Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé avait travaillé des heures supplémentaires et avait choisi un congé compensatoire en contrepartie - plus tard, il a demandé que les crédits de congé compensatoire lui soient versés en argent - initialement, l’employeur a rejeté sa demande - le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief à l’encontre de ce refus -- un deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a accepté de lui payer ses crédits de congé compensatoire - l’arbitre de grief a permis à un témoin de témoigner par téléphone et a précisé les critères qui s’appliquaient pour l’admission d’une telle preuve - il a décidé que le grief n’était pas simplement théorique puisque le différend opposant les parties concernant l’interprétation de la convention collective se poursuivait - il a conclu par ailleurs que la rémunération d’heures supplémentaires est de la rémunération à laquelle un employé a droit, dont le paiement ne peut être retenu par l’employeur aux termes de la convention collective - l’arbitre de grief était d’avis que la théorie de la préclusion ne pouvait être invoquée dans le cas en l’espèce - il a conclu que, en vertu de la convention collective, l’employeur était obligé de payer les crédits de congé compensatoire dans les six semaines qui suivaient la présentation de la demande - l’arbitre de grief a déclaré que l’employeur avait mal interprété et mal appliqué, à l’endroit du fonctionnaire s’estimant lésé, les dispositions de la convention collective. Grief accueilli partiellement.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-04-05
  • Dossier:  166-32-33934
  • Référence:  2006 CRTFP 39

Devant un arbitre de grief



ENTRE

GRAHAM HICKLING

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Répertorié
Hickling c. Agence canadienne d'inspection des aliments

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : : Paul E. Love, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Harinder Mahil, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur  : Renée Roy, avocate


Affaire entendue à Vancouver (C.-B.),
le 12 octobre 2005.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)


Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]   Le Dr Graham Hickling a déposé un grief auprès de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’« employeur ») alléguant qu’elle ne lui avait pas permis de liquider ses crédits de congé compensatoire lorsqu’il lui avait présenté une demande en ce sens. Il réclamait le paiement au montant de ses crédits de congé compensatoire, plus intérêt. À   l’époque pertinente, M. Hickling était régi par la convention collective signée le 27 mai 2002 par l’employeur et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour l’unité de négociation du groupe Médecine vétérinaire (la « convention collective »).

[2]   L’article B3 de la convention collective porte sur le paiement des heures supplémentaires et des congés compensatoires.   Le libellé en cause de la convention collective se trouve aux clauses B3.04 et B3.05 :

ARTICLE B3 – HEURES SUPPLÉMENTAIRES

[…]

B3.04
Sur demande de l'employé et à la discrétion de l'employeur, l'indemnité acquise en vertu du présent article peut être transformée en congé compensatoire au taux majoré applicable prévu au présent article. Les congés compensatoires acquis au cours d'un exercice financier et qui n'ont pas été pris au 30 septembre de l'exercice financier suivant seront rémunérés au taux de rémunération journalier de l'employé au 30 septembre.
B3.05
Lorsque le paiement est effectué en vertu du présent article, l'employeur s'efforce de verser la compensation monétaire dans les six (6) semaines qui suivent la date de la fin de la période de paye pour laquelle l'employé demande un paiement ou, si le paiement est demandé pour liquider les congés compensatoires non utilisés à la fin de l'exercice financier, l'employeur tentera d'effectuer ledit paiement dans les six (6) semaines du début de la première période de paye après le 30 septembre de l'exercice financier suivant.

[…]

[3]    M. Hickling a renvoyé son grief à l’arbitrage le 2 avril 2004. L’audience initiale fixée au 30 mars 2005 a été reportée à la demande de M. Hickling.

[4]    Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.   En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).

[5]    Au début de l’audience, M. Hickling m’a informé qu’il abandonnait sa demande relativement à l’intérêt sur le paiement des crédits de congé compensatoire.

Résumé de la preuve

[6]   M. Hickling est un vétérinaire de district au service de l’employeur à Victoria (Colombie-Britannique). Au cours de l’exercice 2002–2003, il a effectué des heures supplémentaires et a accumulé 178,95 heures de crédits de congé compensatoire. Lorsqu’il a placé ces crédits en réserve, son intention était de les conserver jusqu’à ce qu’il décide de les liquider.

[7]   Le 2 juin 2003, M. Hickling a demandé à l’employeur de lui payer ses crédits de congé compensatoire accumulés. Le 25 juillet 2005, Mae Cyr, directrice, Rémunération et avantages sociaux pour la région de l’Ouest, lui a répondu par courriel. Elle l’informait que l’employeur avait commis une erreur en payant ces crédits par le passé, mais que maintenant les paiements de ces crédits se ferait seulement après le 30 septembre 2003.

