Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les griefs contestaient l’omission, par l’employeur, de payer des heures supplémentaires et de rembourser certains frais de déplacement et de repas à l’égard de la comparution des fonctionnaires, sur citation, à une audience d’arbitrage (Rose c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada) 2006 CRTFP 17) - l’employeur avait rejeté les demandes, au motif que la clause 23.01 (<< Devoir de comparution >>) de la convention collective ne s’applique pas à une situation où des employés assistent, sur citation, à une audience d’arbitrage pendant une journée de repos - l’arbitre de grief a déterminé que l’audience d’arbitrage en question n’était pas << [...] un procès contre un détenu ou toute autre personne [...] >> au sens de la clause 23.01 de la convention collective - il a donc conclu que l’employeur n’avait pas violé la convention collective en refusant aux fonctionnaires s’estimant lésés une rémunération ainsi que le remboursement de frais à l’égard de leur comparution, sur citation, comme témoins à l’audience dans Rose. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-11-20
  • Dossiers:  566-02-211 à 213
  • Référence:  2006 CRTFP 127

Devant un arbitre de grief



ENTRE

GERALD WRY, GAVEN LEWIS et DANIEL AMUNDSON

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Wry et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Dan Butler, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés: : J. Mancini, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN

Pour l'employeur : H. Newman, avocat


Affaire entendue à Moncton (Nouveau-Brunswick),
le 22 septembre 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

[1]    En novembre 2005, MM. Wry, Lewis et Amundson (les « fonctionnaires s'estimant lésés »), travaillant comme agents de correction au Pénitencier de Dorchester du Service correctionnel du Canada (SCC), ont chacun déposé un grief individuel alléguant une violation de la convention collective entre le Conseil du Trésor (l'« employeur ») et Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (« UCCO-SACC-CSN ») qui a expiré le 31 mai 2002. Les griefs contestaient l'omission, par l'employeur, de payer des heures supplémentaires ainsi que certains frais de déplacement et de repas à l'égard de la comparution des fonctionnaires s'estimant lésés, sur citation, à une audience d'arbitrage le 18 octobre 2005.

[2]    Les trois griefs ainsi que la mesure corrective demandée se lisent comme suit :

[Traduction]

Dossier de la CRTFP 566-02-211 Gerald Wry

Je présente un grief concernant le refus, par la direction, de faire droit à ma demande de paiement d'heures supplémentaires et de frais de kilométrage, soit un grief que j'ai déposé conformément à la clause 23.01 de ma convention collective. J'ai comparu à l'audience d'arbitrage pour Tim Rose le 18 octobre 2005, sur citation établie par Yvon Tarte, président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, en conformité avec la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui lui  confère le pouvoir d'assigner des témoins à comparaître.

[Mesure corrective]

Indemnisation demandée pour cinq heures au taux applicable des heures supplémentaires (5 x 1,75)

Frais de kilométrage - 125 km @ 49,5 ¢ le km

Que je sois indemnisé intégralement.

Dossier de la CRTFP 566-02-212 Gaven Lewis

J'ai reçu une assignation à assister à une audience comme témoin le 18 octobre 2005, qui était mon deuxième jour de repos. On a ensuite refusé de me payer des heures de travail et de me rembourser des frais de déplacement et de repas pour le 18 octobre 2005.

[Mesure corrective]

Conformément à l'article 23 et au sous-alinéa 30.17c)(v) de la convention collective entre le Conseil du Trésor et le Syndicat des agents correctionnels du Canada.

Que, pour le 18 octobre 2005, mes heures supplémentaires me soient payées et que mes frais de déplacement et de repas me soient remboursés.

Dossier de la CRTFP 566-02-213 Daniel Amundson

Je présente un grief concernant le refus, par la direction, de faire droit à ma demande de paiement d'heures supplémentaires et de frais de transport, de repas et de stationnement, soit un grief que j'ai déposé conformément à la clause 23.01 de ma convention collective. J'ai comparu à l'audience d'arbitrage pour Tim Rose le 18 octobre 2005, sur citation établie par Yvon Tarte, président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, en conformité avec la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui lui confère le pouvoir d'assigner des témoins à comparaître.

[Mesure corrective]

Indemnisation demandée pour six heures au taux applicable des heures supplémentaires (6 x 1,75)

Frais de kilométrage - 150 km @ 49,5 ¢ le km

Un repas de midi @ 11,85 $

Stationnement à 4,50 $

[Sic pour l'ensemble de la citation]

[3]    Après que leurs griefs furent rejetés par l'employeur, les fonctionnaires s'estimant lésés ont chacun renvoyé l'affaire à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 209(1)a) de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (« la Loi »), édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique,L.C. 2003, ch. 22. Les renvois à l'arbitrage sont parvenus à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») le 27 mars 2006.

[4]    J'ai été nommé par le président de la Commission, en vertu de l'alinéa 223(2)d) de la Loi, pour entendre et trancher ces renvois, comme arbitre de grief.

[5]    À l'audience, les deux parties m'ont demandé de demeurer saisi de l'affaire après que j'aurai rendu une décision, au cas où les parties auraient des difficultés dans la mise en ouvre de la mesure corrective, si je devais ordonner une mesure corrective. J'ai accepté cette procédure.

Résumé de la preuve

[6]    Les fonctionnaires s'estimant lésés et l'employeur ont convenu au début de l'audience d'invoquer comme fondement factuel pour la présente audience les trois formules des griefs individuels et les réponses de l'employeur à ces griefs (soit des documents qui sont tous dans le dossier). Aucune des parties n'a produit de preuve supplémentaire par l'entremise de témoins. La seule pièce admise à l'audience était la convention collective entre l'employeur et UCCO-SACC-CSN, groupe Services correctionnels (personnel surveillant et non surveillant), qui a expiré le 31 mai 2002 (pièce G-1).

