Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé travaille pour le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences à titre d’ingénieur professionnel du secteur des mines - par suite de la fermeture de mines au Cap-Breton et de l’abolition de son poste à Sydney (Nouvelle-Écosse), il a été réinstallé dans la région de la capitale nationale (RCN) le 17 octobre 2002 - sa famille est toutefois demeurée à Sydney en raison des problèmes de santé de sa belle-mère - la << période de réinstallation >>, c’est-à-dire la période durant laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé était admissible à certains avantages en vertu de la Directive sur la réinstallation, prenait donc fin en octobre 2004 - le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé la prolongation de cette période en invoquant des circonstances exceptionnelles - le grief a été rejeté par le comité pertinent du Conseil national mixte en vertu de la procédure de règlement des griefs du CNM et le fonctionnaire s’estimant lésé l’a porté à l’arbitrage de grief - l’arbitre de grief a conclu que les << circonstances exceptionnelles >> envisagées par les parties à la directive faisaient abstraction des situations personnelles telles que la maladie de la belle-mère du fonctionnaire - la situation doit être liée à l’incapacité manifeste du fonctionnaire de vendre sa maison en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, ce qui, compte tenu de l’objet et du contexte de l’ensemble de la Directive sur la réinstallation, concerne davantage l’état du marché immobilier que la situation personnelle ou familiale du fonctionnaire. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction
publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-05-19
  • Dossier:  166-2-35990
  • Référence:  2006 CRTFP 60

Devant un arbitre de grief



ENTRE

LESLIE HICKS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

employeur

Répertorié

Hicks c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Léo–Paul Guindon, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Yves Rochon, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :        Simon Kamel, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 7 septembre et le 16 novembre 2005.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1] Leslie Hicks (le fonctionnaire s'estimant lésé) a déposé un grief le 10 février 2004 contre son employeur, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC). Le grief se lisait comme suit (pièce G–10) :

[Traduction]

[...]

Je conteste la décision de l'employeur de ne pas m'accorder une exemption du délai de deux ans pour ma réinstallation, conformément au paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation du Conseil national mixte. Cette décision était déraisonnable et était contraire à l'objet et à la portée de la Directive sur la réinstallation en ce sens qu'elle ne respectait pas le principe selon lequel il faut que le processus soit exécuté « tout en causant le moins d'ennuis possible à l'employé muté et à sa famille ». La décision a également été prise de façon arbitraire par le directeur par intérim des Services de comptabilité et non pas par l'administrateur général, ni par l'agent de liaison ministériel du CNM, comme l'exige la Directive.

REDRESSEMENT RÉCLAMÉ

Exemption de la période de deux ans durant laquelle je suis obligé d'accomplir ma réinstallation. Réponse dans le délai de 10 jours, comme l'exige la procédure de règlement des griefs du CNM.

[2] L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) a renvoyé le grief à l'arbitrage de grief le 21 avril 2005.

[3] Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P–35.

[4] Au début de l'audience, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a demandé la permission de modifier le redressement réclamé dans le grief, comme suit :

Exemption de la période de deux ans durant laquelle je suis tenu d'accomplir ma réinstallation et une indemnisation intégrale.

(La partie soulignée doit être ajoutée au redressement réclamé)

[5] L'avocat de l'employeur a soulevé une objection à la modification demandée en invoquant le principe établi dans l'affaire Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a fait savoir à l'employeur à aucun des paliers de la procédure de règlement des griefs qu'« il souhaitait une indemnisation intégrale ». Par conséquent, l'avocat de l'employeur a fait valoir que la modification devrait être rejetée.

[6] L'avocat de l'employeur a également fait une objection préliminaire à cause du caractère peu pertinent et théorique du grief. Cette objection tient au fait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait vendu sa maison avant de déposer son grief et qu'il avait acheté une résidence à Ottawa après que ses personnes à charge y avaient déménagé en août 2004. Par conséquent, l'exemption réclamée ne peut avoir aucun effet sur la situation.

[7] En réponse à l'objection, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que l'employeur n'avait pas soulevé ces préoccupations à l'audience qui s'est tenue devant le Conseil national mixte (CNM) en janvier 2005. Par ailleurs, une modification a été acceptée dans l'affaire Re Halton Board of Education v. Ontario Secondary School Teachers' Federation, District 9 (1978), 17 L.A.C. (2d), 279, afin de permettre au conseil d'arbitrage dans cette affaire de faire une déclaration.

[8] La demande de modifier le grief et l'objection préliminaire ont été prises en délibéré et ces questions seront tranchées dans la présente décision.

