Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté une plainte en septembre 2000, dans laquelle il allègue que la défenderesse a tenté de l’empêcher d’exercer ses droits, à titre personnel et à titre de représentant syndical, depuis mars 1997 - le plaignant a été représentant syndical jusqu’en novembre 1999 - la défenderesse a objecté que la plainte n’avait pas été présentée dans un délai raisonnable et que le plaignant ne pouvait pas se plaindre d’intimidation à titre de représentant syndical - la nouvelle Loi est entrée en vigueur pendant que la Commission délibérait sur la plainte - la Commission a conclu que les dispositions transitoires de la LMFP prévoyaient clairement que la plainte se poursuive devant la Commission - la Commission a aussi conclu que la situation des parties était constituée avant l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi et que la plainte devait être décidée sur la base des droits et obligations découlant de l’ancienne Loi - la Commission a estimé que seule une organisation syndicale, ou son représentant dûment mandaté, possédait la qualité nécessaire pour se plaindre du non-respect des interdictions énoncées aux paragraphes 8(1) et 9(1) de l’ancienne Loi - la Commission n’a jugé la plainte recevable qu’en ce qui concerne les allégations de non-respect des interdictions énoncées au paragraphe 8(2) de l’ancienne Loi - la Commission a évalué que le plaignant savait en janvier 2000 qu’il était trop tard pour déposer une plainte sur les événements survenus avant cette date et que la plainte n’avait été présentée dans un délai raisonnable qu’en ce qui concerne les événements survenus à compter du 7 mars 2000 - le plaignant n’a pas démontré, contrairement à ce qu’il alléguait, que la défenderesse avait l’intention de l’intimider pour qu’il s’abstienne d’exercer des droits que lui accordait l’ancienne Loi. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction
publique édictée par l'article 2 de la Loi sur la
modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-01-26
  • Dossier:  561-02-71
  • Référence:  2006 CRTFP 5

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

SIMON CLOUTIER

plaignant

et

MONIQUE LECLAIR

défenderesse

Répertorié
Cloutier c. Leclair

Affaire concernant une plainte logée en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour le plaignant : Simon Cloutier

Pour la défenderesse : Raymond Piché, avocat


Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 13 au 15 août 2001, du 26 au 28 mai, du 5 au 8 août, du
11 au 15 août 2003, du 19 au 23 avril et du 17 au 21 mai 2004.
Représentations écrites déposées les 30 mai et 27 juin 2005.


I. Plainte devant la Commission

[1]   Le plaignant, Simon Cloutier, a déposé une plainte fondée sur l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Loi »), L.R.C. (1985), ch. P-35, le 4 septembre 2000, alléguant que la défenderesse a contrevenu aux interdictions énoncées aux articles 8 et 9 de l’ancienne Loi. Sa plainte se lit comme suit :

[…]

Vous constaterez que les faits décrits impliquent plusieurs personnes ayant agi pour le compte de l’employeur. Ainsi, ma plainte dénonce davantage la culture du ministère que le comportement de ses exécutants sous la direction de Monique Leclair, Directrice générale de la région du Québec.

Ma lecture des incidents m’a convaincu que le ministère a tenté de m’empêcher, notamment à titre de représentant syndical d’exercer certains droits déterminants et entre autres prévus dans la convention collective. Par exemple, en faisant une interprétation délibérément erronée des congés syndicaux, créant ainsi une situation d’épuisement et de vulnérabilité des représentants. De plus, la politique d’utilisation des outils de l’employeur n’a été utilisée, en fait, que pour restreindre la liberté d’expression mais officiellement justifiée par d’autres raisons. L’utilisation du courrier électronique est un bon exemple de ce fait puisque son utilisation illégale a été grandement tolérée en certaines circonstances et tout aussi grandement réprimée en d’autres circonstances; créant ainsi un [ sic ] distinction injuste envers notamment le représentant syndical que j’ai été.

Je dénonce également le fait que le ministère s’est injustement attaqué à ma réputation et à la perception qu’ont les membres de leur représentant syndical. L’ensemble des incidents décrits témoigne de ce fait qui constitue autant d’infractions aux articles 8 et 9 de la LRTFP .

[…]

[2]   Le plaignant demande les mesures correctives suivantes :

[…]

Réparation des dommages

Reconnaissance qu’il y a eu harcèlement et infractions à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Une lettre d’excuses du ministère comportant un engagement à maintenir le lieu de travail exempt de harcèlement.

Le remboursement de toutes les périodes de suspension et des périodes de congés de maladie liées à cette affaire.

Le remboursement en heures supplémentaires des périodes de congé qui auraient dû être accordées pendant les heures de travail.

Qu’aucun préjudice ne me soit causé du fait du dépôt de la présente plainte.

Que toute documentation relative à cette plainte soit retirée de tous mes dossiers personnels.

Que le jugement rendu à l’égard de cette plainte soit public.

[3]   La présente plainte a été mise au rôle conjointement à une plainte (dossier de la CRTFP 561-02-70) et deux griefs déposés par Micheline Rioux le 6 juillet 2000, dans lesquels cette dernière allègue, pour l’essentiel, avoir été l’objet de représailles et de discrimination en raison de ses activités syndicales. Plusieurs des incidents relatés par le plaignant et Mme Rioux sont couverts par les deux plaintes, puisque le plaignant et Mme Rioux ont été impliqués conjointement, comme fonctionnaires ou comme représentants de l’agent négociateur, selon les circonstances.

[4]   De manière à éviter de répéter la preuve, il a été convenu que celle produite dans un dossier serait versée dans l’autre, y incluant toute objection qui aurait été formulée à l’encontre de son admissibilité, ainsi que tout argument pouvant y être rattaché. Chacune des plaintes est cependant considérée indépendamment de l’autre et fait l’objet d’une décision qui lui est propre.

[5]   M. Cloutier a représenté Mme Rioux en ce qui a trait aux griefs qu’elle a logés à l’encontre de certaines mesures disciplinaires qui lui avaient été imposées. La preuve présentée relativement aux griefs de Mme Rioux, qui ont fait l’objet de la décision Rioux c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), 2002 CRTFP 68, est versée au présent dossier, car elle y est pertinente.

[6]   Les pièces déposées par M. Cloutier sont identifiées par la cote « G ». Les pièces déposées par Mme Rioux lors de l’audience ayant mené à la décision Rioux c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada) (supra), sont identifiées par la cote « R » et celles qu’elle a déposées lors de l’audience relativement à sa plainte dans le dossier de la CRTFP 561-02-70 le sont par la cote « P ». Les pièces déposées par la défenderesse  sont identifiées par la cote « E ».

[7]   L’audience a débuté le 13 août 2001. Seule la preuve relative aux griefs contestant les mesures disciplinaires imposées à Mme Rioux a pu être complétée. L’audience des plaintes a été remise à la suite de demandes du plaignant et de Mme  Rioux datées du 18 décembre 2001 et du 2 juillet 2002. Ce n’est qu’à la suite de la décision Cloutier et Rioux c. Turmel et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2003 CRTFP 12, que l’audience a pu reprendre le 26 mai 2003, pour trois jours consécutifs.