[7]    Les faits reconnus sont brefs. Les fonctionnaires s'estimant lésés ont assisté à une audience d'arbitrage le 18 octobre 2005 dans l'affaire, subséquemment tranchée, Rose c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 17, sur citations établies par le président de la Commission à la demande du fonctionnaire s'estimant lésé en cause dans ce cas. Le 18 octobre 2005 était un jour de repos normalement prévu à l'horaire pour chacun des trois fonctionnaires s'estimant lésés en cause dans la présente espèce. Après l'audience, ces trois fonctionnaires s'estimant lésés ont demandé le paiement d'heures supplémentaires pour le 18 octobre 2005 et le remboursement de certains frais de déplacement et de repas engagés ce jour-là. L'employeur a rejeté les demandes, au motif que la clause 23.01 (Devoir de comparution) de la convention collective citée par les fonctionnaires s'estimant lésés comme texte faisant autorité à l'égard de leurs demandes ne s'appliquait pas à la situation qu'ils ont vécue le 18 octobre 2005. Les fonctionnaires s'estimant lésés ont contesté la décision de l'employeur par voie de procédure de règlement des griefs, mais sans succès.

Résumé de l'argumentation

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés

[8]    Les fonctionnaires s'estimant lésés ont pris note de la décision rendue par l'arbitre de grief dans Stevens et al. c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2004 CRTFP 34, soit un cas dont l'employeur dit qu'il [traduction] « correspond exactement » à la présente espèce et qu'il est un précédent [traduction] « très convaincant » aux fins de ma décision.

[9]    MM. Brown et Beatty (Canadian Labour Arbitration, 4e éd., aux paragrs. 2:3220 et 1:3100) décrivent la doctrine arbitrale pertinente quant au poids à accorder à une autre décision portant sur la même question d'interprétation de convention collective. À partir de cette doctrine, les fonctionnaires s'estimant lésés concluent que, pour avoir gain de cause, ils doivent montrer que l'arbitre de grief dans Stevens et al. s'est nettement trompé en concluant dans des circonstances factuelles semblables que la clause 23.01 (Devoir de comparution) ne s'applique pas à une situation où des employés comparaissent à une audience d'arbitrage, sur citation, au cours d'une journée de repos. Les fonctionnaires s'estimant lésés soutiennent que l'arbitre de grief s'est en fait nettement trompé.

[10]    L'arbitre de grief dans Stevens et al. a rendu une décision qui est impossible en droit, en faisant fi du premier principe que les arbitres suivent implicitement dans chaque cas, c'est-à-dire les règles de la langue anglaise et les règles fondamentales de la grammaire anglaise. L'arbitre de grief n'a pas bien pris en compte les distinctions entre les dispositions en matière de congé figurant aux clauses 14.06 et 30.17 de la convention collective et les dispositions relatives au devoir de comparution figurant à la clause 23.01 :

[...]

Arbitrage des griefs

14.06 Lorsque les nécessités du service le permettent, l'Employeur accorde un congé payé à l'employé-e qui est :

a) partie à l'arbitrage,

b) le représentant d'un employé-e qui s'est constitué partie à l'arbitrage,

et

c) un témoin convoqué par un employé-e qui s'est constitué partie à l'arbitrage.

[...]

ARTICLE 23

DEVOIR DE COMPARUTION

23.01 L'employé-e qui est tenu d'assister, sur assignation ou citation, comme témoin, défendeur ou plaignant à un procès contre un détenu ou toute autre personne dans quelconque procédure précisée au paragraphe 30.17, sous-alinéa « C » de la présente convention, en raison des actions de l'employé-e au cours de l'exercice de ses fonctions autorisées, doit être considéré comme étant en fonction et être rémunéré au taux de traitement applicable, et doit être remboursé de ses dépenses raisonnables de transport, de repas et de logement, déterminées habituellement par l'Employeur.

[...]

Congé pour comparution

30.17 L'Employeur accorde un congé payé à l'employé-e pendant la période de temps où il est tenu :

a)  d'être disponible pour la sélection d'un jury;

b)  de faire partie d'un jury;

c)  d'assister, sur assignation ou sur citation, comme témoin à      une procédure qui a lieu :

(i)
devant une cour de justice ou sur son autorisation, ou devant un jury d'accusation,
(ii)
devant un tribunal, un juge, un magistrat ou un coroner,
(iii)
devant le Sénat ou la Chambre des communes du Canada ou un de leurs comités, dans des circonstances autres que dans l'exercice des fonctions de son poste,
(iv)
devant un conseil législatif, une assemblée législative ou une chambre d'assemblée, ou un de leurs comités, autorisés par la loi à obliger des témoins à comparaître devant eux,
ou
(v)
devant un arbitre, une personne ou un groupe de personnes autorisés par la loi à faire une enquête et à obliger des témoins à se présenter devant eux.

[...]

[11]    Il n'y a apparemment pas de différend entre les parties dans les circonstances de l'espèce quant au fait qu'une audience d'arbitrage peut comprendre une procédure « [...] devant un arbitre, une personne ou un groupe de personnes autorisés par la loi à faire une enquête et à obliger des témoins à se présenter devant eux », selon le sous-alinéa 30.17c)(v). En vertu du renvoi à l'alinéa 30.17c) dans la clause 23.01 (Devoir de comparution), les audiences d'arbitrage, tout comme les autres procédures précisées à l'alinéa 30.17c), entrent dans le cadre prévu du devoir de comparution, sous réserve qu'il soit répondu aux conditions énoncées à la clause 23.01. La principale condition est que l'employé faisant valoir le devoir de comparution soit tenu d'assister, sur citation, comme témoin, « [...] à un procès contre un détenu ou toute autre personne [...] ». Une audience d'arbitrage est un tel procès. L'expression « toute autre personne » désigne n'importe qui, y compris un autre employé qui est partie à un arbitrage de grief. Ainsi, d'après la clause 23.01, un employé cité à comparaître comme témoin à une audience d'arbitrage pour un autre employé « [...] doit être considéré comme étant en fonction et être rémunéré au taux de traitement applicable, et doit être remboursé de ses dépenses raisonnables de transport, de repas et de logement, déterminées habituellement par l'Employeur.