[9] Un énoncé conjoint des faits a été présenté à titre de preuve et se lit comme suit (pièce G–1) :

[Traduction]

1.
Le grief déposé par M. Leslie Hicks concerne l'interprétation de la Directive sur la réinstallation du Conseil national mixte (CNM) (annexe  1). Ce grief a été déposé à la suite d'un réaménagement des effectifs et à la réinstallation subséquente, telle que demandée par l'employeur, de M. Leslie Hicks de Sydney, en Nouvelle–Écosse, à la région de l'AC, plus particulièrement comme suit :
Le dossier de la CRTFP : 166–02–35990 (CNM-AC-2004-0007), soumis le 10 février 2004, a trait au refus d'accorder une exemption du délai de deux ans pour accomplir la réinstallation, conformément au paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation (annexe  2).
Conformément à l'article 36 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada pour le groupe Sciences appliquées et génie, dont M. Hicks fait partie, la Directive sur la réinstallation, approuvée par le Conseil du Trésor du Canada, fait partie de la convention collective du groupe AP.
2.
M. Hicks est un ingénieur professionnel des mines qui a travaillé pendant 20 ans dans l'industrie souterraine de l'extraction de la houille réglementée par le gouvernement fédéral au Cap–Breton, en Nouvelle–Écosse.
Il occupe actuellement le poste d'ingénieur en sécurité industrielle à la Direction des opérations du travail au ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada à Gatineau (Hull).
Durant la période allant de 1995 à mars 2002, il a occupé un poste à Développement des ressources humaines Canada en tant que conseiller principal auprès de la Commission de la sécurité dans les mines de charbon (CSMC), qui se trouve au Cap–Breton, en Nouvelle–Écosse.
3.
En 1999, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il passerait en revue les opérations d'extraction de charbon au Cap–Breton. À l'époque, la direction a informé M. Hicks qu'il y aurait un poste pour lui à Ottawa, si son poste était menacé à la suite de cet examen.
4.
Le 17 avril 2001, ou un mois avant l'annonce officielle du 16 mai de la fermeture de la mine, M. Hicks a vendu sa maison, car il craignait que la fermeture des mines d'extraction du charbon réduise la valeur des propriétés et il est devenu locataire.
5.
Après le 16 mai 2001, M. Hicks a été informé de nouveau par la direction qu'un poste serait créé pour lui à l'AC et que la Directive sur le réaménagement des effectifs s'appliquerait à sa situation. On a également examiné à ce moment–là des options autres que la réinstallation à l'AC (retraite anticipée, autres postes au Cap-Breton).
6.
La mine a été fermée officiellement en décembre 2001 et M. Hicks s'est vu offrir une affectation à Gatineau (Hull) le 14 janvier 2002. M. Hicks a signé la lettre d'offre le 6 février 2002, en ajoutant la condition qu'il soit autorisé à travailler à partir de Sydney et que l'on réévalue sa situation en septembre 2002 (annexe  3).
7.
Le SMA, Travail (Warren Edmondson), a écrit à M. Hicks le 18 février pour l'informer qu'il était prêt à modifier l'offre d'emploi comme suit (annexe  4) :
     
  1. la date d'effet de sa nomination serait le 4 mars 2002;
  2. M. Hicks était autorisé à travailler depuis le bureau de Sydney jusqu'au 30 août 2002 afin qu'il puisse prendre les arrangements administratifs nécessaires en rapport avec sa réinstallation;
  3. M. Hicks déménagerait ensuite à la région d'Ottawa/Hull au plus tard le 3 septembre 2002.
8.
Le 21 février 2002, M. Hicks a accepté par courriel les conditions communiquées par le SMA (annexe  5).
9.
Le 27 février 2002, le directeur des Ressources humaines à la Direction générale du travail (Micheline Bélanger–Brûlé) a confirmé l'affectation de M. Hicks à un poste à l'AC (annexe  6), et M. Hicks a travaillé à partir du bureau de Sydney jusqu'à sa réinstallation à l'AC (Gatineau).
10.
Les 26 et 27 septembre 2002, M. Hicks a échangé des courriels avec la conseillère en déplacements et réinstallation (Andrée Rollin). L'une des questions abordées était celle de savoir si la réinstallation pouvait se faire en « deux phases ». Mme Rollin a répondu que la famille pouvait déménager en l'espace d'un ou de deux ans mais que le dossier devrait être fermé au plus tard le 2 septembre 2004 (annexe  7).
11.
Le 17 octobre 2002, M. Hicks a déménagé à l'AC, mais sa famille a continué d'habiter à Sydney, à cause des problèmes de santé de sa belle–mère.
12.
Le 17 septembre 2003, M. Hicks a envoyé un courriel à la conseillère en déplacements et réinstallation, Andrée Rollin, pour demander des éclaircissements au sujet du délai de deux ans (faisant suite à son courriel en date du 27 septembre 2002). De nouveau, l'employé a été informé du fait que la période de deux ans commence à la date précisée dans la lettre de nomination (3 septembre 2002). M. Hicks en a appelé au coordonnateur national de la réinstallation (directeur par intérim, Services de comptabilité à l'AC, Marcel Blais), qui a accepté de changer la date de clôture du dossier de réinstallation à octobre 2004 remplaçant ainsi la date du 3 septembre 2004 (annexe  8).
13.
Le 26 septembre, 2003, insatisfait de l'interprétation que donnait la direction au paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation, M. Hicks a déposé un grief (CNM–AC–2003–0076) (annexe  9). Le grief a été rejeté par le Comité du Conseil national mixte le 21 mars 2005 (annexe 10).
14.
Le 26 janvier 2004, une semaine après que M. Hicks a appris que son grief (CNM–AC–2003–0076) avait été refusé au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs du Ministère, M. Hicks en a appelé au coordonnateur national de la réinstallation (directeur par intérim, Services de comptabilité de l'AC, Marcel Blais), lui demandant de l'exempter de la période de réinstallation de sa famille, conformément au paragraphe 3.1.2 de l'objet et de la portée de la Directive sur la réinstallation, afin de tenir compte du stress que la réinstallation causerait à sa famille, et surtout à son épouse et à sa belle–mère malade qui habitait dans une maison de soins infirmiers (annexe  11).
15.
M. Hicks a été informé par le coordonnateur national de la réinstallation (directeur par intérim, Services de comptabilité de l'AC, Marcel Blais) le 9 février 2004 qu'il n'était pas admissible à une exemption de la période de réinstallation parce que « de telles prolongations à la période de deux ans sont accordées si l'employé peut démontrer son incapacité à vendre sa résidence pour des raisons indépendantes de sa volonté » (annexe  11).
16.
Le 10 février 2004, après avoir appris que sa demande d'exemption avait été rejetée, M. Hicks a déposé le grief CNM–AC–2004–0007 (dossier de la CRTFP 166–02–35990).
17.
Les personnes à charge de M. Hicks ont déménagé à Ottawa à la fin d'août 2004.
18.
Le grief CNM–AC–2004–0007 a été entendu le 13 janvier 2005, devant le CNM, et a été rejeté le 21 mars 2005 (annexe  12).
19. Par la suite, le grief a été renvoyé à la CRTFP.

