Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été rétroactivement reclassifié d’un poste au groupe et niveau GSSTS04 exigeant 40 heures de travail par semaine à un poste au groupe et niveau PG02 exigeant 37,5 heures par semaine - en raison de la reclassification, le fonctionnaire s’estimant lésé croit qu’il doit recevoir une rémunération équivalant à 2,5 heures par semaine pour la durée de la période de rétroactivité, en plus du salaire reçu,- l’employeur affirme qu’il a effectué la conversion requise conformément à la Directive des services de paye 1991-056(42) et au Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique (Annexe A de la Politique sur les conditions d’emploi) (<< le Règlement >>) - l’arbitre de grief a déterminé que l’employeur ne souhaitait pas que la rétroactivité augmente le nombre d’heures de travail - l’arbitre de grief a souscrit au raisonnement justifiant des décisions antérieures de la Commission, dans le cadre desquelles il a été conclu que, contrairement aux clauses normatives, seules les clauses pécuniaires peuvent être appliquées rétroactivement, à moins qu’une disposition claire n’existe à cet effet - l’arbitre de grief a conclu que la définition de ce qui constitue des heures de travail normales relève de la catégorie des clauses normatives - la formule utilisée par l’employeur pour calculer le salaire rétroactif respecte le Règlement et, par conséquent, aucune violation de la convention collective n’a été commise. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-03-22
  • Dossier:  166-2-35170
  • Référence:  2006 CRTFP 32

Devant un arbitre de grief



ENTRE

GLEN CROSS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Gendarmerie royale du Canada)

employeur

Répertorié
Cross c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Barry Done, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Lee Bettencourt, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Renée Roy, avocat


Affaire entendue à  Regina (Saskatchewan),
le 31 janvier 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

Contexte

[1]   Le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Glen Cross, a entrepris sa carrière dans la GRC à la Division dépôt de Regina (Saskatchewan), en juillet 1988, comme magasinier (GS-STS-04), dont la semaine de travail était de 40 heures.  Le 17 février 1997, il a été muté à l’atelier des blindés et a conservé la classification GS-STS-04. Son énoncé de fonctions a été réécrit et envoyé aux fins d’examen de la classification, mais aucun changement n’a été apporté ni au groupe, ni au niveau. 

[2]   L’énoncé de fonctions a été réécrit de nouveau, et il n’y a toujours pas eu de changement apporté à la classification, ce qui a amené M. Cross à contester sa classification en déposant un grief le 8 mai 2003. En janvier 2004, un comité de classification a recommandé que le poste de M. Cross, N1299-1653, soit reclassifié au groupe et niveau PG-02 à compter du 17 février 2004.

[3]   Le 29 janvier 2004, la recommandation du comité d’examen des griefs de classification a été approuvée. Le même jour une lettre a été envoyée à M. Cross l’informant des résultats de son grief de classification (pièce G-3). Une lettre d’offre lui a également été envoyée, le 20 avril 2004, confirmant sa promotion au groupe et au niveau PG-02 rétroactive au 17 février 1997; l’échelle salariale PG-02; le fait que son taux de rémunération avait été établi conformément au Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique et, tout particulièrement aux fins de son grief, que son horaire normal de travail passait à 37,5 heures par semaine. M. Cross a signé la lettre d’offre en inscrivant la date, le 21 avril 2004, après avoir coché [traduction] « J’accepte votre offre d’emploi » (pièce G-4).

[4]   M. Cross a déclaré avoir fait ses propres calculs estimatifs (pièce G-11),  en se référant à des conventions collectives et en communiquant avec différentes personnes de la section de la rémunération et des avantages sociaux, afin de déterminer à quels montants il avait droit à la suite de sa reclassification rétroactive.  L’information qu’il a reçue a donné lieu au présent grief (pièce G-2), déposé le 2 juin 2004, dans lequel il déclarait [traduction] : « Je n’ai pas reçu un paiement au taux de rémunération approprié PG pour toutes les heures travaillées.  [Je souligne] ».

[5]   Comme mesure corrective, M. Cross demandait de recevoir un paiement au taux de rémunération approprié pour toutes les heures qu’il avait travaillées depuis le 17 février 1997  (date d’entrée en vigueur de sa reclassification).

