Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé occupait, à temps plein, un poste de préposé à l’entretien des verts - il a été licencié pour avoir agressé un collègue de travail après un tournoi de golf organisé par le Personnel des Fonds non publics des Forces canadiennes (l’employeur) - le collègue de travail a affirmé que le fonctionnaire s’estimant lésé, sans avoir été provoqué, lui a enfoncé les doigts dans les yeux et l’a frappé sur les deux côtés du visage, avant qu’il tombe sur le plancher - il a ensuite affirmé que le fonctionnaire s’estimant lésé lui a donné des coups de pied dans le visage et sur la bouche avant de lui piétiner les épaules - le collègue de travail a réussi à composer le 911 et a été transporté en ambulance à l’hôpital St. Joseph’s, où il a été traité - le fonctionnaire s’estimant lésé a été arrêté et accusé de voies de fait - le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé que c’était son collègue qui l’avait agressé; il l’avait frappé en premier et avait fait des remarques désobligeantes au sujet de ses parents; le fonctionnaire s’estimant lésé avait << terminé >> la bagarre - il a admis avoir frappé son collègue trois fois, une fois dans le visage et deux fois dans la région lombaire - l’arbitre de grief a conclu que le témoignage du collègue concordait davantage avec ses blessures et était soutenu par le témoignage des employés qui ont constaté les blessures du fonctionnaire s’estimant lésé, lesquelles semblaient résulter de sa résistance à l’arrestation plutôt que de l’altercation avec le collègue de travail - l’arbitre de grief a donc conclu que le compte rendu des événements présenté par le collègue de travail était le plus crédible - l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé refusait d’assumer la responsabilité de ses actes et qu’il n’avait pas exprimé de véritables remords qui pourraient atténuer la sanction imposée par l’employeur - l’employeur avait des motifs valables pour licencier le fonctionnaire s’estimant lésé. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P–35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-06-01
  • Dossier:  166-18-35169
  • Référence:  2006 CRTFP 66

Devant un arbitre de grief



ENTRE

WAYNE TRENHOLM

fonctionnaire s'estimant lésé

et

PERSONNEL DES FONDS NON PUBLICS DES FORCES CANADIENNES

employeur

Répertorié
Trenholm c. Personnel des Fonds non publics des Forces canadiennes

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Paul Love, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Jack Gerow, avocat, Union des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, section locale 1518

Pour l'employeur :  Margaret T.A. Shannon et Christopher Smith


Affaire entendue à Comox (Colombie-Britannique),
les 17, 18 et 19 et 20 janvier 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]     Le 17 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un renvoi à l'arbitrage de grief à la suite de son licenciement, le 30 avril 2004, pour agression à l'endroit d'un autre employé, Larry Pasaluko, lors d'un tournoi de golf organisé par l'employeur le 2 octobre 2003.

[2]    Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être traité conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (« l'ancienne Loi »).

[3]   J'ai rendu une décision antérieure prorogeant le délai prévu pour le renvoi à l'arbitrage de grief, à la suite de la contestation d'une audience, pour faire en sorte que le grief de M. Trenholm soit entendu sur le fond.

Résumé de la preuve

[4]   Pendant l'audience, l'employeur a fait témoigner les personnes suivantes : Larry Pasaluko (technicien à l'irrigation), le caporal-chef David Paul (agent de police militaire), Len Doyle (commis à la boutique du pro, maintenant retraité), Gordon Murphy (préposé à l'entretien des verts), Yvonne Dixon (gestionnaire des ressources humaines) et Brenda Dagenais (directrice des relations du travail). L'agent négociateur a appelé M. Trenholm.

[5]   Le Personnel des fonds non publics exploite le terrain de golf Glacier Greens de la Base des Forces canadiennes Comox, en Colombie-Britannique. Le terrain de golf comporte un atelier d'entretien où travaille un nombre variable d'employés (entre 12 et 14) selon la saison. Il y a également une boutique du pro et un centre social. Pour assurer le bon fonctionnement d'un terrain de golf, il faut une certaine coopération entre le technicien à l'irrigation et les préposés à l'entretien des verts, étant donné que ces derniers sont sur le terrain et doivent transmettre l'information et leurs observations au technicien à l'irrigation pour assurer l'entretien optimal du terrain au profit des golfeurs.

[6]   M. Trenholm occupait le poste saisonnier de préposé à l'entretien des verts à temps plein au terrain de golf. Durant toute la période pertinente, il était membre de l'Union des travailleurs et travailleuses unis de la Colombie-Britannique, section locale 1518 (l'agent négociateur). Il est entré au service de l'employeur en avril 2001. Son emploi a pris fin le 30 avril 2004.

[7]   M. Pasaluko travaille au terrain de golf comme technicien à l'irrigation. Il est entré au service de l'employeur en 1997. Il semblait clair pour M. Pasaluko que M. Trenholm ne l'aimait pas, et il faisait en sorte d'éviter les communications avec M. Trenholm au lieu de travail. M. Pasaluko a déclaré que M. Trenholm se mettait souvent en colère lorsqu'il recevait des instructions qui ne lui plaisaient pas.

[8]   M. Pasaluko et M. Trenholm étaient des collègues de travail au terrain de golf et n'avaient ni l'un ni l'autre des responsabilités de gestion ou de supervision. L'un ne supervisait pas l'autre.

[9]   M. Trenholm a admis en contre-interrogatoire avoir un sens aigu de ce qui est bien et mal et reconnaît qu'il confrontera parfois les personnes qui agissent à l'encontre de ce sens du bien et du mal. Il avoue avoir déjà été reconnu coupable de voies de fait et avoir à son actif trois condamnations pour conduite avec facultés affaiblies.

[10]    Il semble que certains employés du terrain de golf n'appréciaient pas beaucoup M. Pasaluko. M. Murphy, par exemple, n'aimait pas la manière avec laquelle M. Pasaluko traitait les autres; il évitait les contacts avec lui au travail et ne socialisait pas avec lui après le travail. MM. Murphy et Doyle ont déclaré qu'il était impossible d'obtenir une réponse claire de M. Pasaluko. Il semble avoir taquiné d'autres personnes et avoir fait des blagues inappropriées. M. Murphy a affirmé que M. Pasaluko le mettait mal à l'aise. M. Pasaluko a aussi eu un problème évident avec un ancien superviseur et a fait circuler une pétition qu'il a remise à l'employeur après l'avoir fait signer par d'autres employés. Lors du contre-interrogatoire, il a d'abord déclaré avoir signé la pétition, mais il a admis plus tard, toujours en contre­interrogatoire, qu'il l'avait préparée lui-même. Il aurait exprimé sa frustration à l'égard du superviseur en déclarant qu'il aurait aimé se retrouver dans une cage avec lui pour se battre. Ces mots n'ont toutefois pas été prononcés devant le superviseur. Rien dans la preuve m'ayant été soumise ne me permet de croire qu'avant les événements du 2 octobre 2003, M. Pasaluko avait menacé ou agressé d'autres employés, ou tenu des propos menaçants directement à l'endroit de l'ancien superviseur.

[11]    Il ressort du témoignage de M. Trenholm qu'il avait peu de respect pour M. Pasaluko. Il n'a pas mâché ses mots durant son interrogatoire principal. Il considérait que M. Pasaluko était manipulateur; qu'il s'en prenait aux employés plus faibles que lui; qu'il n'avait pas un bon esprit sportif au golf et qu'on ne pouvait pas lui faire confiance. En contre-interrogatoire, il a critiqué le travail de M. Pasaluko en affirmant que celui-ci était en retard tous les jours, qu'il laissait les verts mourir, qu'il n'exécutait pas les tâches prévues dans sa description de travail, qu'il tentait de renverser les jeunes faons et lièvres, qu'il pêchait illégalement sur la propriété du terrain de golf et qu'il volait de l'essence à l'employeur. M. Trenholm croit que M. Pasaluko parlait dans son dos. En résumé, M. Trenholm semble avoir de nombreuses raisons de détester M. Pasaluko.

[12]    Je rapporte simplement le témoignage de M. Trenholm. Je ne tire aucune conclusion parce que ces allégations n'ont pas été présentées à M. Pasaluko lors du contre-interrogatoire et que, par conséquent, je ne leur accorde pas de poids. Les propos de M. Trenholm peuvent aider à comprendre sa manière de voir les choses et les actes qui ont mené à son licenciement. M. Pasaluko a sans contredit un dossier disciplinaire vierge. Il n'a pas fait l'objet de mesures disciplinaires à la suite des événements ayant mené au licenciement de M. Trenholm.

[13]    L'employeur a organisé un tournoi au terrain de golf, le 2 octobre 2003. M. Pasaluko a participé au tournoi et a joué avec un partenaire contre deux autres employés. M. Pasaluko admet avoir bu cinq bières pendant la partie. M. Trenholm a participé au tournoi et a joué avec Len Doyle. Il n'a pas joué contre M. Pasaluko et son partenaire. Il semble que M. Trenholm ait bu de cinq à sept bières pendant la partie de golf.

[14]    Après la journée de golf, MM. Pasaluko et Trenholm ont assisté à un repas et à la remise des prix au centre social. Ils étaient assis à des tables différentes pendant la plus grande partie de la soirée. Ils ont tous deux consommé des boissons alcoolisées pendant la soirée, essentiellement de la bière, celle-ci étant gratuite. M. Pasaluko admet avoir bu deux chopes de bière pression. M. Trenholm n'a pas accordé d'attention à la quantité de bière qu'il a bue. Il semble avoir bu entre une chope et une chope et demie de bière pression pendant le repas.

[15]    Plus tard dans la soirée, M. Pasaluko est venu à la table de M. Trenholm pour le féliciter d'avoir gagné le tournoi et a payé une tournée de petits verres. Une autre ronde a ensuite été commandée, mais les boissons devaient être payées individuellement. M. Trenholm a quitté la table avant que la deuxième tournée ne soit servie. Il se serait apparemment rendu à son vestiaire, dans l'atelier d'entretien, pour aller chercher de l'argent pour payer sa part. Il n'a toutefois dit à personne qu'il se rendait à l'atelier d'entretien.

