Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était un employé de l’Agence du revenu du Canada (<< l’employeur >>) pour une période déterminée - il était dans cette situation depuis 2004 et son terme avait été renouvelé un certain nombre de fois jusqu’au 12 janvier 2006, lorsque l’employeur a décidé de ne plus le renouveler son emploi à terme, qui devait se terminer le 3 février 2006 - le fonctionnaire s’estimant lésé a écrit au commissaire de l’ARC pour lui demander d’enquêter sur cet << abus de pouvoir >> de ses superviseurs - l’arbitre de grief devait décider si la lettre pouvait être considérée comme étant un grief en vertu de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (<< la Loi >>) - l’arbitre de grief a conclu que le Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique et la convention collective applicable imposaient certaines formalités quant à la présentation d’un grief - cependant, le paragraphe 241(1) de la Loi stipule qu’un vice de forme ne rend pas une procédure invalide - l’arbitre de grief a procédé à une analyse pour déterminer si la lettre que le fonctionnaire s’estimant lésé a envoyée au commissaire, compte tenu de son contenu, pouvait être considérée comme étant un grief valide - il a conclu qu’une demande d’enquête n’est pas la même chose qu’un grief contestant de présumées mesures disciplinaires - aucune demande d’audition de grief n’a été déposée par le fonctionnaire s’estimant lésé et la lettre n’a pas été considérée comme un grief par les parties - l’arbitre de grief a conclu que la lettre de l’employé n’exprimait pas une intention pleinement formée de déposer un grief et a déclaré qu’il n’avait pas compétence pour entendre le renvoi à l’arbitrage. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-11-22
  • Dossier:  566-34-185
  • Référence:  2006 CRTFP 128

Devant un arbitre de grief



ENTRE

DAWIT TUQUABO

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

autre partie au grief

Répertorié
Dawit Tuquabo c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Ian R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Lui-même

Pour l'autre partie au grief:  Sonia Virc


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 18 septembre 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

[1]     Dawit Tuquabo a été un employé nommé pour une période déterminée à l'Agence du revenu du Canada (ARC) du 15 mars 2004 au 12 février 2006. Il allègue que son emploi d'une durée déterminée n'a pas été renouvelé pour des raisons disciplinaires. L'ARC a soulevé une objection préliminaire à la compétence de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») au motif que M. Tuquabo n'avait pas déposé de grief conformément à la procédure de règlement des griefs. Les parties ont fourni des observations écrites sur la question et la Commission a ordonné la tenue d'une audience portant exclusivement sur la question de la compétence.

[2]    Au début de l'audience, M. Tuquabo a demandé s'il pouvait enregistrer l'audience sur bande magnétique. J'ai statué qu'il ne pouvait pas enregistrer la procédure.

[3]    M. Tuquabo ayant soulevé des allégations de violation des droits de la personne, la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) a été avisée du renvoi à l'arbitrage. La CCDP s'est réservée le droit de faire des observations, mais n'a pas assisté à l'audience.

[4]    Aucune preuve n'a été produite à l'audience sur la question de la compétence. Néanmoins, il y a un certain nombre de faits et de documents qui ne sont pas contestés et que j'ai résumés ci-dessous. À l'audience, M. Tuquabo a voulu produire un enregistrement sur bande des conversations avec son superviseur. La représentante de l'employeur s'y est opposée, et j'ai statué que je n'admettrai pas les bandes en preuve. De façon générale, l'enregistrement de conversations, sur le lieu de travail, à l'insu des gens ne doit pas être encouragé. M. Tuquabo, tout comme son superviseur, pourrait être appelé comme témoin si le contenu des conversations était pertinent à l'audience. Après discussion avec les parties, j'ai déterminé que la teneur de la conversation n'était pas pertinente pour trancher une question de compétence.

Contexte

[5]    M. Tuquabo était employé comme commis aux services d'établissement de cotisations, à la Division du traitement des déclarations, au Bureau international des services fiscaux de l'ARC. Il a occupé ce poste du 15 mars au 18 juillet 2004. Il a ensuite accepté un transfert latéral temporaire au Centre de service à la clientèle pour la rémunération, au Centre de technologie d'Ottawa. Son terme a été prolongé à plusieurs reprises, la dernière prolongation remontant au 3 février 2006. Le 12 janvier 2006, le directeur adjoint de la Division du traitement des déclarations a décidé de ne pas prolonger le terme de M. Tuquabo au‑delà du 3 février 2006.

[6]    Le 13 janvier 2006, M. Tuquabo a écrit à Michel Dorais, commissaire de l'ARC. Dans sa lettre, il a demandé au commissaire d'enquêter sur un « abus de pouvoir » de la part de ses superviseurs. Il a allégué que les superviseurs avaient mis fin à son emploi à l'ARC et avaient fait preuve de discrimination envers lui. Il a également demandé au commissaire de renverser la décision de « mettre fin » à son emploi jusqu'à ce qu'une enquête en bonne et due forme ait été menée à ce sujet. Il a envoyé d'autres lettres (versées au dossier de la Commission) au commissaire le 31 janvier ainsi que les 2 et 14 février 2006.

[7]    Dans son renvoi à l'arbitrage, M. Tuquabo a indiqué que la date à laquelle le grief avait été présenté au dernier palier était le 13 janvier 2006 (date de sa lettre adressée au commissaire).

