Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé trois griefs à l’arbitrage concernant son emploi d’ingénieur de certification des aéronefs - l’employeur a soulevé une objection à la compétence de la Commission d’entendre les griefs, étant donné que les parties étaient arrivées à une entente finale et exécutoire lors de la médiation - la médiation en question s’est faite devant un médiateur nommé par la Commission et a abouti à un Protocole d’entente signé - l’agent négociateur a allégué qu’aucun des griefs en cause n’avait été réglé - pour respecter la nature confidentielle du processus de médiation, l’information présentée dans la décision était limitée et la preuve était adaptée soigneusement afin de permettre à l’arbitre d’établir quelles questions avaient présumément été réglées par la conclusion du Protocole d’entente - l’arbitre a statué que les trois griefs en cours dont il avait été saisi étaient des questions énoncées dans le Protocole d’entente - après avoir appliqué un critère objectif et après avoir examiné tous les faits qui existaient au moment de la signature du Protocole d’entente, l’arbitre a décidé que les parties étaient arrivées à une entente exécutoire et qu’il n’y avait aucune indication selon laquelle un marché inacceptable aurait été conclu - le libellé de l’entente ne suggère aucunement qu’il s’agissait d’une entente de principe, qu’elle était provisoire ou que le respect des obligations mutuelles prévues dans l’entente était facultatif - l’arbitre a supposé que, peu après la signature de l’entente, la fonctionnaire s’estimant lésée a commencé à éprouver << les remords que l’on peut ressentir à la suite de la conclusion d’une entente >> ou est arrivée à la conclusion que l’entente conclue ne répondait pas à ses besoins - l’arbitre a conclu que le fait que l’entente n’avait pas encore été appliquée ne prouvait pas qu’aucune entente n’avait été conclue, plus particulièrement après que la fonctionnaire s’estimant lésée avait rejeté l’entente qu’elle avait acceptée objectivement en la signant et dont l’application nécessitait la coopération de toutes les parties - l’arbitre a statué qu’en principe, la conduite de la fonctionnaire s’estimant lésée, en se retirant d’une entente conclue à l’issue d’une médiation, risque d’avoir un effet inquiétant sur le recours à la médiation pour résoudre des griefs en milieu de travail - l’arbitre a conclu que c’est uniquement dans des circonstances extraordinaires de contrainte, entièrement absentes ici, qu’une partie devrait être autorisée à se retirer d’un marché conclu lors d’une médiation - l’arbitre a décidé qu’il n’avait pas la compétence d’entendre d’autres preuves au sujet des mérites des griefs, puisque les parties en étaient arrivées à une entente valide au moment de la médiation portant sur ces griefs. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P–35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-05-19
  • Dossiers:  166-02-35993 à 35995
  • Référence:  2006 CRTFP 59

Devant un arbitre de grief



ENTRE

LINDA VAN DE MOSSELAER

fonctionnaire s’estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Transports)

employeur

Répertorié
Van de Mosselaer c. Conseil du Trésor (ministère des Transports)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Paul Love, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée :  Karen Wilcock, agente des relations de travail, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur :  Simon Kamel, avocat


Affaire entendue à Edmonton (Alberta),
les 24 et 25 janvier 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l’arbitrage

[1]    Mme Linda Van de Mosselaer a déposé les griefs suivants, qui ont été renvoyés à la Commission, concernant son emploi en tant qu'ingénieur de certification des aéronefs (EN-ENG-3) au ministère des Transports :

[Traduction]

10 octobre 2003 (dossier de la CRTFP 166-02-35993)

Je conteste la nécessité d'étendre mon secteur de mobilité, tel que mentionné dans la lettre de Mme T. Rezeweski du 17 septembre 2003, afin de recevoir une offre d'emploi raisonnable et, comme le montre cette lettre, d'obtenir une garantie qu'une offre d'emploi raisonnable me sera faite alors que l'administrateur général ne savait pas quels seraient les emplois disponibles et ne pouvait le prévoir. Par conséquent, on m'a refusé l'accès aux options prévues à l'article 6.3 de la Directive sur le réaménagement des effectifs. Il s'agit d'un traitement injuste et inéquitable, qui a créé une situation d'emploi intenable pour moi et qui est contraire à l'article 6.1 de la Directive sur le réaménagement des effectifs, qui fait partie de la convention collective.

8 février 2004 (dossier de la CRTFP 166-02-35994)

Je conteste mon congédiement qui entrera en vigueur le 1er mars 2004, comme le précise la lettre de M. Roger Beebe en date du 26 janvier 2004. Ce congédiement constitue une mesure disciplinaire non justifiée qui est fondée sur de l'information inexacte. Ce congédiement est précoce, étant donné que des emplois valables et appropriés à Transports Canada sont et ont été disponibles à Calgary mais m'ont été refusés.

Ce congédiement enfreint les dispositions de réaménagement des effectifs à l'appendice « J » de la convention collective.

16 février 2004 (dossier de la CRTFP 166-02-35995)

Je présente un grief parce que j'ai fait l'objet d'un traitement discriminatoire de la part de mon employeur, Transports Canada, en raison de mon sexe. Cela contrevient : 1) à l'article 44 de la convention collective du groupe AP et 2) à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce traitement discriminatoire s'est fait délibérément et de façon persistante dans le but de nuire à mon emploi dans la fonction publique.

[2]    Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation dans la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35 (l'« ancienne Loi »).

Processus pour l'objection de compétence

[3]    L'avocat de l'employeur a informé la Commission au moyen d'une lettre datée du 17 novembre 2005 qu'il avait l'intention de soulever, en tant que question de compétence, le fait que les griefs renvoyés à l'arbitrage de grief avaient été réglés lors d'une séance de médiation en 2004. La Commission a donné l'instruction à l'employeur de soulever la question de compétence au début de l'audience. À l'audience, les parties ne se sont pas entendues sur le processus à suivre pour entendre l'objection. L'employeur a fait valoir que la Commission devait entendre la preuve concernant la question de compétence et rendre et émettre une décision écrite sur la compétence, conformément à la pratique à la Commission de trancher les questions de compétence dans le contexte du règlement des griefs : Vogan c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2004 CRTFP 159; Lindor c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 10; Bedok c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines), 2004 CRTFP 163; et Castonguay c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2005 CRTFP 75.

[4]    L'agent négociateur a contesté ce processus en précisant que l'objection de l'employeur était [traduction] « non fondée, stupide et constituait une tentative de retarder l'audience sur les mérites du cas ». L'agent négociateur a allégué qu'aucun des griefs déposés n'avait été réglé et qu'on était arrivé à une entente conditionnelle concernant une plainte en vertu de l'article 23. L'agent négociateur souhaitait que l'on commence l'audience proprement dite et a fait valoir que je devrais décider de la question de compétence après avoir entendu toute la preuve.