[6]   Les parties ont convenu devant moi que la seule question qu’elles souhaitaient que je tranche était celle des heures de travail, c’est-à-dire de déterminer si la GRC avait rémunéré M. Cross pour avoir travaillé 40 heures par semaine, entre le 17 février 1997 et le 20 avril 2004, bien que sa nouvelle convention collective PG (pièce G-1) prévoyait que son horaire normal était seulement de 37,5 heures. M. Cross estime qu’on lui doit toujours 2,5 heures par semaine, pour 52,176 semaines par année pendant sept ans, soit environ 910 heures de plus que la rémunération lui ayant été versée (pièces G-8 et G-9) à la suite de sa promotion de GS-STS-04 à PG-02.  La GRC n’est pas d’accord et prétend s’être fondée sur l’avis du Conseil du Trésor en matière de droit à la paye dans cette affaire et, plus particulièrement, sur la Directive des services de paye 1991-056(42) (la Directive), datée du 24 septembre 1991, (pièce G-6), et sur le Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique (annexé comme appendice A de la politique sur les conditions d’emploi, pièce G-12) (le Règlement), en vigueur depuis le 1er septembre 1990.

[7]   M. Cross a témoigné pour son propre compte, et Suzanne Marchand-Bigras, gestionnaire, Rémunération, analyse, données statistiques et interprétation, Négociation collective, Conseil du Trésor, a témoigné pour l’employeur. Au total, 18 pièces ont été déposées – 15 par le fonctionnaire s’estimant lésé et trois par l’employeur.

[8]   Le 1 er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.  En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).

Résumé de la preuve

[9]   M. Cross a expliqué qu’on lui avait répondu concernant son droit à une rémunération pour la différence des heures de travail que ces heures constituaient du « temps donné » et qu’elles ne lui seraient pas rémunérées. Quand il a demandé sur quelle autorité on avait fondé cette décision, on lui a remis une copie d’un courriel que Lise Lacroix, groupe des opérations de rémunération, Centre national de décision en matière de rémunération, a envoyé à Pat Trail, chef d’équipe, Services de la rémunération, NWR SK, (pièce G-5), expliquant la Directive; celle-ci était aussi jointe au courriel. On lui a dit que la procédure salariale consisterait à évaluer la rémunération qu’il aurait reçue comme PG-02,  à en soustraire ses revenus comme GS-STS-04 et à lui payer la différence. 

[10]   On a soumis un document montrant l’horaire de sa semaine de travail comprimé pour 2000-2004 (pièce G-7). Sur son horaire de 2004, au-dessus de la signature du superviseur de M. Cross, on peut lire une indication digne de mention : « À compter du : 2004-04-20 devient 37,5 heures/semaine ».  M. Cross n’a pas été contre-interrogé.

[11]   Mme Marchand-Bigras a ensuite témoigné. Elle a expliqué qu’elle occupait son poste actuel depuis novembre 2005 et que, dans le cadre de ses fonctions, elle devait interpréter le Règlement et les politiques de l’employeur afin d’en assurer une application cohérente. Elle a indiqué que, pour calculer la rémunération à laquelle M. Cross avait droit, il fallait d’abord déterminer si la reclassification était une promotion. Elle s’est donc fondée sur l’article 24 du Règlement et sur ce qui constituait une promotion.  Le calcul (pièce E-2) a démontré qu’il s’agissait effectivement d’une promotion. Il a ensuite fallu établir quel échelon des taux de rémunération PG-02 s’appliquait à M. Cross. Elle a déterminé qu’il devait être placé au premier échelon, 35 969 $. En dernier lieu, elle a déterminé combien d’argent lui était dû sur 17 périodes au cours desquelles sa rémunération était constante, a calculé la rémunération qu’il aurait touchée pendant ces périodes à titre de PG-02, a soustrait la rémunération versée selon le taux de rémunération antérieur comme GS-STS-04 et a noté la différence pour chaque période. En conclusion, elle a fait remarquer que la méthode de conversion du taux horaire en salaire annuel tenait compte du fait que l’employé travaillait 40 heures par semaine (pièce E-2).  Pour convertir le salaire horaire à un salaire annuel, il faut multiplier le taux horaire par le nombre d’heures travaillées et par le nombre de semaines par année. Dans le cas de M. Cross,  13,14 $/heure x 40 heures/semaine x 52,176 semaines/année. 