[16]    Après avoir terminé son deuxième petit verre, M. Pasaluko est retourné à l'atelier d'entretien pour utiliser l'ordinateur du bureau du surintendant afin de programmer le système d'irrigation pour la nuit et appeler sa femme. Il avait convenu avec elle au préalable qu'elle viendrait le chercher parce qu'il savait qu'il consommerait de l'alcool. Après avoir fait les changements, M. Pasaluko s'est rendu aux toilettes. Les deux hommes n'avaient pas connaissance de la présence de l'autre dans l'atelier.

[17]    Les événements qui ont suivi sont en cause dans le litige. M. Trenholm et M. Pasaluko ont soumis des versions divergentes des faits. Ils étaient seuls dans la bâtisse. Ce qui est clair cependant est que M. Trenholm a fait usage de force physique à l'endroit de M. Pasaluko. M. Pasaluko a appelé le 911. La police militaire a été dépêchée sur les lieux où elle a trouvé M. Pasaluko par terre, à l'extérieur du bâtiment d'entretien. M. Pasaluko a été conduit par ambulance au St. Joseph's Hospital de Comox, où on a traité ses blessures. M. Trenholm a été arrêté par la police militaire au bâtiment d'entretien et a passé la nuit dans une cellule de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à Courtenay. M. Trenholm a par la suite été accusé de voies de fait causant des lésions corporelles à l'endroit de M. Pasaluko, et deux chefs d'accusation ont été portés contre lui pour avoir résisté à son arrestation.

[18]    Les employés qui participaient au tournoi étaient autorisés à quitter le travail plus tôt, alors que ceux qui ne participaient pas devaient continuer à travailler. Le tournoi a eu lieu sur la propriété de l'employeur, tout comme l'incident. Celui-ci n'est pas survenu pendant un quart de travail, et les employés ne travaillaient pas à l'entretien du terrain de golf.

[19]    M. Pasaluko prétend avoir été victime d'une agression qu'il n'a pas provoquée. Après avoir quitté les toilettes, dans le couloir du bâtiment d'entretien, il regardait vers le bas pour rattacher le cordon de son pantalon lorsqu'il a soudain vu M. Trenholm qui tournait le coin. M. Pasaluko affirme que M. Trenholm lui a dit [traduction] « Tu n'es pas mon maudit patron. » à quoi il a répondu « uhum ». Lorsqu'il a levé la tête après avoir attaché son cordon, M. Trenholm lui a enfoncé ses doigts ouverts dans les yeux. Il est tombé vers l'arrière en prenant appui sur la porte, et M. Trenholm lui a asséné des coups de poing sur les deux côtés du visage. Pendant que M. Pasaluko glissait vers le sol, le long de la porte, M. Trenholm continuait de lui donner des coups de poing au visage et sur le dessus de la tête. M. Pasaluko est tombé sur le coude gauche et M. Trenholm l'a empoigné par le bras droit en disant [traduction] « Lève-toi espèce de mauviette! ». M. Trenholm lui a donné un coup de pied sur la bouche et un autre sur le bras qu'il tenait devant son visage en guise de protection. M. Pasaluko a tenté de se protéger en se couvrant le visage et en se plaçant dans la position fotale. M. Trenholm a ensuite piétiné son épaule droite et le bas de son dos. M. Pasaluko a rampé jusqu'aux toilettes, s'est lavé le visage et a déclaré qu'il se sentait en danger. M. Pasaluko est retourné au bureau du surintendant et a appelé le 911. Alors qu'il parlait à la téléphoniste du 911, M. Trenholm a fait irruption dans la réception du bâtiment d'entretien en criant [traduction] « Qu'est-ce que tu fais maintenant, abruti? ». M. Pasaluko s'est mis à taper sur le clavier de l'ordinateur en disant à M. Trenholm qu'il était en train de programmer l'irrigation et a dit à la téléphoniste qu'il devait laisser la ligne parce que la personne était de retour. Il a réussi à se rendre à l'extérieur du bâtiment où il s'est effondré au sol. La seule chose dont il se rappelle ensuite est un policier militaire dirigeant une lumière dans ses yeux et lui demandant comment il se sentait, ce à quoi il a répondu [traduction] « Pas très bien. ». Il se rappelle que les ambulanciers sont arrivés et l'ont transféré par ambulance au St. Joseph's Hospital de Comox. Il a dû demeurer à la salle d'urgence pendant environ quatre heures pendant qu'on le soignait.

[20]    M. Pasaluko a eu des ecchymoses sur les deux côtés de son visage et des lacérations sous sa lèvre qui ont nécessité huit points. Il affirme que les lacérations ont été causées par les coups de pied qu'il a reçus au visage. Le dossier d'admission à l'hôpital (pièce E-10) indique que M. Pasaluko a souffert de lombalgie, de douleur aux hanches, de douleur faciale, de deux lacérations faciales nécessitant des sutures, dans la zone de la lèvre inférieure, ainsi que d'ecchymoses et de tuméfactions sur les deux côtés du visage. Il a ressenti de la douleur à un oeil le jour suivant, et avait de la difficulté à voir. Il a consulté par la suite Glen Hoar, un ophtalmologiste. M. Hoar a diagnostiqué une abrasion cornéenne traumatique (pièce E-13). Le 21 octobre 2003, M. Pasaluko s'est rendu à l'urgence du St. Joseph's Hospital pour une douleur à l'épaule. Le médecin traitant a diagnostiqué une luxation antérieure de la clavicule avant droite (pièce E-11). Une note du docteur Bell indiquait qu'à compter du 10 octobre 2003, M. Pasaluko ne pouvait pas travailler pendant 11 jours (pièce E-12), et M. Pasaluko a aussi été invité à consulter un physiothérapeute. M. Pasaluko n'a pas travaillé pendant deux semaines. La commission des accidents du travail a évalué une invalidité de 1 % en raison des blessures subies pendant l'agression. L'évaluation fait l'objet d'un appel. Depuis l'agression, M. Pasaluko craint M. Trenholm. Il ne veut pas se trouver près de lui et affirme qu'il donnera sa démission si M. Trenholm réintègre son poste.

[21]    L'avocat de l'employeur a tenté de me présenter les photographies se trouvant dans le dossier du caporal-chef Paul, mais n'était pas disposé à les soumettre comme pièces, ni à obtenir des copies laser afin de soumettre les copies des photographies comme pièces. Il a invoqué des questions de respect de la vie privée et le procès criminel en instance. Les photographies visaient à confirmer le témoignage de M. Pasaluko concernant ses blessures. Je note également que le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas été avisé que les photographies seraient présentées, et n'a pas reçu de copies des photographies avant l'audience. J'ai statué que je n'étais pas disposé à voir les photographies, sans qu'elles ne soient enregistrées comme pièces, étant donné que leur effet préjudiciable serait important et que les impressions que j'en tirerais ne pourraient pas être consignées dans le dossier et ne pourraient donc pas être examinées adéquatement en cas de contrôle judiciaire. À mon avis, il est simplement injuste pour le fonctionnaire s'estimant lésé que l'arbitre de grief visionne des photographies qui ne sont pas soumises comme preuves.

[22]    M. Trenholm prétend que M. Pasaluko l'a frappé le premier et qu'il a terminé la bagarre. Il affirme qu'il sortait des toilettes du bâtiment d'entretien quand il a vu M. Pasaluko. Celui-ci l'a heurté et M. Trenholm a dit [traduction] « Fais attention. », et comme il se retournait M. Pasaluko l'a frappé au visage, sans qu'il s'y attende. M. Trenholm soutient que M. Pasaluko lui a dit qu'il était un perdant, comme sa mère et son père. Il affirme que, comme M. Pasaluko « revenait à la charge », il l'a frappé une fois sur le côté du visage et que M. Pasaluko a heurté un colombage. M. Trenholm a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…] tout s'est passé tellement vite. Il est tombé au sol et je l'ai empoigné. Je ne savais pas que la bagarre était terminée. Je l'ai frappé. J'étais sur le point de le frapper de nouveau et je lui ai dit « Lève-toi espèce de lâche! ». Alors que j'étais sur le point de le frapper une deuxième fois, il s'est recroquevillé et a dit qu'il ne voulait pas se battre, alors j'ai arrêté […] 

[23]    M. Trenholm confirme avoir frappé M. Pasaluko trois fois, une fois au visage et deux fois dans la région lombaire. Il ne reconnaît pas avoir donné d'autres coups. En contre­interrogatoire, après qu'on lui ait lu les rapports médicaux faisant état des blessures, M. Trenholm a répondu qu'il était assez facile de feindre des blessures sans preuve. À une autre occasion, lorsque l'avocat lui a demandé pourquoi il affirmait qu'il n'y avait pas de preuve, M. Trenholm a expliqué qu'il n'y avait pas de radiographies et que [traduction] « les médecins écrivent ce que vous voulez ». Quand il a été question du diagnostic d'abrasion cornéenne traumatique rendu par le médecin, M. Trenholm a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Question : Soutenez-vous que la version des faits de Larry et la preuve médicale relèvent de la fabrication?

Réponse : Oui madame, les médecins font seulement ce qu'on leur dit de faire.

Dans sa réponse, M. Trenholm dit essentiellement qu'il a fabriqué la preuve en déclarant faussement des blessures au médecin.

 [24]   M. Trenholm prétend avoir été arrêté parce qu'il avait du sang sur la chemise, mais que ce sang provenait d'une coupure que M. Pasaluko lui aurait infligée au-dessus de l'oeil en le frappant le premier. Pendant son arrestation, alors que le policier militaire lui [traduction] « tordait les bras derrière la tête » pour lui mettre les menottes, M. Trenholm affirme avoir demandé au policier s'il souffrait du « complexe du petit homme ». Il prétend avoir alors été agressé par deux policiers et avoir été poussé face première dans le gravier. Il confirme également qu'il a été accusé d'un chef de voies de fait causant des lésions corporelles et de deux chefs pour avoir résisté à son arrestation.