[5]    Après avoir entendu les parties, il me semblait qu'il serait plus opportun d'entendre en premier les éléments de preuve et les arguments concernant l'objection de compétence. Il ne s'agissait pas d'une situation où la preuve concernant le point de compétence était reliée étroitement à la preuve sur le bien-fondé. De plus, si l'on se fiait aux observations faites par l'avocat de l'employeur, il y avait insuffisamment de temps réservé pour entendre les éléments de preuve sur le bien-fondé et la question de compétence, particulièrement en raison de la nature des griefs déposés[1]. J'ai indiqué que si, après avoir entendu les éléments de preuve et les arguments, je décidais que l'objection de compétence de l'employeur n'était pas réellement fondée, comme le suggérait l'agent négociateur, je pourrais me servir du temps d'audience qui restait pour entendre les autres éléments de preuve sur le bien-fondé, puisque les événements avaient trait à des griefs plus anciens, qu'il y a eu des ajournements et que je souhaitais bien utiliser le temps disponible, étant donné la difficulté probable à reprendre cette audience dans un délai raisonnable.

[6]    Après avoir entendu la preuve et l'argumentation au sujet de la question de compétence, j'ai informé les parties que l'employeur avait soulevé une grave question et que j'ajournerais l'audience pour préparer une décision écrite. Après avoir examiné la preuve, les observations et la jurisprudence pertinente, il est apparent que la Commission n'a pas compétence pour entendre le bien-fondé des griefs soulevés et mes constatations sont fournies ci-dessous.

Résumé de la preuve

[7]    J'ai établi les faits en l'espèce en me fondant sur la preuve présentée durant les témoignages et le contre-interrogatoire des témoins de l'employeur, et en examinant les documents présentés comme pièces à l'appui, et après avoir entendu les arguments des parties. Aucune preuve n'a été présentée par l'agent négociateur. J'ai été surpris qu'aucune preuve n'ait été produite par l'agent négociateur concernant la question du règlement. Or, je ne tire aucune conclusion défavorable concernant la fonctionnaire s'estimant lésée.

[8]    Les parties ont convenu de recourir à la médiation et ont signé une entente de médiation. On ne m'a pas présenté un exemplaire de cette entente. La médiation a eu lieu devant un médiateur nommé par la Commission les 25, 26 et 27 août 2004, à Edmonton, en Alberta. Les représentants de l'employeur présents lors de la médiation étaient Roger Beebe, directeur régional de l'Aviation civile pour la région des Prairies et du Nord[2], Fred Wright, gestionnaire régional de la certification des aéronefs, et Claire Carrière, directrice des Ressources humaines, Relations de travail, Sécurité et santé au travail et Langues officielles. La fonctionnaire s'estimant lésée était présente à la médiation et était représentée par James Bart, représentant/négociateur régional, et Karen Wilcock, agente des relations de travail, de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC).

[9]    La preuve concernant cette objection préliminaire a été adaptée soigneusement par l'employeur pour exclure toute référence aux propos et aux propositions exacts échangés durant la médiation. Cela est conforme à la notion que la médiation est un processus confidentiel, libre de préjudice. Quelques renseignements qui ont été produits m'ont permis de voir la structure globale du processus et de savoir qui étaient les participants qui y étaient présents et qui, au bout du compte, ont signé le Protocole d'entente. J'ai également pu établir quelles étaient les questions présumément réglées par la signature du Protocole d'entente.

[10]    J'ai rendu quelques décisions concernant des questions soulevées par l'agent négociateur pour faire en sorte que les discussions confidentielles qui avaient eu lieu lors de la médiation demeurent confidentielles. L'agent négociateur a fait une tentative pour contre-interroger les témoins de l'employeur au sujet de questions particulières soulevées durant le processus de médiation. Après avoir entendu les parties, j'ai décidé que les conversations particulières ne pouvaient être présentées, puisque le processus de médiation est censé être confidentiel. À mon avis, il y a une obligation de protéger la confidentialité de ce processus tout en permettant l'exploration de la question de savoir si les parties en sont arrivées à une entente exécutoire, incluse au Protocole d'entente.

[11]    La Commission a souligné l'importance de la protection de la confidentialité des discussions qui ont lieu durant la médiation, dans le cadre d'un processus d'arbitrage de grief subséquent. Dans l'affaire Carignan c. Conseil du Trésor (Anciens combattants Canada), 2003 CRTFP 58, le président suppléant a précisé ce qui suit :

[...]

[37] Les discussions qui ont lieu lors d'une médiation doivent se dérouler sous le sceau de la confidentialité sinon les médiations ne seraient plus efficaces. Sans cette confidentialité, les parties hésiteraient à s'engager dans un dialogue franc et ouvert et ne seraient pas susceptibles de faire des offres bien différentes de leurs positions initiales. Bientôt ce mode de résolution ne serait plus utilisé. C'est pourquoi la jurisprudence arbitrale reconnaît qu'il en va de l'intérêt des employés et des employeurs que les propos tenus lors d'une médiation ne soient pas admissibles en preuve (voir Skandharajah (supra)).

[38] L'entente suivant la médiation contenait une clause de confidentialité et elle ne saurait de la même façon être divulguée.  J'ai donc limité à l'essentiel dans cette décision l'information sur la médiation et sur l'entente. On y retrouve de façon générale les allégations du fonctionnaire s'estimant lésé et les motifs qui m'ont amené à ma décision.

[...]

[12]    D'un point de vue purement pratique, il n'est pas utile d'entendre des éléments de preuve faisant état de discussions ayant conduit à un règlement, puisqu'un point soulevé durant les négociations n'est pas nécessairement accepté par la partie opposante, à moins qu'il ne soit documenté par écrit dans une entente écrite.

[13]    La médiation semble avoir suivi le processus normalisé de la Commission. Le médiateur a rencontré chaque partie séparément durant une séance ayant précédé la médiation pour définir les questions du point de vue de cette partie et pour lui expliquer le processus de médiation. Il y a eu une séance conjointe durant laquelle le médiateur a aidé les parties à définir les intérêts et les options en matière de règlement. Au début de la séance conjointe, les parties ont signé une entente de médiation qui renfermait une disposition sur la confidentialité. Il y a eu des caucus distincts durant la séance conjointe. Le médiateur a fait des allers et retours entre les parties se trouvant dans des pièces distinctes. Les parties se sont réunies pour signer une entente écrite et pour se serrer la main. La principale séance de médiation a duré deux jours.

