Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant, dans le contexte d’une campagne de recrutement syndical, a envoyé de l’information sur la campagne à des travailleurs correctionnels, à leur adresse au travail - l’employeur a retourné le courrier à l’expéditeur - le plaignant a prétendu que cela constituait une intervention dans la formation d’une organisation syndicale, allant à l’encontre de l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP, et qu’il s’agissait de distinctions illicites contre une organisation syndicale, en contravention de l’alinéa 186(1)b) de la LRTFP - compte tenu de l’urgence de la situation, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) a instruit la demande selon la procédure accélérée et a convenu de rendre une décision provisoire, en attendant que la CRTFP rende une décision définitive sur la plainte - le refus de distribuer le courrier du plaignant peut, en soi, être considéré comme une intervention dans la formation d’une organisation syndicale, mais il reste que ce refus ne constitue pas une violation de la LRTFP parce que le défendeur avait tout lieu de croire que l’activité en question représentait une tentative, de la part de l’organisation syndicale, pour amener les employés à adhérer à une organisation syndicale sur le lieu de travail et pendant les heures de travail - il s’agit d’une activité qui, sans le consentement de l’employeur, est interdite par l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP - la preuve n’a pas établi que les gestes du défendeur constituaient des distinctions illicites contre une organisation syndicale au sens de l’alinéa 186(1)b) de la LRTFP. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-05-01
  • Dossier:  561-02-00102
  • Référence:  2006 CRTFP 46

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

ASSOCIATION INTERNATIONALE DES MACHINISTES ET DES TRAVAILLEURS DE L'AÉROSPATIALE ET SECTION LOCALE 147, DE L'ASSOCIATION NATIONALE DES TRAVAILLEURS CORRECTIONNELS FÉDÉRAUX

plaignantes

et

SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

défendeur

Répertorié
Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale et section locale 147, de l'Association nationale des travailleurs correctionnels fédéraux c. Service correctionnel du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION (no 1)

Devant :  Dan Butler, commissaire

Pour le plaignant :  Susan Ballantyne, avocate

Pour le défendeur :  Richard Fader, avocat

Pour l'intervenant :  John Mancini, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
17 mars et 19 avril 2006.
Traduction de la C.R.T.F.P.

Plainte devant la Commission

[1]    Le 27 février 2006, l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale   et la section locale 147 de l'Association nationale des travailleurs correctionnels fédéraux (« les plaignantes ») ont déposé auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (« la Commission ») une plainte fondée sur l'alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP).

[2]    Le paragraphe 190(1) de la LRTFP prévoit notamment ce qui suit :

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle 

a) l'employeur a contrevenu à l'article 56 (obligation de respecter les conditions d'emploi);

b) l'employeur ou l'agent négociateur a contrevenu à l'article 106 (obligation de négocier de bonne foi);

c) l'employeur, l'agent négociateur ou le fonctionnaire a contrevenu à l'article 107 (obligation de respecter les conditions d'emploi);

d) l'employeur, l'agent négociateur ou l'administrateur général a contrevenu au paragraphe 110(3) (obligation de négocier de bonne foi);

e) l'employeur ou l'organisation syndicale a contrevenu aux articles 117 (obligation de mettre en application une convention) ou 157 (obligation de mettre en œuvre la décision arbitrale);

f) l'employeur, l'agent négociateur ou le fonctionnaire a contrevenu à l'article 132 (obligation de respecter les conditions d'emploi)

g) l'employeur, l'organisation syndicale ou toute personne s'est livré à une pratique déloyale au sens de l'article 185.

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon la Commission, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

[3]    Les plaignantes allèguent que le défendeur s'est livré à une pratique déloyale au sens de l'article 185 de la LRTFP et qu'il a tout particulièrement enfreint l'alinéa 186(1)a) de la LRTFP en refusant de permettre aux plaignantes d'utiliser ses installations pour la distribution de correspondance aux agents correctionnels. Voici des extraits de la plainte :

[Traduction]

. . .

