Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a été licenciée pour avoir soumis de faux certificats médicaux à son employeur pendant une période de quatre ans - la fonctionnaire s’estimant lésée est atteinte du lupus et souffre de vives douleurs et de fatigue, de polyarthrite rhumatoïde et de dépression - elle a vécu de grandes difficultés familiales auxquelles se sont ajoutés l’échec de son mariage, des problèmes financiers et les difficultés de l’un de ses enfants à l’école - pour toutes ces raisons, la fonctionnaire s’estimant lésée a dû s’absenter fréquemment de son travail - l’employeur ne soupçonnait pas la fonctionnaire s’estimant lésée de simulation - l’employeur a inscrit la fonctionnaire s’estimant lésée à un programme de gestion des présences et a exigé qu’elle produise des certificats médicaux pour toutes ses absences en raison de sa maladie - lorsque les certificats médicaux lui ont été soumis, l’employeur a relevé quelque chose d’étrange concernant les signatures, ce qui a mené à une enquête - le médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée a confirmé par écrit quelles signatures étaient les siennes et lesquelles ne l’étaient pas - la preuve médicale a établi que ses maladies n’affectaient pas son jugement et ne justifiaient pas son comportement, et qu’elle était en mesure de distinguer le bien du mal en tout temps - la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir qu’elle avait forgé seulement certains des certificats en faisant une photocopie d’un certificat en blanc non daté mais signé que lui avait remis son médecin de famille pour usage futur, et qu’elle avait simplement tracé par-dessus sa signature - le médecin a cependant indiqué qu’elle inscrivait toujours la date sur les certificats médicaux qu’elle signait - la fonctionnaire s’estimant lésée a nié avoir forgé certains des certificats que son médecin affirmait ne pas avoir signés - après avoir examiné minutieusement les certificats, l’arbitre de grief a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la fonctionnaire s’estimant lésée avait falsifié 14 certificats médicaux depuis 1999 - les falsifications étaient suffisamment différentes pour rejeter l’explication fournie par la fonctionnaire s’estimant lésée concernant la photocopie - même si l’employeur a traité la maladie de la fonctionnaire s’estimant lésée de sorte à lui causer encore plus de pression, cela n’explique pas pourquoi elle a commencé à falsifier des certificats médicaux en 1999, avant son inscription au programme de gestion des présences - en ce qui concerne les facteurs atténuants soulevés par la fonctionnaire s’estimant lésée, celle-ci a manqué de franchise et la preuve a démontré que son infraction n’était pas un cas isolé - elle a tenté de rejeter la responsabilité de certaines de ses falsifications sur l’employeur, et la preuve médicale n’appuyait pas son allégation selon laquelle ses problèmes de santé affectaient son jugement - le manque d’honnêteté de la fonctionnaire s’estimant lésée a semé le doute chez l’arbitre de grief quant à son potentiel de réhabilitation, signifiant que le lien de confiance avait été rompu. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-04-19
  • Dossier:  166-02-32824
  • Référence:  2006 CRTFP 43

Devant un arbitre de grief



ENTRE

MARY MORROW

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Morrow c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Georges Nadeau, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée :  Edith Bramwell, avocate

Pour l'employeur :  Neil McGraw, avocat


Affaire entendue à Kingston (Ontario),
du 14 au 17 novembre 2005.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]    La fonctionnaire s’estimant lésée travaillait pour le Service correctionnel du Canada (SCC) à l’établissement Pittsburgh à titre d’adjointe aux ressources humaines. Le 10 juin 2003, elle a présenté un grief pour contester son licenciement, qui lui a été communiqué dans une lettre datée du 9 juin 2003.

[2]    La lettre de licenciement (pièce E-17) est ainsi formulée :

[Traduction]

[…]

Je viens de terminer l’examen complet de la preuve relative à votre cas, y compris les déclarations que votre représentant et vous avez faites à la réunion du 26 mai 2003.

D’après la preuve recueillie et votre propre aveu, vous avez présenté de faux certificats médicaux pour justifier des absences, et ce, depuis 1999.

Les éléments essentiels de la relation de confiance qui doit exister entre l’employeur et un employé ont été irrémédiablement violés. En raison de la gravité de votre inconduite, j’ai décidé de vous congédier pour inconduite de votre emploi dans de la fonction publique du Canada aux termes de l’alinéa 11(2) f ) de la Loi sur la gestion des finances publiques et conformément au pouvoir qui m’est délégué par le commissaire du Service correctionnel du Canada. Cette décision entrera en vigueur à la fermeture des bureaux le 9 juin 2003.

Des mesures seront prises afin de récupérer les congés de maladie que vous avez obtenus de manière frauduleuse. Toute somme qui vous est due au titre de votre salaire et de vos avantages sociaux vous sera versée sous peu. Mme Doreen Gregory, de la Section de la rémunération, communiquera avec vous prochainement concernant les détails administratifs liés à cette mesure.

[…]

[3]    Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).

Résumé de la preuve

[4]    Le premier témoin convoqué par l’employeur a été Helen Ronan, chef, Gestion des ressources humaines (CGRH), à l’établissement Pittsburgh. Elle a commencé à travailler au SCC en août 1993 et, après avoir occupé plusieurs postes de commis, a été conseillère en rémunération pendant 12 ans et à la dotation pendant 8 ans. Elle a occupé le poste de CGRH à l’établissement Frontenac avant d’être mutée à l’établissement Pittsburgh.

[5]    Mme Ronan a déclaré qu’elle assistait la direction en exécutant un vaste éventail de fonctions liées aux ressources humaines. Celles-ci comprenaient la coordination des griefs, l’embauche d’employés occasionnels et la rémunération de fonctions supplémentaires, comme le temps supplémentaire, les primes de poste et les indemnités diverses. L’administration des congés est décentralisée et la Section des ressources humaines tient les registres des congés pour l’ensemble de l’établissement.

[6]    L’adjoint au CGRH est responsable de la tenue des registres des congés, du traitement des demandes d’indemnisation pour accident de travail, de la tenue de l’inventaire des demandes d’emploi occasionnel et la tenue des dossiers de cheminement de carrière. La Section des ressources humaines collabore avec les gestionnaires de l’établissement concernant les dossiers de cheminement de carrière et les plans de perfectionnement et est responsable de la coordination de la formation en élaborant avec les gestionnaires des plans annuels de formation et de retour au travail en cas de besoin.

[7]    Lorsque la témoin est arrivée à l’établissement Pittsburgh, à la fin de novembre 2001, le bureau comptait une adjointe en ressources humaines à temps plein, un adjoint responsable des congés à temps partiel et un adjoint responsable des fonctions supplémentaires. Le poste à temps partiel a été aboli à l’automne 2002. La fonctionnaire s’estimant lésée, qui était l’adjointe en ressources humaines, a ensuite été chargée des fonctions du poste à temps partiel.

[8]    L’établissement Pittsburgh compte 120 employés et le temps supplémentaire y est peu fréquent. L’adjoint à temps partiel devait saisir les données figurant sur les feuilles d’heures supplémentaires dans le système informatisé et produire un rapport qui devait être signé par le directeur et transmis aux responsables du paiement. L’adjoint à temps partiel devait aussi traiter les rapports de poste quotidiens préparés par les surveillants correctionnels qui consignaient les heures effectuées par les employés, leurs allées et venues et si des heures supplémentaires avaient été faites. L’information servait à produire un chiffrier dans lequel on faisait le total mensuel des heures supplémentaires et les primes de postes pour chaque trimestre. La fonctionnaire s’estimant lésée a été chargée de ces fonctions lorsque le poste à temps partiel a été aboli.

[9]    La témoin a affirmé qu’elle avait travaillé avec la fonctionnaire s’estimant lésée lors de la révision de la description de poste de cette dernière et qu’on avait envisagé de la présenter à la classification. Toutefois, la présentation a été reportée en attendant les résultats d’un grief de classification dans une autre affaire. La témoin a expliqué que l’ajout à un poste de fonctions supplémentaires n’entraîne pas nécessairement la classification de ce poste à un niveau supérieur.

[10]   La témoin a déclaré que la fonctionnaire s’estimant lésée était une personne qui ne mêlait pas sa vie professionnelle et sa vie privée et qui ne socialisait pas après les heures de travail. La témoin a aussi souligné que, de façon quotidienne, elle avait de bonnes relations de travail avec la fonctionnaire s’estimant lésée.

[11]   M me Ronan s’est présentée au travail le 28 novembre 2001, à son nouveau poste. Après un congé d’invalidité, la fonctionnaire s’estimant lésée s’est présentée au travail le 4 décembre 2001. Le spécialiste en réadaptation a recommandé qu’elle travaille d’abord trois jours par semaine et qu’elle retourne au travail à temps plein à compter du 24 décembre 2001. La fonctionnaire s’estimant lésée a pris un congé annuel pendant les vacances de Noël et a repris le travail à temps plein au début de janvier. La fonctionnaire s’estimant lésée semblait bien rétablie et exécutait ses fonctions de manière entièrement satisfaisante.

[12]   Les problèmes liés à ses congés sont survenus au cours de l’année suivant son retour. Elle était retournée au travail avec un solde négatif de congés parce qu’elle avait obtenu de l’employeur une avance de congés de maladie. En juillet et août 2002, elle s’est absentée souvent du bureau. La témoin a discuté avec elle de son assiduité. La fonctionnaire s’estimant lésée a demandé un congé spécial et sa demande a été transmise au directeur pour qu’il l’approuve. Le directeur a approuvé son congé tel que demandé.

[13]   Au cours des mois qui ont suivi, des discussions ont eu lieu puisque la situation ne s’améliorait pas. En octobre 2002, comme il n’y avait toujours pas d’amélioration, à la suite d’une discussion avec Janet Clark, la directrice adjointe, Services de gestion, et après consultation du directeur, Paul Snyder, on a décidé de faire suivre à la fonctionnaire s’estimant lésée un programme de gestion de l’assiduité.

[14]   Les gestionnaires peuvent obtenir des renseignements sur le programme en consultant un site Web. Les renseignements présentés en preuve (pièce E-4) décrivent le programme, les rôles et responsabilités des employés et des supérieurs et donnent des exemples de lettres à utiliser lorsque l’on souhaite faire suivre un tel programme à un employé. Il s’agit d’un outil qui aide à gérer les problèmes d’assiduité et est considéré par l’employeur comme une solution mutuellement profitable pour le superviseur et l’employé.

[15]   La témoin a produit les soldes de congés et les rapports de situation relatifs à la fonctionnaire s’estimant lésée (pièce E-5), qui visent les exercices 1999–2000 à 2003–2004 (inclusivement). Ce rapport fournit des détails sur le type de congé utilisé pour chaque absence, que le congé soit ou non rémunéré et les raisons du congé.

[16]   En octobre 2002, la fonctionnaire s’estimant lésée a été convoquée à une réunion avec ses représentants syndicaux, MM. Rountree et VanDuvea. Au cours de la réunion, elle a été informée qu’elle devait suivre un programme de contrôle des congés et devrait fournir un certificat médical pour toutes ses absences pour cause de maladie. Ces mesures ont été confirmées dans une lettre (pièce E-6) qui lui a été remise le 22 octobre 2002. La fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué que cette exigence ne lui causait pas de problème. La témoin a souligné que la lettre avait été rédigée à partir d’une lettre type et que la mention initiale à des mesures disciplinaires avait été supprimée de la version finale remise à la fonctionnaire s’estimant lésée. Cette lettre mentionne également que la fonctionnaire s’estimant lésée pourrait être tenue de consulter un médecin de Santé Canada afin que l’on procède à une évaluation de ses capacités à exécuter les fonctions de son poste.  

[17]   La fonctionnaire s’estimant lésée s’est conformée à l’exigence et a fourni des billets du médecin pour ses absences. Cependant, son assiduité ne s’est pas améliorée et, en février 2003, elle a de nouveau été convoquée à une réunion avec son représentant syndical. On a discuté de son assiduité au travail et on l’a informée qu’on avait décidé de l’envoyer à Santé Canada pour évaluation. Pour que l’évaluation ait lieu, la fonctionnaire s’estimant lésée a dû signer deux formulaires de consentement et l’employeur a rédigé une lettre expliquant brièvement son problème d’assiduité et demander une évaluation quant à la capacité de la fonctionnaire s’estimant lésée à exécuter les fonctions de son poste.