[8]   Le 20 mai 2003, le plaignant et Mme Rioux ont demandé une remise d’audience, motivée comme suit (pièce G-5) :

[…]

Nous avions demandé dix jours d’audition afin de s’assurer que le tout se termine en une seule fois. En effet, une seconde audition engendrerait une charge de travail supplémentaire pour laquelle nous ne bénéficions pas de temps de préparation et un stress psychologique ayant un impact négatif sur notre état de santé.

Il est également à l’avantage de la partie adverse de bénéficier d’une remise d’audience, d’autant plus qu’elle n’a jamais voulu répondre à nos plaintes. Nous sommes inquiets d’une apparence de partialité à la faveur de la partie adverse.

Avant d’aller plus loin, nous désirons recevoir une réponse à ce sujet. Serait-il possible de bénéficier de la période d’audition demandée, soit 10 jours, et ce dans un délai très court ?

[…]

[9]   Cette demande de remise a été refusée et, lors de la reprise d’audience le 26 mai 2003, j’ai informé les parties que la reprise d’audience avait été fixée à trois jours en consultation avec les représentants des parties. Lors de la préparation du rôle, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) avait informé la Commission qu’elle représentait le plaignant et Mme Rioux. De plus, le plaignant avait été avisé que la mise au rôle de la reprise d’audience serait faite en consultation avec l’AFPC, puisque celle-ci était son représentant au dossier à cette époque. Les représentants des parties n’ont demandé aucune journée d’audience supplémentaire et la reprise d’audience a été fixée à trois jours.

[10]   Malgré ces informations, le plaignant a maintenu qu’il était « […] [ inquiet] d’une apparence de partialité à la faveur de la partie adverse. » J’ai lui ai mentionné à l’audience que le fait de questionner la partialité de la Commission entraînait normalement une demande de récusation. Le plaignant a décliné la possibilité de soumettre des arguments sur cette question et la défenderesse a soumis que la procédure de mise au rôle avait été appliquée de manière impartiale. Le dossier démontre que le représentant de chacune des parties a été consulté de la même manière afin de déterminer les modalités de la mise au rôle du présent dossier. Il était aussi à l’avantage des parties d’utiliser le plus efficacement possible les trois journées fixées pour la reprise d’audience pour résoudre le litige dans les plus courts délais possibles. En conséquence, considérant qu’aucun élément ne m’a été soumis démontrant que la mise au rôle de la reprise de l’audience aurait favorisée une partie, j’ai rejeté l’allégation d’apparence de partialité soulevée par le plaignant.

[11]   Les articles de l’ancienne Loi pertinents à la plainte se lisent comme suit :

[…]

DROITS ET INTERDICTIONS ESSENTIELS

Droits

[…]

  6. Un fonctionnaire peut adhérer à une organisation    syndicale et participer à l’activité légitime de celle-ci.

[…]

Interdictions

  8.  (1) Il est interdit à quiconque occupant un poste de   direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur, de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale, ou d’intervenir dans la représentation des fonctionnaires par une telle organisation ou dans les affaires en général de celle-ci.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne, ou encore de faire des distinctions injustes fondées, en ce qui concerne l’emploi ou l’une quelconque des conditions d’emploi d’une personne, sur l’appartenance de celle-ci à une organisation syndicale ou sur l’exercice d’un droit qui lui accorde la présente loi;

b) d’imposer - ou de proposer d’imposer - , à l’occasion d’une nomination ou d’un contrat de travail, une condition visant à empêcher un fonctionnaire ou une personne cherchant un emploi d’adhérer à une organisation syndicale ou d’exercer un droit que lui accorde la présente loi;

c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de destitution ou par l’imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger un fonctionnaire :

(i) à adhérer - ou s’abstenir ou cesser d’adhérer -, ou encore, sauf disposition contraire dans une convention collective, à continuer d’adhérer à une organisation syndicale,

(ii)  à s’abstenir d’exercer tout autre droit que lui accorde la présente loi.

       (3) Toute action ou omission à l’égard d’une personne occupant un poste de direction ou de confiance, ou proposée pour un tel poste, ne saurait constituer un manquement aux dispositions du paragraphe (2).

  9. (1) Sauf dans les conditions et cas prévus par la présente loi, un règlement, une convention collective ou une décision arbitrale, il est interdit à une personne occupant un poste de direction ou de confiance, qu’elle agisse ou non pour le compte de l’employeur, de faire des distinctions injustes à l’égard d’une organisation syndicale.

      (2) Le paragraphe (1) n’a pas pour effet d’empêcher une personne occupant un poste de direction ou de confiance de recevoir les observations des représentants d’une organisation syndicale ou d’avoir des discussions avec eux.

[…]

  23. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l’employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n’a pas, selon le cas :

          a) observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10;

  […]

  (2) Dans les cas où, en application du paragraphe (1), elle juge l’employeur, une organisation syndicale ou une personne coupable d’un des manquements qui y sont énoncés, la Commission peut, par ordonnance, lui enjoindre d’y remédier ou de prendre toute mesure nécessaire à cet effet dans le délai qu’elle estime approprié.

  (3) L’ordonnance visant une personne est en outre adressée :

a)lorsque l’auteur du manquement a agi ou prétendu agir pour le compte de l’employeur, au premier dirigeant concerné, dans le cas d’un employeur distinct, ou au secrétaire du Conseil du Trésor, dans les autres cas;

[…]

II. Objection

[12]   En début d’audience, la défenderesse a soumis une objection préliminaire en deux points à l’encontre de la plainte. En premier lieu, la plainte aurait été déposée tardivement; le plaignant alléguant des incidents qui remontent à 1997, alors que sa plainte a été déposée en septembre 2000. En deuxième lieu, le plaignant allègue des incidents où la défenderesse contreviendrait aux interdictions énoncées aux paragraphes 8(1) et 9(1) de l’ancienne Loi. Seule une organisation syndicale ou une personne dûment mandatée par elle peut se plaindre d’une violation des interdictions énoncées dans ces paragraphes. J’ai pris l’objection préliminaire sous réserve et j’ai demandé aux   parties de procéder sur le fond.

III. Résumé de la preuve

A. Les faits relatifs aux responsabilités et structures syndicales

[13]   Le plaignant a soumis qu’il exerçait, au moment du dépôt de sa plainte, des responsabilités de représentant syndical. La preuve qu’il a soumise à cet égard démontre que Mme Rioux a occupé le poste de secrétaire de la section locale 10405 (la « section locale ») du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC) en mai 1997. Le SEIC est l’un des éléments de l’AFPC. À cette date, M. Cloutier occupait le poste de vice-président, Service intérieur. Martin Tremblay occupait le poste de président de la section locale.

[14]   Les élections de la section locale tenues le 6 mai 1998 ont confirmé M. Tremblay à la présidence et M. Cloutier à la vice-présidence, Service intérieur. Mme  Rioux a accédé au poste de vice-présidente à la condition féminine (pièce G-59). À la suite de la démission de M. Tremblay, M. Cloutier a été désigné président intérimaire le 19 novembre 1998 (pièce G-64).

