Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire a déposé quatre (4) plaintes en vertu de l’alinéa 23(1)d) de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) alléguant diverses situations de non-respect des dispositions du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) (le Règlement) -- le fonctionnaire se plaint que 1) l’employeur n’a pas répondu à son grief au 3e et avant-dernier palier de la procédure, 2) seul le sous-ministre est habilité à répondre au 4e et dernier palier de la procédure et non une autre personne agissant pour son compte, 3) l’employeur a répondu en dehors des délais réglementaires au 4e palier et 4) l’employeur n’a pas affiché la procédure de règlement des griefs et le nom des personnes désignées pour agir au nom de l’employeur, tel que requis par l’article 69 du Règlement -- après avoir statué que les plaintes devaient être étudiées et tranchées à la lumière des dispositions de l’ancienne LRTFP, la Commission a rejeté les deux premières plaintes au motif que le grief avait été traité directement au 4e palier de la procédure et qu’une réponse au 3e palier n’était pas requise -- de plus, le sous-ministre était autorisé à désigner un représentant pour agir en son nom au 4e palier -- la Commission a aussi conclu que l’employeur avait fait défaut de répondre au grief dans les délais réglementaires, mais a limité le redressement à une décision déclaratoire puisque le fonctionnaire pouvait renvoyer son grief à l’arbitrage dès l’expiration du délai, comme le prévoit le paragraphe 74(1) du Règlement -- la Commission a aussi ordonné à l’employeur de se conformer aux exigences du nouveau Règlement de la Commission des Relations de travail dans la fonction publique et d’afficher les avis informant les fonctionnaires des noms, titres et adresses des personnes désignées aux divers paliers de la procédure pour statuer sur les griefs au nom de l’employeur -- enfin, la Commission a rejeté la réclamation du plaignant pour des dommages punitifs et moraux. Plaintes accueillies en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-03-08
  • Dossiers:  561-02-94 à 97
  • Référence:  2006 CRTFP 26

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

FERMIN GARCIA MARIN

plaignant

et

DAVID MARSHALL

défendeur

Répertorié
Garcia Marin c. Marshall

Affaire concernant une plainte visée à l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour le plaignant : Lui-même

Pour le défendeur : Stéphane Hould, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 4 au 7 janvier ainsi que les 19 et 20 avril 2005.
(Observations écrites déposées le 5 juillet 2005).
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Plainte devant la Commission

[1]   Dans une lettre datée du 21 juin 2004, Fermin Garcia Marin a déposé plusieurs plaintes auprès de la Commission concernant un grief qu’il avait présenté le 2 avril 2004 contre son employeur, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), en protestant contre le fait qu’il n’avait pas eu d’évaluation de rendement ni de prime au rendement pour la période 2002-2003 (dossier de la CRTFP no 166-2-34072).

[2]   Les plaintes envoyées à la Commission le 21 juin 2004 se lisent comme suit :

[Traduction]

Permettez-moi de profiter de l’occasion pour présenter à la CRTFP ma plainte officielle contre les manquements suivants de TPSGC à la LRTFP :

  1. Le ministère n’a pas respecté le délai fixé par le CT pour répondre à mon grief au 3 e palier (dossier de la Commission 561-02-94).
  2. Le ministère n’a pas respecté le délai fixé par le CT pour répondre à mon grief au dernier palier (dossier de la Commission 561-02-95).
  3. Le grief a été « entendu » au dernier palier par la mauvaise personne, en dépit de mes protestations. C’est Yvette Alöisi, SMA, qui l’a entendu plutôt que le SM, alors que TPSGC prévoit que ce dernier doit l’entendre, conformément au paragraphe 100(4) de la LRTFP. Voir la Pièce jointe no 5 pour la liste des paliers désignés de la procédure de règlement des griefs à TPSGC (dossier de la Commission no 561-02-96).
  4. Le ministère ne s’est pas conformé aux paragraphes 69(1) et (2) du Règlement de la CRTFP (dossier de la Commission no 561-02-97).

Sur la foi de ces allégations, la Commission a ouvert quatre dossiers, en leur attribuant les numéros 561-02-94 à 97.

[3]   Dans une lettre datée du 13 juillet 2004, la Commission a écrit à M. Garcia Marin pour lui demander des précisions :

[Traduction]

J’accuse réception de votre lettre que la Commission a reçue le 22 juin 2004 portant essentiellement sur votre renvoi à l’arbitrage, mais présentant aussi une plainte.

Chaque plainte déposée à la Commission doit préciser le nom et l’adresse du ou des défendeurs. Elle doit aussi préciser le paragraphe de l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique visant le manquement allégué ainsi que l’article de la Loi ou du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. auxquels il aurait eu contravention. Elle dit aussi exposer de façon détaillée les questions faisant l’objet de la plainte, le redressement réclamé et les mesures prises par vous-même ou en votre nom pour remédier à la situation (ou aux situations) qui ont donné lieu à la plainte. Si vous ne nous fournissez pas ces détails, le traitement de votre plainte pourrait être retardé.

[…]

De plus, une plainte fondée sur la Loi devrait fournir suffisamment d’information pour nous permettre d’en déterminer la nature et les parties à la plainte, leurs adresses et la nature du redressement réclamé. Toutes les plaintes déposées à la Commission des relations de travail dans la fonction publique doivent préciser le nom et l’adresse du ou des défendeurs et décrire les circonstances qui leur ont donné lieu, les mesures correctives demandées et ce que vous avez fait ou qu’on a fait en votre nom pour résoudre le problème qui a suscité les plaintes. Si vous ne nous fournissez pas cette information, l’examen de votre plainte pourrait être retardé.

[…]

[4]   Dans sa réponse, datée du 20 juillet 2004, M. Garcia Marin a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

J’aimerais vous fournir les renseignements complémentaires suivants au sujet de ma plainte :

Le défendeur dans les quatre plaintes est :
I. David Marshall, sous-ministre/sous-receveur général
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
BUREAU DU SOUS-MINISTRE ET SOUS-RECEVEUR GÉNÉRAL DU CANADA
Portage III, 17A1, 11, rue Laurier
Gatineau (Qc)
Canada
K1A 0S5

Plainte no 1 (dossier de la Commission 561-02-94)
Le ministère n’a pas respecté le délai fixé pour répondre à mon grief au 3e palier de la procédure de règlement des griefs, contrevenant ainsi à l’alinéa 23 d) de la
LRTFP et au paragraphe 74(1) du Règlement de la CRTFP .

Les courriels de la pièce jointe no 1 parlent d’eux-mêmes et renferment tous les détails sur l’objet de la plainte.

Plainte no 2 (dossier de la Commission 561-02-95)
Le ministère n’a pas respecté la période fixée pour répondre à mon grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, contrevenant ainsi à l’alinéa 23 d) de la
LRTFP et au paragraphe 74(1) du Règlement de la CRTFP.
Comme le précise le dernier courriel de la pièce jointe no 1, j’ai présenté le 3 mai 2004 mon ultime demande officielle que le grief soit entendu au dernier palier. Le 30 mai 2004, j’ai envoyé par télécopieur la Formule 14, Renvoi à l’arbitrage à la Commission, suivie de la demande originale par la poste.

Plainte no 3 (dossier de la Commission 561-02-96)
Mon grief a été « entendu » au dernier palier par la mauvaise personne, en dépit de mes protestations. Il l’a été par Yvette Alöisi, SMA, plutôt que par le SM, comme TPSGC devait le faire en vertu de la Loi . Voir la pièce jointe no 2 pour la liste des paliers désignés de la procédure de règlement des griefs de TPSGC.

Plainte no 4 (dossier de la Commission 561-02-97)
Le ministère ne s’est pas conformé au paragraphe 69(2)
du Règlement de la CRTFP. Il n’y a pas d’avis affiché ni communiqué aux employés, contrairement à ce que prévoient les paragraphes 69(2) et (3) du Règlement de la CRTFP.

Quant au redressement réclamé, je demande pour chaque manquement qu’il soit ordonné au ministère de se conformer à la disposition qu’il n’a pas respectée et de me verser 25 000 $ en dommages-intérêts punitifs exemplaires.