[18]   La fonctionnaire s’estimant lésée a souligné qu’elle n’était pas d’accord avec l’inclusion des congés annuels dans son historique. La témoin a fait savoir qu’elle n’était pas prête à retirer les dates de congés annuels, puisque ceux-ci avaient servi à couvrir des journées de maladie.

[19]   L’examen de Santé Canada devait avoir lieu au début de mai 2003. Toutefois, il a été annulé parce que l’on a décidé de congédier la fonctionnaire s’estimant lésée.

[20]   La fonctionnaire s’estimant lésée a pris un congé de maladie le 14 mars 2003 et a fourni un certificat médical à son retour au travail le lendemain. Mme Clark a demandé à la témoin d’examiner attentivement le billet du médecin que la fonctionnaire s’estimant lésée avait laissé sur son bureau. La fonctionnaire s’estimant lésée s’était rendue aux services administratifs ce matin-là pour demander des certificats médicaux vierges.

[21]   La témoin a déclaré qu’elle a obtenu le registre des congés de la fonctionnaire s’estimant lésée et qu’elle a examiné les certificats médicaux antérieurs. Elle a remarqué que les signatures ne semblaient pas être les mêmes. Après consultation du service des relations de travail, du directeur adjoint et du directeur, on a décidé de faire vérifier les certificats par le médecin. D’autres discussions ont mené à un examen du registre des congés jusqu’en 1999 et on a fait vérifier d’autres certificats. On a demandé au médecin de confirmer par écrit quels certificats elle avait signés.

[22]   Après avoir reçu le télécopieur du médecin (pièce E-9) indiquant les certificats qui n’avaient pas été signés par elle, le directeur a demandé à Glen Chambers, gestionnaire d’unité, de mener une enquête.

[23]   Mme Ronan a ajouté qu’elle avait permis à la fonctionnaire s’estimant lésée de modifier à plusieurs reprises son horaire de travail afin de l’aider avec ses problèmes concernant la garde des enfants. Elle s’est aussi rappelée qu’en octobre 2002, après une semaine d’absence, Mme Clark l’avait informée que la fonctionnaire s’estimant lésée lui avait appris que son lupus était réapparu. Mme Clark lui a demandé de vérifier la procédure visant à rétablir les prestations d’invalidité. Mme Ronan a communiqué avec Linda Davidson, la coordonnatrice du retour au travail, qui a communiqué avec la fonctionnaire s’estimant lésée. Mme Davidson a ensuite informé la témoin que la fonctionnaire s’estimant lésée lui avait affirmé que l’information concernant le lupus était inexacte.

[24]   Pendant son contre-interrogatoire par l’avocate de la fonctionnaire s’estimant lésée, la témoin a expliqué qu’elle croyait avoir suivi la procédure prévue par le Programme d’assiduité, qu’elle ne soupçonnait pas que l’employée simulait son état et a avoué ne pas avoir pensé à communiquer avec le médecin afin de savoir ce qui pouvait être fait concernant le problème d’assiduité. Elle n’a appris l’existence de la lettre envoyée par le superviseur précédent au médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée que lorsqu’elle a obtenu l’ancien registre des congés en mars 2003.

[25]   Le contre-interrogatoire a aussi permis d’établir que la surveillante croyait que le lupus était en rémission, que la mère de la fonctionnaire s’estimant lésée l’aiderait avec la garde des enfants, mais que, dans l’ensemble, il serait difficile pour la fonctionnaire s’estimant lésée d’améliorer son assiduité. Mme Ronan a signalé que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait jamais été tenue de présenter des certificats médicaux dans un délai de cinq jours même si cette période avait été mentionnée dans le rapport d’enquête. Même si la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas heureuse d’avoir à fournir des certificats médicaux, Mme Ronan n’était pas au courant des préoccupations que la fonctionnaire s’estimant lésée ait pu avoir à son égard à titre de superviseure. La fonctionnaire s’estimant lésée avait présenté une demande de mutation. Le motif fourni était qu’elle voulait se rapprocher de Kingston. Mme Ronan comprenait que le travail à temps partiel n’était pas une solution en raison de la situation financière de la fonctionnaire s’estimant lésée. Elle était également d’avis qu’elle avait été raisonnable et flexible en permettant à la fonctionnaire s’estimant lésée de modifier ses heures de travail, en autorisant celle-ci à rembourser ses congés, en lui accordant une avance de congés de maladie et en lui permettant d’échelonner un congé sans solde pendant un certain nombre de périodes de paie. La fonctionnaire s’estimant lésée a également reçu une liste des personnes-ressources du Programme d’aide aux employés (PAE) (pièce E-11).

[26]   En réinterrogatoire, Mme Ronan a affirmé que la fonctionnaire s’estimant lésée ne lui avait jamais demandé de communiquer avec son médecin.

[27]   Le deuxième témoin convoqué par l’employeur a été Paul Snyder, administrateur régional intérimaire, Programme et réinsertion.

[28]   M. Snyder a commencé à travailler au SCC en 1977 et a occupé divers postes dans la région de l’Ontario. Auparavant, il avait été préposé aux soins à l’unité psychiatrique du pénitencier de Kingston, agent de correction et agent de libération conditionnelle à l’établissement Joyceville ainsi qu’agent de libération conditionnelle dans la collectivité de Kingston. Il a été chef de la gestion de cas à l’établissement Collins Bay, gestionnaire d’unité au pénitencier de Kingston, sous-directeur à l’établissement Warkworth pendant huit ans et sous-directeur et directeur à l’établissement Millhaven. De 2002 jusqu’à l’été de 2005, il a occupé le poste de directeur de l’établissement Pittsburgh.

[29]   L’établissement Pittsburgh est un établissement à sécurité minimale pouvant accueillir 250 détenus et comptant de 110 à 120 employés. À titre d’établissement à sécurité minimale, il ne comporte aucune clôture ni aucune mesure de sécurité manifeste. Toutefois, des agents de correction y sont présents et procèdent à des vérifications de sécurité afin d’éviter les évasions. Il s’agit d’un vaste complexe de 1 400 acres qui offre une gamme d’activités et de programmes aux contrevenants.

[30]   Le témoin a décrit ses fonctions de directeur comme étant principalement de nature administrative, mais comportant de nombreux échanges avec les employés et les détenus. Il assistait régulièrement à des réunions de gestion au cours il était question de problèmes concernant les détenus, le personnel et les finances ainsi qu’à des réunions du comité de gestion régionale.

[31]   La structure de l’établissement Pittsburg est semblable à celle de nombreux autres établissements correctionnels. Elle comprend trois divisions distinctes qui relèvent d’un chef de division. L’une de ces divisions est celle des opérations correctionnelles, qui est dirigée par un sous-directeur. Elle est chargée de la sécurité, de la gestion des cas, des soins de santé et du service de psychologie. Une autre division qui relève d’un directeur adjoint, gère tous les programmes et les activités sociales pour les détenus. La troisième division est celle des services de gestion et relève aussi d’un directeur adjoint. Elle est responsable de toutes les fonctions administratives, comme la gestion financière, le personnel, les services d’alimentation et les autres services institutionnels et techniques. Mme Clark était la directrice adjointe responsable de cette division. Le témoin a aussi fait allusion à une autre division qui travaille pour le directeur et Corcan, un partenariat avec les services correctionnels, qui vise le travail pour les détenus.

[32]   Le témoin connaît la fonctionnaire s’estimant lésée depuis qu’il est arrivé à l’établissement Pittsburgh. Il a décrit sa relation avec la fonctionnaire s’estimant lésée comme étant professionnelle, amicale et cordiale. La plupart de leurs rapports étaient de nature professionnelle, soit quand la fonctionnaire s’estimant lésée se rendait à son bureau pour faire signer les demandes de congé d’employés qui exigeaient son autorisation. À quelques reprises, elle lui a présenté ses propres demandes.

[33]   M. Snyder a expliqué que les employés ont droit à un ensemble de congés et d’avantages sociaux conformément à leurs conventions collectives respectives. Il a ajouté qu’au Service correctionnel certains employés prennent plus de congés que d’autres et que, si tous les employés utilisaient tous leurs congés, la gestion serait difficile. Il était donc important de déceler les problèmes. Le SCC a mis sur pied un programme de gestion des congés qui définit les attentes des employés et des gestionnaires. Si l’absence d’un employé affecte le travail d’un service, le gestionnaire est tenu d’appliquer le programme. Les congés prévus ne sont pas un problème. Ce sont les congés non prévus qui sont visés par le programme de gestion des congés. Le programme met en place des mesures visant à équilibrer le travail et les besoins de congés.

[34]   M. Snyder a ajouté que les employés qui utilisent un grand nombre de congés peuvent courir des risques au travail. L’obligation de présenter un certificat médical permet de confirmer qu’un médecin est au courant de la période d’absence d’un employé, que l’absence est justifiée et que l’employé est apte à retourner au travail.

[35]   Le témoin a affirmé que, peu de temps après son arrivée, dans le cadre de discussions de la direction, il a appris de Mme Ronan ou de Mme Clark que l’absentéisme de la fonctionnaire s’estimant lésée faisait l’objet d’un examen parce qu’elle avait utilisé un nombre considérable de congés. À l’époque, il croyait que la superviseure surveillait la situation et travaillait avec l’employée. Il ne se souvenait pas d’avoir participé à la décision de faire suivre à la fonctionnaire s’estimant lésée un programme d’assiduité mais se rappelait une discussion visant à déterminer si Santé Canada devait évaluer son aptitude au travail. C’est à peu près à cette époque qu’il a appris de Mme Clark que Mme Ronan a remarqué quelque chose d’étrange concernant les signatures du médecin figurant sur les certificats médicaux. Ces conclusions ont donné lieu à une discussion avec des représentants des relations de travail, à la suite de laquelle le témoin a demandé à M. Chambers de mener une enquête et de lui faire rapport le plus rapidement possible.

[36]   M. Snyder a ensuite été informé du document signé par le médecin, dans lequel elle indiquait les certificats médicaux qu’elle avait signés. À la suite de la réception de ce document, d’autres discussions tenues avec des représentants des relations de travail et la direction locale ont mené à la suspension de la fonctionnaire s’estimant lésée jusqu’à la fin de l’enquête. On a communiqué avec le syndicat local et convoqué une réunion au cours de laquelle on a suspendu l’employée. Une fois le rapport terminé, une rencontre disciplinaire a eu lieu en présence de représentants syndicaux. Pendant cette rencontre, le témoin a tenté de bien faire comprendre à la fonctionnaire s’estimant lésée la gravité des conclusions et la possibilité qu’elle soit congédiée. M. Edmunds a présenté des observations au nom de la fonctionnaire s’estimant lésée et elle a présenté une lettre (pièce E-16). Le témoin a répondu à la fonctionnaire s’estimant lésée et à ses représentants qu’il tiendrait compte de leurs commentaires.

[37]   Après avoir pris en compte la gravité des allégations relativement au Code de conduite, le fait que le médecin ait communiqué avec la police, que l’enquête ait permis d’établir que la fonctionnaire s’estimant lésée avait falsifié des documents, qu’elle avait accès aux documents d’autres employés et qu’elle en avait également le contrôle, que l’on accordait une grande confiance aux fonctionnaires et que les actes de la fonctionnaire s’estimant lésée n’étaient pas ceux d’une personne digne de confiance ou qui agit dans l’intérêt public, M. Snyder a décidé de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée. Le témoin a également tenu compte des observations faites au nom de celle-ci et du fait qu’elle était gravement malade. Finalement, le témoin a conclu que les explications fournies par la fonctionnaire s’estimant lésée pour expliquer qu’elle avait délibérément falsifié des signatures ne rétablissait pas la confiance que l’employeur doit avoir envers cette employée. Par conséquent, le témoin a signé la lettre de licenciement.

[38]   En contre-interrogatoire, le témoin a précisé que deux groupes de documents avaient été envoyés au médecin à des fins de vérification. Il a ajouté qu’il avait compris que la fonctionnaire s’estimant lésée avait admis avoir falsifié certains documents, mais pas tous. Il se rappelait que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas clairement indiqué quels documents avaient été falsifiés ou non. Quand on lui a demandé si la fonctionnaire s’estimant lésée avait eu l’occasion de répondre à toutes les allégations de falsification concernant les deux groupes de documents, le témoin a répondu par l’affirmative. Le témoin a déclaré que le second groupe de documents avait été fourni au représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée, M. Edmunds. Avant la tenue de la rencontre disciplinaire du 2 juin 2003, la fonctionnaire s’estimant lésée avait été mise au courant des deux groupes de documents. En réponse aux questions, le témoin a indiqué qu’il avait pris en compte les observations faites par le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée ainsi que les déclarations de celle-ci. Il a expliqué que la question de la confiance était primordiale. Il a également pris en compte la question du soutien familial. Il a souligné que la décision de congédier un employé n’est pas une décision facile à prendre, et que ce genre de décision n’était pas fréquent. Il a tenu compte du nombre de fois que l’acte a été répété. Le témoin a également affirmé que, même si le rendement de la fonctionnaire s’estimant lésée était bon quand elle était au travail, son assiduité était un problème. Il s’est rappelé qu’on avait amorcé le processus afin que la fonctionnaire s’estimant lésée fasse l’objet d’une évaluation médicale de Santé Canada.