2. Face au mécontentement généralisé manifesté à l'égard de l'agent négociateur actuel (Union of Canadian Correctional Officers-CSN « UCCO-CSN »), l'AIMTA, avec l'appui du Congrès du travail du Canada, mène une campagne de recrutement syndical auprès des employés du défendeur, Service correctionnel du Canada (SCC), afin de remplacer l'UCCO-CSN à titre d'agent négociateur de ces employés.

. . .

7.   Récemment, l'AIMTA et l'ANTCF ont transmis par Postes Canada des renseignements importants au sujet de la campagne à tous les agents correctionnels, à leur adresse au domicile. Il était crucial pour l'AIMTA et l'ANTCF de transmettre rapidement ces renseignements à tous les agents correctionnels.

8.   Comme l'AIMTA et l'ANTCF ne détenaient pas l'adresse au domicile de tous les agents, les renseignements ont été envoyés par Postes Canada à l'adresse au travail de certains agents. SCC a comme pratique de permettre aux agents correctionnels de recevoir du courriel personnel au travail.

9.   Le 12 février 2006, Don Head, sous-commissaire principal du SCC, a émis un communiqué informant que le courrier provenant de l'ANTCF/l'AIMTA adressé aux agents correctionnels ne leur serait pas livré, mais serait plutôt retourner à l'expéditeur… Les plaignantes font valoir que, s'il continue de retarder illégalement la livraison du courriel, SCC contreviendra à l'alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, en nuisant davantage à la campagne de recrutement syndical des plaignantes, ce qui est contraire aux dispositions 185 et 186(1)a) de la Loi.   Les plaignantes sont d'avis que cela contrevient également à l'article 49 de la Loi sur la Société canadienne des postes.

[Sic pour l'ensemble]

[4]    À l'audience, les plaignantes ont aussi fait valoir que le défendeur avait enfreint l'alinéa 186(1)b) de la LRTFP.

[5]    L'article 185 et le paragraphe de la LRTFP 186(1) disposent que :

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s'entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

186. (1) ) Il est interdit à l'employeur et au titulaire d'un poste de direction ou de confiance, qu'il agisse ou non pour le compte de l'employeur

a) de participer à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale ou d'intervenir dans l'une ou l'autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci

b) de faire des distinctions illicites à l'égard de toute organisation syndicale.

[6]    À titre de mesure corrective, les plaignants demandent à la Commission :

a)        de rendre une ordonnance provisoire immédiate, conformément à l'article 36 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, interdisant au SCC de prendre des mesures pour intervenir dans la livraison du courrier de l'AIMTA et de l'ANTCF aux agents correctionnels, à leur lieu de travail;

b)        de déclarer que les mesures prises par SCC sont contraires aux articles 185 et 186 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ;

c)        de rendre une ordonnance enjoignant à l'employeur d'afficher cette déclaration bien en vue à chaque lieu de travail/dans chaque établissement, avec une autre déclaration stipulant que les fonctionnaires ont le droit de recevoir du courrier de l'AIMTA ou de l'ANTCF à leur lieu de travail;

d)        Tout autre redressement que les avocats peuvent conseiller et que la Commission jugera bon d'accorder.

[7]    J'ai été nommé en vertu de l'article 31 de la LRTFP pour siéger à titre de banc de la Commission pour instruire l'affaire.

Questions préliminaires

[8]    Le 8 mars 2006, les plaignantes ont écrit de nouveau à la Commission afin de réitérer leur demande relativement à la délivrance d'une ordonnance provisoire immédiate, en vertu de l'article 36 de la LRTFP, pour interdire au défendeur de prendre des mesures d'intervention à l'égard de la livraison du courrier visé par la plainte en attendant la décision finale de la Commission.

