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Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé est un agent de correction au Pénitencier de Dorchester - il allègue dans son grief que son employeur a enfreint la convention collective en omettant de lui verser l’indemnité d’habillement annuelle (400 $) - l’indemnité d’habillement doit être versée aux agents de correction << qui ne sont pas tenus de porter régulièrement un uniforme >> - En se fondant sur des préoccupations ayant trait à la sécurité des agents, l’employeur avait émis des directives concernant le port de vêtements standard s’adressant aux employés dans l’unité où travaille le fonctionnaire s’estimant lésé et avait fourni des articles vestimentaires semblables aux agents pour qu’il soit facile de les distinguer des détenus - la question est de savoir si ces articles vestimentaires constituent un << uniforme >> au sens de la convention collective; si c’est le cas, les employés n’auraient pas droit à l’indemnité d’habillement annuelle - l’employeur a soulevé une objection préliminaire quant à la compétence de l’arbitre d’entendre le grief, parce que le fonctionnaire s’estimant lésé s’est référé à la mauvaise disposition de la convention collective et tentait maintenant de modifier de façon inappropriée le fondement de son grief - l’arbitre a rejeté l’objection, en invoquant le principe que la forme ne l’emporte pas sur le fond et en soulignant que la question en litige était claire pour les parties dès le départ - sur le fond du grief, l’arbitre a statué que le terme << uniforme >> a un sens précis dans le contexte de la convention collective applicable et que les articles vestimentaires que l’employeur avaient fournis aux agents ne constituent pas un << uniforme >> - l’indemnité d’habillement annuelle devait donc être versée au fonctionnaire s’estimant lésé. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P 35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-03-23
  • Dossier:  166-2-32613
  • Référence:  2006 CRTFP 34

Devant un arbitre de grief



ENTRE

MICHAEL LANNIGAN

fonctionnaire s’estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Lannigan c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P–35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Thomas Kuttner, c.r., arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé :  John Mancini, UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS – SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA – CSN

Pour l’employeur :  Suzanne Landry, avocate


Affaire entendue à Moncton (Nouveau-Brunswick),
le 8 mars 2005.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l’arbitrage

[1]   Le présent grief – soumis à l’arbitrage, est déposé en vertu des dispositions d’une convention collective exécutoire entre le Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada) (SCC) et UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS – SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA – CSN (UCCO-SACC–CSN), en vigueur du 2 avril 2001 au 31 mai 2002 (pièce 1). Par voie de grief présenté le 6 mai 2002, le fonctionnaire s’estimant lésé, Michael Lannigan, fait valoir que l’employeur a omis de lui verser l’indemnité d’habillement annuelle de quatre cents dollars (400 $) à laquelle il a droit comme employé non tenu de porter régulièrement un uniforme dans l’exercice de ses fonctions, contrairement aux dispositions du paragraphe 44.03 de la convention collective. En plus d’une mesure de redressement déclaratoire, il demande une ordonnance enjoignant à l’employeur de lui verser l’indemnité d’habillement annuelle à laquelle il a droit (pièce 2 A).

[2]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P–35 (l’« ancienne Loi »).

[3]   Pour les motifs énoncés ci-après, je conclus que le présent grief doit être accueilli et j’accorde en conséquence le redressement demandé.

Résumé de la preuve

[4]   La Commission a entendu le témoignage de deux personnes – le fonctionnaire s’estimant lésé et son superviseur immédiat à l’époque des circonstances ayant donné lieu au présent grief – et l’examen de la preuve s’inspire de ces témoignages et des pièces qui ont été déposées.

[5]   Le fonctionnaire s’estimant lésé est employé comme agent correctionnel au Pénitencier de Dorchester au Nouveau-Brunswick. Le Pénitencier de Dorchester est un établissement à niveaux multiples abritant des détenus à « sécurité minimale », à « sécurité moyenne » et à « sécurité maximale ». Environ 170 agents correctionnels sont employés au Pénitencier de Dorchester et sont principalement affectés à quatre unités, chacune relevant d’un gestionnaire. David Niles, qui avait 14 ans d’expérience auprès du SCC à l’époque de l’audience, avait été muté en 1998 de l’Administration centrale d’Ottawa à l’Administration régionale de l’Atlantique, où il était coordonnateur des opérations correctionnelles, au Pénitencier de Dorchester. En 1999, il est devenu gestionnaire de l’Unité 1 au Pénitencier de Dorchester et avait la responsabilité générale des agents correctionnels et autres membres du personnel de correction affectés à cette unité. Des agents correctionnels sont affectés dans l’ensemble du Pénitencier de Dorchester par rotation et, en tout temps, il y a 15 à 20 agents correctionnels de niveau 02 (CX 02) et plusieurs dizaines d’agents correctionnels de niveau 01 (CX 01) qui sont affectés à l’Unité 1. Il y a également des fonctions auxiliaires qui sont liées à l’Unité 1, y compris le Service des activités récréatives auquel six agents correctionnels sont affectés par « rotation lente », c’est–à paragraphe –dire à plus long terme que normalement. Trois de ces agents sont des CX 02, et trois sont des CX 01. Comme gestionnaire d’unité, poste qu’il a occupé jusqu’à sa mutation à l’établissement correctionnel Westmorland à la fin de 2002, M. Niles relevait directement du sous-directeur du Pénitencier de Dorchester chargé des opérations correctionnelles.

[6]   Lorsque, en mai 2002, il a déposé le présent grief, le fonctionnaire s’estimant lésé, soit un employé du Pénitencier de Dorchester ayant 16 ans d’ancienneté, occupait un poste par intérim de CX 02 au Service des activités récréatives de l’Unité 1 où il avait été affecté par rotation lente depuis environ deux ans et demi, d’abord comme CX 01. Le Service des activités récréatives comprend un gymnase intérieur et des installations connexes, y compris une salle d’haltérophilie, une salle de jeu et une cantine, ainsi que, à l’extérieur, des terrains de balle, des courts de tennis et une patinoire. Ce service permet de répondre aux besoins des détenus sur le plan des activités récréatives et de l’exercice. Outre leurs fonctions de sécurité, les agents correctionnels affectés au Service des activités récréatives doivent se mêler aux détenus dans les activités récréatives à l’intérieur et à l’extérieur.

[7]   Normalement, les agents correctionnels doivent porter un uniforme d’agent correctionnel comme l’indique le Guide de tenue vestimentaire pour les membres du personnel établi conformément à la directive 350 du commissaire concernant la « Gestion du matériel » (pièce 5). Le barème de distribution d’articles d’habillement pour l’uniforme d’agent correctionnel figure à l’annexe « B » du Guide et inclut des vêtements d’été et d’hiver de même que des articles d’habillement quatre-saisons. Les articles d’habillement sont fournis par l’intermédiaire du Centre de distribution des biens de la Couronne de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et ils incluent aussi des chemises, des pantalons, des chaussures, des bottes, un blazer et des articles appropriés à certaines saisons, par exemple des chandails, un parka, un chapeau, des gants, etc. Chaque article d’habillement se voit attribuer une valeur en point, et les agents correctionnels ont droit initialement à un maximum de 130 points, avec 40 points d’entretien annuels, ce qui peut s’accumuler d’année en année.

