Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était visé par un plan d’action visant à combler les lacunes cernées au niveau de son rendement - en vertu de ce plan, il devait rencontrer son superviseur toutes les semaines - le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé de signer le plan d’action et a déposé un grief à son sujet - il était alarmé par le fait que le plan d’action pouvait aboutir à son congédiement, et estimait que les réunions n’étaient pas utiles - il s’est opposé également au fait qu’il s’était vu refuser la permission d’être accompagné d’un observateur aux réunions - au cours d’une période d’un mois, la situation entre le fonctionnaire s’estimant lésé et son nouveau superviseur a dégénéré - le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté des dossiers qui lui étaient attribués, dont un qu’il jugeait trop simple, a fixé une réunion avec un vérificateur dans un endroit qui ne tenait pas compte des directives de son superviseur, a refusé de fournir une copie des questions qu’il se proposait de poser au vérificateur et, enfin, a refusé d’assister à une réunion devant porter sur le plan d’action - une suspension d’un jour lui a été imposée à la suite de ce refus, l’employeur étant d’avis que le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé constituait de l’insubordination et un manque de respect - le fonctionnaire s’estimant lésé a insisté pour que les réunions hebdomadaires aient lieu certains jours et à certaines heures - à l’audience, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir qu’il était tellement stressé qu’il avait besoin de prendre des médicaments et que son conseiller du Programme d’aide aux employés avait recommandé qu’il n’assiste pas ou qu’il assiste uniquement en la présence d’un observateur aux réunions qui étaient fixées << au hasard >> - à l’époque, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais mentionné à son employeur quoi que ce soit au sujet d’un problème médical, et n’a fourni aucune note du médecin expliquant son besoin que les réunions soient fixées à des moments réguliers - l’arbitre de grief a statué que l’employeur avait établi l’existence d’une inconduite ayant revêtu la forme d’une insubordination - ce cas ne fait pas exception à l’adage << obéir d’abord, se plaindre ensuite >> - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a présenté aucune preuve médicale pour justifier son refus - la sanction imposée n’était pas hors de toute proportion avec l’inconduite - elle figurait dans l’éventail des mesures disciplinaires prévues dans la politique sur les mesures disciplinaires de l’employeur - une réduction de la sanction imposée ne serait pas appropriée, puisque le fonctionnaire s’estimant lésé avait omis de tenir compte de deux avertissements antérieurs selon lesquels une mesure disciplinaire lui serait imposée s’il n’assistait pas aux réunions - on n’a établi l’existence d’aucune provocation - le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas le droit d’être accompagné d’un représentant syndical aux réunions. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-11-02
  • Dossier:  166-34-36584
  • Référence:  2006 CRTFP 119

Devant un arbitre de grief



ENTRE

STEPHEN BYFIELD

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Byfield c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Barry D. Done, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Steven Eadie, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  James Gorham, ministère de la Justice


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
les 14 et 15 juin 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]   M. Byfield (le fonctionnaire s’estimant lésé) a soumis un grief pour contester l’imposition d’une suspension d’un jour le 12 avril 2004. Il estime que la suspension était [traduction] « injustifiée, punitive, déraisonnable, était du harcèlement et était de mauvaise foi ». L’employeur estime que le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé constituait à la fois de l’insubordination et un manque de respect envers son plus récent superviseur, Jack Meggetto, qui était chef d’équipe à la Direction de l’exécution à l’Agence du revenu du Canada, et que ce comportement méritait une suspension d’un jour.

[2]   Le fonctionnaire s’estimant lésé est un vérificateur/enquêteur appartenant au groupe et niveau AU-03. Ainsi, la convention collective qui s’applique à lui (pièce G-1) est celle du groupe Vérification et personnel financier scientifique, dont la date d’expiration est le 21 décembre 2003.

[3]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).

Résumé de la preuve

[4]   À l’audience, deux témoins ont été appelés et 37 pièces ont été soumises. Les faits sont directs et, pour la plupart, ne sont pas contestés.

[5]   Le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas satisfait de ses deux anciens chefs d’équipe, Angelo Villella et Cecil Lindo; le fonctionnaire s’estimant lésé était d’avis que M. Villella avait effectué une évaluation du rendement (RGRE) qui était à la fois injuste et inexacte et qu’il lui avait remis une lettre menaçante (pièce G-5). Par conséquent, le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief (pièces G-3 et G-5), a soumis une lettre de plainte à son directeur, Don Renaud (pièce G-7), et a présenté une plainte officielle de harcèlement (pièce G-4).

[6]   La réaction du Ministère à l’évaluation du rendement a été de mettre en œuvre un plan d’action visant à améliorer le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé afin qu’il réponde aux attentes en matière de rendement de la direction (pièce E-2). Ce plan d’action a été dressé par M. Lindo, gestionnaire, Programme d’enquêtes criminelles, le 11 décembre 2003, et devait s’appliquer au fonctionnaire s’estimant lésé jusqu’au 31 août 2004.

[7]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé de signer le plan d’action et a déposé un grief à son sujet le 11 mars 2004 (pièce G-3). Le plan d’action exigeait que le fonctionnaire s’estimant lésé rencontre son superviseur toutes les semaines, et c’est le refus de M. Byfield de le rencontrer ainsi qui est à l’origine de la mesure disciplinaire prise en l’espèce.

[8]   En raison de la plainte de harcèlement déposée par le fonctionnaire s’estimant lésé à l’encontre de M. Villella, le fonctionnaire s’estimant lésé a été confié à un nouveau superviseur, Jack Meggetto, le 9 mars 2004 (pièce E-1). Ce changement n’a pas réellement réglé le problème de rendement ou de supervision, et en peu de temps, soit 24 jours, une suspension d’un jour a été imposée à M. Byfield. L’insatisfaction du fonctionnaire s’estimant lésé vis-à-vis de ses deux anciens superviseurs s’est étendue à son nouveau superviseur et a rapidement évolué de soupçons à des sentiments de méfiance, voire de peur.

[9]   Initialement, le fonctionnaire s’estimant lésé était concerné par le manque de complexité des dossiers qui lui étaient attribués et, plus particulièrement, d’un dossier (pièce E-3) dont il pensait qu’il s’agissait d’un dossier trop simple, compte tenu de son niveau AU-03. Ensuite (pièce E-6), le fonctionnaire s’estimant lésé, contrairement à la requête de son superviseur, a fixé une réunion avec un vérificateur à Barrie, Ontario, plutôt qu’à Toronto. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas d’accord avec M. Meggetto qu’il était nécessaire pour ce dernier d’assister à la réunion. Par ailleurs, plus tard la même journée, en dépit de la requête formulée par son superviseur (pièce E-7), qui demandait à recevoir une copie des questions que le fonctionnaire s’estimant lésé se proposait de poser au vérificateur à Barrie, Ontario, le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé de fournir une telle copie, en expliquant (pièce E-8) qu’il l’avait déjà fournie et qu’il n’avait pas le temps de la transmettre une deuxième fois. Le fonctionnaire s’estimant lésé a continué à manifester une attitude de confrontation similaire lorsqu’il a décidé de répéter sa préoccupation antérieure concernant la complexité d’un dossier qui lui avait été assigné, même si la question avait déjà été réglée une semaine auparavant (pièce E-4). Même si on lui avait conseillé de travailler au dossier qui lui avait été confié, le fonctionnaire s’estimant lésé a de nouveau remis en question cette décision (pièce E-12) et, recevant la même réponse, a décidé de soumettre la question à M. Renaud, le superviseur de M. Meggetto (pièce E-15). Tous ces événements se sont produits dans les deux semaines qui ont suivi son transfert à un nouveau supérieur hiérarchique.

[10]   Même si le fonctionnaire s’estimant lésé a rencontré trois fois M. Meggetto – le mardi 9 mars 2004 (la première journée où il relevait de son nouveau superviseur), le vendredi 12 mars 2004 et le vendredi 19 mars 2004 – il a refusé de participer aux quatre réunions subséquentes prévues.

1)  Le jeudi 25 mars 2004 :

M. Byfield a envoyé un courriel à M. Meggetto (pièce E-16) pour préciser qu’il accepterait uniquement de le rencontrer les jeudis à 14 h 30. Sept minutes après l’envoi de ce courriel, il en a envoyé un autre à M. Meggetto (pièce E-17) pour lui dire qu’il ne pouvait le rencontrer le 25 mars 2004, puisqu’il serait soit à Barrie, Ontario, soit en déplacement ou « occupé » d’une quelconque autre façon durant la majeure partie de la journée.

2)  Le lundi 25 mars   2004, 14 h 29 :

Le même après-midi, M. Meggetto a envoyé un courriel à M. Byfield (pièce E-20) pour répondre à son courriel et pour lui indiquer que la réunion fixée à 14 h 30 le 25 mars 2004 aurait lieu tel que prévu si M. Byfield revenait de Barrie, Ontario, avant 14 h 30. M. Byfield a ouvert ce courriel le 25 mars 2004, à 16 h   45 (pièce E-21). Dans le courriel, M. Meggetto réaffirmait que s’ils ne se rencontraient pas au retour de M. Byfield au bureau, la réunion aurait lieu le lundi suivant, c’est-à-dire le 29 mars 2004, à 9 h 30. De nouveau, M. Byfield a refusé d’y assister, en affirmant qu’il n’était pas disponible, sans toutefois fournir des explications à ce sujet (pièce E-22). Il a répété qu’il le rencontrerait uniquement les jeudis à 14 h 30.

3)  Le lundi 29 mars 2004, 13 h 30 :

M. Meggetto a répondu (pièce E-23) le lundi 29 mars 2004, à 11 h 22, pour inviter M. Byfield à le rencontrer à 13 h 30 cette journée-là. M. Meggetto a averti M. Byfield que s’il décidait de ne pas assister à cette réunion, il ferait l’objet d’une mesure disciplinaire. M. Byfield a ouvert ce courriel à 17 h 20 le 29 mars 2004, et ne s’est pas réuni avec M. Meggetto.

4)  Le mardi 30 mars 2004, 10 h 35 :

Au moyen d’un courriel (pièce E-25), envoyé à la date et à l’heure indiquées ci-dessus, dont une copie a été remise en mains propres à M. Byfield, M. Meggetto a demandé à M. Byfield de le rencontrer immédiatement, précisant que s’il refusait, il serait discipliné. Sept minutes plus tard, M. Byfield a de nouveau refusé (pièce E-26) en faisant allusion à sa déclaration antérieure qu’il acceptait uniquement de le rencontrer les jeudis à 14 h 30 (pièces E-26 et E-22). Après avoir consulté son superviseur et l’unité des relations de travail, et après avoir lu les parties pertinentes de la convention collective (pièce G-1) ainsi que la politique sur les mesures disciplinaires de l’employeur (pièce E-27), M. Meggetto a recommandé que M. Byfield fasse l’objet d’une mesure disciplinaire. On lui a imposé une suspension d’un jour .

[11]   Durant le contre-interrogatoire, M. Meggetto a reconnu que la pièce E-2, le plan d’action, dans la colonne de droite, incluait l’éventuelle cessation d’emploi comme l’une des sept options qui pourrait être exercée dans le cadre du plan. M. Meggetto a dit que le fonctionnaire s’estimant lésé coopérait au début, mais qu’il se retranchait dans sa position et qu’il était souvent sur la défensive. Ce n’est que le 25 mars 2004 que M. Meggetto a réalisé qu’il y avait un réel problème. Le pouvoir délégué à M. Meggetto d’imposer une mesure disciplinaire se limitait à la communication d’une réprimande écrite, mais la politique sur les mesures disciplinaires de l’employeur (pièce E-27) autorisait l’imposition d’une suspension pour insubordination allant d’un minimum d’un jour jusqu’à 30 jours.

[12]   Le fonctionnaire s’estimant lésé est entré en fonction au ministère qui était le prédécesseur de l’Agence de revenu du Canada en 1992. Durant son témoignage, il a brièvement passé en revue sa carrière et a décrit ses fonctions d’AU-03. Il a dit qu’en décembre 2003, il avait reçu une « mauvaise évaluation » à laquelle il s’opposait, puisqu’on lui avait attribué la cote « n’a pas atteint l’objectif » à cause du temps qu’il lui fallait en général pour accomplir ses tâches et, plus particulièrement, pour avoir consacré trop de temps aux cotisations au civil. Il a déclaré que ses évaluations précédentes étaient bonnes et qu’il n’avait eu aucune indication antérieure lui donnant à penser que son rendement suscitait des préoccupations. L’attribution de la cote « n’a pas atteint l’objectif » signifiait qu’il était nécessaire d’établir un plan d’action pour combler les lacunes cernées (pièce E-2). Il n’était pas d’accord avec la tenue des réunions hebdomadaires, parce qu’il les trouvait inutiles et n’était pas sûr de la manière dont son rendement serait évalué. De plus, il était alarmé par le fait que le plan d’action pouvait aboutir à son congédiement. Il a donné plusieurs exemples de ce qui constituait pour lui une supervision mal assurée de la part de M. Villella, supervision qui, d’après lui, s’apparentait à des mauvais traitements et à du harcèlement. Par comparaison, il a reconnu que M. Meggetto ne tenait jamais des propos injurieux lors des réunions. Les rapports avec ses deux superviseurs précédents ont amené le fonctionnaire s’estimant lésé à se méfier de la direction, d’où son insistance pour qu’un représentant syndical ou un observateur assiste aux réunions.

