Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’agent négociateur) a déposé une plainte en vertu de l’article 190 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) alléguant que l’Agence du revenu du Canada (ARC) avait enfreint les dispositions sur le gel énoncées à l’article 107 de la nouvelle LRTFP en annulant les ententes de télétravail conclues aux termes de la politique sur le télétravail négociée entre l’ARC et l’agent négociateur pour les employés travaillant dans une section particulière - les ententes ont été annulées après la remise de l’avis de négociation sans consultation avec l’agent négociateur et sans que celui-ci ait reçu un avis préalable - l’employeur a examiné la politique et a décidé que les arrangements qui ont été annulés comportaient des coûts supplémentaires, contrairement aux modalités de la politique sur le télétravail - les deux parties ont convenu que le télétravail était une condition d’emploi qui était en vigueur au moment de la remise de l’avis de négociation - la Commission a statué que, dans la politique et les ententes conclues en vertu de cette politique, il y avait une disposition d’annulation autorisant l’une ou l’autre des deux parties d’annuler l’entente pour autant qu’un préavis écrit raisonnable soit donné - le droit des deux parties de mettre fin à l’entente existait avant la remise de l’avis de négociation - cette condition d’emploi était préservée et demeurait en vigueur - aucune preuve de mauvaise foi ou d’ingérence dans le processus de négociation collective n’a été fournie - aucune preuve de dommages ou d’une perte de réputation n’a été présentée par l’agent négociateur. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-03-17
  • Dossier:  561-34-67
  • Référence:  2006 CRTFP 29

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

plaignant

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Dan Quigley, commissaire

Pour le plaignant :  Harinder Mahil, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour la défenderesse :  Harvey Newman, avocat, et Martine Beaudry, avocate


Affaire entendue à Vancouver (Colombie Britannique),
les 17 et 18 janvier 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Plainte devant la Commission

[1]   Le 2 mai 2005, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) a déposé une plainte conformément à l’article 190 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Il allègue que l’Agence du revenu du Canada (ARC) a violé les dispositions législatives sur le gel figurant à l’article 107 de la nouvelle LRTFP en annulant la politique des régimes de travail non conventionnels (télétravail) pour les employés du groupe de la vérification et du personnel financier et scientifique (VFS) travaillant au bureau des services fiscaux de Burnaby-Fraser (BSFBF).

[2]   Le passage applicable de l’article 190 de la nouvelle LRTFP se lit comme suit :

190.  (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

a) l’employeur a contrevenu à l’article 56 (obligation de respecter les conditions d’emploi);

b) l’employeur ou l’agent négociateur a contrevenu à l’article 106 (obligation de négocier de bonne foi);

c) l’employeur, l’agent négociateur ou le fonctionnaire a contrevenu à l’article 107 (obligation de respecter les conditions d’emploi);

[...]

[3]   L’article 107 de la nouvelle LRTFP se lit en partie comme suit :

107. Une fois l’avis de négociation collective donné, sauf entente à l’effet contraire entre les parties aux négociations et sous réserve de l’article 132, les parties, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation, sont tenues de respecter chaque condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné, et ce, jusqu’à la conclusion d’une convention collective comportant cette condition [...]

[...]

[4]   Cinq personnes ont témoigné pour l’IPFPC, et quatre pièces ont été déposées. Une personne a témoigné pour l’ARC, qui a déposé une pièce.

Résumé de la preuve

[5]   Les deux parties ont fait de brèves observations préliminaires. De plus, elles ont produit un exposé conjoint des faits (pièce A-1), lequel est libellé comme suit :

[Traduction]

1.  Le 21 décembre 2003 était la date d’expiration de la convention collective entre l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) pour le groupe de la vérification et du personnel financier et scientifique (VFS).

2.  Le 22 septembre 2003, l’IPFPC a signifié à l’ADRC un avis de négocier.

3. Le 12 juillet 2005, l’IPFPC et l’ADRC sont parvenus à une entente de principe.

4.  Le 19 août 2005, les membres de l’IPFPC ont ratifié une nouvelle convention collective.

5.  Le 22 août 2005, l’IPFPC et l’ADRC ont signé une nouvelle convention collective pour le groupe VFS.

6.  L’ADRC a une politique de télétravail, qui était en vigueur le 22 juillet 2003. Cette politique a été établie après des consultations avec l’IPFPC. L’objectif de cette politique est le suivant : « Permettre aux employés de concilier leur travail et leur vie personnelle, tout en répondant aux attentes en matière de rendement et en atteignant les objectifs de l’ADRC. »

7.  Le paragraphe 36.03 de la convention collective entre l’ADRC et l’IPFPC se lit comme suit : « Lorsque c’est possible, l’Employeur consulte les représentants de l’Institut au niveau approprié au sujet des modifications envisagées dans les conditions d’emploi ou de travail qui ne relèvent pas de la présente convention. »

L’exposé conjoint des faits parle de l’ADRC, mais il est à noter que, le 12 décembre 2005, l’ADRC est devenue l’ARC.

[6]   Dans son exposé introductif, l’IPFPC a déclaré que 14 membres du groupe VFS qui travaillaient à domicile (télétravail), dont certains depuis dix ans, ont été informés par l’ADRC le 16 mars 2005 que le télétravail serait annulé au 29 avril 2005. L’IPFPC allègue que la décision d’annuler le télétravail a été prise après qu’il eut signifié l’avis de négocier le 22 septembre 2003 et avant que la convention collective soit ratifiée le 19 août 2005. Selon l’IPFPC, l’annulation du télétravail modifiait les conditions d’emploi en vigueur et enfreignait donc l’article 107 de la nouvelle LRTFP.

[7]   L’IPFPC demande à la Commission de rendre une ordonnance :

[Traduction]

a.
indiquant que la défenderesse a violé l’article 107 de la nouvelle LRTFP.
b.
enjoignant à la défenderesse de respecter toutes les conditions d’emploi qui existaient à la date de l’avis de négocier.
c.
enjoignant à l’ARC d’afficher dans des endroits bien en vue au BSFBF des avis faisant état de la violation, par la défenderesse, de la nouvelle LRTFP et énonçant les mesures correctives imposées par la CRTFP.
d.
enjoignant à l’ARC de retirer les avis donnés aux employés du BSFBF et annulant les régimes de travail non conventionnels.
e.
enjoignant à l’ARC, au cas où elle procéderait à l’annulation de régimes de travail non conventionnels pour des employés du bureau des services fiscaux de Burnaby-Fraser, de rétablir ces régimes.
f.
imposant toute autre mesure de redressement que la Commission peut juger appropriée.

