Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que les défendeurs n'avaient pas observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 et 10 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, n'avaient pas respecté le règlement en matière de griefs et n'avaient pas agi conformément au devoir de représentation juste - le plaignant avait déposé plusieurs griefs suite à des incidents liés à sa relation avec sa superviseure - le syndicat a approuvé la présentation de tous les griefs et a représenté le plaignant, quand ce dernier le souhaitait, tout au long de la procédure de règlement des griefs - aucun des griefs n'était arbitrable, et tous ont été rejetés aux divers paliers de la procédure de règlement des griefs - le plaignant a demandé un ajournement pour lui permettre de trouver un représentant, mais sa demande a été rejetée - le plaignant avait eu un préavis de l'audience suffisant, la date avait été fixée en consultation avec lui, il n'avait pas encore retenu les services d’un représentant et une première demande d'ajournement, portant sur des motifs semblables, avait déjà été rejetée - Le plaignant a demandé la permission de modifier sa plainte en ajoutant les noms de deux nouveaux défendeurs et d’une nouvelle question - la demande a été refusée - comme il connaissait, au moment du dépôt de la plainte, les actions des personnes qu’il souhaitait désigner comme nouveaux défendeurs, lui permettre d’ajouter maintenant ces défendeurs serait préjudiciable à leurs droits, et rien de ce que le plaignant a présenté en preuve ou argué n’amène à conclure que la plainte contre ces personnes aurait quelque chance de succès - en ce qui concerne l’ajout de la question de sa mutation à l'Agence des services frontaliers du Canada, un tel changement modifierait la nature fondamentale de la plainte, et aucun lien raisonnable ne pouvait être établi entre sa mutation et les allégations de violation de la LRTFP - le plaignant ne s’est pas acquitté de son fardeau de la preuve en établissant qu’il y avait eu violation de la LRTFP - le rejet de ses griefs ne pouvait pas être interprété comme une menace ou une tactique d'intimidation - il n'y avait pas de preuve d'abus de pouvoir ou de collusion entre les défendeurs - il n’y avait aucune preuve non plus de discrimination. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-05-11
  • Dossier:  561-02-10
  • Référence:  2006 CRTFP 54

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

TONY D’ALESSANDRO

plaignant

et

LYSE RICARD, NYCOLE TURMEL, JEANNETTE MEUNIER–MCKAY

et

MINISTÈRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA, ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA ET SYNDICAT DE L’EMPLOI ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

défendeurs

Répertorié
 D’Alessandro c. Ricard et al.

Affaire concernant une plainte visée à l'article 23 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P–35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  George Nadeau, vice–président

Pour le plaignant :  le plaignant lui–même

Pour les défendeurs : Paul Champ, pour l’Alliance de la Fonction publique du Canada et pour le Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada,
Stéphane Hould, pour Lyse Ricard

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
les 2 et 3 février 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Plainte devant la Commission

[1]   Le 24 février 2004, Tony D’Alessandro a déposé une plainte, nommant comme défenderesses les personnes suivantes : Lyse Ricard, sous–ministre adjointe au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada (le « Ministère »); Nycole Turmel, présidente de l’Alliance de la Fonction publique du Canada; Jeannette Meunier–McKay, présidente du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada. Dans la partie 2 du formulaire de plainte, le plaignant a mentionné en outre comme défendeurs le Ministère, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») et le Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (le « SEIC »). L’AFPC est l’agent négociateur, alors que le SEIC est un élément de l’agent négociateur. Pour faciliter la consultation, ces deux organisations seront appelées le syndicat dans la présente décision.

[2]   La plainte de M. D’Alessandro selon les alinéas 23(1)a) et d) était : que le Ministère, l’AFPC, le SEIC et les personnes précitées n’avaient pas observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 et 10 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Loi »); qu’ils n’avaient pas respecté l’un des règlements pris en matière de griefs par la Commission des relations de travail dans la fonction publique; qu’ils n’avaient pas agi conformément au devoir de juste représentation prévu au paragraphe 10(2) de l’ancienne Loi.