[Sic pour l'ensemble de la citation]

Résumé de la preuve

[10] Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné que sa belle–mère avait été diagnostiquée comme souffrant de la maladie d'Alzheimer en octobre 2003. À l'époque, elle a été placée dans une maison de soins infirmiers. Auparavant, elle habitait seule dans un appartement pour personnes âgées et l'épouse du fonctionnaire s'estimant lésé lui fournissait un certain soutien. L'employeur était au courant de la situation et la possibilité de considérer la belle-mère du fonctionnaire comme personne à charge a été discutée dans des courriels en septembre 2002 (pièce G–8). Le 17 septembre 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé a transmis des courriels à Mme Rollin expliquant que le départ de ses personnes à charge avait été retardé pour plusieurs raisons, y compris à cause de maladie dans la famille (pièce G–9).

[11] L'interprétation que donnait le fonctionnaire s'estimant lésé au Guide sur la réinstallation (Secrétariat du Conseil du Trésor) était que l'on pouvait décider de ne pas appliquer la période de deux ans dans des circonstances exceptionnelles (paragraphe 3.1.2 du Guide sur la réinstallation, pièce G–3). Du point de vue du fonctionnaire s'estimant lésé, les mauvaises conditions qui prévalaient sur le marché de l'habitation n'étaient qu'un exemple des situations pouvant justifier une telle décision. La maladie dont était atteinte sa belle–mère pouvait être considérée comme une autre circonstance exceptionnelle justifiant une exemption. De plus, la Directive sur la réinstallation du CNM (pièce G–6) précise clairement qu'il faut viser à réinstaller l'employé de la façon la plus efficace possible tout en causant le moins d'ennuis possible à l'employé muté et à sa famille (pièce G–6). Imposer un déménagement à sa belle–mère aurait aggravé son invalidité, comme le médecin l'a expliqué au fonctionnaire s'estimant lésé. La situation était difficile pour la famille, et l'employeur n'a fourni aucune aide. Le reste de la famille a déménagé en août 2004, et à partir de ce moment–là, sa femme est retournée à Sydney en moyenne toutes les deux ou trois semaines. Le fonctionnaire s'estimant lésé réclame huit ou neuf voyages à 1 500 $ le voyage.

[12] L'avocat de l'employeur a élevé une objection au témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé concernant la Directive sur la réinstallation et le Guide sur la réinstallation en faisant valoir qu'il n'est pas un expert de l'interprétation de ces questions. J'ai statué que le fonctionnaire s'estimant lésé était autorisé à fournir, durant son témoignage, son interprétation personnelle de ces politiques, sans que ce soit en tant qu'expert.

[13] Marcel Blais, le directeur par intérim des Services de comptabilité, jouait le rôle de « coordonnateur national pour la Directive sur la réinstallation » en 2003. Le fonctionnaire s'estimant lésé lui a demandé d'examiner les conclusions de Mme Rollin (la conseillère en réinstallation), qui avait déclaré qu'aucune prolongation ne serait accordée (23 janvier 2004, pièce G–14). La réponse fournie par M. Blais le 9 février 2004 se lit comme suit (pièce G–14) :

[Traduction]

[...]