[25]    Avant l'incident du 2 octobre 2003, d'autres incidents sont survenus entre MM. Trenholm et Pasaluko. Lors d'un premier incident, qui est survenu en août ou septembre 2003, M. Pasaluko a trébuché sur des débris de bois dans le bâtiment d'entretien, alors qu'il tentait de prendre des barres de métal pour ériger un périmètre avec des cordes dans un secteur du terrain. Il a juré et a lancé les débris dans une benne. M. Trenholm a crié à M. Pasaluko [traduction] « Espèce de maladroit! » et ensuite [traduction] « Regarde-moi encore comme ça et ton temps sera compté! ». M. Trenholm a expliqué, pendant l'audience, qu'il venait de passer des heures à organiser la pile, et que M. Pasaluko avait piqué une colère en le fixant du regard.

[26]    M. Doyle a vu M. Trenholm à la journée des hommes au terrain de golf, après l'incident. Il pourrait s'agir du samedi suivant l'incident du jeudi. Beaucoup de rumeurs circulaient déjà. M. Doyle s'est approché de M. Trenholm qui se tenait sur le vert et il a pu voir quelques éraflures sur son visage. Il lui a demandé comment il s'était fait ces éraflures et il est pratiquement certain que M. Trenholm lui a répondu [traduction] « En résistant à mon arrestation, je suppose. ». L'avocat a demandé à M. Doyle si ces éraflures correspondaient plus à des blessures infligées en résistant à un arrêt ou en recevant un coup de poing. M. Doyle a été un agent de la GRC pendant plusieurs années avant sa retraite et il a arrêté de nombreux suspects qui ne voulaient pas être arrêtés. À son avis, M. Trenholm s'était fait ses marques lorsqu'on l'avait poussé face première dans le gravier. Il ne se rappelait pas avoir vu de coupures sur le visage de M. Trenholm; mais il est possible qu'il en ait eu. M. Doyle ne semble pas avoir remarqué de coupures sur le visage de M. Trenholm. Celui-ci n'a pas fait valoir sa théorie selon laquelle les coupures au visage lui avaient été infligées par M. Pasaluko. M. Doyle n'a pas été étonné d'apprendre que les deux hommes s'étaient battus et que M. Trenholm s'était retrouvé en prison et M. Pasaluko, à l'hôpital. Il a dit quelque chose comme [traduction] « nous, les Irlandais, on nous a appris à terminer nos bagarres ». Il a également déclaré ce qui suit au sujet de Wayne :

[Traduction]

Il a des antécédents. S'il y a une bagarre, il ne reculera pas et ne lâchera pas avant la fin. Il vous le dira lui-même « pas avant que ce soit fini, c'est comme ça que nous, les Irlandais, avons été élevés. C'est ce que mon père m'a appris; si tu dois te battre, bas-toi jusqu'à la fin ».

Lorsque M. Doyle a quitté le terrain de golf, le 2 octobre 2003, il n'avait aucune idée que les deux hommes seraient impliqués dans une altercation.

[27]    À une autre occasion, durant l'été 2003, M. Pasaluko conduisait une récolteuse près du vert du trou numéro 12, lorsque M. Trenholm s'est approché de lui et lui a dit qu'il en avait assez qu'il dise des choses à son sujet. M. Pasaluko a expliqué que M. Trenholm était en colère et qu'il appuyait tellement fort contre lui qu'il ne pouvait pas descendre de la récolteuse. Il a levé les mains et il les a frappées en lui disant de ne pas mettre ses mains dans son visage. M. Trenholm l'a alors mis au défi de se battre à l'extérieur du terrain de golf. M. Trenholm s'est ensuite excusé à M. Pasaluko relativement à cette agression.

[28]    L'employeur n'a pas imposé de mesure disciplinaire relativement à ces deux incidents.

[29]    La politique de l'employeur en matière disciplinaire (pièce E- 16) prévoit la tenue d'une enquête en cas d'inconduite. La portée et la complexité de cette enquête dépendent de la complexité de l'incident. Mme Dagenais a expliqué que, comme la police militaire avait mené une enquête relativement à l'incident, l'employeur n'avait pas effectué sa propre enquête distincte.

[30]    La politique de l'employeur prévoit la tenue d'une enquête concernant toute inconduite pouvant mener à l'imposition de sanctions disciplinaires (pièce E-16, paragraphe 22). L'employeur a éventuellement tenu une audience disciplinaire, les 19 et 20 février 2004. La procédure a été reportée à la demande du représentant de l'agent négociateur de suspendre l'enquête en attendant l'issue du procès.

[31]    M. Trenholm a déposé deux déclarations écrites dans cette affaire, l'une le 5 novembre 2003 (pièce E-23) et l'autre le 19 février 2004 (pièce E-22). Les deux déclarations donnaient des versions différentes de l'agression. La première ne contenait pas d'allégation au sujet des insultes prononcées par M. Pasaluko à l'endroit des parents de M. Trenholm. Dans sa deuxième déclaration, M. Trenholm prétend que M. Pasaluko a insulté ses parents.

[32]    M. R. Curren, un gestionnaire régional, a mené l'enquête. M. Curren a entendu M. Pasaluko et M. Trenholm, ainsi que trois de leurs collègues de travail n'ayant pas été témoins de l'agression. M. Curren a formulé les conclusions suivantes dans une lettre du 31 mars 2004 (pièce E-3) :

[Traduction]

[…]

Vous avez admis avoir agressé M. Pasaluko dans la soirée du 2 octobre 2003, à votre lieu de travail, comme on l'avait allégué. Bien que votre témoignage diffère de celui de M. Pasaluko quant à savoir qui a commencé l'altercation et agressé l'autre le premier, il est clair, dans vos deux témoignages non contredits, que vous avez asséné un coup de poing à M. Pasaluko et que vous avez continué, en lui donnant deux coups de poing dans la région lombaire, après qu'il eut cessé de se battre : il était recroquevillé sur le plancher en position fotale.

Que j'accepte votre témoignage ou celui de M. Pasaluko quant à savoir comment l'altercation a commencé, je conclus de toute façon que vous l'avez clairement agressé et que vous avez usé d'une force excessive dans les circonstances. Même si je devais conclure que vous avez été provoqué, comme vous l'alléguez, ou que vous vous défendiez, comme vous l'alléguez aussi, seul le fait d'user de la force physique raisonnablement nécessaire pour empêcher quelqu'un d'autre de nous agresser quand nous nous défendons est légalement justifiable. Il est clair que dans les circonstances - vous l'avez vous-même admis - vous avez continué à vous en prendre à M. Pasaluko dans des circonstances où il n'y avait de toute évidence aucun réel danger qu'il vous agresse ou vous blesse. Je conclus que la force excessive avec laquelle vous avez agressé M. Pasaluko n'était pas raisonnablement justifiable […]

En raison de la gravité potentielle de cette affaire et de la multiplicité des facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer la sanction disciplinaire justifiable dans ce cas-ci, je renvoie le dossier au gérant du Terrain de golf et club champêtre Glacier Greens, qui décidera quelle sanction imposer.

[…]

[33]    M. Trenholm a été licencié par le lieutenant-colonel Y. Bossé, officier d'administration de l'Escadre, au nom du commandant; la décision lui a été annoncée dans une lettre datée du 30 avril 2004 (pièce E-2). La décision relative à la sanction disciplinaire dit en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Vous avez vous-même admis avoir agressé M. Pasaluko et avoir continué de l'agresser après qu'il eut cessé de se battre et se soit recroquevillé sur le plancher en position fotale. L'agent d'audience, M. Curren, a conclu que vous aviez continué à agresser physiquement M. Pasaluko dans des circonstances où il n'y avait de toute évidence aucun réel danger qu'il vous agresse ou vous blesse et que vous aviez utilisé une force excessive et injustifiable. Même si vous avez eu la possibilité de présenter des éléments de preuve et d'expliquer vos actes lors de l'audience disciplinaire, au cours de laquelle vous étiez représenté par un représentant syndical, vous n'avez pas fourni à l'employeur des explications raisonnables ou crédibles relativement à vos actes, ni d'éléments solides qui auraient permis d'atténuer l'issue de la présente affaire.

La présente affaire a été renvoyée à la chaîne de commandement du programme de soutien du personnel, qui déterminera la sanction s'imposant compte tenu de l'ensemble des circonstances. Par conséquent, j'ai examiné en détail la décision écrite de l'agent d'audience, ainsi que la preuve soumise à l'audience disciplinaire. J'ai tenu compte du fait que vous occupez votre poste saisonnier à temps plein actuel depuis le 17 avril 2001 pour le Personnel des fonds non publics (FNP) et que, jusqu'à cette décision, vous aviez un dossier disciplinaire vierge.

Vous êtes accusé de voies de fait graves au lieu de travail à l'endroit d'un collègue du FNP. L'agression a causé des blessures à la victime qui a dû être hospitalisée par la suite. La victime a été effrayée par vous et le demeure. Même des agressions de nature moins importante sur les lieux de travail sont considérées comme graves et lourdes de conséquences dans le cadre des relations du travail et de l'emploi et sont généralement suffisantes pour mener au licenciement justifié, sans préavis ni indemnité de départ, ou sans nécessité de prendre des mesures disciplinaires progressives.

Je comprends que, selon votre témoignage, vous auriez été provoqué par M. Pasaluko, ce que l'agent d'audience n'a ni accepté ni rejeté à la suite de votre admission des faits. Même si l'employeur croyait ou acceptait la défense que vous présentez au sujet de la provocation, ce qui n'apparaît pas en dossier, cela ne permettrait vraisemblablement que d'atténuer la sanction relative à votre première agression. Aucune preuve ne justifie ou n'atténue d'aucune façon le fait que, selon votre propre admission, vous avez continué à asséner des coups à la victime dans la région lombaire après qu'il eut cessé de se battre et se soit recroquevillé sur le plancher en position fotale, et que vous avez continué à le mettre au défi de se remettre debout et de se battre comme un homme. La force que vous avez utilisée était clairement excessive et injustifiable dans les circonstances.

La preuve dans cette affaire confirme donc que vous représentez un danger potentiel pour vos collègues de travail. Vous avez démontré que vous n'êtes pas disposé à travailler en coopération avec vos collègues ou incapable de le faire, et vous avez manifesté un manque complet de respect pour la sécurité et le bien-être d'un autre employé. Par votre conduite vous avez porté atteinte à la réputation des activités du GGGC et de la 19e Escadre.