[9]    L'article 36 de la LRTFP est libellé comme suit :

36. La Commission met en œuvre la présente loi et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu'implique la réalisation de ses objets, notamment en rendant des ordonnances qui exigent l'observation de la présente loi, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu'elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

[10]    Pour traiter de la demande des plaignantes relativement à la délivrance d'une ordonnance provisoire immédiate, la Commission a fixé l'audience au 17 mars 2006 en mode accéléré afin de régler cet aspect de la mesure corrective demandée par les plaignantes.

[11]    Comme la demande des plaignantes relativement à la délivrance d'une ordonnance provisoire immédiate est susceptible de soulever des questions quant à la compétence de la Commission de prendre une telle mesure, j'ai demandé un entretien avec les plaignantes et le défendeur au début de l'audience du 17 mars 2006. Suite à ces discussions, j'ai conclu que la question de l'ordonnance provisoire immédiate pouvait être écartée en fixant une audience complète pour instruire la plainte comme telle et en rendant une décision le plus rapidement possible. La Commission a ensuite confirmé les dates d'audience des 19 et 20 avril 2006.

[12]    Pour permettre la délivrance rapide de l'ordonnance, le cas échéant, les plaignantes et le défendeur ont convenu que je rende une décision provisoire sous forme d'observation écrite dès que possible après l'audience et que le résumé de la preuve, les arguments et les motifs de la décision suivent par la suite.

[13]    J'ai informé les parties que la Commission fournirait une copie des documents au dossier au UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS – SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA - CSN (« UCCO-SACC-CSN »), à titre de partie susceptible d'avoir un grand intérêt dans cette affaire, et qu'elle informerait l'UCCO-SACC-CSN de la possibilité lui étant offerte en vertu du paragraphe 14(1) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique  d'être ajouté à titre de partie ou d'intervenant.

[14]    Après avoir reçu une demande de l'UCCO-SACC-CSN pour être ajouté à titre d'intervenant et après avoir donné aux plaignants et au défendeur la possibilité de soumettre des commentaires, j'ai accordé à l'UCCO-SACC-CSN la qualité d'intervenant, lui permettant ainsi de présenter des arguments de vive voix à la fin de l'audience au sujet de l'ordonnance que je devrais, le cas échéant, rendre dans cette affaire. Les motifs de ma décision concernant la demande pour obtenir la qualité d'intervenant seront inclus dans la décision finale.

Motifs

[15]    Comme mentionné précédemment, les motifs de la décision concernant la qualité d'intervenants, le résumé de la preuve, les arguments des parties à la plainte et les motifs complets de la décision seront publiés à une date ultérieure dans la décision no 2.

[16]    Le refus du défendeur de livrer le courriel des plaignantes aux agents correctionnels, à leur lieu de travail, pourrait être qualifié, pris isolément, d'intervention dans la formation d'une organisation syndicale au sens de l'alinéa 186(1)a) de la LRTFP.   Cependant, j'estime que ce refus ne constitue pas une infraction à la LRTFP parce que le défendeur pourrait raisonnablement croire que l'activité en question représente une tentative d'une organisation syndicale, pendant les heures de travail normales, d'amener les employés à adhérer à une organisation syndicale, une activité qui, sans l'autorisation de l'employeur, est interdite en vertu du paragraphe 188a) de la LRTFP.  

[17]    Je conclus également que la preuve dans cette affaire n'est pas suffisante pour établir que les mesures prises par le défendeur constituent une distinction illicite à l'égard d'une organisation syndicale au sens de l'alinéa 186(1)b) de la LRTFP.

[18]    Par conséquent, les plaignantes n'ont pas établi qu'il y a eu pratique déloyale de travail au sens de l'article 185 de la LRTFP.

[19]    Je note que la plaignante renvoie également à une violation de la Loi sur la Société canadienne des postes. À l'audience, les plaignantes n'ont pas fait valoir qu'il y avait eu violation de la Loi sur la Société canadienne des postes et je ne me prononce pas sur cet élément.

[20]    Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[21]    La plainte est rejetée.

Le 1er mai 2006.

Dan Butler,
Commissaire

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