[3]   Il demandait que ses griefs et la correspondance soient dûment examinés et que la collusion et la discrimination par la direction et le syndicat soient l’objet d’une enquête.

[4]   Au début de l’audience, le plaignant a demandé un ajournement de la procédure pour lui permettre de trouver un [traduction] « bon avocat ». Il a dit à la Commission que tant l’employeur que le syndicat avaient obtenu de précédents ajournements et qu’il avait eu des difficultés à trouver un avocat apte à le représenter. Il avait contacté un certain Desmond Fitzmaurice une semaine avant l’audience. Le plaignant a déclaré que M e Fitzmaurice lui avait dit qu’il n’était pas disponible pour l’audience parce qu’il était au Mexique et qu’il lui faudrait du temps pour examiner le dossier avant d’accepter l’affaire. Le plaignant a aussi déclaré qu’il avait précédemment contacté deux autres avocats pour qu’ils se chargent de sa cause. Toutefois, le plaignant avait trouvé que l’un des deux n’était [traduction] « pas si bon », car cet avocat avait seulement une formation en droit criminel. Quant à l’autre, le plaignant l’avait trouvé trop cher. Le syndicat ne s’opposait pas à la demande d’ajournement, alors que l’employeur laissait la question à ma discrétion.

[5]   Le 1 er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. Également à cette date–là, l’ancienne commission des relations de travail dans la fonction publique a cessé d’exister, et la nouvelle commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) a été créée. En vertu de l’article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission demeure saisie de cette plainte, qui doit être décidée conformément à la nouvelle Loi.

Décision sur la demande d’ajournement

[6]   Ayant examiné le dossier, j’ai remarqué qu’un ajournement avait été accordé après que l’affaire eut été mise au rôle pour une audience les 13 et 14 juillet 2005. Cet ajournement a été accordé par suite de l’incapacité du représentant du syndicat à atteindre Toronto à cause d’un retard imprévu de vol à l’aéroport de Halifax. En ce qui a trait à un ajournement qui aurait été accordé à l’employeur, un tel ajournement n’a pas été accordé. Une date provisoire avait simplement été proposée aux parties, date à laquelle l’employeur a fait savoir qu’il n’était pas disponible. Ce refus ne peut être interprété comme un ajournement d’une cause inscrite au rôle.

[7]   Le 16 novembre 2005, les dates du 2 et du 3 février 2006 avaient été fixées pour la présente audience de la Commission. Ces dates avaient été fixées après consultation auprès du plaignant, de l’employeur et du syndicat. Le plaignant avait affirmé dans une lettre du 4 novembre 2005 envoyée par télécopieur à la Commission qu’il était disponible pour l’audience à ces dates–là.

[8]   Le 19 janvier 2006, le plaignant a demandé que les dates d’audience de février soient reportées, pour la raison qu’il éprouvait des difficultés à trouver un avocat pour le représenter. Le 20 janvier 2006, la Commission a avisé le plaignant que sa demande avait été rejetée.

[9]   J’ai informé le plaignant que je n’accepterais pas sa demande et que j’entreprendrais d’entendre l’affaire étant donné : qu’il avait eu un préavis de l’audience bien suffisant; que la date avait été fixée après qu’il a été consulté; qu’il n’avait pas en fait retenu les services de M e Fitzmaurice, qui, si je ne m’abuse, avait seulement accepté d’examiner son dossier; que sa demande d’ajournement n’est pas très différente de celle déjà rejetée par la Commission.

Les faits en l’espèce

[10]   Le plaignant a présenté la preuve suivante à l’appui de sa plainte. Il a commencé à travailler au ministère de l’Emploi et de l’Immigration le 10 septembre 1986, comme commis au courrier. Il a ensuite travaillé dans le domaine de la rémunération et des avantages sociaux, puis, après avoir détenu différents postes de commis, il a fini par devenir spécialiste en rémunération, groupe et niveau AS–02, en 1994. Lorsque le Ministère a été scindé, le plaignant est resté du côté de l’immigration. Le 20 juin 2005, après les événements qui ont conduit à la plainte, il a été muté dans un poste à Mississauga (Ontario), à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), ce qui était deux fois plus loin de chez lui.