[13]   Le fonctionnaire s’estimant lésé ressentait de l’anxiété à l’idée des réunions hebdomadaires et trouvait qu’il avait besoin de l’effet calmant de réunions fixées à des moments réguliers. Il a refusé d’assister aux deux réunions proposées le 29 mars 2004, parce qu’elles n’avaient pas lieu un jeudi, tel que convenu antérieurement, et parce qu’il voulait que M. Meggetto respecte cet engagement (pièce G-2). De plus, il a dit qu’il n’était pas disponible pour les réunions subséquentes parce qu’il était tellement anxieux qu’il avait besoin de prendre des médicaments et que son conseiller du Programme d’aide aux employés avait recommandé qu’il n’assiste pas, ou uniquement en la présence d’un observateur, aux réunions qui étaient fixées « au hasard ». Il n’avait jamais été discipliné avant cette suspension d’un jour.

[14]   Durant le contre-interrogatoire, le fonctionnaire s’estimant lésé a dit qu’il avait assisté aux réunions hebdomadaires avec M. Villella. Le fonctionnaire s’estimant lésé avait peu d’expérience des cotisations au civil, puisqu’elles étaient faites pour lui par des vérificateurs, mais il n’avait pas demandé à suivre de la formation pour apprendre comment les faire. Il n’avait pas pris également de notes lors des réunions hebdomadaires avec M. Meggetto. Le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé qu’il ne voulait pas rencontrer son superviseur pour parler d’un dossier qu’il considérait comme un dossier de débutant, même s’il a reconnu que la complexité d’un dossier peut changer et que, de toute manière, l’attribution des dossiers est une décision de gestion. Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est dit d’accord avec l’avocat de l’employeur qu’il n’avait pas mentionné un diagnostic médical selon lequel il souffrait d’anxiété dans sa lette du 26 janvier 2004 adressée à M. Renaud (pièce G-7), et qu’il n’avait pas fourni à l’employeur une note du médecin expliquant qu’il était nécessaire pour lui, du point de vue médical, que les réunions soient fixées à une fréquence régulière. Lorsqu’on lui a montré la pièce E-26, le courriel du 30 mars 2004, dans lequel il refusait d’assister à une réunion ce matin-là, le fonctionnaire s’estimant lésé a admis qu’il n’avait pas mentionné un problème médical pour expliquer son refus. Il a ajouté qu’il a fait ce qu’il devait faire, qu’il avait assez souffert et que si cela voulait dire qu’il n’assisterait pas à une réunion, il n’y irait pas.

[15]   Étant donné qu’il ne restait pas suffisamment de temps pour préparer et présenter des observations de vive voix, les parties ont convenu de présenter des observations écrites.

Argumentation de l’employeur

[Traduction]

[…]

PARTIE 1 – APERÇU ET FAITS

A.  APERÇU

1.  En l’espèce, on pose la question suivante : « Qui décide quand une réunion ayant trait au travail se tiendra, le gestionnaire ou le travailleur? » Ou formulée autrement : « L’employeur peut-il exiger qu’un employé se présente à une réunion ayant trait au travail avec son superviseur au lieu de travail habituel de l’employé et durant les heures de travail normales? »

2.  Le fonctionnaire s’estimant lésé, Stephen Byfield, devait rencontrer son chef d’équipe chaque semaine pour discuter de sa charge de travail (« réunions au sujet du plan d’action »). L’employeur estimait que les réunions au sujet du plan d’action étaient nécessaires pour s’assurer que M. Byfield gérait son temps avec efficacité et efficience. Le RGRE, le plan d’action et les réunions hebdomadaires constituaient autant de façons dont se servait l’employeur pour tenter de gérer le rendement de M. Byfield.

3.  Dans le but évident d’éviter les réunions et, par conséquent, de contrecarrer la possibilité pour l’employeur de gérer son rendement, M. Byfield a informé l’employeur que les réunions hebdomadaires devaient avoir lieu à 14 h 30 les jeudis après-midi. Il a ajouté que s’il n’était pas disponible un jeudi donné à 14 h 30, la réunion hebdomadaire n’aurait pas lieu du tout.

4.  M. Byfield a été informé par son superviseur que sa position pour ce qui était de l’annulation des réunions hebdomadaires était inacceptable. Cependant, plutôt que de défendre sa position en recourant au processus de présentation d’un grief, M. Byfield a simplement refusé d’assister à toute autre réunion sur le plan d’action, malgré le fait qu’il avait été informé de la tenue de ses réunions et que ses réunions étaient fixées à son lieu de travail habituel durant les heures de travail normales.

5.  Après le premier de ces refus, M. Byfield a été averti de vive voix et au moyen de courriels que le fait de ne pas assister aux réunions constituerait de l’insubordination et que ce comportement donnerait lieu à une mesure disciplinaire. Malgré ces avertissements, M. Byfield a continué de refuser d’assister aux réunions. Il n’a fourni à l’employeur aucune raison valide expliquant pourquoi il ne pouvait assister aux réunions.

6.  Lors d’une réunion disciplinaire subséquente, une suspension d’un jour a été imposée à M. Byfield pour le motif que son refus d’obéir à un ordre direct d’assister à une réunion constituait de l’insubordination.

B.  CONTEXTE – LE PLAN D’ACTION

7.  À tous les moments pertinents examinés ici, Stephen Byfield était enquêteur au Bureau des services fiscaux de Toronto Nord. Dans le cadre de son travail, M. Byfield devait mener des enquêtes qui duraient plusieurs mois et fréquemment plus d’un an. Dans ce contexte, M. Byfield devait accomplir de nombreuses tâches faisant partie de son enquête, dont certaines devaient être accomplies dans des délais précis.

8.  M. Byfield a reçu la cote « n’a pas atteint l’objectif » dans son Rapport de gestion du rendement de l’employé (RGRE) portant sur la période allant du 1er septembre 2002 au 31 août 2003. Le 12 décembre 2003, le superviseur de M. Byfield, le chef d’équipe Cecil Lindo, a dressé un plan d’action pour améliorer le rendement de M. Byfield.

9.  Le problème que présentait le rendement de M. Byfield était qu’il gérait mal son temps. L’employeur a établi qu’effectivement M. Byfield ne gérait pas bien son temps et, à titre de mesure correctrice, a demandé à M. Byfield de rencontrer son chef d’équipe toutes les semaines pour discuter de sa charge de travail.

10.  Peu après la finalisation du plan d’action, M. Byfield a décidé que les réunions hebdomadaires étaient ni utiles ni appropriées. À son avis, des réunions mensuelles conviendraient mieux. Il a refusé de signer le plan d’action. De plus, le lendemain de la finalisation du plan d’action, M. Byfield a déposé un grief concernant son RGRE et le plan d’action établi subséquemment.

11.  Après avoir déposé le grief, M.  Byfield a été confié à un nouveau chef d’équipe,  Angelo Villella.

12.  Le 26 janvier 2004, M. Byfield a écrit au supérieur immédiat de M. Villella, M. Don Renauld, directeur adjoint des Enquêtes, pour se plaindre de la conduite de M. Villella durant les réunions hebdomadaires sur le plan d’action. Dans son bref courriel, M. Byfield n’a fourni aucun détail concernant la conduite qui aurait été peu appropriée lors des réunions, mais a accusé M. Villella de harcèlement. M. Byfield a demandé que les réunions sur le plan d’action soient suspendues jusqu’au moment où une réunion puisse avoir lieu entre M. Renauld, M. Byfield et un représentant syndical pour discuter de la situation.

13.  Par la suite, M. Renauld a rencontré M. Byfield au sujet de son courriel. Étaient également présents à cette réunion M. Steve Eadie (représentant syndical) et M. Al McCaie, un agent des relations de travail. M. Renauld a informé M. Byfield que les réunions hebdomadaires sur le plan d’action devaient continuer, une décision que M. Byfield avait remise en question dans une lettre de suivi envoyée à M. Renauld le 2 février 2004.

14.  M. Byfield s’est absenté du travail pendant plusieurs jours durant la période allant du 1 er février 2004 au 22 février 2004. Il était également absent pour cause de maladie du 23 février 2004 jusqu’à au moins le 2 mars 2004.

15.  Le 2 mars 2004, après une absence de sept jours du travail, période durant laquelle M. Byfield n’a pas répondu aux messages vocaux laissés à son téléphone à son domicile, M. Villella a écrit à M. Byfield pour l’informer qu’à son retour au travail, l’employeur aurait besoin d’une note du médecin de M. Byfield indiquant qu’il était apte à reprendre le travail. Malgré cette requête, M. Byfield n’a pas fourni une note confirmant son aptitude à retourner au travail.

16.  Le 8 mars 2004, M. Byfield a déposé une plainte de harcèlement contre M. Villella, M. Cecil Lindo, (le chef d’équipe qui avait dressé le plan d’action), M. Jack Tse (un autre chef d’équipe) et M. Renauld.

17.  Le 10 mars  2004, M. Byfield a déposé deux griefs : un grief avait trait à la manière dont M. Villella mettait en œuvre le plan d’action. L’autre grief concernait la lettre du 2 mars 2004 de M. Villella.

C.  L’INCIDENT D’INSUBORDINATION

18.  Le 9 mars  2004, M. Byfield a été confié à un nouveau chef d’équipe, Jack Meggetto. M. Meggetto était le troisième chef d’équipe de M. Byfield en trois mois.

19.  M. Meggetto a rencontré M. Byfield le 9 mars pour discuter de la charge de travail de ce dernier. Durant cette rencontre, M. Byfield et M. Meggetto ont convenu de se rencontrer toutes les semaines conformément au plan d’action, soit tous les jeudis à 14 h. 

20.  À la suite de leur discussion du 9 mars, la première réunion sur le plan d’action entre M. Meggetto et M. Byfield devait avoir lieu le jeudi 18 mars 2004. Cependant, M. Meggetto n’était pas disponible le 18 mars, et leur première réunion sur le plan d’action a donc eu lieu le vendredi 19 mars  2004.

21.  D’après le calendrier établi le 9 mars, M. Byfield et M. Meggetto devaient se rencontrer le jeudi 25 mars 2004.

22.  À 9 h 12, le 25 mars  2004, M. Byfield a envoyé à M. Meggetto un courriel confirmant leur décision de se rencontrer tous les jeudis à 14 h 30 pour discuter de son travail conformément au plan d’action. Il a ajouté :

[Traduction]

« Il s’agit de l’unique journée et de l’unique heure chaque semaine où je peux assister à une telle réunion. Si l’un de nous deux n’est pas disponible pour la réunion le jeudi à 14 h 30, à ce moment-là, la réunion doit être reportée au jeudi suivant, à 14 h 30. »

23.  Sept minutes plus tard, à 9 h 19, le jeudi 25 mars, M. Byfield a informé M. Meggetto qu’il lui serait impossible de le rencontrer cette journée-là parce qu’il devait rencontrer un vérificateur au Bureau des services fiscaux à Barrie.

24.  Dans un courriel envoyé à 14 h 29 le 25 mars, M. Meggetto a déclaré que le plan d’action exige la tenue de réunions « hebdomadaires » et « […] si notre horaire ne nous permet pas de nous rencontrer à la date convenue fixée au jeudi à 14 h 30, nous nous rencontrerons dès que nous pouvons le faire ». Ce courriel a été ouvert par M. Byfield à 16 h 42, le jeudi 25 mars 2004.

25.  Dans un autre courriel envoyé le 25 mars à 14 h 29, M. Meggetto a informé M. Byfield que [traduction] « […] si vous êtes de retour au bureau avant 14 h 30, nous nous rencontrerons tel que prévu. Si vous ne revenez pas au bureau, nous nous rencontrerons à 9 h 30 le lundi 29 mars 2004 ».

26.  M. Byfield a témoigné qu’il est retourné au bureau peu après 14 h 30 l’après-midi du 25 mars  et qu’il a lu le message de M.  Meggetto à 16 h 45.

27.  Même s’il a lu le message le jeudi après-midi, M.  Byfield n’a pas rencontré M. Meggetto à 9 h 30 le lundi 29 mars. En fait, il a attendu jusqu’à 9 h 53 le 29 mars pour répondre à M. Meggetto, c’est-à-dire 23 minutes après que la réunion aurait dû commencer. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas répondu plus rapidement et avait préféré attendre plus de 72 heures (du jeudi après-midi au lundi matin), M. Byfield a répondu qu’il était bouleversé par le message de M. Meggetto et qu’il a attendu d’y répondre pour lui donner le temps de se calmer.

28.  Clairement, la stratégie de M. Byfield n’a pas fonctionné. Après avoir attendu 72 heures pour réfléchir calmement à la réponse qu’il fournirait à la requête de M. Meggetto, M. Byfield a écrit ce qui suit :

[Traduction]

« Je ne suis pas disponible pour vous rencontrer aujourd’hui. Je n’apprécie vraiment pas que l’on m’impose unilatéralement les heures et les dates des réunions. Je trouve que c’est insultant, dégradant et déshumanisant. Je ne suis pas du bétail humain et je refuse d’être traité ainsi. »

[…]

Finalement, je ne suis pas d’accord avec certaines des choses qui, à vos dires, se sont produites à ces réunions. Par conséquent, je n’assisterai plus à ces réunions tout seul. Je serai toujours accompagné d’un collègue de mon choix.

