Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont affirmé que l’employeur ne leur avait pas accordé une période de repos convenable, comme le prévoit l’article 41 de la convention collective du groupe CX et la partie IV de la Directive sur les voyages du Conseil du Trésor - les fonctionnaires s’estimant lésés ont agi à titre d’agents d’escorte lors d’un transfert interrégional de détenus - les fonctionnaires s’estimant lésés ont voyagé pendant 17 heures et ont eu une période de repos de 11 heures avant de rentrer chez eux - ils soutiennent que la période de repos devait être d’au moins 16 heures - l’annexe D de la convention collective prévoit un << arrêt pour la nuit >> lorsque le voyage dure plus de 12 heures - la Directive sur les voyages, qui fait partie de la convention collective, prévoit une période de repos convenable et/ou un arrêt pour la nuit et précise que la période de repos convenable pour les fonctionnaires exerçant les fonctions d’agent d’escorte doit être de 16 heures - la Directive sur les voyages renferme une clause d’exclusion qui précise qu’elle << ne s’applique pas aux personnes dont les voyages d’affaires sont régis par d’autres autorisations >> - l’annexe D énonce les conditions spéciales qui s’appliquent aux agents correctionnels lorsqu’ils escortent des détenus et, ainsi, fait partie des << autres autorisations >> énoncées dans la clause d’exclusion de la Directive sur les voyages. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-01-30
  • Dossier:  166-2-34225 à 34239
    166-2-34243 à 34259
  • Référence:  2006 CRTFP 7

Devant un arbitre de grief



ENTRE

JOSEPH CLERVEAUX ET AUTRES

(voir liste ci-jointe)

fonctionnaires s’estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Clerveaux et autres c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Léo-Paul Guindon, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés : Céline Lalande, UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS-SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONELS DU CANADA-CSN

Pour l'employeur : Neil McGraw, avocat


Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 26 septembre 2005.


Griefs renvoyés à l'arbitrage

[1]   Les fonctionnaires s’estimant lésés occupent des postes d’agent correctionnel au Service correctionnel du Canada (SCC). Ils ont déposé deux séries de griefs à la suite des transferts de détenus effectués entre des centres de détention à l’intérieur du Canada en juillet et en octobre 2003.

[2]   Les fonctionnaires s’estimant lésés allèguent que leur employeur a omis de leur accorder une période de repos convenable d’au moins 16 heures après avoir été en service plus de 17 heures. Ils allèguent des violations des dispositions de l’article 41 de la convention collective et de la clause 4.1 de la partie IV de la Directive sur les voyages du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et du Conseil national mixte (CNM).

[3]   Les fonctionnaires s’estimant lésés demandent les mesures correctives suivantes :

  1. Je demande que mon employeur respecte l’article 41 de la convention collective CX-NS/S;
  2. Je demande que mon employeur respecte la directive sur les voyages du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, plus précisément la partie IV article 4.1;
  3. Je demande que mon employeur me dédommage de 100$ pour chaque heure de repos (5 heures) dont j’aurais du avoir mais qu’il m’a fait travailler;
  4. Je demande tous autres droits que me donne la convention collective CX-NS/S ainsi que tous dommages réels, moraux ou exemplaires, et ce, rétroactivement avec intérêt au taux légal, sans préjudice aux autres droits dévolus;
  5. Je demande à être représenté par un représentant officiel de l’UCCO-SACC-C.S.N. à tous les paliers de la procédure de grief et à être présent, et ce aux frais de l’employeur.
  6. Je demande l’assurance que je n’aurai pas à subir de préjudice par suite de ce grief.

       [Sic pour l’ensemble de la citation]

[4]   Lors de l’audience, la représentante des fonctionnaires s’estimant lésés a retiré les demandes de mesures correctives énoncées aux alinéas 3 et 5 du formulaire de grief.

[5]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.   En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).

Résumé de la preuve

[6]   Les parties ont convenu de l’énoncé conjoint des faits suivant :

  1. Les 17 et 18 juillet 2003, les demandeurs suivants ont effectué un transfert inter-région. Ils ont quitté le Centre régional de réception à Ste-Anne-des-plaines le 17 juillet 2003 à 06h00, sont arrivés à Abbotsford, C.B. à 23h00 (heure de l’Est) et sont repartis à 10h00 le 18/07 (heure de l’est) pour terminer le 19 juillet à 1h.00.