[8]   Les agents correctionnels affectés au Service des activités récréatives ne portent pas l’uniforme normal d’agent correctionnel. Étant donné qu’ils doivent se mêler aux détenus dans les activités récréatives et l’exercice physique, ils doivent porter des vêtements civils, à l’égard desquels ils ont toujours reçu une indemnité d’habillement comme le stipule l’annexe « E » du Guide de tenue vestimentaire pour les membres du personnel, l’annexe « E » étant le plan de distribution des articles vestimentaires aux agents de récréation. Ce barème de distribution prévoit l’achat commercial local, par les agents affectés aux activités récréatives, des articles suivants : une tenue d’entraînement trois pièces par année, d’une valeur maximum de 90 $; quatre chemises de sport ou t–shirts par année, d’une valeur maximum de 40 $; une paire de chaussures de course par année, d’une valeur maximum de 80 $. Bien que cela fasse en tout 210 $ par année, M. Lannigan et M. Niles ont témoigné que, en fait, l’indemnité d’habillement précédemment en vigueur pour les agents correctionnels affectés au Service des activités récréatives était de 120 $ par année.

[9]   M. Niles a témoigné que depuis 1998, c’est–à–dire depuis qu’il travaillait comme coordonnateur des opérations correctionnelles au Pénitencier de Dorchester, il avait des préoccupations quant à la tenue vestimentaire des agents correctionnels affectés au Service des activités récréatives de l’Unité 1. Certes, il convenait que c’était approprié de soustraire les agents correctionnels affectés au Service des activités récréatives à l’obligation de porter l’uniforme d’agent correctionnel et de leur permettre de porter des vêtements civils, correspondant mieux à leur rôle d’agents des activités récréatives, mais il se préoccupait de ce qu’il n’y avait pas d’uniformité dans la tenue vestimentaire pour permettre de distinguer facilement ces agents des détenus. Bien qu’étant appropriés, les vêtements civils pouvaient être des jeans, des tenues d’entraînement, des chemises de golf, des chemises en jean, selon les préférences des divers agents correctionnels. Il avait déjà lui-même pris un détenu pour un agent des activités récréatives justement parce que ce dernier n’était pas reconnaissable à sa tenue vestimentaire.

[10]   À cette époque, l’agent négociateur représentant les agents correctionnels était l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). En mars 2001, la Commission a accrédité UCCO-SACC–CSN comme agent négociateur pour certains employés du SCC auparavant représentés par l’AFPC, y compris les agents correctionnels. En avril 2001, le Conseil du Trésor et UCCO-SACC–CSN ont négocié une première convention collective, dont les modalités incluaient le paragraphe 44.03, lequel prévoit une indemnité d’habillement annuelle de 400 $ devant être versée aux agents correctionnels CX 01 et CX 02 qui ne sont pas obligés de porter régulièrement un uniforme dans l’exercice de leurs fonctions. Conformément à ce paragraphe, les agents de récréation travaillant alors au Service des activités récréatives de l’Unité 1, y compris le fonctionnaire s’estimant lésé, ont reçu l’indemnité d’habillement de 400 $ devant être versée en vertu du paragraphe 44.03 pour l’année 2001.

[11]   Entre janvier et avril 2002, M. Niles a discuté avec le sous-directeur de ses préoccupations quant au manque d’uniformité dans la tenue vestimentaire des agents correctionnels affectés au Service des activités récréatives de l’Unité 1. Avec l’approbation du sous-directeur, il a donné pour instructions à Jean LeBlanc, agent du programme de bien–être social du Service des activités récréatives, de consulter les agents correctionnels à propos de l’achat d’une tenue uniforme devant être portée par eux quand ils seraient affectés au Service des activités récréatives. M. LeBLanc, qui travaille avec les agents correctionnels, n’est pas dans la même unité de négociation; il est dans une unité de négociation représentée par l’AFPC. Après avoir consulté des employés et leur avoir fourni des échantillons de vêtements sport provenant de fournisseurs locaux, M. LeBlanc a rapporté à M. Niles que les agents correctionnels du Service des activités récréatives étaient parvenus à un consensus au sujet de la tenue vestimentaire appropriée. Muni de cette information, M. Niles a donné son autorisation pour que soient achetés les articles suivants à un fournisseur commercial local, pour chaque agent correctionnel affecté au Service des activités récréatives de l’Unité 1 : deux paires de pantalons « cargo », quatre chemises de golf et un coupe-vent à fermeture éclair, dont la couleur et le tissu étaient spécifiés. Des dispositions ont été prises par l’intermédiaire de M. LeBlanc afin de connaître les tailles requises pour chaque agent correctionnel avant de passer la commande. M. Niles a témoigné qu’il avait cru comprendre que le coût par agent pour les vêtements achetés dépassait 400 $. Vu la décision de mettre en œ uvre cette nouvelle norme d’habillement, aucune indemnité d’habillement annuelle n’a été versée en 2002 ou après cette date aux agents correctionnels affectés au Service des activités récréatives de l’Unité 1 du Pénitencier de Dorchester.

[12]   Le 6 mai 2002, le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief alléguant que l’employeur avait, en agissant de la sorte, violé le paragraphe 44.03 de la convention collective régissant l’indemnité d’habillement. La réponse suivante à ce grief a été donnée par Rémi Gobeil, sous–commissaire régional de l’Atlantique, le 19 mars 2003 :

[Traduction]

« Je réponds à votre grief du 6 mai 2002. Dans votre grief, vous contestiez la réception d’articles d’habillement au lieu de l’indemnité d’habillement annuelle de 400 $. Il n’a pas été répondu à votre grief au premier palier. Je suis désolé que la présente réponse, au deuxième palier, vous soit faite avec un tel retard.

Je crois comprendre que vous êtes ou étiez affecté au gymnase/Service des activités récréatives du Pénitencier de Dorchester comme CX 02. Je crois que votre grief a été déposé après la mise en œ uvre de la norme d’habillement pour les agents du Service des activités récréatives, notamment les CX 02.

On m’informe qu’il a été décidé que les agents du Service des activités récréatives porteraient des vêtements confortables et appropriés au gymnase, uniformes et reconnaissables, tout en étant de bon goût relativement au tissu ainsi qu’au style. Ces vêtements constitueraient l’« uniforme » des agents affectés à ces endroits. Le personnel du secteur a été consulté de manière à ce que l’on parvienne à des choix de vêtements qui répondent aux exigences susmentionnées, c’est–à–dire des vêtements confortables, uniformes et de bon goût. Par suite de ce processus de consultation, il a été décidé des articles d’habillement qui seraient fournis au personnel et que celui–ci devrait porter dans l’exercice des fonctions au Service des activités récréatives.

Je suis d’avis que la tenue vestimentaire adoptée par le Service des activités récréatives pour les CX 02 du Pénitencier de Dorchester est raisonnable et appropriée aux fonctions remplies. Ces vêtements constituent un uniforme à toutes fins. Avec cette tenue vestimentaire, les agents n’ont pas à engager des frais pour fournir leur propre habillement. Par conséquent, il n’y a aucun droit à l’indemnité d’habillement annuelle de 400 $ mentionnée dans le paragraphe 44.03 de la convention collective.

