Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant, qui travaille pour Parcs Canada, a fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour avoir eu un comportement désobligeant à l’endroit de collègues de travail féminins - après diverses communications avec des représentants syndicaux, il est insatisfait des démarches entreprises par son syndicat pour défendre et contester la sanction qui lui est imposée par l’employeur - de façon plus précise, le plaignant déplore le fait que le syndicat se soit fié aux conclusions de l’enquête menée par l’employeur en regard des accusations de harcèlement de la part d’autres fonctionnaires à son endroit, et n’ait pas mené son enquête indépendante - il conteste aussi la décision de son agent négociateur de ne le défendre que sur la sévérité de la sanction - la Commission a jugé que la conduite de l’agent négociateur était raisonnable dans les circonstances - celui-ci avait pris connaissance des déclarations des fonctionnaires impliquées dans les événements ayant mené à l’imposition de la sanction disciplinaire au plaignant, recueillies par l’employeur lors de son enquête - l’agent négociateur n’a pas fait preuve de discrimination ou d’arbitraire lorsqu’il a porté un jugement sur l’ensemble des circonstances et qu’il a décidé, après analyse exhaustive du dossier et compte tenu du fait que les intérêts d’autres fonctionnaires étaient aussi en jeu, de n’effectuer que des représentations sur la sévérité de la sanction imposée au plaignant. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction
publique édictée par l'article 2 de la Loi sur la
modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-05-18
  • Dossier:  561-33-48
  • Référence:  2006 CRTFP 57

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

MARTIN CYR

plaignant

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Cyr c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 23 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour le plaignant :  Lui-même

Pour la défenderesse :  Francine Cabana, Alliance de la Fonction publique du Canada


Affaire entendue à Sept-Îles, Québec
18 et 19 octobre 2005.

Plainte devant la Commission

[1]    Martin Cyr travaille pour Parcs Canada depuis 1983. Au cours de l’été 2003, il s’est vu imposer trois sanctions disciplinaires.

[2]    Une de ces sanctions porte sur des propos et gestes posés par le plaignant au cours de l’été 2003, qui avait un caractère offusquant envers les autres employés. Selon l’employeur, il y avait harcèlement sexuel. Le 3 septembre 2003, il se voit imposer une suspension sans rémunération pour une période de 16 jours ouvrables, soit 160 heures.

[3]    En septembre 2003, le plaignant dépose un grief contestant cette sanction. Dans les mois qui suivent, il demande l’aide de son syndicat pour le défendre. Après diverses communications avec des représentants syndicaux, le plaignant est insatisfait et il dépose à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») une plainte contre son syndicat en mai 2004, fondée sur l’article 23 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique en alléguant violation du paragraphe 10(2) de cette loi par son syndicat.   Le plaignant déplore le fait que le syndicat n’ait pas tenu une enquête indépendante et qu’on offre de le défendre uniquement sur la sévérité de la sanction.

[4]    Il y a plusieurs échanges entre les parties et finalement la plainte est entendue en octobre 2005 par la Commission.  

[5]    Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission demeure saisie de cette plainte, qui doit être décidée conformément à la nouvelle Loi.

Résumé de la preuve

[6]    Lors de l’audience, le plaignant a témoigné en son nom et a fait témoigner Yvon Méthot, délégué syndical. De son côté, le syndicat a fait témoigner Rachel Dugas. Les parties ont déposé divers documents et elles ont fait référence à la correspondance expédiée à la Commission et qui figure au dossier.

[7]    Le plaignant mentionne qu’en septembre 2003, après avoir reçu son avis disciplinaire, il a démissionné de la présidence du syndicat local et a été remplacé par Daniel Landry. Par la suite, il a demandé à M. Méthot (délégué syndical) et à M. Landry de faire des démarches pour défendre ses intérêts. Le plaignant insistait auprès de M. Landry pour qu’il fasse enquête auprès des employés qui avaient porté plainte.  

[8]    Le plaignant fait référence à des lettres adressées à l’Élément national du syndicat ou provenant de ce dernier au cours de la période de novembre 2003 à février 2004 (pièces P-1 à P-3).