29.  M. Meggetto a répondu à 11 h 22 ce même matin. Dans sa réponse, M. Meggetto a rappelé à M. Byfield que le plan d’action exigeait qu’ils se rencontrent toutes les semaines. Il a écrit ce qui suit à M. Byfield :

[Traduction]

« Je vous donne la possibilité de me rencontrer cet après-midi à 15 h 30, et si vous n’y êtes pas, vous ferez l’objet d’une mesure disciplinaire. 

Par ailleurs, étant donné que cette réunion a trait à des questions liées au travail, vous n’êtes pas autorisé à être accompagné d’un représentant. »

30.  M. Byfield n’a pas assisté à la réunion à 13 h 30 cet après-midi. Ni a-t-il répondu au message, même si un avis de réception déposé par M. Meggetto montre que M. Byfield a ouvert le message à 17 h 20, le 29 mars  2004.

31.  À 10 h 35 le lendemain matin, soit le mardi 30 mars 2004, M. Meggetto a ordonné à M. Byfield de le rencontrer immédiatement pour discuter du plan d’action :

[Traduction]

« Vous devez me rencontrer immédiatement dans la salle d’audience sud-ouest pour discuter de votre plan d’action. Sinon, vous ferez l’objet d’une mesure disciplinaire. »

32.  M. Meggetto a envoyé son courriel en indiquant qu’il était de la « première importance ». Il a également imprimé une copie du courriel et l’a remis en mains propres à M. Byfield, qui était assis à son bureau à ce moment-là. D’après le témoignage de M. Byfield, lorsque M. Meggetto lui a remis la requête qu’il se présente à une réunion, il lui a donné un avertissement verbal que l’omission d’assister à la réunion serait considérée comme de l’insubordination. En dépit du courriel et de l’avertissement verbal, M. Byfield n’a pas assisté à la réunion.

33.  À 10 h 42, M. Byfield a répondu au courriel de M. Meggetto :

[Traduction]

« Je vous ai déjà informé de ma disponibilité. J’ai été informé que je peux être accompagné d’un représentant syndical à ces réunions. Je ne suis pas disponible pour assister à une réunion à ce moment précis. »

34.  M. Meggetto a ensuite rencontré Don Renauld et Al McCaie. En sa qualité de directeur adjoint, M. Renauld était autorisé à prendre une mesure disciplinaire à l’égard de M. Byfield. M. Meggetto a informé M. Renauld des incidents des 25, 29 et 30 mars, y compris des courriels de M. Byfield dans lesquels celui-ci refusait d’assister aux réunions, tel que demandé. Ce comportement, d’après M. Meggetto, constituait de l’insubordination justifiant la prise d’une mesure disciplinaire.

35.  M. Meggetto n’a pas assisté à toute la réunion, mais a témoigné que M. Renauld avait pris en considération les facteurs atténuants suivants énoncés dans la politique sur les mesures disciplinaires de l’ARC : « un bon dossier d’emploi » et de « longs états de service ».

36.  Une réunion disciplinaire a eu lieu le 1er avril à 10 h 30. M. Byfield a assisté à la réunion. Le représentant syndical de M. Byfield, M. Eadie, a participé via le haut-parleur d’un téléphone. Lors de la réunion, M. Byfield a été informé que son refus d’assister à la réunion, tel que demandé par M. Meggetto, constituait de l’insubordination et justifiait une suspension d’un jour. La suspension a été subie le 2 avril 2004.

PARTIE II – QUESTIONS

37.  Les questions à résoudre dans le cadre de cette procédure sont les suivantes :

  1. Le refus de M. Byfield d’assister à la réunion du 30 mars 2004  constituait-il de l’insubordination?

  2. Le cas échéant, l’imposition d’une suspension d’un jour constituait-elle une mesure disciplinaire appropriée?

PARTIE III – OBSERVATIONS

A.  PRÉOCCUPATIONS CONCERNANT LA CRÉDIBILITÉ DE LA PREUVE FOURNIE PAR M. BYFIELD

38.  Durant leurs réunions sur le plan d’action, M. Meggetto a pris des notes des questions qui y étaient discutées, y compris des tâches que M. Byfield devait accomplir durant la semaine suivante. À la fin de chaque réunion, M. Meggetto a remis les notes à M. Byfield, tout en en conservant une photocopie pour ses propres dossiers (portant la mention « copie pour dossiers »).

39.  Toujours durant la réunion, M. Meggetto prenait des notes personnelles. Il montrait ses notes personnelles à M. Byfield à la fin de chaque réunion, mais M. Byfield n’en a pas reçu une copie avant le 20 mai 2004. M. Byfield ne prenait pas de notes durant la réunion.

40.  Des copies des notes de M. Meggetto provenant de réunions précises ont été déposées comme élément de preuve par le fonctionnaire s’estimant lésé en tant que pièce G-2. Ces notes incluaient les notes dont une copie avait été faite pour les dossiers et qui avaient trait aux réunions du 9 mars et du 19 mars et les notes personnelles de M. Meggetto concernant les réunions du 12 mars et du 19 mars.

41.  Durant son témoignage, M. Byfield a suggéré qu’il y avait des écarts entre les notes dont des copies étaient faites pour les dossiers fournies à la fin de chaque réunion et les notes personnelles de M. Meggetto. Il a allégué que ces écarts dans les notes seraient utilisés contre lui et, par conséquent, a demandé à obtenir des copies des notes pour en vérifier l’exactitude.

42.  Or, le seul écart dans les notes mentionné par M. Byfield durant son témoignage avait trait aux notes de la réunion du vendredi 19 mars. Dans les notes qui lui avaient été fournies par M. Meggetto à la fin de la réunion et dont il avait fait une copie, M. Meggetto conclut en disant [traduction] « la prochaine réunion se tiendra le 26 mars 2004, à 14 h 30 ». Le 26 mars 2004 était un vendredi. Dans ses notes personnelles, M. Meggetto a écrit : « Nous avons convenu de nous rencontrer jeudi prochain à 14h 30. »”

43.  M. Meggetto a témoigné que la note dont il a fait une copie renfermait une simple erreur et que lui-même et M. Byfield avaient convenu de se rencontrer le jeudi 25 mars, à 14 h 30. Cela est conforme aux notes de la réunion du 9 mars dans lesquelles ont lit :

[Traduction]

- « nous avons convenu de nous rencontrer chaque jeudi à 14 h »

- « la semaine prochaine, nous nous rencontrerons le vendredi 19 mars à 14 h »

44.  M. Byfield a témoigné qu’à cause de cet écart apparent dans les notes, il ne réalisait pas qu’il devait le rencontrer le 25 mars.

45.  Malheureusement pour M. Byfield, la preuve montre clairement qu’il n’était pas confus quant à la date de la réunion du 25 mars 2004.

46.  Le témoignage de M. Meggetto confirme également les nombreux échanges de courriels qu’il a eus avec M. Byfield les 24 et 25 mars. Par exemple :

  1. Pièce E-7 – un courriel de M.  Meggetto à M. Byfield envoyé le mercredi 24 mars 2004 à 13 h 33. M. Meggetto fait l’affirmation suivante :

    [Traduction]

    « […] soyez prêt à discuter de votre rencontre avec le vérificateur durant notre réunion demain après-midi et amenez vos notes pour que nous puissions en discuter. »

  2. Pièce E-8 – Dans la réponse de M. Byfield, celui-ci ne s’oppose aucunement à la date de leur prochaine réunion mentionnée par M. Meggetto.

  3. Pièce E-10 – Dans sa réponse à la pièce E-8 envoyée le 24 mars à 14 h 43, M. Meggetto mentionne de nouveau la réunion prévue pour le 25 mars :

    [Traduction]

    « Nous discuterons de vos résultats durant notre réunion demain après-midi. »

  4. Pièce E-11 – M. Byfield répond à la pièce E-10, mais de nouveau ne mentionne pas sa présumée confusion concernant la date de leur prochaine réunion.

47.  Si M. Byfield pensait réellement que leur prochaine réunion aurait lieu le 26 mars plutôt que le 25 mars, il aurait réagi à la claire affirmation de M. Meggetto que la réunion aurait lieu le 25 mars.

48.  Cependant, la preuve la plus accablante concernant le manque de crédibilité de M. Byfield sur ce point est le courriel qu’il a envoyé à M. Meggetto le matin du jeudi 25 mars, lorsqu’il informe M. Meggetto que :

[Traduction]

« Je serai soit au bureau de Barrie, soit en déplacement ou occupé d’une quelconque autre façon la majeure partie de la journée et, par conséquent, je ne pourrai pas vous rencontrer aujourd’hui. »

49.  Ce courriel dissipe tout doute quant à la question de savoir si M. Byfield pensait que la réunion sur le plan d’action devait se tenir le 25 mars. Quoi qu’il en soit, tout au long de son témoignage, M. Byfield a répété son allégation que les notes de M. Meggetto créaient de la confusion dans son esprit et l’avait amené à croire que la réunion se tiendrait le 26 mars.

50.  Lorsque, durant le contre-interrogatoire, on lui a présenté sa propre mention de la réunion prévue pour le 25 mars, M. Byfield n’a pas pu fournir une explication raisonnable pour expliquer l’écart évident avec son témoignage antérieur.

51.  L’employeur suggère que le témoignage de M. Byfield selon lequel il y aurait eu de la confusion concernant la réunion du 25 mars est une fabrication pure et simple.

52.  L’employeur soutient aussi que la fabrication de M. Byfield à cet égard soulève de graves doutes concernant sa crédibilité, non seulement en ce qui concerne sa présumée crainte concernant le déroulement des réunions sur le plan d’action, mais que ces doutes s’étendent aussi à tout son témoignage durant cette procédure.

B.  LE REFUS D’ASSISTER À LA RÉUNION CONSTITUAIT DE L’INSUBORDINATION

53.  La preuve appuie clairement la constatation que la conduite de M. Byfield, en refusant d’assister aux réunions tel que demandé, constituait de l’insubordination.

54.  En particulier, les refus d’assister à la réunion de 9 h 30 le 29 mars 2004 et à celle de 10 h 35 le 30 mars 2004 étaient clairement des actes d’insubordination. Dans les deux cas, l’instruction fournie par M. Meggetto était claire et simple. Les réunions devaient porter sur des questions liées au travail. Elles étaient fixées durant les heures de travail normales de M. Byfield, au lieu de travail habituel de ce dernier.

55.  M. Byfield était au lieu de travail les 29 et 30 mars. Il aurait pu assister aux réunions. Il a tout simplement refusé.

56.  Lorsqu’on a insisté durant le contre-interrogatoire sur la raison pour laquelle il n’a pas assisté aux réunions, M. Byfield a déclaré qu’il [traduction] « avait fait ce qu’il devait faire ». En d’autres termes, il a simplement décidé de ne pas y assister. Selon les observations de l’employeur, la décision de savoir si M. Byfield devait assister aux réunions hebdomadaires était une décision de gestion à prendre par l’employeur, et non pas par M. Byfield.

57.  Il ressort clairement de la preuve fournie par M. Byfield qu’il n’a pas apprécié les tentatives faites par l’employeur de gérer son rendement par la mise en œuvre d’un plan d’action. Il est tout aussi clair que M. Byfield a adopté un comportement visant tout particulièrement à miner la capacité de l’employeur de gérer son rendement, culminant en son refus d’assister aux réunions exigées dans le plan d’action. Un tel comportement, visant tout particulièrement à contrecarrer la capacité d’un gestionnaire de gérer l’employé, est simplement inacceptable et justifie la prise d’une mesure disciplinaire.

58.  La compétence de la Commission concernant le problème de l’insubordination est bien établie. Le refus de suivre un ordre direct, communiqué clairement à l’employé, constitue de l’insubordination. Bien qu’il puisse y avoir des exceptions où la santé et la sécurité de l’employé sont compromises par l’ordre et où l’employé peut soulever une telle préoccupation auprès de l’employeur, en l’espèce, ces circonstances sont tout à fait inexistantes. Même si la Commission accepte la preuve fournie par M. Byfield selon laquelle il a refusé d’assister à la réunion pour des raisons médicales, ces préoccupations n’ont pas été communiquées à M. Meggetto pour justifier son refus d’y participer.

59.  L’employeur soutient que la conduite de M. Byfield en refusant d’assister aux réunions, tel que demandé, constitue de l’insubordination.

C.  LA SUSPENSION D’UN JOUR CONSTITUAIT UNE MESURE DISCIPLINAIRE APPROPRIÉE

60.  Dans la politique sur les mesures disciplinaires de l’employeur, l’insubordination est définie comme suit : [traduction] « Insubordination, y compris l’omission de suivre une instruction ou d’accomplir le travail assigné ». Toujours d’après la politique sur les mesures disciplinaires de l’employeur, la mesure disciplinaire recommandée qu’il faut prendre lorsqu’un employé fait preuve d’insubordination est de lui imposer une suspension allant de un à trente jours.

61.  M. Meggetto a témoigné que M. Renauld, la personne qui détient le pouvoir d’imposer une mesure disciplinaire à M. Byfield, a tenu compte d’au moins deux facteurs atténuants lorsqu’il a pris sa décision concernant la mesure disciplinaire qui s’imposait, à savoir le dossier d’emploi et les états de service de l’employé chez l’employeur. À la lumière de ce facteur. M. Renault a imposé une suspension d’un jour en réponse à l’acte d’insubordination de M. Byfield. Cela représentait la mesure disciplinaire la plus clémente parmi celles recommandées dans la politique sur les mesures disciplinaires de l’employeur, en réponse à un acte d’insubordination.