L'affaire est extrêmement grave et justifie la prise de mesures graves par l'employeur. Cette situation est inacceptable. Dans les circonstances, je n'ai d'autre choix que de vous licencier dès maintenant pour motif valable.

[…]

[34]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté à l'employeur un grief daté du 31 mai 2004. Il est reconnu que ce grief a été déposé dans le délai prescrit à cet égard par la convention collective. Puisqu'il s'agissait d'un grief contestant un licenciement, Mme Dixon a décidé de le traiter comme un grief au troisième palier et l'a envoyé à l'administration centrale. M. John F. Geci, président et chef de la direction de l'ASPFC, y a répondu comme il suit le 15 juin 2004 :

[Traduction]

[…]

J'ai pris connaissance de votre grief et des circonstances entourant votre congédiement. Vous avez admis à l'agent qui vous a entendu à la réunion disciplinaire que vous aviez agressé un collègue lors d'une soirée liée à votre travail. Je n'ai rien trouvé dans les faits qui puisse mitiger ou excuser votre conduite. La sanction disciplinaire était justifiée.

La violence sur les lieux de travail est un comportement inacceptable qui ne sera pas toléré par l'ASPFC. Votre grief est donc rejeté.

[35]    Au moment de l'agression, M. Trenholm attendait son procès relativement à deux autres accusations distinctes de voies de fait. En avril 2004, il a été reconnu coupable de voies de fait contre une personne survenues le 6 juillet 2003.

[36]    Le 19 janvier 2006, alors que l'employeur avait fermé le dossier, M. Gerow a demandé l'ajournement de l'affaire pour interroger et appeler à témoigner Glen Meers, un autre employé du terrain de golf. Après avoir entendu l'argumentation, et une courte réserve, j'ai refusé l'ajournement et j'ai rendu une décision de vive voix, que j'ai consignée par écrit dans la présente décision. J'ai également ajouté la jurisprudence que j'avais à l'esprit au moment de rendre ma décision. La décision rendue de vive voix est consignée par écrit comme suit :

[Traduction]

On a demandé un ajournement pour permettre à l'avocat de vérifier que Glenn Meers serait en mesure de témoigner. M. Gerow n'a pas interrogé ce témoin qui ne semble pas avoir été assigné à comparaître. Comme l'avocat n'a pas interrogé le témoin, il n'est pas en mesure de préciser quelle sera la preuve fournie. Il appert que le témoin a été victime d'une crise cardiaque.

L'agent négociateur souhaite appeler M. Meers pour deux raisons. La première est pour confirmer que le climat était malsain entre MM. Pasaluko et Trenholm. Cette preuve a déjà été faite par au moins deux témoins et il a également été démontré que M. Pasaluko n'était pas très apprécié de certains employés du terrain de golf. Un témoignage additionnel sur ce point n'apportera rien de particulier, et je ne suis pas disposé à accorder un ajournement à cet égard. L'employeur subira un plus grand préjudice que l'employé si j'accorde cet ajournement.

L'agent négociateur souhaite également, grâce au témoignage de M. Meers, établir que M. Pasaluko a volé de l'essence et qu'il a menti sous serment. L'audience a pour objet de déterminer si M. Trenholm a agressé M. Pasaluko, le 3 octobre 2003. L'agression alléguée a eu lieu lors d'une activité organisée par l'employeur au golf. Il n'y a pas de lien apparent entre les pompes à essence, ou le vol d'essence, et les allégations d'agression.

Je remarque qu'il n'a jamais été question que M. Pasaluko ait inventé l'histoire concernant l'agression parce que M. Trenholm avait dénoncé le vol d'essence. On n'a jamais dit à M. Pasaluko qu'il mentait au sujet des événements pour se venger de M. Trenholm ou qu'il avait inventé ce qui s'était passé en raison de l'allégation de dénonciation. Les résultats de l'audience disciplinaire, énoncés dans la lettre du 31 mars 2004 (pièce E-3), ne semblent pas tenir compte de cette allégation. [1]

La question de l'essence m'apparaît être une question de crédibilité générale du témoin. De manière générale, à mon avis, la preuve relative à l'essence semble sans pertinence et accessoire, et la théorie de la cause n'a pas été exposée à M. Pasaluko lors du contre-interrogatoire.

L'avocat de l'employeur a soutenu que cette question n'avait aucun rapport avec l'agression du 2 octobre. Il n'y a pas de lien temporel ou factuel entre le prétendu vol d'essence et l'agression. J'estime que l'allégation de vol d'essence est incidente. La règle du fait incident peut se résumer ainsi :

Des questions peuvent être posées à un témoin concernant un fait. S'il nie le fait, cela n'ouvrira pas nécessairement la voie à la preuve contradictoire, si cette preuve contradictoire est soumise à la seule fin de la crédibilité générale.

Je ne suis pas strictement lié par les règles de la preuve, mais il s'agit, selon moi, d'un principe sûr fondé sur l'équité pour le témoin et la pertinence. Je consignerai mon jugement par écrit dans une décision et je préciserai la jurisprudence s'appliquant.

Fondamentalement, le témoignage que l'on souhaite obtenir est pertinent seulement quant à la question de la crédibilité et non de l'agression, il est visé par la règle des faits incidents, et je ne permettrai pas un ajournement en vue d'obtenir une telle preuve, tout particulièrement quand :

- le témoin n'a pas été interrogé;

- la preuve est spéculative;

- une question réelle se pose quant à l'admissibilité de la preuve;

- il n'est pas nécessaire d'établir que le climat était malsain ou que les deux employés ne s'aimaient pas, du fait que la preuve existe déjà.

J'estime que M. Trenholm ne subira pas ou peu de préjudice si je rejette la demande d'ajournement. Il est le principal témoin pour son propre compte dans cette affaire. Seuls MM. Trenholm et Pasaluko peuvent faire la lumière sur cette affaire. Celle-ci gravite autour de ce qui s'est passé le 2 octobre et des facteurs atténuants connexes. La preuve concernant les facteurs atténuants doit provenir principalement de M. Trenholm.

Sans perdre de vue que cette affaire concerne un licenciement et peut avoir de graves conséquences pour M. Trenholm, la règle des faits incidents est appliquée par les tribunaux criminels dans des circonstances de gravité égale ou supérieure. Cette règle est logique; lorsqu'il est question de la crédibilité générale, une partie doit se satisfaire de la réponse qu'un témoin donne et ne peut pas présenter de preuve contradictoire.

Je suis préoccupé par le temps nécessaire pour tenir une audience dans cette affaire. Le licenciement date d'environ deux ans et demi. L'employeur encourrait des responsabilités si je devais conclure que le congédiement était injustifié ou sans motif valable. Il a fallu près de sept mois pour tenir une audience dans cette affaire à la suite d'une décision sur la question du délai. Le fait d'accorder l'ajournement ne garantit aucunement que cette audience se conclura dans des délais raisonnables. Par conséquent, je refuse l'ajournement.

[37]    À l'audience, je n'avais pas en tête les citations de décisions sur lesquelles je prenais appui pour rendre mon jugement. La règle des faits incidents est énoncée dans The Attorney-General v. Hitchcock, [1847] 154 E.R. 38 (Exchequer Court). La « règle » est expliquée comme suit dans Browne v. Dunn (1894), 6 R. 67 (H.L.) :

 [Traduction]

Bien, vos Seigneuries, je ne peux m'empêcher d'affirmer qu'il m'apparaît absolument essentiel au déroulement régulier d'une instance, lorsqu'un avocat entend suggérer qu'un témoin ne dit pas la vérité sur un point en particulier, d'attirer l'attention de ce témoin sur ce fait en lui posant en contre-interrogatoire certaines questions indiquant qu'on fera cette imputation, et non d'accepter son témoignage et d'en faire abstraction comme s'il était absolument incontesté puis, lorsqu'il lui est impossible d'expliquer - ce qu'il aurait peut-être pu faire si ces questions lui avaient été posées - les circonstances qui, prétend-on, montrent que sa version des faits ne doit pas être retenue, de soutenir qu'il n'est pas un témoin digne de foi. Vos Seigneuries, il m'a toujours semblé que l'avocat qui entend mettre en doute le témoignage d'une personne doit, lorsque cette personne se trouve à la barre des témoins, lui donner l'occasion d'offrir toute explication qu'elle est en mesure de présenter. De plus, il me semble qu'il ne s'agit pas seulement d'une règle de pratique professionnelle dans la conduite d'une affaire, mais également d'une attitude essentielle pour agir de façon loyale envers les témoins.

[38]    M. Pasaluko n'a jamais été confronté directement au sujet du vol d'essence de l'employeur lors du contre-interrogatoire et, selon la preuve, il en a entendu parler pour la première fois en cour pendant les procédures criminelles mettant en cause M. Trenholm. Je présume que cela s'est produit à l'audience lorsque le juge de la cour provinciale a radié le plaidoyer de culpabilité de M. Trenholm à l'accusation de voie de fait contre M. Pasaluko pour le remplacer par un plaidoyer de non-culpabilité et qu'il a ordonné la tenue d'un procès. La preuve n'a pas permis de déterminer clairement quand M. Pasaluko a pris connaissance de l'allégation de vol d'essence. Elle semble démontrer qu'il a été mis au fait pendant les procédures criminelles. Le fait est que M. Pasaluko n'a pas été interrogé directement quant à la question du vol d'essence ou à toute autre théorie de l'agent négociateur.