[8]    La convention collective applicable est celle qui a été conclue entre l'ARC et l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) (date d'expiration : 31 octobre 2007). La convention collective prévoit que le dernier palier de la procédure de règlement des griefs est le commissaire ou son représentant autorisé.

Résumé de l'argumentation

[9]    La représentante de l'employeur a soutenu que la lettre adressée au commissaire en date du 13 janvier 2006 ne constituait pas un grief au sens de la convention collective ou de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP).

[10]    M. Tuquabo a présenté une argumentation écrite à l'audience, en plus de faire des observations de vive voix. Les observations écrites ont été versées au dossier à la Commission. M. Tuquabo a soutenu que la fin de son terme était disciplinaire. Sa convention collective prévoit que les griefs portant sur une mesure disciplinaire se rendent directement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Il a soutenu que, en l'espèce, sa lettre au commissaire constituait un grief au dernier palier.

[11]    La représentante de l'employeur n'était pas d'accord avec la thèse selon laquelle la fin du terme de M. Tuquabo était disciplinaire.

Motifs

[12]    La question que je dois trancher en l'espèce est de savoir si le renvoi à l'arbitrage présenté par M. Tuquabo est un renvoi recevable. Plus précisément, il s'agit de déterminer si la lettre que M. Tuquabo a envoyée au commissaire peut être considérée comme un grief aux termes de la nouvelle LRTFP. J'ai indiqué aux parties à l'audience que, pour rendre cette décision, je n'avais pas besoin de déterminer si la fin du terme de M. Tuquabo était disciplinaire ou non. L'objection soulevée par l'employeur était qu'aucun grief n'avait été déposé. La question du palier approprié de la procédure de règlement des griefs à utiliser dans les circonstances n'était pas en cause. J'ai indiqué aux parties que la question de savoir si la fin de l'emploi d'une durée déterminée de M. Tuquabo était disciplinaire pourrait faire l'objet d'autres procédures si je concluais que le renvoi à l'arbitrage était valide.

[13]    Les dispositions pertinentes de la nouvelle LRTFP sont les suivantes :

   208. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :
(i) soit de toute disposition d'une loi ou d'un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l'employeur concernant les conditions d'emploi,
(ii) soit de toute disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;
b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d'emploi.

   [...]

   209. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief individuel [...]

   [...]

   225. Le renvoi d'un grief à l'arbitrage de même que son audition et la décision de l'arbitre de grief à son sujet ne peuvent avoir lieu qu'après la présentation du grief à tous les paliers requis conformément à la procédure applicable.

   [...]

   241. (1) Les procédures prévues par la présente partie ne sont pas susceptibles d'invalidation pour vice de forme ou de procédure.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), l'omission de présenter le grief à tous les paliers requis conformément à la procédure applicable ne constitue pas un vice de forme ou de procédure.

   [...]

[14]    La question précise que je dois trancher est de savoir si la lettre du 13 janvier 2006 constitue un grief aux termes de la nouvelle LRTFP. La procédure de règlement des griefs est établie dans la convention collective. Le Règlement de la CRTFP établit aussi le cadre de base de la procédure de règlement des griefs. Le Règlement stipule qu'un employé qui souhaite présenter un grief « remplit » la formule établie par son employeur et approuvée par la Commission (article 67). Il est clair que M. Tuquabo n'a pas produit de formule de grief.

[15]    Cependant, le paragraphe 241(1) de la nouvelle LRTFP stipule clairement qu'un « vice de forme » ne rend pas une procédure invalide. Il est donc nécessaire d'examiner de plus près la lettre du 13 janvier 2006 pour déterminer si elle peut être considérée comme un grief en vertu de la nouvelle LRTFP.

[16]    La lettre que M. Tuquabo a écrite était adressée au commissaire, qui représentait le dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Dans cette lettre, M. Tuquabo demandait la tenue d'une enquête et le maintien de sa situation d'emploi jusqu'à l'issue de l'enquête. Il n'a pas, dans sa lettre, indiqué qu'il voulait contester la décision de l'employeur de ne pas renouveler son emploi d'une durée déterminée. La demande d'une enquête n'est pas la même chose qu'un grief contestant une allégation de licenciement disciplinaire. Il était naturel que l'employeur ne traite pas la lettre de M. Tuquabo comme un grief, puisque ce dernier n'en a pas fait explicitement mention dans sa lettre. Qui plus est, M. Tuquabo n'a pas demandé d'audition de grief au dernier palier. L'audition de grief fait partie de la procédure de règlement des griefs et devrait normalement se produire avant le renvoi à l'arbitrage. La procédure de règlement des griefs existe pour une raison et, normalement, on ne devrait pas la contourner avant de renvoyer une affaire à l'arbitrage. En l'absence d'une formule de grief, il faut absolument que l'employé ait exprimé, dans une lettre ou un autre document fourni à l'employeur, une intention pleinement formée de déposer un grief. En l'espèce, cette intention de déposer un grief n'a pas été exprimée par M. Tuquabo. Par conséquent, je n'ai pas compétence pour entendre ce renvoi à l'arbitrage.

[17]    Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[18]    Je n'ai pas compétence en l'espèce, et le renvoi à l'arbitrage est rejeté.

Le 22 novembre 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

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