[12]    Le devoir de comparution est différent du congé en vertu des alinéas 14.06c) ou 30.17c). Être « en fonction » dans une situation de devoir de comparution selon la clause 23.01 confère de possibles droits à une rémunération supplémentaire et à un paiement de frais non disponibles normalement en vertu de l'une ou l'autre des deux dispositions relatives au congé.

[13]    Si un employé doit normalement travailler le jour pour lequel il est cité à comparaître comme témoin à une audience d'arbitrage, il ou elle doit demander congé pour s'absenter du travail en vertu de l'alinéa 14.06c) ou du sous-alinéa 30.17c)(v). Lorsque le jour d'une audience d'arbitrage correspond à un jour de repos de l'employé (c'est-à-dire à une journée où l'employé n'est pas en fonction), il n'y a aucune nécessité ou possibilité de demander congé. Ni l'alinéa 14.06c) ni le sous-alinéa 30.17c)(v) n'entrent en jeu. Les parties entendaient qu'un employé en journée de repos soit considéré comme étant en fonction en vertu de la clause 23.01 (Devoir de comparution) et qu'il soit rémunéré et soit remboursé de certains frais en conséquence.

[14]    L'intention des parties était que les avantages du devoir de comparution s'appliquent dans les circonstances spéciales d'« [...] un procès contre un détenu ou toute autre personne [...] ». Malheureusement, l'arbitre de grief dans Stevens et al. ainterprété les termes « un procès » de façon très particulière :

[...]

[20] Comme on peut le constater, pour être admissible aux termes de l'article 23 et être considéré comme étant en fonction, l'employé doit être tenu d'assister, sur assignation, à un procès contre un détenu ou toute autre personne dans quelconque procédure précisée à l'alinéa 30.17c) de la convention. Se peut-il qu'une audience d'arbitrage comme celle qui a été tenue dans l'affaire Dosanjh c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), supra, soit un procès au sens de l'article 23?

[21] Il existe une règle à suivre en matière d'interprétation d'une convention collective, selon laquelle il faut donner un sens à chaque mot de manière à éviter toute redondance. Il s'ensuit qu'il ne peut s'agir de toutes les procédures précisées à l'alinéa 30.17c) de la convention, car il est clairement indiqué à l'article 23 qu'il doit s'agir d'un « procès contre un détenu ou toute autre personne ». Le texte français dit : « un procès contre un détenu ou toute autre personne ». En ajoutant à titre de condition qu'il doit s'agir d'un procès (« an action [...] »), les parties souhaitaient clairement établir une distinction, de manière que les employés soient considérés comme étant en fonction et soient rémunérés pour le temps passé à assister à de telles procédures même s'ils n'étaient pas en fonction pour cette période.

[22] Je suis d'accord avec Me Newman que les procédures décrites à l'article 23 doivent être de la nature d'une enquête menée après le dépôt d'accusations à l'encontre d'un détenu ou d'un gardien. Un procès contre (« an action against ») est une procédure qui se distingue de l'audience d'arbitrage où un ancien employé conteste son congédiement. Je conclus, sur le fondement de la preuve dont j'ai été saisi, que l'audience d'arbitrage dans l'affaire Dosanjh c. Conseil arbitral (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), supra, est une procédure qui a eu lieu devant une personne décrite au sous-alinéa 30.17c)(v),  mais qu'elle n'est pas un procès (« an action ») contre un détenu ou une personne au sens de l'article 23.

[...]

[15]    En limitant le type de « procès » selon la clause 23.01 (Devoir de comparution) à un procès où un détenu ou un gardien a été accusé, l'arbitre de grief a en fait interprété les termes « [...] dans quelconque procédure précisée au paragraphe 30.17, sous-alinéa « C » » comme s'il était dit « après le dépôt d'accusations à l'encontre d'un détenu ou d'un gardien ». Un grand nombre - sinon la plupart - des procédures précisées à l'alinéa  30.17c) ne comportent jamais d'accusations contre un détenu ou un gardien, et pourtant la clause 23.01 (Devoir de comparution) renvoie clairement à une « quelconque procédure[je souligne] » précisée à l'alinéa 30.17c). L'interprétation des simples termes anglais de ce renvoi ne peut qu'indiquer que les parties entendaient que les mots « quelconque procédure [je souligne] » désignent les diverses procédures précisées au sous-alinéa 30.17c)(v), où un employé comparaît sur citation et n'est pas en situation de congé. En omettant de donner le sens ordinaire anglais aux termes « quelconque procédure [je souligne] », l'arbitre de grief s'est nettement trompé. Au sujet du type de « procès » envisagé dans la première partie de la clause 23.01, l'arbitre en a donné une interprétation limitée qui est impossible, vu le renvoi subséquent à une « quelconque procédure [je souligne] » précisée à l'alinéa 30.17c). Ceci dit d'une manière simple, certains des éléments de l'alinéa 30.17c) ne peuvent être « [...] un procès contre un détenu ou toute autre personne [...] », mais les parties ont spécifié qu'une « quelconque procédure » précisée à l'alinéa 30.17c) peut donner lieu à une situation de devoir de comparution.

[16]    Pour illustrer leur argument, les fonctionnaires s'estimant lésés ont décrit les différents types de procédures précisées à l'alinéa 30.17c) qui ne comportent pas ou ne peuvent comporter d'accusations contre un détenu ou un gardien.