62.  Dans les arguments de l’employeur, il n’y a pas d’autres facteurs atténuants en l’espèce qui justifieraient que l’employeur s’écarte de l’éventail recommandé des mesures disciplinaires possibles. De plus, tel qu’indiqué plus haut, une suspension d’un jour représente indiscutablement la mesure la moins sévère pouvant être prise dans l’éventail recommandé.

63.  Finalement, un arbitre de grief devrait uniquement inverser une sanction disciplinaire imposée par l’employeur lorsque la sanction était déraisonnable ou erronée. Comme la Commission l’a affirmé dans Hogarth et Conseil du Trésor (Approvisionnement et Services) :

[…] un arbitre ne doit mitiger une mesure disciplinaire que lorsque celle-ci est manifestement déraisonnable ou erronée. Selon moi, l’arbitre ne doit pas intervenir même s’il estime qu’une peine légèrement moins sévère aurait été suffisante. Il est évident que la détermination d’une mesure disciplinaire appropriée est un art et non une science. À ma connaissance, il n’existe aucun critère objectif permettant à un arbitre de dire, dans un cas comme celui-ci, qu’une suspension d’un jour est excessive et qu’une réprimande écrite aurait été plus appropriée. Je ne peux conclure qu’une suspension d’un jour est incontestablement erronée ou déraisonnable ou qu’elle constitue un abus des pouvoirs discrétionnaires dévolus à la direction. J’estime donc que je n’ai aucune raison valable d’annuler la suspension d’un jour que l’employeur a décidé d’infliger à l’employé s’estimant lésé.

64.  Le raisonnement de la Commission dans Hogarth a ensuite été suivi dans No ë l et Conseil du Trésor (DRHC).

65.  L’employeur soutient que la mesure disciplinaire imposée à M. Byfield était raisonnable, compte tenu des circonstances, et ne devrait pas être modifiée par la Commission.

D.  PRÉSUMÉS FACTEURS ATTÉNUANTS

66.  Durant son témoignage, M. Byfield a soulevé plusieurs aspects qui, d’après lui, étaient des circonstances à prendre en considération à l’appui de son argument qu’une suspension d’un jour constituait une sanction trop sévère dans son cas. Ces aspects incluaient les suivants :

  1. un malentendu au sujet du calendrier des réunions;

  2. des problèmes médicaux qui exigeaient que les réunions se tiennent à une fréquence stricte;

  3. ses requêtes répétées pour qu’un représentant assiste aux réunions.

67.  L’employeur a pour position qu’aucune de ces allégations ne constitue un facteur atténuant valide.

1)  M. Meggetto a clairement expliqué sa position en ce qui concernait le calendrier des réunions

68.  M. Byfield a suggéré que son refus d’assister à la réunion du 30 mars s’expliquait en partie par le fait qu’il avait convenu de le rencontrer uniquement les jeudis à 14 h 30. Cependant, M. Meggetto a donné une instruction claire à M. Byfield le 25 mars, formulée comme suit :  [traduction] « Si notre horaire ne nous permet pas de nous rencontrer à la date convenue fixée au jeudi à 14 h 30, nous nous rencontrerons dès que nous pouvons le faire. Je n’accepterai pas de reporter nos réunions hebdomadaires sur le plan d’action. »

69.  Par conséquent, à 16 h 42, l’après-midi du 25 mars (quand M. Byfield a ouvert le message de M. Meggetto renfermant l’explication reproduite ci-dessus), M. Byfield savait quelle était la position de l’employeur en ce qui concernait le calendrier des réunions. À ce moment-là, M. Byfield était libre de déposer un grief en réponse à la claire position adoptée par l’employeur en ce qui concernait le calendrier des réunions. En dépit du fait que M. Byfield ait manifesté une tendance à déposer des griefs en réponse à des présumés actes fautifs commis par l’employeur, dans ce cas-là, il a décidé de ne pas en déposer un. Au lieu de cela, il a simplement refusé d’assister aux réunions.

70.  La conduite de M. Byfield motivée par son désaccord avec le calendrier des réunions ne devrait pas être considérée comme un facteur atténuant dans la détermination d’une mesure disciplinaire appropriée. Au contraire, sa conduite à cet égard montre que M. Byfield a sciemment refusé de tenir compte de la règle établie selon laquelle « le travail est accompli d’abord et les griefs sont déposés plus tard » et vient étayer la décision de l’employeur qu’une suspension était justifiée en l’espèce.

2)  Besoin allégué de M. Byfield que les réunions se tiennent à une fréquence strictement régulière

71.  Dans son témoignage, M. Byfield a laissé entendre qu’il n’avait pas assisté aux réunions parce que son médecin ainsi que son conseiller du Programme d’aide aux employés lui avaient conseillé qu’il ne devrait pas le faire, parce que ces réunions causaient de l’anxiété chez lui.

72.  Toutefois, il n’y a aucune preuve que M. Byfield ait jamais signalé son présumé problème médical à M. Meggetto, même s’il a eu plusieurs occasions de le faire. Chaque fois qu’il a refusé d’assister à une réunion, il avait la possibilité d’invoquer son présumé état médical, et il ne l’a jamais fait. Si, en réalité, on lui avait conseillé de ne pas assister aux réunions pour des raisons médicales, il l’aurait clairement indiqué au moment de ses refus.

73.  En deux mots, la preuve fournie par M. Byfield sur ce point n’est simplement pas convaincante. Son affirmation selon laquelle il avait des raisons médicales pour lesquelles il fallait que les réunions se tiennent strictement les jeudis à 14 h 30 semble manquer de véracité. La preuve fournie par M. Byfield à cet égard, de même que l’élément de preuve concernant la présumée confusion entourant la date de la réunion du 25 mars, soulèvent de graves doutes quant à sa crédibilité. L’employeur suggère que la Commission devrait donner très peu ou pas de poids à l’allégation de M. Byfield qu’il y avait des raisons médicales justifiant son refus d’assister aux réunions.

3)  Les réunions sur le plan d’action avaient trait au travail et n’étaient pas disciplinaires

74.  Lorsqu’il a refusé d’assister à la réunion le matin du 29 mars, M. Byfield a informé M. Meggetto qu’il n’assisterait plus aux réunions sur le plan d’action seul, mais qu’il serait accompagné d’un collègue de son choix.

75.  Si une mesure disciplinaire avait été prise uniquement en raison de ce refus initial de rencontrer M. Meggetto, le désir de M. Byfield d’être accompagné d’un représentant à la réunion aurait pu être un facteur à prendre en considération dans la détermination d’une réaction appropriée de l’employeur. Mais tel n’est pas le cas. Au lieu de cela, M. Meggetto a donné à M. Byfield une autre « possibilité de le rencontrer » et lui a signalé qu’ [traduction] « étant donné que la réunion porte sur des questions liées au travail, vous n’êtes pas autorisé à être accompagné d’un représentant ».

76.  La position de l’employeur était claire. M. Byfield devait assister à la réunion et n’était pas autorisé à y amener un représentant. En réponse à cette claire instruction de l’employeur, M. Byfield a simplement refusé d’obtempérer.

77.  Le comportement de M. Byfield à cet égard n’est pas un facteur atténuant. Au contraire, ces éléments de preuve témoignent d’une attitude de défi sciemment adoptée en réponse à une claire instruction de l’employeur. Un tel comportement mérite une suspension disciplinaire.

E.  CONCLUSION

78.  L’employeur fait valoir respectueusement que le refus de M.  Byfield d’assister aux réunions hebdomadaires sur le plan d’action constituait de l’insubordination.

79.  L’employeur fait valoir respectueusement qu’il n’y a aucun motif justifiant la modification de la suspension d’un jour imposée par l’employeur à M. Byfield pour cause d’insubordination.

80.  L’employeur demande respectueusement que le grief soit rejeté.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

Argumentation de l’agent négociateur

[Traduction]

[…]

Partie I

INTRODUCTION

M. Byfield travaille depuis plus de 12 ans en tant qu’employé à l’Agence du revenu du Canada. Jusqu’en décembre 2003 et avril 2004, il a constamment eu de bonnes évaluations et un dossier du personnel sans tache. En décembre, il a reçu, sans aucun avertissement, une évaluation du rendement précisant qu’il [traduction] « n’a pas atteint l’objectif ». Par conséquent, on lui a remis un plan d’action au sujet duquel il n’avait pas été consulté et qu’il n’a pas signé. Ce plan d’action prévoyait, notamment, des réunions hebdomadaires avec son chef d’équipe.

La période durant laquelle se sont déroulés les événements décrits à l’audience était très courte (de décembre 2003 à avril 2004 – quatre mois). Il s’agissait d’une période isolée et sortant de l’ordinaire pour M. Byfield, une période qu’il n’a pas réellement su comment gérer. 

Il a témoigné qu’il avait peur de perdre son emploi, qu’il avait des problèmes de santé et qu’il ne savait pas quels étaient les objectifs fixés pour lui, de sorte qu’il puisse satisfaire aux attentes plutôt que d’ « échouer ». Il dit que ces problèmes ont été causés directement par le fait qu’on avait dressé un plan d’action qui l’obligeait à assister à des réunions hebdomadaires ayant pour but de surveiller sa « gestion du temps ».

Finalement, après avoir assisté à un certain nombre de réunions obligatoires, ayant demandé et s’étant vu refuser la permission d’être accompagné d’un observateur ou d’un représentant à ces réunions et n’ayant pas établi avec certitude qu’il avait vu toutes les notes prises par ses superviseurs durant les réunions, il ne s’est pas présenté à une réunion, contrairement à l’instruction qu’on lui avait donnée. On a menacé de prendre une mesure disciplinaire à son égard, mais il ne s’est pas présenté à une autre réunion. S’il refusait de s’y présenter, c’était principalement à cause d’un problème de santé et parce qu’ [traduction] « il a fait ce qu’il devait faire » pour se protéger.

Il a été suspendu sans traitement pendant un jour pour cause d’insubordination.

Partie II

LES QUESTIONS

Les questions sont bien résumées dans l’ouvrage Brown and Beatty, sous [traduction] Sanctions disciplinaires, 7:4000, pages 7 à 178 :

[Traduction]

En réponse à tout grief présenté par un employé pour contester le caractère approprié d’une sanction disciplinaire, les arbitres et les tribunaux conviennent qu’il y a deux questions distinctes mais nécessairement reliées entre elles sur lesquelles il faut se pencher. En premier lieu, il faut déterminer si l’employeur avait de bons motifs pour discipliner l’employé, puis il faut déterminer séparément si la punition imposée était appropriée. En ce qui concerne la question de la cause, l’arbitre doit être convaincu que le plaignant a fait ce qui, d’après l’employeur, justifiait l’exercice de ses pouvoirs disciplinaires et que la conduite était de nature à mériter une punition. Dans les cas où ces deux conditions sont satisfaites, les arbitres ont uniformément interprété leur mandat […] comme consistant à évaluer l’équité d’une sanction particulière imposée. Si l’arbitre conclut que la sanction décidée par l’employeur n’est pas juste et raisonnable dans toutes les circonstances, il doit y substituer une sanction qui l’est. »

Partie III

PREMIÈRE QUESTION

Q.  L’employeur avait-il des raisons de discipliner l’employé?
R.  M. Byfield a-t-il fait ce qui, d’après l’employeur, justifiait la prise d’une mesure disciplinaire?

M. Byfield n’a pas contesté le fait qu’il n’a pas assisté à une réunion fixée par son superviseur au lundi 29 mars, à 9 h 30. Il ne s’est pas présenté à une réunion fixée par son superviseur plus tard cette journée-là et de nouveau le 30 mars. A priori, il y a insubordination. Donc, la question qu’il faut se poser est la suivante : Compte tenu de toutes les circonstances, la conduite de M. Byfield justifiait-elle une mesure disciplinaire?

B.La conduite de M. Byfield justifiait-elle une mesure disciplinaire?

Si l’on examine l’entier scénario, la position adoptée par le fonctionnaire s’estimant lésé est que, dans d’autres situations impliquant d’autres employés, cette conduite pourrait justifier la prise d’une mesure disciplinaire, mais à la lumière de l’ensemble des faits en l’espèce, il n’était pas nécessaire de le discipliner lui. Dans ce cas-ci, la prise d’une mesure disciplinaire représente simplement un étalage de pouvoir, exercé sans aucune raison, autre que de punir.

Tel que noté dans l’introduction, M. Byfield avait plus de 12 années de service et un dossier irréprochable au moment où il a reçu l’avis disciplinaire. Il n’avait jamais fait l’objet d’aucune mesure administrative ou disciplinaire, et n’avait élevé aucune contestation.

Il accomplissait son travail d’année en année et les gens semblaient assez satisfaits de son travail jusqu’en décembre 2003. Il a témoigné qu’il n’avait reçu aucun avertissement durant cette période selon lequel son rendement n’aurait pas été suffisant. À vrai dire, selon toutes les indications, il était fort respecté dans son travail. Il a subi un grave choc lorsqu’il a reçu une évaluation du rendement qui précisait qu’il « n’a pas atteint son objectif ». Des aspects (qui n’avaient jamais présenté un problème avant), comme les cotisations au civil, devenaient un problème tout à coup. L’employeur n’a jamais indiqué à M. Byfield si c’était parce que la méthode d’évaluation avait été modifiée, parce que l’évaluation était plus rigoureuse ou parce qu’il voulait juste que M. Stephen Byfield travaille plus fort.