[9]    En février 2004, le plaignant constate que le 28 janvier 2004, les représentants du syndicat local ont fait parvenir à Linda Vaillancourt, agente syndicale de l’Élément national, un état de la situation relativement au cas du plaignant (pièce P-4).

[10]    Se référant à cette lettre du syndicat local (pièce P-4), le plaignant souligne que le syndicat local admet que l’enquête de la gestion est complète et faite selon les règles de l’art. Il a pourtant insisté pour que le syndicat procède à sa propre enquête. Le plaignant reproche de plus au syndicat local de l’avoir dénigré auprès des instances nationales en indiquant que face aux reproches « il ne l’admet jamais et se sent plutôt comme une victime » (pièce P-4).

[11]    Le plaignant dit avoir perdu confiance en son syndicat local et qu’il a communiqué avec les représentants de l’Élément national de son syndicat pour qu’ils procèdent à une enquête. Il a obtenu de la documentation relativement à la déclaration du principe 23A et 23B (pièce S-1) et demandait qu’on applique les règles relatives aux plaintes de harcèlement telles qu’elles apparaissent dans les documents de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndical national).

[12]    De son côté, M. Méthot, qui était délégué syndical en 2003, indique qu’il a accompagné le plaignant lors de la rencontre avec l’employeur. Il a mentionné à ce dernier qu’il ne lui servait à rien de dire qu’il n’avait rien fait de mal, car l’employeur ne semblait pas le croire.

[13]    Par la suite, le plaignant a insisté auprès de M. Landry (nouveau président de la section locale) pour qu’il procède à une enquête. Plusieurs semaines plus tard, M. Landry lui a dit qu’il avait rencontré les employés ayant porté plainte. M. Méthot dit qu’il s’est informé auprès d’une employée ayant porté plainte et que M. Landry ne l’avait pas rencontré.

[14]    M. Méthot dit avoir réagi lorsqu’il a vu la lettre du syndicat local (pièce P-4). Il a mentionné au plaignant que le syndicat lui nuisait par cette lettre : « Le syndicat te plante » lui a-t-il dit.

[15]    Le plaignant signale qu’il a fait une demande supplémentaire à sa plainte afin que le syndicat lui rembourse les honoraires de son procureur et les frais de dépenses pour lui-même et des témoins pour l’audience sur la plainte de harcèlement.

[16]    Mme Dugas a témoigné pour le syndicat (Élément national). Elle était agente syndicale de 1997 à 1999 et depuis ce temps, elle est agente de griefs. Elle représente les employés lors de médiations et d’audiences de grief. Elle doit faire enquête, rencontrer les témoins et préparer la cause. Elle s’occupe des plaintes et analyse les dossiers.

[17]    Dans le présent cas, l’Élément national lui a demandé d’effectuer une étude détaillée des dossiers de griefs du plaignant et de faire des recommandations sur la démarche à suivre par les syndicats. Dans son témoignage, elle se réfère à des documents produits en liasse (pièce S-2). Dans une lettre datée du 27 février 2004, elle recommande à Mme Vaillancourt que trois griefs soient renvoyés à l’arbitrage de grief. Cependant, dans le cas du grief de harcèlement, elle recommande que l’Alliance effectue des représentations uniquement sur la sévérité de la mesure. Une copie de cette lettre a été envoyée au plaignant.

[18]    Mme Dugas souligne que le plaignant insistait pour qu’une enquête spécifique soit effectuée par le syndicat auprès des témoins ou plaignants dans le cas du dossier de harcèlement sexuel. Elle se réfère à la lettre du 18 décembre 2003, expédiée à Gaétan Scherrer (syndicat local) par Mme Vaillancourt. À cette époque, Mme Vaillancourt indique ce qui suit :

[…]

La politique sur le harcèlement en milieu de travail de l’AFPC exige que la section locale fasse une enquête. Votre enquête peut-être que vous vous servez de l’enquête faite par l’employeur (si vous êtes satisfait que cette enquête est complète et respecte la politique sur le harcèlement en milieu du travail et que tous les procédures et droits des employé-e-s ont été respectes.   Si vous n’êtes pas d’accord avec la manière que cette enquête a été menée, vous pouvez enquêter à nouveau pour vous assurer que l’enquête a respecte la procédure et les droits de tous les employé-e-s concerné-e-s.   Je suis disponible pour vous conseiller à cet égard, si vous voulez en discuter [sic] .