[ Sic ]

[5]   Le 30 juillet 2004, la Commission a accusé réception de la lettre du 20 juillet 2004 de M. Garcia Marin; elle en a fait parvenir une copie au défendeur en lui donnant jusqu’au 24 août 2004 pour répondre aux plaintes. Le défendeur a demandé une prolongation du délai jusqu’au 27 août 2004 pour ce faire.

[6]   Le 25 août 2004, le défendeur a déclaré qu’il n’avait pas manqué à l’obligation prévue à l’alinéa 23(1)d) de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) de se conformer au règlement quant au grief, et que M. Garcia Marin n’avait subi aucun préjudice dans la présentation de son grief. Le 8 septembre 2004, M. Garcia Marin a répondu au défendeur en déclarant notamment ce qui suit à la Commission :

[Traduction]

[…]

Le défendeur n’a pas répondu aux plaintes dans le délai prescrit par l’article 16 du Règlement et règles de procédure de la CRTFP , tel que précisé dans la lettre de la Commission datée du 30 juillet 2004. À mon avis, il a répondu tardivement. Sa réponse devrait être considérée comme n’ayant pas été reçue et sa demande de prolongation ne devrait certainement pas être accueillie.

[…]

[7]   La Commission a accepté de fournir les services d’interprétation simultanée demandés par l’avocat du défendeur. Une audience commune a été tenue du 4 au 7 janvier ainsi que les 19 et 20 avril 2005, à Ottawa, sur les quatre plaintes et le grief renvoyé à l’arbitrage à la Commission (166-02-34072). M. Garcia Marin et le défendeur ont présenté leur argumentation à la Commission de vive voix le 20 avril 2005. La Commission a permis à M. Garcia Marin de répondre par écrit à l’argumentation du défendeur; il lui a présenté sa réponse le 11 mai 2005 et la réplique du défendeur est parvenue à la Commission le 7 décembre 2005.

[8]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur, et la CRTFP a été remplacée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission). En vertu de l’article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission demeure saisie de ces plaintes qui doivent être décidées conformément à la nouvelle Loi.

[9]   Le 1er avril 2005, en application des articles 39, 237 et 238 de la nouvelle Loi, la Commission a adopté le Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « nouveau Règlement »), enregistré le même jour DORS/2005-79. Ce « nouveau Règlement » a été publié dans la Partie II de la Gazette du Canada le 20 avril 2005.

[10]   Le 27 mai 2005, la Commission a demandé aux parties de lui soumettre des observations écrites sur la question suivante :

[Traduction]

1)
Quel effet l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi a-t-il sur les plaintes invoquant l’alinéa 23(1) d ) de l’ancienne Loi , compte tenu des dispositions de transition des articles 36 à 66 de la LMFP et plus particulièrement de celles de l’article 39?

[11]   Les parties ont aussi été invitées le 10 juin 2005 à donner leur position sur une décision rendue par la Commission le 6 juin 2005 dans l’affaire Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale et section 147 de l’Association nationale des travailleurs correctionnels fédéraux c. Service correctionnel Canada, Conseil du Trésor et Don Graham(AIMTA), 2005 CRTFP 50, portant sur les dispositions de transition quant aux plaintes. Le défendeur a répondu ce qui suit à la Commission, le 10 juin 2005.

[Traduction]

Le défendeur est d’avis que la décision de la Commission peut être rendue en tant que décision de la nouvelle Commission et peut être appliquée comme telle, conformément à la nouvelle loi. Néanmoins, les dispositions de fond de l’ancienne Loi s’appliquent.

Il n’y a pas de dispositions de transition expresses dans la nouvelle loi quant aux plaintes fondées sur l’alinéa 23(1) d ) de l’ancienne Loi. Lorsque le Parlement voulait qu’un régime différent s’applique aux procédures, il précisait expressément de quelle façon (voir p. ex. l’art. 59 de la LMFP ). Pourtant, il ne l’a pas fait pour les plaintes fondées sur l’alinéa 23(1) d ). On présume que la loi n’est pas censée avoir d’effet rétroactif ni porter atteinte à des droits acquis, mais que les dispositions procédurales peuvent s’appliquer immédiatement (voir Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes , 4 e éd., p. 542-590; voir aussi l’art. 43 de la Loi d’i nterprétation ). Le paragraphe 39(1) de la LMFP précise simplement que l’ordonnance rendue est une ordonnance de la nouvelle Commission. Par conséquent, dans cette affaire, l’article 39 de la LFMP n’a aucun effet sur les plaintes invoquant l’alinéa 23(1) d ) de l’ancienne Loi, dont les dispositions s’appliquent toutefois globalement (voir la décision récemment rendue par la Commission dans AIMTA et Service correctionnel , 2005 CRTFP 50, au paragraphe 81).

[12]   Le 4 juillet 2005, l’avocat représentant M. Garcia Marin a fait savoir à la Commission qu’il n’avait pas d’autres observations à ajouter à celles de l’avocat du défendeur.

Résumé de la preuve

[13]   Les dispositions suivantes de l’ancienne Loi sont pertinentes aux plaintes :

   23. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l’employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n’a pas, selon le cas

[…]

d) respecté l’un des règlements pris en matière de griefs par la Commission conformément à l’article 100.

  (2) Dans les cas où, en application du paragraphe (1), elle juge l’employeur, une organisation syndicale ou une personne coupable d’un des manquements qui y sont énoncés, la Commission peut, par ordonnance, lui enjoindre d’y remédier ou de prendre toute mesure nécessaire à cet effet dans le délai qu’elle estime approprié.

  (3) L’ordonnance visant une personne est en outre adressée :

 

a) lorsque l’auteur du manquement a agi ou prétendu agir pour le compte de l’employeur, au premier dirigeant concerné, dans le cas d’un employeur distinct, ou au secrétaire du Conseil du Trésor, dans les autres cas;

b) lorsqu’il a agi ou prétendu agir pour le compte d’une organisation syndicale, au dirigeant attitré de celle-ci.

[…]

   100 . (1) La Commission peut prendre des règlements relatifs à la procédure applicable aux griefs, notamment en ce qui concerne :

[…]

  (3) La Commission peut prendre des règlements régissant l’arbitrage des griefs, notamment en ce qui concerne :

a) le mode et le délai de renvoi d’un grief à l’arbitrage après sa présentation jusqu’au dernier palier inclusivement;

b) le mode et le délai d’institution des conseils d’arbitrage;

c) la procédure à suivre par les arbitres;

d) la forme des décisions rendues par les arbitres.

  (4) Pour l’application des dispositions de la présente loi concernant les griefs, l’employeur désigne les personnes dont la décision en cette matière constitue un palier de la procédure applicable, y compris le dernier. En cas de doute, il communique par écrit le nom de ces personnes à quiconque voulant déposer un grief, ou à la Commission.

[14]   Les dispositions suivantes du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, sont aussi pertinentes aux plaintes :

Interprétation

[…]

2. (2) Il n’est pas tenu compte des samedis et des jours fériés dans le calcul des délais spécifiés dans le présent règlement.

[…]

Procédure applicable aux griefs

  67. Lorsque l’employeur n’a pas établi le nombre de paliers ou n’a pas mis à la disposition des fonctionnaires des exemplaires de grief, comme l’exigent respectivement l’article 68 et le paragraphe 70(3), la Commission peut, sur demande d’un fonctionnaire qui s’estime lésé, ordonner le mode de présentation du grief et la procédure à suivre pour l’examen ou l’arbitrage de celui-ci.

  68. La procédure applicable aux griefs comprend un premier et un dernier palier et ne peut compter plus de quatre paliers.

  69.(1) L’employeur communique aux fonctionnaires visés par la procédure applicable aux griefs le nom ou le titre des personnes désignées en vertu des paragraphes 100(4) de la Loi, de même que le nom ou le titre ainsi que l’adresse du supérieur hiérarchique immédiat ou du chef de service local à qui les griefs doivent être présentés.

  (2) Sous réserve du paragraphe (3), l’employeur affiche, bien en vue, des avis qui contiennent des renseignements mentionnés au paragraphe (1) aux endroits où ils sont le plus susceptibles d’attirer l’attention des fonctionnaires visés par la procédure applicable aux griefs.