Me fondant sur ce qui précède, je dois rejeter votre grief. »

[pièce 2 B]

Résumé de l’argumentation

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[13]   Au nom du fonctionnaire s’estimant lésé, M. Mancini soutient qu’il s’agit ici d’un simple cas d’omission de la part de l’employeur de se conformer aux modalités claires de la convention collective obligeant à verser une indemnité d’habillement annuelle de 400 $ à des agents correctionnels qui ne sont pas tenus de porter régulièrement un uniforme dans l’exercice de leurs fonctions, comme le stipule le paragraphe 44.03 de la convention collective. Cette disposition limite explicitement les droits de la direction, par ailleurs protégés au paragraphe 6.01. L’habillement normalisé que l’employeur impose unilatéralement aux agents correctionnels travaillant au Service des activités récréatives de l’Unité 1 — quoi qu’étant conçu pour que ceux qui le porte puissent facilement être distingués de la population carcérale, n’est pas un uniforme au sens de la convention collective. Seuls les vêtements correspondant à la directive du Conseil du Trésor sur les uniformes, qui fait partie de la convention collective conformément à l’alinéa 41.03 a), peuvent être considérés comme étant un uniforme au sens de la convention collective.

[14]   Des changements peuvent être apportés à la Directive sur les uniformes uniquement en conformité avec les procédures qui y sont prévues, ce qui inclut la consultation de représentants de l’agent négociateur, l’envoi d’un avis officiel aux employés, la consultation du service gouvernemental consultatif sur l’habillement et l’obtention d’une autorisation du Conseil du Trésor. Rien de tel ne s’est produit en l’espèce. En tant que gestionnaire d’unité, M. Niles a, avec l’appui de cadres supérieurs, ordonné le port de vêtements particuliers par les agents correctionnels travaillant au Service des activités récréatives de l’Unité 1, sans faire référence à la directive du Conseil du Trésor sur les uniformes comme l’exigent les dispositions de l’alinéa 41.03 a), violant ainsi cet alinéa et le paragraphe 44.03 de la convention collective. Le fonctionnaire s’estimant lésé a droit à une mesure de redressement déclaratoire, ainsi qu’à l’indemnité d’habillement annuelle, à laquelle il avait droit mais qui lui avait été refusée à tort.

Pour l’employeur

[15]   Au nom de l’employeur, M e Landry a d’abord soulevé une question de compétence. Dans la forme dans laquelle il a été initialement déposé, le grief renvoie seulement au paragraphe 44.03 de la convention collective régissant l’indemnité d’habillement et il indique que l’employeur en a enfreint les modalités. À l’audience, le fonctionnaire s’estimant lésé alléguait en outre que l’employeur avait ainsi violé également l’alinéa 41.03 a) en général et la directive du Conseil du Trésor sur les uniformes en particulier. Le fonctionnaire s’estimant lésé ne peut faire cela, car en réalité il soumet à l’arbitrage une question qui n’était pas initialement l’objet du grief et à l’égard de laquelle je n’ai pas compétence comme arbitre de grief. La nature d’un grief ne peut être changée, même si les parties y consentent ou certainement pas de façon unilatérale par le fonctionnaire s’estimant lésé, comme en l’espèce. Dans l’examen de cette affaire, je ne peux que déterminer si le paragraphe 44.03 de la convention collective a été enfreint. À l’appui de ce qu’elle soutenait, l’avocate a cité l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans James Francis Burchill c. Le procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109.

[16]   Quant au fond du grief, l’avocate soutenait que, dans l’exercice des pouvoirs discrétionnaires de gestion qui lui sont conférés en vertu du paragraphe 6.01 de la convention collective, l’employeur peut établir des directives sur le port de vêtements normalisés au Service des activités récréatives de l’Unité 1. L’employeur se préoccupait, bien légitimement, de ce que la sécurité de l’établissement soit compromise si les agents correctionnels n’étaient pas facilement reconnaissables à une tenue vestimentaire normalisée qui les distingue de la population carcérale. Étant donné que le port de l’uniforme normal d’agent correctionnel n’est pas approprié au Service des activités récréatives, une autre tenue vestimentaire normalisée était nécessaire et a été fournie. Cette tenue normalisée correspond au sens ordinaire du mot « uniforme » figurant au paragraphe 44.03 de la convention collective. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’est pas en droit de recevoir l’indemnité d’habillement annuelle de 400 $ prévue au paragraphe 44.03, car il était obligé de porter régulièrement un uniforme dans l’exercice de ses fonctions d’agent correctionnel au Service des activités récréatives de l’Unité 1. À l’appui de ce qu’elle avançait, l’avocate a fait référence à la décision rendue par l’arbitre Oakley dans Newfoundland Department of Works, Services and Transportation and N.A.P.E., (1994) 40 L.A.C. (4th) 372.

Motifs

La question préliminaire de compétence

[17]   Comme je l’ai signalé, l’avocate de l’employeur base son argument voulant que je n’aie pas compétence pour examiner un manquement à l’alinéa 41.03 a) de la convention collective sur l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans Burchill c. Canada (supra). Dans cette affaire, le fonctionnaire s’estimant lésé avait déposé un grief alléguant qu’il avait droit à des dispositions spéciales en matière de mise en disponibilité établies par le Conseil du Trésor à l’égard d’employés nommés pour une période indéterminée, ce qui lui avait été refusé. La question dans cette procédure de règlement de grief était de savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé conservait son statut initial d’employé nommé pour une période indéterminée, malgré le fait qu’il ait subséquemment accepté un poste d’une durée déterminée à la Commission de lutte contre l’inflation. Cette question ne pouvait être renvoyée à l’arbitrage de grief en vertu du paragraphe 91(1) de l’ancienne Loi, mais devait être tranchée définitivement à l’étape de la procédure de règlement des griefs. Le grief ayant été rejeté à cette étape, le fonctionnaire s’estimant lésé avait alors cherché à soumettre son grief à l’arbitrage, alléguant que sa mise en disponibilité était en réalité une mesure disciplinaire déguisée prise contre lui par l’employeur et que c’était donc une question pouvant être renvoyée à l’arbitrage. En confirmant la décision de l’arbitre selon laquelle ce dernier n’avait pas compétence pour instruire le grief, le juge en chef Thurlow, s’exprimant pour la Cour, a déclaré :

5. « À notre avis, après le rejet de son seul grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le requérant ne pouvait présenter à l’arbitrage un nouveau grief ou un grief différent, ni transformer son grief en un grief contre une mesure disciplinaire entraînant le congédiement au sens du paragraphe 91(1). En vertu de cette disposition, seul un grief présenté et réglé conformément à l’article 90 ou visé à l’alinéa 91(1) a) ou b) peut être renvoyé à l’arbitrage. À notre avis, puisque le requérant n’a pas énoncé dans son grief la plainte dont il aurait voulu saisir l’arbitre, à savoir que sa mise en disponibilité n’était, en vérité, qu’une mesure disciplinaire camouflée, rien ne vient donner à l’arbitre compétence pour connaître du grief en vertu du paragraphe 91(1). Par conséquent, l’arbitre n’a pas compétence.  »