[8]   L’ARC allègue qu’elle n’a pas enfreint l’article 107 de la nouvelle LRTFP. La possibilité de télétravail résultait de consultations avec l’IPFPC visant à créer une politique nationale, laquelle est entrée en vigueur le 22 juillet 2003. Cette politique nationale donnait à l’une ou l’autre partie à un accord de télétravail le droit d’annuler le télétravail pourvu qu’un préavis raisonnable soit donné par écrit. Cette politique n’était pas incorporée dans la convention collective.

[9]   L’avocat de l’ARC disait que la décision de l’Agence d’annuler le télétravail avait touché 14 employés. De ce nombre, neuf employés représentés par l’IPFPC ont déposé un grief, un employé représenté par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) a déposé un grief, et un autre employé représenté par l’IPFPC a été autorisé à reprendre le télétravail en raison de circonstances personnelles. Les trois autres employés ne se sont pas prévalus de la procédure de règlement des griefs.

[10]   L’ARC a affirmé qu’elle se conformait à la politique en question; toutefois, il n’y avait jamais eu de garantie ou de droit absolu selon lequel les employés travaillant à domicile seraient autorisés à le faire jusqu’à leur retraite. Les employés dont les régimes de télétravail ont été annulés ont déposé des griefs. Lors d’une audience au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, ces griefs ont été accueillis en partie, et le télétravail, rétabli. Les griefs ont en outre donné lieu à un réexamen de la politique en cause, et ce, non pas en raison des dispositions législatives sur le gel.

[11]   L’ARC arguait que, relativement aux frais occasionnés par l’annulation du télétravail, la Commission ne devrait pas accorder de dommages-intérêts.

Résumé de la preuve

[12]   Eldon Pratt est, depuis environ 32 ans, un employé de ce qui s’appelle aujourd’hui l’ARC. Il travaille actuellement à Penticton (C.-B.), comme conseiller technique (Vérification) à la Direction générale de la validation et de l’exécution (V&E). Depuis 2001, il est le représentant de la Colombie-Britannique et du Yukon pour le groupe VFS.

[13]   Le témoin a reconnu la pièce G-2, onglet 6, comme étant la proposition de négociation soumise par l’IPFPC en juillet 2001 concernant le télétravail. Ce document est libellé comme suit :

[Traduction]

(NOUVEAU) TÉLÉTRAVAIL

XX.01
Un régime de télétravail est une situation dans laquelle l’employé-e exécute les fonctions qui lui sont confiées dans un endroit séparé et distinct du lieu de travail officiel de l’employeur pour une partie ou la totalité de ses heures de travail.
XX.02
L’employeur, l’employé-e et l’Institut s’entendent par écrit sur les conditions d’un régime de télétravail. Aucune disposition d’une entente de télétravail n’est incompatible avec les conditions de la convention collective.
XX.03
Aucun employé-e n’est tenu de participer à un régime de télétravail sans son consentement.
XX.04
       a)
Lorsqu’un employé-e présente une demande de régime de télétravail, l’employeur ne peut refuser cette demande que s’il prouve que le régime est incompatible avec les nécessités du service.
XX.04
       b)
Lorsque l’employeur refuse la demande de régime de télétravail d’un employé-e conformément à l’alinéa a), il expose par écrit à l’employé-e les motifs complets de son refus.
XX.05
L’employé-e a le droit de mettre fin à un régime de télétravail, sous réserve d’en donner dix (10) jours ouvrables de préavis à l’employeur.
XX.06
Il doit exister, au lieu de travail officiel de l’employé-e en régime de télétravail, des locaux à bureaux suffisants et adéquats pour qu’il ou elle puisse les utiliser à l’occasion.
XX.07
L’employé-e en régime de télétravail reçoit l’information qui est affichée au tableau d’affichage de l’employeur. L’employé-e a accès au système de courrier électronique de l’employeur. De l’espace raisonnable sur le système de courrier électronique/tableau d’affichage de l’employeur est mis à la disposition de l’agent négociateur pour l’affichage d’avis officiels.
XX.08
Une demande de télétravail d’un employé ne doit pas être rejetée par l’employeur sans de bonnes raisons.

[14]   L’employeur étant devenu un employeur distinct en vertu de la partie II de l’annexe I de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (ancienne LRTFP; maintenant nouvelle LRTFP) en vigueur en novembre 1999, la Commission a déterminé que le groupe VFS était une unité de négociation appropriée et elle a accrédité l’IPFPC comme agent négociateur (2001 CRTFP 127). Le témoin a déclaré que la proposition de négociation en matière de télétravail soumise en juillet 2001 pour le groupe AV a ultérieurement été transformée en proposition pour le groupe VFS. Il a signalé que l’IPFPC n’a pas, dans la négociation, réussi à faire inscrire le télétravail dans l’actuelle convention collective du groupe VFS qui a été ratifiée le 19 août 2005.

[15]   Le témoin a reconnu la pièce G-2, onglet 9, comme étant la demande que l’ADRC (nom qu’elle portait alors) avait présentée en novembre 2001 aux présidents syndicaux nationaux pour avoir des commentaires ou suggestions sur une nouvelle politique de télétravail.

[16]   Andrew Adolph est un vérificateur ayant 15 années de service. Il est délégué syndical et, depuis mars 2005, il siège comme membre du conseil de direction du syndicat pour le sous-groupe local VFS. Le témoin a reconnu la pièce G-3, onglet 1, comme étant la politique de télétravail révisée le 22 juillet 2003. La politique de télétravail révisée a remplacé une politique du Conseil du Trésor en date du 9 décembre 1999, ainsi qu’une directive de l’ADRC – région du Pacifique – datée de juillet 2001 et une directive de la direction générale V&E du BSFBF datée de janvier 2002.