    Clervaux, Joseph Gagnon, Olivier Lévesque, Robert
    Correia, Domingos Gagnon, Stéphanie Mapachee, Stéphane
    Delaleu, Gerald Gervais, Richard Parent, Sébastien
    DesPeignes, Y.B. Gonnin, Michel Pelletier, Serge
    Fournier, G.M. Gravel, Gaetan Renaud, Réjean
  2. Les 8 et 9 octobre 2003, les demandeurs suivants ont effectué un transfert inter-région. Ils ont quitté le Centre régional de réception à Ste-Anne-des-plaines le 8 octobre 2003 à 06h00, sont arrivés à Abbotsford, C.B. à 23h00 (heure de l’Est) et sont repartis à 10h00 le 9/10 lendemain (heure de l’est) pour terminer le 10 octobre à 1h.00.

    Audy, Daniel
    Clerveaux, Joseph
    Lévesque, Robert
    Bélanger, Guylaine
    Corriea, Domingo
    Morrison, J.P.
    Bilodeau, J.C
    Cruz, César
    Picard, Serge
    Bolduc, Pierre
    Daoust, Daniel
    Vincent, Clark
    Boulay, Norbert
    Gervais, Alain
    Vincent, David
    Cadieux, Martin
    Lacasse, Richard
      
  3. Les demandeurs n’ont pas été accordés une période de repos de 16 heures après avoir été en service plus de 17 heures, tel que convient la partie IV, article 4.1 de la directive sur les voyages du Secrétariat du conseil du Trésor (Annexe A).
  4. Les demandeurs ont reçu toute rémunération prévue à la convention collective (Annexe B).
  5. Les demandeurs ont déposé un grief auprès du Conseil national mixte de la fonction publique relatif à la directive sur les voyages du Secrétariat du Conseil du Trésor.
  6. Le Comité exécutif du CNM a conclut qu’il n’avait pas compétence pour examiner le grief des demandeurs (Annexe C).

       [Sic pour l’ensemble de la citation]

[7]   Le Secrétaire général du CNM a avisé le Directeur général par intérim du SCC de ce qui suit, en date du 13 avril 2004 (pièce F-4) :

Le Comité exécutif s’est réuni le 25 mars 2004 et a considéré les griefs de J. Clerveaux et al. concernant la période de repos convenable dans le cadre d’un transfert interrégional en vertu de l’article 4.1 de la Di rective sur les voyages.

L’Appendice de la convention collective établit les conditions de voyage des agents de corrections qui sont tenu d’escorter un détenu à l’extérieur de la région de leur lieu d’affection.   De plus, la Directive sur les voyages stipule que la directive ne s’applique pas aux personnes dont les voyages d’affaires sont régis par d’autres autorisations. Les fonctionnaires étant donc régis par leur convention collective dans les situations d’escorte, le Comité exécutif convient que le CNM n’a pas compétence pour examiner le grief des fonctionnaires.

[…]

[8]   Les éléments suivants de la convention collective intervenue entre le Conseil du Trésor et UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS-SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA–CSN (Groupe : Services correctionnels; Codes : 601/651; Date d’expiration : le 31 mai 2002) sont au cœur du présent litige :

[…]

ARTICLE 41

ENTENTES DU CONSEIL NATIONAL MIXTE

[…]

41.03

a)        Les directives suivantes, qui peuvent être modifiées de temps à autre par suite d’une recommandation du Conseil national mixte et qui ont été approuvées par le Conseil du Trésor du Canada, font partie de la présente convention :

[…]

Directive sur les voyages d’affaires

[…]

APPENDICE « D »

ESCORTER DES DÉTENUS

L’Employeur convient des dispositions suivantes pendant la durée de la convention collective du groupe des services correctionnels (non-surveillants et surveillants) qui expirera le 31 mai 2002 :

[…]

3.      Lorsque l’agent est tenu d’escorter un détenu à l’extérieur de la région de son lieu d’affectation, il est assujetti aux conditions de voyages suivantes :

[…]

b)        s’il est tenu d’escorter un détenu pendant un voyage d’une durée minimale de neuf (9) heures, il bénéfice d’une période d’arrêt pour la nuit lorsqu’on prévoit qu’il s’écoulera plus de douze (12) heures entre l’heure de départ de l’établissement et l’heure de retour.