[11]   Les circonstances ayant donné lieu à sa plainte remontent au début de 2002. Le plaignant allègue que sa superviseure, Sharon Diner, et une autre employée étaient amies. Vu cette relation, l’autre employée obtenait toujours les nominations intérimaires lorsque venait le temps de remplacer la superviseure quand cette dernière s’absentait. Le plaignant était mécontent de cette situation.

[12]   Le plaignant a demandé à assister à une séance de formation sur la retraite. Il désirait y participer non pas parce qu’il voulait prendre sa retraite, mais pour mieux conseiller les employés qui entendaient prendre la leur. Dans le courriel à Mme Diner à l’appui de sa demande de formation, le plaignant a écrit : [traduction] « En conclusion, si [Mme X] faisait son travail, il ne serait peut–être pas nécessaire de chercher à en savoir plus. » L’employé visée par ces commentaires a soi–disant trouvé une copie du courriel sur la photocopieuse. En conséquence, la superviseure a fait venir le plaignant dans son bureau et lui a dit que la personne ayant trouvé le courriel était très vexée. Le plaignant a été vu par une conseiller et s’est vu remettre trois documents : le code de conduite, le chapitre 7 du manuel des ressources humaines relatif au respect en milieu de travail et la politique de l’employeur sur la prévention et le règlement du  harcèlement.

[13]   Le 18 mars 2002, le plaignant, contrarié par la situation, a déposé un grief dans lequel il indiquait qu’il considérait ces documents comme non pertinents et dans lequel il accusait la personne ayant trouvé le courriel d’avoir violé les règles énoncées dans les documents en question. Il affirmait en outre avoir été très indigné qu’on lui dise de faire attention quant à l’endroit où il laissait ses courriels et il mettait en doute l’intention de la superviseure.

[14]   La superviseure qui a répondu au grief a déclaré qu’elle avait voulu, lors d’une réunion non disciplinaire, veiller à ce que le plaignant reconnaisse que les propos désobligeants et irrespectueux tenus dans le courriel photocopié étaient déplacés. Insatisfait de la réponse, le plaignant a porté le grief au deuxième palier, avec l’approbation du représentant du SEIC local. Irene Baker, directrice générale, région de l’Ontario, a répondu au grief. Dans sa réponse, elle traitait des préoccupations exprimées par le plaignant et a rejeté le grief. Le plaignant a, avec l’approbation de son agent négociateur, transmis son grief au troisième et dernier palier. Mme Ricard a, dans sa réponse rejetant le grief, répété au plaignant que la réunion initiale avec le fonctionnaire s’estimant lésé avait un caractère non pas disciplinaire mais informatif. Elle a en outre exprimé son opinion selon laquelle il était regrettable que le plaignant ait choisi de revenir sur le fait que son courriel avait été trouvé par une collègue.

[15]   Le 14 mars 2002, le plaignant a surpris une conversation, entre sa superviseure et un collègue, lors de laquelle la superviseure a demandé à ce collègue s’il y avait des erreurs dans les mesures prises par M. D’Alessandro en matière de rémunération.

[16]   Le 5 avril 2002, le plaignant a déposé un grief alléguant que l’incident du 14 mars 2002 était [traduction] « [...] un autre exemple clair de la campagne de harcèlement continuel [...] » contre lui. Il a demandé que sa superviseure soit retirée du service. Avec l’approbation de l’agent négociateur, le grief a été envoyé directement au deuxième palier.

[17]   La directrice générale ayant répondu au grief a offert au fonctionnaire s’estimant lésé la possibilité de passer par un processus de médiation pour le règlement de ses préoccupations. Le plaignant a répondu en renvoyant son grief au dernier palier, avec l’approbation de l’agent négociateur. Mme Ricard a, dans sa décision au dernier palier, déclaré au plaignant qu’il semblait avoir mal interprété la conversation ou l’avoir considérée hors contexte. Elle a également offert une médiation.

[18]   Le 19 août 2002, le plaignant a déposé un autre grief, alléguant que l’employeur n’avait pas fourni des chances égales dans les affectations intérimaires depuis 1996, et il demandait une compensation sous la forme d’un revenu correspondant. La réponse de la superviseure indiquait que le grief était hors délai, sauf sur un point, et expliquait ensuite les circonstances de l’affectation intérimaire en cause.