  (3) La Commission peut autoriser l’employeur à porter à la connaissance des fonctionnaires les renseignements mentionnés au paragraphe (1) par un moyen autre que l’affichage d’avis si, par ce moyen, les renseignements sont le plus susceptibles d’attirer l’attention des fonctionnaires visés par la procédure applicable aux griefs.

[…]

Présentation des griefs

  71.(2) Le fonctionnaire visé à l’alinéa 92(1) c ) de la Loi peut présenter un grief à son supérieur hiérarchique immédiat ou à son chef de service local, sur la formule visée à l’article 70 :

 

a) au premier palier de la procédure applicable aux griefs, si le grief n’a pas trait à la classification ou à une mesure disciplinaire entraînant le licenciement;

b) au dernier palier de la procédure applicable aux griefs, si le grief a trait à la classification ou à une mesure disciplinaire entraînant le licenciement.

[…]

  72.(1) Dès réception d’un grief qui lui est présenté par un fonctionnaire, le supérieur hiérarchique immédiat ou le chef de service local :

a) envoie une copie du grief au représentant autorisé de l’employeur au palier approprié;

b) remet au fonctionnaire un accusé de réception indiquant la date à laquelle il a reçu le grief.

[…]

  (3) Le délai dans lequel l’employeur doit répondre à un grief à tout palier est calculé à partir de la date où le supérieur hiérarchique immédiat ou le chef de service local du fonctionnaire reçoit le grief.

  73. Le fonctionnaire peut présenter un grief, autre que celui visé aux alinéas 71(1) b) ou 71(2) b), à un palier supérieur au premier palier de la procédure applicable aux griefs :

a) au plus tard dix jours après la date où il a reçu une réponse au grief au palier immédiatement inférieur;

b) dans le cas où il n’a pas reçu de réponse au grief au dernier jour du délai dans lequel le représentant autorisé de l’employeur était tenu de répondre au grief au palier immédiatement inférieur conformément à l’article 74, au plus tard 30 jours après ce jour.

  74.(1) Le représentant autorisé de l’employeur au palier ou un grief, autre qu’un grief relatif à la classification, est présenté par un fonctionnaire conformément aux articles 71 ou 73 remet à celui-ci une réponse écrite au plus tard 15 jours après la date de présentation du grief à ce palier.

[…]

Procédure d’arbitrage des griefs

   76.(1) Le fonctionnaire peut renvoyer un grief à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi en déposant auprès du secrétaire un avis en double exemplaire établi selon la formule 14 de l’annexe, ainsi qu’une copie du grief qu’il a présenté à son supérieur hiérarchique immédiat ou à son chef de service local conformément aux alinéas 71 a ) ou b ) ou aux alinéas 71(2) a ) ou b ), au plus tard 30 jours après le premier en date des jours suivants :

a) le jour où le fonctionnaire reçoit une réponse au dernier palier de la procédure applicable aux griefs;

b) le dernier jour du délai dans lequel le représentant autorisé de l’employeur est tenu selon la convention collective ou la décision arbitrale, ou selon l’article 74, de répondre au grief au dernier palier de la procédure applicable aux griefs.

[15]   M. Garcia Marin a déclaré dans son témoignage avoir présenté son grief au sujet de son évaluation de rendement et de sa prime au rendement le 2 avril 2004, en demandant qu’il soit entendu au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs, puisque les personnes en cause dans son grief étaient au troisième palier de cette procédure (pièce E-3). Le 3 mai 2004, il a demandé par courriel (pièce G-25) que son grief soit entendu au quatrième et dernier palier, en alléguant que l’employeur ne lui avait pas répondu le ou avant le 17 avril 2004, manquant ainsi à l’article 74 du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993.

[16]   La demande de l’employeur que M. Garcia Marin réévalue sa position et accepte que son grief soit entendu le 6 mai 2004 au troisième palier (pièce G-25) a été refusée. L’employeur a donc envoyé le grief au quatrième palier le 5 mai 2004 et informé M. Garcia Marin qu’un conseiller en relations de travail serait nommé pour s’en occuper.

[17]   M. Garcia Marin a déclaré que TPSGC avait jusqu’au 20 mai 2004 pour répondre par écrit à son grief au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs, conformément à l’article 74 du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, mais qu’il n’a pas respecté ce délai. Le 27 mai 2004, John Bremner, conseiller principal en relations de travail aux Ressources humaines de TPSGC, l’avait rencontré pour échanger de l’information et des documents avant que le grief ne soit entendu au quatrième palier. La réponse écrite de l’employeur à ce palier est datée du 7 juin 2004 (pièce G-5).

[18]   La preuve produite à l’audience a révélé que M. Garcia Marin avait dit à M. Bremner qu’Yvette Aloïsi, la sous-ministre adjointe (SMA) aux Ressources humaines, n’était pas la bonne personne pour entendre son grief au dernier palier. Selon M. Garcia Marin, le dernier palier de la procédure de règlement des griefs était le sous-ministre, comme le prescrit la procédure de règlement des griefs décrite à la pièce G-24, qui lui avait été communiquée à sa demande par la Direction des relations de travail du ministère, le 28 avril 2004. Dans ce document, les paliers de la procédure de règlement des griefs sont les suivants :

Palier 1 – Gestionnaire

Palier 2 – Directeur

Palier 3 – Directeur général

Palier 4 – Sous-ministre

[19]   La SMA et M. Bremner ont témoigné que la responsabilité d’entendre le grief au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs avait été déléguée à M me Aloïsi, sans toutefois pouvoir produire de copie d’un instrument de délégation de pouvoir. M. Bremner a déclaré que cette délégation de pouvoir au SMA aux Ressources humaines datait d’au moins 15 ans. En raison du grand nombre de griefs arrivant au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, il aurait été impossible pour le sous-ministre de les entendre, et c’est pourquoi cette responsabilité avait été déléguée au SMA aux Ressources humaines. M. Garcia Marin a soutenu que le document [traduction] « Délégation des pouvoirs de gestion des ressources humaines » (pièce G-3, page 11) stipule ce qui suit :

[Traduction]

Le pouvoir de répondre aux griefs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs du ministère incombe au sous-ministre ou à son ou ses représentants.

[20]   M. Garcia Marin a déposé en preuve des photographies qu’il avait prises les 28 et 29 décembre 2004 du tableau d’affichage de la Section 12CI des bureaux de TPSGC, c’est-à-dire de son lieu de travail après juin 2003 (pièce G-28). Il n’y avait sur ce tableau aucun avis contenant les noms ou les titres des personnes désignées par l’employeur aux différents paliers de la procédure de règlement des griefs, contrairement à ce que prévoyaient le paragraphe 100(4) de l’ancienne LRTFP et le paragraphe 69(2) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993.

[21]   Il n’y avait pas non plus d’avis de ce genre au tableau d’affichage de la Section 6B1, le lieu de travail du plaignant avant juin 2003, ce qui constituait aussi un manquement au paragraphe 100(4) de l’ancienne LRTFP et au paragraphe 69(2) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993 (pièce G-29). L’avis était toutefois affiché au tableau du Secteur des systèmes aérospatiaux, marins et électroniques, dans les sections 8C1 et 8C2 des locaux de TPSGC (pièce G-30). La procédure de règlement des griefs pour ce Secteur est décrite dans un avis signé par le directeur général le 3 août 2004. M. Garcia Marin a fait valoir dans son témoignage qu’il ne connaissait pas vraiment la procédure de règlement des griefs au moment où il avait déposé son grief, même s’il avait été représentant désigné de la direction au premier palier de la procédure de règlement des griefs, en sa qualité de gestionnaire de la Division des vêtements et textiles. Il a reçu la description de la procédure de règlement des griefs applicable aux employés de la Direction du service des opérations d’approvisionnement (pièce G-24) le 28 avril 2004, après l’avoir demandée à la Direction des relations de travail.

[22]   M. Garcia Marin réclame 25 000 $ en dommages-intérêts punitifs exemplaires pour chacune de ses plaintes. Le défendeur m’a demandé de réserver ma compétence sur les dommages-intérêts puisque aucune preuve n’a été entendue sur ce sujet à l’audience.