[…]

[9]   Les éléments suivants de la Directive sur les voyages du Secrétariat du Conseil du Trésor et du CNM ont été soumis par les parties en appui à leurs représentations (pièce F-2) :

[…]

Généralités

Convention collective

La présente directive est considérée comme faisant partie intégrante des conventions collectives conclues entre les parties représentées au sein du Conseil national mixte. Les fonctionnaires doivent pouvoir la consulter facilement.

[…]

Objet et portée

La présente directive a pour objet de garantir un traitement juste aux fonctionnaires appelés à effectuer des voyages en service commandé conformément aux principes susmentionnés. Les dispositions de la présente directive sont impératives et prévoient le remboursement de dépenses raisonnables qui ont dû être engagées pendant un voyage en service commandé. Ces dispositions font en sorte que les fonctionnaires n’ont pas à engager des frais supplémentaires.   Elles ne doivent pas constituer une source de revenu ni de rémunération quelconque, lesquels ouvriraient la voie au gain personnel.

Champ d’application

La présente directive s’applique aux fonctionnaires de la fonction publique, au personnel exonéré et à d’autres personnes voyageant en service commandé, y compris à des fins de formation. Elle ne s’applique pas aux personnes dont les voyages d’affaires sont régis par d’autres autorisations.

Définitions

[…]

Déplacement (travel status) – absence du voyageur hors de sa zone d’affectation pendant un voyage en service commandé.

[…]

Voyage en service commandé (government business travel) – désigne tous les voyages d’affaires autorisés par l’employeur. L’expression est utilisée en rapport avec les circonstances dans lesquelles les dépenses prévues dans la présente directive peuvent être payées ou remboursées par l’État.

[…]

Partie III
Modules sur les voyages

[…]

3.3   Module 3 – Voyages au Canada et dans les États continentaux des États-Unis – avec nuitée

Les dispositions énoncées dans le présent Module sur les voyages s’appliquent dans le cas d’un voyage en service commandé pendant un séjour avec nuitée au Canada ou dans les États continentaux des États-Unis.

[…]

         3.3.10 Périodes de repos

Sauf entente contraire, il faux fixer les itinéraires de façon à prévoir :

a)
une période de repos convenable; et/ou
b)
une escale pour la nuit après un temps de déplacement continu d’au moins neuf heures.

Le temps de déplacement correspond au temps passé dans tout moyen de transport en route vers la destination et le temps d’attente pour les correspondances immédiates. Celui-ci comprend le temps de déplacement en direction et en provenance du terminus d’un transporteur.

Une période de repos convenable ne doit pas être indûment refusée.

[…]

PARTIE IV
Circonstances spéciales de voyage

4.1   Agents d’escorte

4.1.1    Une période de repos convenable pour les fonctionnaires exerçant les fonctions d’agents d’escorte doit être de 16 heures pour les voyages de 8 à 24 heures; et de 24 heures dans le cas des voyages d’une durée de plus de 24 heures.

[…]

[10]   Le Comité exécutif du CNM a considéré les griefs des fonctionnaires lors de la réunion du 25 mars 2004 et a conclu comme suit (pièce F-4) :

[…]

L’appendice D de la convention collective établit les conditions de voyage des agents de corrections [sic] qui sont tenus d’escorter un détenu à l’extérieur de la région de leur lieu d’affectation. De plus, la Directive sur les voyages stipule que la directive ne s’applique pas aux personnes dont les voyages d’affaires sont régis par d’autres autorisations. Les fonctionnaires étant donc régis par leur convention collective dans les situations d’escorte, le Comité exécutif convient que le CNM n’a pas compétence pour examiner le grief des fonctionnaires.

[…]

[11]   Un seul témoin a été entendu lors de l’audience. M. Daniel Lemay, coordonnateur national des transferts pour le SCC, a été appelé comme témoin par l’employeur.