[19]   Comme c’était noté dans la réponse au grief, la superviseure s’est toutefois bel et bien appliquée à offrir par la suite des affectations intérimaires par rotation. Le plaignant a transmis son grief au palier suivant, où le grief a été rejeté. Puis il a transmis son grief au dernier palier, où Mme Ricard, dans sa réponse au dernier palier, a expliqué au plaignant la prérogative de l’employeur relativement aux nominations intérimaires et a déclaré qu’à l’avenir les possibilités seraient offertes par rotation.

[20]   Le 27 juin 2003, le plaignant a présenté un grief concernant le contenu de l’évaluation de son rendement parce que, soutenait–il, ce n’était pas un reflet fidèle de ses aptitudes [traduction] « comme c’est exigé par la réglementation pour favoriser la carrière »; il demandait, à titre de mesure corrective, que la gestionnaire soit retirée du service pour manque de compétences en gestion. Ce grief a été approuvé pour présentation, par le représentant de l’agent négociateur.

[21]   Le plaignant a déposé un deuxième grief quant à l’évaluation de rendement, le 30 juin 2003. Dans ce grief, il alléguait que le refus de la gestionnaire de discuter de l’évaluation de rendement sans la présence d’un conseiller en relations de travail était une tactique d’intimidation et, là encore, il demandait que la gestionnaire soit retirée du service, pour comportement non professionnel et manque de compétences en gestion.

[22]   Le représentant de l’agent négociateur a approuvé la présentation de ce grief. Toutefois, le plaignant, non satisfait du représentant affecté à son cas, a demandé un changement de représentant. Le SEIC a fini par acquiescer à la demande du plaignant voulant que Janina Lebon soit affectée à son cas.

[23]   Les deux griefs ont été rejetés au dernier palier par Mme Ricard, après qu’elle eut examiné les faits ayant donné lieu aux griefs et les observations écrites qu’il lui avait présentées.

[24]   Les deux représentants des défendeurs ont choisi de ne pas présenter de preuve.

Demande de modification de la plainte

[25]   Par suite des exposés introductifs des représentants des défendeurs et par suite des commentaires de ces représentants lors de la présentation de la preuve du plaignant, ce dernier a demandé l’autorisation de modifier sa plainte. Il a demandé que Marg Mayne et Sharon Diner soient ajoutées comme défenderesses et que sa mutation à l’ASFC soit ajoutée comme événement à l’égard de sa plainte.

[26]   À l’appui de sa demande, il arguait que, malgré le fait que Mme Mayne et Mme Diner n’avaient pas été nommées comme défenderesses, elles avaient été mentionnées dans la plainte, dans la section énonçant en détails les omissions ou faits fautifs allégués. En ce qui a trait à la deuxième partie de sa demande, il disait que, si ses griefs avaient été traités correctement et si sa superviseure, Mme Diner, avait été retirée de son poste, il n’aurait pas été muté à l’ASFC.

[27]   L’avocat de l’employeur défendeur s’opposait à la demande. Concernant l’ajout des noms de mesdames Mayne et Diner, l’avocat arguait que, comme tous les faits étaient connus du plaignant lorsqu’il a rédigé sa plainte, il n’y avait aucune raison de l’autoriser à modifier sa plainte à l’étape de l’audience, c’est–à–dire plus de quinze mois après le dépôt de la plainte. Ces nouvelles défenderesses n’étaient pas présentes et n’avaient jamais été avisées qu’une plainte avait été déposée contre elles. L’avocat invoquait une décision rendue par le vice–président J. W. Potter dans l’affaire Syndicat des agents correctionnels du Canada c. Costello, 2003 CRTFP 54. Pour ce qui est de la deuxième partie de la demande du plaignant, l’avocat arguait que les événements que le plaignant voulait faire inclure ne concernaient pas la présentation des griefs mentionnés dans sa plainte ni la représentation assurée par son syndicat durant la procédure de règlement des griefs ou la collusion alléguée, entre l’employeur et le syndicat. Cela équivaudrait à changer la nature de la plainte dont le présent tribunal est saisi.