Résumé de l’argumentation

Pour le plaignant

[23]   L’employeur n’a pas répondu dans les délais prescrits aux troisième et quatrième paliers de la procédure de règlement des griefs, contrevenant ainsi au paragraphe 74(1) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993. Il s’agit d’un manquement grave, et l’absence de réponse ou de réponse avant l’expiration des délais, avait des conséquences pour M. Garcia Marin. Par conséquent, la Commission devrait conclure que le défendeur a manqué au paragraphe 74(1) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, dans les dossiers de la CRTFP 561-02-94 et 561-02-95.

[24]   Au dernier palier, le grief a été entendu par la SMA contrairement à la procédure de règlement des griefs établie par TPSGC, laquelle stipulait que le quatrième palier est celui du sous-ministre (pièce G-24) et que cette responsabilité n’avait pas été déléguée à la SMA. Ce manquement à la procédure de règlement des griefs a été dénoncé à M. Bremner et à la SMA, respectivement lors d’une rencontre et lors de l’audience du grief le 27 mai 2004. La politique de délégation des pouvoirs de gestion des ressources humaines stipule bel et bien que le pouvoir de répondre au grief au dernier palier de la procédure appartient au sous-ministre (pièce G-3). Faute de délégation en bonne et due forme, le ministère a contrevenu à sa politique quand la SMA a répondu au grief au quatrième palier de la procédure. La Commission devrait donc conclure que la plainte faisant l’objet du dossier de la CRTFP 561-02-96 est fondée.

[25]   La preuve a montré que l’employeur n’avait pas affiché d’avis exposant la procédure de règlement des griefs et précisant les noms ou les titres des personnes désignées, conformément au paragraphe 100(4) de l’ancienne LRTFP. L’absence d’affichage est un manquement au paragraphe 69(2) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, et c’est pourquoi la Commission devrait accueillir la plainte faisant l’objet du dossier de la CRTFP 561-02-97.

[26]   La Commission devrait rendre une ordonnance d’observation à l’égard de chaque plainte. M. Garcia Marin a terminé la présentation de ses plaintes dans sa lettre du 22 juin 2004 de la façon suivante :

[Traduction]

[…]

Pris individuellement, ces manquements sont tous graves. Toutefois, pris collectivement, ils démontrent un manque total de respect pour les règles établies. Ce refus du ministère de se conformer à ses propres règles ainsi qu’à celles de la CFP et de la CRTFP de même qu’aux lois et règlements du Canada en témoigne, au-delà de ses manquements bien connus et largement décriés aux règles d’acquisition. J’aimerais aussi attirer votre attention sur ce qui me semble être un manque d’équilibre quant aux conséquences pour les parties à la procédure de règlement des griefs lorsqu’elles ne se conforment pas aux règles et/aux délais applicables dans ce contexte. D’une part, si un fonctionnaire s’estimant lésé ne respecte pas un des délais serrés pour se prévaloir d’un recours (cela vaut particulièrement pour les non-syndiqués), il perd toute chance qu’on lui fasse justice et qu’on lui accorde un redressement. D’autre part, par contre, quand c’est le ministère qui ne respecte pas ses obligations, les conséquences ne sont pas graves. Il ne semble pas exister de rôle de supervision ni de surveillance pour assurer le respect des règles par les ministères, ni même d’organisme à qui adresser les plaintes de manquement aux règles de ce genre.

Pour le défendeur

[27]   La preuve a démontré que M. Garcia Marin n’a jamais présenté son grief au troisième palier, mais qu’il a demandé qu’on l’entende au dernier palier de la procédure, comme en témoigne son courriel daté du 3 mai 2004 (pièce G-25). Aux termes du paragraphe 74(1) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, l’obligation de l’employeur de répondre par écrit au grief vaut pour un palier de la procédure de règlement des griefs seulement lorsque le grief est présenté à ce palier-là. L’employeur n’avait aucune obligation de répondre au troisième palier parce que le grief n’a jamais été présenté à ce palier par le fonctionnaire s’estimant lésé. Il n’y a donc pas eu de manquement au paragraphe 74(1) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993. La plainte faisant l’objet du dossier de la CRTFP 561-02-94 devrait être rejetée.

[28]   Au quatrième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs, une réponse a été envoyée à M. Garcia Marin par écrit le 7 juin 2004 (pièce G-5). Le grief avait été entendu le 27 mai 2004 (pièce E-10), ce qui signifie que la réponse écrite a été produite dix jours après, donc dans un délai raisonnable. Avant que le grief ne soit entendu, il y avait eu des discussions entre l’employeur et M. Garcia Marin quant à la possibilité que le grief soit présenté au troisième palier (pièce G-29). Dans ces circonstances, la réponse de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs a effectivement été présentée après l’expiration du délai de 15 jours que stipule le paragraphe 74(1) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, mais il s’agit d’un manquement mineur. Cela ne sapait nullement le droit de M. Garcia Marin de porter son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 76(1)b) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993. Par conséquent, l’avocat du défendeur fait valoir qu’une déclaration que la réponse était tardive serait un redressement suffisant dans le dossier de la CRTFP 561-02-95.

[29]   Le témoignage de la SMA et celui de M. Bremner ont révélé que la SMA avait le pouvoir délégué d’entendre le grief au quatrième palier de la procédure. Cette pratique existait depuis longtemps; elle était autorisée par le document [traduction] « Délégation des pouvoirs de gestion des ressources humaines » (pièce G-3) qui stipule ce qui suit :

[Traduction]

Le pouvoir de répondre aux griefs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs du ministère incombe au sous-ministre ou à son ou ses représentants.

[30]   Ce n’est pas parce que la SMA n’avait pas obtenu cette délégation de pouvoirs par écrit qu’elle ne pouvait pas agir à titre de représentante du sous-ministre pour répondre au grief au dernier palier. Il s’ensuit que l’employeur n’a pas manqué au paragraphe 69(1) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, quand il a informé M. Garcia Marin que la SMA était la personne désignée pour entendre son grief au quatrième palier en vertu du paragraphe 100(4) de l’ancienne LRTFP. Par conséquent, aucun manquement au Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, n’a été établi dans le dossier de la CRTFP 561-02-96.

[31]   En sa qualité de gestionnaire de la Division de vêtements et textiles, M. Garcia Marin était un employé exclus et chargé d’entendre les griefs au premier palier. Dans le dossier de la CRTFP 561-02-97, il s’est plaint que le défendeur n’avait pas affiché d’avis d’information sur la procédure de règlement des griefs, manquant ainsi au paragraphe 69(2) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993.

[32]   Pourtant, le paragraphe 69(3) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, autorise l’employeur à informer les employés par d’autres moyens que l’affichage d’avis. En l’espèce, M. Garcia Marin avait été informé de la procédure de règlement des griefs et savait où trouver l’information s’il en avait besoin. La preuve a démontré qu’il avait trouvé l’avis affiché à un autre étage (pièce G-30). Les photographies prises le 28 et 29 décembre 2004 ne prouvent toutefois pas que l’avis n’était pas affiché le 2 avril 2004, date à laquelle le plaignant a déposé son grief. La preuve n’a pas démontré de manquement au paragraphe 69(2) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, de sorte que la plainte faisant l’objet du dossier de la CRTFP no 561-02-97 devrait être rejetée.

Réplique

[33]   Le 11 mai 2005, M. Garcia Marin a répondu par écrit aux arguments que le défendeur avait présentés de vive voix à la Commission. Il a joint à sa réplique des copies de deux courriels datés respectivement du 26 avril 2004 et du 6 septembre 2004, sur le renvoi du grief aux deuxième et troisième paliers. Ces pièces ont été ajoutées à la preuve déjà déposée à l’audience devant la Commission comme pièce G-25, puisque l’avocat du défendeur n’avait pas soulevé d’objection à la présentation de ces éléments de preuve supplémentaires dans sa réplique, datée du 7 septembre 2005.

[34]   La réplique écrite du plaignant se lit comme suit :

[Traduction]

Plainte no 1320 (nouveau dossier no 561-02-94)

Ma plainte se lit ainsi : « L’employeur n’a pas respecté le délai fixé pour répondre à mon grief au troisième palier, contrevenant […] »

J’ai toujours déclaré et maintenu que je demandais que le grief soit entendu au quatrième palier.