[18]   L’arrêt Burchill étaye la proposition selon laquelle un grief doit être formulé en termes assez clairs pour permettre à l’employeur de répondre à ce qui est allégué contre lui. Ce serait préjudiciable à l’employeur et injuste pour lui que d’exiger qu’il réponde à des allégations contre lui qui ne seraient pas claires. Ce principe ne peut toutefois être considéré comme vaste au point d’imposer, de manière absolue, une obligation à un fonctionnaire s’estimant lésé de faire référence à chaque disposition de la convention collective se rapportant à un grief dont l’essentiel est clair de prime abord. Les tribunaux ainsi que les arbitres ne supportent guère, et ce, depuis longtemps, les allégations de vice de forme ou d’irrégularité d’ordre technique dans le traitement de plaintes sous forme de griefs. L’omission de fournir des détails est depuis longtemps considérée comme entrant dans cette catégorie. Il y a plus de 40 ans, le juge Judson, parlant pour la majorité de la Cour suprême du Canada dans Re Galloway Lumber Co. Ltd. and British Columbia Labour Relations Board, (1965) 48 D.L.R. (2d) 587, a déclaré au sujet d’une opposition quant à la validité d’un grief :

[Traduction]

«   Tout d’abord, elle dit qu’une plainte écrite d’un employé indiquant que le renvoi de ce dernier est abusif n’est pas une notification d’une cause à soumettre à l’arbitrage en vertu de la convention collective, car quelque chose qui soit l’équivalent d’un exposé détaillé aurait dû être produit. C’est plus que les détails d’un acte de procédure en common law aient été requis dans une affaire de ce genre. L’objection n’est aucunement fondée. » [à la p. 588]

[19]   Le fait que la Cour suprême du Canada se préoccupe de ce que la forme ne prime pas le fond dans le processus arbitral a trouvé écho dans les décisions d’autres tribunaux. Ainsi, le juge Brooke, s’exprimant pour la Cour d’appel de l’Ontario dans Re Blouin Drywall Contractors Ltd. and United Brotherhood of Carpenters & Joiners of America, Local 2486, (1975) 57 D.L.R. (3d) 199, a énoncé la mise en garde suivante :

[Traduction]

« Nul doute que la pratique veut que les griefs soient présentés par écrit et que le différend soit clairement formulé, mais ces causes doivent être gagnées ou perdues non pas selon la forme mais selon le fond, conformément à la convention et de manière que le différend puisse être définitivement et équitablement réglé avec simplicité et promptitude. » [à la p. 204]

En souscrivant à cette approche, le juge Osler, s’exprimant pour la Cour divisionnaire de l’Ontario dans Re Communications Union Canada and Bell Canada, (1977) 71 D.L.R. (3d) 632, a tenu les propos suivants :

[Traduction]

« Rien ne saurait envenimer davantage les relations entre les employeurs et les employés que se faire dire que leurs différends, nettement destinés à être réglés de façon définitive par voie d’arbitrage comme l’exige la loi, ne peuvent être examinés en raison d’un vice de forme. » [à la p. 639]

[20]   Le juge Manning de la Cour suprême de l’Alberta considérait que cette aversion à l’égard des points de détail dans le traitement de griefs était liée à l’exclusivité du processus arbitral pour le règlement de conflits en matière de convention collective. Dans Re International Woodworkers of America, Local 1–207 and Zeidler Forest Industries Ltd., (1978) 84 D.L.R. (3d) 482, l’employé s’estimant lésé avait omis d’énumérer les articles de la convention collective prétendument violés, comme l’exige la procédure de règlement des griefs. En rejetant l’argument selon lequel une telle omission était fatale pour l’arbitrabilité du grief, le juge Manning a déclaré :

[Traduction]

« Il me semble qu’il s’ensuit qu’en principe, l’accès aux tribunaux ayant été refusé à des personnes qui travaillent en vertu de conventions collectives, la justice exige que, dans la mesure où c’est raisonnablement possible, la voie de l’arbitrage reste ouverte. En d’autres termes, il convient d’éviter une interprétation stricte de dispositions procédurales de la convention, car une telle interprétation peut si facilement donner lieu à la négation du droit à l’arbitrage; de plus, je considère que c’est une erreur d’affirmer qu’une interprétation stricte s’impose. » [aux pp. 487–488]

[21]   La jurisprudence arbitrale insiste également sur la nécessité de combattre la tyrannie de la forme. Voir, par exemple, Re Fabricated Steel Products (Windsor) Ltd. and United Automobile Workers, Local 195, (1978) 16 L.A.C. (2d) 148. Certes, comme le signalait dans cette affaire l’arbitre O’Shea, un grief doit assez précisément indiquer quand, où, comment et par qui les modalités de la convention collective pertinente ont été violées selon l’employé s’estimant lésé. Un double but est ainsi visé, c’est–à–dire faire en sorte que le traitement du grief puisse être facilité et que l’employeur puisse être mis au courant le plus tôt possible de la nature du différend. Toutefois, il ne faut pas insister sur de telles précisions au détriment de l’arbitrabilité.

[22]   La question est bien examinée dans Re  United Steelworkers, Local 3998, and Dunham Bush (Canada) Ltd., (965) 15 L.A.C. 270, soit une affaire dans laquelle l’arbitre Lang a cité l’extrait suivant d’un document du professeur Bora Laskin, titre que ce dernier portait alors :

[Traduction]

« Les documents de griefs sont pour ainsi dire les « actes de procédure » de l’action judiciaire, mais, alors que les règles de procédure régissent le degré de précision de l’énoncé d’une cause d’action (ainsi que de la défense) dans une affaire et que ces règles prévoient un régime méthodique pour ce qui est des modifications, l’arbitre du travail ne dispose pas d’un tel code officiel de contrôle, si ce n’est celui qui peut figurer dans la convention collective pertinente. À mon avis, il vaut mieux que l’arbitre demeure assez libre d’aider les parties, au besoin, à préciser les questions relatives à un grief. La rapidité et l’informalité visées par l’arbitrage se perdraient si la forme écrite d’un grief devenait le talisman suprême et que des requêtes officielles en modification devaient être présentées. Après tout, dans l’arbitrage du travail, on ne se préoccupe pas de définir soigneusement des questions pour un jury et l’on ne se soucie pas non plus de man œ uvres tactiques visant à prolonger des procédures ou à faire augmenter les frais. Évidemment, ni l’une ni l’autre partie à une procédure d’arbitrage en matière de travail ne doit être mise en position de faiblesse du fait de la modification, par la partie adverse, de la demande ou de réponses; mais ce peut être habituellement réglé sur place, ou un ajournement peut être accordé pour permettre une préparation en vue de réagir à ce qui se révèle être une forme nouvelle ou modifiée de la question opposant le syndicat et l’employeur. » [à la p. 274]

[23]   Assurément, il peut arriver que le manque de précision dans la formulation d’un grief soit si énorme que cela prive la partie contre laquelle sont faites les allégations de son droit à une résolution complète et juste du différend. Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce. Ici, les détails du grief sur la formule de présentation de celui–ci sont énoncés dans les termes suivants :

[Traduction]

Paragraphe 44.03 Indemnité d’habillement

L’indemnité d’habillement n’a pas été reçue; des articles d’habillement ont été fournis à la place. Ces vêtements ont été considérés comme étant un uniforme, bien que n’ayant pas été approuvés par le SCC [pièce 2 A].