[12]   Le fonctionnaire s’estimant lésé et son représentant l’ont contre-interrogée.

[13]   Pendant le contre-interrogatoire, Mme Marchand-Bigras a expliqué que les agents de la paye locaux devaient déterminer s’il y avait eu promotion et préparer ensuite les documents en ligne à l’intention des agents de la paye régionaux. Elle a admis ne pas avoir lu de documents préparés par l’agent de paye local et que la semaine de travail des PG-02 était de 37,5 heures par semaine comparativement aux GS-STS-04 qui travaillaient 40 heures par semaine, ce que M. Cross a fait pendant la totalité de la période de rétroactivité. Quand on lui a demandé pourquoi les fiches de paye de M. Cross, en date du 5 et du 11 mai 2004 (talons de paie pour le salaire rétroactif) (pièces G-8 et G-9), indiquaient que la semaine de paye était de 37,5 heures par semaine, elle a répliqué que ces zones étaient des zones permanentes et qu’il était impossible de modifier les heures rattachées à une classification.

[14]   M. Cross lui a demandé si le salaire quotidien qu’elle avait utilisé dans ses calculs était pour huit heures par jour. Elle a répondu par l’affirmative. Il lui a aussi demandé si elle s’était servie de l’exemple 2 de l’annexe B de la Directive comme base pour ses calculs, ce à quoi elle a également répondu par l’affirmative.

Résumé de l’argumentation

A.  Observation du fonctionnaire s’estimant lésé

[15]   M. Cross est devenu un PG-2 rétroactivement au 17 février 1997.  Bien que la lettre d’offre ne prévoie pas de rétroactivité pour les heures de travail, elle précise que la semaine de travail est de 37,5 heures à compter du 20 avril 2004. Avant cette date, le fonctionnaire s’estimant lésé a travaillé 2,5 heures par semaine de plus que les heures requises d’un PG. En vertu du paragraphe 45.02 de la convention collective PG, un employé a droit à une rémunération pour services rendus au taux précisé à l'appendice A.  La Directive prévoit également que les procédures d'entrée de paye prévues dans la Directive doivent être suivies, et l’exemple 2 de l’annexe B, qui est semblable à la situation du fonctionnaire s’estimant lésé, montre qu’il faut utiliser les heures réelles de travail.

[16]   Le témoin de l’employeur n’avait lu aucun des documents préparés au niveau local et, comme l’employeur n’avait pas convoqué d’agents locaux de la paye et des avantages sociaux, le syndicat n’a pas eu le loisir de les questionner. 

[17]   Le document montrant l’horaire de sa semaine de travail comprimé confirme que M. Cross a travaillé 40 heures par semaine. Or, l’employeur ne l’a pas rémunéré pour ces heures de travail supplémentaires. Les chèques de paie du salaire rétroactif indiquent que les heures de travail par semaine étaient de 37,5 alors que les heures réellement travaillées s’élevaient à 40, comme en témoigne la fiche de paye datée du 18 février 1998 (pièce G-10).  M. Bettencourt a expliqué qu’il était impossible pour un fonctionnaire de vérifier si les calculs indiqués sur son chèque de paye étaient exacts. À son avis, il serait plus juste que les services de la paye et des avantages sociaux invitent les fonctionnaires dans la situation de M. Cross à une entrevue afin de leur expliquer les calculs. 

[18]   Le fonctionnaire s’estimant lésé accepte le taux de rémunération de 35 969 $ pour le poste de PG-02 prévu dans sa convention collective et admet que ses calculs de la différence de salaire sont assez proches de ceux de l’employeur, même si ses propres calculs étaient approximatifs. Il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas été rémunéré au taux approprié pour les 910 heures qu’il a travaillées. Malgré l’explication donnée par Mme Marchand-Bigras, M. Bettencourt n’est pas convaincu que l’employeur a comptabilisé les 910 heures qu’il qualifie de « manquantes » étant donné que la formule qu’utilise l’employeur ne tient pas compte du fait que M. Cross travaillait huit heures par jour. Le syndicat a fait remarquer que le premier échelon salarial des PG-02 n’a rien à voir avec les taux de rémunération des GS.  En conclusion, on m’a renvoyé à la décision Rooney c. Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossier de la CRTFP  166-2-25979 (1995).