M. Byfield a témoigné que les réunions hebdomadaires auxquelles il s’opposait résultaient d’un plan d’action, dressé à la suite d’une évaluation du rendement insatisfaisante, ce qui l’a pris par surprise. Le fait que M. Byfield ne s’y attendait pas n’a pas été contredit.

Partie III

PREMIÈRE QUESTION (suite)

Durant son témoignage, M. Byfield a fourni une explication crédible de la raison pour laquelle le plan d’action lui faisait peur. Sur le dessus du plan d’action, on précisait que l’employeur pouvait mettre fin à son emploi, mais nulle part il n’y avait un instrument de mesure lui permettant de savoir comment il progressait. Et durant les réunions hebdomadaires auxquelles il a assisté, personne ne lui a dit comment il progressait ou comment son rendement était mesuré.

M. Byfield était-il naïf lorsqu’il pensait qu’ils voulaient le congédier? M. Meggetto a dit qu’il lui semblait toujours difficile de renvoyer quelqu’un dans la fonction publique. M. Byfield n’avait pas cette impression et c’était M. Byfield qui était visé par le plan d’action, et non pas M. Meggetto.

D’après la preuve fournie par M. Byfield, les premières réunions qu’il a eues avec M. Villella ont servi uniquement à confirmer que quelque chose n’allait pas. Il a témoigné qu’il a été maltraité par M. Villella. Il a écrit à M. Renaud et lui a dit qu’il était maltraité (G-7). Dans le même courriel, il a affirmé qu’il a dû aller voir un médecin à cause des réunions. Finalement, il a déposé une plainte de harcèlement.

L’avocat de l’employeur tente de se servir de plusieurs échanges de courriels pour montrer que les éléments de preuve fournis par M. Byfield ne devraient pas être considérés comme crédibles. Mais il oublie que M. Byfield a déclaré honnêtement que Jack Meggetto l’a traité différemment qu’Angelo Villella. Il y avait d’importantes différences entre le style des deux hommes.

Toutefois, M. Byfield a continué à avoir des préoccupations au sujet des réunions et vers où elles se dirigeaient. Il s’inquiétait de la prise de notes par Jack Meggetto (notes qu’il a uniquement reçues après les faits, le 20 mai) et de la rétroaction individuelle sur sa progression. Il s’inquiétait du fait qu’ils n’approuvaient pas les notes ensemble, ce qui l’aurait rassuré quant à la divergence entre les notes, problème qu’il avait soulevé. L’erreur faite par M. Meggetto en ce qui concernait la date de la réunion (le 25 ou le 26 mars) illustre le point que M. Byfield a soulevé.

M. Meggetto était chef d’équipe par intérim lorsque se sont déroulés les incidents que nous décrivons. C’était un nouveau poste pour lui et, même s’il avait été chef d’équipe auparavant, il en était à sa première expérience en tant que MG05. Il a déclaré qu’il n’avait pas d’expérience en ce qui concernait l’examen de gestion du rendement de l’employé. 

Partie III

PREMIÈRE QUESTION (suite)

Durant le contre-interrogatoire, M. Meggetto ne semblait pas savoir comment il mesurerait le rendement de M. Byfield dans le plan d’action. Il n’a fourni aucun plan précisant comment il déterminerait si M. Byfield satisfait ou non de façon adéquate aux besoins énoncés dans le plan d’action. Il a dit qu’à la fin d’août 2004, il y aurait un rapport d’étape sur le rendement de Stephen Byfield. Il semblait être sûr d’une chose, c’est qu’il fallait se rencontrer chaque semaine, comme l’exigeait le plan d’action. Et pourtant, lorsqu’on lui a demandé ce qui se serait produit s’ils ne se rencontraient pas, il a répondu qu’il ne le savait pas, sauf que le plan d’action n’aurait pas été respecté.

L’établissement d’un « plan d’action » et la tenue de réunions toutes les semaines étaient considérés comme des éléments essentiels pour améliorer le rendement de M. Byfield, de l’avis de M. Meggetto. Or, le plan d’action et les réunions hebdomadaires ont été abandonnés lorsque M. Byfield  a été muté de l’équipe de M. Meggetto au Bureau des services fiscaux de Scarborough Est. Une fois rendu à ce bureau, et sans l’avantage d’un plan d’action ou de réunions hebdomadaires, M. Byfield a très bien réussi à accomplir ses fonctions (pièce G-9).

Comme l’a déclaré M. Meggetto, ces réunions avaient pour but d’« aider » M. Byfield à améliorer son rendement. Si elles étaient censées réellement aider, la question qu’il faut se poser est alors la suivante : Pourquoi ne l’a-t-on pas consulté au moment de l’établissement du plan d’action et au sujet des réunions hebdomadaires? Lorsque des questions ont été soulevées par M. Byfield quant à l’utilité des réunions, pourquoi la direction n’a-t-elle pas cherché à régler ces questions ou à y répondre? M. Byfield n’a jamais remis en question le droit de l’employeur d’imposer des plans d’action aux gens. Il contestait plutôt la façon dont étaient menées les réunions hebdomadaires sur le plan d’action et leur but.

[Traduction] « Exceptions » et 7:3620, Brown and Beatty, pages 7 à 154 :

[Traduction]

« […] En outre,certains arbitres appliquent une approche équilibrée et invoquent ce qui a été qualifié d’exception dite de « tort disproportionné », en adoptant le point de vue que lorsqu’un refus d’obéir ne compromet pas sérieusement la capacité de l’employeur de maintenir sa production ou ne conteste pas sérieusement son pouvoir symbolique, la conduite du plaignant ne devrait pas être considérée comme de l’insubordination. » 

L’employeur n’a présenté aucun élément de preuve selon lequel il y aurait eu une interruption de sa production, ni a-t-il déposé d’élément de preuve montrant la façon dont l’intégrité de l’ARC aurait été sapée par le geste posé par M. Byfield. M. Meggetto n’était même pas suffisamment inquiet pour rester à la réunion où on décidait de la mesure disciplinaire à imposer et il n’a pas contribué au processus disciplinaire.

Partie III

PREMIÈRE QUESTION (suite)

Le fait pour M. Byfield de ne pas assister à la réunion n’était pas une quelconque manifestation de mauvaise humeur ayant pour but de dénigrer les gestionnaires à l’ARC, mais plutôt, comme il l’a déclaré durant son témoignage, [traduction] « c’était un acte d’autopréservation ». Il n’est pas allé crier son acte de rébellion sur tous les toits, ni a-t-il cherché à obtenir un soutien dans son opposition au pouvoir de M. Meggetto. Ses gestes sont restés nettement dans les limites des mécanismes appropriés (syndicat, PAE, médecin, chef d’équipe, gestionnaire et Ressources humaines). Il n’a jamais tenté de faire en sorte que M. Meggetto paraisse ridicule ou se sente ainsi devant les autres et n’a jamais essayé de miner le pouvoir de M. Meggetto. M. Byfield n’a pas tenu des propos sarcastiques, injurieux ou blasphématoires. Il n’a pas juré et n’a poussé personne. C’est vrai qu’il a essayé d’éviter de rencontrer M. Meggetto, sauf à des moments précis.

De plus, l’omission de M. Byfield de se présenter aux réunions tel qu’on le lui avait demandé n’a causé aucune perturbation. Il n’a pas tenté de dénigrer ni l’organisation ni le superviseur. M. Byfield n’a refusé aucun service, aucune activité ou aucun devoir envers le public. Les contribuables n’ont pas été mis en danger ni ont-ils souffert d’une quelconque façon.

Il y a lieu également de tenir compte du fait que l’employé tentait de communiquer avec la direction pour les informer qu’ils s’opposaient aux réunions et pourquoi. Ces réunions ne se déroulaient pas de façon constructive, et il voulait qu’on établisse des règles claires, que les réunions se tiennent à une heure régulière et qu’un observateur l’accompagne. Il l’a exprimé en empruntant différentes voies de communication (discussions avec les Ressources humaines, le syndicat et M. Renaud, courriels et discussions avec ses chefs d’équipe).

Il a présenté un grief en réponse à son évaluation du rendement et le plan d’action qui y était joint et a déposé une plainte de harcèlement. Il a contesté la décision de l’employeur de ne pas lui permettre d’être accompagné d’un observateur aux réunions. Il a déposé un grief en réponse à ce qu’il considérait comme un traitement discriminatoire en rapport avec son utilisation de congés de maladie. Il a rencontré la direction, les Ressources humaines et le syndicat. Les gens savaient qu’il s’agissait d’un problème, mais toutes les portes étaient fermées. Ses griefs ont été rejetés à l’interne, et ce jusqu’au palier supérieur de la procédure. On a statué sur sa plainte de harcèlement une fois qu’il était trop tard et, à ce moment-là, elle ne semblait pas fondée. Il n’avait pas le droit d’être accompagné d’observateurs parce que les réunions n’étaient pas à caractère disciplinaire.

Lors d’un certain nombre de réunions hebdomadaires auxquelles il a assisté, il a fourni des suggestions concrètes sur la façon dont il pensait qu’on pourrait les rendre plus productives. C’est seulement après avoir assisté à une série de réunions qu’il ne s’est pas présenté à une autre. Il s’agissait d’un incident isolé après une série prolongée de réunions. Il a agi par frustration et après avoir eu le sentiment qu’il avait épuisé toutes les autres voies.

Partie III

PREMIÈRE QUESTION (suite)

Bien qu’il soit vrai que le cas de M. Byfield ne puisse faire l’objet de l’une des exceptions « continuer à travailler, déposer un grief plus tard », il est vrai également que M. Byfield a fait toutes sortes d’efforts sans obtenir de résultat pour faire connaître ses préoccupations, notamment par la tenue de réunions spéciales, le recours à la procédure de traitement des griefs et l’application de la politique sur le harcèlement. Même si M. Byfield a exprimé énergiquement son déplaisir durant cette période, je ne puis être d’accord avec la caractérisation de l’employeur selon laquelle M. Byfield avait une « tendance » (paragraphe 69) à déposer des griefs. Il s’agit juste d’une autre tentative de donner l’impression que M. Byfield est le genre de personne qui s’obstine sans arrêt ou qui est toujours en difficulté ou en train de se plaindre. Lorsqu’on examine son dossier, on constate que c’est exactement l’opposé qui est vrai.

[Traduction] « Excuses personnelles raisonnables », Brown and Beatty, 7:3626, pages 7 à 169 :

[Traduction]

« Que le refus de travailler d’un employé soit considéré comme justifié peut également dépendre du comportement de l’employeur. Par conséquent, par exemple, lorsqu’un employeur provoque un employé et l’encourage ainsi à refuser d’obéir à ses instructions, on a statué que même si, techniquement parlant, il faisait preuve d’insubordination, cet employé ne méritait pas une grave sanction disciplinaire. »

Le fonctionnaire s’estimant lésé a comme position que le comportement de l’employeur, dans ce cas-ci, expliquait, du moins en partie, la conduite de l’employé. Le fonctionnaire s’estimant lésé a également comme position que ses supérieurs, en n’essayant pas de répondre à ses préoccupations lorsqu’il les a soulevées, en lui donnant des réponses évasives et en accordant aux réunions hebdomadaires l’importance qu’ils y ont accordée (disons par opposition à la formulation d’une norme de mesure), l’ont frustré à un tel point qu’il a commis un acte déraisonnable.

Partie  V

DEUXIÈME QUESTION

S’il était coupable d’inconduite, la sanction était-elle appropriée?

[Traduction] « État d’esprit des employés », Brown and Beatty, 7:4424, pages 7 à 242.1:-

[Traduction]

« Un facteur atténuant relié étroitement au potentiel d’un employé de modifier son comportement est l’intention et l’état d’esprit de l’employé au moment de la présumée infraction. Un acte fautif prémédité ou persistant est toujours considéré comme pire que des écarts passagers et ceux commis sans malveillance. Cela est particulièrement vrai lorsqu’on allègue qu’un employé a commis de la fraude ou a usurpé ou contesté le pouvoir de l’employeur. Inversement, lorsque la conduite du plaignant a été déclenchée ou affectée d’une quelconque façon par une erreur raisonnable et authentique, des problèmes familiaux et émotionnels, un problème médical, des instructions erronées d’un supérieur, la consommation d’alcool ou de drogue, le jeu ou une provocation de clients ou d’autres employés, les arbitres ont, pour ces raisons et des raisons analogues, modifié la sanction disciplinaire imposée. »

Selon l’arbitre, s’il y a une constatation d’insubordination, alors, la sanction logique et appropriée en l’espèce serait non pas d’imposer une suspension mais plutôt de communiquer une réprimande écrite à l’employé. Nous suggérons cette mesure pour un certain nombre de raisons.

  1. La gravité de la mesure disciplinaire sélectionnée :

    L’imposition d’une suspension d’un jour par opposition à la communication d’une réprimande écrite, mesure tout à fait acceptable, n’a pas été expliquée par le décideur ni y a-t-il de preuve justifiant cette décision. Pourquoi a-t-on laissé M. Renaud prendre cette décision sans que le gestionnaire fournisse son avis à ce sujet?