[14]    Le seul écart par rapport à la pratique de la Commission est que le médiateur a rédigé de sa main le Protocole d'entente. Ordinairement, en vertu du processus de médiation de la Commission, la rédaction d'un Protocole d'entente est laissée aux soins des parties. Toutes les parties ont signé le Protocole d'entente et chaque partie en a reçu un exemplaire. Le médiateur a informé la Commission au moyen d'une lettre qu'on en était arrivé à une entente[3].

[15]    De façon générale, les ententes de médiation et les documents faisant état du règlement sont des documents privés et ils ne sont pas soumis à la Commission. Pour statuer sur l'argument concernant la compétence, il était nécessaire que l'entente de médiation soit présentée comme pièce[4]. J'ai examiné l'approche exposée dans l'affaire Vogan (supra), durant laquelle le président suppléant, M. Giguère, a limité l'information présentée dans la décision pour respecter autant que possible la confidentialité du processus de médiation.

[16]    Il est nécessaire d'inclure ici des portions de l'entente, étant donné que des arguments ont été présentés sur chaque disposition et exposé des faits. J'ai révisé le document pour éliminer tout texte inutile et pour protéger la confidentialité du règlement. Le document est intitulé [traduction] Protocole d'entente entre Linda Van de Mosselaer (l'« employée »), l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « syndicat »), et Transports Canada (l'« employeur »). Voici les points saillants du document :

[Traduction]

[...]

Protocole d'entente

[...]

[description des parties]

Les parties ont convenu de régler les questions suivantes selon les modalités énoncées dans la présente.

[Neuf questions sont énumérées, y compris les suivantes]

- Grief concernant le réaménagement des effectifs
en date du 10 octobre 2003

[...]

- Plainte déposée en vertu de l'article  23
en date du 30 octobre 2003

[...]

- Lettre du 26 janvier 2004 annonçant un congédiement prenant effet le 1er mars 2004, grief
en date du 8 février 2004

[...]

- Grief concernant un traitement discriminatoire
en date du 16 février 2004

[...]

1.
L'employeur est tenu de verser à l'employée la somme de [montant supprimé].
2.
L'employée et le syndicat doivent informer l'employeur de la structure et du moment du paiement prévu au point 1.
3. L'employeur doit annuler et retirer du dossier de l'employée :
[documents faisant état de certaines questions disciplinaires et liées au rendement]
4.
L'employeur fournira une lettre de référence pour l'employée, dont le contenu sera formulé de concert avec le syndicat.
5.
L'employeur est tenu d'aider l'employée à trouver un emploi en dehors de Transports Canada, en prenant des mesures telles que :
        [mesures à prendre par l'employeur]
6.
L'employeur et le syndicat doivent faire tout en leur pouvoir pour récupérer, mettre en lieu sûr et éliminer, conformément aux politiques de conservation, ou pour récupérer et détruire, si possible, tous les dossiers et courriels ayant trait à toutes les « questions » en litige auprès des personnes clés suivantes : [noms supprimés]. Le syndicat et l'employeur communiqueront entre eux pour prendre ces mesures.
7.
L'employeur réattribuera [jours supprimés] de congés de maladie au crédit des congés de maladie de l'employée.
8.
Il incombe à l'employeur et au syndicat, d'ici le 13 septembre 2004, d'élaborer et de finaliser le libellé d'un contrat consistant à respecter les dispositions de l'entente qui inclura également :
a) une disposition sur la confidentialité
b) une disposition « libre de préjudice »
c) une disposition sur le règlement du différend renfermant une disposition sur la médiation précisant que, si toutes les parties en conviennent ou si la médiation n'aboutit pas à un règlement, le différend soit renvoyé conjointement et automatiquement à l'arbitrage exécutoire.
9.
Au moment de l'application de la présente entente, l'employée et le syndicat retireront toutes les questions énumérées (plaintes, griefs et demandes d'enquête).
Les parties ont lu et ont accepté de plein gré la présente entente.
Fait à Edmonton, en Alberta, le 27 août  2003
[Signée par toutes les parties]

[17]    J'établis comme fait que les trois griefs examinés en l'espèce sont des questions énoncées dans le Protocole d'entente, dont il est fait mention dans l'exposé des faits et à l'article 9. Tandis que les numéros des dossiers de la Commission ne sont pas précisés dans le Protocole d'entente, la description des griefs correspond à celle contenue dans les dossiers de la Commission qui sont ici devant moi et qui ont été renvoyés à l'arbitrage de grief.

[18]    Après la signature du Protocole d'entente, tous les représentants de la direction à la réunion pensaient que les griefs avaient été réglés. M. Beebe était le décideur principal de Transports Canada aux fins de la médiation. Il avait acquis une longue expérience de la négociation des marchés durant sa carrière de 30 ans au Ministère. Il a témoigné qu'il n'aurait pas signé l'entente s'il avait cru qu'il s'agissait d'une entente provisoire. M. Beebe avait le pouvoir de conclure n'importe quel règlement liant le Ministère à la suite d'une médiation. Il a témoigné qu'il n'y avait eu aucune discussion au moment de la signature voulant qu'il s'agisse d'une entente provisoire. M. Wright a témoigné que ni le syndicat ni le médiateur n'ont soulevé aucune question selon laquelle il s'agissait d'une entente provisoire. M. Wright croyait qu' [traduction] « elle était supposée nous lier tous et nous permettrait d'aller de l'avant au moment de la signature ». Mme Carrière estimait que l'entente mettait fin aux griefs et elle a indiqué qu'on avait envisagé « d'aller prendre un verre » après la signature de l'entente, mais que quelqu'un était trop fatigué.

[19]    Durant les jours qui ont suivi la médiation, l'employeur a commencé à mettre en application l'entente. En l'espace d'une semaine après la signature de l'entente de médiation, le 3 septembre 2004, M. Bart a téléphoné à Mme Carrière et lui a dit qu'« il y avait une certaine hésitation de la part de Linda pour ce qui était de la mise en application de l'entente et qu'il la rencontrerait pour discuter de certains aspects ». Il a suggéré à Mme Carrière « de ne pas agir trop rapidement pour appliquer l'entente, puisque Linda réexaminait l'entente conclue par voie de médiation ».

[20]    L'employeur a pris des mesures pour appliquer la quatrième disposition de l'entente concernant la rédaction d'une lettre de référence. Mme Carrière a envoyé un courriel à M. Wright le 31 août 2004 pour obtenir une lettre de référence pour la fonctionnaire s'estimant lésée. M. Wright a obtenu une ébauche de la lettre de référence et l'a envoyée à Mme Carrière par courriel le 13 septembre 2004. Il est probable que Mme Carrière aurait participé dans une certaine mesure à la rédaction de la lettre avant qu'elle ait été fournie à l'agent négociateur.