La Politique sur le programme de réinstallation intégré (PRI) est assez claire. La période de deux ans peut faire l'objet d'une exemption en vertu du paragraphe 3.1.2 dans le contexte des dépenses liées à la disposition et de l'acquisition d'un logement; il ne s'agit pas de cela ici.

Par ailleurs, la Politique sur le PRI précise que de telles prolongations de la période de deux ans sont accordées si l'employé peut démontrer son incapacité à vendre sa résidence pour des raisons indépendantes de sa volonté. De nouveau, il ne s'agissait pas de cela ici étant donné que vous avez déménagé et êtes devenu un locataire. Il est évident que vous n'êtes pas admissible à la prolongation telle que prévue dans la Politique sur le PRI.

Vous avez eu deux ans pour acheter un domicile à votre nouveau lieu de travail, et j'ai confirmé la date de clôture (octobre 2004) dans mon courriel du 18 septembre 2003. Malheureusement, des raisons personnelles ne peuvent être prises en compte pour décider de ne pas appliquer la politique. Je tiens à vous rappeler que la politique a été rédigée de concert avec des représentants syndicaux, des employés des relations de travail du Conseil du Trésor, le Conseil national mixte, etc.

[...]

[14] M. Blais a témoigné que l'article 3.1 de la Directive sur la réinstallation porte uniquement sur les dépenses au titre de la disposition et de l'acquisition d'un logement résidentiel et que le fonctionnaire s'estimant lésé n'y avait pas droit parce qu'il louait son domicile. M. Blais ne pouvait faire une recommandation à l'administrateur général qu'on n'applique pas la période de deux ans, parce qu'il n'avait aucun motif de le faire. La Directive sur la réinstallation précise que la prolongation de la période de deux ans doit reposer sur l'incapacité démontrée de l'employé à vendre son domicile. En l'espèce, la résidence du fonctionnaire s'estimant lésé avait déjà été vendue et par conséquent, il ne satisfaisait pas aux critères autorisant la prolongation de la période. Les circonstances ayant trait à la famille ne sont pas prises en considération dans le paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation, dont le respect est obligatoire, tel que précisé sous le titre « Objet et portée » (pièce G–6) :

[...]

Les dispositions relatives à la réinstallation ainsi que les restrictions qui leur sont apportées sont publiées sous forme de directives; ce ne sont pas des lignes directrices facultatives.  La direction et les ministères ne doivent exercer leurs pouvoirs discrétionnaires que dans les cas où ils sont dûment autorisés à le faire.

[...]

[15] M. Blais a traité les demandes de réinstallation jusqu'au 1er juillet 2004. Il n'était pas impliqué dans la décision de rembourser les honoraires immobiliers et juridiques au fonctionnaire s'estimant lésé pour la vente ou l'achat d'une résidence le 12 décembre 2004 et le 7 juillet 2005, comme le montre la pièce E–1. Durant le contre–interrogatoire, lorsqu'on lui a demandé si le fonctionnaire s'estimant lésé avait réclamé une chose à laquelle il n'avait pas droit, M. Blais a répondu qu'il n'avait pas vérifié cette réclamation.

Sur le bien–fondé du grief

[16] Le paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation, et plus particulièrement la Partie III, se lit comme suit :

Partie III - Logement

3.1 Généralités

3.1.1   L'employeur a pour politique d'accroître la mobilité de l'employé en l'aidant à aliéner, aussi rapidement que possible, sa résidence principale, que cet employé en soit propriétaire ou locataire, à son ancien lieu de travail et à acquérir une nouvelle résidence au nouveau lieu de travail.

3.1.2   Les dépenses au titre de la disposition et de l'acquisition d'un logement doivent être réclamées dans un délai de deux ans à partir de la date à laquelle l'employé et (ou) les personnes à sa charge quittent l'ancien lieu de travail ou avant cette date (voir le paragraphe 6.1.1).  L'employé pourra être exempté de cette limite si l'administrateur général ou son représentant donne son approbation.  La période de deux ans pourra être prolongée si l'employé peut démontrer son incapacité à vendre sa résidence pour des raisons indépendantes de sa volonté, par exemple un marché immobilier limité ou ayant connu un ralentissement considérable.

3.1.3   Un seul type d'aide est offert à l'ancien et au nouveau lieu de travail; par exemple, l'employé peut recevoir le remboursement du loyer versé avant le déménagement ou les dépenses au titre de l'achat d'une résidence principale, mais non les deux.

3.1.4   Dans des circonstances exceptionnelles, les employés qui obtiennent un remboursement de loyer avant leur déménagement et qui décident par la suite d'acheter une maison pourront être remboursés de la différence entre le montant que l'employeur leur avait versé pour leur permettre de louer un logement et les frais liés à l'achat d'une résidence, conformément à l'article 3.7.  Ce remboursement sera autorisé seulement :

[...]

