexe Matsqui. Debra Gaskell a quitté le CRT et est maintenant la coordonnatrice nationale du programme de traitement des maladies infectieuses du Service correctionnel. Doug Richmond est à la retraite. Il y a encore des problèmes au service médical du CRT et ailleurs. Les problèmes sont les mêmes dans une large mesure. Pas assez de personnes pour accomplir ce qui doit l'être.

32. Hormis Doug Richmond, qui a pris la décision d'envoyer ailleurs les trois infirmières, les deux autres défendeurs nommés ne le sont que parce qu'ils étaient tous deux des chefs hiérarchiques supérieurs, de sorte qu'ils occupaient les fonctions du poste jusqu'où est remontée la responsabilité à des moments critiques. Si chacun d'eux avait pris des décisions différentes aux moments cruciaux, les événements relatés dans les pages qui précèdent ne se seraient pas produits et nous serions parvenus au même résultat de façon beaucoup moins pénible. Nous y sommes parvenus de toute façon.

[Sic pour l'ensemble de la citation]

[141]    Les défendeurs ont répliqué comme suit :

[Traduction]

[...]

Argumentation

143.
  L'article 23, conjugué aux articles 8 et 9 de l'ancienne LRTFP sont ou ont été rédigés pour assurer la protection de l'agent négociateur. Cette notion a été confirmée par la présente Commission et par la Cour fédérale. Les cas qui corroborent cette position sont énoncés ci-après, mais le plus récent est la décision rendue par le commissaire Guindon, en 2004, dans Cloutier c. Leclair. Le fait que les infirmières Sabir, Johnston et Briar étaient des déléguées syndicales de l'IPFPC ne suffit pas à surmonter l'obstacle que ces articles protègent l'agent négociateur. Rien n'indique, dans la preuve, que ces plaignantes étaient dûment habilitées à déposer une plainte alléguant une violation des droits des agents négociateurs, ou qu'elles agissaient au nom de l'agent négociateur.
  Cloutier c. Leclair, aux paragraphes 145 à 150.
144.
De plus, pour que ces plaintes aboutissent, aux termes de l'article 23 de l'ancienne LRTFP, le syndicat doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l'un des défendeurs, en l'occurrence Messieurs Richmond, Demers et Hooper, n'a pas respecté une interdiction énoncée à l'article 8 ou 9.
145.
Le geste qui semble avoir donné lieu à la plainteest le transfert des trois plaignantes, Mesdames Sabir, Johnston et Briar, du service médical du CRT aux établissements Mission, Mountain et de Kent, par D. Richmond, fin juillet 2004, dans le cadre d'une enquête sur un cas de harcèlement.
146.
La preuve indique que le défendeur Demers était en vacances au moment du dépôt de la plainte de harcèlement et de la séparation des parties. Il n'y a absolument aucune preuve que le défendeur Demers ait participé au processus décisionnel ou ait pris une mesure pouvant être visée par les interdictions énoncées aux articles 8 et 9 de l'ancienne LRTFP.
147.
Les trois plaignantes, Mesdames Sabir, Johnston et Briar, occupaient des postes de NU-03. Leur lieu de travail est le groupe régional des unités de services de santé. Les offres d'emploi de ces trois infirmières indiquaient clairement et sans équivoque que, en acceptant l'offre, il est entendu que, dans le cadre des responsabilités assumées, le titulaire peut être tenu de travailler à différents endroits de la région du Pacifique.
148.
Les trois plaignantes ont compris cela. Alors que dans d'autres situations, avec d'autres employés, le déplacement d'une personne d'un lieu de travail à un autre peut être perçu comme un non-respect des conditions d'emploi ou une violation de la convention collective, voire une mutation, dans la présente situation, le lieu de travail des trois infirmières était le « groupe régional des unités de services de santé », qui exige d'elles qu'elles puissent être postées à tout établissement de la région.
149.
La plainte comme telle ne porte pas seulement sur le déplacement des trois plaignantes, Mesdames Sabir, Johnston et Briar, du service médical du CRT aux établissements Mission, Mountain et de Kent, mais aussi, et plus particulièrement, sur le fait que cela leur a fait manquer une réunion importante, le 26 juillet 2004, au cours de laquelle elles devaient jouer un rôle déterminant. Cependant, la preuve fournie indique clairement que les infirmières Briar et Johnston étaient au courant de la réunion du 26 juillet et ont pris part à cette réunion. De fait, l'infirmière Briar a indiqué qu'elle avait une autre rencontre de prévue avec Morrie Steele, après le 26 juillet 2004.
  Plainte de Mme Sabir, annexe A
  Plainte de MmeJohnston, annexe B
  Plainte de Mme Briar, annexe C
150.
Dans son témoignage, l'infirmière Sabir a déclaré qu'elle n'était pas « au courant » d'une rencontre avec Morrie Steele, le 26 juillet. Cependant, selon le propre témoignage de l'infirmière Sabir, Mesdames  Gaskell et Krenus avaient pris des dispositions pour prévoir une rencontre avec M. Steele.
151.
Enfin, Doug Richmond a clairement déclaré, dans son témoignage, que ses rencontres avec les infirmières Johnston et Briar, le 26 juillet  2004, avaient été programmées de manière à permettre à ces dernières de participer à la rencontre avec Morrie Steele.
152.
La preuve indique que le défendeur Hooper était le sous-commissaire par intérim au moment du dépôt de la plainte de harcèlement et de la séparation des parties. La participation de M. Hooper était minime. La preuve de sa participation a consisté en ce qui suit :
1.
avec les lettres d'envoi, datées du 21 juillet 2004, qui ont été adressées à chacune des plaignantes, Mesdames Sabir, Johnston et Briar, il les a informées de la plainte de harcèlement qui était déposée contre elles; il les a informées de la procédure et du protocole à suivre et a joint une copie de la plainte vérifiée;
2.
il a reçu, assez tôt, les 21 et 22 juillet 2004, un compte rendu oral et par écrit;
3.
il a brièvement rencontré les représentants du syndicat après le retrait temporaire des plaignantes, Mesdames Sabir, Johnston et Briar, du service médical du CRT.
153.
Dans leur témoignage, les trois plaignantes ont dit n'avoir jamais rencontré le défendeur Hooper. Ce dernier n'a jamais donné de directive ou d'instruction au défendeur Richmond au sujet des mesures qu'il pourrait prendre eu égard à la séparation des parties.
154.
Il n'y a absolument rien dans la preuve qui indique que le défendeur Hooper aurait posé un geste qui pourrait être interprété comme une violation des interdictions prévues aux articles 8 et 9 de l'ancienne LRTFP.
155.
Par conséquent, la plainte particulière selon laquelle les décisions que ces défendeurs ont prises constituent une violation de l'article 23, du fait qu'elles ont empêché les infirmières d'assister à cette réunion importante, n'est pas prouvée. En fait, deux des trois infirmières ont bel et bien pris part à la réunion, tandis que la dernière n'était pas au courant de ce qui se passait. Néanmoins, elle a bel et bien participé à une rencontre qui avait été arrangée par des représentants de la direction.
Réponse aux arguments du syndicat reçus le 6 mars 2006.
156.
En ce qui concerne les paragraphes 1 et 2 des arguments du syndicat, et nonobstant les observations présentées par l'employeur à l'effet que l'on s'occupait effectivement de traiter la question de la « sécurité » telle que caractérisée par le syndicat, en nommant un « consultant indépendant » (Morrie Steele), la bonne procédure à suivre ne réside pas dans une plainte fondée sur l'article 23. Il y a d'autres mécanismes plus appropriés qui permettent de régler les questions de sécurité en milieu de travail qui auraient été et auraient pu être invoqués, en l'occurrence la partie II du Code canadien du Travail (« le CCC »).
Code canadien du travail (L.R.C., 1985, ch. L-2), art. 128.
157.
L'article 128 du Code canadien du travail prévoit le refus de travailler en cas de danger. Il se lit comme suit :