C’est l’employeur qui a décidé d’entendre le grief au troisième palier. Il m’a informé de sa décision dans un courriel d’Helene Gorley daté du 26 avril 2004 (copie annexée). Ce jour-là, le 26 avril 2004, j’avais déjà reçu un appel téléphonique d’Helene Gorley m’informant que le ministère avait décidé d’entendre le grief au deuxième ou au troisième palier (c’était à déterminer). J’avais protesté contre cette décision dans ma conversation téléphonique avec Helene Gorley, sans obtenir aucun résultat positif, et je lui avais confirmé que je me conformerais aux instructions de l’employeur sur la façon de procéder dans cette affaire. Je joins une copie de mon courriel à Helene Gorley en date du 26 avril 2004 confirmant notre conversation téléphonique.

Pour conclure, le ministère ne s’est pas conformé au délai qu’il avait fixé pour entendre le grief au palier qu’il avait lui-même choisi. Je proteste parce que, si l’employeur avait l’intention de répondre au grief au troisième palier, il aurait dû le faire dans le délai fixé par le Règlement de la CRTFP, comme on peut le voir clairement dans la correspondance susmentionnée et dans les courriels (G-25) datés du 3 et du 4 mai. J’aimerais souligner que l’employeur n’avait pas contesté la validité de ma demande de présenter le grief au quatrième palier, malgré le fait que le ministère n’avait pas respecté le délai de réponse au grief au troisième palier.

Plainte no 1321 (nouveau dossier 561-02-95)

L’avocat de l’employeur a déployé de grands efforts pour convaincre la Commission que dépasser le délai fixé par le Règlement de la CRTFP pour répondre au grief au dernier palier était un manquement justifié d’importance minimale, pratiquement sans importance.

J’ai déjà souligné à la Commission le déséquilibre qui semble exister entre les conséquences pour le fonctionnaire de ne pas respecter le délai de présentation d’un grief et celles pour l’employeur de ne pas respecter les délais de réponse à un grief à quelque palier que ce soit. Si le fonctionnaire tarde d’aussi peu que d’une journée à présenter un grief ou demander qu’il soit entendu au palier suivant, il perd sa seule possibilité qu’on lui fasse justice et qu’il obtienne un redressement, et cela à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs. Le juge O’Reilly a maintenu la décision de l’administrateur que le grief avait été déposé tardivement dans sa décision sur la demande de contrôle judiciaire de Selwyn Pieters et le Procureur général du Canada, dans un arrêt rendu le 11 mars 2004, dossier de la Cour fédérale T-224-03 :

M. Pieters aurait dû déposer son grief au plus tard le 4 janvier 2000. Ses documents étaient datés du 24 décembre 1999, mais le cachet postal était le 12 janvier 2000. La convention collective précisait expressément que la date pertinente est la date du cachet postal figurant sur le grief.

Il ressort clairement de cette affaire-là qu’un retard d’au plus six jours (il y a une fin de semaine entre le 4 et le 12 janvier) n’est pas justifiable (même dans la période de Noël et du Nouvel An) et n’est pas considéré comme un manquement mineur; bien au contraire, le fonctionnaire s’estimant lésé perd sa seule possibilité d’obtenir justice et redressement. Alors, je pose la question : pourquoi les retards de l’employeur devraient-ils être traités avec plus de déférence que ceux de l’employé?

Le fonctionnaire a cinq (5) délais serrés à respecter dans une procédure de règlement des griefs à quatre paliers avant de pouvoir déposer sa plainte à la Commission, faute de quoi sa seule possibilité qu’on lui fasse justice disparaît. Si l’employeur ne répond pas au grief dans les délais prescrits par la Loi et par le Règlement, il ne s’ensuit rien de grave pour lui. En fait, la responsabilité retombe alors sur le fonctionnaire, qui doit demander que le grief soit porté à un palier plus élevé, ce pourquoi il doit respecter un nouveau délai. Si l’employeur rejette la plainte dans le délai prescrit, le fonctionnaire est encore tenu de respecter le prochain délai serré pour conserver la possibilité d’obtenir justice, faute de quoi l’affaire s’arrête là. Et cela continue jusqu’au dernier palier, voire jusqu’à un éventuel renvoi du grief à l’arbitrage. Bref, compte tenu de l’abondance des ressources de l’employeur, du fait que les enjeux et la procédure lui sont familiers et qu’il n’a pas à redouter de graves conséquences lorsqu’il ne respecte pas les délais, la Commission ne devrait pas se montrer déférente à son endroit, mais plutôt exercer ses pouvoirs pour que les exigences de la Loi et du Règlement soient respectées.

J’ai présenté le grief le 2 avril 2004. J’ai demandé qu’il soit porté au quatrième palier. J’ai donné de solides raisons pour justifier ma demande. Elle a été rejetée, en dépit de mes objections énergiques, sans explication ni justification. L’employeur n’a même pas pris l’affaire suffisamment au sérieux pour me répondre par écrit, et tout cela après des mois de tentatives pour obtenir des réponses à mes préoccupations. Du 2 avril au 9 juin (la date à laquelle j’ai reçu la réponse datée du 7 juin), il s’était écoulé 45 jours (compte non tenu des fins de semaine et des jours fériés); ce délai dépasse de 300 % le délai maximum fixé par le Règlement, ce qui signifie qu’il était trois fois plus long que le délai considéré comme raisonnable par le Règlement. C’était un délai assez long pour que l’employeur ait pu répondre à trois griefs différents. L’employeur est tenu de répondre au fonctionnaire au plus tard le 15e jour ouvrable de la date du grief. Même si sa réponse n’avait tardé que dix jours, le délai aurait été 75 % plus long que ce que le Règlement prescrit. Ce n’est pas un délai mineur ni infime, mais un délai très substantiel; il devrait être considéré comme tel et traité en conséquence.

Le Règlement ne fait aucune distinction entre l’importance attachée aux délais pour le fonctionnaire et pour l’employeur. Les deux sont aussi importants en vertu de la Loi, comme ils devraient l’être. Si une différence d’une journée est déterminante pour le fonctionnaire, sauf pour des raisons très rares, exceptionnelles et justifiables, une journée devrait aussi être déterminante pour l’employeur. Si les règles du jeu étaient égales, l’employeur devrait perdre sa possibilité de rejeter le grief la première fois qu’il ne se conforme pas à la Loi.

La Commission est chargée d’administrer la Loi et de s’assurer qu’elle est appliquée intégralement. Ces manquements communs (voir G-33, le courriel daté du 14 janvier 2003 : on n’avait même pas accusé réception d’un grief présenté le 11 décembre 2002, sans parler d’y répondre), laissés impunis, intensifient l’intimidation éprouvée par un fonctionnaire qui croyait au système et qui avait couru le risque de s’exposer en se plaignant. En ne faisant pas respecter les droits et les responsabilités des deux parties, on se retrouve avec de la méfiance à l’endroit du système et de ceux qui sont chargés de l’administrer. Le cynisme et l’accroissement du manque de respect pour l’institution gouvernementale vont finir par nuire aussi bien à l’employeur qu’au fonctionnaire.

L’avocat affirme que l’arbitre de grief n’a compétence que pour rendre une déclaration voulant que la réponse de l’employeur n’ait pas été conforme au délai maximum. Ce n’est certainement pas le cas. Le paragraphe 96(1) du Règlement prévoit qu’un arbitre de grief a tous les pouvoirs de la Commission, sauf celui de prendre des règlements, et le paragraphe 23(2) donne à la Commission le pouvoir explicite suivant :

Dans les cas où, en application du paragraphe (1), elle juge l’employeur, une organisation syndicale ou une personne coupable d’un des manquements qui y sont énoncés, la Commission peut, par ordonnance, lui enjoindre d’y remédier ou de prendre toute mesure nécessaire à cet effet dans le délai qu’elle estime approprié. (C’est moi qui souligne.)

Si l’arbitre de grief le juge approprié, il peut rendre une ordonnance enjoignant à l’employeur de se conformer à la Loi et au Règlement et peut aussi lui faire verser les dommages-intérêts qu’il juge bon de lui imposer. À cet égard, je dirais que l’employeur économise beaucoup d’argent en ne consacrant pas suffisamment de ressources aux procédures de règlement des griefs pour s’assurer qu’on y réponde dans les délais. L’ordonnance de la Commission pourrait n’être pas en elle-même une solution à long terme si l’employeur ne devait pas craindre de se voir imposer une amende suffisamment lourde pour compenser les économies qu’il réalise en consacrant trop peu de ressources à cette tâche.