[17] Les dispositions et définitions générales suivantes provenant de la Directive sur la réinstallation ont également été soumises par les parties, à l'appui de leurs arguments :

[...]

Objet et portée

La politique du gouvernement est la suivante. Dans toute réinstallation, il faut viser à réinstaller l'employé de la façon la plus efficace, c.-à-d. au coût le plus raisonnable pour l'État tout en causant le moins d'ennuis possible à l'employé muté et à sa famille.

[...]

Les dispositions relatives à la réinstallation ainsi que les restrictions qui leur sont apportées sont publiées sous forme de directives; ce ne sont pas des lignes directrices facultatives. La direction et les ministères ne doivent exercer leurs pouvoirs discrétionnaires que dans les cas où ils sont dûment autorisés à le faire.

[...]

Définitions

[...]

Personne à charge(dependant) -désigne toute personne qui habite avec l'employé ou la personne nommée et qui est, soit son conjoint soit la personne à l'égard de laquelle l'employé peut réclamer une exemption personnelle aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, soit un enfant célibataire, un enfant né d'un mariage antérieur, un enfant adoptif ou sous la tutelle légale de l'employé (ou de son conjoint) qui ne fait pas l'objet d'une déduction d'impôt et qui fréquente une école à plein temps. Un membre de la famille qui réside en permanence avec l'employé mais auquel cette définition ne s'applique pas aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu parce qu'il reçoit une pension est aussi considéré comme une personne à charge en vertu de la présente directive;

[...]

Résumé de l'argumentation

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[18] À la suite de l'allégation de l'avocat de l'employeur selon laquelle le grief n'est pas pertinent, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que la décision de l'employeur de refuser la prolongation de la période de deux ans causait des ennuis à la famille du fonctionnaire s'estimant lésé. La preuve montre que selon l'objet et portée de la Directive sur la réinstallation, la réinstallation devrait causer le moins d'ennuis possible à l'employé muté et à sa famille.

[19] L'expression ajoutée au redressement réclamé (« indemnisation intégrale ») n'a pas modifié la nature de la demande initiale. Il ne s'agit pas d'un nouveau fondement pour le grief, comme c'était le cas dans l'affaire Burchill. La demande de prolongation de la période de deux ans durant laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé peut demander le remboursement de certaines dépenses s'applique également aux dépenses qui ont été engagées durant la prolongation.

[20] Les deux parties reconnaissent que les coûts de réinstallation sont visés par la Directive sur la réinstallation. Les dépenses engagées au moment de la vente du domicile ou de l'achat d'un nouveau domicile ont fait l'objet d'un grief devant une autre instance, et le fonctionnaire s'estimant lésé a été remboursé. Par conséquent, le paragraphe 3.1.2 s'applique au fonctionnaire s'estimant lésé.

[21] Le Guide sur la réinstallation précise que l'on peut décider de ne pas appliquer la limite de deux ans dans des circonstances exceptionnelles. On donne comme exemple un ralentissement considérable du marché immobilier, et d'autres circonstances peuvent également être prises en considération. La principale raison pour laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé une prolongation de la période de réinstallation de sa famille était la maladie dont souffrait sa belle–mère. La décision de l'employeur de refuser de tenir compte de ces circonstances pour accorder une exemption de la limite de deux ans était déraisonnable et contraire au Guide sur la réinstallation et à la portée de la Directive sur la réinstallation.

[22] Le principe selon lequel l'arbitre de grief a pour devoir d'appliquer le concept du caractère raisonnable a été affirmé dans l'affaire Re Zehrs v. United Food and Commercial Workers' Union, Local 1977 (1996), 61 L.A.C. (4th) 25, et dans l'affaire Comeau c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans), 2001 CRTFP 112. Ces décisions précisent qu'il doit y avoir un « doute de bonne foi » ou de l'ambiguïté dans les dispositions en cause selon l'arbitre de grief pour qu'elles puissent faire l'objet d'une exemption.

[23] Lorsqu'on cherche à déterminer l'intention des parties, la supposition capitale est que les parties pensent ce qu'elles affirment et que le libellé utilisé dans la convention collective devrait être interprété dans son sens normal ou ordinaire (Canadian Labour Arbitration, troisième édition, de MM. Brown et Beatty : 4:2100 et 4:2326). Le paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation stipule que l'employé « pourra » être exempté de la limite de deux ans et accorde une certaine souplesse à l'administrateur général d'autoriser de telles prolongations. L'article 11 de la Loi d'interprétation, S.R. 1985, ch. 1–21, précise que l'octroi de pouvoirs, de droits, d'autorisations ou de facultés s'exprime essentiellement par le verbe « pouvoir ».

[24] Au paragraphe 3.1.2 du Guide sur la réinstallation, le verbe « pouvoir » est également utilisé pour donner une plus grande souplesse dans les circonstances qui peuvent donner lieu à une prolongation. La situation familiale du fonctionnaire s'estimant lésé peut représenter l'une de ces circonstances exceptionnelles à prendre en considération. L'employeur a une obligation de se conformer à l'objet et à la portée de la Directive sur la réinstallation et a aussi l'obligation de réduire au minimum les ennuis causés par la réinstallation au fonctionnaire s'estimant lésé et à sa famille.