[17]    Les fonctionnaires s'estimant lésés m'ont demandé de statuer que l'arbitre de grief dans Stevens et al. s'est nettement trompé en concluant qu'une audience d'arbitrage n'est pas incluse dans les types de « procès » à l'égard desquels le devoir de comparution est une possibilité. Invoquant leur interprétation de la clause 23.01 (Devoir de comparution), ainsi que le fait que cette clause renvoie à l'alinéa 30.17c), ils m'ont demandé d'accueillir leurs griefs.

Pour l'employeur

[18]    L'employeur a attiré l'attention sur les effets possibles d'une décision accordant aux fonctionnaires s'estimant lésés ce qu'ils demandent. Si l'interprétation de la clause 23.01 (Devoir de comparution) des fonctionnaires s'estimant lésés prime, l'agent négociateur pourrait dans tous les cas d'arbitrage de grief s'organiser pour que des témoins en journée de repos soient cités à comparaître et doivent ainsi être considérés comme étant « en fonction » dans tous les cas, qu'ils témoignent effectivement ou non. Vu que le statut d'employé « en fonction » prévu à la clause 23.01 est plus avantageux que le statut d'employé en congé, l'agent négociateur n'aurait aucun besoin ou aucune raison de faire valoir les dispositions en matière de congé des clauses 14.06 et 30.17 de la convention collective pour ses témoins dans ces circonstances. En demandant des citations à comparaître, l'agent négociateur pourrait rendre redondantes les dispositions en matière de congé. L'employeur arguait qu'une telle situation ne reflétait pas l'intention des parties.

[19]    Toutefois, ma décision en l'espèce n'a pas à se fonder sur la prédiction des possibles effets d'une décision adoptant le raisonnement des fonctionnaires s'estimant lésés. Il s'agit plutôt de savoir si les fonctionnaires s'estimant lésés m'ont convaincu que la décision de l'arbitre de grief dans Stevens et al. était nettement erronée.

[20]    À propos de l'importance que je devrais accorder à la décision de l'arbitre de grief dans Stevens et al., l'employeur m'a renvoyé à des extraits de trois décisions arbitrales : Larivée c. Conseil du Trésor (ministère de l'Environnement - Parcs Canada), dossier de la CRTFP 166-02-10885 (1982) (QL), MacArthur c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-18414 (1989) (QL), et Breau c. Conseil du Trésor (Justice Canada), 2003 CRTFP 65. S'appuyant sur ces décisions, l'employeur arguait que je devrais conclure que la décision de l'arbitre de grief dans Stevens et al. était déraisonnable, indéfendable, insoutenable en droit, nettement erronée ou manifestement erronée, avant de prendre une voie différente. Question de principe, je devrais être réticent à m'écarter d'une décision récente concernant les mêmes parties et le même point litigieux, notamment dans la mesure où il n'y a pas eu de demande de contrôle judiciaire de la décision devant la Cour fédérale.

[21]    Si la décision de l'arbitre de grief dans Stevens et al. avait été portée devant la Cour fédérale, la norme de contrôle aurait été celle de la [traduction] « décision manifestement déraisonnable » ou celle de la décision [traduction] « clairement irrationnelle ». L'employeur ignore pourquoi le fonctionnaire s'estimant lésé dans Stevens et al. ne s'est pas adressé à la Cour fédérale. Il suppose que l'agent négociateur de ce fonctionnaire comprenait que la décision ne pourrait être attaquée selon la norme de contrôle pertinente. En l'espèce, l'agent négociateur cherche à faire ce qu'il n'a pas directement fait après la décision Stevens et al. Pour des raisons de principe, je ne dois pas encourager cette manière de procéder. On ne doit pas me substituer à la Cour fédérale. Je dois, néanmoins, adopter [traduction] « une perspective plus distante », car je n'entends pas en réalité cette question en première instance. Il ne s'agit pas de savoir si l'argument des fonctionnaires s'estimant lésés est relativement plus intéressant ou si, en définitive, je préfère leur interprétation. Je ne dois m'écarter de Stevens et al. que si j'arrive à la conviction que l'arbitre de grief a été déraisonnable ou s'est nettement trompé. Du point de vue des principes, il est rare - ce qui est approprié - qu'un arbitre de grief s'écarte d'une décision rendue par un autre.

[22]    Quoi qu'il en soit, la décision de l'arbitre de grief dans Stevens et al. était une bonne décision qui avait du sens en droit et sur le plan des principes.

[23]    D'après l'argument des fonctionnaires s'estimant lésés, il suffit de montrer qu'une procédure est prévue à l'alinéa 30.17c) pour que s'ensuive nécessairement le devoir de comparution selon la clause 23.01. Ce n'est pas ce que les parties disent dans leur convention collective et ce n'est pas ce que l'arbitre de grief a conclu dans Stevens et al. La clause 23.01 comporte des conditions. Premièrement, il doit y avoir une citation ou assignation enjoignant à l'employé de comparaître comme témoin, défendeur ou plaignant. Deuxièmement, et ceci est d'une importance capitale, il doit y avoir « [...] un procès contre un détenu ou toute autre personne [...] ». La deuxième condition est, par exemple, remplie lorsque l'employé est cité à comparaître devant un tribunal disciplinaire en prison, dans une procédure où un détenu poursuit un agent de correction, devant un tribunal examinant une accusation d'agression ou dans une enquête judiciaire. Dans ces types de causes spéciales, il est dans l'intérêt de l'employeur et de l'agent négociateur de prévoir les avantages supplémentaires envisagés à la clause 23.01 (Devoir de comparution). L'employeur et l'agent négociateur voulaient des protections spéciales pour les employés dans ces types de circonstances propres au travail des agents de correction. C'est pourquoi ils ont conçu la clause 23.01, qui, pour autant que le sache l'employeur, ne figure pas dans d'autres conventions collectives. Les parties n'entendaient pas que cet avantage spécial s'applique à une audience d'arbitrage ordinaire. Il n'y a pas de raison que, à l'égard d'une audience d'arbitrage ordinaire, les agents de correction aient des avantages qui ne sont pas disponibles pour d'autres catégories d'employés.