128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche, s'il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l'utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

c) l'accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

Code canadien du travail (L.R.C., 1985, ch.  L-2)
158.
En ce qui a trait au paragraphe 3 des arguments du syndicat, là encore, l'employeur a répondu à cette préoccupation en nommant, à la demande du syndicat, un expert-conseil indépendant (Morrie Steele) et en décidant de n'apporter aucun changement au tableau de service tant que l'examen ne serait pas terminé et le rapport, déposé. Le sous-commissaire adjoint par intérim, M. Urmson, a fait part de cette décision au représentant syndical, Norm Wickstrom, dans une correspondance datée du 7 juillet  2004 (pièce E-3).
Pièce E-3, lettre de M. Urmson adressée à M. Wickstrom datée du 7 juillet 2004.
159.
En outre, au chapitre des menaces alléguées, il n'y a absolument rien dans la preuve qui indique que l'un des trois défendeurs, Messieurs Richmond, Hooper ou Demers, était mêlé à l'une ou l'autre de ces activités alléguées de « menace ».
160.
Au chapitre des paragraphes 4 à 10 des arguments du syndicat, ce qui est clairement indiqué là est qu'il y a désaccord sur les horaires de travail. C'est là une question qui est clairement régie par les articles 7 et 11 de la Loi sur la gestion des finances publiques, qui prévoient que, en tant qu'employeur, le Conseil du  Trésor agisse au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l'égard des questions suivantes :
1.
les grandes orientations applicables à l'administration publique fédérale;
2.
l'organisation de l'administration publique fédérale ou de telle de ces secteurs ainsi que la détermination et le contrôle des établissements qui en font partie;
3.
la gestion des ressources humaines de l'administration publique fédérale, notamment la détermination d'emploi;
4.
déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique et assurer leur répartition et leur bonne utilisation;
5.
déterminer et réglementer les traitements auxquels ont droit les personnes employées dans la fonction publique, leurs horaires et leurs congés, ainsi que les questions connexes.
Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. 1985, ch. F-11), articles 7 et 11.
161.
En ce qui concerne les paragraphes 14 et 15 des arguments du syndicat, il s'agit manifestement d'une présentation erronée des éléments de preuve. La seule preuve fournie en cette matière était le témoignage de Doug Richmond. L'argument du syndicat insinue qu'il y avait quelque chose de répréhensible dans la demande que M. Richmond a faite d'obtenir la plainte par écrit et qu'il y avait une sorte de programme sous-jacent dissimulé, alors que, clairement, son témoignage indique qu'il faisait fasse à une plainte et qu'il devait suivre les procédures prévues. Il faut garder à l'esprit que M. Richmond ne faisait qu'occuper par intérim les fonctions de directeur exécutif, pendant le congé annuel du Dr Gordon. Lorsqu'il n'assume pas ses fonctions, son poste d'attache est celui de sous-directeur de l'établissement du Pacifique. Il n'avait pas d'autorité hiérarchique pour cet établissement. Tout problème de dotation de longue durée ne le concernait pas.
162.
En ce qui concerne les paragraphes 18 et 19 des arguments du syndicat, il ne s'agit rien d'autre que d'une spéculation. De fait, dans son argumentation, le syndicat emploie les termes spéculation et imagination. Le syndicat veut que la Commission s'imagine qu'il y avait une sorte de complot d'ourdi pour provoquer le retrait des infirmières Briar, Sabir et Johnson. La spéculation et l'imagination ne sauraient remplacer l'exigence d'une preuve. La Cour fédérale et la présente Commission ont, à plusieurs reprises, parfaitement clarifié qu'il existait un fardeau dans ces types de cas et que ce fardeau incombe au plaignant, en ce qu'il doit produire la preuve que tel est le cas.
AESS c. Canada [2004] A.C.F. no 741 (CAF) aux paragraphes 51 à 54.
163.
Pour ce qui est du paragraphe 19 des arguments du syndicat, il n'y a aucune preuve qu'une « personne raisonnable » pourrait considérer cela comme du harcèlement. La seule preuve donnée au sujet de l'interprétation de la politique sur le harcèlement a été celle de Mme Guenette, chef régionale et coordonnatrice de la médiation et de la lutte contre le harcèlement. Ainsi que Mme Guenette l'a dit dans son témoignage, et comme le stipule clairement la politique sur le harcèlement, on définit le harcèlement comme un comportement inopportun et injurieux d'une personne envers une autre. Bien que, à l'issue de l'enquête, il ait été déterminé qu'il n'y avait pas eu harcèlement, le comportement en tant que tel, si l'on juge qu'il s'est produit, pourrait avoir procédé du harcèlement
164.
En ce qui concerne le paragraphe 20 des arguments du syndicat, le syndicat laisse entendre que le Service correctionnel irait jusqu'à un certain point pour créer un prétexte au retrait des leaders syndicaux. Là encore, même si c'est la thèse du syndicat en l'espèce, il n'y a absolument aucune preuve à cet égard. Ainsi, alors que les témoins appelés au nom des plaignantes ont laissé entendre, allégué et insinué qu'il y avait une certaine forme de projet pour déplacer ces trois personnes,
1.il n'y a aucune preuve de cela;
2.
il n'y a aucune preuve que les défendeurs à cette plainte, soit Messieurs Richmond, Demers et Hooper, aient été mêlés d'aucune façon à la question du quart de travail de nuit;
3.
l'employeur, conformément aux conditions auxquelles il a embauché les trois infirmières, pouvait les transférer à n'importe quel établissement de la région, ce qui comprenait les établissements auxquels elles ont été transférées.
163.
En ce qui concerne le paragraphe 25 des arguments du syndicat, le syndicat ne tient pas compte du fait que Mme Falconer :
1.
était une infirmière et une collègue de travail de Mesdames Sabir, Johnson et Briar;
2.
n'occupait pas un poste de direction ou de confiance, ou un poste exclu;
3.
était une déléguée syndicale élue de l'IPFPC;
4.
s'était plainte à l'IPFPC au sujet de cette question, plus particulièrement auprès de M. Wickstrom, avant de déposer sa plainte.
 