  2. L’employeur n’a pas présenté l’avis disciplinaire en tant que preuve :

    M. Renaud, à qui la responsabilité avait été déléguée, a approuvé la mesure disciplinaire. Il n’a pas expliqué au tribunal comment il en était arrivé à sa décision. M. Meggetto a témoigné qu’il n’accordait pas la préférence à l’une ou à l’autre option. Fait étrange, M. Meggetto, le gestionnaire insulté par le comportement de M. Byfield n’a assisté qu’à une partie de la réunion où l’on a discuté de la mesure disciplinaire à imposer. Il a témoigné qu’il savait que M. Renaud avait examiné deux facteurs atténuants : 1) le dossier d’emploi de M. Byfield; et 2) les états de service chez l’employeur. Mais il n’a pas pu dire quelle était la place qu’occupait l’examen par M. Renaud des longs états de service et du dossier irréprochable de M. Byfield dans l’évaluation globale de la sanction.

    Partie V

    DEUXIÈME QUESTION (suite)

  3. La pièce E-27 est la politique sur les mesures disciplinaires de l’ARC qui, d’après l’employeur, a été utilisée pour aider à décider de la gravité de la sanction à imposer à M. Byfield. Dans son argumentation, l’avocat de l’employeur nous a renvoyés à un passage de ce document à la page 16 « C » :

    [Traduction] « Une suspension d’un jour constituait une mesure disciplinaire appropriée », paragraphe 60. Dans la politique sur les mesures disciplinaires de l’employeur, l’insubordination est décrite comme suit : [traduction] « Insubordination, y compris l’omission de suivre une instruction ou d’accomplir le travail assigné ». Selon la politique sur les mesures disciplinaires de l’employé, la mesure disciplinaire recommandée lorsqu’un employé fait preuve d’insubordination est une suspension pour une période allant de 1 à 30 jours. L’employeur a pour position que la suspension d’un jour [traduction] « constituait la mesure disciplinaire la plus clémente parmi celles recommandées dans la politique sur les mesures disciplinaires de l’employeur ». Mais ce qui est absent dans cette approche de l’employeur est que son document inclut aussi quelques autres mesures qui sont également des mesures normalisées dans la fonction publique en général et dans d’autres administrations visées par le droit du travail. Au haut de la page 9 (les pages ne sont pas numérotées), on lit ceci :

    [Traduction]

    « Le choix d’une mesure disciplinaire appropriée » doit être basé sur les caractéristiques de chaque cas et doit être constructive en ce sens qu’elle doit avoir pour but de corriger le comportement plutôt que de le punir. »

    Nous soutenons que, compte tenu des circonstances du cas, cette sanction est punitive et non pas correctrice. Un avertissement écrit aurait suffit et aurait permis de corriger le comportement. Personne n’aurait douté de ce qui suivrait. Cela aurait peut-être aidé M. Byfield à faire le nécessaire.

    L’argumentation de l’avocat me donne l’impression qu’il croit que ce que M. Byfield faisait était « de contrecarrer » les tentatives de l’employeur de gérer son rendement. Cependant, M. Byfield a dit qu’il était en mode d’autopréservation. Quelle que soit la vérité, un simple avertissement écrit traditionnel décrivant explicitement les attentes de l’employeur aurait été une solution pratique et aurait pu aider les deux parties. Nous avons pour position que l’employeur était fâché contre M. Byfield et qu’il voulait lui donner une leçon et qu’il a eu recours à une mesure disciplinaire nettement plus sévère que nécessaire.

    Partie V

    DEUXIÈME QUESTION (suite)

    Et le prochain paragraphe précise ce qui suit :

    [Traduction]

    L’approche progressive en matière de discipline repose sur le principe qu’un employeur a le devoir d’avertir un employé de la gravité de son comportement et de l’effet que celui-ci pourrait avoir sur son dossier d’emploi. Étant donné que la discipline a pour but de corriger et non pas de punir, elle donne à l’employé la possibilité d’agir et de corriger le comportement inacceptable. Les mesures correctrices successives qui peuvent être imposées sont de plus en plus sévères et sont définies comme des mesures disciplinaires progressives. La sanction ultime est le congédiement. »

    Cela ne signifie évidemment pas et nous ne l’interprétons pas ainsi qu’il n’y aura jamais une situation qui ne justifie pas l’imposition directe d’une suspension. Dans le cas d’un employé ayant 12 ans d’ancienneté, qui n’a jamais commis d’acte répréhensible et qui risque d’être un peu naïf quant au fonctionnement du processus disciplinaire, les pourcentages appuient assurément la communication d’un avertissement écrit d’abord.

    Ce n’est pas comme si on ne comprenait pas pourquoi, tout à coup, un employé qui n’avait jamais eu de problèmes éprouvait des problèmes. Il y avait de nombreux indicateurs comme sa santé, un nombre plus élevé qu’à l’ordinaire de congés de maladie, sa peur, le fait qu’il ne respectait par le plan d’action et ses requêtes visant à obtenir les notes des réunions, à être accompagné aux réunions et à faire appliquer un critère de mesure connu. La direction savait qu’après avoir eu un certain comportement pendant 12 ans, M. Byfield manifestait un autre genre de comportement.

    La réprimande écrite est définie à la page 10 du même document sous la rubrique c) [traduction] Types de mesures disciplinaires, par ordre de gravité :

    [Traduction]

    « […] Réprimande écrite -

    « Un avis confidentiel écrit communiqué à l’employé pour lui expliquer la nature de son inconduite. Le but est de définir clairement les attentes vis-à-vis de l’employé et les conséquences de la poursuite de l’inconduite. Une copie de la réprimande est versée au dossier de l’employé aux Ressources humaines. Si des mesures disciplinaires plus sévères s’avéraient nécessaires plus tard, la réprimande versée aux dossiers constitue une preuve que l’employé a été informé des attentes et des conséquences de la poursuite de son inconduite. »

    Partie  V

    DEUXIÈME QUESION (suite)

  4. L’employeur et les facteurs atténuants

    La position de M. Meggetto est qu’au moins 2 des 13 facteurs énumérés dans une liste de facteurs atténuants ont été pris en considération (page 17, pièce E-27), soit son bon dossier d’emploi et ses longs états de service. Or, aucune preuve n’a été présentée à l’audience pour montrer que M. Byfield n’avait autre chose qu’un dossier d’emploi satisfaisant. Son bon rendement ne se limitait pas à une seule année, mais s’étalait plutôt sur une longue période de service (12 ans), le deuxième facteur atténuant.

    Comment la prise en considération de ces deux facteurs à eux seuls a-t-elle abouti à une suspension par opposition à une lettre d’avertissement ou une lettre de réprimande? Personne ne le sait? L’employeur suggère-t-il que cet incident, sans versement d’une lettre d’avertissement aux dossiers, justifiait en réalité une suspension sans traitement de trois jours, mais qu’à cause des deux facteurs atténuants pris en considération, elle a été ramenée à un seul jour? Personne ne le sait.

    À tout le moins, l’employeur est tenu de justifier la sévérité de la mesure disciplinaire. Et alors que l’avocat de l’employeur, dans ses arguments, a émis une hypothèse quant à la façon dont on est arrivé à cette décision, nous n’avons entendu aucune preuve appuyant son hypothèse. Il fait valoir que la sanction constituait la mesure disciplinaire la plus clémente parmi celles recommandées dans la politique sur les mesures disciplinaires de l’employeur. Cela peut sembler vrai a priori, mais cela n’a aucun sens. Si l’on suit sa logique, toute personne coupable d’insubordination d’après l’employeur, quels que soient les facteurs atténuants, devrait se voir imposer au minimum une suspension d’un jour.

  5. Autres facteurs atténuants

    Au point 3, on trouve le facteur suivant : [traduction] «   le caractère isolé de l’incident durant une carrière sans aucun autre problème ». A-t-on tenu compte de cet aspect, à la lumière des longs états de service et du dossier sans tache de l’employé? La position du fonctionnaire s’estimant lésé est que ce facteur atténuant en soi laisse supposer qu’il aurait convenu de communiquer une lettre de réprimande plutôt que d’imposer une suspension. Si un employé ayant un bon rendement depuis longtemps se trouve dans une situation où il y a un risque de grave inconduite, à ce moment-là, l’employeur devrait le prévenir. Dans pareil cas, le raisonnement serait comme suit : « Il s’agit d’une situation nouvelle pour l’employé, et il se peut qu’il ne la comprenne pas. Nous devrions l’informer clairement par écrit de nos attentes et des conséquences d’autres gestes similaires. »

    Partie V

    DEUXIÈME QUESTION (suite)

    Provocation (point no 4)

    En ne l’écoutant pas et en ne tenant pas des réunions qui, de l’avis de toutes les parties, étaient constructives et utiles, en insistant que les réunions se déroulent d’une façon qui ne permettait pas à M. Byfield de réellement y contribuer et en ne répondant pas à la suggestion de M. Byfield que les réunions le rendaient malade, ses supérieurs l’ont frustré. Ils sont, du moins en partie, à blâmer pour son inconduite. Il s’agit d’un important facteur atténuant. S’il s’est mal conduit, M. Byfield ne l’a pas fait dans un « état d’esprit  blâmable » ni visait-il à miner le pouvoir par son inconduite. Toute inconduite commise l’était à cause de pure frustration et je pense que la pièce E-22 le montre très clairement, de même que le langage qu’il a utilisé pour défendre ses actes.

    Absence de préméditation (point no 6)

    Il s’agit d’un facteur qui aurait dû être pris en considération. La décision de ne pas assister aux réunions n’était pas préméditée. M. Byfield a pris un certain temps pour répondre au souhait de M. Meggetto de le rencontrer le 29 mars. M. Byfield a dit qu’il était bouleversé par le moment auquel la réunion avait été fixée et voulait se calmer. Il semblerait que l’avocat de l’employeur et moi-même soyons d’accord sur un point, c’est-à-dire que sa réponse n’était pas calme lorsqu’il l’a transmise. M. Byfield n’a pas comploté de ne pas assister aux réunions, il a essayé de les fixer et les a fixées à un moment qui lui convenait et d’une manière qui l’aiderait. 

    Gravité relative (point no 7)

    Un important aspect dans le contexte des facteurs atténuants est le suivant : [traduction] « la gravité relative de l’infraction par rapport aux politiques, au mandat et aux obligations de l’organisation » . Bien que je ne remette pas en question le droit de la direction de gérer, ce point porte sur la gravité de l’incident et son impact. J’examine des cas d’interruption de la production ailleurs, mais lorsque j’examine les gestes de M. Byfield du point de vue des politiques de gestion et « du mandat et des obligations », je trouve que cet incident est relativement inoffensif, et n’a eu qu’un faible impact. Tel que mentionné plus tôt, M. Byfield a précisé qu’il ne s’opposait pas aux plans d’action ou à l’application de ceux-ci par la direction et qu’il voulait juste que les plans d’action soient productifs et utiles.

    Partie VI

    PREUVE ET CRÉDIBILITÉ

  6. Au paragraphe 57, l’employeur ne fournit aucune preuve précise à l’audience appuyant son affirmation qu’  [traduction] « il est tout aussi clair que M. Byfield a adopté un comportement visant tout particulièrement à miner la capacité de l’employeur de gérer son rendement, culminant en son refus d’assister aux réunions exigées dans le plan d’action. »

    La position du fonctionnaire s’estimant lésé est qu’en réalité, comme l’a confirmé M. Meggetto durant le contre-interrogatoire, il y avait un certain degré de coopération venant de lui en dépit des difficultés qui entouraient les réunions hebdomadaires.

  7. L’employeur a fait valoir que la confusion de M. Byfield entourant la réunion du 25 mars relevait de la pure fabrication (paragraphe 51). Il soutient aussi au paragraphe 52 que [traduction] « tout son témoignage » est suspect à cause de cette [traduction] « fabrication ».

    À quelle fabrication fait-il allusion? Sauf votre respect, l’employeur montre une série de courriels et fournit sa propre analyse psychologique de M. Byfield et des manières dont il aurait réagi s’il avait cru telle ou telle chose (paragraphe 47). Le fonctionnaire s’estimant lésé ne conteste pas la preuve fournie par M. Meggetto quand il affirme avoir commis une erreur lorsqu’il a inscrit et donné à M. Byfield la mauvaise date de réunion. M. Byfield affirme que cela a causé de la confusion.

    Au paragraphe 48, la position de l’employeur est que, d’une façon ou d’une autre, le courriel de M. Byfield nuit à sa crédibilité. Or, c’est à cause du moment de l’envoi. Il est vrai qu’au moment où il a écrit ce courriel, il savait que M. Meggetto croyait que la réunion se tenait cette journée-là.

  8. Manifestement, la crédibilité est importante. Mais en tentant de répondre à des questions au sujet d’une série de courriels qui datent d’il y a plus de deux ans, rédigés avant l’incident proprement dit à l’origine de l’accusation disciplinaire, il risque d’y avoir de l’incertitude quant au moment de l’envoi. M. Meggetto a témoigné que, parfois, il préparait des courriels et les envoyait plus tard. Cela risque de ne pas constituer le meilleur critère pour déterminer la crédibilité d’un témoin. M. Byfield était absolument candide quant à la raison pour laquelle il refusait de se rendre à la réunion. Il a essayé d’expliquer que les réunions lui causaient problème et comment, d’après lui, elles pourraient être améliorées.