[17]   Le témoin a reconnu la pièce G-4 comme étant les neuf griefs déposés par des membres de l’IPFPC alléguant une violation des paragraphes 1.01 et 1.02 et de l’article 36 de la convention collective à la suite de la résiliation unilatérale des régimes de télétravail qui leur étaient propres. Le témoin a déclaré que durant la procédure de règlement des griefs, il représentait les fonctionnaires s’estimant lésés et il a reconnu la pièce G-3, onglet 25, comme étant les réponses au premier et au deuxième paliers. Il a affirmé que Michael Quebec, le directeur du BSFBF, avait accueilli les griefs en partie au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs.

[18]   Jaspal Gill, vérificateur d’impôt sur le revenu ayant 14 années de service, qui était un délégué syndical de l’IPFPC à l’époque pertinente, a reconnu le procès-verbal d’une réunion de consultation entre l’employeur et l’IPFPC en date du 2 mars 2005 (pièce G-3, onglet 18) qu’il avait coprésidée avec M. Quebec. Il a témoigné que M. Quebec n’avait jamais mentionné que l’employeur allait annuler les régimes de télétravail d’employés du BSFBF. Il était d’avis que l’article 36 (« Consultation mixte ») de la convention collective n’avait pas été respecté. Il avait appris l’annulation du télétravail par les employés touchés.

[19]   L’article 36 de la convention collective dit ceci :

CONSULTATION MIXTE

36.01 Les parties reconnaissent les avantages mutuels qui découlent de la consultation mixte et sont disposées à se consulter sérieusement sur des questions d’intérêt mutuel.

36.02 Le choix des sujets considérés comme sujets appropriés de consultation mixte se fera par accord mutuel des parties et doit inclure la consultation relative à la promotion professionnelle. La consultation peut se tenir au niveau local, régional ou national, au gré des parties.

36.03 Lorsque c’est possible, l’Employeur consulte les représentants de l’Institut au niveau approprié au sujet des modifications envisagées dans les conditions d’emploi ou de travail qui ne relèvent pas de la présente convention.

[...]

[20]   En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré que la décision de l’employeur d’annuler le télétravail lui avait d’abord été communiquée par les employés touchés. C’est seulement le 17 mars 2005 qu’il avait été officiellement avisé par écrit par l’employeur de la décision de ce dernier d’annuler le télétravail, au 30 avril 2005.

[21]   Le témoin a affirmé que, bien que n’étant pas un expert en interprétation de politiques et(ou) directives en matière de télétravail, il n’était au courant d’aucun autre cas d’employés dont le régime de télétravail aurait été annulé. Autant qu’il s’en souvienne, seulement les employés de la direction générale V&E du BSFBF avaient vu leur régime de télétravail annulé. Quand on lui a demandé quelles mesures l’IPFPC avait prises lorsque les employés avaient été informés que le télétravail serait annulé, le témoin a répondu qu’il n’avait pas été informé de la décision de l’employeur à la réunion du 2 mars 2005 et que M. Quebec ne l’avait pas consulté avant de prendre la décision. Il admettait que les griefs avaient été accueillis en partie et que le télétravail avait été rétabli, mais il disait que ce n’était qu’à la fin de décembre 2005 que les employés avaient repris le télétravail.

[22]   Dans sa réponse, le témoin a rappelé avoir vu l’ébauche d’un courriel (pièce G-3, onglet 21) en date du 24 mars 2005 de Paul Skinner, vérificateur d’impôt sur le revenu, à M. Quebec concernant l’annulation du télétravail.

[23]   Paul Skinner travaille comme vérificateur d’impôt sur le revenu à l’ARC depuis environ 25 ans. Il a occupé un certain nombre de postes au sein de l’IPFPC et siège maintenant au conseil national de direction pour le groupe VFS de C.-B./Yukon. Il avait commencé le télétravail à l’été 1995 tandis qu’il était un employé du bureau des services fiscaux de Vancouver. À cette époque, le processus à suivre pour que le cas d’un employé désireux d’avoir un régime de télétravail soit pris en considération était compliqué. L’employé devait présenter une demande à cet effet à son gestionnaire, en ayant à l’esprit que certaines conditions devaient être réunies. Le superviseur déterminait ensuite si le télétravail serait approuvé ou non. Les conditions étaient notamment les suivantes :

  • bon rendement
  • expérience
  • autonomie
  • capacité de travailler avec peu de supervision ou sans aucune supervision
  • pièce distincte comme bureau à domicile
  • respect d’un certain nombre de critères de sécurité : fenêtres et portes munies de dispositifs de verrouillage et propriété clôturée

[24]   Le témoin a reconnu une lettre qu’il avait envoyée le 12 janvier 2001 (pièce G-3, onglet 8) à Kathleen Keenlyside, gestionnaire à l’ADRC, lettre dans laquelle il commentait la politique de télétravail régionale proposée. Le 28 septembre 2001, des recommandations du comité mixte patronal-syndical sur le télétravail ont été envoyées à Narrin Gill, le directeur adjoint de la direction générale V&E.

[25]   Le témoin a déclaré qu’il avait été avisé par un courriel de son chef d’équipe, Pal Gulati, le 16 mars 2003, que son régime de télétravail serait annulé, au 30 avril 2005. Il a affirmé que M. Gulati ne lui avait fourni aucune raison autre que le fait qu’il avait reçu cet ordre de Joanne Ralla, alors directrice adjointe de la direction générale V&E. Le témoin avait, en guise de réponse, envoyé un courriel (pièce G-3, onglet 21) le 24 mars 2005 à M. Quebec indiquant qu’on ne lui avait pas dit pourquoi son régime de télétravail était annulé. Comme M. Quebec ne répondait pas, Harinder Mahil, agent des relations de travail à l’IPFPC, avait envoyé une lettre à M. Quebec le 29 avril 2005 lui demandant de remettre à plus tard sa décision d’annuler le télétravail.