Pièce G-7, Rapport final sur le harcèlement (Sabir), aux paragraphes 64 et 65.
 
Pièce G-14, Rapport final sur le harcèlement (Johnston), aux paragraphes 97 et 98.
 
Pièce G-20, Rapport final sur le harcèlement (Briar), aux paragraphes 67-68.
 
Témoignage de D. Richmond, les 11 et 12 janvier 2006.
164.
En ce qui a trait au paragraphe 27 des arguments du syndicat, bien que cet énoncé se trouvait dans les rapports finals sur le harcèlement, la seule preuve au sujet de ce que cela signifie a été examinée en détail avec M. McCaffrey, lors de son contre-interrogatoire. Le seul souvenir et la preuve qu'il en avait étaient des déclarations faites par S. Nolan et P. Lentinu, qui étaient des ouï-dire. M. McCaffrey n'a pas fait davantage enquête sur leurs déclarations en questionnant D. Richmond, P. Lentinu, P. Guenette, le sous-commissaire adjoint par intérim ou le sous-commissaire par intérim qui étaient présents à ces réunions. M. McCaffrey n'a pas davantage pris connaissance des notes de M. Richmond ou de Mme Guenette, qui attestent que plusieurs rencontres et discussions, auxquelles ont pris part les parties en cause, ont eu lieu les 21 et 24 juillet 2004. De fait, entre le 21 et le 24 juillet 2004, il s'est produit ce qui suit :
1.
Le 21 juillet 2004, Pauline Guenette :
a.
a eu deux entretiens téléphoniques avec P. Lentinu;
b.
a eu deux entretiens téléphoniques avec N. Wickstrom;
c.
a eu une conversation téléphonique avec Maureen Hines, agente principale des relations de travail;
d.
a eu une conversation téléphonique avec D. Richmond;
e.
a rédigé une note d'information à l'attention du sous-commissaire par intérim.
2.
Le 22 juillet 2004, il y a eu :
a.
une réunion à laquelle ont pris part D. Richmond, P. Guenette, P. Lentinu et le sous-commissaire adjoint par intérim;
b.
une réunion à laquelle ont participé D. Richmond, P. Guenette, P. Lentinu, le sous-commissaire adjoint par intérim et le sous-commissaire par intérim;
c.
un courriel de Mme Guenette à M. Richmond le renseignant sur la séparation des parties.
3.
Le 24 juillet 2004 :
a.
P. Guenette a eu une réunion avec P. Lentinu et D. Gaskell.
 
Il est tout à fait possible que Mesdames Lentinu et Nolan se soient trompées dans le souvenir des événements qu'elles relatent, puisque :
1.
ni l'une ni l'autre n'avaient pris de notes de l'événement;
2.
elles se sont entretenues avec M. McCaffrey quelque cinq à six mois après les événements;
3.
elles n'étaient pas directement mêlées aux affaires;
4.
il existait des documents contradictoires qu'on aurait pu utiliser pour rafraîchir leur mémoire, mais on ne l'a pas fait.
165.
Toujours au chapitre du paragraphe 27, cette déclaration a été portée à son attention en contre-interrogatoire et on lui a directement demandé s'il insinuait que Messieurs Richmond, Demers et Hooper étaient visés par cette déclaration. Il a répondu que, à sa connaissance, il n'y avait pas de preuve à cet égard. Le seul témoignage était la déclaration de Mme Lentinu et le courriel émanant de Mme Nolan. Au mieux, ce que nous pouvons déduire de cela, c'est que, s'il y avait un plan ou un projet, ce projet n'impliquait d'aucune façon l'un ou l'autre des trois défendeurs.
Contre-interrogatoire de M. McCaffrey, le 10 janvier 2006.
166.
Le Service correctionnel n'est pas mis en cause dans cette plainte. Il serait donc inapproprié de nommer le SCC comme un défendeur ou un intimé, et la présente Commission (ou celle qu'il l'a précédée) a toujours statué que, dans le cas d'une plainte fondée sur l'application de l'article 23, la mesure où l'activité à l'égard de laquelle la plainte est faite devait émaner d'une personne occupant un poste « de direction » ou « de confiance ». Ce qu'il faut prouver en l'espèce est que les défendeurs « nommés » étaient impliqués dans ce « projet ». Or, il n'y a pas eu de preuve à cet égard.
167.
Finalement, si les trois plaintes nomment spécifiquement Messieurs Richmond, Hooper et Demers, elles ne nomment pas le Service correctionnel du Canada. Cependant, le redressement demandé ne l'est pas à l'endroit de ces personnes, mais spécifiquement à l'endroit du Service correctionnel du Canada. Manifestement, il s'agit là d'un défaut dans les plaintes et la thèse. Si l'on concluait que les défendeurs avaient posé certains gestes jugés inappropriés, le redressement aurait dû être demandé à l'endroit de ces défendeurs et non du SCC.
PARTIE V - ORDONNANCE DEMANDÉE
168.
Les défendeurs demandent respectueusement le rejet des plaintes.
[Sic pour l'ensemble de la citation]