[39]   L’employeur a appelé la Dre Colleen Webster à témoigner. La Dre Webster a déclaré qu’elle a obtenu son diplôme en 1994 de l’University of British Columbia. Elle a suivi une formation en médecine familiale à la Queen’s University et a obtenu son certificat du Collège des médecins de famille en 1996. Elle pratique la médecine depuis novembre 1996.

[40]   Vers le 15 mai 2003, M. Snyder a communiqué avec la témoin par l’entremise de sa secrétaire concernant les signatures figurant sur les billets que la fonctionnaire s’estimant lésée avait présentés. La témoin a affirmé qu’on lui avait demandé d’examiner de 8 à 10 billets et de déterminer si la signature figurant sur ces documents était la sienne. Seuls deux documents portaient des signatures authentiques. Une semaine plus tard, on lui a envoyé un second groupe de billets pour qu’elle les vérifie. La témoin a identifié les deux groupes de billets qui ont été produits en preuve (pièces E 7.1 à 7.8 et E- 8.1 à 8.19). La témoin a ajouté qu’elle avait renvoyé par télécopieur à M. Snyder une liste (pièce E-9) dans laquelle elle indiquait les signatures qui étaient légitimes. La témoin a également affirmé que le service de police de la ville de Kingston avait communiqué avec elle afin qu’elle dépose une plainte contre la fonctionnaire s’estimant lésée. La plainte a été retirée par la suite.

[41]   La témoin a procédé à l’examen de chaque certificat d’invalidité, en expliquant comment elle pouvait distinguer une fausse signature de la sienne et reliant ces cas à l’aide de ses notes tirées du dossier médical de la fonctionnaire s’estimant lésée.

[42]   La témoin a indiqué que la signature figurant sur le certificat portant le numéro de pièce E-7.1 n’est pas la sienne. La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée à son cabinet ce jour-là. La témoin a souligné que la lettre « W » dans sa vrai signature est de la même taille que la lettre « C », que la lettre « B » de sa véritable signature est en format d’impression plutôt qu’en lettres cursives et que le dessus de la lettre « R » n’a pas de boucle.

[43]   La témoin a affirmé que la signature figurant sur le certificat portant le numéro de pièce E-7.2 n’est pas la sienne. La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée à son cabinet ce jour-là. La témoin a souligné que la lettre « C » est différente dans la signature authentique, que la lettre « W » figurant sur le certificat est trop courte, que la lettre « B » est en cursive plutôt qu’en format typographique. De plus, la signature figurant sur ce certificat est plus allongée, la lettre « R » est différente et toutes les lettres du  nom « Webster » sont plus courtes.

[44]   La témoin a confirmé avoir signé le certificat portant le numéro de pièce E-7.3. Elle a toutefois souligné que la date de retour avait été modifiée et que ce changement ne porte pas ses initiales. Elle a également signalé que le crochet dans la partie supérieure indiquant qu’elle avait vu la fonctionnaire s’estimant lésée le jour du début de l’absence ou après n’était pas d’elle.

[45]   La témoin a affirmé que la signature figurant sur le certificat portant le numéro de pièce E-7.4 n’est pas la sienne. La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée à son cabinet ce jour-là. La témoin a souligné que la lettre « C » est différente de sa véritable signature, que la lettre « W » sur le certificat est trop courte, que la lettre « B » est ouverte et que la lettre « R » est plus stylisée. Le nom « Webster » est trop court.

[46]   La témoin a confirmé avoir signé le certificat portant le numéro de pièce E-7.5. La fonctionnaire s’estimant lésée s’est présentée à son cabinet ce jour-là.

[47]   La témoin a déclaré que la signature figurant sur le certificat portant le numéro de pièce E-7.6 n’est pas la sienne. La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée à son cabinet ce jour-là. La témoin a souligné que la lettre « C » est trop grande, que le nom « Webster » est trop court, que la lettre « W » est trop courte et que la lettre « R » est plus stylisée.

[48]   La témoin a affirmé que la signature figurant sur le certificat portant le numéro de pièce E-7.7 n’est pas la sienne. La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée à son cabinet ce jour-là. La témoin a déclaré que le nom « Webster » est trop court et que la lettre « W » est également trop courte. Bien que la lettre « B » soit fermée, elle est trop éloignée de la lettre « E ». La signature est trop large par rapport à l’original.

[49]   La témoin a déclaré que la signature figurant sur le certificat portant le numéro de pièce E-7.8 n’est pas la sienne. La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée à son cabinet ce jour-là. La témoin a expliqué que la barre oblique séparant les dates n’est pas un symbole qu’elle utiliserait. La lettre « W » est trop petite. La totalité de la signature n’est pas aussi compacte ou aussi verticale que la signature de la témoin.

[50]   La témoin a affirmé que la signature figurant sur la lettre portant le numéro de pièce E–8.1 était la sienne. Il s’agit d’une lettre que la fonctionnaire s’estimant lésée avait demandé à la témoin.

[51]   La témoin a expliqué que la note portant le numéro de pièce E-8.2 était tirée de son agenda. Cette note a été écrite sur un formulaire d’ordonnance. Le commentaire « otite » qui figure sur le document n’a pas été écrit par la témoin.

[52]   La témoin a déclaré que les notes portant les numéros de pièce E-8.3, E-8.4 et E-8.5 sont toutes d’elle. Comme pour la note portant le numéro de pièce E-8.6, la témoin a remarqué que sa signature avait été calquée, mais elle n’a pas fait le calque.

[53]   La témoin a affirmé que la signature figurant sur le certificat portant le numéro de pièce E-8.7 n’est pas la sienne. La fonctionnaire s’estimant lésée avait un rendez-vous, mais l’a annulé. La témoin a souligné que la lettre « W » est trop courte, que la lettre « B » est ouverte, que le nom « Webster » et la lettre « R » sont différents des siens.

[54]   La témoin a déclaré que la signature figurant sur le certificat portant le numéro de pièce E-8.8 n’est pas la sienne. La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée à son cabinet ce jour-là. La témoin a signalé que les lettres « C », « W », « B », « R » et le nom « Webster » sont différents des siennes.

[55]   La témoin a déclaré que la fonctionnaire s’estimant lésée s’est présentée à son cabinet le 2 janvier 2001. Toutefois, elle a signalé que les certificats portant les numéros de pièce E–8.9, 8.10 et 8.11 ne portent pas sa signature et qu’il serait inhabituel qu’elle signe plusieurs certificats plutôt qu’un seul pour plusieurs jours. La témoin a souligné les différences entre sa signature et les autres.   

[56]   La témoin a déclaré que les certificats portant les numéros de pièce E-8.12, E-8.13 et E–8.14 portaient tous sa signature et que les notes correspondantes se trouvaient dans le dossier médical.

[57]   La témoin a confirmé ne pas avoir signé la note portant le numéro de pièce E–8.15. La fonctionnaire s’estimant lésée ne l’a pas consultée à cette date et la signature affiche les mêmes différences que celles qui sont soulignées ci-dessus. De plus, la signature est trop plate.

[58]   La témoin a déclaré ne pas avoir signé le certificat portant le numéro de pièce E–8.16 et a souligné les mêmes différences que celles qui sont mentionnées ci-dessus par rapport à sa propre signature. Elle a aussi remarqué que la signature était placée à l’extrême gauche, ce qu’elle ne ferait pas elle-même.

[59]   La témoin a affirmé ne pas avoir signé le certificat portant le numéro de pièce E-8.17; la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée à son cabinet ce jour-là et elle a fait ressortir les mêmes différences qu’auparavant par rapport à sa propre signature.   

[60]   La témoin a indiqué avoir signé les deux certificats portant les numéros de pièce E-8.18 et E-8.19.

[61]   La témoin a déclaré qu’après avoir découvert que la fonctionnaire s’estimant lésée avait falsifié sa signature, elle était très contrariée. La témoin a affirmé avoir accordé son appui à la fonctionnaire s’estimant lésée. Elle n’a jamais refusé de signer un certificat médical et a même signé une lettre d’appui (pièce 8.1). À la lumière de ces événements, elle a décidé que la confiance nécessaire à la relation entre un patient et son médecin n’existait plus et elle a rayé de sa pratique la fonctionnaire s’estimant lésée. Elle en a informé la fonctionnaire s’estimant lésée le 26 mai 2003.

[62]   En contre-interrogatoire, on a demandé à la témoin d’expliquer le commentaire qu’elle a inscrit dans le dossier de la fonctionnaire s’estimant lésée (pièce E-18) le 26 mai 2003 : « […] elle dit qu’elle a photocopié les formulaires et y a calqué mon nom, mais qu’elle ne les a pas falsifiés!! »  Elle a répondu qu’elle n’avait pas vraiment porté attention à l’excuse fournie par la fonctionnaire s’estimant lésée. Pour elle, la façon dont elle avait procédé n’avait pas d’importance. La fonctionnaire s’estimant lésée avait imité sa signature et c’est tout ce qui comptait. La témoin a répété qu’elle était fâchée. Elle avait accordé son appui à la fonctionnaire s’estimant lésée pendant les cinq ou six ans au cours desquels celle-ci avait été sa patiente. Elle n’avait jamais refusé de lui signer les notes qu’elle demandait et estimait que la fonctionnaire s’estimant lésée avait abusé de sa confiance. Elle ne comprenait pas pourquoi la fonctionnaire s’estimant lésée lui avait fait cela.

[63]   On a demandé à la témoin si le diagnostic de lupus et de dépression pouvait expliquer son comportement ou si ces maladies peuvent affecter son jugement. La témoin a répondu [traduction] « pas dans cette mesure ». La témoin a ajouté que les fausses signatures avaient commencé avant le diagnostic de dépression.

[64]   Quand on l’a interrogée concernant une lettre datée du 21 mars 2001 (pièce G-3) qu’elle avait reçue de la superviseure de la fonctionnaire s’estimant lésée de l’époque, Cheryl Hogan, la témoin a répondu qu’elle se sentait insultée par la lettre puisqu’elle laissait entendre qu’elle n’avait pas pris les mesures nécessaires pour traiter les problèmes médicaux de la fonctionnaire s’estimant lésée. La témoin a communiqué avec Mme Hogan et a appris à quel point la fonctionnaire s’estimant lésée s’absentait du travail. Elle a rencontré à nouveau la fonctionnaire s’estimant lésée le 27 mars 2001 et a décidé d’[traduction] « accorder un congé à la fonctionnaire s’estimant lésée » jusqu’à ce qu’elle puisse retourner au travail lorsqu’elle [traduction] « aurait la situation en main ». 

[65]   On a interrogé la témoin concernant une note écrite le 7 novembre 2000 qui indiquait qu’elle avait longuement discuté des absences justifiées et on lui a demandé si elle se rappelait pourquoi la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas voulu prendre de médicament pour soigner sa dépression. La témoin a répondu qu’elle ne savait pas pourquoi. Elle supposait que la patiente était réticente parce que la dépression n’était pas trop grave. Elle croyait que, à ce moment, la fonctionnaire s’estimant lésée pouvait prendre cette décision et elle a toujours essayé de faire participer le patient à ce genre de décisions afin d’obtenir une plus grande collaboration à l’égard du traitement. À la mi-novembre, la fonctionnaire s’estimant lésée a finalement été envoyée en consultation auprès d’un psychologue. La témoin a prescrit un antidépresseur en janvier suivant. La dose du médicament a été augmentée en mars 2001 afin d’aider la fonctionnaire s’estimant lésée à contrôler son humeur.   

[66]   La témoin a signalé qu’elle ne signait pas plus d’un certificat médical par jour et qu’elle préférait inscrire plusieurs dates sur un même formulaire. Elle a expliqué qu’elle datait toujours sa signature et, à une exception près, tous les certificats étaient notés dans le dossier médical.