Plainte no 1322 (nouveau dossier 561-02-96)

Contrairement à ce que l’avocat prétend dans son argumentation, je n’ai pas allégué que la « mauvaise personne » qui avait entendu le grief avait contrevenu au paragraphe 69(1) en le faisant. J’ai déclaré ceci : « Le grief a été entendu par Yvette Alöisi, SMA, plutôt que par le SM, comme la Direction des opérations d’approvisionnement l’avait décidé conformément au paragraphe 69(1) du Règlement de la CRTFP. Le SM était identifié comme le dernier palier de la procédure de règlement des griefs conformément au paragraphe 69(1). J’ai allégué que c’était contrevenir aux dispositions du paragraphe 100(4) de la Loi. Et la Loi, et le paragraphe 69(1) du Règlement exigent que l’information donnée par l’employeur soit véridique et qu’il s’y conforme. C’est ce que l’employeur n’a pas fait.

Le fait qu’Y. Alöisi ait cru avoir le pouvoir voulu sur la foi d’une affirmation verbale d’un DG, sans vérification, ou que cette pratique ait pu exister depuis longtemps au ministère sans la délégation en bonne et due forme requise du SM responsable n’avalise pas cette pratique. Pour que n’importe qui d’autre que le SM entende un grief au dernier palier, il faut que celui-ci ait expressément délégué ce pouvoir officiellement, par écrit, comme la politique l’exige (voir G-3), afin que la personne à laquelle il l’a délégué puisse l’exercer. Une fois que le ministère a officiellement confirmé dans la pièce G-24, conformément au paragraphe 100(4) de la Loi, que le sous-ministre allait entendre le grief au dernier palier, celui-ci avait l’obligation d’entendre tous les griefs à ce palier. Il ne l’a pas fait, de sorte qu’Y. Alöisi a entendu le grief au dernier palier sans avoir compétence pour le faire.

Plainte no 1323 (nouveau dossier 561-02-97)

L’avocat dit qu’il est étrange que je me plaigne maintenant de l’absence d’avis au tableau d’affichage, puisque je savais où trouver l’information. Il n’est pas pertinent que je l’aie su ou ignoré. Le fait est que la Loi et le Règlement obligent l’employeur à se conformer à ses propres exigences. La Loi ne précise ni explicitement, ni implicitement que l’information devrait être affichée pour ceux qui ne savent pas où l’obtenir. Elle doit être affichée continuellement pour informer toutes les centaines de milliers de fonctionnaires, sans distinction. C’est pour cette raison qu’elle doit toujours être affichée là où les fonctionnaires peuvent la lire.

Que l’employeur ait ou n’ait pas d’explication à son manquement est sans importance. Il s’est écoulé plus d’un an depuis que j’ai personnellement présenté ma plainte à Y. Alöisi, et rien n’a encore été fait pour corriger la situation. Ce n’est pas à l’avocat qu’il appartient de peser ni de mesurer les conséquences potentielles des manquements de l’employeur à la Loi et au Règlement. Une fois que la Commission a confirmé qu’il y a manqué, c’est à elle qu’il revient d’administrer la Loi et de faire en sorte que toutes les parties s’y conforment constamment. C’est aussi à elle qu’il incombe de déterminer les mesures qu’elle devrait prendre pour s’acquitter de son mandat.

Après avoir constaté le peu de respect de l’employeur pour les exigences de la Loi et du Règlement ainsi que l’absence de mesures correctives une fois les plaintes déposées, je demande respectueusement qu’une ordonnance d’observation soit rendue dans les termes les plus énergiques à l’égard de toutes les plaintes et que des dommages-intérêts punitifs exemplaires me soient accordés pour chaque plainte accueillie par la Commission, comme je l’ai demandé ou comme elle le jugera approprié.

[35]   Dans sa réponse à la Commission, l’avocat du défendeur a fait valoir ce qui suit le 7 décembre 2005.

[Traduction]

La présente fait suite à votre lettre datée du 6 décembre 2005 avec laquelle vous nous faisiez parvenir des documents déposés par M. Garcia Marin le 10 mai 2005. En ce qui a trait à l’argumentation de M. Garcia Marin pour justifier des dommages-intérêts, l’employeur/ le défendeur demanderait que, puisqu’on n’a pas entendu de preuve à cet égard à l’audience, l’arbitre de grief/commissaire en reste saisi dans sa décision sur le fond. Dans l’éventualité où le grief et/ou les plaintes seraient accueillis, les parties auraient la possibilité de présenter une preuve et des observations si elles n’arrivaient pas à s’entendre sur le redressement approprié.

Motifs de décision

Régime législatif applicable

[36]   Dans la présente affaire, les plaintes ont été déposées sous le régime de la LRTFP (l’ancienne loi), en vertu de l’alinéa 23(1)d), le 21 juin 2004. Or, ni la LMFP, ni la nouvelle LRTFP ne prévoient de dispositions de transition spécifiques à l’égard des plaintes fondées sur cet alinéa de l’ancienne Loi. L’article 36 de la nouvelle Loi pose les pouvoirs généraux de la Commission, comme celui de rendre des ordonnances exigeant l’observation de la Loi et des règlements pris sous son régime.

[37]   En vertu du paragraphe 39(1) de la LMFP, la Commission continue d’être saisie des plaintes fondées sur l’ancienne Loi et doit les trancher conformément à la nouvelle Loi. Puisque la plainte dont je suis saisi a été déposée avant le 31 mars 2005, la situation des parties était cristallisée avant l’abrogation de l’ancienne Loi. La situation légale des parties aux plaintes est tangible et concrète par suite de leur dépôt. Qui plus est, l’alinéa 43e) de la Loi d’interprétation dispose que l’abrogation d’une loi n’a pas pour conséquence d’influer sur les enquêtes, procédures judiciaires ou recours relatifs aux droits, obligations, avantages, responsabilités acquis ou encourus par les parties.

[38]   La Commission a appliqué la présomption que la législation n’est pas censée avoir d’effet rétroactif ni porter atteinte aux droits acquis des parties (AIMTA, supra ,Lamarche c. Marceau, 2005 CRTFP 153, et Cloutier c. Leclair, 2006 CRTFP 5). Cette présomption devrait aussi s’appliquer aux plaintes de M. Garcia Marin; d’ailleurs, les parties s’entendent sur ce point.

[39]   Par conséquent, les plaintes sont examinées et décidées en fonction des droits et obligations découlant de l’ancienne Loi.

Dossier de la CRTFP 561-02-94

[40]   M. Garcia Marin a présenté son grief à l’employeur le 2 avril 2004; il a réclamé qu’on l’entende au quatrième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs (pièce E-3). L’employeur a répliqué qu’il préférait l’entendre au deuxième ou au troisième paliers, en informant M. Garcia Marin qu’il pourrait l’entendre au troisième palier le 6 mai 2004. M. Garcia Marin a décliné cette offre et insisté pour que son grief soit entendu au dernier palier. L’employeur y a consenti en le portant à ce palier le 5 mai 2004.

[41]   Normalement, en vertu de l’alinéa 71(2)a) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993 (le Règlement), le grief devrait être présenté au premier palier lorsque l’affaire n’est pas liée à la classification ni à une sanction disciplinaire entraînant le licenciement. Le Règlement n’interdit pas la présentation d’un grief à un autre palier sans qu’il soit entendu au palier précédent si les parties s’entendent à cette fin. Dans la plainte en l’espèce, les parties ont convenu que le grief serait entendu au quatrième et dernier palier de la procédure après en avoir discuté par écrit. Elles s’étaient donc mises d’accord pour ne pas entendre le grief aux trois premiers paliers de la procédure de règlement des griefs. Conformément à leur accord, il n’a effectivement pas été entendu au troisième palier.