[15]   Une rencontre patronale-syndicale a été tenue le 23 novembre 1998, au Centre d’immigration du Canada de Montréal (CIC Montréal), pour tenter de déterminer les aires de compétences des représentants syndicaux. Aucune entente n’est intervenue sur cette question, la section locale maintenant que chacun de ses représentants peut intervenir partout au CIC Montréal, alors que l’employeur voulait restreindre les interventions des représentants selon une structure fixe (pièce G-62).

[16]   M. Cloutier a été libéré pour activités syndicales, à temps plein, du 2 avril au 4 septembre 1998, pour agir comme responsable de la mobilisation dans le dossier de l’équité salariale pour l’AFPC. Pendant cette période, il a donc touché son salaire de fonctionnaire, tout en assumant ses fonctions syndicales à temps plein.

[17]   Lors des élections du 29 mars 1999 à la section locale, M. Cloutier a été élu au poste de président (pièce G-65). Mme Rioux ne s’est pas portée candidate lors de cette élection. Elle a témoigné qu’elle avait décidé de cesser ses activités syndicales après avoir reçu une mesure disciplinaire le 17 décembre 1998.

[18]   Les clauses pertinentes des conventions collectives relatives aux représentants syndicaux se lisent comme suit :

[Convention cadre conclue le 17 mai 1989 entre le Conseil du Trésor et l’AFPC]

[…]

ARTICLE M-8

REPRÉSENTANTS DES EMPLOYÉ-E-S

M-8.01   L’employeur reconnaît à l’Alliance le droit de nommer ou de désigner des employé-e-s comme représentants.

M-8.02   L’Alliance et l’employeur s’efforceront, au cours de consultations, de déterminer l’aire de compétence de chaque représentant en tenant compte de l’organigramme du service, du nombre et de la répartition des employé-e-s dans les lieux de travail et de la structure administrative qui découle implicitement de la procédure de règlement des griefs. Lorsque, au cours de consultations, les parties ne parviennent pas à s’entendre, les griefs sont réglés au moyen de la procédure de règlement des griefs et de l’arbitrage.

M-8.03   L’Alliance communique par écrit à l’employeur le nom et l’aire de compétence de ses représentants désignés conformément à la clause M-8.02.

**

M-8.04

(a)Le représentant obtient l’autorisation de son superviseur immédiat avant de quitter son poste de travail soit pour faire enquête au sujet des plaintes de caractère urgent déposées par les employé-e-s, soit pour rencontrer la direction locale afin de régler des griefs et d’assister à des réunions convoquées par la direction. Une telle autorisation ne doit pas être refusée sans motif raisonnable. Lorsque c’est possible, le représentant signale son retour à son superviseur avant de reprendre l’exercice de ses fonctions normales.
(b)Lorsque la direction demande la présence d’un représentant de l’Alliance à une réunion, une telle demande est si possible communiquée au superviseur de l’employé-e.

ARTICLE M-9

UTILISATION DES LOCAUX DE L’EMPLOYEUR

[…]

M-9.04   L’Alliance fournit à l’employeur une liste des noms de ses représentants et l’avise dans les meilleurs délais de toute modification apportée à cette liste.

[…]

[Convention collective conclue le 16 mai 2000 entre le Conseil du Trésor et l’AFPC pour le groupe Services des programmes et de l’administration]

[…]

**ARTICLE 9

RECONNAISSANCE SYNDICALE

9.01  L’Employeur reconnaît l’Alliance comme agent négociateur exclusif de tous les employé-e-s visés dans le certificat délivré par la Commission des relations de travail dans la fonction publique le 7 juin 1999, à l’égard des employé-e-s du groupe services des programmes et de l’administration.

[…]

ARTICLE 12

UTILISATION DES LOCAUX DE L’EMPLOYEUR

[…]

12.02    L’Employeur maintient aussi la pratique actuelle consistant à mettre à la disposition de l’Alliance, dans ses locaux et, lorsque c’est pratique, sur les navires, des endroits précis pour y placer des quantités raisonnables de documents de l’Alliance.

[…]

12.04     L’Alliance fournit à l’Employeur une liste des noms de ses représentants et l’avise dans les meilleurs délais de toute modification apportée à cette liste.

ARTICLE 13

REPRÉSENTANTS DES EMPLOYÉ-E-S

13.01     L’Employeur reconnaît à l’Alliance le droit de nommer ou de désigner des employé-e-s comme représentants.

13.02    L’Alliance et l’Employeur s’efforceront, au cours de consultations, de déterminer l’aire de compétence de chaque représentant en tenant compte de l’organigramme du service, du nombre et de la répartition des employé-e-s dans les lieux de travail et de la structure administrative qui découle implicitement de la procédure de règlement des griefs. Lorsque, au cours de consultations, les parties ne parviennent pas à s’entendre, les griefs sont réglés au moyen de la procédure de règlement des griefs et de l’arbitrage.

13.03   L’Alliance communique par écrit à l’Employeur le nom et l’aire de compétence de ses représentants désignés conformément au paragraphe 13.02.

13.04

a)
Le représentant obtient l’autorisation de son surveillant immédiat avant de quitter son poste de travail soit pour faire enquête au sujet des plaintes de caractère urgent déposées par les employé-e-s, soit pour rencontrer la direction locale afin de régler des griefs et d’assister à des réunions convoquées par la direction. Une telle autorisation ne doit pas être refusée sans motif raisonnable. Lorsque c’est possible, le représentant signale son retour à son surveillant avant de reprendre l’exercice de ses fonctions normales.
b)
Lorsque la direction demande la présence d’un    représentant de l’Alliance à une réunion, une telle demande est, si possible, communiquée au surveillant de l’employé-e.
c)
L’employé-e ne doit subir aucune perte de rémunération lorsqu’il ou elle obtient l’autorisation de quitter son poste de travail en vertu de l’alinéa a).

[…]

Les stipulations applicables de la convention collective conclue le 19 novembre 2001 entre le Conseil du Trésor et l’AFPC pour le groupe Services des programmes et de l’administration sont identiques à celles de la convention collective conclue le 16 mai 2000.

[19]   L’employeur a permis à M. Cloutier de transmettre le résultat des élections de la section locale en utilisant la messagerie électronique de l’employeur le 25 mars 1999 (pièce G-65). Le contenu du message autorisé est précisé dans le courriel en permettant la transmission. Le nom de Mme Rioux n’apparaît pas comme membre de l’exécutif de la section locale dans ce message.

[20]   Le SEIC a avisé l’employeur, le 19 novembre 1999, que la section locale était en tutelle et que Jacques Lambert, vice-président national du SEIC/Québec, était maintenant le nouveau représentant des membres (pièce G-133). M. Lambert a informé les membres de la section locale que celle-ci était en tutelle depuis le 3 novembre 1999, par résolution de l’exécutif national du SEIC (pièce G-134). Deux mandataires étaient désignés dans cet avis, soit M. Lambert et Jean Perron.

[21]   Selon les témoignages du plaignant et de Mme Rioux, l’employeur ne les reconnaissait plus en tant que représentants syndicaux à compter de la date de la tutelle, soit le 3 novembre 1999.