Les dispositions du paragraphe 44.03 stipulent ceci :

« Les employé–e–s CX–1 et CX–2 qui ne sont pas tenu–e–s de porter régulièrement un uniforme au cours de l'exercice de leurs fonctions reçoivent une indemnité d'habillement annuelle de quatre cents dollars (400 $). Cette indemnité sera versée le 31 mars de chaque année.

Les dispositions s'appliquent aux employé–e–s CX–1 et CX–2 affecté–e–s à des fonctions pour des périodes excédant 6 mois par exercice financier.

Un–e employé–e recevant cette indemnité ne doit pas être admissible à recevoir des points portant sur la question de l'uniforme. »

[24]   Tout comme le grief, le paragraphe 44.03 traite du port d’un uniforme (pièce 1). Cette clause parle d’agents correctionnels « [non] tenu[s] de porter régulièrement un uniforme au cours de l’exercice de leurs fonctions », et le grief traite des vêtements qui sont fournis à un agent correctionnel du Service des activités récréatives de l’Unité 1 et qui sont « considérés comme étant un uniforme, bien que n’ayant pas été approuvés par le SCC. » Mais le droit par ailleurs non restreint que confère le paragraphe 6.01 à un employeur d’exiger que les agents correctionnels portent un uniforme quand ils sont de service est un droit expressément prévu et donc assujetti à l’alinéa 41.03 a), dont le passage pertinent stipule ceci :

« Les directives suivantes, qui peuvent être modifiées de temps à autre par suite d’une recommandation du Conseil national mixte et qui ont été approuvées par le Conseil du Trésor du Canada, font partie de la présente convention :

[...]

Directive sur l’équipement et les vêtements de protection individuelle

[...]

Directive sur les uniformes » [pièce 1]

Il s’ensuit que le grief, formulé comme il l’est, et les dispositions du paragraphe 44.03, traitant d’uniformes comme elles en traitent, mettent nécessairement en jeu les dispositions limitatives de l’alinéa 41.03 a) de la convention collective.

[25]   Bref, il ne s’agit pas d’un cas dans lequel l’employeur est mis en situation de faiblesse à cause de la modification, par l’employé s’estimant lésé, de la question d’indemnité d’habillement et de la question d’uniforme soulevées dans le grief initialement déposé. Cette modification — la mention explicite, à l’audience d’arbitrage de grief, de la directive du Conseil du Trésor sur les uniformes incorporée par renvoi à la convention collective en vertu de l’alinéa 41.03 a) — n’a pas d’incidence fondamentale sur la question à trancher. Elle éclaircit plutôt cette question. Je laisse de côté le fait que, lorsqu’il a soumis cette question à l’arbitrage de grief, le fonctionnaire s’estimant lésé invoquait « l’article 44 et les articles connexes » dans le formulaire 14, qu’il a déposé le 29 juillet 2003. Je rejette l’objection quant à ma compétence pour traiter de l’alinéa 41.03 a) de la convention collective ainsi que de la directive du Conseil du Trésor sur les uniformes visée à cet alinéa.

La question de fond

[26]   Il est entendu entre les parties que, si l’habillement fourni au fonctionnaire s’estimant lésé était un uniforme au sens de la convention collective, alors le présent grief doit échouer, car l’indemnité d’habillement prévue au paragraphe 44.03 ne doit être versée que lorsque les agents correctionnels « ne sont pas tenu[s] de porter régulièrement un uniforme au cours de l’exercice de leurs fonctions ». L’employeur insiste beaucoup sur l’affaire Newfoundland v. N.A.P.E. (supra), à l’appui de sa position selon laquelle l’habillement que l’on fournit au fonctionnaire s’estimant lésé quand il est affecté au Service des activités récréatives de l’Unité 1 est un uniforme au sens ordinaire de ce terme.

[27]   Dans cette affaire, la convention collective prévoyait que des vêtements de protection énumérés dans une liste détaillée de la convention collective elle–même devaient être fournis [traduction] « lorsque l’employeur exige le port d’uniformes » par des personnes engagées dans plusieurs classifications désignées, y compris la classification dans laquelle travaillaient les fonctionnaires s’estimant lésés. L’employeur exigeait que les fonctionnaires s’estimant lésés portent certains articles d’habillement qu’il fournissait, à partir de cette liste détaillée, de manière à distinguer les fonctionnaires des étudiants du campus du collège communautaire où travaillaient les fonctionnaires. L’employeur niait toutefois que cet habillement soit un uniforme et que les employés travaillant dehors, ce qui était le cas des fonctionnaires s’estimant lésés, aient donc droit à la fourniture annuelle de vêtements de pluie en vertu des dispositions en matière d’habillement de protection de la convention collective.

[28]   L’arbitre de grief a statué qu’un ensemble vestimentaire fourni par l’employeur en vertu des dispositions de la convention et devant obligatoirement être porté par des employés, était un uniforme au sens ordinaire de ce terme. En accueillant le grief, l’arbitre de grief a déclaré :

[Traduction]

« La convention collective n’attribue pas un sens particulier au mot « uniforme ». L’alinéa 27.02 b) prévoit simplement la fourniture de certains articles d’habillement à des employés dans des classifications déterminées qui doivent porter des uniformes. À notre avis, un uniforme peut comprendre divers ensembles d’articles énumérés à l’alinéa 27.02 b). Il y a une certaine importance au fait que l’alinéa 27.02 b) contienne les mots « lorsque l’employeur exigeait le port d’uniformes ». Il ne dit pas « lorsque l’employeur exigeait le port de l’uniforme ». L’inclusion de l’article défini précédant immédiatement le mot « uniforme » conduirait à une évidente présomption en faveur de la thèse de l’employeur.

En l’absence d’une formulation expresse dans la convention collective et établissant l’existence d’un seul et unique uniforme, nous inclinons à considérer le grief en nous fondant sur le sens ordinaire du mot « uniforme » . La définition suivante du terme anglais « uniform  », tirée du Gage Canadian Dictionary , correspond à la définition avancée par le syndicat et reflète à notre avis les principales caractéristiques liées au port d’uniformes :

[...]

[Traduction]

« Uniforme (nom) – habillement distinctif auquel est reconnaissable un groupe ou un membre d’un groupe de service ».

Un « uniforme » est une tenue distinctive grâce à laquelle un membre d’un groupe est reconnaissable. En l’espèce, est–ce que les « MR Is » portent des vêtements distinctifs auxquels ils sont reconnaissables? Selon les faits examinés dans le cadre de la précédente décision arbitrale, les « MR Is » portaient des insignes sur leurs chemises et remplissaient une fonction de sécurité importante. L’absence d’insigne lorsque les mêmes vêtements sont distribués ne signifie toutefois pas qu’il ne s’agit plus d’un uniforme. En outre, la fonction de sécurité des « MR Is » a été réduite mais non pas supprimée. Les « MR Is » sont obligés de porter les vêtements qui leur sont fournis pour les distinguer des étudiants du campus. Ils portent ces vêtements pour être reconnaissables. L’habillement fourni aux « MR Is » est donc un uniforme. » [aux pp. 379–380]

[29]   Si intéressante que puisse être initialement cette approche du sens du mot « uniforme »,  elle doit être considérée dans le contexte de la formulation de la convention collective examinée dans cette affaire. L’arbitre Oakley a commencé son analyse en signalant que la convention collective n’attribuait pas une signification particulière au terme « uniforme », ce qui lui permettait de l’interpréter comme consistant en divers ensembles d’articles d’habillement expressément énumérés dans la convention collective elle–même. C’est très différent de la situation qui m’est soumise et dans laquelle les parties, bien que laissant à l’employeur le soin de déterminer dans l’exercice de ses pouvoirs discrétionnaires de gestion si des employés seront obligés de porter un uniforme, ont mis en place un protocole devant être suivi dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

[30]   La directive du Conseil du Trésor sur les uniformes, en vigueur le 1er juillet 1997, englobe ce protocole, et les passages pertinents stipulent ceci :

Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada
Conseil national mixte

Directive sur les uniformes

Généralités

Convention collective

La présente directive est considérée comme faisant partie intégrante des conventions collectives conclues entre les parties représentées au sein du Conseil national mixte (CNM) et les fonctionnaires doivent pouvoir la consulter facilement.