[142]    L'avocat des défendeurs a présenté la jurisprudence suivante : Association des employé(e)s en sciences sociales c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 165; Cloutier c. Leclair, 2006 CRTFP 5; Liberty c. Potts, dossier de la CRTFP 161-2-801 (1997) (QL); Rainville c. Dingwall, dossier de la CRTFP 161-2-789 (1996) (QL); Day c. Blattmann, dossiers de la CRTFP 161-2-809 et 810 (1999) (QL); Jackson c. Séguin, dossier de la CRTFP 161-2-399 (1987) (QL); Chopra c. Canada (Santé Canada), dossiers de la CRTFP 161-2-858 et 860 (1998) (QL); et Alliance de la Fonction publique du Canada c. Little, dossier de la CRTFP 161-18-803 (1996) (QL).

[143]    Les arguments que les plaignantes ont présentés en réplique se lisent comme suit :

[Traduction]

[...]

1. Ce cas est un cas simple. Les plaignantes, qui ont bénéficié en tout temps du soutien de l'agent négociateur, ont présenté leurs plaintes sur les formulaires prescrits par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, selon la méthode qu'elles comprenaient comme étant la méthode prescrite.

2. Elles ont nommé le défendeur Hooper parce qu'il agissait comme chef hiérarchique principal dans la région au moment où la direction a pris en main le litige; par conséquent, il était responsable. Le défendeur Demers a été nommé parce qu'il était (et est) le sous-commissaire attitré et qu'il avait le pouvoir de défaire ce qui avait été fait, et il ne l'a pas fait. Il occupait le poste principal de responsabilité dans la région et est donc responsable. Doug Richmond a été nommé alors qu'il assumait par intérim les fonctions de directeur exécutif du Centre régional de traitement. Il s'est occupé du litige; par conséquent, il est responsable.

3. La preuve indiquait clairement l'existence d'un litige entre les infirmières autorisées du service médical du Centre régional de traitement, au sujet de la dotation du quart de nuit au service médical. Les infirmières autorisées craignaient que la dotation ne soit pas sécuritaire pour leurs patients, pour l'exercice de leur profession et pour elles-mêmes.

4. Des éléments de preuve ont été produits montrant que les infirmières avaient fait part de leurs préoccupations à la direction, sans résultat. Il vaut de rappeler que les infirmières autorisées se sont comportées de manière tout à fait convenable tout au long de ce litige. Elles ont toujours réagi avec civilité lorsqu'elles ont refusé de se prononcer sur le choix entre deux options que leur présentait la direction (les deux options ne prévoyaient qu'une infirmière en poste la nuit, ce qui était justement le noud du problème). Elles n'ont déposé de griefs que lorsque la direction a réduit leurs quarts de travail pour les faire passer à sept heures et demie par jour, alors qu'elles avaient travaillé préalablement sur un beaucoup plus apprécié d'onze heures et demie par jour.

5. Les infirmières ont pris la décision de ne pas s'engager dans un débat d'« une contre deux » quant à ce qui constituait une dotation appropriée du quart de nuit; elles ont plutôt simplement demandé à ce qu'une « autorité compétente » effectue une évaluation raisonnable de la situation. Cela a abouti aux rapports de Morrie Steele, dont les titres de compétence et les références professionnelles sont établis ailleurs dans ce dossier et ne sont pas contestés. Les rapports de Morrie Steele n'ont pas corroboré la position de l'employeur, et cette position a ultérieurement été modifiée afin d'inclure deux infirmières sur le quart de nuit.

6. La majeure partie de cette plainte porte sur la mesure prise par la direction, traitant ostensiblement d'une plainte de harcèlement aux termes de la politique du Conseil du Trésor sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail. La preuve présentée à l'audience a montré que la question de la « séparation des parties » s'est posée très tôt dans le déroulement de la situation. Le message qui est transmis est que la « séparation des parties » a préoccupé l'employeur au premier chef. La preuve a également révélé une différence marquée dans la façon dont les parties, la plaignante et les défendeurs allégués, ont été traitées par Doug Richmond, le directeur exécutif par intérim.  

7. Le fait est qu'il n'y a pas eu de harcèlement. La plainte était non fondée. Plus que ça, la plainte a été jugée vexatoire.

8. Cela va même plus loin, l'une des allégations (il y en avait deux) faites à l'endroit d'Eva Sabir portait sur un courriel qu'elle avait envoyé aux infirmières, dont elle-même, qui avaient reçu un courriel envoyé par la plaignante dans la plainte de harcèlement, Susan Falconer. (G-7, paragraphe 57) Ce courriel identifiait Susan Falconer dans le rôle d'une représentante de l'IPFPC (alors que les infirmières avaient clairement indiqué que leurs porte-parole étaient Eva Sabir, Sandra Johnston et Pamela Briar). La réponse d'Eva Sabir (G7, paragr. 58) parle d'elle-même, et, à mon sens, n'a pas besoin d'interprétation.

9. Il ressort de la preuve que le courriel original émanant de la plaignante dans la plainte de harcèlement a été « coécrit » par la chef des soins de santé au CRT.(G-7, paragr. 56). La chef des soins de santé et la plaignante défendaient manifestement des intérêts différents dans l'affaire des niveaux de dotation, c'est-à-dire de savoir s'il faudrait avoir une ou plusieurs infirmières en poste sur le quart de nuit. En fait, les plaignantes avaient spécifiquement été désignées porte-parole pour la question. La direction a joué un rôle dans la rédaction d'une note au personnel, manifestement de la part d'une collègue, et, comme l'avocat de l'employeur l'a fait observer, une déléguée syndicale dont les fonctions étaient de défendre les intérêts des infirmières. Les infirmières n'avaient aucune connaissance de la véritable origine du courriel. Le courriel contenait des renseignements qu'ignoraient les défenderesses (qui avaient été choisies par leurs pairs comme porte-parole pour la question).