B. Les incidents menant à la plainte

1. Préposé au télé-centre

[22]   M. Cloutier a suivi une formation pour le poste de préposé au télé-centre, qui devait s’échelonner sur six semaines débutant le 17 février 1997. L’employeur a mis fin le 20 mars 1997 à l’affectation de M. Cloutier à cette formation, à la suite de prétendus écarts de conduite du plaignant (pièce G-23). M. Cloutier considère cette décision comme un abus de pouvoir à l’encontre d’un représentant syndical (pièce G-22). Un grief a été présenté contre cette décision (pièce G-25). Les représentations faites à l’employeur à cette occasion qualifient cette décision d’attaque contre M. Cloutier à titre individuel et à titre de  représentant syndical (pièce G-24). Le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure applicable aux griefs et il n’a pas été renvoyé à l’arbitrage (pièce G-26). Lors de son témoignage, M. Cloutier a précisé que cette décision de l’employeur est le point de départ des actions de ce dernier contre lui, à titre de représentant syndical, en violation de l’interdiction énoncée à l’alinéa 8(2)c) de l’ancienne Loi.

2. Embauche d’une employée retraitée et impact sur des concours de sélection

[23]   Une plainte a été déposée à la Commission de la fonction publique (CFP) par un groupe d’employés représentés par M. Cloutier, dénonçant l’embauche en juin 1997 d’une ex-fonctionnaire retraitée (pièce G-28). M. Cloutier allègue qu’il aurait fait l’objet de menaces et d’intimidation dans le cadre d’une rencontre syndicale informelle avec Graziella Mousseau (gestionnaire au CIC Montréal) à ce sujet (pièce G-27). La nomination de l’ex-fonctionnaire retraitée à un poste dans la fonction publique aurait été annulée à la suite du dépôt de la plainte.

[24]   M. Cloutier allègue que ce dossier aurait créé de la rancune chez Mme Mousseau. Celle-ci aurait demandé à la personne à l’origine de l’embauche de l’ex-fonctionnaire retraitée de formuler des commentaires négatifs et mensongers sur M. Cloutier au comité de sélection pour un poste de chef des archives (pièces G-30 et G-31). L’appel logé à l’encontre de cette mesure de dotation a été abandonné, M. Cloutier ne désirant plus le poste. Des remarques négatives du même genre auraient été formulées au comité de sélection lors du concours tenu en juin 1998 pour le poste de PM-01 au suivi des cas (pièce G-29). M. Cloutier a été sélectionné et a obtenu le poste convoité.

3. Rendement lié aux activités syndicales

[25]   Une rencontre patronale/syndicale a été tenue le 9 mars 1998 en présence de Monique Leclair, directrice régionale, un autre représentant de l’employeur, Andrée Pothier (vice-présidente nationale, SEIC), Mme Rioux et M. Cloutier. M. Cloutier aurait été menacé de voir sa nomination intérimaire prendre fin, car ses activités syndicales auraient un impact négatif sur son rendement (pièces G-33 et G-34). À la suite de cette rencontre, Mme Pothier a avisé M. Cloutier que cette menace pouvait faire l’objet d’une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi. M. Cloutier n’a pas déposé de plainte à ce moment, considérant l’événement comme un cas isolé.

[26]   M. Cloutier s’est classé au dernier rang de la liste d’éligibilité pour un poste de PM-02 a l’été 1998. Un appel logé par un employé qui ne s’était pas qualifié a été rejeté. M. Cloutier a obtenu le poste de PM-02 convoité. Les notes de Christiane Beaupré, membre du comité de sélection, précisent des problèmes reliés au rendement de M. Cloutier qui seraient causés par ses activités syndicales (pièce G-68). Selon M. Cloutier, ces commentaires, qui ont été portés à la connaissance de l’employé appelant, sont discriminatoires et non fondés et ont mis en jeu sa réputation de fonctionnaire et de représentant syndical. Il soumet qu’il s’agit d’un exemple de harcèlement organisationnel, où le ministère se sert des fonctionnaires pour effectuer du harcèlement.

[27]   L’examen du rendement de M. Cloutier effectué le 15 juillet 1998 par Diane Lecuyer (gestionnaire) fait référence à l’engagement syndical du plaignant (pièce G-29). Cette évaluation a été contestée par un grief alléguant que l’article M-16 de la convention cadre n’avait pas été respecté (pièce G-70). Mme Leclair donne droit au grief en précisant que les activités syndicales ne doivent pas être signalées lors de l’évaluation de rendement (pièce G-71). L’examen du rendement a été repris, en omettant la mention des activités syndicales, mais n’a pas été signé par M. Cloutier (pièce G-72).

[28]   Lors de l’audience, M. Cloutier a déposé ses rapports de « statistiques – suivi des cas », dans lesquels il a indiqué ses activités syndicales (pièce G-75). Ces statistiques sont interprétées dans un tableau (pièce G-73) qui démontre, selon lui, qu’il aurait rencontré le niveau de rendement que l’employeur lui avait fixé, proportionnellement au temps consacré aux activités syndicales et à l’exécution des tâches de son poste. Il dénonce, dans son témoignage, que son gestionnaire n’ait pas reconnu que ses activités syndicales diminuaient sa production, malgré qu’il ait présenté ses statistiques lors d’une rencontre avec Mme Lecuyer le 16 novembre 1998 en présence d’un représentant syndical (pièces G-77 et G-78).

[29]   Lors du concours pour un poste d’agent réviseur tenu à l’hiver 1999, M. Cloutier a été classé au dernier rang de la liste d’admissibilité (pièce G-86). Les notes du comité de sélection, dont il a obtenu copie, révèlent que ses activités syndicales ont été prises en compte d’une façon négative et qu’on lui reproche d’avoir un rendement insatisfaisant (pièces G-80 à G-86). M. Cloutier a abandonné l’appel qu’il avait logé relativement à ce concours.

4. Mesures correctives (reclassification)

[30]   M. Cloutier a été invité par Mme Pothier à assister à des rencontres d’information organisées en octobre 1998 par Monique Leclair pour informer les employés des résultats d’une reclassification à la suite d’une plainte qui avait été déposée auprès de la CFP. Lors de la rencontre tenue le 26 octobre 1998, Mme Leclair a avisé M. Cloutier de transmettre ses questions par l’entremise de Mme Pothier. Selon le témoignage de M. Cloutier, Mme Leclair aurait alors précisé qu’il n’avait pas droit de parole. M. Cloutier a été humilié de se faire traiter de cette façon devant les membres de la section locale et a exigé des explications (pièce G-48).

5. Accord de principe

[31]   En novembre 1998, un accord de principe est intervenu concernant les négociations sectorielles. M. Cloutier s’est vu refuser la permission de distribuer les documents d’information aux membres de la section locale (pièce G-107). Il a dénoncé par télécopieur à Gray Gillespie, directeur de la représentation et consultation, Division des relations de travail, Secrétariat du Conseil du Trésor, que sa recommandation d’accorder à l’AFPC la permission de tenir des rencontres d’information et le vote de ratification pendant les heures de travail et dans les lieux de travail n’a pas été suivie (pièces G-109 et G-110). À la suite de cet envoi, l’employeur a accordé le temps nécessaire.