[26]   Le 6 avril 2005, le témoin a déposé un grief contestant la décision de M. Quebec d’annuler le télétravail (pièce G-3, onglet 23). Le 13 avril 2005, il a reçu de Len Lindberg, le directeur de la vérification à la direction générale V&E, un courriel (pièce G-3, onglet 23) indiquant ceci :

[Traduction]

Les régimes de télétravail doivent être possibles du point de vue opérationnel et être économiques (coût net nul pour l’ARC). Votre régime donne lieu à des coûts nets constants pour l’Agence.

[...]

[27]   Le témoin a déclaré qu’il avait déposé son grief à cause de la décision de l’ARC d’annuler le télétravail, ce qui, estimait-il, était une violation des paragraphes 1.01 et 1.02 et de l’article 36 de la convention collective. Il a affirmé que, quoique la réponse au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs ait rétabli le télétravail au BSFBF en septembre 2005, il n’avait pas pu immédiatement reprendre le télétravail. Par suite d’une grève d’employés de Telus, il n’avait pu faire rebrancher qu’en décembre 2005 sa ligne téléphonique d’affaires (qui avait été débranchée par l’ADRC à la fin d’avril 2005).

[28]   Le témoin a déclaré qu’il avait travaillé à domicile pendant dix ans et que c’était devenu un mode de vie pour lui et sa famille. Ainsi, il avait engagé des frais en ajoutant des dispositifs de sécurité pour sa maison et en achetant un chien. Lorsque son régime de télétravail a été annulé, il devait payer environ 200 $ de frais supplémentaires, par exemple pour le stationnement et l’assurance-automobile. Il a en outre affirmé que, pendant toutes ces années auprès de l’ARC, il n’avait jamais entendu parler d’un cas de télétravail annulé. Son chef d’équipe s’entretenait avec lui une fois par année pour s’assurer que des protocoles de sécurité hors site étaient en place et qu’il répondait aux attentes de l’ARC en matière de rendement.

[29]   En contre-interrogatoire, le témoin admettait que son grief avait été accueilli le 25 août 2005. Cependant, il faisait remarquer que ce n’était qu’à la fin de décembre 2005 qu’il avait repris le télétravail.

[30]   Le témoin se souvenait de la tenue d’une réunion en mai 2004 au cours de laquelle la directrice adjointe de la direction générale V&E avait mentionné que le télétravail n’était pas économique. Il se rappelait qu’elle avait dit que les régimes de télétravail continueraient jusqu’à la fin de l’exercice (31 mars 2005) et qu’une décision de maintenir ou non ces régimes serait prise au cas par cas. Il convenait qu’une décision de la haute direction avait été prise en 2004 de ne pas approuver les demandes de télétravail d’autres employés. Lorsque l’avocat a affirmé qu’un préavis d’annulation de télétravail avait été donné le 16 mars 2005, la date de prise d’effet étant le 30 avril 2005, le témoin a admis que c’était vrai et a déclaré : [traduction] « Je savais que c’était vulnérable. »

[31]   Le témoin ne se souvenait pas que lui ou les autres fonctionnaires s’estimant lésés se soient entretenus avec le directeur adjoint de la direction générale V&E en août 2004 pour parler de la question de la rentabilité du télétravail. Il admettait que M. Quebec avait accueilli les griefs en partie au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs; cependant, il ne considérait pas que la réponse de M. Quebec traitait du manque de consultation. Il était d’accord pour dire qu’il n’avait pas poursuivi son grief davantage dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

[32]   Le témoin a déclaré que son courriel du 24 mars 2005 (pièce G-3, onglet 21) à M. Quebec faisait état de ses préoccupations selon lesquelles le directeur adjoint de la direction générale V&E n’avait pas, avant d’annuler le télétravail, consulté les employés touchés. De plus, le courriel indiquait qu’il n’avait nullement été fait mention de l’annulation du télétravail lors de la réunion du 10 mars 2005 du comité régional patronal-syndical.

[33]   Tom Stasiewski travaille comme vérificateur depuis environ 30 ans. Il est un délégué syndical de l’IPFPC et est secrétaire du groupe VFS du BSFBF. Il a commencé à travailler à domicile en 1995 tandis qu’il était un employé du bureau des services fiscaux de Vancouver.

[34]   Le témoin a affirmé que, le 22 octobre 2003, il avait écrit une lettre à Vince Timm, gestionnaire du BSFBF, pour M. Skinner et Linda White, la présidente du Syndicat des employés-e-s de l’impôt, section locale 2007 (pièce G-3, onglet 16). La lettre contenait des commentaires sur l’ébauche de lignes directrices en matière de télétravail à l’intention des gestionnaires et du personnel devant être mises en œuvre de concert avec la nouvelle politique de télétravail. Le témoin a déclaré qu’il n’avait jamais vu de réponse à cette lettre.

[35]   Il a dit qu’il avait assisté à la réunion de consultation du 2 mars 2005 entre l’employeur et l’IPFPC et qu’il n’y avait aucunement été question du télétravail. Interrogé par son représentant sur la question de savoir comment il définissait la consultation, il a répondu : [traduction] « Lorsque des personnes se réunissent pour débattre des questions, il y a des discussions au cours desquelles des idées sont avancées avant que des décisions soient prises. »

[36]   Le 16 mars 2005, le même jour que son chef d’équipe, Scott Bannerman, l’avait informé que son régime de télétravail était annulé, le témoin avait envoyé un courriel (pièce G-3, onglet 25) à Les Lindberg, gestionnaire, Spécialité vérification, pour s’opposer à ce qu’il qualifiait de résiliation sommaire de son régime de télétravail. M. Lindberg a répondu par courriel : [traduction] « Désolé, Tom. Conformément aux discussions, votre entente de télétravail a été résiliée. » Le témoin a déclaré qu’il avait déposé un grief contre l’annulation de son régime de télétravail (pièce G-3, onglet 26) et que son grief avait été accueilli en partie. Il ne se souvenait d’aucune réunion de 2004 au cours de laquelle la haute direction aurait parlé de l’annulation du télétravail.

[37]   Le témoin a signalé que, à cause de l’annulation du télétravail, il avait engagé des frais supplémentaires pour le stationnement, ainsi que pour les repas du midi et les pauses-café.