[25] Le pouvoir de redressement de l'arbitre de grief inclut le pouvoir de prévoir un redressement dans le cadre d'une convention collective allant au–delà d'un simple jugement déclaratoire (voir Canadian Labour Arbitration (supra), à 2:1401). Dans l'affaire Boujikian c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166–2–27738 (1998) (QL), un certain redressement a été accordé à la suite d'un refus de répartir équitablement les heures supplémentaires et l'arbitre de grief a accordé au fonctionnaire s'estimant lésé une rémunération pour les heures supplémentaires manquées. Dans l'affaire Mungham c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 106, l'arbitre de grief a statué que le fonctionnaire s'estimant lésé avait droit à un dédommagement monétaire à cause de la violation de la convention collective, l'employeur n'ayant pas offert au fonctionnaire s'estimant lésé la possibilité de faire des heures supplémentaires.  Dans l'affaire Lo c. Conseil du Trésor (Secrétariat du Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 166–2–27825 (1998) (QL), l'arbitre de grief a recommandé vivement que l'employeur accorde un montant considérable au fonctionnaire s'estimant lésé en guise d'indemnisation.

[26] Dans les présentes circonstances, le fonctionnaire s'estimant lésé et sa famille devraient être indemnisés pour les ennuis causés par la décision de l'employeur de ne pas exempter l'employé de la période prescrite de deux ans. Le fonctionnaire s'estimant lésé a dû maintenir deux résidences et a engagé des dépenses pour retourner à plusieurs reprises à Sydney. Ces dépenses devraient être remboursées au fonctionnaire s'estimant lésé.

Pour l'employeur 

[27] L'avocat de l'employeur a répété son objection préliminaire selon laquelle la modification demandée par le fonctionnaire s'estimant lésé modifiait le grief initial. Le délai n'était plus en cause et la question était maintenant celle des dépenses engagées dans le contexte des voyages à Sydney pour visiter la belle–mère de M. Hicks. Ces dépenses n'étaient pas couvertes par la Directive sur la réinstallation.

[28] Si la demande présentée par le fonctionnaire s'estimant lésé avait pour but d'obtenir une indemnisation, l'arbitre de grief doit d'abord déterminer si le comportement de l'employeur enfreignait la convention collective. Le fardeau de la preuve incombe au fonctionnaire s'estimant lésé, qui n'a pas rencontré ce critère. La question est de savoir si d'autres circonstances peuvent être prises en considération pour permettre une prolongation de la période de deux ans, outre des problèmes à vendre un domicile. Le paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation précise qu'une prolongation de la période devrait être basée sur l'incapacité démontrée de l'employé à vendre sa maison. En l'espèce, l'employé a vendu sa maison avant d'avoir obtenu la lettre d'offre concernant sa réinstallation. Par conséquent, la prolongation ne peut être accordée.

[29] La preuve montre que le fonctionnaire s'estimant lésé a vendu sa maison le 17 avril 2001, avant sa réinstallation dans la région d'Ottawa/Hull le 3 septembre 2002. La période de deux ans prévue dans les paragraphes 3.1.1 et 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation est accordée pour la disposition et l'acquisition d'un logement et n'est pas reliée aux dépenses des voyages pour visiter une belle–mère. Les circonstances personnelles ne peuvent être prises en considération pour exempter l'employé de la période prescrite dans le paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation.

[30] Le Guide sur la réinstallation ne peut modifier les dispositions et limites énoncées dans la Directive sur la réinstallation. Les circonstances dans lesquelles on peut décider de ne pas appliquer la période de deux ans se limitent aux difficultés de vendre un logement, tel qu'énoncé dans la Directive sur la réinstallation.

[31] M. Blais a témoigné que le fonctionnaire s'estimant lésé ne peut baser sa demande d'indemnisation sur le paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation, parce qu'il louait un logement. Par ailleurs, sa belle–mère ne peut être considérée comme une personne à charge puisqu'elle n'habitait pas de façon permanente avec le fonctionnaire s'estimant lésé au moment de la réinstallation, contrairement à la définition de « personne à charge » que l'on trouve dans la Directive sur la réinstallation.

[32] La Directive sur la réinstallation est un document exhaustif comportant des catégories très précises des dépenses pouvant être remboursées, et il n'appartient pas à un arbitre de grief d'étendre les catégories et d'y inclure des dépenses additionnelles. La déclaration faite dans l'affaire Outingdyke c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 51, devrait s'appliquer en l'espèce.

[33] Dans l'affaire Comeau, le grief a été rejeté parce que les articles de la convention collective n'étaient pas ambigus et parce que l'arbitre de grief n'était pas en mesure d'établir qu'il y avait un « doute de bonne foi » quant à leur sens exact. Dans le cadre du présent grief, l'arbitre de grief devrait arriver à la même conclusion puisque les conditions du paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation sont claires.