[8]   M. Hickling a tenté de régler le grief avec l’employeur. L’employeur lui a expliqué qu’il pouvait toucher une rémunération pour heures supplémentaires après avoir effectué les heures supplémentaires. Cependant, s’il décidait d’accumuler des crédits de congé compensatoire, il n’aurait droit au paiement de sa réserve d’heures accumulées qu’au 30 septembre, à la fin de l’exercice au cours duquel les crédits de congé pour heures supplémentaires avaient été acquis.

[9]   Dans un courriel de Stuart Wilson, directeur régional, Région continentale/intérieure de la Colombie-Britannique, daté du 30 juillet 2003, l’employeur a déclaré que la pratique antérieure était erronée et qu’elle allait à l’encontre de la convention collective. M. Wilson a expliqué que M. Hickling pouvait demander le paiement de ses heures supplémentaires au moment où il les effectuait, mais que si le congé compensatoire n’était pas pris, un paiement serait émis une seule fois par année, le 30 septembre de l’année suivant l’exercice au cours duquel les heures supplémentaires étaient effectuées.

[10]   Le 6 août 2003, Harinder Mahil, un représentant de l’agent négociateur, a signifié à l’employeur que, de l’avis de l’agent négociateur, la convention collective prévoyait que l’employeur était tenu de payer les crédits de congé compensatoire dans les six semaines suivant la période de paye pour laquelle l'employé demande un paiement.

[11]   Le 21 août 2005, M. Hickling a reçu un courriel de Glenda Buyan, adjointe   administrative de M. Wilson, l’informant que la demande initiale avait été approuvée par M. Wilson et qu’il recevrait un chèque dans quelques semaines.

[12]   Par le passé, M. Hickling avait demandé de liquider ses crédits de congé compensatoire et l’employeur avait liquidé sa réserve de crédits à des dates autres que le 30 septembre suivant la fin de l’exercice. À titre d’exemple, M. Hickling a déposé une preuve documentaire montrant que le 21 mai 1999 il avait demandé la liquidation de ses crédits de congé compensatoire et que le directeur, Rick Czuba, avait émis un chèque en date du 9 juin 1999.

[13]   L’employeur n’a pas payé les crédits de congé compensatoire dans les semaines suivantes. M. Hickling a déposé un grief, le 25 septembre 2003, alléguant que l’employeur avait enfreint la clause B3.05 de la convention collective parce qu’il ne lui avait pas payé le montant dans les six semaines suivant la date de la demande et qu’il refusait de verser le paiement contrairement à ce que prévoyait le courriel reçu de Mme Cyr le 25 juillet 2003. L’employeur a émis un chèque à M. Hickling le 19 novembre 2003 et ce dernier l’a reçu le 2 décembre 2003.  

[14]   L’employeur semble avoir admis, au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, que M. Hickling avait droit à un paiement pour ses crédits de congé compensatoire. Dans une lettre du 21 novembre 2003, M. W. Lanterman, directeur exécutif associé intérimaire a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Comme vous n’avez pas été informé que la pratique antérieure n’était plus permise et que le gestionnaire a approuvé le paiement de ces congés compensatoires, je conclus que votre demande aurait dû être traitée à ce moment. […]

[…]

[15]   L’employeur n’a pas contre-interrogé M. Hickling, et son témoignage n’est donc pas contesté. L’employeur a admis que d’autres gestionnaires de la région de l’Ouest avaient fait une « erreur semblable » et avaient payé des crédits de congé compensatoire à la demande de leurs employés.

[16]   M. Hickling a appelé le négociateur en chef de son agent négociateur, Michel Gingras, à témoigner relativement à la négociation de la convention collective en vigueur. M. Gingras négocie des conventions collectives depuis 29 ans et est au service de l’agent négociateur depuis 1998. Il connaît bien la convention collective en question pour l’avoir lui-même négociée.

[17]   La dernière ronde de négociations a commencé en octobre 2003. L’employeur et l’agent négociateur ont conclu une entente en juin 2005 et celle-ci a été ratifiée par l’agent négociateur.   L’employeur procède actuellement à la ratification de la nouvelle convention collective. Selon la recherche effectuée par M. Gingras, le libellé des clauses B3.04 et 3.05 de la convention collective se retrouve dans les conventions collectives depuis 1984, voire même avant.  

[18]   M. Hickling a produit en preuve (pièce G-3) les demandes exhaustives que l’agent négociateur a présentées à la table de négociation. Elles contiennent les propositions suivantes concernant les clauses B3.04 et B3.05 :

[Traduction]

B3.04
(ajout) Si sa demande de congé compensatoire est refusée, l’employé peut, une fois par année, demander le paiement de la totalité des congés compensatoires qui lui ont été refusés à la suite de la présentation de demandes, et l’employeur consent à verser ce paiement.
B3.05
Modification de la dernière phrase : l'employeur tentera d'effectuer ledit paiement dans les six (6) semaines l’employeur tente de payer en espèces les heures supplémentaires dans la période de paye suivant celle au cours de laquelle les crédits sont acquis.

          [Les caractères gras sont dans l’original]

Une note inscrite à côté des clauses indique que les demandes de l’agent négociateur ont été retirées le 3 mars 2005.