[32]   M. Cloutier et Mme Rioux se sont absentés de leurs postes de travail pour une certaine période de temps le 9 décembre 1998 afin de communiquer par téléphone avec l’AFPC à partir du bureau alloué à la section locale par l’employeur. Ils n’ont pas demandé d’autorisation pour s’absenter de leurs postes de travail et ont reçu une mesure disciplinaire (réprimande écrite) ainsi qu’une coupure de salaire pour les deux heures non travaillées (pièces P-6 et G-111). La mesure disciplinaire a fait l’objet de griefs présentés le 15 janvier 1999 (pièces G-112 et G-113). Les griefs allèguent que ces mesures disciplinaires concernent les activités syndicales et constituent des mesures d’intimidation envers des représentants syndicaux.

[33]   Les griefs ont été rejetés à chacun des paliers de la procédure applicable aux griefs (pièces G-114, G-115 et G-116). La chronologie des événements préparée par André Cardinal a été déposée (pièce G-117). La durée de deux heures retenue par l’employeur est contestée par le plaignant sur la base de la chronologie de M. Cardinal, bien que la coupure de salaire n’ait pas fait l’objet de grief. M. Cloutier croit qu’il est retourné à son poste de travail après sa rencontre avec son superviseur à la suite de l’appel téléphonique logé à l’AFPC le 9 décembre 1998. M. Cloutier et Mme  Rioux expliquent qu’il n’est pas nécessaire de demander de permission avant de s’absenter pour prendre une pause (pièce G-118). Ils ont repris cette explication dans leurs témoignages. Ils allèguent que les enquêtes de l’employeur sur leurs demandes de congé pour affaires de l’AFPC sont de l’ingérence dans les affaires syndicales.

[34]   Mme Rioux témoigne qu’elle aurait discuté de cet incident avec Mme Pothier et que cette dernière lui aurait mentionné qu’une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi pouvait être déposée dans ces circonstances. Le plaignant et Mmes Rioux et Pothier ont rencontré Pierrette Vaillant-Pierre, qui est une représentante du SEIC, pour rédiger une plainte. Malgré cette démarche, la plainte n’a pas été rédigée, Mme  Vaillant-Pierre disant ne pas connaître l’article 8 de l’ancienne Loi. Lors du contre-interrogatoire, Mme Rioux explique qu’elle a compris que Mme Pothier a rendu un bon service à Mme Leclair en décidant de l’influencer à ne pas rédiger de plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi.

6. Pressions/intimidations envers le représentant syndical

[35]   À la suite d’une rencontre tenue le 13 novembre 1998 entre un responsable de la classification et des employées, Claude Bourget (gestionnaire) aurait tenu des propos désobligeants envers M. Cloutier. Ce dernier soutient que de se faire dire « les baguettes en l’air » a eu pour conséquence de le ridiculiser comme représentant syndical et sur la base de son orientation sexuelle. À la suite des explications fournies par M. Bourget, M. Cloutier indique qu’il aimerait clore ce dossier (pièce G-67).

7. Attribution d’une station de travail

[36]   Mme Rioux a présenté un grief au nom de M. Cloutier, le 26 novembre 1998, alléguant une violation de l’article M-16 de la convention cadre (pièce G-38) lors de l’attribution provisoire d’une station de travail. M. Cloutier soumet que cet espace de travail ne lui permettait pas d’y placer le classeur de la section locale; que cet espace était encombré des effets personnels d’une fonctionnaire occupant une autre fonction temporairement et qu’il ne permettait pas des entretiens ou des conversations téléphoniques confidentielles relativement à des problèmes relevant de la section locale. Lors de son témoignage, il déclare que les membres de la section locale voyaient bien que l’employeur lui avait attribué cet espace de travail de façon à lui rendre plus difficile l’exercice de ses nouvelles responsabilités de président par intérim de la section locale. La section locale bénéficiait d’un bureau fermé qui était mis à sa disposition exclusive par l’employeur. Ce bureau, situé dans les lieux de travail, était équipé d’un téléphone et de mobilier, y compris un classeur pouvant servir au classement de dossiers. L’article de la convention cadre conclue le 17 mai 1998 entre le Conseil du Trésor et l’AFPC est formulé comme suit :

ARTICLE M-16

ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION

M-16.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire d’exercée ou d’appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale et physique ou son adhésion au syndicat ou son activité dans celui-ci.

[…]

[37]   Selon M. Cloutier, il ne pouvait pas bien exécuter ses fonctions syndicales puisque l’employeur exigeait de lui qu’il demande et obtienne la permission de s’absenter de son poste de travail chaque fois qu’il devait vérifier des informations qui se trouvaient dans le classeur de la section locale. L’article de la convention collective pertinente à ce sujet se lit comme suit :

[Convention cadre conclue le 17 mai 1989 entre le Conseil du Trésor et l’AFPC]

[…]

ARTICLE M-9

UTILISATION DES LOCAUX DE L’EMPLOYEUR

[…]

M-9.02  L’employeur maintient aussi la pratique actuelle consistant à mettre à la disposition de l’Alliance, dans ses locaux et, lorsque c’est pratique, sur les navires, des endroits précis pour y placer des quantités raisonnables de documents du syndicat.

[…]

[38]   Bien qu’un nouveau poste de travail lui ait été attribué le 8 janvier 1999 (pièce G-42), et que M. Cloutier s’en déclare satisfait, les audiences ont quand même lieu aux divers paliers de griefs. Un nouveau grief a été présenté le 15 janvier 1999, alléguant que l’employeur n’a pas respecté la confidentialité de son grief précédent (pièce G-43). Les réponses données aux divers paliers de la procédure applicable aux griefs rejettent les deux griefs (pièces G-35, G-44 et G-45). Il y est noté que, dans ses représentations sur ses griefs, M. Cloutier a soulevé que le temps de préparation que l’employeur lui avait alloué était insuffisant (pièces G-46 et G-47). Ces deux griefs n’ont pas été renvoyés à l’arbitrage.

8. Congés pour représentations

[39]   Un problème d’application de la convention collective a été soulevé à l’occasion de plusieurs incidents pouvant faire l’objet de griefs en 1998 et 1999. Les membres de la section locale et leurs représentants désiraient obtenir des congés payés pour évaluer la possibilité de présenter certains griefs et pour préparer des représentations relatives à d’autres griefs déjà présentés. L’employeur refusait de tels congés pour évaluer et rédiger des griefs, mais en accordait pour préparer des représentations sur des griefs en instance.

[40]   Des courriels datant des mois de novembre et décembre 1998 font référence à des demandes de M. Cloutier pour s’absenter de son poste de travail pour assister à des rencontres diverses (suivi des cas; exercice de re-classification; audience au premier palier de son grief; rapport d’évaluation (pièces G-122 et G-123)). L’employeur précise à M. Cloutier, dans un courriel daté du 9 décembre 1998, que le nombre élevé et la variété de ses demandes de congé permettent difficilement d’assurer un suivi. M. Cloutier est avisé que les congés payés pour les affaires de l’AFPC en vertu de la clause M-14.09 de la convention cadre sont accordés seulement sur présentation préalable du formulaire de demande de congé. La procédure appliquée par l’employeur pour les demandes de congé pour les affaires de l’AFPC est complexe et, selon M. Cloutier, rend difficile l’exécution des fonctions syndicales. M. Cloutier a soumis le relevé des rapports de congés pour les affaires de l’AFPC accordés à M. Thibault (représentant syndical pour les années 1995 et 1996) en alléguant que M. Thibault aurait bénéficié d’un traitement plus favorable (pièce G-16).