10. La réponse obtenue d'Eva Sabir, par le courriel « coécrit », d'autant plus qu'elle contenait de l'information (voire, plus précisément, de la désinformation), est devenue une allégation dans la plainte qui a été si rapidement acceptée par la direction qu'on l'a jugée suffisamment grave pour justifier une expulsion immédiate du Centre régional de traitement. Or, l'examen de la réponse comme telle ne révèle rien de cette nature.

11. La plaine de harcèlement a eu pour effet immédiat de retirer aux infirmières autorisées le leadership de défense de la cause, si importante pour elles, d'«une infirmière au quart de nuit ». Cela s'est produit la veille de la rencontre des infirmières avec Morrie Steele. L'avocat de l'employeur affirme que les plaignantes Pamela Briar et Sandra Johnston ont rencontré Morrie Steele, et donc n'ont pas été dissuadées de prendre part à la réunion ce jour-là.

12. Cela ne rend pas justice à la question. Le 23 juillet, Eva Sabir, soudainement et sans préavis, a été sommée de se présenter au bureau de Doug Richmond, puis bannie du Centre régional de traitement (CRT). C'était la première fois qu'elle entendait parler de la plainte et des allégations. Dans son esprit, elle n'avait rien fait qui puisse justifier de telles allégations, qui, au grand jour, se sont avérées être sans valeur, du fait qu'elles étaient en fait sans fondement, mais aussi vexatoires.

13. On a également tenté de joindre Sandra Johnston et Pamela Briar, et on leur a laissé des messages. Lorsqu'elles ont rencontré Morrie Steele, elles étaient au courant du fait qu'Eva Sabir ne travaillait plus au CRT. Sandra Johnston et Pamela Briar éprouvaient, et c'est le moins qu'on puisse dire, de l'appréhension. La réunion avec Morrie Steele et la question d'« une infirmière au quart de nuit » avaient alors pris une toute autre dimension. La situation n'était plus du tout celle qu'elle était le matin du 23 juillet.

14. Si le plan de la direction s'était déroulé comme prévu, Sandra Johnston et Pam Briar auraient été bannies du CRT le même jour qu'Eva Sabir. La preuve montre que les trois infirmières ont reçu une lettre leur interdisant l'accès à l'enceinte de l'établissement. Il se trouve qu'elles ont finalement été bannies du CRT dès que cela a été possible, soit le 26 juillet.

15 Comme dans le cas d'Eva Sabir, ni Sandra Johnston ni Pamela Briar n'avaient vu cela venir jusqu'à ce que cela arrive à Eva Sabir. Ni l'une ni l'autre n'avaient fait quoi que ce soit qu'elles puissent considérer comme du harcèlement à l'endroit de la plaignante dans la plainte de harcèlement, si bien qu'elles n'avaient aucune raison de se douter que la direction prendrait des mesures contre elles. En fait, le rapport d'enquête sur le harcèlement (préparé par un enquêteur sélectionné par la direction) les a exonérées, comme il l'avait fait pour Eva Sabir, et, comme dans le cas d'Eva Sabir, a conclu que la plainte faite à leur endroit était non seulement sans fondement mais vexatoire.

16 En contre-interrogatoire, j'ai demandé à Pauline Guenette, la coordonnatrice régionale de la médiation et de la lutte contre le harcèlement, ce que Pamela Briar aurait prétendument fait. Je n'ai pas obtenu de réponse, ce qui n'est pas étonnant. À l'examen de la plainte de harcèlement, on s'aperçoit que rien ne lui est reproché. Pourquoi alors avoir banni Pamela Briar du CRT quand aucune allégation précise ne la visait? Le bannissement n'a de sens que si le véritable motif était de bannir les infirmières qui étaient au premier rang des défendeurs de la cause dans la « question d'une infirmière sur le quart de nuit », car, très clairement, Pamela Briar était une championne de cette cause.

17 De la même façon, l'avocat de l'employeur met l'accent sur le « groupe régional » et affirme qu'une nomination au « groupe régional » signifie que le personnel peut être affecté n'importe où, sur le territoire de ce « groupe régional », selon le bon vouloir de la direction. C'est trop simplifier la situation. On ne laisse pas entendre, par exemple, qu'il y a un système de « répartition ». L'infirmière autorisée ne se présente pas à un « bureau central » à partir duquel elle est affectée à tel ou tel endroit. Chaque établissement est un endroit où les employés travaillent régulièrement. Les directives et politiques de la fonction publique, comme la Directive sur les voyages ou la Directive sur la réinstallation, sont appliquées. À l'audience, plusieurs infirmières ont témoigné qu'elles n'avaient pas connaissance d'un cas d'infirmière affectée à un établissement contre son gré. Le CRT était l'endroit où elles travaillaient.

18. De fait, Doug Richmond a livré un témoignage sur les efforts qu'il a déployés pour placer les trois infirmières, et on fait fréquemment allusion à ses efforts (et à leurs conséquences) dans la pièce G7. Ce n'était pas une situation courante. Aucune preuve n'a été présentée qui montrait que la séparation était particulièrement nécessaire.

19. Il ressort clairement de la preuve que le motif (du moins « en surface ») de l'exil des trois infirmières du CRT était de séparer les « parties » à la plainte de harcèlement. Cela pourrait tenir s'il y avait eu quelque chose dans la plainte de harcèlement, mais il n'y avait rien. En réalité, la décision de « séparer les parties » a eu pour effet de retirer aux infirmières leur leadership à un moment crucial. Les infirmières n'avaient rien fait d'autre que de demander l'avis d'une « autorité compétente » sur la dotation du quart de nuit, mais, du jour au lendemain, elles voyaient leur leadership leur échapper. Ultérieurement, le rapport d'enquête a établi qu'on les avait évincées sans bonne raison.