[12]   M. Lemay a décrit les procédures de transfert des détenus entre les divers établissements carcéraux du Canada qui ont été mises en application par le SCC avant ou après 1988. Jusqu’en 1988, les transferts étaient effectués sur une période de trois journées consécutives. Des équipes d’agents correctionnels en provenance des régions du Pacifique, de l’Ontario et de l’Atlantique se relayent et escortent chacune des détenus pour une journée. Un ratio d’un agent correctionnel par détenu est exigé lors des transferts. Un transport peut accueillir jusqu'à 25 détenus, escortés par 25 agents correctionnels. Un surveillant correctionnel est responsable de coordonner l’ensemble de l’opération.

[13]   Ce système à trois équipes assurant les escortes entraîne les coûts suivants :

- Équipe du Pacifique :

-Transport et hébergement pour deux jours, salaire régulier (premier jour) et temps supplémentaire (deuxième jour).

- Équipe de l’Ontario :

- Transport pour une journée (salaire régulier).

- Équipe de l’Atlantique :

- Transport et salaire régulier pour une journée.

N.B. Les agents correctionnels qui comblent les postes laissés vacants par les agents assignés aux transferts sont payés en temps supplémentaire.

[14]   Depuis 1988, les transfèrements sont réalisés sur une période de deux jours, quatre fois par année. Les agents correctionnels assignés à ces transfèrements sont choisis parmi une liste d’agents correctionnels de la région de Montréal qui se sont portés volontaires pour cette tâche. Parmi la liste des 75 agents correctionnels volontaires, les agents correctionnels ayant cumulé le moins de temps supplémentaire sont choisis en priorité, tout en respectant un nombre minimal d’agents correctionnels féminins.

[15]   Les agents correctionnels assignés à un transfèrement commencent leur quart de travail à 6 h au Centre régional de réception de Ste-Anne-des-Plaines et le terminent à leur arrivée à l’hôtel à la fin de la première journée (à 23 h dans le cas des présents griefs). Ils partent de leur hôtel le lendemain matin à 10 h en direction de l’aéroport et sont de retour au Centre régional de réception à 1 h le troisième jour.

[16]   Dans les présents griefs, les fonctionnaires s’estimant lésés ont bénéficié d’une période de repos de 23 h à 10 h le jour suivant pour une durée de 11 heures. Des frais ont été encourus pour leur hébergement (une nuit), six repas et les déplacements en taxi ou autobus entre l’aéroport et l’hôtel.

[17]   Pour les détenus provenant de l’est du pays, ils sont d’abord amenés au Centre régional de réception de Ste-Anne-des-Plaines par d’autres équipes de transfert, soit par transporteurs privés ou par avions de la Gendarmerie royale du Canada.

[18]   Le témoin explique qu’allonger la période de repos à 16 heures implique des coûts supplémentaires et prolonge le transfèrement sur une troisième journée. Cette prolongation entraîne l’augmentation des frais de temps supplémentaire et des frais d’hébergement et de repas qui s’ajoutent à ceux de l’affrètement de l’avion pour une troisième journée.

Résumé de l’argumentation

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

[19]   La Directive sur les voyages du Secrétariat du Conseil du Trésor/CNM fait partie de la convention collective tel que précisé à l’alinéa 41.03a) de la convention collective. La directive précise aussi, dans la partie Généralités, qu’elle est considérée comme partie intégrante des conventions collectives conclues entre les parties représentées au sein du CNM. Les parties à la convention collective qui s’appliquent aux présents griefs sont représentées au sein du CNM.

[20]   Les agents correctionnels qui ont déposé les griefs ont escorté des détenus lors des transferts effectués en juillet et octobre 2003. La convention collective fait référence aux escortes des détenus à l’extérieur de leur lieu d’affectation dans deux endroits : à l’appendice « D » et dans la Directive sur les voyages.

[21]   À l’appendice « D » il est prévu, au paragraphe 3 b), que l’agent correctionnel bénéficie d’une période d’arrêt pour la nuit lorsque le voyage est d’une durée minimale de neuf heures et qu’il s’écoulera plus de 12 heures entre l’heure de départ de l’établissement et l’heure du retour. Les circonstances des escortes précisées dans les griefs rencontrent ces critères.