Résumé de l'argumentation

Pour l'employeur

[39]    Pendant une fête au travail, les employés sont tenus de se conduire de manière à ne pas porter atteinte aux intérêts de l'employeur : Séguin c. Chambre des Communes, 2001 CRTFP 37. En appliquant le critère Millhaven, la conduite de M. Trenholm alors qu'il n'était pas en service justifie l'imposition d'une mesure disciplinaire : Casey c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2005 CRTFP 46. La preuve démontre que M. Trenholm a utilisé une force excessive lors de l'agression, même si l'arbitre de grief accepte la version du fonctionnaire s'estimant lésé concernant l'agression : R. c. Jobidon, [1991] 2 R.C.S. 714. En l'absence de circonstances atténuantes, une agression physique qui mine l'autorité de l'employeur entraîne la prise d'une mesure disciplinaire : Brown and Beatty, Canadian Labour Arbitration, Third Edition. Même s'il y avait un problème entre les deux employés, il n'existe pas de défense de provocation : Regina v. Squire (1975), 26 C.C.C. (2d) 219 (Ont. C.A.). Il n'y a pas d'imminence ou de connexion dans le temps entre les événements présumément provocateurs et l'agression : Verigin v. Regnier, [1996] B.C.J. No. 2130 (Q.L.). Un défendeur peut être tenu responsable au criminel pour avoir utilisé une force excessive, si cette force n'est pas nécessaire pour se protéger contre une nouvelle agression de la part de la victime : R. v. Assiniboine, [2005] B.C.J. No. 1550 (Q.L.). La légitime défense ne s'applique pas dans une bagarre à coups de poings entre adversaires consentants : R. c. Paice, [2005] 1 R.C.S. 339. La preuve d'intoxication extrême apparentée à l'automatisme ne pourrait pas constituer une défense : R. v. Daviault, [1994] 3 S.C.R. 63; Pocket Criminal Code, (Thompson Canada Limited, 2002), s. 33.1(1). L'intoxication volontaire ne constitue pas un moyen de défense à une accusation criminelle : R. v. Cedeno, 2005 ONCJ 91, Black's Law Dictionary, 7th Edition, (St. Paul, Minn.: West Group, 1999). Par analogie, un employé qui commet des voies de fait à l'endroit d'un autre employé ne peut pas invoquer l'autoprotection à titre de légitime défense lorsqu'il y a recours à une force excessive, ou le consentement lorsqu'il y a blessure corporelle. L'intoxication n'atténue pas l'agression à l'endroit d'un collègue de travail. Une fois que l'agression a été démontrée, il incombe au défendeur d'établir sa défense : Miska v. Sivec, [1959] O.R. 144 (Ont. C.A.); Bettel et al. v. Yim (1978), 20 O.R. (2d) 617 (Dist. Ct). L'employeur dit qu'il est impossible de réintégrer M. Trenholm étant donné que le travail dans un petit milieu comme celui du terrain de golf nécessite la coopération des deux parties, et que M. Pasaluko ne devrait pas avoir à travailler avec M. Trenholm. Par souci pour la sécurité des employés et le maintien d'un environnement sûr, le licenciement est justifié : Re Retail, Wholesale, etc., Workers, Local 461 v. Canadian Food Products Sales Ltd.(1966), 17 L.A.C. 137; Re Dominion Glass Co. v. United Glass & Ceramic Workers, Local 203 (1975), 11 L.A.C. (2d) 84. Il n'y a ni véritable remords, ni excuses et, par conséquent, le fonctionnaire s'estimant lésé ne devrait pas être réintégré : Re Metropolitan Toronto (Municipality) v. C.U.P.E., Local 43 (1990), 14 L.A.C. (4th) 355.

[40]    Selon l'employeur, tous les facteurs de l'affaire Re Millhaven Fibres Ltd, Millhaven Works, Oil, Chemical and Atomic Workers International Union, Local 9-670 (1967), 1(A) Union-Management Arbitration Cases 328, sont réunis : 1) la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé porte atteinte à la réputation de l'entreprise ou de ses produits; 2) la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé le rend inapte à remplir ses fonctions convenablement; 3) la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé amène ses compagnons de travail à refuser de travailler avec lui ou les rend réticents à le faire ou incapables de le faire; 4) le fonctionnaire s'estimant lésé a été reconnu coupable d'une grave infraction au Code criminel portant atteinte à la réputation de l'entreprise et à celle de ses employés; 5) la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé nuit à la gestion des opérations et du personnel de l'entreprise (critère Millhaven).

 [41]   L'employeur prétend également que le commandant de la base a établi que l'accès à la propriété de la base devrait être interdit à M. Trenholm et qu'il lui est donc impossible de réintégrer celui-ci dans ses fonctions. En résumé, l'employeur a un intérêt légitime à protéger ses employés et clients dans le milieu de travail. M. Trenholm n'a pas manifesté de remords et rien ne démontre qu'il se fait suivre pour apprendre à contrôler sa colère. M. Trenholm recourt aux menaces et à la violence pour régler ses conflits. Son dossier criminel témoigne de sa propension à la violence. L'employeur ne peut pas séparer M. Pasaluko et M. Trenholm sur les lieux de travail. M. Pasaluko craint réellement M. Trenholm et a déclaré qu'il démissionnerait si celui-ci revenait au travail. L'employeur ne devrait pas s'exposer aux allégations éventuelles de harcèlement, ou encore de congédiement déguisé advenant que M. Trenholm soit réintégré et que M. Pasaluko démissionne.

[42]    L'employeur fait valoir que, si je devais conclure que le motif du renvoi n'est pas valable, je devrais rompre le lien d'emploi et accorder des dommages-intérêts.

Pour l'agent négociateur

[43]    L'agent négociateur soumet que l'employeur a allégué que le fonctionnaire s'estimant lésé avait eu un comportement criminel grave. Compte tenu du caractère grave de l'allégation et des conséquences pour le fonctionnaire s'estimant lésé, l'arbitre de grief doit étudier minutieusement la preuve pour assurer que la norme de la prépondérance des probabilités est satisfaite : School District No. 33 (Chilliwack) v. Chilliwack Teachers' Association (1990), 16 L.A.C. (4th) 94 (Hope). Comme mentionné par la Commission dans l'affaire Séguin, la preuve doit être claire et convaincante. En appliquant la norme énoncée dans Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (B.C.C.A.), au titre de l'examen de la preuve, le témoignage de M. Trenholm était crédible et je devrais accepter sa déclaration au sujet de la manière dont la bagarre a commencé et s'est déroulée. Il n'a pas commencé la bagarre, mais il l'a finie. L'agression est atténuée par le fait que les deux hommes avaient une aversion l'un pour l'autre, aversion qui s'est développée avec le temps, et par les propos provocateurs de M. Pasaluko ou ses insultes proférées à l'endroit des parents du fonctionnaire s'estimant lésé juste avant la bagarre.

[44]    L'agent négociateur soutient que M. Pasaluko n'a pas fourni une preuve crédible. Il n'était pas une personne donnant des réponses claires aux autres. Il a nuancé et éludé plusieurs réponses aux questions à l'audience. Il a menti au sujet de la pétition qu'il a préparée pour se plaindre de l'ancien superviseur et au sujet de ses propos selon lesquels il aurait aimé se retrouver dans une cage avec l'ancien superviseur pour se bagarrer.

[45]    En effectuant l'analyse habituelle dans un cas de licenciement, l'agent négociateur admet que la conduite de M. Trenholm justifie la prise de mesures disciplinaires : Brown and Beatty, par. 7:3430. Cependant, l'employeur a réagi de manière excessive dans les circonstances. Compte tenu de l'ancienneté de M. Trenholm et de son dossier d'emploi vierge, la sanction disciplinaire devrait être de nature réparatrice et viser à corriger le comportement de M. Trenholm au lieu de le punir. Mis à part la bagarre, M. Trenholm est le type d'employé dévoué que tout employeur voudrait dans son milieu de travail. La sanction disciplinaire appropriée est la réintégration, avec un mois de suspension, et une rémunération rétroactive. L'agent négociateur me demande de demeurer saisi de l'affaire aux fins de l'application de la présente décision.

[46]    Les facteurs Millhaven ne sont pas réunis en l'espèce.

[47]    Rien ne démontre que la vie d'une personne a été menacée, et les deux employés avaient des marques au visage. Il n'y avait pas de risque de blessures graves, et M. Trenholm n'a pas utilisé une arme. La preuve en l'espèce ne démontre pas que la bagarre a miné l'autorité de l'employeur, causé un danger à un membre du public ou porté atteinte à l'image publique de l'employeur : Smith v. Treasury Board (Canadian Penitentiary Service), 21 L.A.C. (2d) 411. Le fait que des accusations criminelles ont été portées n'est aucunement pertinent en vue de la solution de la question. Une altercation entre deux employés n'exerçant pas de fonction de supervision l'un par rapport à l'autre est une forme d'agression moins grave. Comme mentionné dans la note de bas de page n° 13 correspondant au paragraphe 7 :3430 de l'extrait de Brown and Beatty, dans plus de la moitié des décisions rapportées, la suspension était la sanction appropriée. Plusieurs facteurs atténuent la gravité de l'agression. M. Trenholm avait l'intention de retourner chez lui; il n'a pas cherché à retrouver M. Pasaluko et n'a pas quitté le centre social dans l'intention de se bagarrer avec M. Pasaluko. Il y a eu provocation lorsque M. Pasaluko a dit à M. Trenholm qu'il était un perdant tout comme sa mère et son père. L'employeur n'a pas produit de contre-preuve, et le témoignage de M. Trenholm devrait donc être accepté. Le premier coup a été asséné par M. Pasaluko sans raison. M. Trenholm n'avait pas l'intention de blesser M. Pasaluko; le dernier coup a été donné pour voir si la bagarre était terminée. M. Trenholm ne devrait pas être puni parce qu'il a gagné la bagarre commencée par M. Pasaluko.

[48]    L'employeur ne s'est pas conformé à ses propres lignes directrices en matière disciplinaire, ce qui a causé un préjudice à M. Trenholm. Il n'a pas respecté la pratique indiquée en matière de relations du travail, qui consiste à enquêter sur les événements et à obtenir la version de l'histoire de M. Trenholm. Ce n'est que beaucoup plus tard que ce dernier a pu donner sa version des faits.

Réplique de l'employeur

[49]    L'employeur estime qu'aucune insinuation négative ne peut être déduite de sa décision de ne pas présenter de contre-preuve. L'employeur s'en remet aux témoignages concluants qui ont été recueillis. M. Pasaluko n'est pas parti à la recherche de M. Trenholm pour se bagarrer avec lui et on ne peut donc rien déduire du fait que les deux parties se sont retrouvées à l'endroit où l'agression a eu lieu. Le fonctionnaire s'estimant lésé a donné plusieurs versions divergentes de la manière dont la bagarre s'est déroulée, et on ne devrait pas le croire. Le témoignage de M. Pasaluko a résisté au contre-interrogatoire. Aucun facteur atténuant n'a été démontré. Une sanction d'un mois de suspension pour des voies de fait graves ne serait pas le bon message à envoyer aux employés.