20. Que les trois infirmières, dont « il se trouve » qu'elles étaient les championnes de la cause de la dotation du quart de nuit, étaient les personnes exilées (bien que personne ne puisse faire valoir quelque chose que Pam Briar aurait prétendument fait). Contrairement à Eva Sabir, qui avait répondu au courriel « coécrit », en envoyant des copies à chaque personne qui se trouvait sur la liste de distribution originale du « courriel coécrit », Pam Briar n'avait même pas cela à se faire imputer. Si les trois infirmières n'avaient pas été des déléguées syndicales et qu'elles n'avaient pas soulevé, au nom de leurs collègues, des préoccupations en matière de dotation, auraient-elles été accusées et bannies. Je ne le pense pas.

21. L'avocat de l'employeur fait valoir que les infirmières avaient d'autres options. Par exemple, il affirme que les infirmières pouvaient invoquer l'article 128 du Code canadien du travail pour déposer une plainte relative à une dotation non sécuritaire. L'avocat de l'employeur est-il sérieux en disant cela? Les faits du cas montrent que les infirmières réalisaient des progrès. La direction avait accepté de mettre le dossier dans les mains d'une « autorité compétente », ainsi que les infirmières le désiraient. En quoi une plainte fondée sur l'article 128 aurait-elle été appropriée?

22. La plainte fondée sur l'article 23 dont la Commission est saisie n'est pas une solution de rechange à une plainte fondée sur l'article 128 du Code canadien du travail. La preuve montre, en fait, ce que faisaient les infirmières. Peut-être que cela marchait trop bien. La plainte de harcèlement n'a pas résisté à l'examen, mais elle a eu pour effet de procurer à la direction un prétexte pour déplacer les trois infirmières à un moment critique; et c'est justement ce dont il est question dans l'article 23. La plainte fondée sur l'article 23 n'est pas une plainte relative à la dotation. Elle porte sur la tentative de la direction, sur une question dénuée de fondement, d'utiliser cette question sans fondement comme prétexte pour accomplir un autre but.

23 Il n'est pas possible d'entrer dans la tête des gens et d'examiner leurs motifs. En l'espèce, lorsque le dossier d'« une infirmière la nuit » est suivi du « courriel coécrit » et de sa réponse, de l'allégation de harcèlement, de la hâte à séparer les parties, de la séparation des parties et de la conclusion que les plaintes étaient sans fondement et, de fait, vexatoires, on ne se trouve pas devant un tableau reluisant. On ne peut jamais savoir ce qui se passe dans la tête des gens, mais le schéma est clair.

24. Il n'y avait aucune obligation de déplacer les plaignantes. Le fait que la direction l'ait fait d'une manière si publique a donné une apparence de « culpabilité » (même si les infirmières ne l'étaient pas » et les plaignantes ont été empêchées de contester cela d'aucune façon car la direction les a muselées au nom de la « confidentialité ».

25. Les plaignantes soutiennent que la décision de les bannir du CRT n'était pas liée au harcèlement parce qu'il n'y a pas eu de harcèlement. La décision de les bannir a reposé uniquement sur l'exercice de leurs fonctions légitimes de déléguées syndicales de leur syndicat. Seules les déléguées actives ont été bannies. Le fait que le véritable problème qui préoccupait les infirmières soit demeuré un problème est dû au fait que les autres infirmières ont repris la cause et ont poursuivi sa défense (G-15 et G-16).

Les plaignantes sollicitent une ordonnance de la Commission déclarant que le Service correctionnel a contrevenu aux dispositions 8 (1), 8 (c) (ii) et 9 (I) de l'ancienne Loi.

Et

Que le Service correctionnel cesse de contrevenir à ces dispositions.

Et

Que l'on empêche le Service correctionnel d'agir de la sorte à l'avenir.

[Sic pour l'ensemble de la citation]

Motifs

[144]    Ces plaintes ont été déposées en vertu de l'alinéa 23(1)a) de l'ancienne Loi, qui stipule ce qui suit : « La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l'employeur [...] ou une personne agissant pour le compte de celui-ci [...] n'a pas [...] observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10 ».

[145]    Dans leurs plaintes, les plaignantes ont nommé Messieurs Richmond, Hooper et Demers comme défendeurs. Toutefois, elles allèguent que le SCC a enfreint le paragraphe 8(1), le sous-alinéa 8(2)c)(ii) et le paragraphe 9(1) de l'ancienne Loi, et ont demandé le redressement suivant :

[Traduction]

5.(i)   Une déclaration indiquant qu'il y a eu contravention aux dispositions 8 (1), 8 (c) (ii) et 9 (i) de la Loi.
(ii)  Que le Service correctionnel cesse de contrevenir à ces dispositions.
(iii)  Que le Service correctionnel rétablisse la plaignante dans son lieu de travail et, autrement, qu'elle obtienne pleine réparation à tous égards.
(iv)  Qu'on empêche le Service correctionnel d'agir de la sorte à l'avenir.

[146]    La première question à régler concerne le statut des défendeurs nommés et les articles pertinents de l'ancienne Loi. Le paragraphe 8(1), le sous-alinéa 8(2)(c)(ii) et le paragraphe 9(1) font explicitement mention d'une personne « occupant un poste de direction ou de confiance ».

[147]    Les plaintes et le redressement demandé auraient dû être dirigés spécifiquement vers Messieurs Richmond, Hooper et Demers, et non vers le SCC.

[148]    Le SCC ne peut être un défendeur, car il n'est pas visé par le cadre auquel les interdictions énoncées au paragraphe 8(1), au sous-alinéa 8(2)c)(ii) et au paragraphe 9(1) de l'ancienne Loi peuvent s'appliquer.

Sur le fond des plaintes

[149]    La preuve présentée à l'audience démontre clairement que le litige entre les infirmières en poste au CRT et Mme Gaskell a tourné autour de deux questions : celle du tableau de service et celle de n'avoir qu'une infirmière en poste pour le quart de soir.

[150]    Les plaignantes s'inquiétaient de ce que l'affectation d'une seule infirmière sur le quart de soir pouvait mettre leur sécurité, la sécurité de leurs patients et l'exercice de leur profession d'infirmière en danger. Les préoccupations de Mme Gaskell portaient sur le coût des heures supplémentaires et sur les horaires de travail au CRT.