[28]   L’avocat des défendeurs syndicaux (AFPC et SEIC) a concédé que j’avais le pouvoir de modifier la plainte. Il arguait toutefois que ce n’était pas approprié de le faire, étant donné que les faits relatifs à mesdames Mayne et Diner étaient connus du plaignant lorsque ce dernier a déposé sa plainte. Quant à l’ajout de la question de la mutation du plaignant à l’ASFC, l’avocat arguait qu’acquiescer à une telle demande changerait fondamentalement la nature de la plainte.

[29]   L’avocat m’a renvoyé à une décision rendue par le commissaire Ian Mackenzie dans Reynolds c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2004 CRTFP 51. Dans cette décision, une demande d’inclusion d’événements survenus après le dépôt de la plainte a été rejetée puisque les événements s’étaient produits après le dépôt de la plainte et que l’ajout de ces événements changerait fondamentalement la nature de la plainte.

[30]   Le plaignant a répondu en disant que la décision Costello n’indiquait pas si les noms avaient été mentionnés dans la partie principale de la plainte. Il a répété qu’il avait inclus dans le corps de sa plainte les noms des personnes qu’il souhaitait ajouter et que cela constituait une grande différence. Au sujet de la question de l’ajout de l’événement relatif à l’ASFC, le plaignant a déclaré qu’il ne savait pas à l’époque de la rédaction de la plainte qu’il serait muté à l’ASFC et il a répété que, si ses griefs avaient été traités correctement, il n’aurait pas été muté.

[31]   Le plaignant a ajouté que la défenderesse Ricard était en définitive responsable des gestes de ses employés et il arguait qu’elle n’ assumait pas cette responsabilité. Il avançait l’hypothèse qu’il avait peut–être été victime de discrimination à cause de son ascendance italienne.

Décision sur la demande de modification

[32]   Les actes de mesdames Mayne et Diner étaient connues du plaignant lorsque ce dernier a déposé sa plainte. Quoique leurs actions aient été connues du plaignant et représentent une partie des raisons sous–jacentes à sa plainte, il avait néanmoins omis de nommer ces personnes comme défenderesses.

[33]   Lui permettre de le faire à ce stade–ci, soit plus de deux ans et demi après les événements en cause, serait préjudiciable aux droits de ces personnes. De plus, même si je devais accepter d’inclure ces défenderesses supplémentaires, rien de ce que le plaignant a présenté en preuve ou argué n’amène la Commission à conclure que la plainte contre ces personnes aurait quelque chance de succès.

[34]   Concernant la demande d’inclusion de l’événement relatif à la mutation du plaignant à l’ASFC, je conviens avec l’avocat des défendeurs syndicaux et l’avocat du défendeur employeur que cette demande doit être rejetée, car inclure cet événement changerait la nature fondamentale de la plainte. Ce ne serait pas approprié d’inclure dans la plainte un événement survenu quinze mois après le dépôt de la plainte. En outre, sur le fondement de la preuve présentée par le plaignant, il n’y a pas de lien raisonnable qui puisse être établi entre la mutation du plaignant et les allégations concernant la contravention aux interdictions prévues aux articles 8, 9 et 10 de l’ancienne Loi.

[35]   Dans leurs exposés préliminaires, l’employeur et le syndicat soutenaient que la plainte ne mentionnait pas des événements qui, s’ils étaient prouvés, constitueraient, relativement aux interdictions énoncées dans l’ancienne Loi, des violations donnant lieu à une plainte selon l’article 23. À la lumière de ces commentaires, j’ai demandé au syndicat et à l’employeur d’être les premiers à présenter leurs arguments, de sorte que le plaignant puisse y répondre, puis présenter ses propres arguments.

Arguments des défendeurs syndicaux

[36]   L’avocat des défendeurs syndicaux a déclaré qu’aucune des interdictions énoncées aux articles 8 et 9 de l’ancienne Loi ne s’applique aux parties défenderesses Nycole Turmel, Jeannette Meunier–McKay, AFPC ou SEIC.