B.  Observation de l’employeur

[19]   Mme Roy a d’abord précisé que le fardeau de la preuve incombait au fonctionnaire s’estimant lésé et que celui-ci ne s’en était pas acquitté. En réponse à l’observation de M. Bettencourt, elle a déclaré que les 2,5 heures « manquantes » se trouvaient dans la formule utilisée pour convertir les employés à salaire horaire en employés à salaire annuel. L’employeur a tenu compte de sa semaine de 40 heures. Mme Roy a comparé le placement de M. Cross sur l’échelle salariale des PG en prenant l’exemple de la promotion d’un poste de GS-STS-05 à un poste de PG-02 (pièce E-3). Elle a expliqué que l’écart salarial était tellement important dans le cas de M. Cross qu’il pouvait seulement être placé au premier échelon, contrairement à un GS-STS-05 qui serait placé au troisième échelon. Elle a soutenu que tous les calculs étaient conformes au Règlement et à la politique du Conseil du Trésor. Elle a aussi fait valoir qu’un seul ensemble de règles devait s’appliquer à tous et que l’application de ces règles ne devait pas varier en fonction de leur incidence. 

[20]   Mme Roy estime que la décision dans l’affaire Rooney (précitée), n’est pas utile parce qu’aucune explication n’est donnée concernant le taux PG de 18,30 $ l’heure. Il y a peut-être eu une erreur de calcul dans cette affaire et elle ne constitue pas un précédent. Elle a expliqué que je ne devais pas m’attarder au témoignage du fonctionnaire s’estimant lésé relativement au temps qu’il aurait donné. Je devrais plutôt retenir le témoignage de Mme Marchand-Bigras selon lequel les 40 heures de M. Cross ont été tenus en compte. Par ailleurs, la comparaison entre les calculs de l’employeur et ceux sur les talons de paie pour le salaire rétroactif montre qu’ils auraient été interprétés de la même manière que Mme Marchand-Bigras les a interprétés puisque les chiffres sont sensiblement les mêmes.

[21]   Le problème dans la démarche du fonctionnaire s’estimant lésé est qu’il laisse entendre que la conversion a été effectuée deux fois, une première fois pour calculer le salaire annuel PG et ensuite pour le convertir en salaire horaire. M. Bettencourt prétend que l’exemple 2 de l’annexe B de la Directive est une formule qui comptabilise les heures de travail réelles, mais ce n’est pas le cas. Mme Marchand-Bigras a facilement expliqué que le conflit apparent en ce qui concerne les talons de paye et les heures de travail (37,5 et 40) était lié au fait que des heures fixes étaient rattachées à la classification et qu’il était impossible de les modifier. Mme Roy a conclu en disant que le mode de calcul n’était de toute manière pas visé par le grief et que je n’avais pas à me prononcer sur cette question aujourd’hui. La seule question que je devais trancher concernait la différence entre les heures de travail. 

[22]   Il n’y a pas eu de réplique.

Motifs

[23]   Comme mentionné précédemment, la question que les parties ont convenu de me soumettre est celle des heures de travail, à savoir si M. Cross a touché une rémunération rétroactive adéquate compte tenu de la différence entre les heures de travail. Pour trancher la question, il faut évaluer l’incidence qu’une reclassification rétroactive a sur les dispositions d’une convention collective, notamment en ce qui concerne les heures de travail. La reclassification rétroactive s’étend-elle à presque toutes les dispositions d’une convention collective ou se limite-elle aux taux de rémunération? Si elle a une incidence sur les heures de travail, comme le croit M. Cross, jusqu’où devrait s’appliquer la rétroactivité? Au 17 février 1997, date d’entrée en vigueur de la reclassification? Au 21 avril 2004, lorsque M. Cross a accepté la lettre d’offre? Au 29 janvier 2004, date de confirmation de la recommandation du comité de classification? Ou, comme le prétend Mme Roy, la reclassification devrait-elle n’avoir aucune incidence sur les heures de travail? 