[151]    La direction avait la conviction qu'un quart de travail de soir avec une seule infirmière en poste était raisonnable, sécuritaire et approprié. Elle était disposée à faire participer l'IPFPC à l'exploration de différents tableaux de service, mais avec l'avertissement qu'une seule infirmière serait en poste pour le quart de soir. Plusieurs réunions ont eu lieu entre les deux parties, mais sans succès. La position des plaignantes était qu'aucun vote n'aurait lieu sur le tableau de service tant que la question d'une infirmière en poste ne serait pas réglée.

[152]    Le 10 mai 2004, la direction a instauré un nouveau tableau de service, qui faisait passer le quart de travail d'une durée de 11,75 heures à 7,5 heures, selon une formule de 7 jours de travail, trois jours de congé et 7 jours de travail, quatre jours de congé. L'affectation d'une seule infirmière sur le quart de soir a également pris effet.

[153]    Les infirmières ont estimé que le nouveau tableau de service contrevenait à la convention collective pertinente, de sorte qu'elles ont présenté de nombreux griefs. En outre, elles ont jugé qu'il était nécessaire de faire réaliser une évaluation des risques par un tiers qualifié afin de répondre à leurs préoccupations en matière de sécurité liées au fait qu'il n'y avait qu'une infirmière en poste pour le quart de soir au CRT.

[154]    Les plaignantes et d'autres infirmières ont témoigné que le moral des infirmières était bas et qu'il y avait de fréquentes confrontations entre le personnel et la direction ainsi qu'entre les infirmières elles-mêmes après l'instauration, par la direction, des changements au CRT.

[155]    Ainsi qu'il ressort du paragraphe 56 de la pièce G-7, Mme Gaskell et Mme Falconer ont rédigé le courriel que cette dernière a envoyé, le 1er juillet 2004 (pièce G-6), aux infirmières concernées. Dans ce courriel, on indiquait que les infirmières travailleraient selon un tableau de service leur accordant davantage de temps de congé et limitant à huit heures la durée d'un quart de soir auquel une seule personne est affectée.

[156]    De plus, le courriel de Mme Falconer faisait suivre une information au sujet de la position de la direction sur l'évaluation des risques et sur l'affectation d'une seule infirmière au quart de soir. Mme Sabir a manifestement été offensée par ce courriel, car Mme Johnston et elle étaient les porte-parole élues des infirmières et n'étaient pas au courant de cette information.

[157]    Ce même jour du 1er juillet 2004, Mme Falconer a adressé un courriel à M. Wickstrom (pièce G-7, paragraphe 64) dans lequel elle l'informait qu'elle était ostracisée par ses pairs au CRT et qu'elle se demandait si elle ne devrait pas déposer une plainte pour harcèlement. Elle a également sollicité l'assistance de M. Wickstrom à ce sujet.

[158]    Le 12 juillet 2004, Mme Falconer a reçu le courriel suivant émanant de M. Wickstrom (pièce G-7, paragraphe 65) :

[Traduction]

[...]

En ce qui concerne l'affaire des déléguées syndicales, je suis affligé à la lecture d'allusions à des menaces et à de l'intimidation. Je suis un tenant du syndicalisme démocratique, et c'est l'un des aspects que j'apprécie le plus dans mon association à l'IPFPC. Le Centre régional de traitement, en particulier, et le secteur de la Vallée du Fraser, en général, jouissent d'une réputation enviée au chapitre de la participation et de l'activisme syndicaux.

L'une des valeurs que nous ne devons jamais perdre de vue est celle de l'inclusion, et le fait que tous les délégués actifs doivent être entendus et respectés au sein du système.

Une fois que les délégués et les membres ont pris une décision, cette décision devient la voix du syndicat (à moins que l'opinion exprimée soit contraire aux règlements de l'IPFPC) et l'un des principes du mouvement syndical est la solidarité.

Vous faites mention de plaintes, etc., et les règlements de l'IPFPC  prévoient effectivement des modes de résolution de problèmes, entre les membres, à l'intérieur du syndicat, mais il me semble que ce n'est pas ce que vous demandez de ma part.

Mon sentiment général est qu'il y a trop de questions et de gens aux intérêts différents des nôtres pour consacrer beaucoup de temps aux conflits internes. Je ne suis pas sûr de bien saisir ce qui se produit et je respecte votre désir de ne pas être contactée au travail. Je vous transmets donc le numéro de téléphone sans frais (si vous le n'avez pas déjà) que vous pouvez composer, soit le 1 800  663-0485.

[...]

[159]    Le lendemain, le 13 juillet 2004, Mme Falconer a rencontré M. Richmond, Mme Gaskell et M. Blakeway. Aux dires de M. Richmond, Mme Falconer était très affligée du fait que les plaignantes l'ostracisaient et que M. Wickstrom s'était emporté à son endroit lorsqu'elle discutait avec lui des problèmes au CRT.

[160]    Mme Falconer a décidé de déposer sa plainte de harcèlement et, le 16 juillet 2004, elle a déposé une plainte officielle par écrit.

[161]    Dans la décision Association des employé(e) en sciences sociales (2004) CAF 165, paragraphe 51), la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit :

[...]

[51] Aux termes de l'alinéa 23(1)a) de la Loi, la Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l'employeur n'a pas « observé les interdictions énoncées  aux articles 8, 9 ou 10 ». Il n'y a absolument aucun doute qu'il appartient au plaignant, en l'espèce les défendeurs, de faire la preuve du bien-fondé de sa plainte (voir Veilleux et la Commission de la fonction publique, [1983] C.P.S.S.R.B. no 9; Prue et Bhabba, [1989] C.R.T.F.P.C. no 210; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Little, [1996] C.R.T.F.P. no 76 (Q.L.)).

[...]

[162]    Dans ce même arrêt, la Cour d'appel fédérale a également statué que le plaignant devait prouver que l'employeur avait eu une intention coupable ou une volonté antisyndicale s'il voulait que sa plainte soit accueillie :

[...]

[53] Au paragraphe 94 de sa décision, la Commission a dit, à bon droit selon moi, que les actes de discrimination interdits par les articles 8 et 9 de la Loi « doivent avoir une intention coupable ou antisyndicale ». Dans la décision Re Major Foods, précitée, à la page 136, l'arbitre a dit :

Les commissions des relations de travail ont jugé que, pour qu'il y ait infraction à l'interdiction prévue par la loi, il faut prouver l'intention discriminatoire.