[...]

Objet et portée

La politique du gouvernement consiste à fournir des articles d'habillement appropriés aux fonctionnaires lorsque la nature de leurs fonctions exige une protection spéciale ou lorsqu'une identification particulière au niveau local, national ou international est propice à un exercice efficace de leurs fonctions et permet d'atteindre les objectifs des programmes.

Lorsque les vêtements fournis en vertu de la présente directive répondent également aux besoins de la Directive sur l'équipement de protection individuelle et sur les vêtements, les ministères doivent s'assurer que les exigences des deux directives sont respectées.

Les ministères et organismes devront examiner leurs politiques actuelles en matière de vêtements pour s'assurer qu'elles sont conformes à la présente directive.

La présente directive a pour objet d'aider les ministères à s'assurer que leurs pratiques permettent de protéger et d'identifier convenablement les fonctionnaires, qu'elles sont économiques et équitables, qu'elles correspondent d'assez près à celles de l'ensemble de la fonction publique et se comparent à celles mises en oeuvre pour des emplois semblables en dehors de la fonction publique.

Champ d’application

[…]

La présente directive s'applique à tous les ministères et organismes énumérés aux Annexes I, I.I et II de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Autorisations

Après consultation au sein du Conseil national mixte, le président du Conseil du Trésor a approuvé la présente directive conformément à l'article 7 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

La présente directive remplace la partie II/Uniformes de la directive antérieure sur les vêtements et supplante toutes les autorisations antérieures du Conseil du Trésor concernant la prestation d'uniformes, mais n'affecte pas celles qui traitent des indemnités ou les dispositions prévues dans les conventions collectives. La Partie I de l'ancienne Directive sur les vêtements traitant des vêtements de protection a été incorporée à la nouvelle Directive sur l'équipement de protection individuelle et sur les vêtements.

Le président du Conseil du Trésor a délégué l'autorisation pour approuver les exceptions à la directive. La demande d'une exception devrait être faite sous forme de lettre au dirigeant principal des ressources humaines, Direction des ressources humaines.

Ces demandes devraient être signées par un agent ministériel qui a l'autorité de signer des présentations et devraient contenir la même information que les présentations.

Les administrateurs généraux ont le pouvoir d'autoriser la remise des vêtements et de déterminer les besoins en articles d'identification, sauf lorsque le modèle de l'uniforme est modifié; il faut alors obtenir l'approbation préalable du Conseil du Trésor.

L'introduction de nouveaux uniformes ou les modifications de la politique concernant les uniformes des divers ministères doivent être autorisées par le Conseil du Trésor.

Exigences

1. Fonctions

1.1 Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) assure des services consultatifs aux ministères et organismes par l'intermédiaire du Service consultatif sur l'habillement.
1.2 Ces services sont énumérés à l'appendice A.
1.3 Il incombe à chaque ministère :
  • de s'assurer que les consultations voulues ont lieu et qui y participe le comité ou les représentants de la santé et de la sécurité au travail;

  • de déterminer les cas où la fourniture d'articles d'habillement est nécessaire;

  • de déterminer si le type de vêtements fournis est adéquat et convenable et de tenir à jour des normes et des barèmes de distribution relatifs à l'habillement.

[...]

2. Consultation mixte

2.1 Les ministères doivent consulter les représentants des fonctionnaires sur les plans local, régional ou national, selon le cas, en ce qui concerne l'application de la présente directive et avant de procéder à tout changement dans les pratiques existantes.
2.2  Lorsqu'ils appliquent la présente directive, les ministères et organismes devraient être au courant des dispositions relatives au processus de consultation des conventions collectives pertinentes.
2.3  Lorsque les vêtements servent à la fois à l'identification et à la protection des fonctionnaires, les ministères doivent consulter leur comité de santé et de sécurité au travail, ou le représentant à la santé et à la sécurité, le cas échéant, pour déterminer les besoins en matériel et en vêtements protecteurs (voir la directive sur l'équipement de protection individuelle et sur les vêtements).

3. Consultation avec le service consultatif sur l’habillement

3.1  Les ministères doivent consulter le Service consultatif sur l'habillement :
  • avant de remplacer des vêtements ou d'en introduire de nouveaux;

    […]

  • pour assurer une qualité et une quantité d’uniformes d'un ministère à l'autre pour ce qui est de l'habillement fourni aux fonctionnaires qui remplissent des fonctions analogues dans des milieux de travail semblables;

  • pour faire en sorte que les tissus choisis pour assurer la protection satisfont aux normes de sécurité industrielle en vigueur dans le secteur privé et que les tissus choisis pour les uniformes satisfont aux critères de TPSGC;

  • au plus tard deux ans avant l'implantation de nouveaux uniformes.

[...]

4. Demandes de renseignements

4.1  Toutes les demandes de renseignements relatives à la présente directive devraient d'abord passer par l'administration centrale des ministères.
4.2  Pour mieux comprendre certains énoncés spécifiques de la présente directive, le personnel attitré des services centraux des ministères doit s'adresser au :

Groupe de la sécurité, de la santé et des avantages et services aux employés Division des relations de travail et de la gestion des ressources humaines Direction de la politique des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor.

[...]

Fourniture

7. Généralités

7.1  Les uniformes et autres articles d'identification doivent être fournis sans frais lorsqu'il est nécessaire d'identifier les fonctionnaires. Il existe quatre conditions particulières en vertu desquelles il peut être nécessaire de prendre des mesures pour identifier le fonctionnaire :

  1. lorsque la direction exige que le fonctionnaire soit identifié pour montrer l'autorité dont il est investi pour appliquer des lois et règlements précis, contrôler ou assurer leur respect;

  2. lorsque la direction exige que le fonctionnaire soit identifié pour bien faire connaître ses fonctions;

  3. lorsque la direction exige que le fonctionnaire soit identifié de façon permanente ou dans des situations d'urgence, pour manoeuvrer le matériel d'urgence et diriger les personnes en cas d'urgence. Il faut que le public soit en mesure de reconnaître ces fonctionnaires;

  4. lorsque la direction exige que l'autorité du fonctionnaire soit reconnue pour se rendre dans une zone dont l'accès est limité et y travailler. (Des vêtements d'identification pourront être fournis en plus du principal moyen d'identification.)

[...]