[24]   Une seule affaire a été invoquée, celle dont a été saisi Mme Korngold Wexler, alors présidente suppléante, dans l’affaire Rooney (précitée). Même si les faits étaient semblables et que l’affaire portait également sur la reclassification rétroactive d’un employé GS à salaire horaire en un employé PG à salaire annuel, la question est différente. Dans cette affaire, il fallait déterminer si la différence entre les heures de travail donnait droit au fonctionnaire s’estimant lésé à une rémunération d’heures supplémentaires. L’employeur avait payé à M. Rooney une rémunération à taux normal d’un PG pour les 40 heures par semaine qu’il avait travaillées pendant la période rétroactive. L’employeur a reconnu qu’à compter de la date de la lettre d’offre pour la reclassification, la semaine de travail de M. Rooney était passée de 40 à 37,5.

[25]   Le grief de M. Rooney a été rejeté, mais la conclusion suivante est pertinente en l’espèce (p. 8) :

[…]   La disposition concernant les heures normales de travail est normative. Par conséquent, je dois examiner ce qui avait été demandé à M. Rooney et ce qui était l'intention des parties lorsqu'elles ont convenu de la reclassification avec effet rétroactif. La disposition prévoyant les heures normales de travail ne peut être modifiée rétroactivement de la même façon que le taux de rémunération.

[26]   La décision Rooney(précitée) porte sur la période du 1er avril 1993 au 18 janvier 1994, et la Directive et le Règlement s’appliquaient alors. Si, comme le font valoir Mme Roy et Mme Marchand-Bigras, l’objectif de la politique du Conseil du Trésor est d’assurer une uniformité, [traduction] « une règle pour tous », à quoi dois-je attribuer le fait que M. Rooney ait été rémunéré pour les 40 heures, alors qu’on refuse de le faire pour M. Cross? Rien dans la preuve ne me permet de croire que l’application des règles a changé au cours de la décennie qui s’est écoulée (1994-2004), et Mme Marchand-Bigras a clairement dit que les politiques pertinentes en matière de rémunération n’avaient pas changé, au moins depuis les dates d’entrée en vigueur de la Directive et du Règlement qui sont antérieures au grief de M. Rooney.

[27]   La notion de contrôle me laisse également perplexe. En vertu de l’article 7 de l’ancienne Loi, l’employeur a le contrôle exclusif quant à l'attribution des fonctions aux postes et à la classification de ces derniers. Il ne fait aucun doute que, si le poste auquel M. Cross a été muté le 17 février 1997, avait été classifié correctement (le rapport du comité d’examen des griefs de classification (pièce G-3) mentionne que, selon le superviseur de M. Cross, les fonctions du poste n’ont pas changé depuis le 17 février 1997), M. Cross aurait dû travailler seulement les heures requises de la convention collective des PG (37,5), au lieu des heures requises dans la convention collective GS (40), qui n’aurait pas dû s’appliquer à lui. En reconnaissant que le poste de M. Cross n’était pas classifié correctement, la GRC aurait-elle dû se pencher sur la question de la rémunération pour la différence des heures de travail, ce qui a été fait dans le cas de M. Rooney?

[28]   Il me semble évident d’après la preuve que l’intention de l’employeur n’était pas que la rétroactivité s’applique aux heures de travail. La lettre d’offre et le document faisant état de son horaire de travail comprimé pour 2000-2004 font plutôt croire le contraire. En fait, la lettre d’offre du 20 avril 2004 se lit comme suit : [traduction] « […] Votre horaire normal de travail sera de 37,5 heures par semaine. […] [Je souligne] ». Ceci indique une condition future, une fois que la lettre d’offre aura été acceptée : [traduction] « À titre d’acceptation de la présente lettre, veuillez la signer et la retourner au groupe de dotation de la fonction publique […] »

[29]   Par ailleurs, à l’instar de la lettre d’offre, le document faisant état de l’horaire de travail comprimé de M. Cross pour 2004 semble indiquer que son horaire de travail passe à 37,5 seulement à compter du 20 avril 2004. 