[37]   En ce qui a trait à l’allégation sur l’article 10 de l’ancienne Loi (devoir de représentation juste), l’avocat des défendeurs syndicaux a affirmé qu’il comprenait que l’allégation contre les défendeurs était que le plaignant n’avait pas été représenté de façon juste. Par sa plainte, le plaignant a indiqué que les défendeurs syndicaux n’avaient pas assez bien présenté son grief et n’avaient pas avancé tous les arguments que celui-ci souhaitait faire valoir. Le plaignant a prétendu en outre qu’il y avait eu une collusion entre les défendeurs syndicaux et l’employeur de manière que les griefs soient rejetés.

[38]   La preuve présentée indique toutefois que le syndicat a représenté le plaignant dans tous les griefs, sauf deux, et qu’il a bel et bien fait progresser tous les griefs jusqu’aux divers paliers de la procédure de règlement des griefs. Rien n’a prouvé que le syndicat ou l’un quelconque de ses représentant ont agi de mauvaise foi, de façon discriminatoire ou arbitraire. Le plaignant n’a présenté aucune preuve que les représentants affectés à son cas ont été inefficaces dans la représentation qu’ils ont assurée. En réalité, le syndicat s’est mis en quatre pour représenter le plaignant et, en fait, deux des griefs ont été admis par l’employeur. Pour ce qui est des deux griefs 400 et 401 cités dans la plainte, le syndicat n’a pas à cet égard assuré de représentation aux divers paliers, et ce, à la demande même du plaignant. Ce dernier a refusé d’être défendu par le représentant syndical affecté à son cas. Aucun des griefs du plaignant  n’était arbitrable, car ces griefs ne se rapportaient pas à une violation de la convention collective ou de la discipline donnant lieu à une sanction pécuniaire.

[39]   L’avocat m’a renvoyé aux décisions rendues dans Reynolds (supra), Dwyer v. Canadian Union of Postal Workers and Canada Post Corporation (1991), 86 di 144, et Toronto Public Library Board v. Canadian Union of Public Employees, [1997] O.L.R.D. 3065.

Arguments du défendeur employeur

[40]   L’avocat de l’employeur représentant Mme Ricard a commenté l’allégation de discrimination présentée par le plaignant. Il a déclaré que, même si les faits allégués se révélaient véridiques, l’allégation de discrimination ne correspondait pas à une pratique déloyale de travail. Prima facie, cette allégation devrait être rejetée.

[41]   L’avocat soutenait que c’est grave d’alléguer qu’il y a eu une collusion entre un employeur et un agent négociateur pour priver quelqu’un de ses droits. L’employeur comprend que le rejet des griefs peut ne pas avoir été un résultat satisfaisant pour le plaignant, mais ce dernier n’a présenté aucune preuve de collusion. Plus particulièrement en ce qui a trait à la conduite de Mme Ricard, le plaignant n’a présenté aucune preuve qu’il y ait eu une collusion entre Mme Ricard et le syndicat pour l’empêcher d’exercer ses droits selon l’ancienne Loi. L’allégation de collusion devrait être rejetée parce que non fondée.

[42]   Quant à l’allégation d’intimidation, il n’y avait aucune preuve de tentative pour intimider le plaignant ou user de représailles envers lui. Le plaignant avait déposé un certain nombre de griefs qui ont été entendus aux divers paliers de la procédure de règlement des griefs. Certains des griefs que le plaignant avait présentés ont été admis; ceux mentionnés dans sa plainte ont par contre été rejetés. Il semble que le plaignant considère qu’il peut déposer une plainte de pratique déloyale de travail lorsque ses griefs sont rejetés. L’avocat a déclaré ne pas comprendre comment le rejet d’un grief pourrait donner lieu à une plainte de pratique déloyale de travail. Il demandait que je rejette la plainte.

Arguments du plaignant

[43]   Le plaignant affirmait ne pas comprendre comment l’employeur pouvait rejeter un grief si factuel que ce devrait être impossible de le rejeter. Il a attiré mon attention sur le grief 038, mentionné dans sa plainte et présenté en preuve, et il demandait comment l’employeur pouvait en toute impunité le traiter comme il l’avait fait.