[19]   M. Gingras a affirmé que l’agent négociateur avait proposé des modifications au libellé des clauses B3.04 et B3.05 parce que, même si le libellé était clair, l’application n’était pas uniforme dans l’ensemble du Canada. Dans le cadre de la négociation de la nouvelle convention, l’agent négociateur avait tenté de régler ce qui pourrait, à son avis, constituer un problème potentiel.

[20]   M. Gingras a déclaré que la porte-parole en chef de l’employeur, Line Caissie, avait assuré que l’employeur faisait déjà ce que l’agent négociateur voulait et qu’il n’était pas nécessaire d’ajouter des précisions qui alourdiraient la convention collective.   Mme Caissie a dit que l’employeur pourrait émettre un bulletin sur ce point. M. Gingras a expliqué que l’agent négociateur n’avait pas aimé la réponse de l’employeur, mais que la négociation collective reposait sur le principe donnant-donnant et qu’il avait retiré ses demandes.

[21]   Lors du contre-interrogatoire, M. Gingras a déclaré qu’à son avis l’employeur négociait de manière honnête et qu’il ne semblait pas disposé à [traduction] « faire de concessions au sujet de notre libellé. Comme la question n’était pas de très grande importance, nous avons accepté l’assurance donnée et passé à autre chose ».

[22]   L’employeur a demandé un ajournement à plusieurs reprises au motif qu’il était pris au dépourvu devant l’intention de M. Hickling d’appeler M. Gingras à témoigner. Lorsque l’employeur a compris qu’il n’y aurait pas d’ajournement, il a demandé la tenue d’une conférence téléphonique afin d’entendre le témoignage de Mme Caissie. M. Hickling aurait préféré une vidéoconférence, mais comme cela n’était pas possible à ce moment, il a consenti à ce que Mme Caissie témoigne par conférence téléphonique.

[23]   Sous le régime de l’ancienne Loi, les arbitres de griefs n’ont pas reçu de nombreuses demandes de témoignage par conférence téléphonique. J’ai établi les conditions suivantes pour la réception de la preuve dans le cadre de la présente procédure :

a) Le témoignage devait être fait au moyen d’une affirmation, étant donné qu’il était impossible de faire prêter serment par conférence téléphonique.

b) La personne qui témoignait devait confirmer son identité. Comme M. Gingras connaissait personnellement Mme Caissie, il a confirmé son identité en reconnaissant sa voix.

c) Je devais être convaincu que les réponses données par le témoin étaient ses propres réponses et qu’elles n’étaient pas dictées par une autre personne ou tirées de documents dont les parties n’avaient pas pris connaissance. Cette condition a été satisfaite par Mme Caissie qui a confirmé sous affirmation qu’elle était seule dans la pièce, que la porte était fermée, qu’elle avait devant elle des documents nommés et aucun autre document et que ces documents avaient été transmis à l’arbitre de grief et à M. Hickling.

[24]   Après avoir entendu Mme Caissie sur ces points préliminaires ainsi que M. Gingras, j’ai permis à Mme Caissie de témoigner. Mme Caissie est la gestionnaire, Négociation collective et rémunération, pour l’employeur. Elle a déclaré que la seule situation où les crédits de congé compensatoire en réserve étaient remboursés immédiatement en espèces était lorsque l’employé demandait un congé et que, pour des motifs opérationnels, il ne pouvait pas être accordé au moment demandé.

[25]   Lors de l’interrogatoire principal, Mme Caissie a répondu à des questions hypothétiques. Le recours à des questions hypothétiques me donne l’impression que l’on demandait à Mme Caissie ce que serait sa réponse plutôt que ce qu’a été réellement sa réponse pendant les négociations. La forme hypothétique des questions, ainsi que les réponses données, porte à croire qu’elle n’a pas de souvenirs précis de l’événement. L’employeur ne lui a pas fait part des déclarations précises de M. Gingras et a fait appel à elle vraisemblablement pour contredire ce témoignage. Par conséquent, je préfère le témoignage de M. Gingras. Ce faisant, je ne rejette pas le témoignage de Mme Caissie à cause d’un problème de crédibilité. Or, l’employeur a eu l’occasion de traiter de ce point de manière directe, ce qu’il n’a pas fait de manière satisfaisante. Je note également que l’historique de la négociation, comme en a témoigné M. Gingras, tend à démontrer qu’il existait une pratique par le passé relativement à la liquidation des crédits de congé compensatoire en tout temps, à la demande de l’employé, mais que cette application de la convention collective n’était pas uniforme à l’échelle du pays.