7.5  Il faut remettre des bulletins d'information aux fonctionnaires tenus de porter des uniformes. Ces bulletins définissent et énumèrent les articles d'habillement. Ils indiquent la responsabilité du fonctionnaire à l'égard des vêtements reçus et précisent comment en rendre compte quand il n'est plus admissible à les recevoir ou à les conserver (p. ex. par suite d'une promotion, d'une rétrogradation, d'un départ ou d'une modification des conditions de travail).

[...]

Indemnités d’habillement

13.1   Le Conseil du Trésor préfère la prestation directe de vêtements au versement d'indemnités. Toutefois, le Conseil du Trésor ne désire pas aller contre le versement de telles indemnités si telle est la coutume ou si l'on peut prouver qu'une telle indemnité serait source d'économies.

13.2   Il faut obtenir l'autorisation préalable du Conseil du Trésor avant d'accorder de nouvelles indemnités ou d'en modifier des existantes.

[...]

[pièce 6]

[31]   Tous les ministères et les organismes gouvernementaux doivent veiller à ce que leurs politiques en matière d’habillement respectent la directive du Conseil du Trésor sur les uniformes. Le Service correctionnel du Canada l’a fait par la directive no 350 du commissaire concernant la « Gestion du matériel », comme l’indique le Guide de tenue vestimentaire pour les membres du personnel [pièce 5]. Le Guide est une compilation de toutes les politiques internes élaborées par le SCC relativement aux exigences et aux droits en matière d’habillement. Les modalités en sont fixées par l’administration centrale, pour ce qui est du type d’habillement ainsi que de la fréquence des distributions de vêtements et de la quantité de ceux-ci (« annexe A »). Le passage pertinent du Guide se lit comme suit :

GUIDE DE TENUE VESTIMENTAIRE POUR LES MEMBRES DU PERSONNEL 1995–08–01

INTRODUCTION

Ce guide de référence énonce nos politiques internes concernant les articles vestimentaires et les chaussures émis aux employés du Service correctionnel du Canada. Nous avons mis l’accent sur l’uniforme d’agent de correction.

Ce guide sera utile aux employés des Services à l’établissement et de la Gestion du matériel et suscitera l’intérêt des gestionnaires et du personnel en uniforme à promouvoir l’excellence des règles de tenue vestimentaire, de conduite et d’apparence personnelle. Dans ce guide, le genre masculin comprend les deux sexes.

Ce guide regroupe les sections suivantes :

  1. Directive du commissaire no 350, « Gestion du matériel »;

  2. Barème de distribution des vêtements des employés;

  3. Tenue vestimentaire, conduite et apparence personnelle des employés;

  4. Bulletins de la Gestion du matériel;

  5. Tableaux des mesures des articles vestimentaires.

Conformément à la Directive du commissaire no 350, « Gestion du matériel », les exigences ci–jointes relatives aux vêtements et à la tenue vestimentaire, conduite et apparence personnelle des employés doivent être respectées.

Pour de plus amples renseignements, veuillez vous adresser à la Directrice, Services de soutien à l’Administration centrale au (613) 995–5374.

BARÈME DE DISTRIBUTION DES VÊTEMENTS DES EMPLOYÉS

OBJECTIF DE LA POLITIQUE

  1. Établir un barème pour la distribution des articles vestimentaires aux membres du personnel du Service correctionnel du Canada.

EXIGENCES OBLIGATOIRES

  1. Les exigences ci-après, relativement aux vêtements des employés, doivent être respectées.

ÉTABLISSEMENT DU BARÈME DE DISTRIBUTION

  1. La délégation des responsabilités quant à l’établissement des plans de distribution appropriés pour les membres du personnel, doit être en conformité avec l’annexe « A » intitulée « Responsables de l’établissement du barème de distribution s’appliquant aux employés ».

BARÈME DE DISTRIBUTION DES ARTICLES VESTIMENTAIRES

  1. Les membres du personnel des groupes suivants ont droit à un uniforme complet d’agent de correction :

    1. les agents de correction;

    2. les surveillants correctionnels;

    3. les chefs d’unité;

    4. les agents, Administration et élargissement;

    5. les agents, Visites et correspondance.

  2. Les membres du personnel du groupe suivant ont droit seulement à certaines composantes de l’uniforme :

    1. les chauffeurs;

Nota : Les agents de correction travaillent dans des établissements à sécurité minimale et les agents supérieurs n’ont pas droit à un uniforme. Les agents supérieurs comprennent les membres du Comité de direction, les directeurs, les sous–directeurs, les directeurs de district, les surintendants et les responsables de secteur.
  1. Les nouvelles recrues qui suivent des cours d’agent de correction, les membres des équipes pénitentiaires d’intervention en cas d’urgence, le personnel des Services d’alimentation et des Services hospitaliers, et les agents de récréation ont droit aux articles vestimentaires et aux vêtements protecteurs, requis pour des raisons de santé et d’hygiène, décrits aux annexes respectives.

DISTRIBUTION DES ARTICLES VESTIMENTAIRES

  1. Les membres du personnel du Service recevront les articles vestimentaires correspondant à leurs fonctions et à leurs besoins, conformément au plan de distribution prévu dans les annexes suivantes :

    1. Annexe « A »  : Responsables de l’établissement du barème de distribution s’appliquant aux employés.

    2. Annexe « B »  : Plan de distribution des articles vestimentaires aux agents de correction.

    3. Annexe « C »  : Plan de distribution des articles vestimentaires aux participants au cours d’orientation d’agent de correction.

    4. Annexe « D »  : Plan de distribution des articles vestimentaires aux agents de correction membres des équipes pénitentiaires d’intervention en cas d’urgence.

    5. Annexe « E »  : Plan de distribution des articles vestimentaires aux agents de récréation.

    6. Annexe « F »  : Plan de distribution des articles vestimentaires aux chauffeurs.

    7. Annexe « G »  : Plan de distribution des articles vestimentaires spéciaux destinés aux employés affectés aux Services d’alimentation.

    8. Annexe « H »  : Plan de distribution des articles vestimentaires spéciaux destinés aux employés affectés aux Services hospitaliers.

    9. Annexe « I »  : Plan de distribution des articles vestimentaires requis à des fins de sécurité.

    10. Annexe « J »  : Plan de distribution des articles vestimentaires requis à des fins de santé et d’hygiène.

PLAN DE DISTRIBUTION DES ARTICLES VESTIMENTAIRES AUX AGENTS DE CORRECTION

La distribution se fait selon un système de points. À chaque article de vêtement ou paire de chaussures correspond une valeur numérique établie en fonction de son prix. Le nombre maximum de points est de 130 pour la distribution initiale et de 40 pour le renouvellement annuel.