[22]   D’autre part, la Directive sur les voyages précise qu’elle s’applique aux fonctionnaires voyageant en service commandé. Le voyage en service commandé désigne tous les voyages d’affaires autorisés par l’employeur. Le module 3 de la directive précise les conditions de voyage lorsqu’il y a nuitée. Au paragraphe 3.3.10, la directive précise une période de repos convenable et/ou une escale pour la nuit lorsque le déplacement est d’au moins neuf heures. Au paragraphe 4.1.1 de la partie IV de la directive, la période de repos convenable lors des escortes doit être de 16 heures pour les voyages de huit à 24 heures. Les voyages d’affaires lors des transferts de détenus de juillet et octobre 2003 rencontrent ces critères.

[23]   La Directive sur les voyages précise que la période d’arrêt pour la nuit (précisée à l’appendice « D » de la convention collective) doit être d’une durée raisonnable qui est fixée à 16 heures dans les circonstances soulevées dans les griefs. Les deux documents font partie de la convention collective et leurs stipulations ne sont pas contradictoires mais se complètent. Le principe qu’une convention collective doit être interprétée dans son ensemble en considérant les clauses les unes par rapport aux autres doit recevoir application. Sur ces bases, les griefs doivent être acceptés, les fonctionnaires ayant droit à une période d’arrêt de 16 heures pour un voyage d’une durée entre huit et 24 heures.

Pour l’employeur

[24]   Bien que la directive soit incluse dans la convention collective, elle ne s’applique pas aux voyages d’affaires des personnes régies par d’autres autorisations suivant la restriction précisée au champ d’application de la directive. L’appendice « D » de la convention collective précise les dispositions qui doivent s’appliquer lorsque les agents correctionnels escortent les détenus à l’extérieur de leur région d’affectation. Les conditions de voyages sont précisées à l’article 3 de l’appendice « D » et la période d’arrêt pour la nuit est prévue au paragraphe 3 b).

[25]   L’appendice « D » de la convention collective, précisant les conditions de voyages lors des escortes de détenus, énonce la condition d’exception prévue au champ d’application de la directive, car ces voyages d’affaires sont régis par une autre autorisation que celle de la directive. En conséquence, la directive ne peut pas recevoir application lors des escortes des détenus dont les conditions de voyages sont précisées à l’appendice « D » de la convention.

[26]   En conséquence, les agents correctionnels ne peuvent pas se prévaloir des conditions de voyages énoncées à la directive lorsqu’ils effectuent une escorte d’un détenu hors de leur région d’affectation, que ce soit relativement à la période de repos convenable ou au nombre d’heures d’une telle période de repos. La partie IV de la directive, qui précise les circonstances spéciales de voyage pour les « agents d’escorte », s’applique à des fonctionnaires occupant des fonctions « d’agents d’escorte ». Le poste d’agent d’escorte existe dans d’autres ministères, par exemple au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Au SCC, cette fonction « d’agents d’escorte » n’existe pas et la tâche d’escorter les détenus est incluse dans la fonction d’agent correctionnel.

[27]   La procédure de transfert des détenus sur une période de deux jours est en application depuis 1988 et aucune modification n’a été effectuée à la convention collective ou à la directive depuis cette date. La dernière période de négociation de 2001 n’a apportée aucun changement relativement à l’objet des griefs.

[28]   Les dispositions de la convention collective ont été respectées par l’employeur qui a appliqué correctement l’exclusion au champ d’application de la directive. Il a accordé aux agents correctionnels les conditions de voyage prévues spécifiquement à l’appendice « D » de la convention collective pour les escortes de détenus. Le Comité exécutif du CNM a conclu que la Directive sur les voyages ne s’appliquait pas aux agents correctionnels effectuant des escortes de détenus. Sur la même base, l’arbitre de grief devrait rejeter les griefs.