[…]

[19]    À ce sujet, Mme Dugas indique que les politiques en matière de harcèlement 23A et 23B ont été transmises au plaignant (pièce P-3; 17 février 2004). Elle souligne que la politique 23B s’applique aux plaintes à l’intérieur du syndicat et il y a donc des exigences pour une enquête impartiale locale. Dans le cas de la politique 23A, il s’agit de harcèlement en milieu de travail et l’employeur doit faire enquête. Le syndicat peut mener une enquête, mais s’il est satisfait de la validité de l’enquête effectuée par l’employeur, il peut s’y référer tout en effectuant certaines vérifications auprès de la personne visée et de témoins ou employé ayant porté plainte.

[20]    Selon Mme Dugas, le syndicat local est intervenu auprès des employés qui avaient porté plainte et il a jugé que ces derniers étaient satisfaits de l’enquête menée par l’employeur. Elle fait référence à la lettre du 20 janvier 2004, expédiée par le président local M. Landry (pièce P-4).

[21]    Dans son analyse, Mme Dugas tient compte du fait que les gestes posés par le plaignant n’étaient pas intentionnels. Ce dernier, après avoir être informé par l’employeur, dit ne pas se rappeler de certains d’entre eux. Il estime que dans l’ensemble, il s’agit de gestes banals. Dans un contexte de travail, ces gestes sont assimilables à du harcèlement. Selon le syndicat, il se doit de défendre le plaignant, mais sur la sévérité de la sanction.

[22]    Mme Dugas a préparé l’argumentation écrite que le syndicat a acheminé à la Commission le 16 juin 2004 et d’autres arguments apparaissant à la pièce P-2.

[23]    Mme Dugas a préparé aussi un addendum relativement à la réponse du syndicat concernant la plainte du plaignant. Cet addendum traite des demandes formulées par le plaignant sur le remboursement des frais d’avocat et des dépenses de voyage encourues lors de sa comparution à l’audience pour le grief de harcèlement. Sur ce point, Mme Dugas souligne qu’elle avait suggéré au plaignant d’attendre l’audience de son grief de harcèlement et de procéder sur la plainte contre le syndicat en vertu de l’article 23 de l’ancienne LRTFP. Dans ce cas, si la Commission donnait raison au plaignant, le syndicat effectuerait la représentation et rembourserait les frais selon ce qui sera ordonné par elle. Le plaignant a préféré avoir son propre avocat en ce qui a trait au grief de harcèlement.

Résumé de l’argumentation

[24]    Le plaignant soumet qu’il s’est efforcé d’expliquer au syndicat local ainsi qu’à l’Élément national de l’Alliance qu’il n’a jamais eu l’intention d’offenser quiconque et qu’il était prêt à s’excuser, si jamais par mégarde, il avait offensé quelqu’un. Il fait référence à l’ensemble de la correspondance transmise au syndicat et émise par ce dernier (lettres qui se retrouvent au dossier). Il soutient, tel que constaté dans le libellé de sa plainte (pièce P-5), que l’enquête de l’employeur n’a pas été impartiale. Il soutient que le syndicat aurait dû rencontrer les témoins et vérifier les allégations, car selon lui, il ne perçoit pas ces gestes comme du harcèlement.

[25]    Finalement, le plaignant soutient que le syndicat local n’avait pas à mentionner ses agissements et n’avait pas à se prononcer sur son attitude, mais plutôt s’en tenir aux faits de l’enquête de l’employeur.

[26]    De son côté, le syndicat soutient avoir agi de façon transparente et d’avoir multiplié les démarches pour rendre une décision en toute connaissance de cause. Le syndicat se réfère notamment aux notes écrites, préparées par Mme Dugas, relativement au devoir de représentation des membres de bonne foi et en toute impartialité.