    Partie VII

    JURISPRUDENCE

  9. Plaidoiries de l’employeur

    Noël et Conseil du Trésor, 2002

    Dans ce cas-là, l’arbitre accepte le raisonnement que l’on retrouve dans la décision relative à l’affaire Hogarth. Comme celui-ci, le cas No ë l porte sur une question liée à la production. Il s’agissait du refus de clore un dossier et d’une tentative faite par un employé d’ordonner à son gestionnaire de garder le dossier ouvert. Rien de la sorte ne s’est produit dans le cas Byfield.

    Imperatore et Conseil du Trésor, 1998

    Dans ce cas-ci, l’arbitre rejette le grief après avoir examiné quelques « critères objectifs », à savoir le dossier de l’employé et ses états de service. Il affirme que  parce que l’employeur a tenu compte de ces éléments et parce que le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu un avertissement écrit le 13 juillet, soit environ un mois auparavant, il serait peu approprié de substituer à la sanction une sanction moins sévère. Cela laisse sous-entendre que si un avertissement n’avait pas été émis et que si l’on n’avait pas examiné les facteurs atténuants, l’arbitre aurait pu en arriver à une conclusion opposée. C’est exactement ce que nous affirmons dans le cas Byfield; il faut examiner les facteurs atténuants et le dossier de l’employé.

    Nowoselsky et Conseil du Trésor, 1984

    Dans ce cas, la suspension de trois jours a été maintenue en partie pour la raison suivante : « il [l’employé s’estimant lésé] avait déjà reçu une suspension d’un jour que j’ai maintenue » (dernier paragraphe de la dé cision).

    Hogarth et Conseil du Trésor, 1987

    Dans ce cas, l’arbitre a décidé qu’« il n’existe aucun critère objectif permettant à un arbitre de dire, dans un cas comme celui-ci, qu’une suspension d’un jour est excessive et qu’une réprimande écrite aurait été plus appropriée » (Je souligne). M. Bendel fait preuve de prudence en ajoutant « dans un cas comme celui-ci ».

    Ce cas se distingue du cas Byfield à plusieurs égards.

    Dans Hogarth, le pouvoir du superviseur a été remis en question, alors que d’autres employés étaient aux alentours et pouvaient entendre l’incident, ce qui risquait de miner le pouvoir du superviseur auprès d’autres employés. Du fait que d’autres membres du groupe écoutaient, le superviseur a dû agir pour maintenir son pouvoir.

Partie VII

JURISPRUDENCE (suite)

Ce qui est plus important (dans ce cas-là par opposition au cas de Byfield) c’est qu’un ordre de travail effectif avait été donné et consistait à produire quelque chose dans un délai. Le superviseur avait connaissance d’une situation qui nécessitait une action pour respecter un engagement, ce qu’il a expliqué au fonctionnaire s’estimant lésé. Il y a eu une épreuve de force entre ces deux personnes pour ce qui était des priorités de production, devant les autres employés. Il n’en était pas ainsi dans Byfield, où la question n’avait pas trait à un aspect de la production, où le problème n’avait pas un impact immédiat et où l’incident n’avait pas lieu au vu et au su d’autres employés.

Étant donné que la sanction avait déjà été réduite de trois jours à un jour, dans ce cas-ci, l’arbitre aurait peut-être encore plus hésité à la réduire davantage.

Un autre facteur important est que tandis que M. Bendel n’avait connaissance d’aucun « critère objectif », c’est notre position en l’espèce qu’il y a des critères objectifs, qui sont énoncés dans la pièce E-27 et qui ont été décrits plus haut. Notre argument présenté plus haut (facteurs atténuants) est qu’il y a en l’espèce un « fondement approprié » pour modifier la sanction.

  1. Plaidoiries du fonctionnaire s’estimant lésé

    Tous ces cas ont trait à la question de la sanction. Aucun de ces cas n’est identique au cas qui nous intéresse du point de vue des faits, mais ils illustrent une tendance. Même dans les cas portant sur des suspensions mineures d’un jour, certains arbitres ont décidé d’intervenir et de réduire la sanction en appliquant ce qui constituait d’après eux des critères objectifs. Et dans certains cas, lorsqu’ils ont décidé de ne pas réduire la sanction, ils ont fourni des raisons concrètes pour cela, une suspension antérieure étant l’un des facteurs décisifs.

    Lambert et Conseil du Trésor (Agriculture Canada) dossier de laCRTFP 166-2-24197®. Labelle), 1994

    Grief rejeté – Le fonctionnaire s’estimant lésé avait déjà reçu une réprimande écrite pour une certaine forme d’inconduite et, par conséquent, la suspension d’un jour a été maintenue. L’arbitre a vérifié le dossier pour y trouver un point de référence. Cette décision a été rendue après la décision dans l’affaire Hogarth et montre qu’alors que M. Potter, au moment de la prise de la décision dans l’affaire No e l, était porté à se référer à l’affaire Hogarth, d’autres arbitres ont utilisé d’autres critères.

Partie VII

JURISPRUDENCE (suite)

Odusanya et Conseil du Trésor (Défense nationale) – dossier de la CRTFP 166-2-25179 (Tenace), 1994

Grief rejeté – Mais dans l’avant-dernier paragraphe de la décision, l’arbitre écrit ceci :

« Pour ce qui est de la peine imposée, si le fonctionnaire n’avait aucun antécédent disciplinaire, je serais porté à ramener la suspension à une réprimande écrite. Or la preuve montre que M. Odusanya avait déjà reçu une réprimande écrite environ une année auparavant. Dans les circonstances, l’imposition d’une suspension d’une journée sans traitement ne m’apparaît donc pas déraisonnable. »

Cette décision  été rendue après le cas Hogarth.

Chafe et Conseil du Trésor (Agence du revenu du Canada) – dossier de la CRTFP 166-2-12639 (S.J. Frankel), 1982

Grief maintenu en partie – Dans ce cas, même si l’arbitre a décidé qu’il y avait eu insubordination en raison d’un comportement taquineur, il affirme au paragraphe 27 ce qui suit :

« S’il s’était agi d’un incident isolé, d’un premier délit de ce genre de la part de M. Chafe, cela aurait mérité tout au plus une réprimande écrite. Or, le dossier disciplinaire de M. Chafe contient déjà deux réprimandes écrites pour propos et comportement injurieux à l’endroit des supérieurs. »

Une autre suspension a fait l’objet d’un grief dont l’arbitrage est encore au rôle. Puis, l’arbitre rend la décision suivante :

« En tenant compte de ces facteurs et du caractère plutôt anodin de l’incident qui a donné lieu à la présente procédure, j’estime qu’une suspension de deux jours est excessive. Par conséquent, je réduirais cette suspension à un jour. »

Roy et Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada) – dossier de la CRTFP 166-2-14522 (L.Mitchell), 1985

À mon avis, parmi les différents cas que j’ai cités, celui-ci ressemble le plus au cas Byfield.

Partie VII

JURISPRUDENCE (suite)

Il s’agit d’un employé qui travaille depuis longtemps au ministère et qui a un bon dossier, et qui avait le sentiment que la mission de formation était « un coup monté pour arriver à le congédier ». Voici son témoignage ( paragraphe  9) :

« On ne l’avait pas informé de l’objet de la formation ni donné le temps nécessaire durant les heures ouvrables pour s’y préparer. » Bien que les situations soient différentes, l’impact sur les employés est le même, c’est-à-dire qu’ils craignent de perdre leur emploi.

Au paragraphe 22, l’arbitre affirme ceci :

« J’estime que l’ordre intimant de donner un cours de formation sans accorder le temps nécessaire pour le préparer n’était pas raisonnable dans les circonstances de la présente affaire. »

Toutefois, l’arbitre trouve que le fonctionnaire s’estimant lésé a commis une erreur en ne demandant pas du temps de préparation, plus particulièrement au paragraphe 23. Finalement, il constate ce qui suit au paragraphe 27 :

« En agissant ainsi, il a défié ses supérieurs », puis, l’arbitre examine la sanction (paragraphe 29) :

« […] C’est la première mesure disciplinaire prise à l’endroit de cet employé pendant ses quelque huit années de service. A mon avis, compte tenu de toutes les circonstances de la présente affaire, une réprimande écrite aurait été raisonnable . »

Comme vous le constaterez dans note conclusion, c’est notre position que si M. Byfield est déclaré coupable d’inconduite, sa sanction devrait être modifiée d’une suspension à une réprimande écrite. 

Partie VII

CONCLUSION

Nous faisons valoir respectueusement que, techniquement, M. Byfield a fait preuve d’insubordination lorsqu’il ne s’est pas présenté à une réunion convoquée par son superviseur. Mais compte tenu des circonstances, cette inconduite concernait une question d’horaire, a eu peu d’impact et n’a miné d’aucune façon les activités de l’employeur. Par conséquent, il ne devrait y avoir aucune sanction. Nous suggérons respectueusement que l’employeur à qui incombe le fardeau de la preuve n’a pas entièrement respecté cette exigence et nous demandons que la suspension soit annulée et que tout traitement et tout avantage social perdus à cause de la suspension soient remboursés.

Autrement, si vous décidez, Monsieur le président, que la mesure disciplinaire était justifiée, nous vous demandons respectueusement de changer la mesure disciplinaire en une réprimande écrite et que tout traitement et tout avantage social perdus à cause de la suspension soient remboursés.

[…]

[Notes en bas de page omises]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

Réponse de l’employeur à l’argumentation de l’agent négociateur

[Traduction]

[…]

Argumentation écrite fournie par l’employeur en tant que réponse

Voici les arguments de l’employeur en réponse à l’argumentation écrite déposée et enregistrée au nom du fonctionnaire s’estimant lésé le 6 juillet 2006. L’employeur répondra aux points soulevés dans l’argumentation du fonctionnaire s’estimant lésé : 1) preuve à fournir par l’employeur; 2) la crédibilité du fonctionnaire s’estimant lésé; et 3) les facteurs pertinents à prendre en considération au moment de la détermination de la sanction appropriée à la suite de l’inconduite du fonctionnaire s’estimant lésé.

1) Preuve à fournir par l’employeur

1.  À la page 10 de ses observations, en ce qui concernait la question de savoir si la mesure disciplinaire imposée au fonctionnaire s’estimant lésé était appropriée, le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé conteste le fait que l’employeur n’a pas demandé à M. Don Renaud de témoigner dans le cadre de cette procédure, alors qu’il était la personne qui a exercé le pouvoir délégué au nom de l’employeur de discipliner le fonctionnaire s’estimant lésé.

2.  La Commission n’a pas besoin du témoignage de M. Renaud pour déterminer si la mesure disciplinaire imposée au fonctionnaire s’estimant lésé était appropriée. Pour rendre sa décision, la Commission a besoin d’éléments de preuve concernant les circonstances entourant la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé. Une preuve concernant le processus décisionnel n’est pas requise.

3.  L’employeur soutient que la preuve fournie durant la procédure appuie entièrement la constatation que la sanction imposée au fonctionnaire s’estimant lésé était appropriée, compte tenu des circonstances du cas.

2) La crédibilité du fonctionnaire s’estimant lésé

4.  À la page 15 des observations, le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé renvoie aux préoccupations de l’employeur concernant la fabrication d’éléments de preuve par le fonctionnaire s’estimant lésé. Il pose la question suivante : « À quelle fabrication fait-il allusion? » Même si cet aspect est entièrement décrit dans les observations antérieures de l’employeur, nous tenterons de fournir d’autres éclaircissements au sujet de l’élément de preuve exact qui, dans l’argumentation de l’employeur, soulève la question de la crédibilité du fonctionnaire s’estimant lésé en tant que témoin dans le cadre de la procédure.

5.  Lorsqu’il a témoigné devant la Commission, le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé qu’à cause des notes prises par M. Meggetto durant leur réunion sur le plan d’action du 19 mars 2004, il était confus quant à la date de leur prochaine réunion sur le plan d’action. Le témoignage du fonctionnaire s’estimant lésé contredit clairement un courriel qu’il a envoyé à M. Meggetto le matin de la journée même où devait avoir lieu la réunion prévue. Ce courriel confirme que le fonctionnaire s’estimant lésé savait qu’il devait rencontrer M. Meggetto cette journée-là. Le court courriel se termine par l’affirmation « […] Je ne suis pas disponible pour vous rencontrer aujourd’hui. » Ce courriel ne signifie qu’une seule chose : le fonctionnaire s’estimant lésé savait qu’une réunion avait été fixée auparavant avec M. Meggetto à cette date.

6.  En raison de cette contradiction dans la preuve, la Commission doit décider si elle donne foi au témoignage de vive voix qu’a donné le fonctionnaire s’estimant lésé à l’audience ou au courriel que ce dernier a écrit au moment de l’incident. Dans l’argumentation de l’employeur, le courriel du fonctionnaire s’estimant lésé constitue manifestement la preuve la plus fiable. Le courriel a été rédigé à l’époque des incidents. De plus, il n’y a aucune  raison plausible pour laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé aurait envoyé ce courriel à M. Meggetto si, à l’époque, comme il l’affirme maintenant, il était confus quant à la tenue d’une réunion avec lui à cette date.

7.  Cette incohérence dans la preuve a été signalée directement au fonctionnaire s’estimant lésé durant le contre-interrogatoire. Il a eu l’occasion de revenir sur son témoignage de vive voix et a admis qu’il n’y avait pas de confusion entourant la date de la réunion, comme le montrait le courriel. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas retiré son témoignage.