Réplique de l’agent négociateur

[29]   L’agent négociateur n’a pas à renégocier les termes de la convention collective mais peut revendiquer l’application des dispositions de la directive qui font partie intégrante de la convention. Aucune preuve n’a été présentée par l’employeur démontrant que les termes « Agents d’escorte » utilisés à la partie IV de la directive signifient un poste particulier dans d’autres ministères. Sur ce point, il a été démontré que les agents correctionnels ont escorté des détenus lors des voyages d’affaires précisés dans les griefs. Le Comité exécutif du CNM n’a pas entendu l’agent négociateur avant de rendre sa décision.

Motifs

La Directive sur les voyages

[30]   La Directive sur les voyages du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada découle d’une entente conclue au sein du CNM de la fonction publique. La convention collective précise que cette directive fait partie de la convention collective à l’alinéa 41.03a) (pièce F-3). Il est aussi prévu, dans la partie Généralités de la directive, qu’elle est considérée partie intégrante des conventions collectives conclues entre les parties représentées au sein du CNM. Ces dispositions sont sans ambiguïté et exigent que la Directive sur les voyages soit partie intégrante de la convention collective.

[31]   Par conséquence, suivant le principe d’interprétation applicable aux conventions collectives, il faut considérer les dispositions de la directive avec l’ensemble des autres dispositions énoncées dans la convention collective et dans ses appendices pour déterminer les avantages dont peuvent se prévaloir les agents correctionnels. Ces avantages doivent être déterminés en considérant la convention collective dans son ensemble et en évaluant les dispositions pertinentes les unes par rapport aux autres. Dans le cas des présents griefs, les dispositions relatives aux voyages d’affaires sont énoncées dans la Directive sur les voyages ainsi que dans l’appendice « D » de la convention collective et ces dispositions doivent être interprétées les unes par rapport aux autres pour préciser les conditions de voyages s’appliquant lors des transferts des détenus à l’extérieur de la région d’affectation des agents correctionnels.

[32]   La Directive sur les voyages s’applique à tout voyage en service commandé autorisé par l’employeur et effectué par les fonctionnaires de la fonction publique. La directive est de portée générale et prévoit une exception (pièce F-2) :

CHAMP D’APPLICATION

[…] Elle ne s’applique pas aux personnes dont les voyages d’affaires sont régis par d’autres autorisations. 

[33]   Cette restriction, qui fait partie intégrante de la convention collective, doit être interprétée de manière à lui donner une signification dans le cadre général de la convention collective. Les « autres autorisations » dont il est question sont nécessairement sous l’égide de la convention collective; la convention ne pouvant avoir de conséquences qu’entre les parties signataires. Dans ce contexte, les « autres autorisations » ne peuvent que faire référence à d’autres éléments constituant la convention collective, soit la convention elle-même, les annexes, les appendices et addendum qui y sont inclus.

[34]   Comme la directive ne traite que des conditions des voyages d’affaires, elle ne peut avoir d’effet qu’envers les conditions auxquelles les agents correctionnels sont soumis lorsqu’ils voyagent en service commandé. En ce sens, la restriction à son champ d’application ne peut être reliée qu’à des voyages d’affaires dont les conditions seraient déterminées par d’autres parties de la convention collective. Sur cet objet des voyages pour escorter des détenus, la convention collective énonce ce qui suit à l’appendice « D » (pièce F-3) :

Appendice « D »

ESCORTER DES DÉTENUS

L’Employeur convient des dispositions suivantes pendant la durée de la convention collective du groupe des services correctionnels (non-surveillants et surveillants) qui expirera le 31 mai 2002 :

[…]

  1. Dans la mesure du possible, l’Employeur s’efforce d’éviter de demander aux agents des services correctionnels d’escorter des d étenus en dehors de leurs jours normaux de travail.
  2. Lorsqu’un agent est tenu d’escorter un détenu à l’extérieur de la région de son lieu d’affectation, il est rémunéré comme suit :