[27]    Le syndicat se réfère aux pages 6 et 7 des notes écrites et on peut lire ce qui suit :

Devoir d’être impartial :

Le plaignant allègue « vu que la plainte est de membre en membre du syndicat, il est de leur devoir d’être impartial et de ne pas prendre partie, ce qui n’a pas été fait. »

La Cour suprême a tranché ce débat dans l’affaire Gendron {1990} R.C.S. 1298, à la page 1329 :

« . . .   lorsque les employés ont des intérêts opposés, le syndicat peut choisir de défendre un ensemble d’intérêts au détriment d’un autre pourvu que sa décision ne découle pas des motifs irréguliers décrits précédemment et pourvu qu’il examine tous les facteurs pertinents ».

Suite à cet extrait de l’arrêt de la Cour suprême, le Président Tarte indique dans l’affaire Jacques (161-2-731) que « le paragraphe 10(2) de la Loi ne crée donc aucune obligation absolue pour l’organisation syndicale de représenter un membre durant la procédure de grief ou même lors d’un renvoi à l’arbitrage devant la Commission » [ page 23 ].

Toujours selon l’affaire Jacques , les défendeurs doivent tenir compte de l’intérêt de tous leurs membres mais, lorsque ces intérêts sont divergents, les défendeurs peuvent et doivent faire des choix difficiles quant à la représentation accordée à un membre [ page 23 ] .   Évidemment, cette discrétion ne peut être entachée de gestes arbitraires, discriminatoires ou de mauvaise foi.

Comme l’explique le Président Tarte, « . . . les décisions d’une organisation syndicale dans un dossier comme celui-ci doivent être prises selon les règles établies, âpre étude et analyse du dossier et de la jurisprudence… » [page 23] . Ainsi, le Président Tarte conclut : « L’AFPC a établi une politique [la politique 23] pour la guider dans l’exécution de son devoir de juste représentation lorsque victime de harcèlement et agresseur sont tous membres en règle du syndicat. Cette politique exige qu’une étude en profondeur soit effectuée avant qu’une décision soit prise. De plus, la politique permet quand même la représentation d’un membre coupable de harcèlement si l’étude du dossier démontre que la sanction imposée est excessive » [page 23] .

Dans le cas du plaignant, les défendeurs ont vu aux intérêts de tous leurs membres, ont étudié la situation, ont agi selon les règles établies, de façon compétente, sans être motivés par le désir de punir ou de nuire au plaignant en particulier.

Les défendeurs ont respecté la Politique 23A en ce que durant l’enquête de l’employeur, la section locale s’est assurée que le processus était équitable et honnête [Pièce D-11] . La section locale a observé le processus afin qu’il soit juste et régulier et a déterminé que l’enquête était complète Par la suite, Linda Vaillancourt est intervenue vu le manque d’expérience de la section locale.

Notons que Linda Vaillancourt avait au préalable déjà interrogé le plaignant quant aux allégations de harcèlement de l’employeur en vue de sa présentation de griefs au palier final [Pièce D-4] . Le plaignant n’avait essentiellement aucun souvenir des allégations reprochées et n’a donc fourni aucun témoin pouvant permettre de vérifier sa version de chacun des évènements soulevés. S’il avait souvenir des évènements soulevés, il les banalisait. Les défendeurs ont tout de même accepté de déposer un grief et ont défendu la position du plaignant jusqu’au palier final.

La section locale et Linda Vaillancourt ont donc mené une enquête plus approfondie et ont déterminé qu’il y avait harcèlement de la part du plaignant [Pièces D-5, D-6, D-7, D-9 et D-11] . Cette décision a été communiquée au plaignant. Par conséquent, l’Alliance a respecté le processus d’enquête de la Politique 23A énoncé aux points 2 et 3 de celle-ci, soit aux pages 13 à 16 de ladite Politique.

Notons que la Politique 23A prévoit un mécanisme d’appel d’une décision du syndicat ayant pour effet de ne fournir aucune représentation. La soussignée a indiqué au plaignant qu’il existait ce type de recours au sein de l’Alliance et il a refusé de poursuivre dans cette voie.