[30]   Examinés ensemble, ces documents semblent également compatibles avec l’interprétation de la Directive que les services de la paye et des avantages sociaux ont transmise à M. Cross (pièce G-5, paragraphe 2) :

[Traduction]

Lorsqu’un fonctionnaire est reclassifié rétroactivement, ses heures de travail, son salaire et les avantages rattachés à son salaire, tels que les heures supplémentaires, doivent être rajustés avec effet rétroactif. Les autres dispositions, telles que les heures de travail et les congés, doivent être rajustées à compter de la date du document habilitant, ce qui correspond à la date de la lettre d’offre et à la date d’entrée en vigueur de la promotion.

[31]   L’intention de l’employeur ne permet toutefois pas de trancher la question. Il convient d’examiner l’affaire Rooney (précitée) et la jurisprudence. Dans cette affaire, Mme Korngold Wexler, alors présidente suppléante, a examiné la rétroactivité en fonction des clauses monétaires par rapport aux clauses normatives (page 6). Elle souscrit aux conclusions suivantes de l’arbitre dans Arsenault c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), dossier de la CRTFP  166-2-2109 (1976) :

[…] le grief a été rejeté pour le motif que l'entrée en vigueur avec effet rétroactif d'une convention collective ne concerne que les clauses monétaires et les clauses normatives ne peuvent avoir d'effet rétroactif sauf sous réserve d'une disposition expresse à cet effet. Je souscris à de telles conclusions”. (p. 6)

[32]   Dans Arsenault (précitée, p. 9), il a été déterminé que :

[…] la détermination de ce que constitue l’horaire normal de travail et ce que constitue le surtemps entre dans la catégorie de clauses normatives [...] Seules ces clauses salariales dites monétaires peuvent avoir un effet rétroactif.

[33]   Je suis d’accord avec ce raisonnement. De toute évidence, si les heures de travail peuvent changer avec effet rétroactif, elles peuvent diminuer, comme dans le cas de M.Cross, ou augmenter. Qu’adviendrait-il d’un PG qui serait muté avec effet rétroactif au groupe GS? Ses heures de travail augmenteraient avec effet rétroactif. En utilisant l’exemple de M. Cross, devrait-il 910 heures à l’employeur? L’absurdité de cet exemple, qui pourrait survenir et qui échappe complètement au contrôle de l’employé concerné, fait fortement pencher la balance en faveur de la jurisprudence à l’encontre d’inclure les heures de travail au titre de la rétroactivité.

[34]   Outre la preuve que l’énoncé de fonctions de M. Cross a été réécrit deux fois et soumis chaque fois aux fins d’une reclassification, rien ne permet d’expliquer pourquoi il a fallu sept ans pour reclassifier son poste. Un employeur ne devrait pas profiter du retard indu d’un processus comme celui de la classification qui est sous son contrôle exclusif. Il appartient à l’employeur dans de tels cas d’agir de bonne foi et rapidement. Cependant, je garde en tête plusieurs faits soumis en preuve qui tendent à réduire le caractère inéquitable apparent de ce délai :

  1. L’agent négociateur n’allègue pas la mauvaise foi;

  2. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas déposé un grief avant mai 2003;

  3. Le fonctionnaire s’estimant lésé a accepté, le 21 avril 2004, la lettre d’offre du 20 avril 2004. Comme mentionné précédemment, cette offre confirme que son horaire de travail sera de 37,5 heures par semaine. L’offre ne mentionne pas de mesures de la part de l’employeur pour antidater l’horaire de travail. L’agent négociateur reconnaît d’ailleurs ce fait dans ses observations.

[35]   La reconnaissance du fait de la semaine de travail de 40 heures est, selon le témoignage de Mme Marchand-Bigras, dans la formule utilisée pour convertir les employés à salaire horaire en employés à salaire annuel.  Cela satisfait à l’obligation de l’employeur aux termes du Règlement et, par conséquent, je ne vois aucune violation de la convention collective.

[36]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[37]   Le grief est rejeté.

Le 22 mars 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Barry Done,
arbitre de grief

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