Motifs

[50]    M. Trenholm est un employé consciencieux dont le dossier d'emploi était vierge. Il a cependant tendance à être perfectionniste. Il n'était pas content de la manière dont M. Pasaluko et d'autres employés faisaient leur travail au terrain de golf. Rien ne démontre qu'il avait des relations conflictuelles avec d'autres employés. M. Trenholm s'est plaint au gérant du travail de M. Pasaluko, mais celui-ci n'a pas donné suite à ses plaintes, ce qui frustrait M. Trenholm.

[51]    Il ressort clairement de la preuve que la conduite de M. Trenholm justifie la prise de mesures disciplinaires dans les circonstances en l'espèce. Il s'agit donc de déterminer si la mesure disciplinaire était excessive et, le cas échéant, s'il y a lieu de remplacer la sanction par une autre. À mon avis, l'employeur n'a pas réagi de manière excessive en licenciant son employé. Il avait un motif valable pour le faire et il serait inutile que j'étudie d'autres sanctions.

[52]    Comme j'ai conclu que le licenciement était fondé sur un motif valable, il n'est pas nécessaire que j'examine l'argument de l'employeur selon lequel je ne peux pas ordonner la réintégration de M. Trenholm en raison de son dossier criminel, de la perte potentielle de sa cote de sécurité et de l'ordre d'interdiction d'accès à la base donné à son endroit par le commandant de la base.

[53]    Le 2 octobre 2003, M. Trenholm faisait face à deux autres accusations de voies de fait contre des personnes n'étant pas reliées à l'incident du 2 octobre. Ces voies de fait n'ont pas été commises à son lieu de travail. Le 20 avril 2004, M. Trenholm a été reconnu coupable de voies de fait. La situation concernant l'autre accusation de voies de fait n'est pas claire. À mon avis, une condamnation pour voies de fait n'ayant pas de lien avec le lieu de travail ne démontre pas que M. Trenholm avait une propension à la violence et qu'il avait probablement agressé M. Pasaluko. Je ne suis pas disposé à tirer des conclusions du fait que M. Trenholm fait l'objet d'accusations de voies de fait. Dans notre système de droit pénal, à moins qu'une personne soit disposée à admettre les faits d'une infraction alléguée par le ministère public, un procès doit se tenir, parce qu'il incombe à la poursuite de faire la preuve de la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable. M. Trenholm a droit à un procès criminel relativement à l'événement mettant en cause M. Pasaluko, et aux événements mettant en cause d'autres personnes. S'il avait été reconnu coupable de l'infraction lorsque l'audience a eu lieu, j'aurais pu déduire de cette preuve qu'il avait agressé M. Pasaluko.

[54]    Or, plusieurs conséquences peuvent découler d'un incident tel que celui en l'espèce, ce qui comprend des accusations criminelles, une action civile en dommages-intérêts pour voies de fait et un licenciement. J'ai seulement le droit de déterminer si l'employeur a établi qu'il avait un motif valable de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé, selon la prépondérance des probabilités. Le fait que M. Trenholm fait face à des accusations criminelles n'a aucune incidence sur ma tâche comme arbitre de grief. Il n'a pas encore été condamné ou acquitté de ces accusations. Je dois cependant évaluer la gravité de la conduite mettant en cause M. Pasaluko.

[55]    Par ailleurs, le fait que M. Trenholm avait antérieurement été reconnu coupable de voies de fait ou qu'il attendait d'être jugé pour d'autres accusations criminelles lorsqu'il a agressé M. Pasaluko n'est pas une preuve qui m'aide à déterminer si M. Trenholm a agressé M. Pasaluko le 2 octobre 2003. Les événements entourant les accusations antérieures de voies de fait semblent différer considérablement des faits allégués en l'espèce.

[56]    En dernier lieu, le fait que M. Trenholm a retiré son plaidoyer de culpabilité pour subir un procès relativement aux accusations mettant en cause M. Pasaluko n'a pas d'importance quand il s'agit de déterminer si l'employeur avait un motif valable. Une condamnation criminelle découlant de la bagarre pourrait constituer une preuve pouvant faire intervenir les critères Millhaven, et une preuve qu'il y a eu agression. Au départ, M. Trenholm a apparemment inscrit un plaidoyer de non-culpabilité et retenu les services d'un avocat. Le jour du procès, son premier avocat l'a informé qu'il ne pouvait opposer aucun moyen de défense; il a alors changé son plaidoyer de non-culpabilité en plaidoyer de culpabilité. Dans le cadre de ses délibérations avec l'agent de probation, au moment de la préparation de son rapport présentenciel, il semble que l'agent de probation ait rapporté qu'il n'admettait pas les faits allégués. Il a obtenu un avis d'un autre avocat et a présenté une demande à un juge de la cour provinciale pour la radiation de son plaidoyer de culpabilité et la tenue d'un procès. Cette demande lui a été accordée et M. Trenholm a inscrit un plaidoyer de non-culpabilité. Au moment de l'audience, il attendait son procès.

[57]    Il s'agit d'une affaire où il faut évaluer la crédibilité étant donné qu'il y a deux versions divergentes de la manière dont l'agression a commencé et de ce qui s'est passé pendant l'agression. J'ai appliqué le critère établi dans Faryna v. Chorny, à la page 356, pour évaluer la crédibilité de MM. Trenholm et Pasaluko :

[Traduction]

On ne peut évaluer la crédibilité des témoins intéressés, notamment lorsque la preuve est contradictoire, en se demandant seulement si, par son comportement, le témoin donne l'impression de dire la vérité. Sa version des faits doit faire l'objet d'un examen raisonnable visant à établir si elle concorde avec les probabilités entourant les conditions qui existaient alors. Bref, ce qui permet de vérifier réellement si le témoin dit la vérité en pareil cas, c'est que son témoignage doit être compatible avec la prépondérance des probabilités qu'une personne pratique et bien renseignée reconnaîtrait aisément comme raisonnable dans ce lieu et dans ces conditions. C'est seulement alors qu'un tribunal peut évaluer de façon satisfaisante la crédibilité de témoins expérimentés et confiants à l'esprit vif ainsi que de personnes passées maîtres dans l'art de dire des demi-mensonges et de combiner l'exagération bien calculée avec la suppression partielle de la vérité. Par ailleurs, le témoin peut déclarer ce qu'il croit sincèrement être vrai en pouvant très honnêtement se tromper. Le juge de première instance qui déclare avoir cru le témoin parce qu'il estimait l'avoir entendu dire la vérité arrive à une conclusion en ne tenant compte que de la moitié du problème. En réalité, cela peut être un jugement personnel dangereux.

Le juge qui instruit l'affaire devrait aller plus loin en stipulant que les déclarations du témoin qu'il croit sont conformes à la prépondérance des probabilités dans l'affaire et, pour que son jugement soit digne de confiance, il doit aussi préciser ses raisons d'arriver à une telle conclusion. La loi ne confère pas aux juges la faculté divine de sonder les esprits et les cours des témoins, et la Cour d'appel doit être convaincue que la crédibilité accordée au témoin par le juge de première instance est fondée non pas sur un seul élément à l'exclusion des autres, mais bien sur tous les éléments pouvant attester de la véracité du témoignage en l'occurrence.

 [58]   Je n'accepte pas la preuve de M. Trenholm. Comme je l'ai mentionné ci-dessous, M. Trenholm est une personne irascible. Dans son histoire, M. Pasaluko l'a heurté dans le couloir, et M. Trenholm a dit [traduction] « Fais attention! », M. Pasaluko a insulté ses parents, l'a frappé au visage et M. Trenholm a terminé la bagarre. M. Trenholm nie avoir frappé M. Pasaluko dans les yeux, comme le prétend celui-ci. M. Trenholm soutient que M. Pasaluko s'est infligé certaines blessures en frappant un colombage de deux sur quatre et non pas une porte comme le prétend M. Pasaluko.

[59]    La version de M. Trenholm n'est pas probable. Il n'y a pas d'histoire antérieure entre les deux parties qui porte à croire que M. Pasaluko était l'agresseur. M. Trenholm est sans contredit un homme irascible qui a, par le passé, provoqué des échanges agressifs avec M. Pasaluko. Les deux incidents s'étant produits antérieurement entre M. Pasaluko et M. Trenholm témoignent du caractère soupe au lait de M. Trenholm. Dans l'atelier d'entretien, lorsque M. Pasaluko a trébuché sur une pile de débris de bois, que M. Trenholm venait de faire, M. Pasaluko a juré et a lancé le bois hors de son chemin. M. Trenholm a alors dit [traduction] « Espèce de maladroit, et oui, regarde­moi encore comme ça et ton temps sera compté; ça se fera vite à part ça! ». À mon avis, il ne s'agissait pas d'une bagarre mais de voies de fait. Il s'agissait d'une menace dans l'intention de causer des blessures à M. Pasaluko. Cela indique que M. Trenholm est facilement irrité par la conduite de personnes n'étant pas particulièrement dirigée vers lui et par des signaux non verbaux tels que des « regards ». Lors d'un autre incident, M. Trenholm a confronté M. Pasaluko sur le vert du trou 12 et s'est penché vers lui d'une manière qu'on ne peut que qualifier d'intimidante. Lorsque M. Pasaluko a placé ses mains devant lui pour faire reculer M. Trenholm, ce dernier a frappé ses mains en lui disant de ne pas mettre ses mains dans son visage. Ce qui est ironique puisqu'il semble que ce soit M. Trenholm qui ait envahi l'espace vital de M. Pasaluko et l'ait fait prisonnier de son véhicule pour ensuite l'agresser. Cette agression, bien que mineure, démontre néanmoins que M. Trenholm est facilement irritable et qu'il a répondu violemment face à l'irritation que lui causait M. Pasaluko. M. Trenholm s'est également dit intéressé par une autre confrontation violente avec M. Pasaluko à l'extérieur de la propriété de l'employeur. Il y a eu un incident dans l'atelier d'entretien. Il y a eu l'incident sur le vert au cours duquel M. Trenholm a invité M. Pasaluko à quitter la propriété de l'employeur pour qu'ils puissent [traduction] « régler leur conflit comme des hommes d'honneur ». Il n'y a aucune preuve d'intimidation antérieure de M. Pasaluko à l'endroit de M. Trenholm.