[26]   J’ai également entendu le témoignage de Mme Cyr, directrice, Rémunération et avantages sociaux pour la région de l’Ouest. Dans le cadre de ses fonctions, elle veille à ce que les huit employés affectés à la rémunération traitent les questions touchant la rémunération et les avantages sociaux dans des délais raisonnables. Dès son entrée en poste, en 2002, elle s’est penchée sur la pratique du paiement des crédits de congé compensatoire. À son avis, dans la région de l’Ouest, les demandes étaient faites et accordées de manière irrégulière, à différentes dates autres que le 30 septembre. Elle a consulté l’administration centrale pour confirmer son interprétation de la convention collective. On lui a répondu que l’employé qui effectuait des heures supplémentaires avait le choix de se les faire payer dans une période de six semaines ou de convertir ces heures supplémentaires en crédits de congé compensatoire qu’il pourrait prendre en congé en remplacement d'une rémunération en espèces.

[27]   Après avoir reçu cette information, Mme Cyr a communiqué avec sa gestionnaire, Patricia Henderson. Celle-ci lui a dit de donner comme instruction à son personnel de ne plus traiter les demandes de paiement des crédits de congé compensatoire présentées après le 30 septembre.

[28]   Mme Cyr a mentionné que l’employé qui effectue des heures supplémentaires doit remplir une formule de congé et d’heures supplémentaires, ACIA 4300 (pièce G-2, onglet 2). Cela se fait généralement par voie électronique. L’employé soumet sa formule de demande de congé par voie électronique au commis aux congés. Celui-ci le transmet alors à la section de Mme Cyr aux fins de traitement par les spécialistes de la rémunération.  

[29]   Mme Cyr a examiné la demande de paiement de M. Hickling. Comme elle ne s’inscrivait pas dans la période suivant le 30 septembre, elle a signifié à M. Hickling par courriel, le 25 juillet 2003, que sa demande était rejetée. Elle a également transmis le courriel en copie conforme à d’autres personnes, notamment aux deux agents de la planification et des ressources qui supervisent les commis aux congés, et à M. Wilson, qui occupait alors le poste de directeur régional, région continentale/intérieure de la Colombie-Britannique. L’objectif était d’amener tous les secteurs de la région de l’Ouest à se conformer à l’interprétation que l’administration centrale faisait de la convention collective.

[30]   Lors du contre-interrogation, Mme Cyr a admis que l’agent négociateur n’avait jamais été consulté au sujet de cette interprétation, et qu’elle appliquait son interprétation de la convention collective ainsi que celle de l’administration centrale. L’agent négociateur n’a pas déposé de plainte relativement à la pratique dans la région de l’Ouest qui l’aurait incitée à agir.

[31]   Selon Mme Cyr, la pratique dans la région de l’Ouest n’était pas conforme à la pratique de l’employeur dans l’ensemble du Canada. J’accepte que c’est ce qu’elle croyait et comprenait. Je ne retiens toutefois pas ce qu’elle croit comme preuve de la pratique de l’employeur dans le reste du pays.   La réplique au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs semble indiquer que l’employeur avait modifié sa pratique :

[Traduction]

[…]

Au cours de l’audition du grief,   on s’est accordé pour dire que vous n’aviez pas été informé qu’il n’était plus permis, comme c’était la pratique par le passé, de payer les congés compensatoires en tout temps, sur demande.  […]

[…]

Par ailleurs, je retiens le témoignage de M. Gingras selon lequel la pratique de l’employeur n’était pas uniforme à l’échelle du pays, c’est pourquoi l’agent négociateur a soumis une proposition à la dernière ronde de négociation collective.

Résumé de l’argumentation

[32]   M. Hickling prétend qu’un employé a le droit de demander le paiement de ses crédits de congé compensatoire acquis en tout temps, en vertu des clauses B3.04 et B3.05 de la convention collective : Nikiforuk c. Conseil du Trésor (Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada), dossier de la Commission  166-02-14774 (1985) (QL). Les heures supplémentaires sont des indemnités acquises par l’employé, et l’employeur ne peut donc pas en retenir unilatéralement le paiement lorsque l’employé le demande. M.  Hickling prétend que le paiement de ces indemnités en novembre, relativement à la demande présentée en juin, constitue une violation de la convention collective. Il ne s’agit pas d’un exercice juste et raisonnable du pouvoir discrétionnaire :   Re York University and York University Faculty Association (1980), 26 L.A.C. (2d) 17.

[33]   Par ailleurs, l’employeur n’a pas le droit de modifier une pratique antérieure pendant la durée d’une convention collective sans négocier la question. L’employeur avait pour pratique antérieure de liquider les crédits de congé compensatoire lorsqu’un employé présentait une demande. M. Hickling fait valoir que l’agent négociateur a soulevé la question pendant les négociations et qu’il a retiré sa proposition après avoir reçu l’assurance de l’employeur qu’il n’était pas nécessaire de clarifier la pratique des parties relativement au paiement des crédits de congé sur présentation d’une demande. L’arbitre de grief devrait accorder une grande importance aux promesses faites dans le cadre de la négociation collective : Agence canadienne d’inspection des aliments c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2001 CRTFP 98. L’agent négociateur a subi un préjudice en se fiant aux déclarations de l’employeur, et toutes les conditions nécessaires sont réunies pour donner lieu à la préclusion : Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration (Third Edition), 2:2200-2:2223.