[67]   Quand on lui a demandé si elle avait vu la fonctionnaire s’estimant lésée à l’occasion de chaque absence, la témoin a déclaré [traduction] « pas du tout ». Elle n’avait pas besoin de la voir chaque fois le jour de l’absence puisqu’elle était au courant de la maladie chronique de la fonctionnaire s’estimant lésée et n’avait aucune raison d’en douter. La témoin a ajouté qu’elle voyait son rôle comme étant celui d’un défenseur des problèmes de santé de sa patiente à moins qu’elle ait des motifs d’agir autrement.  

[68]   Après avoir examiné le certificat médical qu’elle avait signé le 27 mars 2001 (pièce E–8.6), la témoin a indiqué qu’il était peu probable qu’elle ait coché toutes les cases de la section « B » du formulaire car cela n’était pas nécessaire.

[69]   La témoin ne se souvenait pas d’avoir apposé ses initiales sur certains des certificats médicaux originaux.

[70]   La témoin a déclaré qu’à la suite d’un appel téléphonique de Mme Clark et après avoir reçu des documents par télécopieur, elle a elle-même fait une première comparaison afin de déterminer si les signatures étaient les siennes.

[71]   La témoin a affirmé que, parce qu’il n’existait plus de relation de confiance, il aurait été irresponsable qu’elle continue d’être le médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée. À son avis, même si la fonctionnaire s’estimant lésée souffre d’une maladie chronique, elle n’avait pas à ce moment un besoin pressant de soins immédiats.

[72]   La fonctionnaire s’estimant lésée a débuté son témoignage en indiquant qu’elle avait commencé à travailler à l’âge de 14 ans et avait travaillé dans la fonction publique de 1974 à 1984, aux Services d’alimentation. Elle a démissionné pour élever ses enfants et est retournée dans la fonction publique en 1993. Elle a d’abord travaillé à titre de commis temporaire au niveau CR–03 à l’établissement Millhaven, et ce, jusqu’en novembre 1994, lorsque son contrat a pris fin. Vers la fin de février de l’année suivante, elle a été admise dans le programme de formation des agents de correction qu’elle a terminé avec succès en juin 1995, parmi les dix meilleurs candidats.

[73]   Elle a commencé à travailler à titre d’employée occasionnelle et, le 14 août 1995, on lui a offert un poste pour une période déterminée à la Prison des femmes. Elle a occupé ce poste jusqu’au 12 janvier 1998. À cette date, en raison de problèmes entre son ex-mari et sa fille, elle ne voulait plus faire de quarts de travail.

[74]   La fonctionnaire s’estimant lésée a affirmé avoir commencé à travailler à l’établissement Pittsburgh le 13 janvier 1998, à titre d’adjointe à la chef des Services administratifs, Donna Shetter. Elle a occupé ce poste jusqu’au 17 avril 2000, date à laquelle elle a déménagé au bout du couloir pour devenir adjointe en ressources humaines. À cette époque, elle relevait de Mme Hogan.

[75]   À la maison, la situation ne s’améliorait pas. Elle craignait que sa fille se suicide parce qu’elle était harcelée par son ex-mari. Lorsqu’elle effectuait des quarts de travail, elle pouvait recevoir de 10 à 15 appels par nuit de sa fille et de son ex-mari. Son ex-mari tentait d’expulser sa fille de la maison. Elle a expliqué que, même s’il n’agressait pas sa fille, il l’agressait elle.

[76]   Au début de 1999, une lésion de la taille d’une pièce de vingt-cinq cents est apparue sur sa peau. Une biopsie a permis de constater qu’elle était atteinte de lupus. Des lésions sont apparues sur son tronc, ses jambes et son visage. La maladie causait également une extrême fatigue et une grande douleur due à l’inflammation des articulations.

[77]   La témoin a ajouté qu’en raison des lésions sur son visage, elle était extrêmement mal à l’aise et voulait se cacher. Les lésions avaient l’air de plaies ouvertes, de la taille d’une pièce de dix cents et laissaient des cicatrices visibles.

[78]   La maladie avait de graves répercussions sur sa vie familiale. Son ex-mari n’acceptait pas qu’elle soit malade. Elle devait s’en remettre à ses enfants aînés pour s’occuper des plus jeunes. Avec le temps, sa maladie a empiré et sa relation avec son mari s’est détériorée.

[79]   La fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué qu’il était devenu très difficile d’aller travailler. Elle avait peine à sortir du lit.

[80]   La témoin s’est souvenue d’avoir parlé à son médecin en novembre 2000. Elle a affirmé avoir expliqué à son médecin [traduction] « ce qui se passait, mais je ne lui ai pas tout dit ». La fonctionnaire s’estimant lésée a ajouté que sa fille était aller vivre avec son père naturel en Nouvelle-Écosse parce que sa relation avec son beau-père s’était détériorée, ce qui a mis fin à son mariage. La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle ne permettrait à personne de l’obliger à choisir entre cette personne et ses enfants. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait expliqué ces préoccupations à la Dre Webster, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu qu’elle avait dit au médecin qu’elle prévoyait quitter son mari. La fonctionnaire s’estimant lésée a souligné que le médecin l’appuyait dans sa décision, mais a dit à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle ne pouvait justifier, à ce moment, de lui accorder un congé d’invalidité de longue durée.

[81]   La fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué que sa superviseure de l’époque, Mme Hogan, connaissait sa situation et que c’est elle qui avait conseillé à la fonctionnaire s’estimant lésée de demander une rencontre avec son médecin. À la suite de cette rencontre, comme la fonctionnaire s’estimant lésée ne composait pas bien avec la situation et qu’elle s’absentait du travail, Mme Hogan a écrit au médecin. La Dre Webster a d’abord jugé la lettre insultante, mais deux semaines plus tard la fonctionnaire s’estimant lésée était en congé d’invalidité.

[82]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré avoir consulté la Dre Nogrady, une psychologue, parce qu’elle avait besoin d’une personne qui pouvait être objective. Elle a obtenu le nom de la psychologue du PAE.

[83]   La fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué qu’au début de son congé d’invalidité, elle a gardé le lit pendant trois semaines. Avec le temps, sa santé s’est améliorée, même si elle avait toujours des symptômes du lupus. Elle voyait aussi un autre spécialiste, le D r Walsh, pour sa polyarthrite rhumatoïde. Avec le temps, et grâce à des médicaments, les lésions causées par le lupus ont cessé d’apparaître. La fonctionnaire s’estimant lésée a ajouté qu’elle devait attendre six mois après l’apparition des dernières lésions avant de pouvoir retourner au travail. Elle est retournée au travail en décembre 2001.

[84]   À cette époque, son fils cadet a commencé à causer des problèmes. Parce qu’il dérangeait en classe, il a été placé dans un programme spécial. À l’âge de six ans, il a été suspendu de l’école. La relation avec son mari était instable. La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle vivait encore à la maison, mais qu’elle avait demandé la séparation. Elle y vivait toujours en attendant de trouver un endroit convenable.

[85]   Lorsqu’on lui a demandé si son ex-mari était violent envers elle, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu qu’il avait essayé de l’être, mais que son fils aîné était intervenu. En décembre 2001, aucune nouvelle lésion n’était apparue et même si elle n’était pas tout à fait remise, elle estimait devoir sortir de la maison. La fonctionnaire s’estimant lésée a également signalé que son ex-mari ne l’aidait pas à traiter avec l’école.

[86]   Lorsqu’elle est retournée au travail, elle devait d’abord travailler à temps partiel, à raison de trois jours par semaine. Après trois semaines, elle a recommencé à travailler à temps plein. La fonctionnaire s’estimant lésée relevait de Mme Ronan puisque Mme Hogan avait été mutée à un autre établissement. La fonctionnaire s’estimant lésée a précisé que, lors de leur première rencontre, Mme Ronan avait placé son registre de congés devant elle et avait évalué le temps qu’il faudrait à la fonctionnaire s’estimant lésée pour rembourser le congé qui lui avait été avancé. Sa première impression de sa nouvelle superviseure n’a pas été très bonne. La fonctionnaire s’estimant lésée a ajouté qu’elle s’était sentie insultée par l’approche de sa superviseure. Plutôt que de lui demander comme elle se sentait, elle lui disait ce qu’elle devait rembourser.

[87]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré avoir vite réalisé qu’elle était retournée au travail trop tôt. Elle ne se sentait pas comme elle l’aurait dû. Elle a déménagé en février 2002 et son fils a commencé à causer davantage de problèmes. Ses problèmes de comportement ont empiré. L’école l’appelait trois ou quatre fois par jour. Elle devait quitter le travail pour venir le chercher. Elle a utilisé tous ses congés pour obligations familiales et a dû recourir à ses congés annuels et à des congés sans solde pour couvrir ses absences. La fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué sa situation à sa superviseure, mais celle-ci lui a répondu qu’elle devait séparer sa vie personnelle de sa vie professionnelle.

[88]   La fonctionnaire s’estimant lésée a confirmé ne pas avoir vu son médecin entre février et juillet 2002 et qu’elle se sentait mieux pendant le printemps et l’été.

[89]   La fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué qu’au cours de la première moitié de 2002 elle présentait ses formulaires de demande de congé à Helen Ronan. À son avis, elle n’avait pas de très bonnes relations avec Mme Ronan.

[90]   Elle a eu des réunions avec Mme Ronan concernant ses congés. Elle avait commencé à ne pas se sentir bien et avait pris des congés. Elle a également dû assister à une réunion avec le conseil scolaire concernant son fils. Elle a reçu un courriel le 21 août 2002 (pièce G–7), qui énumérait ses absences et a été informée, dans une note (pièce G-8.1), que sa paie était réduite en raison de deux absences en août 2002. On a également retenu sur sa paie une demi-heure d’absence le 12 septembre 2002, parce qu’elle n’avait pas appelé au travail pour dire qu’elle devait faire un arrêt à l’école.

[91]   La fonctionnaire s’estimant lésée a reconnu avoir reçu un courriel le 16 septembre 2002, dans lequel on lui conseillait de demander de l’aide par l’entremise du PAE. Elle n’avait pas appris à sa superviseure qu’elle consultait déjà une psychologue.

[92]   La fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué que sa superviseure avait rejeté sa demande de travailler pendant sa période de repas afin de pouvoir quitter le travail plus tôt parce que cette pratique contrevenait aux règles du travail. Comme elle ne pouvait compter sur l’aide de sa famille immédiate, elle a embauché une gardienne pour son fils. Puis, en décembre 2002, sa mère a emménagé avec eux.

[93]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’en septembre 2002 elle pensait que l’employeur soupçonnait qu’elle simulait son état. L’employeur lui a demandé de l’informer à l’avance si elle devait s’absenter. La fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué qu’elle ne pouvait pas prédire quand elle serait malade ou quand elle aurait besoin d’une journée pour son enfant. Elle a demandé l’aide de son syndicat. Elle a obtenu une lettre de son médecin (pièce E–8.1) et a déclaré à son employeur qu’elle essaierait d’améliorer son assiduité. La seule chose qu’elle pouvait vraiment faire était de trouver quelqu’un pour s’occuper de son fils.

[94]   La fonctionnaire s’estimant lésée a confirmé qu’elle avait été placée sous surveillance concernant son assiduité. Selon elle, cette mesure était injuste parce qu’elle l’obligeait à produire un certificat médical même pour de courtes absences de 15 minutes. La fonctionnaire s’estimant lésée estimait que sa relation avec sa superviseure s’était beaucoup détériorée. Elle avait l’impression de ne pas pouvoir aller aux toilettes sans être surveillée.

[95]   Quand on lui a demandé si elle avait soulevé ses inquiétudes, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu qu’elle en avait fait part à M. Snyder. Elle essayait de maintenir une relation professionnelle et ne s’adressait à son supérieur immédiat que pour obtenir des signatures en de rares occasions. Une réunion a eu lieu avec M. Snyder, Mme Clark, Mme Ronan et son représentant syndical et, à la suite de cette réunion, la menace relative à la prise de mesures administratives plus sévères a été retirée de la lettre l’informant que ses congés seraient surveillés.

[96]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle se trouvait dans une situation difficile et qu’elle n’avait d’autre choix que de produire un certificat médical pour chacune de ses absences, ce qu’elle a essayé de faire. Toutefois, il était difficile de se rendre au cabinet du médecin. Elle n’avait pas l’énergie ou le temps de s’y rendre à chaque occasion. Elle a expliqué qu’elle avait l’intention de refuser d’obtenir un rapport de l’école à moins que l’employeur exige la même chose des autres employés de l’établissement.