[21]    L'employeur a pris des mesures pour appliquer la cinquième disposition de l'entente consistant à aider la fonctionnaire s'estimant lésée à trouver un emploi. M. Beebe était le cadre supérieur au Ministère à qui il incombait, au bout du compte, à faire en sorte que l'entente soit appliquée. Il a délégué une partie de cette responsabilité à Mme Carrière. Elle a désigné une personne-ressource unique, un agent principal des ressources humaines au bureau de Winnipeg, qui avait 28 années d'expérience. M. Beebe a communiqué avec un collègue au Conseil fédéral de l'Alberta pour l'aider à faire connaître Mme Van de Mosselaer[5]

[22]    Mme Carrière a pris des arrangements pour mettre en application la sixième disposition, qui avait trait à la récupération de certains documents. Elle a écrit un courriel le 31 août 2004 pour demander aux destinataires de lui envoyer les documents. M. Beebe et M. Wright ont obtempéré.  M. Wright avait de la difficulté à graver certains de ses documents sur un disque compact et a eu besoin de l'aide d'un collègue.

[23]    L'agent négociateur conteste le fait que l'employeur a respecté la sixième disposition du Protocole d'entente concernant la collecte et l'entreposage de documents au sujet de la fonctionnaire s'estimant lésée. En présentant une demande d'accès à l'information, la fonctionnaire s'estimant lésée a obtenu et a présenté des documents qui étaient en la possession de M. Wright. L'agent négociateur affirme que cela montre que la preuve produite par M. Wright n'était pas fiable et que l'employeur n'avait pas respecté l'entente et que, par conséquent, il n'y avait pas d'entente.

[24]    Selon moi, cette preuve n'a pas beaucoup de poids et ne montre certainement pas l'absence d'une entente. Au moment où la demande d'accès à l'information a été présentée[6], l'employeur savait que l'agent négociateur adoptait la position qu'on n'était arrivé à aucune entente. L'employeur avait le droit d'avoir des documents en sa possession pour se préparer au processus de règlement des griefs et en attendant la décision d'arbitrage. M. Wright a subi un contre-interrogatoire à ce sujet et a indiqué honnêtement qu'il devait user de son jugement pour déterminer si un document en sa possession avait trait « à toutes les questions en litige » comme le précisait la sixième disposition du Protocole d'entente ou si le document avait trait à d'autres préoccupations opérationnelles. Il se peut qu'il ait conservé les documents par erreur. La liasse de documents présentés comme pièce[7] ne m'aide pas à décider s'il y avait ou non une entente. Même si M. Wright avait en sa possession des documents qu'il aurait dû remettre à Mme Carrière, cela ne montre aucunement l'absence d'un Protocole d'entente exécutoire. M. Wright demeurait un témoin digne de foi après son contre-interrogatoire.

[25]    Même si M. Beebe pense que l'employeur a réattribué des congés de maladie au crédit de Mme Van de Mosselaer conformément à la septième disposition du Protocole d'entente, M. Beebe a délégué la responsabilité de mettre en application l'entente à Mme Carrière.  Cette dernière a témoigné que les congés de maladie n'ont pas été réattribués, mais que cette possibilité était envisagée à l'époque. La preuve que j'ai devant moi me montre essentiellement que Mme Carrière s'est fiée à l'information fournie par M. Bart durant l'appel téléphonique du 3 septembre 2004 et ne s'est pas empressée à appliquer cette condition du Protocole d'entente.

[26]    L'employeur n'a pas versé la contrepartie dont il avait été convenu à la disposition 1. Le paiement de la contrepartie prévu à la disposition 1 était conditionnel, en ce sens que l'employée et l'agent négociateur étaient supposés fournir de l'information concernant la structure et le moment des paiements, étant donné que Mme Van de Mosselaer avait touché des prestations d'assurance-emploi et que ce règlement aurait des conséquences sur le plan fiscal. M. Beebe a témoigné que l'employeur avait l'intention de faire ce que l'agent négociateur demandait de lui une fois que l'information serait transmise de la façon prévue à la disposition 2. L'agent négociateur n'a fourni à l'employeur aucune information concernant le moment ni la structure des paiements. L'agent négociateur n'a pas exigé de paiement. L'employeur n'a pas versé le paiement parce qu'il craignait qu'il ne pouvait agir unilatéralement à cet égard, compte tenu du libellé de l'article 2. L'agent négociateur ne coopérait pas, or, une telle coopération était nécessaire pour assurer l'application du Protocole.

[27]    En ce qui concerne la disposition 8, à aucun moment M. Bart n'a soulevé d'objection selon laquelle aucune entente écrite n'avait été élaborée en réponse à cette disposition avant le 13 septembre 2004. Les témoins de l'employeur ont laissé entendre que M. Bart s'est chargé de fournir à l'employeur le libellé à inclure aux clauses sur la confidentialité, sur l'absence de préjudice et sur le règlement des différends.

[28]     Le 16 septembre 2004, un coordonnateur de règlement des conflits de la Commission a écrit aux deux parties et a confirmé que la Commission avait été informée par le médiateur que la plainte déposée en vertu de l'article 23 de l'ancienne Loi avait été réglée. La lettre de la Commission aux parties renvoyait uniquement au dossier 161-2-1283 de la Commission, que je constate est l'affaire décrite dans le Protocole d'entente en tant que [traduction] « plainte en vertu de l'article 23 en date du 30 octobre 2003 ». Une fois de plus, je note que la pratique de la Commission est de n'avoir aucune copie d'aucun Protocole d'entente et de se fier à l'information fournie par le médiateur concernant le règlement des griefs.

[29]    Mme Carrière continuait à avoir espoir que la question serait réglée et s'est sentie découragée lorsqu'elle a reçu un appel téléphonique de M. Bart, le 17 septembre 2004, l'informant que [traduction] « Linda ne respecterait pas l'entente conclue par voie de médiation », mais qu'il retirerait la plainte en vertu de l'article 23 et examinerait les autres griefs, parce qu'il avait le sentiment que certains d'eux seraient retirés également. Mme Carrière a envoyé un courriel le 17 septembre 2004 à M. Beebe et à d'autres membres de l'équipe de gestion pour les informer de la position de Mme Van de Mosselaer et a indiqué qu'elle examinerait les griefs en instance et communiquerait avec l'IPFPC pour fixer de nouvelles audiences de grief.

[30]    L'employeur a cessé de prendre les mesures nécessaires pour appliquer l'entente après qu'il ait reçu la lettre de Mme Wilcock en date du 27 septembre 2004. Voici le contenu de la lettre :

[Traduction]

[...]