[44]   En réponse à l’argument selon lequel il n’avait présenté aucune preuve à l’appui de sa plainte, le plaignant arguait que c’était difficile de présenter une preuve quand il n’y avait aucun témoin et que les défendeurs ne se montraient pas. Il se plaignait de ne pas pouvoir interroger les témoins. À ce stade de son argumentation, le plaignant a de nouveau demandé un ajournement ou l’autorisation de modifier sa plainte. Il a alors argué que, à cause des absences de Mme Turmel, de Mme Meunier–McKay et de Mme Ricard, il ne pouvait poser des questions et présenter une preuve. Il concluait que cela n’avait pas de sens de présenter quoi que ce soit, puisqu’il ne pouvait poser des questions sur ce que les parties défenderesses lui avaient répondu.

Motifs de décision

[45]   À partir de 2002, le plaignant a déposé un certain nombre de griefs par suite d’incidents liés à sa relation avec sa superviseure, Mme Diner. Il a contesté ce qu’il considérait comme une mesure disciplinaire (grief 038); il a contesté ce qu’il considérait comme la sollicitation de plaintes contre lui (grief 091); il a contesté le refus de l’employeur d’offrir des possibilités d’intérim (grief 531); il a contesté le contenu de l’évaluation de son rendement (grief 400); enfin, il a contesté la présence d’un agent des relations de travail pendant des discussions avec la superviseure sur l’évaluation de rendement (grief 401).

[46]   Le syndicat a approuvé la présentation de tous ces griefs et représenté le plaignant, quand ce dernier le souhaitait, tout au long de la procédure de règlement des griefs.

[47]   Aucun des griefs n’était arbitrable en vertu de l’ancienne ou de la nouvelle Loi; tous ces griefs ont été traités aux divers paliers disponibles de la procédure de règlement des griefs et ont été rejetés.

[48]   Le plaignant a déposé la plainte selon l’article 23, face au rejet de ses griefs et devant ce qu’il considérait comme une négation de ses droits. Il se plaignait d’un manque de représentation de la part de son syndicat, ainsi que de la [traduction] « tentative évidente pour le menacer et l’intimider ». Il a ajouté qu’il fallait traiter de l’abus de pouvoir de l’employeur et que [traduction] « c’est clair qu’il y a une collusion avec le syndicat ».

[49]   C’est au plaignant qu’incombe la charge de prouver qu’il y a eu une violation des interdictions énoncées dans la Loi. Malheureusement pour le plaignant, les rejets de ses griefs n’établissent pas que ses droits selon la Loi ont été violés. Ces rejets, si erronés qu’ils puissent être, ne peuvent être interprétés comme une menace ou comme une tactique d’intimidation, dans le contexte de l’espèce.

[50]   Ce n’est pas aux défendeurs qu’il appartient de faire valoir la cause du plaignant. Ce dernier avait la possibilité d’assigner des témoins avant l’audience et de présenter une preuve pendant l’audience. Lors de l’argumentation, il est trop tard pour demander un ajournement en vue de présenter d’autres éléments de preuve.

[51]   Les demandes répétées du plaignant pour que sa superviseure soit retirée du service et le refus du plaignant d’accepter des offres de médiation pour que soit abordée la détérioration de sa relation avec sa superviseure, en disent long sur son état d’esprit. Il n’y avait pas de preuve d’abus de pouvoir ou de collusion entre les défendeurs, et affirmer qu’il y a eu un abus de pouvoir ou une collusion entre les défendeurs est à mon avis gratuit, sinon frivole.

[52]   Pour ce qui est de l’allégation de discrimination, là encore, le plaignant n’a pas présenté de fondement à l’appui d’une telle allégation.

[53]   Absolument aucune preuve n’a été présentée qui puisse amener la Commission à conclure que, de quelque manière, les défendeurs n’auraient pas respecté les interdictions énoncées aux articles 8, 9 et 10 de l’ancienne Loi.

[54]   Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[55]   La plainte est rejetée.

Le 11 mai 2006.

(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Georges Nadeau,
vice-président

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