[42]   Ce n’est pas parce qu’il lui a fallu plus de 15 jours pour trancher la question du renvoi d’un grief directement au dernier palier que l’employeur peut être blâmé pour un manquement au paragraphe 74(1) du Règlement. Les discussions à cet égard n’étaient pas entachées de mauvaise foi, que ce soit de la part de l’employeur ou de celle de M. Garcia Marin. Les parties ont décidé de bonne foi que le grief ne serait pas entendu au troisième palier, de sorte que l’employeur n’avait aucune obligation de fournir à M. Garcia Marin une réponse à ce palier. Dans les circonstances, je conclus que M. Garcia Marin n’a pas prouvé que l’employeur ait manqué au paragraphe 74(1) du Règlement.

Dossier de la CRTFP 561-02-95

[43]   L’employeur a porté le grief de M. Garcia Marin au quatrième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 5 mai 2004. Le grief a été entendu le 27 mai 2004, et la réponse écrite de l’employeur est datée du 7 juin 2004 (pièces E-10 et G-5).

[44]   La preuve a clairement démontré que l’employeur n’a pas produit sa réponse écrite au dernier palier de la procédure de règlement des griefs dans le délai de 15 jours prévu au paragraphe 74(1) du Règlement, et la plainte faisant l’objet du dossier de la CRTFP no 561-02-95 est donc fondée dans cette mesure.

[45]   M. Garcia Marin n’a pas perdu la possibilité qu’on lui fasse justice et qu’on lui accorde un redressement, puisqu’il a renvoyé son grief à l’arbitrage le 7 juin 2004 avant d’avoir reçu la réponse de l’employeur. En fait, le redressement en cas de manquement de l’employeur à son obligation de répondre au grief dans le délai prescrit est prévu par le Règlement lui-même : le fonctionnaire est libre de porter le grief au palier suivant. En date de la présente décision, une ordonnance officielle enjoignant à l’employeur de se conformer au Règlement — et plus particulièrement au paragraphe 74(1) serait purement théorique, puisque le grief a désormais été entendu par l’arbitre de grief.

Dossier de la CRTFP 561-02-96

[46]   M. Garcia Marin s’est plaint que son grief ait été entendu par la mauvaise personne au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le grief a effectivement été entendu par la SMA le 27 mai 2004 (pièce G-5). M. Garcia Marin a fait valoir que la procédure de règlement des griefs applicable aux fonctionnaires de la Direction du service des opérations d’approvisionnement de TPSGC stipulait que le sous-ministre était chargé d’entendre les griefs au quatrième palier (pièce G-24). Il a aussi déposé le document [traduction] « Délégation des pouvoirs de gestion des ressources humaines » (pièce E-3) stipulant ce qui suit :

[Traduction]

Le pouvoir de répondre aux griefs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs du ministère incombe au sous-ministre ou à son ou ses représentants.

[47]   M. Bremner et la SMA ont témoigné que la tâche de répondre aux griefs au quatrième palier de la procédure avait été confiée au SMA aux Ressources humaines, sans toutefois pouvoir déposer une copie de l’instrument de délégation de pouvoir. M. Garcia Marin n’a pourtant pas contredit la déclaration de M. Bremner que le SMA aux Ressources humaines était chargé d’entendre les griefs au quatrième palier depuis au moins 15 ans.

[48]   Le paragraphe 100(4) de l’ancienne LRTFP dispose clairement que l’employeur désigne une personne dont la décision sur un grief constitue le dernier palier ou un palier quelconque de la procédure de règlement d’un grief. En d’autres termes, c’est la prérogative de l’employeur de désigner une personne pour agir à chacun des paliers de la procédure de règlement des griefs. Le document de délégation des pouvoirs de gestion des ressources humaines a été rédigé conformément à la prérogative de l’employeur, et il désigne le sous-ministre ou son ou ses représentants pour répondre aux griefs au dernier palier.

[49]   La preuve a démontré que la SMA avait agi à titre de personne désignée pour entendre les griefs au dernier palier dans le cas du grief de M. Garcia Marin. Je conclus qu’elle peut agir à titre de représentante du sous-ministre au quatrième palier, et la preuve ne m’a pas convaincu que cette délégation de pouvoir doit être faite par une délégation de pouvoir écrite en bonne et due forme. Au contraire, le document de délégation des pouvoirs de gestion des ressources humaines stipule que le ou les représentants du sous-ministre peuvent agir au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le libellé des politiques ministérielles (DP045) autorise le sous-ministre à nommer n’importe quel représentant pour agir à sa place au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, sans qu’il faille lui déléguer officiellement ce pouvoir.

[50]   La preuve a établi que M. Garcia Marin avait été informé que la responsabilité de répondre à son grief au dernier palier avait été déléguée au sous-ministre, comme il l’a déclaré à M. Bremner lors de leur rencontre du 27 mai 2004, avant que son grief ne soit entendu au dernier palier. La procédure de règlement des griefs, que M. Garcia Marin avait obtenue après en avoir fait la demande, en avril 2004 (pièce G-24), peut être interprétée de cette façon parce qu’elle ne précise pas que la responsabilité d’entendre les griefs au quatrième palier avait été déléguée au sous-ministre ou à son ou ses représentants, comme la Politique le précise. Sur ce point, il est important que TPSGC apporte la correction voulue à la procédure de règlement des griefs pour préciser que le pouvoir d’entendre des griefs au quatrième et dernier palier incombe au sous-ministre ou à son ou ses représentants, pour faire en sorte qu’elle soit conforme à la politique de délégation des pouvoirs de gestion des ressources humaines établie en conformité du paragraphe 100(4) de l’ancienne LRTFP.

[51]   Je conclus que M. Garcia Marin n’a pas prouvé que l’employeur a contrevenu au paragraphe 100(4) de l’ancienne LRTFP lorsqu’il a désigné la SMA pour répondre à son grief au quatrième palier.

Dossier de la CRTFP 561-02-97

[52]   M. Garcia Marin a déposé en preuve des photographies qu’il avait prises les 28 et 29 décembre 2004 des tableaux d’affichage situés dans la section 12C1 (son lieu de travail après juin 2003) ainsi que dans la Section 6B1 (où il travaillait avant juin 2003) (pièces G-28 et G-29). Ces photographies prouvent qu’aucune information n’était affichée précisant les noms ou les titres des personnes désignées par l’employeur aux différents paliers de la procédure de règlement des griefs. Selon M. Garcia Marin, cela constituait un manquement au paragraphe 100(4) de l’ancienne LRTFP de même qu’au paragraphe 69(2) du Règlement.

[53]   Le paragraphe 100(4) de l’ancienne LRTFP dispose que l’employeur désigne une personne pour le représenter au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et qu’il lui incombe d’informer par écrit le fonctionnaire s’estimant lésé de cette désignation en cas de doute. En l’occurrence, la preuve a établi que M. Garcia Marin avait dit douter que la SMA était la bonne personne pour entendre son grief au dernier palier lorsqu’il a rencontré M. Bremner le 27 mai 2004.

[54]   M. Bremner a déclaré à M. Garcia Marin que la SMA était la personne responsable au dernier palier et on peut interpréter la réponse de la SMA datée du 7 juin 2004 comme un avis écrit qu’elle était la personne désignée par l’employeur. La pièce E-10 montre que M. Garcia Marin avait fait part à la SMA, quand son grief a été entendu au dernier palier, de ses observations sur la question de la personne désignée et du délai de réponse à chaque palier de la procédure de règlement des griefs. Je conclus que la réaction de l’employeur au doute exprimé par M. Garcia Marin est compatible avec le paragraphe 100(4) de l’ancienne LRTFP et qu’aucun manquement à ce paragraphe n’a été prouvé.

[55]   Le témoignage et la preuve de M. Garcia Marin sur le fait que la procédure de règlement des griefs n’était pas affichée aux tableaux alors que l’article 69 du Règlement l’exige n’ont pas été contredits par l’employeur. La preuve a démontré l’absence de tels avis sur les tableaux d’affichage des sections 12C1 et 6B1, où il travaillait avant et après juin 2003. L’affiche sur laquelle figurent les titres des personnes désignées pour représenter l’employeur à chaque palier de la procédure de règlement des griefs figurait au tableau de la Section 8C1 (Secteur des systèmes aérospatiaux, marins et électroniques) de TPSGC.