Objet : Entente de médiation - MmeLinda Van de Mosselaer

La présente fait suite à la conversation que vous avez eue avec M.  Bart le 17 septembre 2004, concernant le réexamen de l'entente provisoire à laquelle a abouti la médiation du 27 août 2004. L'entente a été élaborée tard le soir, vers 22 h 30, le 27 août, après deux jours de négociation. Après un examen plus approfondi, il est devenu manifeste que l'entente provisoire, dans sa forme actuelle, ne répond pas à toutes les préoccupations de Mme Van de Mosselaer, ni reflète sa perception de la manière dont certaines des questions ont été réglées.

Par conséquent, je vous informe que Mme Van de Mosselaer ne souhaite pas finaliser cette entente provisoire. Une médiation supplémentaire constitue toujours une option s'il y a une disposition mutuelle à poursuivre le processus. Si l'on décide de ne pas poursuivre la médiation, Mme Van de Mosselaer poursuivra le règlement des différentes questions aux forums appropriés, à l'exception de la plainte déposée en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qu'elle retirera.

[...]

[31]    Alors que cette lettre est présentée pour montrer le déroulement des événements[8], il n'y a eu aucun témoignage oral d'aucun témoin appelé par l'agent négociateur ou la fonctionnaire s'estimant lésée. Il s'agissait d'une lettre soigneusement rédigée presque un mois après la médiation. Je suis convaincu que la seule valeur probante que l'on peut accorder à ce document est que Mme Van de Mosselaer a changé d'avis concernant le règlement qu'elle a signé, qu'elle n'avait pas l'intention d'honorer ce règlement et qu'elle souhaitait rouvrir les discussions pour obtenir un règlement plus intéressant, en l'absence duquel elle renverrait l'affaire à l'arbitrage de grief.

[32]    L'employeur n'a pas répondu par écrit à la lettre de l'agent négociateur. L'employeur a pris d'autres mesures dans le cadre du processus de règlement des griefs et a fixé des audiences pour l'arbitrage des trois griefs. Certains des griefs contenus dans le Protocole d'entente ont été réglés dans le cadre du processus de règlement des griefs, et d'autres ont été abandonnés ou retirés. Il y a eu une discussion au sujet de médiation supplémentaire, qui n'a toutefois pas eu lieu. Les seuls griefs qu'il reste à régler sont les trois griefs en instance dans le cadre du présent renvoi à l'arbitrage de grief et que la Commission examine à ce moment précis.

[33]    Il y avait une grande déception chez la partie patronale lorsqu'elle a appris que Mme Van de Mosselaer n'avait pas l'intention de respecter le règlement auquel étaient arrivées les parties durant la médiation. M. Beebe a précisé qu'il croyait sincèrement qu'on était arrivé à un accord, que beaucoup d'énergie avait été consacrée à la médiation pour régler l'affaire, et qu'il ne comprenait absolument pas comment une partie pouvait se retirer d'un contrat exécutoire. L'employeur n'a pas invoqué l'entente comme argument de défense durant le processus de règlement des griefs, car il estimait qu'il était lié par la clause de confidentialité contenue dans le Protocole d'entente et voulait s'assurer qu'il agissait de bonne foi, en conformité avec l'entente. M. Beebe espérait également qu'en fournissant de l'information supplémentaire durant le processus de règlement des griefs, les griefs seraient réglés officieusement.

Résumé de l'argumentation

[34]    L'employeur fait valoir que la Commission n'a pas la compétence voulue pour statuer sur ces griefs. Au moment de la médiation, on est arrivé à une entente exécutoire qui réglait tous les griefs. Tous les éléments de preuve objectifs au moment de la conclusion d'un contrat montraient qu'on en était arrivé à une entente finale et exécutoire : MacDonald c. Canada, [1998] A.C.F no 1562 (CFPI) (QL). La preuve montre que la fonctionnaire s'estimant lésée est revenue ou a tenté de revenir sur l'entente conclue. L'entente écrite n'a pas été achevée avant le ou le 13 septembre 2004, parce que James Bart, le représentant de l'agent négociateur à l'époque, a téléphoné à Mme Carrière le 3 septembre 2004, et lui a dit essentiellement de ralentir l'établissement des documents nécessaires, étant donné que la fonctionnaire s'estimant lésée était en train de changer d'avis.

[35]    Après avoir signé le règlement, les deux parties devaient prendre d'autres mesures pour l'appliquer. Il n'y avait aucune ambiguïté dans les modalités du règlement, et le fait qu'il restait à prendre d'autres mesures pour assurer sa mise en application ne prouve aucunement qu'il s'agissait d'un règlement provisoire ou conditionnel.

[36]    Étant donné qu'on était arrivé à un règlement exécutoire lors de la médiation, la Commission n'a pas la compétence voulue pour examiner davantage les griefs ou les arguments concernant la violation de l'entente de médiation : Bhatia c. Conseil du Trésor (Travaux publics Canada), dossier de la CRTFP 166-2-17829 (1989) (QL); Myles c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 53; Skanharajah c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), 2000 PSSRB 114; Carigan (supra); Castonguay (supra); Vogan (supra); Lindor (supra); Bedok (supra).

[37]    L'employeur a continué de tenter de régler les griefs après que l'employée ait enfreint l'entente de médiation; toutefois, cela n'empêche pas à l'employeur d'élever une objection concernant la compétence de la Commission à l'audience. L'employeur n'a pas mentionné l'entente de médiation durant le processus de règlement des griefs, puisqu'il estimait qu'il était lié par les clauses de confidentialité contenues dans l'entente de médiation et dans l'entente de règlement des griefs. L'employeur tentait simplement de résoudre les questions, à un coût minimal, en sachant qu'au besoin, il pouvait soulever ce point dans le cadre d'un processus d'arbitrage de grief devant la Commission. L'employeur a conclu qu'il serait difficile, voire impossible, de poursuivre unilatéralement la mise en application de l'entente, étant donné que son application nécessitait la coopération de la fonctionnaire s'estimant lésée, et puisque celle-ci était tenue de faire certaines choses. Il s'agit strictement d'une question de compétence et non pas d'une question procédurale. Tandis qu'une partie peut être obligée de renoncer à invoquer un vice de procédure si l'objection n'est pas élevée en temps opportun, une question de compétence peut être soulevée n'importe quand, avant ou durant une audience.

[38]    Si la Commission permet à la fonctionnaire s'estimant lésée de ne pas subir les conséquences de la signature d'une entente de médiation, cela jettera une ombre sur l'utilité du processus de médiation pour résoudre des différends en milieu de travail. L'employeur continue d'être disposé à appliquer l'entente à laquelle on est arrivé lors de la médiation.