[41]   Une correspondance abondante démontre que l’employeur a maintenu son interprétation des clauses 14.01, 14.07 et M.14.09 des conventions collectives relativement aux congés payés accordés aux représentants syndicaux et aux fonctionnaires pour rédiger des griefs ou pour préparer et effectuer des représentations relativement à des griefs ou à des plaintes.

[42]   Les articles des conventions collectives se rapportant aux congés pour affaires de l’AFPC se lisent comme suit :

[Convention cadre conclue le 17 mai 1989 entre le Conseil du Trésor et l’AFPC]

[...]

ARTICLE M-14

CONGÉ PAYÉ OU NON PAYÉ
POUR LES AFFAIRES DE L’ALLIANCE

Plaintes déposées devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique en application de l’article 20 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

M-14.01   Lorsque les nécessités du service le permettent, l’employeur accorde un congé payé :

a) à l’employé-e qui dépose une plainte   en son propre nom devant la Commission des relations de travail dans la Fonction publique,
               et
b) à l’employé-e qui intervient au nom d’un employé-e ou de l’Alliance qui dépose une plainte.

[…]

Arbitrage des griefs

M-14.06   Lorsque les nécessités du service le permettent, l’employeur accorde un congé payé à l’employé-e qui est :

a) partie à l’arbitrage,
b) le représentant d’un employé-e qui s’est constitué partie,
               et
c)un témoin convoqué par un employé-e qui s’est constitué partie.

Réunions se tenant au cours de la procédure de règlements des griefs

M-14.07   Lorsque les nécessités du service le permettent, l’employeur accorde à l’employé-e :

a)lorsque l’employeur convoque à une réunion l’employé-e qui a présenté un grief, un congé payé si la réunion se tient dans la zone d’affectation de l’employé-e, et le statut de « présent au travail » si la réunion se tient à l’extérieur de sa zone d’affectation,
               et
b)lorsque l’employé-e qui a présenté un grief cherche à obtenir un rendez-vous avec l’employeur, un congé payé si la réunion se tient dans la zone d’affectation de l’employé-e et un congé non payé si la réunion se tient à l’extérieur de sa zone d’affectation.

M-14.08   Lorsque l’employé-e désire représenter, lors d’une réunion avec l’employeur, un employé-e qui a présenté un grief, l’employeur fixe la date et l’heure de la réunion en tenant compte des nécessités du service et accorde un congé payé au représentant si la réunion se tient dans sa zone d’affectation et un congé non payé si la réunion se tient à l’extérieur de sa zone d’affectation.

M-14.09   Lorsqu’un employé-e a demandé à l’Alliance de le représenter ou qu’il est obligé de l’être pour présenter un grief et qu’un employé-e mandaté par l’Alliance désire discuter du grief avec cet employé-e, l’employé-e et son représentant bénéficient, lorsque les nécessités du service le permettent, d’une période raisonnable de congé payé à cette fin si la discussion a lieu dans sa zone d’affectation et d’une période raisonnable de congé non payé si elle se tient à l’extérieur de sa zone d’affectation.

[…]

Réunions entre l’Alliance et la direction non prévues dans le présent article

M-14.12   Lorsque les nécessités du service le permettent, l’employeur accorde un congé payé à un nombre raisonnable d’employé-e-s qui participent à une réunion avec la direction au nom de l’Alliance.

[…]

[Convention collective conclue le 16 mai 2000 entre le Conseil du Trésor et l’AFPC pour le groupe Services des programmes et de l’administration]

[…]

ARTICLE 14

CONGÉ PAYÉ OU NON PAYÉ POUR
LES AFFAIRES DE L’ALLIANCE

Plaintes déposées devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique en application de l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

14.01   Lorsque les nécessités du service le permettent, l’Employeur accorde un congé payé :

a) à l’employé-e qui dépose une plainte en son propre nom devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique.
               et
b) à l’employé-e qui intervient au nom d’un employé-e ou de l’Alliance qui dépose une plainte.

[…]

Arbitrage des griefs

14.06   Lorsque les nécessités du service le permettent, l’Employeur accorde un congé payé à l’employé-e qui est :

a)partie à l’arbitrage,
b)le représentant d’un employé-e qui s’est constitué partie à l’arbitrage,
 et
c) un témoin convoqué par un employé-e qui s’est constitué partie à l’arbitrage.

Réunions se tenant au cours de la procédure de règlement des griefs

14.07   Lorsqu’un représentant d’employé-e désire discuter d’un grief avec un employé-e qui a demandé à l’Alliance de le ou la représenter ou qui est obligé de l’être pour présenter un grief, l’Employeur leur accordera, lorsque les nécessités du service le permettent, une période raisonnable de congé payé à cette fin si la discussion a lieu dans leur zone d’affectation et une période raisonnable de congé non payé si elle se tient à l’extérieur de leur zone d’affectation.

14.08   Sous réserve des nécessités du service,

a)
lorsque l’Employeur convoque à une réunion un employé-e qui a présenté un grief, il ou elle bénéficie d’un congé payé si la réunion se tient dans sa zone d’affectation, et du statut de « présent au travail » si la réunion se tient à l’extérieur de sa zone d’affectation;
b)
lorsque l’employé-e qui a présenté un grief cherche à obtenir un rendez-vous avec l’Employeur, il ou elle bénéficie d’un congé payé si la réunion se tient dans sa zone d’affectation et d’un congé non payé si la réunion se tient à l’extérieur de sa zone d’affectation;
c)
lorsqu’un représentant d’employé-e assiste à une réunion dont il est question dans le présent paragraphe, il ou elle bénéficie d’un congé payé si la réunion se tient dans sa zone d’affectation et d’un congé non payé si la réunion se tient à l’extérieur de sa zone d’affectation.

[…]

Réunions entre l’Alliance et la direction non prévues dans le présent article

14.11  Lorsque les nécessités du service le permettent, l’Employeur accorde un congé payé à un nombre raisonnable d’employé-e-s qui participent à une réunion avec la direction au nom de l’Alliance.

[…]

Les stipulations applicables de la convention collective conclue le 19 novembre 2001 entre le Conseil du Trésor et l’AFPC pour le groupe Services des programmes et de l’administration sont identiques à celles de la convention collective conclue le 16 mai 2000.