[24]    En ce qui a trait au libellé de la deuxième condition, à savoir « [...] un procès contre un détenu ou toute autre personne [...] », la règle ejusdem generis (du même ordre) exige que les termes « toute autre personne » soient interprétés comme modifiant les termes « un détenu ». Ce n'est pas illimité. Le type de procès pouvant donner lieu au devoir de comparution en vertu de la clause 23.01 doit concerner un détenu ou « toute autre personne » de même genre.

[25]    Il était nettement loisible à l'arbitre de grief dans Stevens et al. de conclure que le devoir de comparution se limite aux « procès » particuliers qui entrent dans le cadre du travail des agents de correction. Le raisonnement exprimé aux paragraphes 21 et 22 de la décision de l'arbitre de grief est exact et est conforme à l'intention des parties. Même si je pensais qu'il y a une certaine ambiguïté dans le libellé de la clause 23.01 (Devoir de comparution), je ne peux conclure que l'arbitre de grief dans Stevens et al. s'est nettement trompé ou que son raisonnement était extrêmement défectueux. Sa décision doit être considérée avec beaucoup de déférence et de latitude.

[26]    Sur ce fondement, les griefs devraient être rejetés.

Réplique des fonctionnaires s'estimant lésés

[27]    Je ne devrais accorder aucune importance au fait que la décision dans Stevens et al. n'a pas été l'objet d'un contrôle judiciaire. Dans la présente juridiction, un grief appartient au fonctionnaire s'estimant lésé. Ce dernier peut ne pas désirer passer à l'étape du contrôle judiciaire.

[28]    Les fonctionnaires s'estimant lésés ont rejeté l'argument de l'employeur selon lequel leur interprétation de la clause 23.01 (Devoir de comparution) leur accorderait une série spéciale d'avantages non disponibles pour d'autres. Avec la clause 23.01, les parties ont traité les audiences d'arbitrage exactement de la même manière qu'elles traitent le travail quotidien des agents de correction. Elles ont reproduit le régime de ce milieu de travail dans la sphère des audiences d'arbitrage. Cette approche corrige la situation fondamentalement injuste où l'employé n'est payé pour comparaître à une audience d'arbitrage que s'il demande congé. Traiter la comparution à une audience un jour de repos de la même manière n'est pas un avantage extraordinaire, mais plutôt une réaction raisonnable et équilibrée à des situations auxquelles les agents de correction doivent faire face [...] au cours de l'exercice de [leurs] fonctions autorisées [...] ».

[29]    Si l'employeur avait raison au sujet de son interprétation de la clause 23.01 (Devoir de comparution), il n'aurait pas été nécessaire d'incorporer un renvoi à l'alinéa 30.17c). Le renvoi est toutefois là, et je dois y attribuer le sens ordinaire correspondant à l'intention des parties.

[30]    Me fondant sur Canadian Labour Arbitration (paragrs.  2:3220 et 1:3100), je dois arriver à une décision indépendante de Stevens et al. Le cas présenté par les fonctionnaires s'estimant lésés doit être évalué sur le fond, et je ne dois pas faire preuve d'une déférence comme s'il s'agissait d'un processus de contrôle judiciaire. Les fonctionnaires s'estimant lésés reconnaissent que je ne dois pas négligemment faire fi de la décision Stevens et al., mais ils soutiennent que je peux passer outre à cette décision si je conclus qu'elle était erronée. Je n'ai pas à conclure que le raisonnement sous-jacent était manifestement déraisonnable ou répond à l'une des autres conditions avancées par l'employeur et représentant un seuil élevé.

Motifs

[31]    Les faits dans les présents renvois à l'arbitrage, résumés plus haut, ne sont pas en litige. La question qui m'est soumise est comprise de la même manière par les parties : Est-ce que l'employeur a violé la clause 23.01 (Devoir de comparution) en refusant aux fonctionnaires s'estimant lésés le paiement d'heures supplémentaires et le remboursement de certains frais concernant leur comparution, sur citation, à une audience d'arbitrage tenue le 18 octobre 2005?

[32]    Je signale que l'un des trois fonctionnaires s'estimant lésés, M. Lewis, basait en outre la demande indiquée dans son grief sur la clause 30.17 (Congé pour comparution). À l'audience, il est devenu évident que M. Lewis ne faisait pas valoir un droit, selon la clause 30.17, qui serait en sus - ou différent - de l'avantage qui résulte soi-disant de la clause 23.01 (Devoir de comparution). La clause 30.17 n'entre en jeu dans la présente espèce que parce qu'il y est renvoyé dans la clause 23.01; elle n'est pas litigieuse en soi.

[33]    Les deux parties reconnaissent que la décision Stevens et al., qui concerne le même employeur et le même agent négociateur, les mêmes dispositions de la convention collective et des faits très semblables, joue un grand rôle en l'espèce. Aucune des parties n'a cherché à distinguer d'une manière importante les circonstances des actuels renvois à l'arbitrage de celles qui se rapportaient à Stevens et al.

[34]    Ce qui est assurément en litige entre les parties est la question de savoir si l'arbitre de grief dans Stevens et al. a bien interprété la clause 23.01 (Devoir de comparution). Les fonctionnaires s'estimant lésés arguent que l'arbitre de grief s'est tout simplement trompé. L'employeur soutient le contraire. Ce dernier m'exhorte à ne pas arriver à une conclusion sur l'interprétation de la clause 23.01 différente de ce qu'il en a été dans Stevens et al., à moins d'avoir été convaincu par les fonctionnaires s'estimant lésés qu'il y avait quelque chose de très erroné dans les motifs énoncés dans cette décision.