[97]   Au cours de l’automne, la fonctionnaire s’estimant lésée a laissé entendre à son employeur lors d’une réunion qu’elle était peut-être retournée au travail trop tôt et qu’elle ferait peut-être mieux de retourner en congé d’invalidité. Elle a offert de se rendre à Santé Canada pour obtenir une évaluation. Toutefois, parce qu’elle venait tout juste d’acheter une copropriété, sa situation ne lui permettait pas de prendre un congé d’invalidité à temps partiel.

[98]   La fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué qu’au début de janvier 2003, sa situation ne s’était pas améliorée; elle travaillait trois jours par semaine, parfois même pas des journées complètes. Elle avait de la difficulté à s’asseoir sur une chaise, ses articulations étaient enflées et elle avait des lésions au dos. Le 9 janvier 2003, elle a demandé une avance de crédits de congé de maladie qui lui a été refusée. En raison de ce refus, elle allait se retrouver en congé de maladie sans solde.

[99]   Sa situation financière s’était aussi détériorée. Elle ne recevait aucune aide financière de son ex-mari, elle avait dû vendre sa voiture, la copropriété serait vendue plus tard et elle était en retard dans le remboursement de son prêt. La fonctionnaire s’estimant lésée a aussi ajouté que pendant l’automne, elle est devenue plus malade parce que le niveau de stress au travail avait augmenté.

[100]   La fonctionnaire s’estimant lésée s’est également rappelée avoir demandé à M. Snyder si elle pouvait être mutée à un autre établissement parce qu’elle ne croyait pas pouvoir travailler avec Mme Ronan. Il l’a plutôt encouragée à arranger les choses entre elles. Au printemps 2003, elle a demandé une mutation. La fonctionnaire s’estimant lésée a aussi demandé l’aide de Mme Davidson.

[101]   Quand on l’a interrogée sur le contexte de sa demande d’évaluation par Santé Canada, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu qu’elle avait offert de se rendre à Santé Canada au cours d’une réunion à laquelle assistait son représentant syndical. Elle avait l’impression d’avoir été poussée dans un coin et de ne pas vraiment avoir d’autre choix.

[102]   En ce qui concerne les répercussions sur son travail, la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’à certaines occasions sa superviseure avait dû entrer les données de fiches d’heures supplémentaires ou des rapports d’évaluation de rendement parce qu’elle était absente. Toutefois, elle a souligné que, pendant tout ce temps, elle avait toujours respecté les délais.

[103]   Quand on lui a demandé de commenter sur le fait d’avoir été poussée dans un coin, la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle exécutait bien ses tâches, mais qu’elle avait l’impression que l’employeur attendait de la prendre en défaut. Elle voulait que l’employeur comprenne que plus ils mettaient de la pression sur elle, plus sa situation s’aggravait.

[104]   En ce qui concerne la demande d’une évaluation par Santé Canada, la fonctionnaire s’estimant lésée a refusé de signer le document original parce qu’il faisait référence à son utilisation de congés annuels. Elle croyait avoir droit à des congés annuels. L’évaluation n’a jamais eu lieu puisque le licenciement est survenu avant qu’une date ne soit fixée.

[105]   Lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle avait dit à la Dre Webster lors de sa consultation du 27 mars 2003, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu qu’elle avait l’impression d’être observée au microscope au travail. Elle a déclaré au médecin qu’elle était victime d’une sinistre chasse aux sorcières pour la faire sortir de là. Elle se rappelait avoir demandé au médecin un certificat médical et lui avoir parlé de l’évaluation par Santé Canada.

[106]   On a demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée comment elle avait procédé concernant les certificats médicaux. Elle a répondu qu’elle avait obtenu la signature du médecin d’un certificat vierge sans date que le médecin avait signé pour usage ultérieur. La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle l’avait photocopié sur du papier bleu et avait ajouté les dates.

[107]   Lorsqu’on lui a demandé quand elle avait débuté le processus, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu que c’était en 2003; elle a expliqué qu’elle ne pensait pas clairement à cette époque et qu’elle ne composait pas bien avec la situation.

[108]   Quand on lui a demandé pourquoi elle avait agi de la sorte, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu qu’elle ne le savait pas. Elle a expliqué qu’elle ne pensait pas de façon rationnelle à l’époque. Elle savait que, si elle ne présentait pas un formulaire bleu signé par le médecin, son salaire serait réduit ou elle ferait l’objet d’une mesure disciplinaire.

[109]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que les soupçons de l’employeur concernant les certificats médicaux ont été portés à son attention en mai 2003. Elle a été convoquée dans le bureau avec un représentant syndical et on lui a remis une lettre l’informant que les notes du médecin faisaient l’objet d’une enquête. Elle ne se souvenait pas exactement de ce qui a été dit. Elle se rappelait qu’une pile de six à huit certificats du médecin avait été placée devant elle et qu’elle leur avait dit qu’elle n’avait pas signé le nom du médecin, mais l’avait photocopié. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi, elle a répondu qu’elle devait suivre un programme de contrôle des congés, qu’elle avait été poussée dans un coin et qu’elle ne pensait pas de façon rationnelle. Elle avait photocopié un certificat et avait écrit sur les copies. La réunion n’a pas été très longue. À la suite de la réunion, elle a été escortée à l’extérieur de l’établissement et on lui a imposé une suspension sans solde.

[110]   À la suite de ces événements, elle a rencontré la Dre Webster. La rencontre ne s’est pas très bien déroulée. La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle a tenté de s’expliquer et de s’excuser au médecin, mais n’en a pas vraiment eu la chance. Le médecin lui a affirmé que cette situation durait depuis cinq ans et c’est à ce moment que la fonctionnaire s’estimant lésée a découvert qu’un deuxième groupe de certificats avait été porté à l’attention du médecin. Elle a interrompu la conversation et il semblait évident à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle n’était pas prête à entendre les excuses de la fonctionnaire s’estimant lésée. Un mois plus tard, lorsqu’elle a tenté d’obtenir une ordonnance pour un analgésique, on lui a répondu au cabinet du médecin qu’elle n’était plus leur patiente. Depuis, elle est incapable de trouver un médecin de famille.

[111]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’à la suite de cette rencontre elle a appelé John Evans afin d’obtenir des précisions sur ce deuxième groupe de certificats. Il a confirmé l’existence d’un second groupe de certificats. La fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué qu’elle n’a vu le second groupe que lorsqu’elle a obtenu une copie du rapport d’enquête.

[112]   La fonctionnaire s’estimant lésée a affirmé qu’une réunion a eu lieu le 2 juin 2003 avec M. Snyder, en présence de M. Evans et de ses représentants syndicaux, MM. Vanlewen et Roundtree. On lui a demandé si elle avait quelque chose à dire concernant sa conduite, mais la conversation n’a jamais vraiment porté sur le second groupe de certificats. Elle s’est rappelée avoir expliqué ses actes concernant le premier groupe de documents. Elle avait été acculée au pied du mur, sa vie était un désastre et elle n’avait pas l’esprit clair. Elle a remis une lettre dans laquelle elle s’excusait et expliquait ses gestes.

[113]   Plus tard, elle a reçu la visite d’un enquêteur de police qui devait faire enquête sur une plainte déposée par la Dre Webster pour imitation de sa signature. Elle a dû se rendre au poste de police où on lui a demandé de fournir des échantillons de son écriture. Par la suite, l’enquêteur l’a informé qu’il ne se produirait rien de plus puisque aucun acte criminel n’avait été commis.

[114]   La fonctionnaire s’estimant lésée a examiné le certificat médical portant le numéro de pièce E-7.1 et a indiqué qu’elle avait photocopié ce document sur un papier bleu et avait calqué la signature.

[115]   La fonctionnaire s’estimant lésée a examiné le certificat médical portant le numéro de pièce E-7.3 et a expliqué qu’elle l’avait altéré, avait changé la date du 22 ou du 23 au 24. Elle a ajouté qu’elle n’avait pas photocopié ce document et qu’elle croyait avoir dit au médecin qu’elle avait changé la date.

[116]   La fonctionnaire s’estimant lésée a examiné le certificat médical portant le numéro de pièce E-7.4 concernant une absence le 26 février 2003 et croyait qu’elle avait photocopié ce document.

[117]   Quand on lui a demandé comment elle avait procédé si elle n’avait pas photocopié le certificat médical, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu qu’elle avait rempli la partie supérieure du formulaire à l’avance et qu’elle avait laissé à la Dre Webster le soin de remplir la partie inférieure de la section « B ». À l’occasion, elle se rendait au cabinet du médecin et expliquait à la secrétaire qu’elle venait faire signer un formulaire bleu par la Dre Webster et la fonctionnaire s’estimant lésée attendait pendant que la secrétaire le faisait signer par le médecin.

[118]    La fonctionnaire s’estimant lésée a examiné le certificat médical portant le numéro de pièce E-7.5 et a expliqué que la date de retour prévue avait été inscrite par elle, mais qu’elle n’avait pas photocopié ce certificat.

[119]   La fonctionnaire s’estimant lésée a examiné le certificat médical portant le numéro de pièce E-7.6 et a affirmé avoir photocopié ce document.

[120]   La fonctionnaire s’estimant lésée a examiné le certificat médical portant le numéro de pièce E–7.2 et a confirmé avoir photocopié ce document.

[121]   La fonctionnaire s’estimant lésée a examiné le certificat médical portant le numéro de pièce E-7.7 et a indiqué qu’elle ne croyait pas avoir photocopié ce document.

[122]   La fonctionnaire s’estimant lésée a examiné le certificat médical portant le numéro de pièce E-7.8 et a déclaré qu’elle ne croyait pas avoir photocopié ce document.

[123]   Elle a ajouté que ses souvenirs n’étaient pas très clairs. Au cours de cette période, ses pensées n’étaient pas claires parce qu’elle vivait tous les jours dans la peur. Au cours de l’hiver et du printemps, elle n’avait pas bien dormi.

[124]   Quand on lui a demandé ce qu’elle savait assurément des formulaires de congé, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu qu’au cours des six mois précédant son départ, elle ne se souvenait pas de la date exacte, elle avait photocopié un formulaire médical signé. Elle se souvenait de l’avoir fait une fois. Elle pouvait physiquement se souvenir de l’avoir fait une seule fois. Elle a ajouté qu’elle ne se rappelait pas bien de cette période et, à cette époque, elle se souvenait de n’avoir pas su comment elle s’était rendue au travail.

[125]   La fonctionnaire s’estimant lésée a nié avoir photocopié la signature avant l’hiver 2002. Elle a déclaré qu’elle ne l’avait jamais fait avant parce qu’elle n’était pas aussi malade ou ne prenait pas autant de médicaments. En décembre 2002, ses médicaments pour traiter le lupus avaient été augmentés, elle prenait toujours des antidépresseurs et des analgésiques pour son arthrite.

[126]   On a demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée de commenter le témoignage de la Dre Webster concernant sa signature. La fonctionnaire s’estimant lésée a répondu qu’elle ne savait pas comment les gens écrivent. Elle a ajouté avoir écrit de façon inclinée et [traduction] « savante ». Pour produire le certificat médical, elle avait utilisé un formulaire vierge qui portait la signature du médecin. 

[127]   On a invité la fonctionnaire s’estimant lésée à examiner la deuxième série de certificats médicaux. Après avoir examiné les documents, elle a déclaré que le seul qu’elle ait modifié était le document portant le numéro de pièce E–8.11 sur lequel elle avait modifié le mois. Elle a nié avoir modifié ou photocopié les autres certificats.

[128]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que son licenciement a eu sur elle un effet dévastateur. Elle a tout perdu et elle pouvait tout juste payer son loyer. On avait enlevé à son fils son style de vie et ses privilèges. Elle ne pouvait plus subvenir à ses besoins comme elle l’avait fait auparavant. Elle s’est mise à la recherche d’un autre emploi et, il y a un an, a trouvé un emploi à temps partiel. Elle a également touché des prestations d’aide sociale. La fonctionnaire s’estimant lésée a ajouté que sa santé ne s’est pas améliorée et qu’elle est devenue très déprimée.

[129]   Quand on lui a demandé si elle avait modifié les certificats d’autres personnes, elle a répondu par la négative parce que son travail consistait à entrer les congés. Elle avait terriblement honte et devait vivre avec la culpabilité d’avoir fait [traduction] « une telle chose », d’avoir fait quelque chose de moralement répréhensible. Elle a indiqué qu’elle n’était pas une personne malhonnête.