[34]   L’employeur fait valoir que M. Hickling a demandé le paiement de ses crédits de congé compensatoire, plus intérêt. M. Hickling a eu gain de cause au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs en ce qui concerne la portion de son grief portant sur le paiement de ses crédits de congé compensatoire. Compte tenu que M. Hickling a retiré sa demande pour obtenir des intérêts dans sa déclaration d’ouverture à l’audience, le différend est réglé et la question est maintenant théorique. L’employeur prétend que je n’ai pas la compétence pour me prononcer sur les observations soulevées parce que l’affaire est théorique. Pour ce qui est du fond de l’affaire, l’employeur soutient qu’une fois que l’employé a choisi de mettre en réserve ses crédits de congé compensatoire, il ne peut pas changer d’idée et demander le paiement de ces crédits.   L’affaire Canada (Conseil du Trésor) c. Horth, [1987] A.C.F. n o 1031 (C.A.) (QL), tranche clairement cette question. En outre, les éléments nécessaires pour invoquer la préclusion ne sont pas présents en l’espèce : Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration (Third Edition), 2:2211. Il n’y a pas de pratique établie, et ni M. Hickling ni l’agent négociateur n’ont manifesté de confiance préjudiciable. Le témoignage des négociateurs n’est pas pertinent aux questions devant être tranchées.

[35]   À titre de réplique, M. Hickling fait valoir que son grief est un grief de principe.  Le fait que l’employeur a payé des crédits de congé compensatoire après le dépôt du grief n’est pas déterminant pour ce qui est de décider si M. Hickling peut présenter son grief. M. Hickling prétend que la question n’est pas théorique et qu’aucune décision faisant autorité n’a traité du libellé de la convention collective et de la question devant moi. Il demande une interprétation de la convention collective et de ses droits.

Motifs

[36]   Le grief dont je suis saisi est un grief individuel que M. Hickling a déposé auprès de l’employeur conformément à l’article 91 de l’ancienne Loi et qu’il a renvoyé à l’arbitrage de grief conformément à l’article 92 de cette Loi. Il ne s’agit pas d’un « grief de principe » renvoyé à la Commission par l’agent négociateur conformément à l’article 99 de l’ancienne Loi. Cette affaire m’a été renvoyée en ma qualité d’arbitre de grief et, à ce titre, je dois trancher les questions soulevées dans le grief.

[37]   L’employeur soulève la question du caractère théorique de l’affaire. À son avis, le grief est théorique du fait que les crédits de congé compensatoire ont été payés à M. Hickling et que celui-ci a abandonné sa réclamation pour obtenir des intérêts dans sa déclaration d’ouverture. Outre le paiement versé par l’employeur et l’abandon de la réclamation pour obtenir des intérêts, il demeure un désaccord entre les parties concernant l’interprétation de la convention collective. Ceci ressort de la réplique de l’employeur lorsque le grief a été accueilli au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, le 21 novembre 2003,  au motif suivant :

[Traduction]

[…]

Au cours de l’audition du grief,   on s’est accordé pour dire que vous n’aviez pas été informé qu’il n’était plus permis, comme c’était la pratique par le passé, de payer les congés compensatoires en tout temps, sur demande. Le 25 juillet 2003, le service de la rémunération vous a informé que ce paiement ne pouvait pas être effectué. Cependant, vous avez reçu un courriel de G. Buyan, le 21 août 2003, vous avisant que M. S. Wilson, directeur régional, avait approuvé le paiement. Comme vous n’avez pas été informé que la pratique antérieure n’était plus permise et que le gestionnaire a approuvé le paiement de ces congés compensatoires, je conclus que votre demande aurait dû être traitée à ce moment. C’est pourquoi, il est fait droit au grief.  […]

En ce qui concerne l’interprétation des clauses B3.04 et B3.05 de la convention collective du groupe Médecine vétérinaire, je souscris à la réponse rendue au premier palier. Aucune disposition ne prévoit le paiement en espèces de congés compensatoires acquis au cours d’un exercice et non utilisés au 30 septembre de l’exercice suivant en tout temps autre que le 30 septembre. Votre grief est donc rejeté.

[Je souligne]

[38]   M. Hickling prétend essentiellement qu’un employé peut choisir, en tout temps, de recevoir un paiement en espèces pour ses crédits de congé compensatoire acquis et que, si l’employé choisit de recevoir un paiement, l’employeur doit lui verser le montant dans une période de six semaines. Selon l’employeur, une fois que les congés compensatoires sont mis en réserve, ils ne peuvent pas être payés avant le 30 septembre de l’exercice suivant l’année où les crédits de congé ont été accumulés. La décision de l’employeur de faire droit au grief n’aborde pas la question de la pertinence de l’interprétation que M. Hickling fait de la convention collective. Il est clair que l’interprétation des clauses B3.04 et B3.05 de la convention collective demeure une question réelle qui oppose les parties. Par conséquent, je rejette l’argument de l’employeur relativement au caractère théorique de l’affaire : Nikiforuk (précitée).