[38]   Durant le contre-interrogatoire, on a renvoyé le témoin à un certain nombre de procès-verbaux de réunions de consultation entre l’employeur et l’IPFPC (pièce E-1), auxquelles il avait assisté. Il admettait que le procès-verbal de la réunion du 8 juin 2003 mentionnait qu’une politique de télétravail nationale était en cours de rédaction.

[39]   Le témoin convenait que, à la réunion tenue le 18 septembre 2003, M. Quebec avait annoncé qu’une nouvelle politique de télétravail nationale avait été établie et que l’employeur avait dû démontrer que le télétravail n’entraînait pas de coûts supplémentaires et qu’il était possible du point de vue opérationnel. De plus, lors de cette réunion, M. Quebec avait dit qu’il n’y avait plus de manque d’espace au BSFBF pour des locaux à bureaux, des tables de travail, etc. Le témoin admettait aussi que la question du télétravail avait été examinée aux réunions du 17 décembre 2003, du 23 mars 2004 et du 13 septembre 2004. Le témoin convenait en outre que la plupart des procès-verbaux étaient signés par M. Skinner en tant que coprésident.

[40]   Dans sa réponse, le témoin a affirmé qu’un certain nombre des procès-verbaux ne traitaient pas de la question de la rentabilité. De plus, il y avait des divergences d’opinions entre l’IPFPC et l’ARC concernant les coûts du télétravail, notamment les coûts au pied carré.

[41]   Michael Quebec, actuellement directeur du BSFBF, travaille à l’ARC depuis environ 30 ans. Il dirige 650 à 700 employés travaillant dans les bureaux de la vallée du Fraser, de Delta et de Lillooet. Il est devenu directeur en mai 2003, avant la mise en œuvre de la politique de télétravail nationale. Il savait à son arrivée qu’il y avait des directives locales et régionales et qu’une vérification interne était en cours au sujet de la productivité et des avantages du télétravail. Il savait également que ces directives ainsi que la vérification avaient été mises en suspens pendant la tenue de consultations nationales sur une nouvelle politique de télétravail. La nouvelle politique a été communiquée en juillet 2003. Le témoin a déclaré qu’en septembre, pour discuter de lignes directrices en matière de conception et de formulation, il avait rencontré des représentants de l’IPFPC et d’autres syndicats touchés. Il a signalé que, bien qu’il ne soit pas un expert en politique de télétravail, la différence entre les politiques est que la nouvelle politique dit que le télétravail ne doit pas entraîner des coûts supplémentaires. L’avocat a demandé au témoin de lire l’extrait suivant de la politique nationale : « La politique de l’[...]ADRC vise à faciliter le régime de télétravail d’un employé lorsqu’il s’avère réalisable sur le plan opérationnel et efficace en termes de coûts, sous réserve de certaines conditions à remplir. »

[42]   Le témoin a fait remarquer que, dans la section sur les exigences de la politique, il est dit que le télétravail est un régime à participation volontaire et ne doit pas être considéré comme un droit ou une obligation. De plus, il est dit, au point 6 :

L’Entente de télétravail prend fin automatiquement à sa date d’expiration, ou plus tôt :

[...]

b)
si l’employé ou le gestionnaire délégataire a mis fin par écrit à l’Entente en donnant un préavis dans un délai raisonnable; [...]

[...]

[43]   M. Quebec a déclaré que les régimes de télétravail à la direction générale V&E et à d’autres endroits avaient été l’objet d’une analyse de rentabilisation, la question de la neutralité des coûts étant le facteur le plus important. M. Timm lui avait rapporté que, dans des discussions avec l’IPFPC, aucun gain de productivité supplémentaire ne pouvait être fait pour répondre aux exigences de l’ARC quant à la neutralité sur le plan des coûts. Lors d’une réunion avec son équipe de la haute direction, il avait été convenu d’appliquer la politique nationale au BSFBF. M. Quebec a affirmé qu’ils ne voulaient pas annuler le télétravail mais que l’ARC ne pouvait compenser les coûts pour assurer une neutralité de ce point de vue.

[44]   M. Quebec a parlé de la réunion de consultation du 23 mars 2003 entre l’employeur et l’IPFPC (pièce E-1) pendant laquelle il a informé l’IPFPC qu’il y avait une nouvelle politique de télétravail nationale et que tous les régimes de télétravail seraient revus au cas par cas. Il avait en outre envoyé un courriel le 12 juillet 2004 (pièce G-3, onglet 14) à tous les employés relevant de lui, courriel dans lequel il disait que, pour déterminer l’incidence potentielle de la nouvelle politique de télétravail, un examen des régimes de télétravail était nécessaire, de manière à établir que le télétravail était possible sur le plan opérationnel et rentable (sans coût net pour l’ARC).

[45]   Le témoin a déclaré qu’il avait informé ses cinq directeurs adjoints qu’un examen des régimes de télétravail serait entrepris avant la fin de l’exercice. L’IPFPC a été informé au printemps 2005 que le télétravail pourrait être annulé. Le témoin se rappelait que l’IPFPC était très préoccupé. Il a déclaré que les employés en question sont des comptables; ils comprennent donc le souci de la neutralité des coûts. La direction générale V&E a examiné les coûts ainsi que les préoccupations en matière de sécurité avec la direction générale de la vérification internationale. Le témoin a affirmé que le travail de la direction générale V&E n’était pas neutre sur le plan des coûts; on avait donc décidé d’annuler le télétravail au BSFBF. Le témoin a expliqué que la décision d’annuler le télétravail n’avait pas touché les 40 employés relevant de lui; cette décision n’avait touché que 14 employés de la direction générale V&E. La décision d’annuler le télétravail n’avait rien à voir avec la négociation collective en cours.

[46]   Le témoin a déclaré qu’il avait entendu les griefs au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs. Sa décision d’accueillir les griefs en partie se fondait sur sa conviction que la politique de télétravail, selon laquelle un examen au cas par cas doit être fait au sujet des régimes de télétravail, n’avait pas été suivie. De plus, il affirmait que les employés qui avaient travaillé à domicile pendant de longues périodes allant jusqu’à dix ans auraient besoin de plus de temps pour s’adapter. Son objectif n’était pas le rétablissement du télétravail. Il avait examiné les faits et était parvenu à la conclusion que la politique de télétravail n’avait pas été suivie.