[130]    En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s’estimant lésée a révisé les codes utilisés dans le compte rendu de congés et le rapport de situation déposés en preuve. Elle a confirmé que l’employeur l’avait autorisée à retourner au travail à raison de trois jours par semaine. Elle a confirmé qu’elle avait discuté avec la Dre Webster, en juillet 2001, de la possibilité de reprendre un poste d’agent de correction, un poste qu’elle aimait. Elle a déclaré que M. Snyder avait été assez bon pour prolonger la période de remboursement de ses avances sur ses congés de maladie et sa pension lorsqu’elle est retournée au travail après son congé d’invalidité.

[131]   La fonctionnaire s’estimant lésée a confirmé qu’elle n’avait pas laissé voir à l’employeur qu’elle aurait de la difficulté à respecter les exigences du programme d’assiduité concernant la production de certificats médicaux. Elle croyait que le fait d’avoir exigé une note de l’école, lorsqu’elle s’y est rendue pour son fils, était injuste. Par conséquent, elle a fourni à sa superviseure le numéro de téléphone de l’école et a également demandé à l’école d’appeler sa superviseure pour confirmer qu’elle s’y était rendue. La fonctionnaire s’estimant lésée a ajouté qu’[traduction] « ils n’ont pas voulu appeler ». La fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué qu’elle n’avait pas été suspendue, mais estimait que le fait d’être en congé sans solde non autorisé était une sanction.

[132]   Quand on l’a interrogée à propos de sa relation avec la Dre Webster, la fonctionnaire s’estimant lésée a confirmé que le médecin n’avait pas insisté pour la voir le jour même et qu’elle avait signé des certificats médicaux après coup. La fonctionnaire s’estimant lésée a également confirmé qu’elle avait utilisé des congés annuels pour raisons de santé, mais ne se souvenait d’aucune absence pour maladie en particulier pour laquelle elle aurait utilisé des crédits de congé annuel.

[133]   On a demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée pourquoi elle ne s’était pas expliquée lors de l’enquête puisqu’elle était au courant de la question des certificats médicaux. Elle a répondu qu’elle ne savait pas exactement quel était l’objet de l’enquête. À l’époque, elle était abasourdie et était incapable de penser clairement. Elle a ajouté qu’à cette époque elle a peut-être affirmé avoir falsifié les documents. La fonctionnaire s’estimant lésée a réitéré qu’elle n’avait pas modifié les certificats médicaux faisant partie du deuxième groupe de documents.

[134]   Quand on lui a demandé comment elle avait altéré les certificats médicaux, la fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué qu’elle avait photocopié un certificat médical vierge qui avait été signé. Lorsqu’on lui a demandé si elle était encore en possession du certificat médical vierge signé, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu qu’il aurait dû se trouver dans son dossier personnel à son bureau, mais que ce dossier ne lui avait pas été remis. La fonctionnaire s’estimant lésée était incapable de se rappeler quand la Dre Webster lui avait remis le certificat médical vierge signé, mais a déclaré que le médecin le lui avait donné pour qu’elle s’en serve en cas de courtes absences du travail allant de cinq minutes à une demi-journée. La fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait expliquer pourquoi les certificats médicaux altérés avaient été utilisés pour des absences d’une à trois journées.

[135]   La fonctionnaire s’estimant lésée a affirmé que pour reproduire la signature elle calquait la signature photocopiée. Quand on lui a demandé d’expliquer pourquoi les « signatures falsifiées » désignées par le médecin n’étaient pas toutes identiques, la fonctionnaire s’estimant lésée n’a fourni aucune explication. Elle se rappelait que, à l’occasion, elle laissait les certificats médicaux à faire signer à la secrétaire du médecin.

[136]   Invitée à expliquer pourquoi toutes les signatures « falsifiées » semblaient être semblables (mais non identiques), la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pu l’expliquer autrement qu’en affirmant qu’elle avait photocopié certains documents de la première série, mais ne pouvait expliquer la deuxième série.

[137]   Le témoin suivant a été la Dre Heather Nogrady, qui détient un doctorat en psychologie clinique. La fonctionnaire s’estimant lésée a commencé à consulter la Dre Nogrady le 13 novembre 2000. La fonctionnaire s’estimant lésée se sentait dépressive en raison d’un certain nombre de problèmes psychologiques dans sa vie ainsi que d’un problème médical. La Dre Nogrady a procédé à l’inventaire de dépression de Beck et a constaté que le score de la fonctionnaire s’estimant lésée était de 33 points, ce qui la situait dans l’intervalle de 29 à 63 points qui indique une dépression grave. La Dre Nogrady a expliqué que, de façon générale, les personnes qui souffrent de dépression ont de la difficulté à dormir, perdent l’appétit, se sentent tristes et ne prennent plus plaisir aux activités agréables. La personne peut avoir des pensées suicidaires et ces symptômes ont un effet sur les stratégies d’adaptation et la prise de décisions.

[138]   La Dre Nogrady a constaté qu’au cours de l’année 2001 la dépression a semblé demeurer stable. Elle n’a pas vu la fonctionnaire s’estimant lésée en 2002. En juin 2003, la fonctionnaire s’estimant lésée a repris ses visites et a déclaré qu’elle avait fait une chose stupide, qu’elle avait photocopié les notes du médecin pour diverses périodes pendant quatre ou cinq ans. La fonctionnaire s’estimant lésée était contrariée et agitée. Les notes du médecin concernant ces consultations ont été produites en preuve.

[139]   En contre-interrogatoire, la Dre Nogrady a confirmé qu’en tout temps la fonctionnaire s’estimant lésée pouvait distinguer le bien du mal.

Résumé de l’argumentation

Argumentation de l’employeur

[140]   L’employeur a débuté son argumentation en indiquant que le présent cas doit être tranché en fonction de la crédibilité de deux témoins adverses, la Dre Webster et la fonctionnaire s’estimant lésée, et que je ne devrais pas croire la fonctionnaire s’estimant lésée parce que son récit n’est pas plausible et parce qu’elle est un avide faussaire.

[141]   L’employeur a passé en revue le témoignage de la supérieure immédiate de la fonctionnaire s’estimant lésée, Mme Ronan, et celui de M. Snyder. L’employeur a fait valoir qu’il n’existe aucune preuve concrète de harcèlement de la part de la superviseure et que, bien que l’approche de la superviseure peut ne pas avoir plu à la fonctionnaire s’estimant lésée, il s’agissait d’une approche positive vu la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée. L’employeur a soutenu que le directeur était, du propre aveu de la fonctionnaire s’estimant lésée, une bonne personne. De toute évidence, la fonctionnaire s’estimant lésée aurait pu s’adresser à lui si elle s’était vraiment senti harcelée par quiconque. Le directeur a donné à la fonctionnaire s’estimant lésée et à ses représentants l’occasion d’expliquer la conduite de celle–ci.

[142]   L’employeur a fait valoir qu’il ressort de son témoignage ainsi que de ses 20 pages de notes que la Dre Webster est un médecin de famille bienveillant. Son témoignage concernant les signatures qui sont les siennes et celles qui ne le sont pas n’a pas été contesté. L’employeur est d’avis que, d’après son témoignage, il est tout simplement impossible qu’elle ait signé un certificat médical vierge pour la fonctionnaire s’estimant lésée. L’employeur a souligné que ce genre de comportement serait contraire à l’éthique et peut-être même criminel et qu’il aurait pu mettre en péril la pratique du médecin.

[143]   Quant à la Dre Nogrady, l’employeur a maintenu que son témoignage n’a que peu de valeur probante puisqu’elle n’a pas vu la fonctionnaire s’estimant lésée lorsque celle-ci prétend avoir été dans un état mental tellement embrouillé et avoir produit les faux documents comme elle l’a admis. De plus, le témoignage de la Dre Nogrady ne révèle aucune raison médicale qui justifierait ses actes.

[144]   Quant à la position avancée par la fonctionnaire s’estimant lésée, même si l’employeur sympathise avec la situation, la maladie et les problèmes familiaux de celle-ci, il est d’avis que la fonctionnaire s’estimant lésée n’accepte toujours pas la responsabilité des actes qu’elle a commis. D’après l’interprétation faite par l’employeur du témoignage de la fonctionnaire s’estimant lésée, celle-ci rejette la faute sur les autres pour les gestes qu’elle a posés. D’autres employés ont vécu des situations semblables ou encore pires sans commettre de fraude.

[145]   En ce qui a trait au programme d’assiduité, l’employeur est d’avis que la question en l’espèce n’est pas de déterminer si l’employeur a eu raison ou tort d’imposer un tel programme à la fonctionnaire s’estimant lésée. Quoi qu’il en soit, la preuve démontrant que la fonctionnaire s’estimant lésée utilisait grandement ses congés de maladie est abondante. Même s’il n’existe aucune preuve de simulation, l’employeur a le droit d’exiger un certificat médical et d’imposer des mesures disciplinaires à un employé qui ne respecte pas cette exigence.

[146]   La question dont est saisi l’arbitre de grief est que la fonctionnaire s’estimant lésée a produit de faux certificats médicaux et qu’elle n’a soulevé aucune objection à l’époque concernant sa capacité d’obtenir ces certificats. La fonctionnaire s’estimant lésée a admis avoir produit seulement 4 des 14 faux documents. Elle n’a offert aucune explication quant aux falsifications de la seconde série de certificats médicaux visant la période d’avril 1999 à novembre 2002.

[147]   En traitant du caractère raisonnable de la décision de congédier l’employée, l’employeur a passé en revue les facteurs atténuants qui doivent être pris en compte par un arbitre de grief dans de telles circonstances. L’employeur a fait valoir que je devrais tenir compte de la période pendant laquelle ont été produits ces faux documents. Il ne s’agit pas d’un égarement isolé, mais de gestes répétés pendant une période de quatre ans. Ils ont été prémédités et la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas dit la vérité à son employeur. De plus, le témoignage de la fonctionnaire s’estimant lésée à l’audience démontre qu’elle continue de nier qu’elle a produit un grand nombre de faux documents.

[148]   Les actes de la fonctionnaire s’estimant lésée doivent être considérés comme étant graves parce qu’il s’agit de la falsification de documents médicaux, une conduite particulièrement sérieuse pour une employée occupant un poste de gestion des ressources humaines qui exige une grande confiance. Le service de la fonctionnaire s’estimant lésée n’a été ni long ni court et ne devrait donc pas influencer la décision. Le facteur déterminant en l’espèce est le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée a continué à mentir dans une affaire qui repose sur la confiance. Il ne faudrait pas accorder beaucoup de poids à son aveu et à ses excuses puisqu’elle a admis avoir produit seulement 4 des 14 faux documents.

[149]   La méthode que la fonctionnaire s’estimant lésée prétend avoir utilisée pour falsifier les certificats n’est pas plausible. La fonctionnaire s’estimant lésée nous demande de croire que la Dre Webster lui aurait remis un certificat vierge signé, ce qui est tout à fait invraisemblable. Il n’existe pas la moindre preuve appuyant un tel geste. Si la fonctionnaire s’estimant lésée était en possession d’un certificat vierge, pourquoi ne l’aurait-elle pas remis à l’enquêteur lorsqu’il l’a interrogée? Si un document vierge avait été photocopié, les faux documents auraient été parfaitement identiques et porteraient des traces de photocopie. L’examen des quatre premiers faux certificats présentés à l’employeur ne révèle aucun de ces signes. Il faudrait un acte de foi pour croire que le calquage de la fonctionnaire s’estimant lésée était assez précis pour que la photocopie en dessous ne soit pas visible.

[150]   L’employeur a fait valoir que le témoignage de la Dre Webster n’a essentiellement pas été contesté. Elle s’est prononcée sur chaque signature, a signalé les faux documents et ceux qui étaient authentiques. Un examen de ceux-ci permet de constater que les signatures authentiques du médecin sont uniformes, mais pas identiques comme la signature de la fonctionnaire s’estimant lésée au cours de la même période. Toutefois, à l’examen des fausses signatures, on peut remarquer qu’elles sont toutes assez différentes et il ne faut pas être graphologue pour en tirer une conclusion. L’employeur est convaincu que la fonctionnaire s’estimant lésée ment à propos de la méthode qu’elle a utilisée pour falsifier les documents et, dans les circonstances, il est raisonnable de conclure qu’elle ment à l’égard des autres dix faux documents qu’elle prétend ne pas avoir fabriqués.