[35]    Il n'y a pas eu de demande de contrôle judiciaire de la décision Stevens et al. En l'absence d'une telle demande, l'employeur met ici en garde que les fonctionnaires s'estimant lésés ne doivent pas me demander en réalité de contrôler la décision Stevens et al. au lieu de l'organisme judiciaire compétent, la Cour fédérale. Je comprends les raisons de cette préoccupation. Je donne cependant une importance limitée au fait que les fonctionnaires s'estimant lésés dans Stevens et al. n'ont pas demandé de contrôle judiciaire. Comme les présents fonctionnaires s'estimant lésés l'ont argué, il peut y avoir diverses raisons pour lesquelles les employés ou l'agent négociateur dans Stevens et al. ont décidé de ne pas s'adresser à la Cour fédérale.

[36]    Néanmoins, la décision Stevens et al. demeure incontestée jusqu'à maintenant et, vu l'attention qui y est accordée par les parties dans la présente audience, elle apparaît comme très importante dans le cas dont je suis saisi. Dois-je faire preuve de déférence à l'égard de cette décision? Dans l'affirmative, à quel point?

[37]    Je dois d'abord et avant tout signaler que la présente audience ne remplace pas le processus de contrôle judiciaire approprié. Je ne remplace pas la Cour fédérale et ne suis pas tenu d'appliquer une norme de contrôle que cette cour pourrait avoir adoptée ou aurait adoptée s'il lui avait été demandé d'examiner la décision Stevens et al. Dit simplement, mon rôle ne consiste pas à déterminer si la décision Stevens et al. devrait continuer à être considérée comme valable ou si elle devrait être infirmée.

[38]    Mon rôle est plutôt d'évaluer le bien-fondé des griefs dont je suis saisi, en me basant sur les dispositions de la convention collective et sur les observations des parties. Ces observations m'amènent évidemment à examiner les mêmes termes de la convention collective et les mêmes liens entre les articles de cette convention que l'arbitre de grief dans Stevens et al. Dans cette tâche, je ne peux ne pas tenir compte de la manière dont l'arbitre a répondu à la question dans Stevens et al., mais je peux parvenir à une conclusion différente. Dans un tel cas, on pourrait déduire que j'ai conclu que la décision Stevens et al. était erronée, mais ce ne serait pas mon intention. Je crois qu'il est possible d'arriver à une conclusion différente d'une décision précédente pour plusieurs raisons. Si cela arrivait, la Cour fédérale devrait déterminer la justesse de mon raisonnement, si une partie le lui demandait.

[39]    Voilà pourquoi je préfère ne pas commenter en détail les arguments des fonctionnaires s'estimant lésés et de l'employeur sur le degré de déférence dont il conviendrait de faire preuve à l'égard de la décision Stevens et al. Assurément, les parties elles-mêmes n'ont pas été très méthodiques dans les termes pour décrire le seuil approprié lors de l'argumentation. Les deux parties, à certains stades, utilisaient couramment les termes [traduction] « nettement erroné ». D'autres fois, elles utilisaient une terminologie différente, soit un terme plus faible dans le cas des fonctionnaires s'estimant lésés (c'est-à-dire [traduction] « erroné ») et divers termes plus forts dans le cas de l'employeur (comme [traduction] « déraisonnable », [traduction] « indéfendable » ou [traduction] « extrêmement défectueux »).

[40]    Quel que puisse être l'expression ou le terme approprié, il me semble évident que je dois exposer un raisonnement solide à l'appui de ma décision, notamment si je m'écarte des conclusions énoncées dans Stevens et al. La jurisprudence issue de l'ancienne Commission et citée par l'employeur expose les principes pour lesquels de précédentes décisions sont considérées comme convaincantes et doivent généralement être ainsi considérés. Les extraits de Canadian Labour Arbitration présentés par les fonctionnaires s'estimant lésés décrivent des attitudes d'arbitres privés qui ne sont pas complètement dissemblables. Je suis heureux de m'associer aux sources offertes par les deux parties.

[41]    Le fondement de ma décision doit partir des termes figurant dans la clause 23.01 (Devoir de comparution), qui se lit comme suit en anglais :

23.01 An employee, who is required by subpoena or summons to attend as a witness, or a defendant, or a plaintiff in an action against an inmate or any other person, in any of the proceedings specified in Clause "30.17", sub-clause "C" of this Agreement, as a result of the employee's actions in the performance of his or her authorized duties, shall be considered on duty and shall be paid at the applicable rate of pay and shall be reimbursed for reasonable expenses incurred for transportation, meals and lodging as normally defined by the Employer.

D'après les règles normales d'interprétation, je dois, à la lecture de ce libellé, attribuer aux termes qu'il renferme leur sens ordinaire, à moins de découvrir une ambiguïté ou un conflit.

[42]    La version française de la clause 23.01 a été reproduite dans Stevens et al., et l'arbitre de grief y a fait référence dans son raisonnement :

23.01 L'employé-e qui est tenu d'assister, sur assignation ou citation, comme témoin, défendeur ou plaignant à un procès contre un détenu ou toute autre personne dans quelconque procédure précisée au paragraphe 30.17, sous-alinéa « C » de la présente convention, en raison des actions de l'employé-e au cours de l'exercice de ses fonctions autorisées, doit être considéré comme étant en fonction et être rémunéré au taux de traitement applicable, et doit être remboursé de ses dépenses raisonnables de transport, de repas et de logement, déterminées habituellement par l'Employeur.

[43]    Je suis convaincu qu'il n'est pas nécessaire de déterminer si une audience d'arbitrage fait partie des catégories de procédures précisées à l'alinéa 30.17c), auquel renvoie la clause 23.01. Pendant l'audience, l'employeur n'a pas contesté qu'une audience d'arbitrage entre ou pourrait entrer dans les catégories précisées à cet alinéa, notamment au sous-alinéa 30.17c)(v), qui dit :

30.17 L'Employeur accorde un congé payé à l'employé-e pendant la période de temps où il est tenu :

[...]

c) d'assister, sur assignation ou sur citation, comme témoin à une procédure qui a lieu :

[...]