[47]   Le témoin a réaffirmé que le télétravail n’est pas un droit qu’un employé a jusqu’à sa retraite. Un examen annuel est effectué, et il est possible que le télétravail soit de nouveau annulé. Le témoin a aussi déclaré qu’il n’est pas persuadé que le télétravail soit une condition d’emploi.

[48]   En ce qui a trait aux consultations locales et nationales, le témoin était d’accord sur le concept global; toutefois, il a déclaré que, le moment venu de mettre en œuvre une mesure ou une décision, il peut ou non consulter les syndicats. Il a affirmé qu’il pourrait le faire, par courtoisie, mais pas nécessairement.

[49]   Quand on l’a renvoyé à la lettre de M. Skinner (pièce 3, onglet 21), il a dit que, après consultation des ressources humaines, il avait été décidé qu’il n’était pas nécessaire de répondre à la lettre, car elle était considérée comme un ensemble de propos incendiaires ne servant aucune fin positive.

[50]   Le témoin a déclaré que les fonctionnaires s’estimant lésés n’avaient jamais fait état des coûts ou présenté des arguments à cet égard lors de l’audience s’inscrivant dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

[51]   En contre-interrogatoire, le témoin a affirmé que, à son arrivée au BSFBF, la question préoccupant le plus le syndicat et l’employeur était la question des « bureaux à la carte ». (La notion de bureau à la carte désigne le partage de postes de travail.) D’après le témoin, l’espace n’était pas suffisant pour que les employés aient leur propre bureau ou poste de travail. La question de la rentabilité n’était pas à cette époque la priorité qu’elle est devenue par suite de la nouvelle politique de télétravail nationale.

[52]   Le témoin a déclaré que, bien que la politique nationale soit entrée en vigueur le 22 juillet 2003, l’employeur a été incapable de la mettre en œuvre immédiatement, et ce, pour un certain nombre de raisons.

[53]   Le témoin a répété que sa décision d’accueillir le grief en partie au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs se fondait sur deux raisons : 1) il n’était pas convaincu qu’un examen au cas par cas avait été mené; 2) les fonctionnaires ayant travaillé à domicile pendant une longue période devaient recevoir un avis d’annulation plus longtemps à l’avance.

[54]   Il a expliqué que les lignes directrices relatives à la politique de télétravail n’ont été mises au point qu’en janvier 2004, parce que l’employeur était incapable de changer les procédures concernant l’entente et les nouvelles questions de sécurité avant la fin de l’exercice 2004.

[55]   Le témoin a également déclaré que M. Timm lui avait dit qu’il était impossible de compenser les coûts par une plus grande productivité des employés de manière à rendre le télétravail neutre du point de vue des coûts. Il a répété qu’il avait envoyé un courriel à l’ensemble du personnel pour souligner qu’il fallait que le télétravail soit neutre rentable sur le plan des coûts. Il a affirmé que sa responsabilité était de prendre en compte les objectifs de l’organisation et que le télétravail ne répondait pas à ces objectifs.

[56]   Le témoin a signalé que le télétravail n’est pas une condition d’emploi; c’est un régime à participation volontaire et il ne s’agit donc pas d’un droit ou d’une obligation.

[57]   Le témoin a convenu que, à l’étape des consultations, il est obligatoire de se consulter sérieusement. Toutefois, la consultation n’équivaut pas à la cogestion. Pour ce qui est d’informer l’IPFPC de la décision d’annuler le télétravail, il a déclaré : [traduction] « Quant à moi, par courtoisie, je pourrais avoir appelé l’IPFPC. Ce n’est cependant pas une obligation. »

Argumentation pour l’IPFPC

[58]   L’IPFPC a déclaré que, après l’avis de négocier signifié à l’ADRC le 22 septembre 2003 (pièce G-2, onglet 1), les conditions d’emploi pour le groupe VFS ont été gelées en vertu de l’article 107 de la nouvelle LRTFP.

[59]   Dans ce cas-ci, les employés dont les régimes de télétravail ont été annulés étaient visés par la politique nationale de l’employeur, créée après des consultations avec l’IPFPC. En vertu de cette politique, un certain nombre de conditions devaient être remplies avant qu’un employé soit autorisé à travailler à domicile. L’approbation était accordée au cas par cas; de même, le télétravail pourrait être annulé au cas par cas. L’IPFPC a argué qu’il n’y a pas la moindre preuve que l’employeur ait consulté les employés touchés quant à l’incidence que l’annulation du télétravail aurait sur la vie de ces employés.

[60]   L’IPFPC soutenait que, même si la politique de télétravail accorde à l’ARC le pouvoir discrétionnaire absolu d’annuler le télétravail, l’ARC ne pouvait le faire durant la négociation collective. La politique de télétravail exige que le gestionnaire et l’employé examinent ensemble le régime de télétravail au moins une fois par année pour s’assurer de sa conformité à la politique en question.

[61]   L’IPFPC a déclaré que la question soumise à la Commission est de savoir si l’ARC a changé les conditions d’emploi durant la négociation collective. Il n’y a pas de différence entre annuler une politique et enfreindre une politique.

[62]   En conclusion, l’IPFPC a cité l’arrêt suivant à l’appui de son argumentation : La Reine du chef du Canada, représentée par le Conseil du Trésor c. L’Association canadienne du contrôle du trafic aérien, [1982] 2 C.F. 80.

Argumentation pour l’ARC

[63]   L’ARC admettait que la politique de télétravail était en vigueur à l’époque pertinente et que c’était une condition d’emploi lorsque l’IPFPC a signifié l’avis de négocier. L’avocat disait que, si la politique en question était incorrectement appliquée, ce serait non pas une violation mais une mauvaise application et le cas pourrait être l’objet de la procédure de règlement des griefs. Le but des dispositions législatives sur le gel n’est rien de plus que d’assurer l’observation requise d’une politique en vigueur à l’époque du commencement de la négociation collective.