[60]    La preuve soumise par les deux parties démontre que c'est M. Trenholm qui a été arrêté et non M. Pasaluko. Le simple fait qu'il se soit fait arrêter ne prouve pas qu'il ait agressé M. Pasaluko. Indépendamment du fait que M. Trenholm ait résisté ou non à son arrestation, même de son propre aveu il a réagi agressivement à l'égard du policier militaire faisant enquête, contrairement à M. Pasaluko. Cela semble correspondre à l'impression que j'ai de M. Trenholm, à savoir qu'il est une personne irascible.

[61]    Je n'accepte pas le témoignage de M. Trenholm selon lequel M. Pasaluko lui aurait dit qu'il était un perdant comme sa mère et son père. M. Pasaluko n'aurait eu aucune raison de tenir ces propos. Rien dans la preuve ne permet de croire que les deux hommes se connaissaient avant que M. Trenholm ne commence à travailler au terrain de golf ou que M. Pasaluko connaissait les parents de M. Trenholm. L'agent négociateur n'a jamais laissé entendre, lorsqu'il a contre-interrogé M. Pasaluko, que ce dernier avait provoqué la bagarre en insultant les parents de M. Trenholm. M. Trenholm n'a pas mentionné cette forme de provocation dans la première déclaration écrite qu'il a fournie à M. Vicic, un représentant de l'agent négociateur, le 5 novembre 2003.

[62]    Un médecin a vérifié toutes les blessures de M. Pasaluko. L'histoire de M. Trenholm n'est pas compatible avec les blessures que M. Pasaluko a déclaré avoir subies, lesquelles ont été corroborées par les rapports médicaux et de l'hôpital. M. Pasaluko a subi de multiples lésions au visage, et selon le témoignage de M. Trenholm, le traumatisme ne s'explique pas par la force qu'il admet avoir exercée à l'endroit de M. Pasaluko. Si j'acceptais l'histoire de M. Trenholm, il serait impossible d'expliquer la blessure à l'oil de M. Pasaluko, puisque M. Trenholm ne reconnaît pas avoir frappé M. Pasaluko aux yeux. Il admet seulement l'avoir frappé une fois au visage.

[63]    La version de M. Trenholm ne permet pas d'expliquer la coupure à la lèvre inférieure de M. Pasaluko qui a nécessité huit points de suture. Son histoire ne permet pas non plus d'expliquer la blessure à l'épaule de M. Pasaluko. La seule explication que donne M. Trenholm est que les documents et la preuve médicale ont été fabriqués, que les médecins ont simplement écrit ce que M. Pasaluko leur disait ou que celui-ci s'était infligé lui-même ses blessures. À mon avis, il est improbable qu'une personne se mette les doigts dans les yeux pour fabriquer une preuve. Dans la version de M. Trenholm, celui­ci n'a rien fait qui aurait pu causer la blessure à l'oil. Je n'accepte pas sa théorie selon laquelle M. Pasaluko se serait lui-même mis le doigt dans l'oil. Cette explication manque de réalisme. En résumé, le témoignage de M. Trenholm n'est pas compatible avec la preuve liée aux blessures physiques et est improbable. Des éraflures au visage, des ecchymoses, des coupures et des blessures au dos ont également été notées par le médecin de la salle d'urgence ayant examiné M. Pasaluko peu après l'agression; il aurait été difficile pour M. Pasaluko de feindre de telles blessures.

[64]    Par ailleurs, l'histoire de M. Trenholm est aussi incompatible avec ses propres blessures. Dans sa version des événements, il avait une coupure au visage après avoir reçu un coup de M. Pasaluko. M. Doyle, un agent de la GRC à la retraite qui travaille au terrain de golf, a vu M. Trenholm le jour suivant la bagarre et croit que les blessures sur son visage auraient pu être être infligées lorsqu'il a été poussé face première dans le gravier alors qu'il résistait à son arrestation. À mon avis, s'il y avait eu une coupure sur son visage, M. Doyle l'aurait vue. À titre d'ancien agent de la GRC, il est un observateur aguerri. Il m'est apparu comme quelqu'un qui n'agissait pas par intérêt personnel. Par ailleurs, j'ai également le sentiment qu'il trouvait M. Trenholm plus sympathique que M. Pasaluko et que son témoignage était rigoureusement équitable à l'endroit de M. Trenholm.

[65]    M. Trenholm a expliqué à M. Doyle comment il avait obtenu ses blessures en disant qu'il avait résisté à son arrestation par la police militaire. M. Trenholm n'a pas mentionné à M. Doyle qu'il avait été frappé par M. Pasaluko. Rien n'obligeait M. Trenholm à dire à M. Doyle que M. Pasaluko l'avait frappé. Il lui a cependant expliqué avoir subi ses blessures au visage lors de son arrestation et non lors de la bagarre avec M. Pasaluko et de son arrestation subséquente par la police militaire. J'accorde plus de poids à son explication antérieure. Il est plus probable qu'elle soit vraie parce qu'elle a été fournie plus tôt dans le temps. Ayant eu le temps de réfléchir à l'explication donnée pendant l'audience, j'estime que sa véracité est moins probable.

[66]    M. Murphy a déclaré avoir constaté, le lendemain de la bagarre, que M. Trenholm avait une éraflure au visage et une coupure au-dessus de l'oil gauche. Ce témoignage tend à confirmer la blessure que M. Trenholm soutient avoir subie quand M. Pasaluko l'aurait frappé sans raison. Je n'accepte pas le témoignage de M. Murphy au sujet de la coupure au-dessus de l'oil. Il est un ami de longue date de M. Trenholm et a joué au hockey avec lui. Il est clair que son témoignage n'était pas objectif. Il a même dit ce qui suit :

[Traduction]

Je n'aime évidemment pas Larry. Je n'apprécie pas sa manière de traiter les gens, et comme je l'ai dit précédemment nous ne nous adressons par la parole au travail.

[67]    M. Murphy a manifesté de l'aversion pour M. Pasaluko dans son témoignage lorsqu'il a expliqué que M. Pasaluko faisait du mal aux animaux sur le terrain de golf. Ce témoignage suscite du mépris à l'égard de M. Pasaluko, mais n'a pas une grande valeur probante. M. Murphy n'a pas fourni de preuve réelle pouvant nous éclairer sur les causes de la bagarre. Il n'était pas présent lors de la bagarre. Il était ivre le soir du tournoi de golf. Il n'a pas eu connaissance qu'il y avait un problème entre M. Trenholm et M. Pasaluko ce soir-là.

[68]    Je n'accepte pas le témoignage de M. Trenholm quant à la manière dont l'agression s'est produite, tout particulièrement les allégations selon lesquelles M. Pasaluko aurait frappé M. Trenholm, M. Trenholm aurait subi une coupure à l'oil et que M. Pasaluko aurait insulté les parents de M. Trenholm. Je considère que ce témoignage a été imaginé ou fabriqué récemment, ce qui ne concorde pas avec la prépondérance des probabilités.

[69]    La raison pour laquelle M. Trenholm a agressé M. Pasaluko ce jour-là demeure un mystère pour moi. Il ne fait aucun doute qu'il existait de l'animosité entre les deux employés. Je n'ai pas à élucider ce point. Les deux hommes avaient consommé de l'alcool pendant la journée et ne devaient pas utiliser leur voiture pour retourner chez eux. Je conclus que les deux étaient intoxiqués à un certain degré. Ils avaient du mépris l'un pour l'autre. La rencontre dans l'atelier d'entretien était inattendue pour les deux.

[70]    Comme mentionné précédemment, les faits en l'espèce sont contestés. Il incombe à l'employeur de démontrer les faits contestés selon la prépondérance des probabilités et, compte tenu de la gravité des allégations, la preuve doit être claire et convaincante. Cette tâche est quelque peu facilitée par le témoignage relativement à la force utilisée par M. Trenholm à l'endroit de M. Pasaluko. Je suis convaincu en droit que l'employeur a démontré, même sur la foi du seul témoignage de M. Trenholm, selon la prépondérance des probabilités, que M. Trenholm a agressé M. Pasaluko. Il ne fait aucun doute que M. Trenholm a utilisé une force excessive.

[71]    Ayant rejeté la version des événements de M. Trenholm entourant l'agression, et particulièrement en ce qui concerne les coups frappés, je n'accepte pas sa version de la manière dont la bagarre a débuté. La version des événements de M. Pasaluko était cohérente et n'a pas été modifiée de manière significative par le contre-interrogatoire. Je conclus que cette agression s'est produite de la manière alléguée par M. Pasaluko.

[72]    Je suis convaincu que l'employeur a démontré que M. Trenholm a agressé M. Pasaluko sans provocation, selon la prépondérance des probabilités. La relation était de toute évidence tendue entre les deux employés, mais rien dans cette relation n'explique ou n'atténue la manière dont M. Trenholm s'est conduit le 2 octobre 2003.

[73]    S'il s'agissait d'une agression mineure, j'aurais pu envisager une longue période de suspension pour M. Trenholm. Or, cette agression était très grave et elle a causé à M. Pasaluko des blessures corporelles qui ne sont pas de nature passagère ou sans importance. M. Pasaluko n'a pas pu travailler pendant deux semaines et demeure craintif face à M. Trenholm. La preuve établit que M. Trenholm a intentionnellement infligé des blessures corporelles à M. Pasaluko. Les gestes de M. Trenholm n'étaient peut-être pas prémédités; cependant, celui­ci savait qu'il utilisait la force, et la seule conclusion pouvant être tirée est qu'il a utilisé la force avec l'intention d'infliger des blessures à M. Pasaluko.