[56]   Le paragraphe 69(2) du Règlement stipule que l’employeur affiche des avis contenant l’information requise par le paragraphe 69(1) bien en vue dans des endroits où ils sont le plus susceptibles d’être vus par les fonctionnaires. L’affichage de l’avis dans une autre partie des locaux du ministère que celle où le fonctionnaire travaille ne satisfait pas à l’obligation imposée par le paragraphe 69(2). Il y avait des tableaux d’affichage à la Section 12C1 (Secteur des services scientifiques, informatiques et professionnels) et à la Section 6B1 (Secteur des services industriels, des produits commerciaux et de la normalisation), où M. Garcia Marin travaillait avant et après juin 2003. L’employeur n’a avancé aucune raison afin d’expliquer pourquoi il n’avait pas affiché cet avis sur ces tableaux, des endroits bien en vue où l’avis aurait été particulièrement susceptible d’être lu par les fonctionnaires travaillant là. Par conséquent, je conclus que l’employeur ne s’est pas conformé aux exigences du paragraphe 69(2) du Règlement.

[57]   L’employeur a l’obligation claire d’informer chaque fonctionnaire des noms ou des titres des personnes désignées à chaque palier de la procédure de règlement des griefs, ainsi que de l’adresse du supérieur hiérarchique immédiat ou du chef de service local à qui les griefs doivent être présentés, conformément au paragraphe 69(1) du Règlement. En l’espèce, l’employeur n’a pas affiché d’avis renfermant cette information, ce qui constitue un manquement au paragraphe 69(2).

[58]   Cela m’amène à déterminer le redressement approprié pour ce manquement au Règlement compte tenu particulièrement des changements intervenus le 1er avril 2005 qui ont entraîné l’abrogation de l’ancienne LRTFP et de l’ancien Règlement (en vertu du décret C.P. 2005-372). Je dois donc me demander s’il serait opportun pour la Commission d’ordonner l’application d’une disposition désormais abrogée.

[59]   Dans le nouveau Règlement pris par la Commission après la proclamation en vigueur de la nouvelle Loi, le 1er avril 2001, l’obligation de l’employeur d’informer les fonctionnaires des paliers de la procédure de règlement des griefs et des personnes dont la décision sur un grief constitue sa réponse à un palier de la procédure est précisée au paragraphe 65(1) du nouveau Règlement. Cette obligation est identique à celle qui figurait au paragraphe 69(1) de l’ancien Règlement. L’obligation de l’employeur énoncée au paragraphe 65(2) du nouveau Règlement d’afficher ces avis a le même effet que celle qu’on trouvait au paragraphe 69(2) de l’ancien Règlement.

[60]   Il s’ensuit que les obligations stipulées dans le nouveau Règlement (paragraphes 65(1) et (2)) vont dans le même sens que celles qui figuraient dans l’ancien Règlement (paragraphes 69(1) et (2)). En vertu de l’article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission continue d’être saisie des plaintes qui lui ont été renvoyées en vertu de l’ancienne Loi, et elle doit les trancher conformément à la nouvelle Loi. Je conclus donc que la Commission peut ordonner à l’employeur de s’acquitter de ses obligations d’informer les fonctionnaires et d’afficher l’avis voulu comme le prévoit le nouveau Règlement.

Dommages-intérêts punitifs exemplaires

[61]   M. Garcia Marin a réclamé 25 000 $ en dommages-intérêts punitifs exemplaires pour chacune de ses plaintes. Il a déclaré que les sommes économisées par TPSGC sont sûrement plus importantes que celles qu’il réclame par manquement du Ministère à ses obligations, et que cette pénalité va le dissuader de s’adonner à de telles pratiques. Il n’a pas expliqué sur quelle base ni de quelle façon TPSGC aurait économisé de l’argent en n’appliquant pas le Règlement, ni établi non plus qu’il avait subi des dommages quantifiables quelconques par suite de ces manquements.

[62]   La question des dommages-intérêts punitifs exemplaires était fondamentale dans l’arrêt de la Cour fédérale Canada (Procureur général) c. Hester, [1999] 2 C.F. 706, où le juge Gibson a déclaré ce qui suit :

[…]

En fait, la Commission dit : cet intimé sera indemnisé et la réparation ne sera pas calculée en fonction du préjudice ou de la perte qu’il a subi, mais plutôt au regard d’une norme conçue pour s’assurer qu’à l’avenir l’employeur respectera les ententes qu’il a signées. En fait, la Commission impose une réparation pour un comportement qui, selon elle, mérite d’être puni, dont l’intimé en l’espèce, et non le trésor public, sera le bénéficiaire, avec pour résultat que l’intimé sera, par définition, surindemnisé.

Au regard de cette analyse, je suis convaincu que la Commission a imposé un redressement de nature punitive.

Le juge McIntyre poursuit dans les mots suivants aux pages 1105 et 1106 de l’arrêt Vorvis :

Quand peut-on accorder des dommages-intérêts punitifs? Il ne faut jamais oublier que lorsqu’elle est imposée par un juge ou un jury, une punition est infligée à une personne par un tribunal en vertu du processus judiciaire. Qu’est-ce qui est puni? Ce ne peut certainement pas être simplement le comportement que le tribunal désapprouve, quels que puissent être les sentiments du juge. Dans une société civilisée, on ne saurait infliger de peine sans une justification en droit. L’imposition d’une telle peine ne peut se justifier que par la conclusion qu’il y a eu méfait donnant ouverture à un droit d’action et qui a causé le préjudice allégué par le demandeur.

Finalement, le juge McIntyre poursuit ainsi aux pages 1107 et 1108 de l’arrêt Vorvis :

De plus, il n’est possible d’accorder de dommages-intérêts punitifs qu’à l’égard d’un comportement qui justifie une peine parce qu’il est essentiellement dur, vengeur, répréhensible et malicieux. Je ne prétends pas avoir énuméré tous les qualificatifs aptes à décrire un comportement susceptible de justifier l’attribution de dommages-intérêts punitifs, mais de toute façon, pour que de tels dommages-intérêts soient accordés, il faut que le comportement soit de nature extrême et mérite, selon toute norme raisonnable, d’être condamné et puni.

[63]   De l’avis du juge Gibson, de la Cour fédérale, le tribunal peut imposer un redressement pour un comportement qu’il juge punissable. En citant le juge McIntyre dans l’arrêt Vorvis c. Insurance Corporation of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 1985, la Cour fédérale souscrivait au principe qu’on ne peut accorder des dommages-intérêts punitifs que pour punir une conduite dure, vindicative, répréhensible et malicieuse. Dans la présente affaire, M. Garcia Marin a établi que l’employeur ne s’est pas conformé au Règlement dans le cas de ses plaintes fondées sur les paragraphes 74(1) (dossier de la CRTFP 561-02-95) et 69(2) du Règlement (dossier de la CRTFP 561-02-97).

[64]   Mon analyse de la preuve déposée par M. Garcia Marin n’a pas établi que l’employeur s’était conduit de façon dure, vindicative, répréhensible et malicieuse dans son traitement du grief du plaignant. Par conséquent, faute d’avoir une telle preuve, je n’ai rien sur quoi me fonder pour ordonner ou accorder des dommages-intérêts punitifs exemplaires.

[65]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[66]   Les plaintes dans les dossiers de la CRTFP 561-02-94 et 561-02-96 sont rejetées.

[67]   Je déclare que le défendeur a contrevenu au paragraphe 74(1) du Règlement lorsqu’il a répondu le 7 juin 2004 au grief au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs, après l’expiration du délai de 15 jours prescrit par ce paragraphe.

[68]   Je déclare que le défendeur a contrevenu au paragraphe 69(2) du Règlement , faute d’avoir affiché un avis contenant les renseignements visés au paragraphe 69(1) dans un endroit bien en vue où il était le plus susceptible d’être lu par le plaignant en décembre 2004.

[69]   J’ordonne au défendeur de se conformer au paragraphe 65(2) du nouveau Règlement , en affichant l’avis contenant l’information requise au paragraphe 65(1) du nouveau Règlement dans des endroits bien en vue où il sera le plus susceptible d’être lu par les fonctionnaires travaillant dans le Secteur des services scientifiques, informatiques et professionnels (Section 12C1) et dans le Secteur des services industriels, des produits commerciaux et de la normalisation (Section 6B1).

[70]   La demande de dommages-intérêts punitifs exemplaires est rejetée.

Le 8 mars 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

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