[43]   Les pièces suivantes ont été déposées relativement à de telles demandes de congés :

  • 27 novembre 1998 (pièce G-51) : demande de temps refusée à Anne Cadet pour rencontrer M. Cloutier. Le refus provient de Carole Lamarre. La clause M.14.09 est invoquée à l’appui de la demande.
  • 27 novembre 1998 (pièce G-52) : demande de temps refusée à Cathy Chilakos pour rencontrer M. Cloutier. Le refus provient de Claude Bourget.
  • 4 décembre 1998 (pièce G-53) : demande de temps refusée à M. Cloutier pour rencontrer sa représentante syndicale. Le refus provient d’André Cardinal (superviseur).
  • 12 janvier 1999 (pièce G-50) : demande de temps refusée à Mme Rioux pour rencontrer son représentant syndical. Le refus provient de Diane Lecuyer.
  • D’autres demandes refusées pour préparer de nouveaux griefs (pièces G-90, G-91 et G-92).
  • 27 janvier 1999 (pièces G-54, G-55 et G-56), le temps accordé par Claude Bourget pour préparer l’audience d’un grief est considéré insuffisant par M. Cloutier. La période de temps accordée a été maintenue par Carole Lamarre.
  • D’autres demandes pour préparer des audiences de griefs (pièces G-1, G-7, G-8, G-9, G-88, G-89, G-96 et G-98).
  • Demandes reliées à du temps pour d’autres activités syndicales :
-grief de classification (pièce G-49)
-plainte à la Commission (pièce G-89)
-représentation d’une contractante (pièce G-6)
-participation à un sondage commandé par l’AFPC (pièce G-10)
  • 9 février 1999 (pièce G-57) : M. Cloutier avait demandé du temps pour plusieurs activités. Carole Lamarre désire savoir sur quelle base de la convention collective est fondée chacune des demandes et le temps approximatif nécessaire. Aucun suivi par M. Cloutier.
  • 18 août 1999 (pièce G-95) : l’employeur maintient sa position qu’un congé payé pour discuter d’un grief n’est accordé que lorsque le grief a été logé, malgré une décision rendue par l’arbitre Wexler en 1986.
  • 25 octobre 1999 (pièce G-97) : le temps de congé demandé par M. Cloutier pour préparer des représentations au troisième palier de la procédure applicable aux griefs a été accordé après l’expiration du délai pour les déposer. Les représentations n’ont donc pas été déposées.
  • 3 et 4 novembre 1999 (pièce G-99) : procédure pour les demandes de congé pour affaires de l’AFPC et pour assister aux audiences des griefs.
  • 6 et 7 décembre 1999 (pièce G-93) : demande accordée pour préparer l’audience de griefs, mais l’employeur compliquerait la procédure en exigeant la signature d’un représentant syndical.
  • 15 au 17 décembre 1999 (pièce G-95) : demande refusée pour permettre la représentation d’une contractante. Cette personne peut être représentée par une personne de son choix, qui peut bénéficier d’un congé non payé.

[44]   Certains de ces griefs étaient au troisième palier de la procédure applicable aux griefs depuis le mois de novembre 1998 lorsqu’une demande de prorogation de délai pour les représentations, présentée le 26 octobre 1999 par M. Cloutier, a été refusée (pièce G-101). Les représentations écrites n’ont pas pu être soumises dans les délais au dernier palier de la procédure de règlement des griefs sur l’ensemble des griefs relatifs à la clause 14.07 (sur les congés pour préparer et/ou présenter les griefs). M. Cloutier a précisé qu’il n’avait pas pu profiter de congés payés pour préparer ces représentations.

[45]   En décembre 1998, des demandes de congés pour affaires de l’AFPC pour des questions reliées aux affaires internes de la section locale ont été refusées pour les 3 et 4 décembre 1998. D’autres congés demandés sur la même base ont été accordés pour les 2 et 3 décembre 1998 (pièce G-108). M. Cloutier a témoigné que l’employeur continue de lui compliquer la tâche dans l’exercice de ses droits en voulant semer la confusion entre ses différentes demandes de congés (pièce G-102; les 25 et 26 octobre 1999). Lors des représentations effectuées le 28 janvier 2000 devant Carole Lamarre, directrice du Service extérieur, les représentants (MM. Robert P. Morissette, représentant régional de l’AFPC, et Cloutier) soulèvent que l’article M-14 de la convention cadre est un outil essentiel pour permettre à la section locale d’être à l’écoute de ses membres et de bien les représenter (pièce G-106). Dans un courriel daté du 23 février 2000, on lui refuse un congé pour préparer un grief (pièce G-104). Le l er juin 2000, l’employeur lui accorde une heure et demie pour rencontrer son représentant syndical en vue de présenter un grief (pièce G-103).

9. Gestion des courriers électroniques

[46]   L’administrateur du réseau électronique au CIC Montréal a demandé à M. Cloutier d’effectuer un ménage dans ses courriers électroniques. Le 3 septembre 1999, 2 913 messages étaient cumulés dans la boîte à lettres   électronique de M. Cloutier, excédant la limite de 1 000 messages (pièce G-121). M. Cloutier a demandé du temps pour faire cette tâche. Sa surveillante a refusé, considérant que la gestion de son courrier électronique était incluse dans ses fonctions. Elle lui a suggéré de prendre une journée ou deux pour effectuer ce ménage, tout en l’avisant de maintenir sa productivité. Le 13 octobre 1999, un message automatique en provenance du serveur avise M. Cloutier que le nombre limite de messages est dépassé et que certains ont été retournés à leur expéditeur avec une mention à l’effet qu’ils n’avaient pu être livrés. M. Cloutier a soumis, le 15 octobre 1999, que son implication syndicale amène beaucoup de courriers électroniques et qu’il a peu de temps libre à cause de ses activités syndicales. L’accès au courrier électronique est toujours impossible le 3 novembre 1999. Selon le témoignage de M. Cloutier, les refus successifs de l’employeur de lui accorder du temps pour gérer ses courriels et le fait qu’il n’a plus accès à sa messagerie électronique constituent du harcèlement envers un représentant syndical et envers un fonctionnaire qui exerce cette activité syndicale.

10. Pétition pour retrait du SEIC

[47]   Les membres du conseil d’administration de la section locale qui ne désiraient plus être représentés par le SEIC ont fait circuler une pétition à l’automne 1999. M. Cloutier a demandé la permission de diffuser un message électronique et de l’afficher le 15 septembre 1999, dans les termes suivants (pièce G-125) :

Bien que je crois que votre politique d’autorisation de diffusion des messages constitue de l’ingérence dans les affaires syndicales, il semble que nous n’ayons d’autre choix que de vous demander l’autorisation de diffuser le présent message sur le courrier électronique ainsi que de l’afficher sur le tableau syndical.

Veuillez me répondre dans les meilleurs délais s’il vous plaît.

Message :

IMPORTANT

Suite au mandat que plusieurs d’entre vous ont confié à l’exécutif local, une pétition circule actuellement demandant de quitter le SEIC.

[…]

[Les passages en caractères gras le sont dans l’original]

[48]   L’autorisation demandée a été refusée par Mme Beaupré le 17 septembre 1999, qui s’exprime comme suit (pièce G-125) :

[…]

En réponse à ton message, ci-bas, je désire t’informer que je ne peux accéder à ta demande. Notre décision est basée sur la clause 12.01 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada qui stipule que les tableaux d’affichage servent pour y apposer des avis officiels de l’Alliance. Le message que vous désirez véhiculer aux employés n’en est pas un.