(v) devant un arbitre, une personne ou un groupe de personnes autorisés par la loi à faire une enquête et à obliger des témoins à se présenter devant eux.

[44]    La question cruciale est de savoir si une audience d'arbitrage peut être « [...] un procès contre un détenu ou toute autre personne [...] » au sens de la clause 23.01. L'arbitre de grief dans Stevens et al.a répondu à cette question par la négative. Il a conclu, au paragr. 22 :

[22]    [...] Un procès contre (« an action against ») est une procédure qui se distingue de l'audience d'arbitrage où un ancien employé conteste son congédiement. Je conclus [...] que l'audience d'arbitrage [...] est une procédure qui a eu lieu devant une personne décrite au sous-alinéa 30.17c)(v), mais qu'elle n'est pas un procès (« an action ») contre un détenu ou une personne au sens de l'article 23.

[45]    Deux éléments doivent être examinés de plus près : le nom « procès » (« action » en anglais) et les termes qui le modifient, c'est-à-dire « contre un détenu ou toute autre personne ». Comme les parties n'ont pas explicitement défini dans la convention collective les termes utilisés ici, je me suis tourné vers des ouvrages de référence courants.

[46]    The New Shorter Oxford English Dictionary (1993) définit le mot anglais « action » comme désignant entre autres ceci :

[Traduction]

Prise de mesures juridiques pour établir le bien-fondé d'une demande ou obtenir une mesure de redressement; droit d'engager une procédure judiciaire [...] Poursuite ou procédure judiciaire.

En ce sens ordinaire du terme, il n'y a, selon moi, aucune raison impérative de ne pas considérer une audience d'arbitrage comme correspondant au mot anglais « action ». Une audience d'arbitrage est une procédure légale par laquelle une partie fait une demande ou cherche à obtenir une mesure de redressement. De même, je ne pense pas que le terme « procès » ait nécessairement un effet d'exclusion. Ce terme, d'après Le Nouveau Petit Robert,signifie ceci :

Litige soumis, par les parties, à une juridiction ⇒ affaire, instance, procédure. Procès civil. Procès criminel, politique. [...]

Quant au mot « litige », il est défini comme suit :

Contestation donnant matière à procès. Litiges soumis aux tribunaux ⇒ affaire, cause, procès. [...]

[47]    Si une audience d'arbitrage est un « procès », est-ce un procès « [...] contre un détenu ou toute autre personne [...] »? Les fonctionnaires s'estimant lésés en l'espèce avaient, sur citation, assisté comme témoins à l'audience d'arbitrage dans l'affaire Rose, soit une affaire qui a été tranchée. S'agissait-il d'un procès « [...] contre un détenu ou toute autre personne [...] »? Dans Rose, un agent de correction avait présenté un grief concernant son licenciement par suite de sa participation à un incident de sécurité relatif à un détenu. Les deux parties étaient Timothy Rose et l'employeur pour le SCC. La procédure avait été engagée par M. Rose à l'encontre de la décision de son employeur. À mon avis, pour que cette mesure soit considérée comme un procès « [...] contre un détenu ou toute autre personne [...] », je dois conclure que l'employeur, soit la partie contre laquelle la procédure a été engagée, est une « autre personne » au sens de la clause 23.01.

[48]    Le fonctionnaire s'estimant lésé argue que les termes « toute autre personne » ont une très vaste signification et peuvent inclure n'importe qui ou n'importe quelle entité. L'employeur réplique qu'il faut attribuer à ces termes une signification restreinte selon la règle ejusdem generis d'interprétation législative. L'« autre personne » doit être une personne de même genre qu'un « détenu », soit le nom que modifient les termes « ou toute autre personne ».

[49]    Je crois comprendre que la règle ejusdem generis signifie que, lorsque des termes généraux suivent un ou des termes particuliers, les termes généraux doivent être interprétés à la lumière du terme particulier. Ils doivent être considérés comme étant « de même genre » que le ou les termes particuliers.

[50]    Je crois que c'est faire un effort d'imagination que de conclure que l'intention des parties était que les termes « toute autre personne » désignent n'importe qui ou n'importe quelle entité, comme le soutenaient les fonctionnaires s'estimant lésés. La signification de ces termes doit avoir un sens dans le contexte de la clause 23.01 et de l'architecture globale de la convention collective. De ce point de vue, si je dois appliquer la règle ejusdem generis, je dois déterminer si l'employeur est une personne de même genre qu'un « détenu » dans le contexte de la clause 23.01, en gardant à l'esprit le rapport de la clause 23.01 avec le reste de la convention collective.

[51]    L'employeur me dit que la disposition quant au devoir de comparution figurant à la clause 23.01 ne se retrouve pas dans d'autres conventions collectives pour d'autres catégories d'employés. Bien que je n'aie pas mené d'enquête approfondie pour vérifier ce point, je n'ai aucune raison de contester cette affirmation - les fonctionnaires s'estimant lésés ne l'ont pas fait. L'employeur a argué que la clause 23.01 existe pour des raisons propres au contexte du travail accompli par les agents de correction. Cette clause est présente dans la convention collective comme caractéristique unique en son genre, outre la disposition relative au congé pour comparution figurant à la clause 30.17, soit un droit qui existe pour d'autres catégories d'employés. J'accepte ces arguments comme étayant de façon convaincante le point de vue selon lequel les parties entendaient que le libellé de la clause 23.01, y compris les termes « un procès contre [...] ou toute autre personne », s'appliquent à quelque chose qui se rapporte en propre au travail des agents de correction ou à leur lieu de travail. L'intention des parties était qu'il y ait certaines procédures auxquelles les agents de correction puissent être tenus d'assister, qui soient propres à leur travail et qui méritent les avantages spéciaux liés au statut « en fonction ». Le lien avec la nature particulière du travail ou du lieu de travail est modérément renforcé par la présence des termes supplémentaires « en raison des actions de l'employé-e au cours de l'exercice de ses fonctions autorisées » dans la clause 23.01, mais je ne considère pas que ces termes, en soi, déterminent la question.