[39]   La question à trancher est de savoir si la décision dans l’affaire Horth (FCA) ( précitée) s’applique en l’espèce. Dans Horth (FCA), la Cour fédérale d’appel a examiné le libellé suivant de la convention collective :

20.06 Lorsque l'employé qui est affecté à une opération continue, qui n'est pas interrompue un jour férié désigné payé, travaille ce jour-là :

a) il est rémunéré conformément aux dispositions du paragraphe 20.05,
ou
(b) sa demande et avec l'approbation de l'Employeur, il bénéficie :
(i)d'un jour de congé payé à une date ultérieure en remplacement du jour férié,

[…]

[40]   La Cour a statué ce qui suit :

[…]

Cet article ne donne à l'employé le droit de faire option du mode de rémunération qu'après qu'il a fourni sa prestation de travail. La règle générale prévue au paragraphe a) veut alors qu'il soit rémunéré en argent. Il peut cependant selon le paragraphe b) « sur sa demande et avec l'approbation de l'employeur » bénéficier d'un congé compensatoire.

A l'inverse par conséquent, l'employé ne peut se retirer de l'option b) qu'avec l'approbation de l'employeur.

[…]

[41]   J’ai pris connaissance de la décision d’arbitrage de grief dans l’affaire Horth c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP  166-02-16424 (2 juillet 1987) (QL), ainsi que de la décision de la Cour fédérale d’appel.   Je refuse de suivre la décision de la Cour. Le libellé de la convention collective en l’espèce est considérablement différent de celui de la convention collective en cause dans cette affaire. Tout particulièrement, la convention collective en question dans l’affaire Horth (CFA) ne comporte aucun libellé équivalent à celui de la clause B3.05 de la convention collective visée en l’espèce. Comme le libellé est différent, je conclus que la décision de la Cour ne fait pas autorité.

[42]   Néanmoins, je dois évaluer si le raisonnement dans Horth (CFA) (précitée) me convainc que le libellé de la convention collective reflète les principes énoncés par la Cour fédérale d’appel.   La Cour n’a pas motivé sa conclusion suivante :

[…]

A l'inverse par conséquent, l'employé ne peut se retirer de l'option b) qu'avec l'approbation de l'employeur.

[…]

[43]   Je refuse également de suivre l’affaire Horth (CFA) (précitée) parce l’application à la présente affaire du principe appliqué par la Cour fédérale d’appel rendrait inopérant le libellé pourtant très clair de la clause B3.05.

[44]   L’article B3 de la convention collective porte sur les heures supplémentaires. Le libellé en litige est énoncé aux clauses B3.04 et B3.05 de la convention collective.

[45]   J’imagine que l’employeur a émis des chèques séparés aux montants des crédits de congé compensatoire ou qu’il les a payés par dépôt direct lorsque les demandes antérieures de M. Hickling pour la liquidation de ses crédits de congé compensatoire accumulés ont été acceptées. Rien dans la preuve présentée ne précise quel système de paiement l’employeur utilisait. La convention collective ne contient pas de notes sur la rémunération qui pourraient m’aider à établir comment les paiements salariaux étaient administrés ou comment les périodes de paye étaient déterminées. Par exemple, il m’a été impossible de savoir si un chèque séparé était émis pour les heures supplémentaires, si le dépôt direct était utilisé ou si les heures supplémentaires étaient payées avec d’autres indemnités sur le chèque de paye normal.  

[46]   Il ne faut pas oublier que les heures supplémentaires sont des indemnités acquises par l’employé. En général, l’indemnité acquise pendant une période de paye doit être payée dans une période déterminée suivant la fin de la période de paye. En l’absence de libellé dans la convention collective portant sur l’échéance des paiements salariaux, il faut présumer que l’employeur doit payer l’indemnité dans un délai raisonnable. Sauf s’il est investi du droit exprès de retenir le salaire, l’employeur doit le payer dans un délai raisonnable.

[47]   En l’absence de précision à cet effet dans la convention collective, l’employé n’aurait pas le droit d’accumuler des crédits de congé compensatoire en remplacement d’une rémunération pour heures supplémentaires. Dans le cours normal des choses, un employé qui n’a pas opté pour les crédits de congé compensatoire recevrait une rémunération d’heures supplémentaires effectuées pour la période de paye dans un délai raisonnable suivant la fin de la période de paye au cours de laquelle les heures supplémentaires ont été effectuées.