[39]    L'agent négociateur affirme qu'on est arrivé à une entente conditionnelle lors de la médiation du 27 août 2004, en réponse à une plainte déposée en vertu de l'article 23, entente selon laquelle l'agent négociateur et l'employeur établiraient un contrat officiel par écrit. Le délai fixé pour la finalisation de ce contrat était le 13 septembre 2004. Cette date est arrivée sans qu'on ait élaboré ledit contrat. L'agent négociateur a appelé Mme Carrière, chez l'employeur, le 17 septembre 2004, et l'a informée par écrit le 27 septembre 2004, que la fonctionnaire s'estimant lésée avait l'intention de se retirer de l'entente.

[40]    L'entière conduite qu'ont eue les parties entre elles après la signature de l'entente est pertinente dans cette affaire et montre qu'aucune entente n'avait été conclue. À aucun moment l'employeur n'a soulevé d'objection en matière de compétence, en temps opportun. L'employeur a agi comme s'il n'y avait pas d'entente en omettant d'exiger le strict respect des modalités de l'entente, en participant au processus de règlement des griefs et en omettant de notifier l'agent négociateur de sa plainte concernant la compétence. La conduite des deux parties après la médiation confirme que l'entente à laquelle on était arrivé par voie de médiation était provisoire et non définitive.

[41]    L'agent négociateur se réfère à l'affaire Re Pacific Forest Products Ltd., Nanaimo Division and Pulp, Paper and Woodworkers of Canada, Local 7 (1983), 14 L.A.C. (3d) 151 (Munroe), pour la proposition selon laquelle [traduction] « l'acceptation ou le rejet d'un argument dans le contexte d'un règlement devrait être fondé sur une évaluation objective des propos ou gestes des parties au moment pertinent, peu importe l'intention subjective ». L'agent négociateur se réfère également à l'affaire Glace Bay (Town) and C.U.P.E., Local 755 (1994), 42 L.A.C. (4th) 188 (North).

Motifs

[42]    La question que je dois trancher est celle de savoir si le Protocole d'entente lie les parties. S'il les lie, je n'ai pas la compétence voulue pour entendre les griefs de Mme Van de Mosselaer. Généralement, une entente constitue un obstacle complet à une action en justice pour congédiement injustifié. Cette approche concernant le caractère final de la conclusion d'ententes a été adoptée par la Commission durant l'examen de griefs renvoyés à l'arbitrage de grief à la suite de la conclusion d'une entente de règlement. De plus, la Commission a un pouvoir discrétionnaire résiduel pour déterminer si l'entente devrait ne pas être appliquée du fait qu'il s'agit d'une opération déraisonnable. Il s'agit d'une norme très élevée qui a fait l'objet d'une observation dans l'affaire  MacDonald (supra). Au paragraphe 27, on se réfère dans cette affaire à la cause Stephenson v. Hilti (Can.) Ltd. (1989), 29 C.C.E.L. 80 (N.S.S.C.T.D.), qui a résumé le critère à appliquer relativement à une opération déraisonnable :

[Traduction]

[...]

Une opération peut être rejetée parce que déraisonnable si la preuve démontre :

1) l'existence d'une inégalité des positions de négociation attribuable à l'ignorance, au besoin ou à la détresse de la partie la plus faible;

2) que la partie la plus forte a indûment usé de sa position de force pour obtenir un avantage;

3) que l'entente conclue est nettement injuste pour la partie la plus faible ou, comme on l'a écrit dans Harry v. Kreutziger, qu'elle est suffisamment incompatible avec les normes sociales de la moralité commerciale qu'elle devrait être annulée.

[...]

[43]    Il n'y a simplement pas de preuve dans ce cas-ci qu'il y ait eu une opération déraisonnable.

[44]    Je n'accepte pas l'argument de l'agent négociateur que c'est uniquement la plainte en vertu de l'article 23 qui a été réglée. Cette observation est contraire à tous les éléments de preuve produits. Il est clair, lorsqu'on examine le Protocole d'entente, que toutes les questions dont la Commission est saisie, dans le contexte des dossiers de griefs renvoyés à l'arbitrage de grief, sont décrites comme réglées. L'agent négociateur veut que je me fie au rapport fourni par le médiateur à la Commission, qui ne mentionne le règlement que d'un dossier, à savoir celui concernant une plainte en vertu de l'article 23. En me fiant aux éléments de preuve dont je dispose, je ne peux savoir si le médiateur a commis une erreur au moment de la communication avec la Commission ou si celle-ci a commis une erreur dans sa communication avec les parties. Il est évident que la Commission n'avait pas une copie du Protocole d'entente. Je note toutefois que, dans la lettre de la Commission, on ne parle aucunement d'autres griefs non réglés qui seraient en instance. Le Protocole d'entente constitue le meilleur élément de preuve montrant que les griefs ont été réglés par les parties.

[45]    La deuxième question est celle de savoir si les parties en sont arrivées à une entente exécutoire à l'issue de la médiation en août 2004. Généralement, le critère consistant à déterminer si les parties sont liées par un contrat est un critère objectif. Comme on peut le lire dans l'affaire MacDonald (supra) au paragraphe 35 :

[...]

En ce qui concerne le critère de la conclusion d'une entente et de la satisfaction, [...] je suis convaincu qu'une entente avait été conclue entre le Ministère, l'IPFP et le plaignant, quoi que ce dernier ait pu penser quand il a signé en se croisant les doigts dans le dos, pour ainsi dire.  L'expression manifeste de son intention était sa signature de l'entente. C'est ce qui est pertinent.  Son intention inexprimée ne compte pas. Je le répète en citant le jugement du tribunal dans Kerster:

Si ses mots et ses actes, jugés à l'aune d'une norme raisonnable, reflètent une intention de souscrire à la chose en question, l'entente est établie, et ce qui peut avoir été son état d'esprit réel bine qu'inexprimé sur la question ne compte pas.

[...]

[46]    Cela va également dans le sens de l'approche suivie dans l'affaire Re Pacific Forest Products Ltd. (supra). Si j'applique un critère objectif et si j'examine tous les faits qui existaient au moment de la signature du Protocole d'entente, il n'y a aucune preuve à l'appui laissant supposer qu'il s'agissait d'autre chose que d'une entente exécutoire. À mon avis, on est arrivé à un règlement exécutoire. Il est clair qui sont les parties, quels étaient les griefs faisant l'objet de l'entente, quelle est la contrepartie à verser et quelles sont les obligations mutuelles des parties pour la mise en application. Rien dans le libellé de l'entente suggère que l'entente fût une entente de principe, que l'entente fût provisoire ou que le respect des obligations mutuelles énoncées dans l'entente fût facultatif. Plus particulièrement, le libellé de l'entente ne renfermait aucun élément donnant à la fonctionnaire s'estimant lésée l'option de changer d'avis ou de ne pas respecter ses obligations en vertu de l'entente.