8.  La question de la crédibilité est très importante, parce que la preuve fournie par lui de vive voix forme pratiquement tout son fondement théorique du cas. Sans la preuve fournie par le fonctionnaire s’estimant lésé, il n’y a aucune preuve devant la Commission que les préoccupations de santé antérieures du fonctionnaire s’estimant lésé avaient un lien avec son refus d’assister aux réunions. Si l’on se fonde strictement sur les preuves documentaires, la Commission doit conclure que le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé d’assister aux réunions sur le plan d’action parce qu’ironiquement, il n’a pas trouvé le temps de le faire.

9.  L’employeur soutient que l’allégation du fonctionnaire s’estimant lésé selon laquelle les notes de M. Meggetto causaient généralement de l’incertitude en ce qui concernait le moment des réunions et l’ont amené tout particulièrement à penser que la prochaine réunion avec M. Meggetto n’aurait pas lieu le 25 mars est une fabrication visant à renforcer le fondement théorique de la cause. De plus, s’il était disposé à fournir un faux témoignage sur ce point pour renforcer ainsi le fondement théorique du cas, il a probablement donné de faux témoignages au sujet d’autres aspects également.

3) Facteurs à prendre en considération dans la détermination de la sanction appropriée imposée en réponse à l’inconduite du fonctionnaire s’estimant lésé

10.  Le fonctionnaire s’estimant lésé fait valoir qu’il y avait des facteurs atténuants qui auraient dû être pris en considération. Nous examinerons chacun de ces facteurs atténuants allégués.

a)  Incident isolé

11.  Il s’agissait d’un incident qui s’est déroulé sur plusieurs jours, durant lesquels le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas présenté à trois réunions fixées par M. Meggetto. Même s’il s’agissait peut-être d’un incident isolé dans le contexte du dossier d’emploi global du fonctionnaire s’estimant lésé, les faits présentés à la Commission montrent qu’il y a trois réunions auxquelles le fonctionnaire s’estimant lésé, pour une raison inexplicable, n’a pas assisté.

b)  Provocation

12.  La suggestion que l’employeur « a provoqué » le fonctionnaire s’estimant lésé de sorte qu’il a refusé d’assister aux réunions n’est tout simplement pas confirmée par les faits. Il n’y a rien dans la preuve soumise à la Commission qui appuierait une constatation que M. Meggetto a provoqué l’insubordination du fonctionnaire s’estimant lésé.

c)   Absence de préméditation

13.  Le fonctionnaire s’estimant lésé a admis qu’il avait reçu un avis de réunion à 9 h 30 le mardi 29 mars, plus de 72 heures avant la réunion. Ainsi, le fonctionnaire s’estimant lésé disposait de 72 heures pour réfléchir à sa position et planifier sa réponse. La suggestion que le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas prémédité n’est tout simplement pas corroborée par les faits devant la Commission.

d)   Gravité relative de la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé

14.  L’employeur soutient que l’acte d’insubordination du fonctionnaire s’estimant lésé va droit au cœur de la capacité de l’employeur de gérer le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé. Il s’agissait donc d’un grave acte d’insubordination que de refuser d’assister aux réunions sur le plan d’action. De plus, de par sa nature, la gestion du rendement d’un employé est une tâche délicate qui n’est généralement pas accomplie au vu et au su des collègues. Si tel était le cas, le fonctionnaire s’estimant lésé aurait des raisons de se plaindre. Par conséquent, l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé que son insubordination n’a causé aucun grave préjudice à l’employeur, supposément parce qu’il n’y avait pas de témoin de cette insubordination, est entièrement sans mérite.

4) Conclusions

15.  Le fonctionnaire s’estimant lésé tente de justifier son insubordination en affirmant qu’il était insatisfait de la mauvaise évaluation du rendement qu’on lui avait donnée, de l’imposition d’un plan d’action et de la mise en œuvre de celui-ci. Il s’agit toutes de questions pour lesquelles le fonctionnaire s’estimant lésé a déjà déposé des griefs distincts. La Commission n’est saisie d’aucun de ces griefs actuellement. Sauf votre respect, aucun de ces griefs ne relève même de la compétence de la Commission. Le fonctionnaire s’estimant lésé tente de contourner la compétence établie de la Commission. Le fonctionnaire s’estimant lésé ne devrait pas être autorisé à obtenir une réparation indirecte pour une question qui ne peut être renvoyée directement à la Commission.

16.  De plus, ces autres griefs n’avaient pas été réglés au moment de l’insubordination. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a même pas attendu que ses griefs soient entièrement réglés par l’employeur avant qu’il prenne les choses en main et décide de « faire ce qu’il devait faire ». Une telle conduite est entièrement opposée à la règle « continuer à travailler, déposer un grief plus tard ».

17.  Finalement, même si la Commission accepte la preuve fournie par le fonctionnaire s’estimant lésé qu’il souffrait de problèmes de santé à cause des réunions, le fait demeure que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas signalé ces préoccupations à M. Meggetto lorsqu’il a refusé d’assister aux réunions. De plus, il ne s’agit pas d’une circonstance que la Commission devrait prendre en considération.

18.  La conduite du fonctionnaire s’estimant lésé était inacceptable et justifiait entièrement l’imposition d’une suspension disciplinaire d’un jour. L’employeur demande respectueusement que le grief soit rejeté.

[…]

[Notes en bas de page omises]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

Motifs

[16]   Pour statuer sur les griefs ayant trait à l’imposition d’une mesure disciplinaire, il faut répondre à deux questions :

  1. L’employeur a-t-il établi, selon toute probabilité, que le fonctionnaire s’estimant lésé est coupable de l’inconduite alléguée?

  2. Si l’on prouve qu’il y a eu inconduite, la mesure disciplinaire devrait-elle être maintenue?

Y a-t-il eu inconduite ?

[17]   Clairement, il y avait des problèmes entre le fonctionnaire s’estimant lésé et son superviseur, M. Meggetto, déjà le 17 mars 2004 (pièce E-3). À cette date, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est opposé à un dossier qui lui avait été assigné. Ce sentiment d’insatisfaction a continué à nuire à leurs relations jusqu’au 25 mars 2004, aboutissant à la décision du fonctionnaire s’estimant lésé de soumettre le problème à M. Renaud (pièce E-15).

[18]   De plus, il y avait un désaccord concernant la réunion avec le vérificateur à Barrie, en Ontario, qui y assisterait, où elle se tiendrait et la nature des questions qui seraient posées au vérificateur. Mais, selon M. Meggetto, il comprenait ces divergences et s’est seulement rendu compte qu’il y avait un problème plus grave le 25 mars 2004 (pièce E-16).

[19]   C’est alors que le fonctionnaire s’estimant lésé a dicté les conditions dans lesquelles il rencontrerait le superviseur. Ces modalités claires et sans équivoque étaient manifestement non négociables et, à ce moment-là, le gant a été jeté. Le fonctionnaire s’estimant lésé est resté sur cette position durant ses échanges avec M. Meggetto, ce qui a eu pour effet de mettre fin à l’exécution du plan d’action et, en réalité, lui a permis d’obtenir la mesure correctrice qu’il demandait dans le grief déposé pour contester le plan d’action (pièce  G-3) : [traduction] « […] que le plan d’action soit mis de côté ou abandonné ».

[20]   Bien entendu, cela s’est passé avant la réponse rendue au palier final le 15 août 2005, rejetant son grief : [traduction] « […] à la lumière de ce qui précède, vos griefs sont rejetés par la présente, et les mesures correctrices que vous avez demandées ne seront pas prises » (pièce G-3).

[21]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé d’assister à quatre réunions consécutives, qui devaient toutes avoir lieu avec M. Meggetto, qui, d’après le témoignage du fonctionnaire s’estimant lésé, ne l’a jamais maltraité durant les réunions. Le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé qu’il était anxieux et qu’il avait même peur qu’on lui impose une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au congédiement, s’il ne réussissait pas à améliorer son rendement durant la période visée par le plan d’action. Peut-il y avoir une plus forte motivation d’assister aux réunions et d’être perçu comme ayant une attitude positive vis-à-vis de l’amélioration de soi? Par ailleurs, son ton, comme le montre la pièce E-22, était irrespectueux concernant les moments où étaient fixées les réunions, la communication de rapports avant les réunions et la participation à ces réunions d’un collègue de son choix.

[22]   La réponse inévitable à la première question est affirmative. Ce genre de comportement constituait de l’insubordination.

La mesure disciplinaire devrait-elle être maintenue ?

[23]   L’adage souvent répété consistant à obéir maintenant et à déposer un grief plus tard s’applique, puisque aucune instruction illégale n’avait été donnée et que la santé et la sécurité d’aucune personne n’étaient en danger. Il n’y a eu aucune suggestion que l’exigence d’assister à des réunions hebdomadaires énoncées dans le plan d’action était illégale d’une quelconque façon.

[24]   Il y a toutefois eu une suggestion que le fonctionnaire s’estimant lésé, du moins en partie, refusait d’assister à ces réunions parce qu’il s’inquiétait de sa santé émotionnelle. Il a dit qu’il avait visité un médecin qui lui avait donné une ordonnance pour des médicaments (pièce G-7). Mais cela remontait au vendredi 23 janvier 2004, plus de deux mois avant les événements décrits ici. Je n’ai aucune preuve autre que celle-là et le témoignage du fonctionnaire s’estimant lésé qu’il ressentait de l’anxiété pour expliquer les refus répétés de ce dernier.

[25]   En l’absence de toute preuve du médecin du fonctionnaire s’estimant lésé faisant état d’un problème continu, ou indiquant quels médicaments ont été prescrits, pendant combien de temps et avec quels résultats, je ne peux excuser ses refus en invoquant son état de santé. Je ne dispose pas non plus d’une preuve fournie par le conseiller du Programme d’aide aux employés confirmant les conseils que le fonctionnaire s’estimant lésé aurait obtenus et qui recommandaient qu’il n’assiste pas à ces réunions, ou y assiste uniquement en la présence d’un observateur.

[26]   En raison de cette situation et parce que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a donné aucune indication à M. Meggetto qu’il souffrait d’une condition médicale qui aurait expliqué son incapacité à assister aux réunions, je ne puis intervenir, sauf si, évidemment, la mesure disciplinaire sélectionnée, soit une suspension d’un jour, était hors de toute proportion avec l’inconduite. La pièce E-27, la politique sur les mesures disciplinaires, au tableau 2, prévoit l’éventail des mesures disciplinaires pouvant être prises en réponse à une infraction de catégorie trois, telle l’insubordination. Ces mesures disciplinaires vont de 1 à 30 jours pour des actes uniques d’inconduite [Je souligne].

[27]   Dans sa conclusion, M. Eadie affirme que le fonctionnaire s’estimant lésé « n’a pas assisté à une réunion [Je souligne] ». Clairement, c’est une façon un peu faible de décrire le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé. Ce n’est pas simplement le fait qu’il n’a pas assisté à la réunion mais c’est qu’il a refusé de le faire. Ce n’est pas à une réunion qu’il n’a pas assisté mais à quatre réunions consécutives. Bien entendu, cela aggrave le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé puisqu’il ne s’agit plus d’un incident isolé, mais d’une tendance, qui était à la fois délibérée et rebelle.

[28]   La réaction du fonctionnaire s’estimant lésé à deux avertissements antérieurs (que s’il n’y assistait pas il serait discipliné) fournit amplement de raisons pour lesquelles la suspension d’un jour n’aurait pas dû être réduite à un nouvel avertissement écrit. Ces avertissements, même s’ils n’étaient pas à caractère disciplinaire, communiquent de claires attentes, de même que les conséquences pour l’employé s’il ne prêtait pas attention à l’avertissement. Le fonctionnaire s’estimant lésé a décidé de ne pas tenir compte des avertissements, et je ne suis pas convaincu qu’il aurait eu une attitude différente si un troisième avertissement écrit lui avait été communiqué sous la forme d’une réprimande.

[29]   Il semble logique que, si un seul acte d’insubordination peut aboutir à une suspension allant de 1 à 30 jours (pièce E-27), plusieurs actes d’insubordination justifient une sanction plus sévère. Malheureusement, le fonctionnaire s’estimant lésé a décidé que lui seul pouvait déterminer comment, quand et si le plan d’action serait mis en œuvre. Il l’a fait à ses propres périls. Les conséquences d’un tel geste, dans ce cas-ci, étaient, à mon avis, légères, voire modérées. Ni suis-je persuadé que la mesure disciplinaire devrait être réduite. Je n’accepte pas l’affirmation que le fonctionnaire s’estimant lésé a été provoqué et encouragé à se comporter de la manière dont il l’a fait. Il n’avait pas le droit d’être accompagné d’un représentant syndical pour assister à des réunions non disciplinaires dont le seul but était de l’aider à améliorer son rendement. De plus, l’absence de mesures disciplinaires antérieures ne l’aide pas à cet égard, car, même si je tiens compte des principes de la discipline correctrice et progressive, je ne crois pas qu’une réprimande soit appropriée dans les circonstances, compte tenu surtout de l’attitude et du comportement antérieurs du fonctionnaire s’estimant lésé.

[30]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[31]   Le grief est rejeté.

Le 2 novembre 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Barry D. Done,
arbitre de grief

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