[48]   La clause B3.04 crée une exception au régime de paiement de la rémunération pour heures supplémentaires. Cette exception accorde à l’employé un choix pour l’indemnisation de ses heures supplémentaires : l’employé peut choisir entre le paiement de ses heures supplémentaires ou les crédits de congé compensatoire. Si l’employé opte pour les crédits de congé compensatoire, il doit en faire la demande. L’employeur peut accepter ou non le choix de l’employé d’accumuler des crédits de congé compensatoire. Une fois que l’employeur a accepté le choix de l’employé, c’est à l’employeur d’administrer ce choix. L’employé peut accumuler des crédits de congé compensatoire seulement jusqu’à la fin de l’exercice. Les sommes mises en réserve doivent être payées après le 30 septembre de l’exercice suivant, au taux en vigueur au 30 septembre.

[49]   À mon avis, l’interprétation de l’employeur, qui prétend qu’une fois que l’employé a choisi de réserver ses crédits de congé compensatoire il pourra obtenir un paiement seulement après le 30 septembre, rendrait inopérant le libellé de la clause B3.05, tout particulièrement la partie suivante :

[…] dans les six (6) semaines qui suivent la date de la fin de la période de paye pour laquelle l'employé demande un paiement.  […]

[50]   De la lecture conjointe des clauses B3.04 et B3.05 se dégagent trois choix d’indemnisation d’un employé qui effectue des heures supplémentaires. La clause B3.04 indique clairement qu’un employé peut choisir d’être rémunéré pour les heures supplémentaires effectuées ou que l’employeur peut refuser sa demande en vue d’accumuler des crédits de congé. Cela ressort implicitement des mots «  […] l'indemnité acquise en vertu du présent article peut être transformée en congé compensatoire […] ». S’il n’y a pas de demande de congé compensatoire, le paiement doit être effectué conformément au système de paye de l’employeur.  

[51]   Une deuxième situation découle de la clause B3.05 et des mots « Lorsque le paiement est effectué en vertu du présent article, l'employeur s'efforce de verser la compensation monétaire dans les six (6) semaines qui suivent la date de la fin de la période de paye pour laquelle l'employé demande un paiement  […] », ce qui permet à un employé de demander la liquidation des crédits de congé compensatoire qu’il a acquis.   Si un employeur avait le droit de retenir le paiement des crédits de congé compensatoire jusqu’au 30 septembre de l’exercice suivant, ces mots ne seraient pas nécessaires. Ces mots n’accordent pas un pouvoir discrétionnaire à l’employeur, et cette interprétation cadre avec l’idée que la question porte sur des indemnités acquises. Rien dans les clauses B3.04 ou B3.05 ne prévoit un droit, une exigence ou un pouvoir discrétionnaire de l’employeur de rejeter la demande d’un employé qui souhaite liquider ses crédits de congé compensatoire.  

[52]   La troisième situation survient lorsque l’employé n’a pas demandé la liquidation de ses crédits de congé compensatoire et que ceux-ci n’ont pas été utilisés au 31 mars. L’employé n’est pas tenu à ce moment de demander la liquidation de ses crédits de congé compensatoire non utilisés. L’employeur doit s’assurer que les crédits de congé compensatoire sont liquidés au «  […] début de la première période de paye après le 30 septembre de l'exercice financier suivant ».   Encore une fois, l’employeur n’a pas le pouvoir discrétionnaire de ne pas payer les crédits de congé compensatoire non utilisés. Un employeur n’a pas le droit de retenir le paiement d’indemnités en l’absence d’un libellé lui accordant expressément ce droit.

[53]   La clause B3.04 accorde à l’employé le choix de réserver ses crédits de congé compensatoire; ce choix s’exerce sur demande de l'employé et à la discrétion de l'employeur. Cependant, l’employeur doit calculer au 30 septembre la valeur des crédits de congé compensatoire non utilisés de l’exercice précédent, et payer ces sommes à l’employé. Ce dernier n’a pas le droit de garder en réserve ces crédits de congé pour une période de plus de six mois suivant la fin de l’exercice. Le libellé de la clause B3.05 accorde toutefois à l’employé le droit de présenter une demande à l’employeur pour la liquidation de ses crédits de congé compensatoire. S’il présente une telle demande, il doit être payé dans les six semaines qui suivent la date de la fin de la période de paye pour laquelle il a demandé le paiement.

[54]   Un arbitre de grief s’est penché sur un libellé semblable de la convention collective dans Nikiforuk (précitée), à la page 11 :

[…]

60. En résumé donc, le paragraphe 26.10(1) établit, comme prémisse majeure, qu'un employé a le droit d'être rémunéré en espèces pour les heures supplémentaires effectuées.   Il dispose également qu'avec l'approbation de l'employeur, l'employé peut accumuler des heures supplémentaires afin de prendre ultérieurement un congé payé.  Le paragraphe 26.10(1) n'empêche pas, selon moi, un employé qui a accumulé des crédits au titre des heures supplémentaires de changer d'avis et n'autorise pas l'employeur à retenir la rémunération des heures acquises jusqu'à la fin de la période de 12 mois prévue au paragraphe 26.10(3).