À la distribution initiale, les agents sont tenus de respecter le maximum de points prévu par article. Les articles vestimentaires seront fournis au nouvel agent suivant un plan de distribution déterminé, jusqu’à concurrence du nombre maximal de points alloués à chaque article. L’agent pourra prendre moins d’articles ou ne pas prendre certains articles s’il le veut. La valeur des points des vêtements non sélectionnés à la distribution initiale ne sera pas reportée à l’année financière suivante. Les années suivantes, les agents peuvent choisir les articles de même que la quantité et la couleur des chemises qu’ils veulent, ceci jusqu’à concurrence du nombre maximum de points prévu pour le renouvellement annuel. Les points inutilisés au renouvellement annuel sont reportés à l’année ou aux années financières suivantes, jusqu’à concurrence de 230 points. [pièce 5]

[32]   Il est bien clair que, lues de concert, les dispositions de la directive du Conseil du Trésor sur les uniformes et celles du Guide de tenue vestimentaire pour les membres du personnel du SCC constituent un vaste cadre d’établissement et de mise en œ uvre du droit à des articles d’habillement pour des employés en général et pour des agents correctionnels en particulier. Le tout premier paragraphe du Guide indique clairement qu’il y a un uniforme propre aux agents correctionnels, et le barème de distribution d’articles d’habillement relatifs à cet uniforme figure à l’annexe « B » du Guide. Le paragraphe 4 du Guide énumère les groupes d’employés ayant droit à l’ensemble de l’uniforme d’agent correctionnel, alors que le paragraphe 6 énumère les groupes d’employés — y compris les agents de récréation — qui ont droit à des articles d’habillement ou à des vêtements de protection pour des raisons de santé, de propreté et de sécurité. Dans le cas des agents de récréation, le barème du droit en question est celui qui a été adopté avant l’inclusion du paragraphe 44.03 relative à l’indemnité d’habillement dans la première convention collective négociée entre les parties et prenant effet le 2 avril 2001. Cette disposition prévoyait l’achat commercial local annuel de vêtements énumérés, d’une valeur maximum de 210 $. La directive no 350 du commissaire ne prévoit pas la création d’un barème de distribution d’articles d’habillement pour les agents de récréation à l’administration régionale ou la création d’un tel barème par le personnel de gestion d’un établissement correctionnel, et encore moins l’introduction d’un uniforme d’agent de récréation.

[33]   En fait, même si l’administration centrale du SCC avait l’intention d’introduire un nouvel uniforme pour les agents de récréation (et ce n’est pas le cas), elle ne pourrait le faire qu’en conformité avec la directive du Conseil du Trésor sur les uniformes. La Directive stipule, sous la rubrique « Autorisations », que la modification du modèle de l’uniforme exige l’approbation préalable du Conseil du Trésor et que l’introduction de nouveaux uniformes ou les modifications de la politique concernant les uniformes des divers ministères doivent être autorisées par le Conseil du Trésor. La procédure pour l’introduction de nouveaux uniformes et de nouveaux articles d’habillement est bien établie dans la Directive sur les uniformes. Une consultation mixte est prévue : les ministères doivent consulter les représentants des fonctionnaires, avant de procéder à tout changement dans les pratiques existantes (paragraphe 2.1); par ailleurs, ils doivent aussi consulter le Service consultatif sur l’habillement, de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (paragraphe 3.1). Dans le cas de l’introduction d’un nouvel uniforme, le Service consultatif sur l’habillement doit être consulté « au plus tard deux ans avant l’implantation de nouveaux uniformes » (paragraphe 3.1). Des bulletins d’information doivent être remis aux fonctionnaires tenus de porter des uniformes, lesquels bulletins définissent les modalités relatives à la distribution de ces articles d’habillement (paragraphe 7.5), et en fait le Guide de tenue vestimentaire pour les membres du personnel du SCC établi conformément à la directive no 350 du commissaire représente un tel bulletin.

[34]   Comme l’a déclaré M. Niles pendant son témoignage, il n’a suivi aucune de ces procédures quand il a déterminé que les agents correctionnels affectés au Service des activités récréatives de l’Unité 1 devaient porter les vêtements qui avaient été achetés avec son autorisation et qui leur avaient été fournis. Une demande d’exception à la directive n’a pas été faite non plus à la Direction des ressources humaines du Conseil du Trésor comme c’est prévu sous la rubrique « Autorisations ». En réalité, M. Niles a franchement admis que, en arrivant à sa décision de mettre en œ uvre une norme d’habillement pour les agents correctionnels du Service des activités récréatives de l’Unité 1, il n’avait examiné ni la Directive sur les uniformes ni l’alinéa 41.03 a), conformément auquel la Directive est réputée faire partie de la convention collective. Ces dispositions n’ont pas été examinées non plus par le sous–commissaire régional, Rémi Gobeil, quand il est parvenu à sa décision de rejeter le grief, au motif que les vêtements en cause constituaient [traduction] « un uniforme à toutes fins » (pièce 2A). 

[35]   Par contre, tel n’est tout simplement pas le cas. Contrairement à ce qu’il en était dans l’affaire Newfoundland v. N.A.P.E., le mot « uniforme » figurant au paragraphe 44.03 a un sens précis dans le contexte de la convention collective pertinente. Il désigne l’habillement normalisé qu’on appelle l’ « uniforme d’agent de correction » dans le Guide de tenue vestimentaire pour les membres du personnel du SCC établi en conformité avec la directive no 350 du commissaire. Cette directive est en accord avec la directive du Conseil du Trésor sur les uniformes, laquelle est incorporée par renvoi à la convention collective en vertu de l’alinéa 41.03 a). Tel étant le cas, le fonctionnaire s’estimant lésé entre dans la catégorie des agents correctionnels « qui ne sont pas tenu[s] de porter régulièrement un uniforme au cours de l’exercice de leurs fonctions » au sens du paragraphe 44.03 et il est donc admissible à l’indemnité d’habillement annuelle prévue à ce paragraphe.

[36]   L’argumentation partait du principe que l’habillement normalisé des agents correctionnels du Service des activités récréatives de l’Unité 1 dont il est question en l’espèce était un uniforme au sens de la convention collective. Il convient de préciser un point au cas où il serait allégué que, même si ce n’est pas un uniforme, il s’agit d’un habillement normalisé que le SCC a la responsabilité et le pouvoir de déterminer en accord avec la Directive sur les uniformes [Autorisations; paragraphe 1.3] et qu’il peut fournir en accord avec le barème de distribution d’articles d’habillement pour les agents de récréation qui figure à l’annexe « E » du Guide de tenue vestimentaire pour les membres du personnel. Il peut être brièvement répondu à cette question. La directive du Conseil du Trésor sur les uniformes stipule qu’elle « n’affecte pas celles [les autorisations] qui traitent des indemnités ou les dispositions prévues dans les conventions collectives » [Autorisations]. Bref, ses modalités, concernant les lignes directrices en matière d’habillement ainsi que la distribution de vêtements autres que des uniformes, sont assujetties aux dispositions particulières du paragraphe 44.03 de la convention collective. Les dispositions exigent le versement d’une indemnité d’habillement annuelle de 400 $ aux agents correctionnels qui ne sont pas obligés de porter régulièrement un uniforme dans l’exercice de leurs fonctions. Ainsi, le paragraphe 44.03 supplante l’annexe « E » du Guide de tenue vestimentaire pour les membres du personnel et prévoit une indemnité d’habillement qui est autorisée par le Conseil du Trésor en vertu du paragraphe 13.2 de la Directive sur les uniformes.

[37]   Pour tous les motifs énoncés ci-devant, le présent grief doit être accueilli.

[38]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[39]   Le présent grief est accueilli. Il est ordonné à l’employeur d’accorder au fonctionnaire s’estimant lésé le montant de l’indemnité d’habillement annuelle de 400 $ à laquelle il avait droit le 31 mars 2002.

[40]   Je demeure saisi de cette affaire pendant une période de 90 jours aux fins de l’exécution.

Le 23 mars 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Thomas Kuttner, c.r.,
arbitre de grief

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