[34] En l'espèce, la question du remboursement des dépenses à un fonctionnaire s'estimant lésé qui visite sa belle–mère à Sydney n'est pas incluse dans la Directive sur la réinstallation. La seule façon de se faire rembourser ces dépenses est de les considérer comme des dommages–intérêts. Puisque la Directive sur la réinstallation ne renferme aucune condition ayant un rapport avec ces dépenses, elles devraient être remboursées uniquement à titre de dommages–intérêts punitifs. Dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Lussier, [1993] A.C.F. no 64, la Cour d'appel fédérale a statué que l'arbitre de grief avait outrepassé sa compétence lorsqu'il avait attribué des dommages–intérêts punitifs. Cette décision devrait s'appliquer en l'espèce.

[35] L'avocat de l'employeur a soumis la décision Re Selkirk v. St. Andrews Regional Library and Canadian Union de Public Employees, Local 336 (2003), 119 L.A.C. (4th), 141, à l'appui de son argument que le clair libellé de la convention collective établit l'intention commune des parties.

Réplique pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[36] Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que les dispositions que l'on trouve à la section « Objet et portée » de la Directive sur la réinstallation créent de l'ambiguïté pour ce qui est de l'interprétation de la convention collective. Par conséquent, dans les cas d'ambiguïté, le Guide sur la réinstallation peut être utilisé pour clarifier la question.

Motifs

Modification au redressement demandé

[37] Dans le grief initial déposé contre son employeur le 10 février 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à être exempté de la période de deux ans énoncée au paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation. Au début de l'audience, le fonctionnaire s'estimant lésé voulait ajouter « et une indemnisation intégrale ». La preuve montre que le fonctionnaire s'estimant lésé souhaite se faire rembourser les dépenses des allers et retours à Sydney pour lui et sa femme, lorsqu'ils ont rendu visite à sa belle–mère, qui était hébergée dans une maison de soins infirmiers.

[38] Logiquement, je comprends que le fonctionnaire s'estimant lésé voulait être exempté de la période de deux ans afin qu'il soit possible pour lui de demander le remboursement de dépenses engagées au–delà de cette période. Toutefois, une requête d'exemption ou de prolongation d'une période a un caractère manifestement différent d'une demande de remboursement de dépenses. Or, aucune preuve n'a été soumise montrant qu'une demande de remboursement ait été discutée avec l'employeur à n'importe quelle étape de la procédure de règlement des griefs, dans le contexte du grief CNM–AC–2004–007.

[39] Par conséquent, le principe formulé dans l'affaire Burchill devrait s'appliquer en l'espèce. Du point de vue du tribunal, il n'appartenait pas au demandeur, après ne pas avoir obtenu gain de cause au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, de référer un grief nouveau ou différent, et par conséquent, la demande de modification est rejetée par la présente.

Sur le caractère peu pertinent et théorique du grief

[40] L'exemption ou la prolongation de la période de deux ans prévue au paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation ne constitue pas, à mon avis, une question théorique et n'a pas perdu sa pertinence simplement parce que l'audience a été tenue après la période susmentionnée. Si j'arrivais à la conclusion qu'il y avait eu violation du paragraphe 3.1.2, je pourrais accueillir le grief et annuler ou prolonger la période et, ce faisant, je donnerais plus de temps au fonctionnaire s'estimant lésé pour soumettre des dépenses engagées après la période de deux ans, qui ne constituerait plus une limite. Par conséquent, le grief n'est ni superflu ni théorique et ma décision à son égard peut faire varier les droits et obligations des parties. Par conséquent, l'objection préliminaire soulevée par l'avocat de l'employeur est rejetée.

[41] Les parties reconnaissent que la Directive sur la réinstallation est considérée comme faisant partie de la convention collective entre les parties et s'applique à la réinstallation du fonctionnaire s'estimant lésé de Sydney, en Nouvelle–Écosse, à Gatineau, au Québec, dans la région d'Ottawa/Hull, à la suite de son affectation le 14 janvier 2002.

[42] Le libellé des dispositions générales n'est pas ambigu et précise que les dispositions sont obligatoires et non pas facultatives. La discrétion pouvant être exercée par la direction et le Ministère doivent être clairement stipulées et doivent se limiter aux dispositions où une telle discrétion est autorisée spécifiquement.

[43] Le grief a trait au logement, tel qu'énoncé dans la Partie III de la Directive sur la réinstallation. Plus particulièrement, le grief a trait au paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation, qui porte sur les dépenses engagées au moment de la disposition et de l'acquisition d'un logement. L'article 3.1 autorise le remboursement de dépenses liées au logement, comme celles engagées pour acheter ou vendre une résidence et pour louer un logement, de la manière précisée aux paragraphes 3.1.3 et 3.1.4 de la Directive sur la réinstallation.