[47]    La troisième question à examiner est si la conduite de la fonctionnaire s'estimant lésée et de l'employeur montre qu'aucune entente n'a été conclue. L'aspect pertinent sur lequel il faut se concentrer est le moment de la signature de l'entente le 27 août 2004. Cela est conforme à l'approche suivie dans les affaires MacDonald (supra), Re Pacific Forest Products Ltd. (supra) et Bedok (supra). Le 27 août 2004, la fonctionnaire s'estimant lésée a signé une entente. Je n'ai aucun élément de preuve faisant état de contrainte. Les parties se sont serré la main et ont parlé d'une célébration. L'entente proprement dite renferme des exposés des faits qui montrent que les parties avaient l'intention de régler certains griefs et qu'il n'y avait aucune contrainte. À mon avis, cela constitue de solides preuves qu'on en est arrivé à un règlement.

[48]    Le seul point que je peux déduire de la conduite de la fonctionnaire s'estimant lésée et de l'agent négociateur est qu'après la signature de l'entente de médiation, la fonctionnaire s'estimant lésée a commencé à éprouver « les remords que l'on peut ressentir à la suite de la conclusion d'une entente » ou est arrivée à la conclusion que l'entente conclue ne répondait pas à ses besoins. J'utilise l'expression « déduire », étant donné que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a fourni aucune preuve à cet égard et que les seuls éléments de preuve que je peux examiner sont les rapports transmis par M. Bart à Mme Carrière les 3 et 17 septembre 2004, dont Mme Carrière a parlé durant son témoignage, et la lettre de M. Wilcock adressée à l'employeur le 27 septembre 2004. À mon avis, la conduite unilatérale de la fonctionnaire s'estimant lésée ne constitue pas un élément de preuve montrant qu'aucune entente n'a été conclue; il s'agit plutôt d'un élément de preuve qui montre que la fonctionnaire s'estimant lésée a changé d'avis. La preuve objective montre qu'une entente avait été conclue.

[49]    La quatrième question que je dois examiner est celle de savoir si les dispositions concernant l'application de l'entente ont eu pour effet, de quelque façon que ce soit, de rendre l'entente non applicable en tant qu' « entente de s'entendre ». Clairement, il y a des mesures que les parties doivent prendre à la suite de la conclusion de l'entente. Il n'y a aucune ambiguïté quant aux mesures à prendre. Le fait que le Protocole d'entente n'a pas encore été appliqué ne prouve pas qu'une entente n'a pas été conclue, surtout lorsqu'on considère que la fonctionnaire s'estimant lésée a pris des mesures unilatérales pour se retirer de l'entente. Il n'y a aucune preuve selon laquelle « il était essentiel d'agir avec célérité » dans l'exécution des dispositions d'application. Je pense qu'il était sous-entendu dans cette entente que les parties étaient tenues de faire tout leur possible pour appliquer l'entente dans un délai raisonnable.

[50]    M. Bart était tenu de fournir à l'employeur de l'information concernant le moment et la structure du paiement de la contrepartie monétaire et de lui fournir le libellé de l'IPFPC pour les dispositions sur la confidentialité, l'absence de préjudice et le règlement du différend. Il s'agit de questions de mise en application, sous le contrôle de l'agent négociateur, et celui-ci a omis d'agir en raison du changement d'avis de la fonctionnaire s'estimant lésée. Selon moi, ces obligations sont suffisamment claires dans le Protocole d'entente, à ce point que celui-ci ne peut être caractérisé comme une entente temporaire ou comme une « entente de s'entendre ». À mon avis, il s'agit d'un contrat exécutoire sans qu'il soit nécessaire d'y inclure un libellé supplémentaire rédigé d'un commun accord.

[51]    Il est manifeste qu'il y a des obligations de la part de la partie patronale. L'exécution de ces obligations dépendait de la coopération de l'agent négociateur. Certaines des mesures d'application devant être prises par l'employeur ne l'ont pas été. Compte tenu du comportement de la fonctionnaire s'estimant lésée, il semblait peu logique pour l'employeur de tenter d'appliquer unilatéralement l'entente. Il n'y avait aucune ambiguïté concernant les obligations, qui n'étaient pas conditionnelles de quelque façon que ce soit. Ces obligations ne peuvent être caractérisées comme une entente temporaire ou comme une « entente de s'entendre ».

[52]    Je note une fois de plus que la Commission n'a pas compétence pour ce qui est de l'application d'une entente de médiation. S'il y a un différend entre des parties et que les parties ne souhaitent pas avoir recours à la médiation, ni renvoyer le différend à titre spécial à l'arbitrage commercial, la solution est d'intenter une poursuite au civil pour assurer l'application des modalités du règlement. Selon moi, le renvoi à la médiation, si les parties en conviennent, ou à l'arbitrage de grief, en vertu de la disposition 8, risque fort bien d'aller au-delà de la compétence de la Commission. Je pense que la disposition sur la résolution des différends qui devait être élaborée devait porter sur des questions liées à la mise en application qui sont en dehors des limites de la compétence de la Commission.

[53]    Il ne s'agit pas d'une affaire où l'employeur aurait omis de mettre en application l'entente, mais plutôt où une fonctionnaire s'estimant lésée a tenté de se soustraire aux modalités d'une entente qu'elle avait acceptée objectivement en signant le Protocole d'entente le 27 août 2004. L'employeur a estimé qu'il était superflu de continuer à appliquer unilatéralement le règlement après que la fonctionnaire s'estimant lésée l'avait rejeté, puisque sa mise en application nécessitait la coopération de toutes les parties.

[54]    Le cinquième aspect que je dois examiner est l'effet qu'a eu la conduite unilatérale de la fonctionnaire s'estimant lésée en se retirant du règlement et en renvoyant le grief à l'arbitrage. D'après moi, il s'agit là d'une preuve montrant une violation unilatérale d'une entente et ne constitue pas une preuve témoignant de l'absence d'une entente. Il s'agit d'un comportement qui n'a aucun rapport avec la constatation qu'il y avait eu règlement des griefs. Si je me fonde sur la jurisprudence, je dois me concentrer sur le moment où le contrat a été conclu et non pas sur les mesures prises par les parties après la conclusion du contrat.