[74]    M. Gerow fait valoir qu'il ne faut pas punir M. Trenholm parce qu'il a [traduction] « gagné la bagarre ». En matière de droit criminel, une personne peut être tenue criminellement responsable pour l'utilisation d'une force excessive ou injustifiée, même si elle a agi en légitime défense. Je ne vois pas pourquoi cette notion ne devrait pas s'appliquer dans le contexte du droit du travail. Même dans la version de M. Trenholm, il ne s'agissait pas vraiment d'une bagarre, mais plutôt d'une raclée qu'il a donnée à M. Pasaluko. Il a lui-même reconnu avoir frappé M. Pasaluko deux fois dans la région lombaire lorsque celui-ci était recroquevillé en position fotale. M. Trenholm a utilisé une force beaucoup plus grande que nécessaire dans les circonstances. Selon le témoignage de M. Pasaluko, que j'accepte parce qu'il concorde davantage avec les blessures lui ayant été infligées, il s'agissait d'une attaque brutale non provoquée. Le témoignage que M. Pasaluko a donné pendant l'audience était compatible avec celui qu'il avait fait à l'audience disciplinaire.

[75]    Cette agression n'a pas eu lieu pendant les heures de travail, ni à un endroit à la vue des membres du public. La preuve ne démontre pas que le premier des critères Millhaven relativement au préjudice à la réputation du terrain de golf s'applique. Rien ne permet de croire que les usagers aient délaissé le terrain de golf à la suite de la bagarre.

[76]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a prétendu que l'incident n'était pas relié au travail. Il s'est produit lors d'un événement commandité, sur la propriété de l'employeur, et l'employeur avait permis aux employés de quitter leur travail plus tôt pour y participer. On ne peut pas dire que l'agression n'était pas reliée au lieu de travail de l'employeur ou à son exploitation, puisqu'il a eu lieu dans le bâtiment où tous les employés du golf commencent et terminent leurs quarts de travail et mangent leurs repas du midi. Par ailleurs, je crois que le bon fonctionnement d'un terrain de golf repose sur la coopération entre le technicien à l'irrigation et le préposé à l'entretien des verts, étant donné que les deux doivent travailler de concert aux fins de l'entretien des verts du terrain de golf. C'est un petit milieu de travail et il est inévitable que M. Trenholm et M. Pasaluko se côtoient. Je suis d'avis que la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé, et tout particulièrement son incapacité à composer avec M. Pasaluko, nuiront au bon fonctionnement du terrain de golf. Ces employés tentaient dans la mesure du possible de s'éviter avant l'incident du 2 octobre 2003, et c'est leur rencontre fortuite ce soir-là qui a mené à une agression grave. Le bon fonctionnement d'un terrain de golf dépend du travail effectué par le technicien à l'irrigation et le préposé à l'entretien du terrain. Si M. Trenholm ne peut pas communiquer de manière civilisée avec M. Pasaluko, il ne peut pas transmettre efficacement l'information dont M. Pasaluko a besoin aux fins de l'irrigation du terrain, ni accepter l'information fournie par M. Pasaluko pour assurer un entretien adéquat du terrain. Cela concorde avec le cinquième critère Millhaven.

[77]    M. Trenholm n'assume pas la responsabilité de ses actes. Selon sa théorie, l'incident a été essentiellement déclenché par M. Pasaluko parce qu'il avait dénoncé son inconduite. Il croit avoir répondu à la provocation de M. Pasaluko et affirme qu'il ne se fera plus jamais avoir de cette façon. Il n'a de toute évidence pas d'empathie pour M. Pasaluko et les blessures qu'il lui a infligées. Il a tenté de faire rejeter le blâme sur M. Pasaluko pour l'agression. Je ne crois pas que M. Pasaluko se soit comporté de manière provocatrice le soir de l'agression. Même si l'agression avait été déclenchée comme le prétend M. Trenholm, le degré de force dont il a fait preuve était excessif et déraisonnable dans les circonstances, tout particulièrement lorsque M. Pasaluko était au sol et n'offrait aucune résistance apparente.

[78]    J'estime que M. Trenholm n'a pas manifesté de remords véritable pouvant atténuer la sanction que lui a imposée l'employeur. La brutalité de l'agression, tout particulièrement le coup de pied au visage et les nombreux coups de poing, démontre que M. Trenholm ne sait pas se maîtriser. Face à l'absence de remords et de maîtrise de la part de M. Trenholm, ainsi qu'à son manque total de respect à l'égard de M. Pasaluko, je crois qu'il constitue toujours un danger pour M. Pasaluko. Même s'il n'a pas été démontré que M. Trenholm avait menacé d'autres employés, il est clair qu'il a un problème de gestion de la colère, qu'il manifeste sa colère de manière violente et qu'il ne contrôle pas bien son agressivité. Il n'a donné aucune indication qu'il reconnaissait avoir ce problème. En fait, la preuve tend à démontrer qu'il a une attitude rigide en ce qui concerne le bien et le mal, et qu'il considère approprié de se battre ou de recourir à la force physique s'il estime qu'on lui a causé un tort. Comme il ne comprend pas qu'il a un problème, il représente un risque pour les autres employés. Étant donné que je ne peux pas vraiment comprendre pourquoi il a agressé M. Pasaluko et pourquoi il a continué à utiliser la force, alors qu'il aurait été évident pour n'importe quel spectateur raisonnablement objectif que M. Pasaluko ne présentait aucun risque pour lui, il serait dangereux pour M. Pasaluko et les autres employés de réintégrer M. Trenholm dans le lieu de travail.

[79]    Par ailleurs, même si M. Trenholm n'a pas eu de difficultés à s'entendre avec les autres, son comportement dans cet incident me préoccupe grandement et me porte à croire qu'il est incapable de travailler avec les autres et qu'il présente un risque pour les autres, tout particulièrement pour M. Pasaluko. Je suis d'avis qu'il est donc inapte à assumer ses fonctions convenablement, ce qui concorde avec le deuxième critère Millhaven. M. Pasaluko refuse de travailler avec M. Trenholm si celui-ci est réintégré. Je suis convaincu qu'il a réellement peur de M. Trenholm et qu'il démissionnera probablement si celui-ci revient au terrain de golf, ce qui correspond au troisième critère Millhaven.

[80]    En conclusion, même si le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas été acquitté ou condamné relativement à une infraction criminelle, je suis convaincu que M. Trenholm a commis une agression grave qui a causé des blessures corporelles. Ses motifs ne sont pas clairs, mais il s'agissait sans contredit d'une agression brutale non provoquée au cours de laquelle il a donné au moins un coup de pied à la tête et de nombreux coups de poing au visage. M. Pasaluko a dû s'absenter du travail pendant deux semaines en raison de ses blessures. M. Trenholm n'a pas témoigné avec franchise et admet seulement avoir donné un coup au visage et deux coups dans la région lombaire. L'employeur m'a convaincu que les deuxième, troisième et cinquième critères Millhaven ont été réunis, chacun justifiant à lui seul le licenciement de M. Trenholm. Pour les raisons qui précèdent, je suis convaincu que l'employeur a démontré l'existence d'un motif valable de congédiement.

[81]    L'agent négociateur a fait valoir qu'il y avait eu violation des droits de M. Trenholm en raison d'un vice de procédure, ainsi qu'une infraction à la politique de l'employeur. Cet argument n'a pas été exposé en détail à l'audience. Il semble que l'employeur n'ait pas effectué sa propre enquête distincte de l'enquête criminelle avant de tenir une audience disciplinaire. S'il s'agissait d'une infraction à la politique, il est difficile de voir en quoi les droits de M. Trenholm auraient été brimés étant donné qu'il a eu la possibilité de présenter son information à l'audience disciplinaire, qu'il y a été représenté par un représentant syndical et qu'il a pu contester dans le cadre de la présente procédure arbitrale la décision concernant son licenciement.

[82]    Lors de l'audience relative à son licenciement devant un arbitre de grief, il incombe à l'employeur d'établir un motif raisonnable, et l'employé peut soulever des moyens de défense d'ordre procédural, entre autres. Une audience devant un arbitre de grief est une audience de novo qui peut corriger des vices de procédure survenus à l'étape de l'enquête. L'arbitre de grief n'est pas lié par les conclusions que l'employeur tire dans le cadre de son enquête en ce qui concerne les mesures disciplinaires auxquelles l'employé est exposé ou leur quantum, puisqu'il incombe à l'employeur de prouver ce qu'il avance, selon la règle de la prépondérance des probabilités, pendant l'audience. Après avoir pris connaissance de l'enquête, je suis cependant d'avis que M. Trenholm connaissait la nature de l'allégation, qu'il a été représenté par son agent négociateur et qu'il a eu la possibilité de fournir l'information à une personne indépendante qui a établi qu'une agression avait été commise. C'est à sa demande, et dans son intérêt, que l'enquête a été reportée à la suite d'une enquête de la police qui a mené à des accusations criminelles. Je ne suis pas lié par la conclusion de l'enquêteur. Je n'accorde pas de poids à la conclusion de l'enquêteur. Je ne suis toutefois pas convaincu que les droits de M. Trenholm ont été brimés en raison d'un vice de procédure. S'il y a eu vice de procédure, celui-ci a été entièrement corrigé par la présente audience, lorsque M. Trenholm a eu la possibilité de contre­interroger les témoins de l'employeur, de fournir une preuve et de présenter une argumentation.

[83]    Il est malheureux que M. Trenholm ne soit pas en mesure de travailler pour cet employeur; il semble difficile de trouver un travail stable dans la vallée de Comox pour une personne comme M. Trenholm dont la formation et la scolarité sont limitées. Sa suspension et la perte éventuelle de son emploi entraîneront certes des conséquences financières. Il jouissait d'une ancienneté auprès de son employeur, mais il n'est pas un employé de longue date. Bien que je sois sensible au fait qu'il ait eu une vie difficile et qu'il subira des conséquences financières en raison de la perte de son emploi, je ne vois aucune raison de modifier la décision de l'employeur.

[84]    Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[85]    Par conséquent, j'ordonne que le grief soit rejeté.

Le 1er juin 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Paul Love,
arbitre de grief


[1] Après avoir relu mes notes, il est clair que M. Pasaluko n'a jamais été confronté de manière directe au sujet du vol d'essence. Il a affirmé en avoir entendu parler au procès au criminel.

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