[…]

[55]   Je trouve convaincant le raisonnement dans Nikiforuk (précitée) puisque rien dans la convention collective n’empêche un employé de changer d’idée relativement à la forme d’indemnisation pour des heures supplémentaires effectuées ou qui n’habilite l’employeur à en retenir le paiement.   Si l’employeur était habilité à le faire, on pourrait s’attendre à ce que ce droit soit clairement exprimé dans la convention collective, étant donné la présomption que les indemnités acquises doivent être payées dans un délai raisonnable.

[56]   L’employeur prétend que le jugement dans l’affaire Horth (FCA) (précitée) a implicitement infirmé celui de l’affaire Nikiforuk (précitée). Je rejette cet argument parce que l’affaire Horth (FCA) (précitée) ne renvoie ni à l’affaire Nikiforuk (précitée) ni aux principes appliqués dans cette affaire.

[57]   Un argument fondé sur la préclusion pose un problème dans le présent grief. Bien que l’agent négociateur soit le représentant de M. Hickling, je suis saisi d’un grief individuel déposé par M. Hickling, et l’agent négociateur n’est pas partie à ce grief, même s’il représente M. Hickling. L’affaire ne repose pas sur une assertion faite à M. Hickling; mais bien sur une assertion qui, selon M. Hickling, a été faite par l’employeur à son agent négociateur lors de négociations collectives.   Bien que j’estime que l’argument fondé sur la préclusion devrait être rejeté en raison du statut des parties devant moi, en étudiant la preuve, je ne suis pas convaincu qu’une assertion claire ait été faite par l’employeur lors des négociations collectives. M. Gingras a expliqué avec franchise que l’employeur ne semblait pas disposé à modifier le libellé de la convention collective comme l’aurait souhaité l’agent négociateur. L’agent négociateur a retiré ce point à titre de concession nécessaire dans le cadre des négociations collectives, qui est un processus fluide et créatif.  

[58]   Par ailleurs, je ne suis pas convaincu que l’on puisse affirmer que M. Hickling connaissait les assertions faites à l’agent négociateur ou qu’il a subi un préjudice pour s’être fié à une chose que l’employeur a dite ou faite à la table de négociation. Malgré la preuve intéressante que constitue l’historique de la négociation, en bout de ligne, celui-ci n’est pas déterminant quant aux questions en l’espèce. Je préfère fonder ma décision entièrement sur l’interprétation du libellé clair et   non équivoque des clauses B3.04 et B3.05.

[59]   En résumé, il semble approprié de dire que, à la suite de son entrée en fonction comme directrice, Rémunération et avantages sociaux pour la région de l’Ouest, Mme Cyr a remarqué que l’application de la convention collective faite dans cette région était différente de l’application faite dans les autres régions du pays. Elle a reçu des conseils de l’administration centrale et a entamé des changements dans la région de l’Ouest. M. Hickling n’a pas été informé de ce changement et, par conséquent, l’employeur a décidé, au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, de le payer. Le paiement n’a pas été versé dans les six semaines suivant cette décision, mais seulement après une longue période menant à novembre ou décembre 2003. À certains égards, si l’on se fie à la date du chèque, l’employeur a agi comme s’il avait le droit de retenir le paiement des heures supplémentaires pendant six semaines suivant le 30 septembre. Je suis d’avis que le conseil donné à Mme Cyr était erroné et que la convention collective était appliquée de manière appropriée dans la région de l’Ouest.

[60]   L’employeur a commis une erreur dans l’application des clauses B3.04 et B3.05 et a enfreint la convention collective en ne payant pas (dans les six semaines suivant la demande) à M. Hickling la valeur de ses crédits de congé compensatoire.

[61]   Un employé a le droit de demander à son employeur de lui payer ses crédits de congé compensatoire à des dates autres que le 30 septembre.   Si un employé présente une telle demande, l’employeur s'efforce de verser le paiement dans les six semaines suivant la demande. Si un employé ne présente pas de demande de paiement ou qu’il n’utilise pas la totalité de ses crédits de congé compensatoire au cours de l’exercice, l’employeur doit payer à l’employé la valeur de ses crédits de congé compensatoire dans les six semaines suivant le 30 septembre de l’exercice suivant au taux en vigueur le 30 septembre.

[62]   Le grief est accueilli. Cependant, comme l’employeur a versé un paiement à M. Hickling pour ses crédits de congé compensatoire et comme M. Hickling a abandonné sa réclamation pour obtenir des intérêts, je n’ai pas à exercer les pouvoirs de redressement dont est investi un arbitre de grief sauf pour déclarer que l’employeur a mal interprété et mal appliqué les clauses B3.04 et B3.05 de la convention collective en ce qui concerne M. Hickling.

[63]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[64]   Je déclare que l’employeur a commis une erreur dans l’application des clauses B3.04 et B3.05 et a enfreint la convention collective en ne payant pas (dans les six semaines suivant la demande) à M. Hickling la valeur des crédits de congé compensatoire qu’il a demandés.

Le 5 avril 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Paul Love,
arbitre de grief

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