[52]    Dans le contexte particulier du travail des agents de correction ou de leur lieu de travail, je ne suis pas convaincu que l'employeur, agissant comme partie à une audience d'arbitrage où un employé conteste son licenciement, puisse être considéré comme une « autre personne » au sens des termes « un procès contre un détenu ou toute autre personne » figurant à la clause 23.01. Dans un renvoi à l'arbitrage contestant un licenciement disciplinaire, il n'y a rien qui, en soi, est propre au travail des agents de correction ou à leur lieu de travail. Certes, les détails et les circonstances d'un renvoi à l'arbitrage pourraient bien refléter des conditions propres au travail des agents de correction, mais tel n'est pas le cas du renvoi à l'arbitrage lui-même d'une décision de licenciement. De plus, si je devais appliquer la règle ejusdem generis comme l'employeur le préconise, je crois qu'il serait difficile de conclure que l'employeur dans ce contexte est une autre personne de même genre qu'un « détenu ».

[53]    Il reste possible, à mon avis, qu'un procès contre l'employeur puisse répondre aux conditions dans certaines autres circonstances propres au lieu de travail correctionnel, comme peut-être dans le cas d'un procès civil engagé par un détenu contre la direction du SCC exerçant les pouvoirs de l'employeur. La question de savoir si une telle action pourrait inclure une audience d'arbitrage répondant aux conditions pour être considérée comme « un procès » aux fins de la clause 23.01 reste une question ouverte.

[54]    Pour les motifs qui précèdent, je conclus que l'audience d'arbitrage dans Rose n'était pas « [...] un procès contre un détenu ou toute autre personne [...] » au sens de la clause 23.01.

[55]    Les fonctionnaires s'estimant lésés ont argué que le renvoi à une « [...] quelconque procédure précisée au paragraphe 30.17, sous-alinéa « C » de la présente convention [...] [je souligne] » doit signifier, dans l'interprétation ordinaire de la langue anglaise, que le fait d'assister aux diverses procédures précisées dans la clause 30.17c), y compris les audiences d'arbitrage prévues au sous-alinéa 30.17c)(v), peut donner lieu au statut relatif au devoir de comparution. À mon avis, la présence du terme « quelconque » dans ce renvoi crée probablement de la confusion. Je ne reconnais toutefois pas qu'il existe une raison suffisante en la présence de ce seul terme pour conclure que les parties entendaient que la comparution, sur citation, comme témoin aux diverses catégories de procédures décrites à l'alinéa 30.17c) donne lieu à un droit selon la clause 23.01. Je dois attribuer une signification aux termes de la clause 23.01 qui constituent une condition ou une modification, soit les termes « un procès contre un détenu ou toute autre personne ». Si je devais accepter l'argument des fonctionnaires s'estimant lésés, je crois que j'interpréterais alors la clause 23.01 comme si ces termes n'y étaient pas inclus ou n'avaient aucune signification. Je pense que l'interprétation la plus raisonnable du renvoi à une « [...] quelconque procédure précisée au paragraphe 30.17, sous-alinéa « C » de la présente convention [...] », qui cadre avec ce que je crois être l'intention des parties, est que le procès donnant lieu au devoir de comparution doit également être « une procédure précisée au sous-alinéa 30.17c)(v) [je souligne] ». Ce renvoi est un moyen utilisé par les parties dans un souci de simplicité. Son libellé pourrait être plus clair, mais je ne peux attribuer aux termes qui sont bel et bien utilisés la signification alléguée par les fonctionnaires s'estimant lésés.

[56]    Comme j'ai conclu que l'audience d'arbitrage dans Rose n'était pas « [...] un procès contre un détenu ou toute autre personne [...] » au sens de la clause 23.01, je dois conclure que l'employeur n'a pas violé la convention collective en refusant aux fonctionnaires s'estimant lésés une rémunération ainsi que le remboursement de frais à l'égard de leur comparution, sur citation, comme témoins à l'audience tenue dans l'affaire Rose.

[57]    Étant parvenu à cette conclusion, j'arrive au même résultat que l'arbitre de grief dans Stevens et al., mais pour des raisons quelque peu différentes, je crois.

[58]    Je signale incidemment que je comprends la proposition selon laquelle il peut y avoir quelque chose d'injuste à exiger d'un employé qu'il comparaisse, sur citation, à une audience d'arbitrage un jour de repos sans être indemnisé ou être remboursé de ses frais. Mon rôle n'est toutefois pas de trancher cette question en equity mais plutôt d'interpréter les termes de la convention collective exprimant l'intention des parties. Si les parties conviennent que la comparution à une audience d'arbitrage du genre examiné dans Stevens et al. ou Rose devrait donner lieu au statut « en fonction » dans certaines ou l'ensemble des circonstances, elles peuvent vouloir traiter de cette question dans la négociation collective.

[59]    À titre d'information, je signale également que les citations à comparaître établies par la Commission en vertu de la Loi en vigueur depuis le 1er avril 2005 comportent l'exigence suivante, prévue à l'article 248 :

      248. Quiconque est assigné devant la Commission, l'arbitre de grief, le conseil d'arbitrage ou la commission de l'intérêt public, dans le cadre de toute instance entamée sous le régime de la présente loi, a droit pour sa comparution aux frais et indemnités accordés aux témoins assignés devant la Cour fédérale.

[60]    Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[61]    Les griefs sont rejetés.

Le 20 novembre 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Dan Butler,
arbitre de grief

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