    a)
    la totalité de la période pendant laquelle il escorte ou surveille le détenu est considérée comme du temps de travail pour lequel il est rémunéré au taux des heures normales et/ou des heures supplémentaires applicables;
    b)
    s’il est tenu d’escorter des détenus en dehors de ses heures normales de travail, il est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicables;
    c)
    s’il escorte un détenu pendant une période inférieure à huit (8) heures, il reçoit sa rémunération normale de la journée, c’est-à dire de huit (8) heures. Cependant, dans ces cas-là, le cas échéant, il peut être tenu de remplir les fonctions d’un autre agent des services correctionnels pendant le reste de la période de huit (8) heures;
    d)
    un jour de fête légale ou un jour de repos, il est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicables pour les heures effectivement effectuées, le montant payé ne devant en aucun cas être inferieur à l’équivalent de huit (8) heures au taux des heures normales;
    e)
    toutes les heures comprises entre l’heure d’entrée au travail et l’heure du retour à l’établissement sont considérées comme des heures de travail lorsqu’elles sont consécutives et non interrompues par un arrêt pour la nuit pour une période de repos appropriée;
    r)
    lorsque son voyage est interrompu par un arrêt pour la nuit, il est rémunéré jusqu'à l’heure de son arrivée à destination, y compris le temps normal nécessaire pour se rendre à un hôtel, et il est rémunéré pour son temps normal de déplacement entre l’hôtel et son point de départ. Ainsi, toutes les heures comprises entre le moment normal de son inscription à l’hôtel et l’heure à laquelle il l’a quitté ne sont pas considérées comme des heures de travail;
    […]
    g)
    pour son voyage de l’aller ou de retour sans détenu, il est rémunéré pour les huit (8) premières heures comme s’il avait travaillé, le temps de voyage supplémentaire étant rémunéré au taux des heures supplémentaires applicables, jusqu'à un maximum de douze (12) heures au taux des heures normales;
    h)
    pendant son voyage de retour après un arrêt pour la nuit et qu’il escorte un détenu, il est rémunéré conformément a l’alinéa a) ci-dessus;
    i)
    lorsque l’agent des services correctionnels qui a escorté un détenu en dehors de la région de son lieu d’affectation ne dispose pas d’une période de repos raisonnable entre la fin de son travail d’escorte et le début de son poste suivant à l’horaire, il n’est pas tenu de travailler ce jour-là; cependant, il touche la rémunération pour cette journée et les huit (8) heures sont déduites de la rémunération gagnée pendant la période d’escorte.
  3. Lorsque l’agent est tenu d’escorter un détenu à l’extérieur de la région de son lieu d’affectation, il est assujetti aux conditions de voyages suivantes :

    a)
    les dépenses raisonnables engagées, selon la définition habituelle de l’Employeur, lui sont remboursées;
    b)
    s’il est tenu d’escorter un détenu pendant un voyage d’une durée minimale de neuf (9) heures, il bénéficie d’une période d’arrêt pour la nuit lorsqu’on prévoit qu’il s’écoulera plus de douze (12) heures entre l’heure de départ de l’établissement et l’heure de retour;
    c)
    lorsqu’on prévoit qu’il peut devoir conduire plus de quatre-vingts (80) kilomètres [cinquante (50) milles] un jour quelconque, en sus du nombre de kilomètres normalement établi par l’Employeur, il bénéficie d’un arrêt pour la nuit.

[35]   Le libellé de cet « appendice » est sans équivoque et énonce clairement les conditions dont se prévaudront les agents correctionnels lorsqu’ils escorteront des détenus. En d’autres termes, l’appendice « D » détermine des conditions spéciales qui doivent s’appliquer seulement lors des voyages pendant lesquels les agents correctionnels doivent escorter des détenus. Les voyages en service commandé lors des transfèrements à l’intérieur du Canada sont donc assujettis aux conditions spéciales de l’appendice « D », car les agents correctionnels y escortent des détenus. L’appendice « D » prévoit l’ensemble des conditions spéciales régissant ces escortes :

- Elles s’effectuent normalement pendant leurs jours normaux de travail;

- La rémunération est définie et calculée avec des critères spécifiques;

- Les conditions spécifiques pour les voyages à l’extérieur de la région du lieu d’affectation y sont précisées.