[55]    Dans l'affaire Bedok (supra), un commissaire a examiné l'effet qu'a eu le changement d'avis d'un fonctionnaire s'estimant lésé quatre jours après la signature d'un Protocole d'entente. Le fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir qu'il avait signé l'entente sous l'effet d'une coercition ou contrainte causée par des circonstances financières. La Commission a statué que l'aspect essentiel pour déterminer si un règlement était valide était l'intention des parties au moment de la signature. La Commission s'est référée à l'affaire Kerster à laquelle on renvoyait dans l'affaire MacDonald (supra) et a déclaré ce qui suit au paragraphe 62 :

[...]

... quoi qu'il en soit, l'annulation d'un contrat n'est justifiée que si le consentement de la partie en cause n'a pas été vraiment obtenu en raison des moyens de persuasion répréhensibles de l'employeur. (Voir Skandharajah c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), 2000 CRTFP 1140). Or, j'ai déjà conclu que rien dans la preuve n'indique que l'employeur ait usé de moyens de persuasion indus à l'endroit du fonctionnaire s'estimant lésé.

[...]

[56]    Dans Carignan (supra), le fonctionnaire s'estimant lésé souhaitait se retirer d'une entente conclue par voie de médiation en précisant qu'il s'agissait d'une entente temporaire et qu'il n'avait pas reçu les avantages monétaires auxquels il s'attendait en vertu de l'entente de médiation. Le Commissaire a examiné l'entente et a déterminé que celle-ci n'indiquait pas si elle était temporaire ou conditionnelle et a rendu qu'il s'agissait d'une entente exécutoire. La Commission a décidé ce qui suit :

[...]

 [48] Étant donné que la Commission n'a pas compétence pour décider si les conditions de l'entente et les règlements ont été respectés, elle n'a pas plus compétence pour établir si une des parties a agi de mauvaise foi dans l'application de cette entente. Par conséquent, cet argument doit aussi être rejeté.

[...]

[57]    En principe, la conduite de la fonctionnaire s'estimant lésée, en se retirant d'une entente conclue à l'issue d'une médiation, risque d'avoir un effet inquiétant sur le recours à la médiation pour résoudre des griefs en milieu de travail. Il faut décourager cela, car la médiation est une méthode opportune, rentable et efficace pour résoudre des différends en milieu de travail et permet aux parties de maintenir une relation de négociation empreinte de maturité.

[58]    Généralement, la médiation constitue un mécanisme efficace pour résoudre les problèmes en milieu de travail et accorde aux parties un élément de contrôle sur la solution au problème, dont elles ne bénéficient pas lorsqu'un grief est tranché par un commissaire. Les ententes de médiation sont généralement rédigées soigneusement après de considérables compromis par l'ensemble des parties au processus de négociation. Il s'agit d'une « solution parfaite » adaptée à la situation par les parties au moment de sa formulation. Souvent, il y a des mesures à prendre par la suite, comme le versement d'argent, la rédaction de références ou d'autres aspects dont conviennent les parties.

[59]    Lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé ne respecte pas l'entente, d'après moi, il n'y a aucune obligation de la part de l'employeur d'entreprendre une procédure juridique au tribunal pour tenter d'obtenir une déclaration selon laquelle un marché exécutoire a été conclu. Il est tout à fait acceptable pour l'employeur dans cette situation de continuer à traiter avec l'agent négociateur pour régler les questions résolues d'une façon professionnelle et, si cela échoue, de soulever la question préliminaire de la compétence au moment de l'arbitrage de grief.

[60]    Le fait qu'un employeur omet d'invoquer l'entente auprès de l'agent négociateur n'est pas pertinent dans le cadre de la question de la compétence. La compétence de la Commission et d'un arbitre de grief de celle-ci est conférée par la loi et non pas par consentement. Les parties ne peuvent consentir à étendre la compétence de la Commission ou d'un arbitre de grief de celle-ci ou de renoncer à sa compétence et, par conséquent, le fait que l'employeur ait terminé le processus de règlement des griefs ne peut constituer un argument de préclusion au moment de l'arbitrage de grief. L'employeur aurait pu adopter une position plus dure qu'il ne l'a fait en ce qui concerne l'« argument concernant l'existence d'une entente » durant le processus de règlement des griefs. Le fait qu'il ne l'a pas fait accorde une certaine crédibilité à l'affirmation de l'employeur selon laquelle il tentait de régler les griefs de bonne foi.

[61]    C'est une situation malheureuse lorsqu'une partie s'éloigne d'une médiation, après la signature d'un Protocole d'entente, et change d'avis ou éprouve les « remords que l'on ressent parfois après la conclusion d'une entente ». À mon avis, c'est uniquement dans des circonstances extraordinaires, comme de la contrainte, entièrement absente ici, qu'une partie devrait être autorisée à se retirer d'un contrat conclu par voie de médiation. Il est à espérer qu'il s'agit d'un incident rare, parce que de tels incidents n'aident pas à créer ou à maintenir de solides relations de travail.

[62]    En résumé, les parties sont arrivées à une entente exécutoire en ce qui concerne les griefs soumis à la médiation du 25 au 27 août 2004, tel qu'énoncé dans le Protocole d'entente daté du 27 août 2004. Il y a un principe solidement établi qu'une entente valide rend l'arbitre de grief totalement inhabile à entendre les griefs. Par conséquent, je n'ai pas la compétence voulue pour établir si les modalités d'une entente ont été respectées et d'entendre d'autres éléments de preuve sur le bien-fondé des griefs déposés par Mme Van de Mosselaer.

[63]    Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

 

Ordonnance

[64]    Les griefs de Mme Linda Van de Mosselaer exposés dans les dossiers de la CRTFP 166-02-35993 à 35995 sont rejetés.

Le 19 mai 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

 

Paul Love,
arbitre de grief



[1] L'agent négociateur n'était pas d'accord en ce qui concernait l'estimation du temps requis. Cependant, il me semblait qu'une audience portant à la fois sur le bien-fondé et l'objection de compétence durerait plus longtemps que les quatre jours réservés à cette audience, surtout que dans l'un des griefs, on alléguait un traitement discriminatoire ou du harcèlement.

[2] Il s'agissait de son titre à l'époque de la médiation. Il occupe maintenant un poste consultatif, car il a l'intention de prendre sa retraite de la fonction publique fédérale bientôt.

[3] La lettre du médiateur à la Commission n'a pas été déposée comme pièce. En revanche, la lettre de la Commission adressée aux parties pour les informer d'un règlement dans le cadre du dossier de la CRTFP 161-2-1283 a été présentée comme pièce.

[4] Pièce E-1.

[5] Un groupe d'employeurs fédéraux ayant des bureaux en Alberta.

[6] La réponse du coordonnateur par intérim pour Transports Canada était datée du 4 novembre 2005.

[7] Pièce G- 8.

[8] Les res gestae.

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