Par ailleurs, comme dans l’affaire Ruda (161-2-821), les défendeurs se sont engagés à représenter le plaignant à l’arbitrage. L’Alliance a fait preuve de diligence en étudiant les documents au dossier et en décidant que la question de la peine pouvait être défendue [ Pieece D-13] .

De plus, malgré la plainte déposée contre les défendeurs, Linda Vaillancourt est toujours sollicitée par le plaignant pour le représenter et elle continue de le faire. Il n’y a donc aucune mauvaise foi ou discrimination dans le traitement accorde au plaignant.

[…]

[ Sic pour l’ensemble de la citation]

[Je souligne]

Motifs

[28]    Le plaignant a déposé une plainte contre son syndicat car ce dernier aurait mal agi en matière de représentation.

[29]    La LRTFP prévoit entre autres ce qui suit :

DROITS ET INTERDICTIONS ESSENTIELS

[…]

10(2) Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation des fonctionnaires qui font partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[…]

[30]    Il est à noter que dans la nouvelle LRTFP les dispositions du paragraphe 10(2) se retrouvent à l’article 187.

[31]    C’est à partir du libellé de la loi que la Commission doit examiner la plainte présentée par un employé. L’employé doit démontrer que le syndicat a agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[32]    L’examen du libellé de la plainte (pièce P-5) et des documents déposés révèle que les principaux motifs de reproches du plaignant contre le syndicat sont les suivants :

a)
L’employé reproche que l’enquête faite par la gestion n’était pas impartiale et que le syndicat n’a pas fait d’enquête détaillée;
b)
Il considère que des gestes qui sont reprochés n’étaient pas intentionnels de sa part et qu’il s’agit de choses banales qu’il ne voit pas comme du harcèlement;
c)
Il reproche au syndicat local d’avoir émis une opinion sur son comportement (P-5);
d)
Il souligne que le syndicat traite son dossier personnel comme un sondage (P-8).

[33]    Je ne crois pas qu’on puisse qualifier l’attitude du syndicat local de discriminatoire ou arbitraire ou de mauvaise foi relativement à la tenue d’une enquête dans les circonstances établies en preuve.

[34]    De fait, on constate que la gestion a recueilli des déclarations des employés. Ces derniers ont fait de brèves déclarations et la gestion s’en est tenue strictement qu’à celles-ci sans questionner davantage. Dans le document de rencontre disciplinaire du 15 août 2003 (pièce S-2 en liasse), on note que la déclaration de chaque employé se résume en quelques lignes (avoir mis la main sur ses genoux; avoir fait un geste à une autre qui avait un problème avec sa radio; avoir regardé Mme « X » de la tête au pied, etc.).

[35]     Le syndicat local a rencontré les employés qui ont dénoncé ces gestes et a conclu que « chacun des employés impliqués semblait satisfait des explications de la gestion à propos de l’enquête » (pièce P-4).

[36]    Le plaignant exige une nouvelle enquête de la part du syndicat; c’est son point de vue. Cependant, dans le présent cas, la déclaration (plainte) de chaque employé est très spécifique et/ou il n’y a pas nécessité d’une enquête poussée. Il faut faire une distinction par rapport à une plainte dans laquelle un employé se réfère à de nombreux faits et gestes s’étalant sur plusieurs années et qui nécessiterait une enquête plus approfondie.

[37]    Dans sa lettre du 18 décembre 2003 (figurant au dossier) Mme Vaillancourt explique clairement à M. Scherrer qu’il peut faire enquête ou qu’il peut se servir de l’enquête faite par l’employeur s’il est satisfait que l’enquête soit complétée. Le syndicat local a tenu compte de l’enquête de l’employeur et a vérifié auprès des employés. On ne peut pas, dans ces circonstances, l’accuser de mauvaise foi.

[38]    Un autre élément de la plainte du plaignant est relatif à la qualification et la portée des gestes qu’il a posés. Selon lui, il n’a jamais eu l’intention de harceler et certains des gestes doivent être considérés comme banals. Dans sa lettre du 27 janvier 2004, Mme Vaillancourt résume bien ce point (pièce P-2). La position de Mme Vaillancourt n’a pas une connotation discriminatoire ou arbitraire :

[…]

D’après moi, il y a eu du harcèlement par contre je dois clarifier que je ne crois pas que c’était intentionné par Martin Cyr. Il ne semble pas comprendre que c’est [sic] pas l’intention qui compte, mais plutôt la perception de d’autres.