[36]   En lui-même, l’appendice « D » apporte la réponse au litige soulevé par les fonctionnaires s’estimant lésés relativement à la période de repos dont ils doivent bénéficier lors des transfèrements à l’extérieur de la région de leur lieu d’affectation. L’alinéa 3b) de l’appendice « D » prévoit une période d’arrêt pour la nuit lorsque le voyage est d’une durée minimale de neuf heures et qu’il s’écoulera plus de 12 heures entre l’heure du départ de l’établissement et l’heure de retour. Cette période de repos doit donc recevoir application aux présents griefs qui rencontrent ces éléments.

[37]   Les dispositions de l’appendice « D » ne peuvent pas être précisées ou élaborées davantage par celles énoncées dans la Directive sur les voyages, car les dispositions de l’appendice « D » régissent les voyages d’affaires lorsque l’escorte des détenus est effectuée. L’appendice « D » gère les voyages d’affaires lorsque des tâches d’escortes de détenus sont assumées. L’appendice rencontre ainsi l’exclusion prévue à la Directive sur les voyages, car il constitue une autre autorisation suivant le sens de la restriction précisée au champ d’application de la directive.

[38]   Conséquemment, la restriction au champ d’application de la directive s’applique et empêche de déterminer ou de clarifier les conditions de voyages lors d’escortes de détenus à l’aide des dispositions de la directive, y incluant celles précisées à la partie IV (circonstances spéciales de voyage; 4.1 Agents d’escorte). L’exclusion s’applique pour l’ensemble de la directive et ne permet pas de mettre en application certaines de ses parties par opposition à d’autres.

[39]   L’ensemble de la preuve démontre que les agents correctionnels aux présents griefs ont été assujettis aux conditions de voyages prévues à l’appendice « D » de la convention collective. Cette preuve démontre :

- qu’ils ont été remboursés pour les dépenses raisonnables engagées;

- qu’ils ont bénéficié d’une période d’arrêt pour la nuit (de 23 h à 10 h) pour des voyages d’une durée de plus de 9 heures avec une période de plus de 12 heures entre le départ et l’arrivée au centre régional de réception de Ste-Anne-des-Plaines;

- et qu’ils ont reçu toute rémunération prévue à la convention collective.

[40]   La décision rendue en date du 25 mars 2004 par le Comité exécutif du CNM de la fonction publique du Canada n’est d’aucune aide à l’interprétation des dispositions pertinentes de la convention collective car elle considère une question de compétence qui est non pertinente à l’étude du grief devant moi.

[41]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit pour chacun des dossiers énumérés en annexe :

Ordonnance

[42]   Les griefs sont rejetés.

Le 30 janvier 2006

Léo-Paul Guindon,
arbitre de grief

 

 

Dossiers de la CRTFP                                             Fonctionnaires s’estimant lésés

Transferts de détenus juillet 2003

166-02-34225                                                          Joseph Clerveaux

166-02-34226                                                          Domingo Correia

166-02-34227                                                          Gerald Delaleu

166-02-34228                                                          Y.B. Despeignes

166-02-34229                                                          Gilles Fournier

166-02-34230                                                          Olivier Gagnon

166-02-34231                                                          Stephanie Gagnon

166-02-34232                                                          Richard Gervais

166-02-34233                                                          Michel Gonnin

166-02-34234                                                          Gaétan Gravel

166-02-34235                                                          Robert Lévesque

166-02-34236                                                          Stéphane Mapachee

166-02-34237                                                          Sébastien Parent

166-02-34238                                                          Serge Pelletier

166-02-34239                                                          Réjean Renaud

Transferts de détenus octobre 2003

166-02-34243                                                          Daniel Audy

166-02-34244                                                          Guylaine Bélanger

166-02-34245                                                          J.C. Bilodeau

166-02-34246                                                          Pierre Bolduc

166-02-34247                                                          Norbert Boulay

166-02-34248                                                          Martin Cadieux

166-02-34249                                                          Joseph Clerveaux

166-02-34250                                                          Domingo Correia

166-02-34251                                                          César Cruz

166-02-34252                                                          Daniel Daoust

166-02-34253                                                          Alain Gervais

166-02-34254                                                          Richard Lacasse

166-02-34255                                                          Robert Lévesque

166-02-34256                                                          J.P. Morrisson

166-02-34257                                                         Serge Picard

166-02-34258                                                         Clark Vincent

166-02-34259                                                         David Vincent

 

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