[151]   La prétention de la fonctionnaire s’estimant lésée selon laquelle elle était dans un état épouvantable au cours de l’hiver et du printemps 2003, au point où elle était incapable de prononcer son nom, n’est appuyée par aucune preuve médicale présentée au cours de l’audience d’arbitrage de grief. Elle a prétendu avoir toujours respecté les délais au travail, mais était incapable, comme elle l’affirme, de se souvenir de son nom à ce moment.

[152]   Subsidiairement, l’employeur a proposé que, même si je tiens compte seulement des quatre certificats médicaux qu’elle a admis avoir falsifié, je devrais tout de même conclure que les actes commis justifient un licenciement. Il y aurait toujours la falsification préméditée et soigneusement préparée de quatre documents. Rien n’excuse ce genre de comportement puisque la fonctionnaire s’estimant lésée aurait pu consulter son médecin pour obtenir les certificats médicaux.

[153]   L’employeur s’est fondé sur les décisions Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A. C.–B.), Canada Safeway Ltd. v. Retail, Wholesale and Department Store Union (1999), 82 L.A.C. (4th) 1, Long c. Conseil du Trésor (Ministère de la Défense nationale), dossier de la CRTFP 166–02–16455 (1988) (QL), Twiddy c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada), 2005 CRTFP 37, Turner c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 38.

[154]   L’employeur a conclu son argumentation en affirmant que le lien de confiance a été irrémédiablement rompu. La fonctionnaire s’estimant lésée a commis une fraude et a falsifié des documents. En outre, la fonctionnaire s’estimant lésée a continué à être malhonnête même devant la Commission. Le licenciement était la seule conclusion raisonnable.

Argumentation de la fonctionnaire s’estimant lésée

[155]   La représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir qu’il s’agit d’une affaire d’inconduite avouée et que la question à trancher est le juste équilibre entre l’infraction et les facteurs atténuants qui doivent être examinés dans la détermination de la mesure disciplinaire à imposer.

[156]   Les facteurs atténuants sont bien connus et reconnus et, même si le directeur y a fait allusion dans son témoignage, la représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée fait valoir que seul un examen superficiel a été fait de ces facteurs. De plus, la nature corrective de la mesure disciplinaire ainsi que la capacité de réhabilitation de la fonctionnaire s’estimant lésée n’ont pas du tout été pris en compte.

[157]   La représentante a souligné qu’il existe deux versions des faits : celle de la Dre Webster et celle de la fonctionnaire s’estimant lésée. Elle a soutenu que la fonctionnaire s’estimant lésée a été claire dans son témoignage ainsi qu’au cours des conversations privées qu’elle a eues avec les Dres  Webster et Nogrady et lors de l’enquête. La fonctionnaire s’estimant lésée a reconnu avoir falsifié des certificats médicaux au moyen de photocopies. Elle a été cohérente et n’aurait pas pu savoir que la note du médecin serait finalement déposée en preuve.

[158]   Le 11 juin 2003, la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré à la Dre Nogrady qu’elle avait fait une chose stupide. Cette déclaration correspond à ce que la fonctionnaire s’estimant lésée a dit à l’enquêteur et à ce qu’elle a affirmé à la Commission. La fonctionnaire s’estimant lésée se trouvait dans une situation personnelle difficile. Elle n’est pas fière de ce qu’elle a fait. Le fait qu’elle ne puisse se souvenir du nombre exact de certificats qu’elle a falsifiés n’est pas surprenant puisqu’on lui a demandé de se souvenir d’événements qui ont eu lieu il y a 2 ans et demi. Ce que la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré à la Dre Nogrady le 11 juin 2003, tel qu’indiqué dans les notes prises par le médecin, est conforme à son témoignage à l’audience. La Dre Webster lui a remis un certificat vierge signé.

[159]   La fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué qu’elle avait agi par crainte et qu’elle ne se portait pas bien. Selon sa représentante, il n’est donc pas surprenant, dans ces circonstances, qu’elle ne puisse pas confirmer le nombre de certificats qu’elle a altérés. Sa représentante m’a demandé de conclure qu’entre quatre et six faux documents avaient été produits à la fin de 2002 et au début de 2003.

[160]   Ayant déterminé le fondement de la mesure disciplinaire, la représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée m’a demandé de tenir compte des facteurs atténuants. Au cours de l’hiver 2002, la fonctionnaire s’estimant lésée éprouvait des difficultés. Elle n’avait pas l’esprit tranquille. Ses relations au travail n’étaient pas bonnes; elle avait pris trop de congés. Elle avait peur de ce que pensait sa superviseure. Sa situation personnelle était encore plus pénible, avec la rupture de son mariage et un fils qui avait de sérieux problèmes à l’école. De plus, sa santé n’était pas bonne et elle n’avait pas les ressources financières pour faire face aux problèmes qu’elle vivait. C’est la situation que vivait la fonctionnaire s’estimant lésée au moment où elle a falsifié les certificats médicaux.

[161]   La représentante a souligné à quel point l’avocat de l’employeur a insisté sur le fait qu’on ne peut pas faire confiance à un avide faussaire. Selon la représentante, cette conclusion est contraire aux décisions arbitrales et judiciaires antérieures. Bien qu’elle ne soit pas très avantageuse pour la crédibilité de la fonctionnaire s’estimant lésée, elle ne vise pas l’ensemble de son témoignage. Le témoignage de la fonctionnaire s’estimant lésée n’est pas vraiment opposé à celui de ses supérieurs, M. Snyder et Mme Ronan, même s’il est assez évident qu’ils ont une interprétation différente de la relation qui existait dans le bureau.

[162]   Selon la représentante, le contexte au travail peut être décrit de la manière suivante. Il a été établi que la fonctionnaire s’estimant lésée souffrait de lupus de même que de dépression. Elle a pris un congé d’invalidité au cours duquel sa dépression s’est poursuivie. Son médecin n’était pas particulièrement compatissante. Ce n’est qu’après l’intervention de sa superviseure précédente que le médecin a reconnu qu’elle avait besoin d’un congé d’invalidité. La période d’invalidité a pris fin et la fonctionnaire s’estimant lésée est retournée au travail principalement parce qu’elle avait besoin d’argent puisqu’elle avait l’intention de quitter son mari.

[163]   La représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que, lorsque celle-ci est retournée au travail, la situation était tendue entre elle et sa superviseure, qui était peu sensible à la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il n’est pas possible d’imaginer que cette superviseure aurait écrit le type de lettre que sa superviseure précédente avait écrite au médecin. En fait, l’approche adoptée par Mme Ronan a empiré la situation. Cette superviseure a constaté qu’il existait un problème de congés et a tenté de le résoudre en imposant des conditions qui ont aggravé le problème. Elle peut avoir eu de bonnes intentions, mais son approche s’est avérée inefficace. Un milieu de travail fonctionne bien lorsque les gestionnaires offrent des solutions appropriées surtout dans des situations particulières comme celle de la fonctionnaire s’estimant lésée. Le programme d’assiduité a été inutile dans ce cas.

[164]   La représentante a indiqué qu’on ne devrait pas tirer de conclusion du fait que la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas déposé de plainte de harcèlement. La fonctionnaire s’estimant lésée ne se portait pas bien. Comme elle faisait déjà face à de nombreux problèmes, il lui aurait été difficile de gérer une plainte de harcèlement. La menace de mesure disciplinaire figurant dans l’ébauche de lettre qui annonçait à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle devait suivre un programme d’assiduité a beaucoup affecté la fonctionnaire s’estimant lésée. Elle risquait son emploi si elle ne produisait pas de certificats médicaux. La fonctionnaire s’estimant lésée était terrifiée. En résumé, on a rendu la tâche encore plus difficile à une employée qui avait grandement besoin de plus de congés.

[165]   Le programme d’assiduité vise les absences volontaires et la simulation. Peu importe quels étaient ses torts, la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas simulé sa maladie. Elle a pris congé parce qu’elle était malade. Il est difficile de comprendre que l’employeur ait tenté d’améliorer son assiduité.

[166]   La représentante a souligné qu’au mois de janvier 2003 la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée était désespérée. La fonctionnaire s’estimant lésée avait déjà obtenu en octobre une lettre de son médecin indiquant qu’elle aurait besoin de plus de congés de maladie que ses collègues. L’employeur n’avait pas véritablement fourni de réponse autrement qu’en lui permettant d’utiliser ses congés conformément à la convention collective. De plus, la représentante a souligné que le directeur avait déclaré qu’il y aurait des problèmes si tous les employés se prévalaient de tous les congés auxquels ils avaient droit. La représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée s’est demandée pourquoi l’employeur avait signé une convention collective qui prévoyait ces congés.

[167]   La représentante a souligné que la fonctionnaire s’estimant lésée faisait son travail. La crise concernait davantage le besoin de certitude et de tranquillité d’esprit de la superviseure. La représentante s’est demandée si le juste équilibre avait été respecté entre la tranquillité d’esprit de la superviseure et les besoins de l’employée.

[168]   En ce qui concerne l’évaluation par Santé Canada, la représentante a soutenu que la superviseure s’était efforcée de présenter la fonctionnaire s’estimant lésée sous son pire jour. La réaction de crainte et d’insécurité de la fonctionnaire s’estimant lésée est mise en évidence dans les notes de la Dre Webster du 27 mars 2003 (pièce G-18).

[169]   La représentante a fait valoir que les facteurs atténuants dont on doit tenir compte sont la situation à la maison de la fonctionnaire s’estimant lésée, notamment la rupture de son mariage, le cas difficile de l’un de ses enfants, sa maladie chronique grave, le lupus, et sa dépression, la situation financière dans laquelle elle se trouvait, le sentiment de se sentir prise au piège, le rôle de l’employeur dans le fait qu’elle se sentait impuissante et prise au piège, le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée avait admis sa culpabilité et qu’elle regrettait ses gestes, qu’elle avait payé plus que ce que justifiaient les infractions. La fonctionnaire s’estimant lésée a perdu son médecin de famille. Elle ne peut plus obtenir d’ordonnances pour des analgésiques, et elle ne peut être renvoyée à un psychologue. Les actes de la fonctionnaire s’estimant lésée n’ont pas été posés en vue d’en tirer un profit financier. La plupart des congés qu’elle a pris étaient des congés de maladie sans solde.

[170]   Si l’employeur avait pris au sérieux l’état de santé de la fonctionnaire s’estimant lésée, il n’aurait pas annulé l’évaluation que devait faire Santé Canada. Comme l’indique un échange de courriels (pièce G-12), l’employeur se préoccupait davantage de ne pas compromettre ses arguments à l’étape de l’arbitrage de grief.

[171]   Lors de l’enquête, on n’a pas donné à la fonctionnaire s’estimant lésée la chance de répondre à l’égard de la deuxième série de certificats médicaux. Quand la deuxième série a été présentée à la fonctionnaire s’estimant lésée, il ne restait environ qu’un jour ouvrable avant la rencontre avec l’employeur. De l’avis de la représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée, il n’était plus temps de présenter des observations.

[172]   La représentante a attiré mon attention sur ce qu’elle estimait être une lettre d’excuse sincère venant du fond du cœur (pièce E-16) que la fonctionnaire s’estimant lésée avait remise à l’employeur lors de la réunion disciplinaire.

[173]   En ce qui concerne la jurisprudence, la représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée a cité les décisions McNamara c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166–02–18291 (1989), Re Stelco Inc. (Hilton Works) and United Steelworkers of America (Currie) (1994), 40 L.A.C. (4th) 229 et Re Canada Bread Co. and United Food and Commercial Workers Union, Local 1518 (2001), 100 L.A.C. (4th) 244, qui toutes traitent de la falsification de documents d’une manière ou d’une autre et où l’employé a réintégré ses fonctions après un examen des circonstances atténuantes.

[174]   Quant aux affaires citées par l’avocat de l’employeur, la représentante a fait valoir qu’elles se distinguaient des faits de l’affaire en l’espèce et a passé en revue certaines de ces distinctions.

[175]   La représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée a ajouté que l’employeur était beaucoup plus intéressé par une assiduité prévisible que par la santé de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il ressort également de la preuve que le médecin a approuvé des absences irrégulières après coup en 1999. La représentante a ajouté que ce ne sont pas toutes les personnes vivant une situation difficile qui commettent une fraude. La jurisprudence établit clairement que les circonstances jouent un rôle dans le degré de culpabilité et la capacité de réhabilitation.

[176]   Quant au fait que la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas fourni le certificat médical vierge signé, sa représentante a soutenu qu’il n’était pas nécessaire qu’elle le fasse puisqu’elle avait avoué avoir falsifié les certificats médicaux.