[54] La décision de la Commission n'était fondée sur aucune preuve dont elle était saisie qui lui aurait permis de conclure que le Conseil du Trésor avait une intention antisyndicale. Par conséquent, la seule conclusion possible que la Commission aurait pu tirer, compte tenu de la preuve, était que les défendeurs ne s'étaient pas acquittés du fardeau de la preuve qui leur incombait.

[...]

[163]    Les plaignantes et Mme Sharp voudraient que la Commission croie que la plainte pour harcèlement de Mme Falconer a été conçue avec la complicité de la direction du SCC, car la plainte justifierait le retrait des plaignantes - et donc du leadership syndical - du CRT. Cela ferait ainsi obstacle à la représentation syndicale des employés qui est prévue par l'ancienne Loi.

[164]    Il n'y a aucune preuve que M. Richmond, M. Hooper, M. Demers ou Mme Gaskell aient usé de coercition, de force, de menace ou d'intimidation à l'endroit de Mme Falconer pour qu'elle dépose une plainte de harcèlement.

[165]    Les plaignantes ont estimé que leur réaffectation à différents établissements était le fruit d'un complot et que sans leur présence au CRT ou aux réunions prévues avec M. Steele, la question du tableau de service et celle de n'avoir qu'une infirmière en poste au quart de soir ne seraient plus défendues. Les plaignantes ont rencontré M. Steele et, à la suite du dépôt de son rapport et de discussions entre le syndicat et la direction, le tableau de service initial et l'affectation de deux infirmières au quart de soir ont été rétablis le 16 décembre 2004.

[166]    La plainte pour harcèlement de Mme Falconer ne pouvait avoir l'effet d'une surprise, puisque M.  Wickstrom savait, dès le 1er juillet 2004, qu'elle se sentait menacée et intimidée et qu'elle envisageait de déposer une plainte de harcèlement.

[167]    Les plaignantes étaient d'avis que Mme Falconer et la direction du SCC avaient manouvré en coulisse pour faire déposer une plainte de harcèlement, mais elles n'ont pas présenté de preuve corroborant leur opinion. Le témoignage livré par Mme Sharp pour établir l'existence d'un complot entre Mme Flaconer et la direction du SCC était, selon ses termes, une « supposition raisonnée » que Mme Flaconer avait été manipulée en sorte de déposer la plainte de harcèlement.

[168]    M. Richmond a reçu une plainte de harcèlement mettant en cause Mme Falconer et les plaignantes, toutes des déléguées syndicales de l'IPFPC. M. Richmond a témoigné que, sur le conseil des Ressources humaines, il a pris la décision d'envisager une séparation des parties. M. Hooper estimait que la plainte de Mme Falconer répondait à la définition énoncée dans la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor et a émis une convocation pour qu'on fasse enquête sur la plainte. M. Hooper a offert une médiation aux parties, afin de tenter de résoudre la plainte avant le début de l'enquête, mais seule Mme Falconer a accepté.

[169]    Dès le 13 juillet 2004, M. Richmond a envisagé de séparer les parties. Il a témoigné qu'il avait envisagé pareille mesure en trois ou quatre occasions par le passé, mais qu'il n'avait pas pris de décision à cet égard avant de rencontrer les plaignantes. Aucun témoignage n'a été fourni selon lequel M. Richmond a pris la décision de retirer les plaignantes parce qu'elles étaient des déléguées d'atelier. En fait, Mme Falconer était aussi une déléguée syndicale. La décision de M. Richmond de séparer les parties, ainsi qu'il l'a dit dans son témoignage, a été prise par lui seul et en tenant compte des meilleurs intérêts du CRT et des parties concernées.

[170]    La Commission n'a constaté aucune preuve indiquant qu'on a refusé aux plaignantes une représentation syndicale lorsqu'elles ont rencontré M. Richmond ou que tout document relatif à la plainte de harcèlement ait été retenu ou leur ait été refusé. Aucun acte de discrimination de la part des défendeurs à l'endroit des plaignantes n'a été porté à mon attention au cours de mon audience ou dans les plaidoiries écrites. Les plaignantes ont été temporairement réaffectées ailleurs, conformément à leurs conditions d'emploi, pendant le déroulement de l'enquête sur le harcèlement. Les plaignantes auraient pu demander, soit au directeur exécutif, soit à la personne désignée qui le remplace, la permission de se rendre au CRT pendant leur réaffectation temporaire, mais elles ont choisi de ne pas le faire.

[171]    Le rapport d'enquête final de M. McCaffrey (pièce G-7, paragraphe 181) indique qu' « [i]l ressort de la preuve qu'il y avait au moins une intention, sinon un projet, de faire retirer les trois  [plaignantes] [...] » du CRT. Cependant, dans son témoignage, M. McCaffrey a déclaré que, à sa connaissance, M. Richmond n'était pas impliqué dans un tel projet. Peut-être que Mme Gaskell et d'autres personnes non nommées avaient l'intention de retirer les plaignantes du CRT. Cependant, il n'a pas été établi qu'un tel projet était formé par les défendeurs. M. McCaffrey a déclaré qu'il n'avait jamais rencontré M. Hooper ou M. Demers en entrevue.

[172]    L'attitude cavalière démontrée par la haute direction, en particulier Mme McClung, M. Head et le Dr Gordon, en ce qu'ils n'ont pas répondu aux préoccupations des infirmières et de M. Wickstrom avant que M. Demers, vice-président national de l'IPFPC, n'intervienne, a certainement exaspéré toutes les parties mises en cause dans ces plaintes.

[173]    En conclusion, les plaignantes n'ont pas, d'après la preuve présentée, démontré que Messieurs Richmond, Hooper et Demers ont fait preuve d'une volonté antisyndicale ou qu'ils ont enfreint le paragraphe 8(1), le sous-alinéa 8(2)c)(ii) ou le paragraphe 9(1) de l'ancienne Loi.

[174]    Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[175]   Les plaintes sont rejetées.

Le 31 octobre 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

D.R. Quigley,
commissaire

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