[64]   Au troisième paragraphe de la plainte, l’IPFPC allègue que l’ARC a enfreint les dispositions législatives sur le gel en annulant les régimes de travail non conventionnels (télétravail). L’IPFPC ne soutient pas qu’il y a eu une omission de consulter ou que le processus de consultation était une condition d’emploi qui n’a pas été observée selon l’article 36 (« Consultation mixte ») de la convention collective. Le manque de consultation n’est pas pertinent à l’égard de la plainte, car des preuves d’un certain nombre de discussions et consultations quant à la politique de télétravail ont été présentées.

[65]   Le privilège des employés touchés de travailler à domicile n’était pas immuable, puisque la politique de télétravail prévoyait une réévaluation ainsi que l’annulation d’ententes de télétravail par l’une ou l’autre partie moyennant un préavis écrit raisonnable. Si un préavis raisonnable n’était pas donné par l’ARC, un employé avait la possibilité de déposer un grief. L’IPFPC arguait qu’il fallait que le gestionnaire et l’employé réexaminent l’entente au moins une fois par année. Cependant, il n’est dit nulle part que l’entente ne pourrait être résiliée avant cela. L’annulation du télétravail était une possibilité prévue dans le cadre de la politique de télétravail. L’IPFPC avait la charge de démontrer qu’il y avait eu une violation de l’article 107 de la nouvelle LRTFP et il ne s’en est pas acquitté.

[66]   En conclusion, l’ARC a cité les décisions suivantes : Syndicat des travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 1973 c. Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes, dossier de la CRTFP 148-18-114 (1986) (QL); Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 148-2-149 (1989) (QL); Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 148-2-186 (1991) (QL); UCCO-SACC-CSN c. Conseil du Trésor, 2004 CRTFP 38.

Réplique

[67]   Les conditions d’emploi pour le groupe VFS ont changé. Les employés touchés travaillaient à domicile, et l’ARC a, en annulant leur régime de télétravail, changé leurs conditions d’emploi. Depuis la mise en oeuvre de la politique nationale, un processus de révision était prévu. Cependant, aucune preuve n’indiquait qu’une révision avait été effectuée en 2004.

[68]   L’ARC n’a pas le droit absolu d’annuler le télétravail.

Motifs

[69]   Après des consultations entre l’IPFPC et l’ADRC (nom que portait alors l’Agence), une politique de télétravail nationale est entrée en vigueur, le 22 juillet 2003. Cette nouvelle politique de télétravail remplaçait de précédentes directives/politiques locales et régionales (pièce G-3, onglets 6 et 7).

[70]   La convention collective du groupe VFS devait expirer le 21 décembre 2003. Le 23 septembre 2003, l’IPFPC a signifié à l’ADRC un avis de son intention de commencer la négociation collective. L’ADRC et l’IPFPC ont subséquemment signé une nouvelle convention collective, le 22 août 2005.

[71]   Le 2 mai 2005, l’IPFPC avait déposé auprès de la Commission une plainte alléguant que l’ADRC avait enfreint l’article 107 de la nouvelle LRTFP. D’après l’IPFPC, l’infraction en cause s’était produite entre le 10 et le 16 mars 2005, tandis que 14 de ses membres travaillant pour le BSFBF avaient été informés que le télétravail serait annulé au 30 avril 2005, ce qui violait une condition d’emploi existant à l’époque de la signification de l’avis de négocier.

[72]   Lors de la présente audience, les avocats de l’ARC convenaient que le télétravail était une condition d’emploi en vigueur à l’époque pertinente.

[73]   La question à trancher consiste à déterminer si l’ARC a enfreint l’article 107 de la nouvelle LRTFP en annulant les régimes de télétravail des fonctionnaires travaillant pour le BSFBF.

[74]   Après avoir examiné les politiques de télétravail déposées en preuve, je note ce qui suit. Les directives locales et les directives régionales en vigueur avant la politique de télétravail nationale étaient libellées de manière identique concernant l’annulation du télétravail : [traduction] « Dans toute la mesure du possible, un minimum de deux semaines d’avis est nécessaire avant que l’une ou l’autre partie résilie ou modifie un régime de télétravail. » Ces directives ont été remplacées par la politique de télétravail nationale le 22 juillet 2003 (pièce G-3, onglet 1), laquelle politique dit, dans la section intitulée Exigences de la politique :

1.
La participation d’un employé à un régime de télétravail doit se faire sur une base volontaire et ne devrait pas être considérée comme un droit ou une obligation. L’approbation d’une demande de participation au régime de télétravail doit être traitée au cas par cas.
[...] 
6.
L’ Entente de télétravail prend fin automatiquement à sa date d’expiration, ou plus tôt :
[...] 
 
b) si l’employé ou le gestionnaire délégataire a mis fin par écrit à l’ Entente ; [...]
[...] 
Révision  
8.
Le gestionnaire (superviseur) et l’employé examineront ensemble le régime de télétravail au moins une fois tous les douze mois pour s’assurer de sa conformité à l’ Entente de télétravail .
[...] 

[75]   Dans la politique de télétravail nationale, il y a une entente de télétravail qui expose les conditions à remplir. Cette entente dit notamment :

[...] 
25.
L’employé ou le gestionnaire délégataire peut mettre fin par écrit à l’ Entente en donnant un préavis dans un délai raisonnable. L’une des exceptions à ce préavis s’applique en cas d’urgence alors que le gestionnaire délégataire peut mettre fin à l’ Entente en exerçant son pouvoir discrétionnaire.
26.
L’ Entente prend fin automatiquement à sa date d’expiration, ou plus tôt lorsque :
 
a)      les fonctions ou les responsabilités de l’employé changent, p. ex. une promotion, une mutation de l’employé à un autre poste, une affectation de perfectionnement, une réorganisation, etc.;
 
b)      l’employé ne satisfait pas entièrement aux attentes en matière de rendement;
 
c)      l’employé n’observe pas l’ Entente ou ne respecte pas les règles, les procédures et les politiques de l’ADRC;
 
d)      une infraction à la sécurité; ou
 
e)      l’employé n’est plus à l’emploi de l’ADRC.

[...]

[76]   Cette entente doit être signée et datée par l’employé, le superviseur et le gestionnaire.

[77]   Il est clair que, dans la politique de télétravail nationale et dans l’entente de télétravail, il y a une « disposition d’annulation » pour l’une ou l’autre partie, sous réserve de certains critères.