[44] Ces dépenses doivent être engagées avant ou durant la période de deux ans qui suit la réinstallation. En l'espèce, la période de deux ans s'est terminée en octobre 2004. Le paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation précise que l'on peut décider de ne pas appliquer ou de prolonger cette limite, mais la Directive sur la réinstallation ne définit pas les mots utilisés. Ainsi, je dois leur donner l'interprétation courante et générale. Par « exemption », on entend l'abandon d'un droit ou la renonciation à celui–ci (la période ou limite de deux dans ce cas–ci) et par « prolongation », on entend une période additionnelle durant laquelle des dépenses peuvent être engagées. Ces mots n'ont pas un sens contraire dans le paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation et sont plutôt complémentaires. Il me semble que l'employé puisse être exempté de la période de deux ans sans qu'un nouveau délai soit fixé ou que la période puisse faire l'objet d'une prolongation précise.

[45] Dans les deux cas, l'administrateur général ou son représentant a la discrétion d'autoriser une exemption ou une prolongation de la période de deux ans si l'employé est incapable de vendre sa résidence pour des raisons indépendantes de sa volonté. Cette circonstance particulière constitue la seule réserve explicite qui permet l'exercice du pouvoir discrétionnaire consistant à exempter l'employé ou à étendre la période de deux ans. Le libellé du paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation ne fournit aucune autre circonstance dans laquelle ce pouvoir discrétionnaire peut être exercé. La règle d'interprétation restrictive énoncée ci–dessus ne permet de tirer aucune autre conclusion. L'objectif général selon lequel la réinstallation doit causer le moins d'ennuis possible à l'employé muté et à sa famille n'élimine pas la règle d'interprétation restrictive sur laquelle les parties se sont entendues.

[46] Par conséquent, la discrétion de l'employeur d'exempter l'employé ou de prolonger la période de deux ans durant laquelle les dépenses ayant trait au logement peuvent être engagées se limite strictement à l'incapacité démontrée de l'employé à vendre sa résidence pour des raisons indépendantes de sa volonté. L'affirmation faite par le fonctionnaire s'estimant lésé que sa situation familiale, et plus particulièrement les problèmes de santé de sa belle–mère, peuvent être considérés comme une circonstance qui autorise l'employeur à exercer sa discrétion de l'exempter ou de prolonger la limite ne peut être acceptée.

[47] Après avoir analysé le paragraphe 3.1.2 dans le contexte de la Directive sur la réinstallation dans son ensemble, je suis d'avis que les circonstances envisagées par les parties à ce paragraphe doivent découler de facteurs externes n'ayant aucun rapport avec la situation personnelle de l'employé, comme celle décrite plus haut. Une exemption ou la prolongation de la période de deux ans devrait être basée sur l'incapacité démontrée de l'employé à vendre sa résidence ou pour en acheter une nouvelle, selon le cas (mon soulignement). Évidemment, à cause des circonstances invoquées par le fonctionnaire s'estimant lésé à l'appui de son grief, nommément la maladie de sa belle–mère et les soins et visites de sa femme auprès d'elle, il est difficile pour le fonctionnaire s'estimant lésé et ses personnes à charge de déménager de Sydney à Gatineau.  Toutefois, ces circonstances ne montrent pas l'incapacité du fonctionnaire s'estimant lésé à vendre sa maison ou à en acheter une nouvelle, au sens du paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation. Les faits montrent qu'il a vendu sa maison à Sydney le 17 avril 2001 et a déménagé à Gatineau le 3 septembre 2002, et que sa famille a suivi en août 2004. Compte tenu de ces circonstances, le refus de l'employeur d'exempter l'employé de la limite de deux ans fixée pour les « dépenses au titre de la disposition et de l'acquisition d'un logement » est conforme au paragraphe 3.1.2 de la Directive sur la réinstallation.  Par conséquent, le grief est rejeté.

[48] Je devrais mentionner également qu'il n'est pas nécessaire de se référer au Guide sur la réinstallation pour clarifier les dispositions non ambiguës du paragraphe 3.1.2. Le Guide sur la réinstallation est une preuve extrinsèque qui n'est pas incluse à la convention collective, contrairement à la Directive sur la réinstallation. Comme on peut le lire dans Canadian Labour Arbitration (supra), à 3:4400 (Extrinsic Evidence) (Preuve extrinsèque) :

[Traduction]

[...] Même s'il y a de nombreuses exceptions, la règle générale en droit commun est que la preuve extrinsèque n'est pas admissible pour contredire, modifier ou retirer des modalités d'une entente écrite ou pour y en ajouter. Cependant, si l'entente écrite est ambiguë, une telle preuve est admissible pour aider à l'interprétation de l'entente dans le but d'expliquer l'ambiguïté, sans pour autant modifier les modalités de l'entente. [...]

[49] Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[50] Le grief est rejeté.

Le 19 mai 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Léo–Paul Guindon,
arbitre de grief

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