[…]

[39]    Le plaignant reproche au syndicat d’avoir émis une opinion sur son comportement personnel et d’avoir traité son dossier comme un sondage. Relativement à ces points, le plaignant, dans son témoignage, s’est référé au paragraphe 5 de la lettre du syndicat local datée du 28 janvier 2004 (pièce P-4).

[40]    Pour comprendre ce paragraphe 5 de la lettre, il faut le situer dans l’ensemble de la lettre. Il s’agit d’une lettre interne du syndicat local adressée à Mme Vaillancourt. Le syndicat local indique qu’il a rencontré des employés impliqués, que l’enquête faite par la direction leur semble complète et que le plaignant semble considérer certains gestes comme « banals ». Le syndicat se dit peu renseigné sur la façon d’évaluer la validité de la sanction imposée par l’employeur. Finalement, au paragraphe 5, il énonce que le plaignant est une personne qui insiste beaucoup, qu’il met « la gestion en doute » et qu’il se sent comme une victime. Le syndicat conclut en soulignant que les opinions seront partagées entre les 70 employés de Parcs Canada.

[41]    Je retiens de l’ensemble des éléments contenus dans cette lettre que les représentants du syndicat local expriment que, selon eux, ils ont fait leur travail; que l’enquête de l’employeur est valable, mais que le plaignant est une personne qui insiste beaucoup. Quant à la sanction disciplinaire, ils n’ont pas l’expertise pour mesurer si elle est correcte, mais ils considèrent que la direction devait agir bien que les opinions seront partagées parmi les 70 employés.

[42]    Je considère qu’il s’agit là d’une lecture des événements par le syndicat local. Que cette lecture soit correcte ou non, elle ne constitue pas une action discriminatoire ou arbitraire. La preuve n’a pas démontré qu’il y a eu un sondage du syndicat auprès des employés; il s’agit d’une hypothèse à l’effet que les opinions des collègues de travail du plaignant pourraient être partagées sur cette affaire.

[43]    Compte tenu de l’ensemble du dossier, l’Élément national a offert de représenter le plaignant sur la justesse ou la sévérité de la sanction et non sur le fond pour contester qu’il ne s’agit nullement de harcèlement dans ce cas.

[44]    Je crois que cette position du syndicat n’entache pas son devoir d’impartialité. La jurisprudence citée par le syndicat dans son argumentation m’apparaît tout à fait applicable au présent cas. Notamment, dans Jacques c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 161-02-731 (1995) (QL), le président Tarte conclut : « L’AFPC a établi une politique (23) pour la guider dans l’exécution de son devoir de juste représentation […] la politique permet quand même la représentation d’un membre coupable du harcèlement si l’étude du dossier démontre que la sanction est excessive ». Le plaignant a décidé de retenir les services d’un procureur privé pour défendre son dossier pour diverses raisons. Compte tenu de la preuve, il semble que le plaignant ait perdu confiance en son syndicat local à la suite de la lettre expédiée par les représentants locaux à Mme Vaillancourt le 28 janvier 2004 (pièce P-4).

[45]    Selon les témoignages, lorsque le plaignant a montré cette lettre à M. Méthot, ce dernier lui a dit que le syndicat (local) voulait le « planter ». Le plaignant insistait pour que l’enquête soit reprise par le syndicat. Il comptait avoir le soutien de l’Élément national (l’Alliance). Cependant, on lui offre de le représenter sur la sévérité de la sanction et non sur le fond du dossier.  

[46]    Comme je l’ai exposé précédemment, le syndicat a fait son choix en toute connaissance de cause et après une étude exhaustive du dossier. Le plaignant n’a pas démontré que le syndicat a agi de façon discriminatoire ou arbitraire ou de mauvaise foi.

[47]    Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[48]    La plainte est rejetée.

Le 18 mai 2006.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire

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