[177]   La représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué que celle-ci avait subi de graves conséquences financières, qu’elle avait perdu sa copropriété et qu’elle n’avait droit à aucun des avantages dont elle jouissait auparavant. En outre, elle vit dans une collectivité où le marché du travail est très concurrentiel.

[178]   La représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir qu’une suspension prolongée serait plus que suffisante pour démontrer le mécontentement de l’employeur envers l’inconduite et pour faire comprendre à la fonctionnaire s’estimant lésée la gravité de son infraction et le besoin d’agir de façon honnête en ce qui concerne son traitement médical dans l’avenir. Une telle approche serait conforme à la nature corrective des mesures disciplinaires.

Réplique

[179]   L’avocat de l’employeur a répliqué que de supposer que la Dre Webster serait prête à signer des certificats médicaux vierges parce qu’elle avait rétroactivement attesté des absences intermittentes en 1999 n’est pas compatible avec le reste du témoignage du médecin.

[180]   En ce qui concerne la décision Romanik (précitée), l’avocat de l’employeur a souligné qu’il n’y a pas de différence entre le fait de signer le nom d’un médecin qui existe que celui d’un médecin inexistant. Quant à la décision Canada Safeway Ltd. (précitée), il a signalé que, dans l’affaire en l’espèce, aucun témoignage d’expert n’a établi de lien entre l’état de santé de la fonctionnaire s’estimant lésée et l’infraction.

[181]   Pour ce qui est de l’annulation de l’évaluation par Santé Canada, l’avocat a fait valoir qu’il n’était plus nécessaire de poursuivre dans cette voie puisque la fonctionnaire s’estimant lésée n’était plus une employée.

[182]   Enfin, l’avocat a ajouté que le directeur avait pris en compte les circonstances atténuantes et d’affirmer qu’il n’en avait fait qu’un examen superficiel est contraire aux faits et constitue une attaque non justifiée contre son intégrité.

[183]   Les deux parties ont indiqué que, à l’exception d’un ou de 2 cas, tous les certificats visaient des périodes de congé sans solde et qu’un examen de la pièce E-5 me permettrait d’établir les jours pour lesquels elle a obtenu des congés avec solde et des congés sans solde.

Motifs

[184]   Comme dans toute affaire de sanction disciplinaire, la première question à déterminer est de savoir si l’employeur a établi, selon la prépondérance des probabilités, les motifs sur lesquels il s’est fondé pour imposer la mesure disciplinaire. En l’espèce, la fonctionnaire s’estimant lésée est accusée d’avoir présenté de faux certificats médicaux pour 14 absences différentes depuis 1999.

[185]   Un examen attentif des certificats médicaux originaux, ainsi que du témoignage de la Dre Webster, me mène à conclure que la fonctionnaire s’estimant lésée a produit de faux documents à 14 occasions distinctes dont le premier cas remonte à septembre 1999. Bien que tous les faux soient presque semblables, ils sont suffisamment différents des signatures authentifiées par le médecin pour éliminer tout doute dans mon esprit qu’ils ne sont pas authentiques. Ils ne portent aucune marque visible de calquage des signatures falsifiées. Cette constatation écarte l’explication fournie par la fonctionnaire s’estimant lésée selon laquelle elle aurait photocopié un certificat médical vierge signé fourni par la Dre Webster et aurait ensuite calqué la signature. Cette explication va également à l’encontre du témoignage de la Dre Webster qui a indiqué que, sauf dans un cas, tous les certificats ont été dûment consignés dans ses notes et que toutes ses signatures figurant sur les certificats portent une date. De plus, les fausses signatures semblent avoir été faites par la même personne comme elles ont toutes les mêmes caractéristiques graphiques.

[186]   Un examen de la pièce E-5 en rapport avec les faux certificats médicaux me mène à conclure que la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé et obtenu des congés de maladie certifiés pour un certain nombre de jours d’absence pour lesquels elle a présenté de faux certificats médicaux.

[187]   Elle a frauduleusement obtenu un congé de maladie certifié pour une absence le 8 septembre 1999, pour une absence semblable le 6 octobre 1999, pour de pareilles absences les 13 et 25 octobre 1999, pour des absences similaires les 11 et 19 décembre 2000, pour une absence semblable le 15 août 2000 ainsi que pour des absences similaires les 11, 18 et 21 septembre 2000. Bien qu’elle ait présenté un certificat médical pour la journée du 20 septembre 2000, rien n’indique dans ce document qu’elle était absente ce jour-là. À partir de la fin de septembre 2000, le registre des congés montre que la fonctionnaire s’estimant lésée a commencé à utiliser des congés de maladie sans solde pour couvrir ses absences lorsqu’il semble que ses crédits accumulés pour congé de maladie n’étaient pas suffisants pour couvrir une absence. Le 1er janvier 2001, ses crédits pour congé de maladie s’élevaient à 7,5 heures et elle a été absente en congé de maladie certifié le lendemain, soit le 2 janvier 2001. Du 17 janvier au 9 février 2001, elle s’est absentée pendant 37,5 heures en congé de maladie certifié sans solde. De plus, l’absence en congé de maladie certifié le 20 février 2001 figure comme étant un congé de maladie sans solde.

[188]   La fonctionnaire s’estimant lésée a frauduleusement obtenu un congé de maladie certifié de 15 heures pour les 12 et 13 décembre 2002. Elle a reçu un congé de maladie certifié pour le 11 décembre 2002, mais a pris un congé de maladie sans solde le 27 décembre 2002. Bien qu’elle ait présenté un faux certificat médical pour la journée du 30 décembre 2002, on n’a consigné aucune absence dans le document portant le numéro de pièce E-5 à cette date. Elle a obtenu un congé de maladie certifié pour des absences les 16 et 27 janvier 2003, ainsi que pour son absence le 5 février 2003. Elle a pris un congé de maladie sans solde le 26 février 2003. Le 8 mai 2003, elle aurait pris 5,5 heures de congé de maladie sans solde et 2 heures de congé de maladie certifié. Le 14 mai 2003 aurait été un congé de maladie sans solde.

[189]   Par conséquent, je conclus que la fonctionnaire s’estimant lésée a obtenu un congé de maladie certifié pour la grande majorité des journées pour lesquelles elle a présenté de faux certificats médicaux. Il est plus difficile de déterminer si elle a ainsi pu touché une rémunération alors qu’elle aurait dû être en congé sans solde. Son médecin a accepté ses demandes de congé tout au long de la période visée. En octobre 2002, elle a écrit une lettre (pièce E-8.1) dans laquelle elle expliquait que la fonctionnaire s’estimant lésée continuerait de souffrir de symptômes récurrents en raison de son lupus et aurait besoin de prendre des congés de maladie plus souvent que ses collègues. L’employeur n’a nullement affirmé qu’elle était coupable de simulation. Si elle s’était rendue au cabinet du médecin pour obtenir un certificat pour les journées en cause, à mon avis, on lui aurait probablement remis de tels documents. Au cours de l’automne 2002, elle a été informé qu’elle devait présenter des certificats médicaux pour chaque absence pour maladie. Si elle n’avait pas présenté de certificats médicaux, on aurait conclu qu’elle était en congé non autorisé sans solde (pièce E-60). Toutefois, elle a choisi une autre voie et, pour obtenir des congés ou pour être rémunérée, elle a falsifié des certificats médicaux. 

[190]   Pour l’essentiel, la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que la présente affaire est fondée sur la prémisse selon laquelle une pression accrue exercée par l’employeur à l’égard de la présentation de certificats médicaux l’a poussée, compte tenu de son état de santé et de sa situation personnelle, à fournir de faux certificats médicaux à la fin de 2002. La preuve révèle que la fonctionnaire s’estimant lésée a dû se conformer au programme d’assiduité à partir de l’automne 2002. On pourrait conclure de la preuve que la pression a vraiment commencé lorsque la fonctionnaire s’estimant lésée est retournée au travail après son congé d’invalidité. Cette pression a augmenté lorsqu’on lui a fait suivre un programme d’assiduité et a atteint un sommet avec le renvoi à Santé Canada. Même si j’accepte le fait que la relation avec sa nouvelle superviseure peut avoir créé une pression supplémentaire dès la fin de l’automne 2001, lorsqu’elle est revenue de son congé d’invalidité, cela n’explique par pourquoi la fonctionnaire s’estimant lésée a présenté de faux certificats médicaux à 8 occasions auparavant, surtout que la fonctionnaire s’estimant lésée avait décrit sa superviseure précédente comme une personne qui l’appuyait davantage et qui était plus compréhensive que sa dernière superviseure.

[191]   La représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée m’a demandé de tenir compte d’un certain nombre de circonstances atténuantes. C’est ce que j’ai fait et en voici les résultats.

[192]   Les faux certificats médicaux ont été mis au jour en deux groupes. Le premier comprenait des certificats signés en 2002 et en 2003 et le second des certificats signés entre 1999 et 2001. La fonctionnaire s’estimant lésée a été mise au courant par ses représentants syndicaux, avant la réunion disciplinaire, qu’un second groupe de certificats médicaux était remis en question.

[193]   Lorsqu’on lui a donné l’occasion d’expliquer son comportement, la fonctionnaire s’estimant lésée n’a même pas reconnu avoir falsifié les certificats datés de 1999 à 2001. Bien qu’elle ait reconnu avoir falsifié le premier groupe de certificats datés de 2002 à 2003, la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas fourni d’explication à l’employeur à l’égard des premiers faux documents, même si elle en a eu l’occasion au cours de la réunion disciplinaire. Au cours de l’audience, la fonctionnaire s’estimant lésée a eu une autre chance de s’expliquer, mais a été incapable de le faire ou même de reconnaître qu’il s’agissait de faux documents. Je ne peux atténuer la peine imposée parce que les actes fautifs ont été reconnus. Sa reconnaissance n’est que partielle et son explication n’est pas crédible.

[194]   Bien qu’il ne fasse aucun doute que la pression supplémentaire s’est ajoutée aux circonstances qui l’ont menée à falsifier les certificats, il est clair, selon la prépondérance de la preuve, qu’elle avait agi de la sorte quelques fois auparavant, huit fois pour être plus précis. Je ne peux atténuer la peine au motif qu’il s’agit d’un incident isolé.

[195]   L’incapacité de la fonctionnaire s’estimant lésée de reconnaître ces premières falsifications, sa tentative de rejeter la faute des six dernières sur l’employeur et l’explication fabriquée qu’elle a fournie de la méthode qu’elle a utilisée pour forger ces signatures fait ressortir son incapacité à nous expliquer ce qui est réellement arrivé et m’amène à douter de sa capacité de réhabilitation. Je ne peux atténuer la peine au motif de sa bonne capacité de réhabilitation.

[196]   La preuve médicale fournie par le médecin dans son témoignage et les notes présentées en preuve ainsi que les dates auxquelles elle a falsifié les certificats ne semblent pas appuyer l’argument de la fonctionnaire s’estimant lésée selon lequel elle était malade au point de ne pas pouvoir penser clairement à cette époque. Je ne peux atténuer la peine au motif que son état de santé affectait son jugement.

[197]   Bien des personnes vivent des périodes très difficiles dans leur vie, mais comme l’a souligné l’avocat de l’employeur dans ses observations, peu de personnes produisent de fausses signatures pendant une période de quatre ans.  

[198]   Après avoir tenu compte du témoignage de la fonctionnaire s’estimant lésée, je conviens avec l’employeur qu’elle n’a pas dit la vérité. On lui a donné l’occasion de brosser un tableau complet de la situation à l’audience, mais elle ne l’a pas fait.

[199]   Dans de telles circonstances, il est difficile de ne pas conclure, comme l’a fait l’employeur, que la fonctionnaire s’estimant lésée a irrémédiablement rompu le lien de confiance qui est essentiel dans une relation employeur-employé.

[200]   Dans des cas semblables, la jurisprudence est particulièrement liée aux faits et n’est pas déterminante quant à la ligne de conduite à suivre pour évaluer la mesure disciplinaire imposée.

[201]   Ayant conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la fonctionnaire s’estimant lésée a commis l’infraction reprochée, compte tenu de toutes les circonstances atténuantes soulevées par sa représentante et à la lumière de la jurisprudence présentée par les parties, j’en suis malheureusement arrivé à la conclusion que je dois rejeter son grief.

[202]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[203]   Le grief est rejeté.

Le 19 avril 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Georges Nadeau,
arbitre de grief

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