[78]   Au point 6 de la politique de télétravail, il est dit : « L’Entente de télétravail prend fin automatiquement à sa date d’expiration, ou plus tôt : [...] si l’employé ou le gestionnaire délégataire a mis fin par écrit à l’Entente en donnant un préavis dans un délai raisonnable » (Je souligne).

[79]   Dans l’entente de télétravail, au paragraphe 25, il est dit également que l’employé ou le gestionnaire délégataire peut mettre fin par écrit à l’entente en donnant un préavis dans un délai raisonnable. Donc, le droit de l’une ou l’autre partie de mettre fin à l’entente de télétravail existait avant la signification de l’avis de négocier.

[80]   Dans l’arrêt Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor), [1983] A.C.F. n o 700, au sujet de l’article 51 de l’ancienne LRTFP (soit maintenant l’article 107 de la nouvelle LRTFP), la Cour d’appel fédérale a déclaré : « L’objet de l’article 51 est de maintenir l’application de la convention qui existe entre les parties, non de limiter ou restreindre cette application. » Pour l’essentiel, l’article 107 de la nouvelle LRTFP gèle tous droits enchâssés dans la convention collective ou toutes conditions d’emploi en vigueur à la date de signification de l’avis de négocier. La Commission a récemment eu l’occasion d’examiner l’application de la disposition de gel en vertu de l’ancienne LRTFP dans l’affaire IPFPC c. Conseil du Trésor, 2005 CRTFP 36, et, au paragraphe 39, elle est arrivée à la même conclusion.

[81]   J’ai conclu que l’employé et l’ARC avaient le droit de mettre fin à l’entente de télétravail moyennant un préavis écrit raisonnable, et ce, avant la signification, par l’IPFPC, de l’avis de négocier. La preuve montre que la politique de télétravail nationale était en vigueur le 22 juin 2003 et qu’un avis de négocier a été signifié le 22 septembre 2003. Par conséquent, la condition d’emploi en cause était protégée et restait en vigueur conformément aux dispositions de l’article 107 de la nouvelle LRTFP.

[82]   Dans l’arrêt La Reine du chef du Canada, représentée par le Conseil du Trésor c. L’Association canadienne du contrôle du trafic aérien, précité, l’employeur a modifié la condition des heures supplémentaires facultatives qui était en vigueur au moment de la signification de l’avis de négocier et il a imposé des heures supplémentaires obligatoires. Tel n’est pas le cas dans la présente plainte. Comme je l’ai dit précédemment, en l’espèce, les conditions d’emploi étaient en vigueur avant la signification de l’avis de négocier.

[83]   Je ferais remarquer aux parties que la disposition de gel enchâssée d’abord à l’article 51 puis à l’article 52 de l’ancienne LRTFP prévoyait une possibilité pour les parties de convenir de modifier/changer une condition en vigueur, et ce, malgré le fait que l’avis de négocier ait été donné. En d’autres termes, la disposition pertinente prévoit une « disposition d’annulation » pour l’employeur et l’agent négociateur, à leur choix. De plus, durant le processus de négociation collective, les parties auraient pu convenir de changer les conditions d’emploi ou auraient pu inclure la politique de télétravail dans la convention collective. La preuve montre que la proposition de négociation en matière de télétravail soumise par l’IPFPC n’a pas été incluse dans la convention collective lors de cette ronde de négociations collectives.

[84]   Je conclus donc qu’il n’y a pas eu de violation, par l’ARC, de l’article 107 de la nouvelle LRTFP, car l’une ou l’autre partie avait le droit d’annuler le télétravail avant la signification de l’avis de négociation. En outre, on ne m’a fourni aucune preuve de mauvaise foi ou d’ingérence à l’égard de la négociation collective. Par conséquent, la plainte doit être rejetée.

[85]   Je signale que la procédure de grief est la procédure appropriée pour un cas allégué de mauvaise application de la politique de télétravail concernant des employés du fait de l’omission de l’employeur de consulter et que certains des employés touchés en l’espèce se sont prévalus de cette procédure. La réponse de M. Quebec au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs a semblé satisfaire les fonctionnaires s’estimant lésés, car ils n’ont pas poursuivi leurs griefs. Assurément, comme pour toute demande de dommages-intérêts, les fonctionnaires s’estimant lésés avaient la charge de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’ARC était fautive et qu’elle avait agi négligemment ou de mauvaise foi. Durant la procédure de règlement des griefs, les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas soulevé ou fait valoir la question des coûts. Je ne vois donc aucune raison de traiter de cette question.

[86]   Il est à noter qu’en l’espèce il s’agit d’une plainte de l’IPFPC et que, pour recevoir des dommages-intérêts, l’IPFPC devrait prouver que des préjudices lui ont été causés  — et non aux fonctionnaires s’estimant lésés. Pendant la présente audience, on ne m’a présenté aucune preuve selon laquelle l’IPFPC aurait subi des préjudices ou une atteinte à sa réputation.

[87]   La preuve de M. Stasiewski confirme que la question du télétravail a été examinée lors d’un certain nombre de réunions de consultation entre l’employeur et l’IPFPC et que M. Skinner était au courant : soit qu’il avait assisté aux réunions, soit qu’il avait signé le procès-verbal de ces réunions. Je signale que le témoignage de M. Quebec, non contesté, indique que ce dernier a envoyé à tous les membres du personnel un courriel les informant qu’il allait y avoir un réexamen du télétravail concernant son caractère réalisable sur le plan opérationnel et sa neutralité du point de vue des coûts. Il aurait dû être clair que le télétravail était l’objet d’un examen différent en vertu de la nouvelle politique.

[88]   Bien que je respecte le droit de M. Quebec d’être le décideur une fois terminé le processus de consultation, je ne suis pas d’accord pour dire qu’une décision controversée, prise suivant un modèle dans lequel on considère que l’on « peut ou non » informer l’agent négociateur ou ses représentants, soit appropriée si des relations de travail harmonieuses doivent être maintenues entre les parties.

[89]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[90]   La plainte est rejetée.

Le 17 mars 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Dan Quigley,
commissaire

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