J’aimerais que tu prennes note que notre politique d’autorisation de diffusion des messages est fondée sur ce même article de la convention collective et donc, ne constitue en aucune manière de l’ingérence dans les affaires syndicales.

De plus, j’aimerais te rappeler que selon l’article 10(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique « sans le consentement de l’employeur … un représentant d’une organisation syndicale ne peut, dans les locaux de l’employeur et pendant les heures de travail d’un fonctionnaire, tenter d’amener celui-ci à adhérer, ou à s’abstenir, continuer ou cesser d’adhérer, à une organisation syndicale. »

Tu peux me téléphoner pour des informations supplémentaires.

[…]

[49]   Le 20 septembre 1999, M. Cloutier fait parvenir à Marc Yelle (un employé du CIC de Hull) une copie de la pétition en blanc en utilisant le télécopieur de l’employeur (pièce G-127).

[50]   Le 21 septembre 1999, M. Cloutier fait parvenir à M. Yelle une copie des courriels des 15 et 17 septembre 1999, en lui précisant ce qui suit (pièce G-125) :

Bonjour Marc,

Je comprends que les gens veulent en savoir davantage. Tu vas constater avec le message ci-joint la difficulté que nous avons à informer les gens des bureaux.

Je te suggère de communiquer avec […] , elle est représentante syndicale à Toronto et coordonne la démarche. Tu peux la joindre au no […].

Désolé de n’avoir pu vous aider davantage. Compte tenu des messages ci-joints, je te suggère d’être plutot [ sic ] discret vis à vis [ sic ] la démarche sur les lieux de travail. Hélas, il semble que nos droits s’arrêtent là.

À bientôt

[51]   Les membres du conseil d’administration de la section locale ont fait signer la pétition sur l’heure du midi et à l’extérieur des lieux de travail le 23 septembre 1999. À cette occasion, Carole Lamarre a demandé à M. Cloutier pourquoi il n’était pas à son poste de travail alors qu’il était en pause repas. Mme Lamarre a expliqué qu’elle avait réalisé après coup qu’il n’était pas encore 13 h. M. Cloutier y voit du harcèlement envers un représentant syndical, alors que Mme Lamarre n’aurait pas fait cette remarque aux autres employés présents. Dans un courriel qu’il envoyait le 24 septembre 1999 à Mme Lamarre, M. Cloutier souligne ce qui suit (pièce G-120) :

[…]

Suite au refus de tenir une activité syndicale à l’intérieur des bureaux, nous avons décidé de la tenir à l’extérieur du lieu de travail et en dehors des heures de travail dans le but de nous conformer à l’ordre du ministère. Mais vous êtes venus [ sic ] me relancer personnellement sur la rue. Pourquoi avez-vous passé cette remarque au président de la section locale alors que plusieurs personnes sous votre charge étaient présents [ sic ] , non seulement des membres de l’exécutif syndical mais des employés également.

Selon la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, aucune distinction ne doit être faite à l’égard des représentants syndicaux. C’est ce que vous avez enfreint et vous ne semblez pas comprendre le sérieux de la situation. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois puisque dans le cadre d’un concours, vous avez commenté mon comportement au travail en référant à mon rôle syndical. De plus, vous commettez de l’ingérence dans les affaires syndicales en demandant à vos employés des explications sur l’activité tenue à l’extérieur du lieu de travail et en dehors des heures de travail.

Il s’agit donc non seulement de harcèlement mais d’une infraction à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et j’aimerais vous entendre le dessus, à savoir ce que vous entendez faire pour corriger cet écart de conduite.

[…]

[52]   Mme Beaupré a convoqué M. Cloutier à une rencontre pour s’informer des circonstances entourant la diffusion de la pétition en violation des directives reçues. Après un échange de courriels, une rencontre a été tenue vers 13 h 30 le 15 octobre 1999 avec M. Cloutier, qui était accompagné d’une représentante syndicale (pièce G-124). M. Cloutier a refusé de répondre aux questions de Mme  Beaupré et a demandé de les recevoir par écrit (pièce G-128). Mme Beaupré a fait parvenir ses questions par courriel dans les termes suivants (pièce G-124) :

[…]

1-
à quel bureau as-tu fait parvenir un FAX concernant la pétition en utilisant l’équipement de l’employeur ? et à quelle personne ?
2-
as-tu utilisé d’autres moyens de communication de l’employeur pour communiquer avec des employés concernant ce même sujet ?
3-
s’il y a lieu, quelles ont été les instructions données à ces personnes concernant le matériel ?
4-
à qui as-tu fait parvenir un courrier électronique qui contenait mon message du 17 septembre et bien entendu le tien qui n’avait pas été autorisé pour diffusion, étant en contravention de la convention collective et de la Loi sur les Relations de travail [ sic ] comment expliquer ces actions qui sont toutes contraires aux instructions que tu avais reçues ?

[…]

[53]   M. Cloutier répond comme suit à Mme Beaupré, le 18 octobre 1999, après avoir consulté une représentante de l’AFPC (pièce G-124) :

Voici les réponses aux questions que vous m’avez adressées le 15 octobre dernier.

1-
Votre question, telle quelle, constitue de l’ingérence dans les affaires syndicales et d’y répondre me rendrait complice de votre infraction.
2-
À quels autres moyens de communication faites-vous ici référence ?
3-
Votre question, telle quelle, constitue de l’ingérence dans les affaires syndicales et d’y répondre me rendrait complice de votre infraction.
4-
Votre question, telle quelle, constitue de l’ingérence dans les affaires syndicales et d’y répondre me rendrait complice de votre infraction.

Vos questions constituent de l’ingérence dans les affaires syndicales car l’organisation syndicale auquelle [ sic ] fait référence la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est dans ce cas-ci l’Alliance de la fonction publique du Canada.

Nos membres sont d’abord membres de l’Alliance de la fonction publique car les Statuts de cette organisation prévalent sur tout autre Statut et règlement de ses différentes composantes.

Les directives que vous nous avez données ainsi que les questions auxquelles vous avez tenté de me forcer de répondre le 15 octobre dernier constituent de l’ingérence dans les affaires de l’Alliance de la fonction publique. Je me demandais par ailleurs si vous vous étiez assurée que vos directives étaient appliquées dans toutes les régions du Canada.

Je vous informe également que j’ai fait parvenir à la Directrice générale CIC région du Québec, une plainte formelle. À cet égard, mais également et entre autres sur la façon dont vous avez traité ce dossier depuis le début ; notamment le ton et la teneur de vos propos et les circonstances entourant votre convocation du 15 octobre dernier.

[…]

[54]   La plainte envoyée à la directrice générale (CIC région du Québec) dénonçait le harcèlement et l’ingérence dans les affaires syndicales dont aurait fait preuve Mme  Beaupré lors de cet incident. Cette plainte a été référée à un directeur régional adjoint pour être entendue. Une audience au deuxième palier a été tenue le 7 mars 2000, et sera traitée plus loin dans la présente décision. Ce recours a été suspendu par M. Cloutier parce qu’il avait de nombreux dossiers en cours et qu’il arrivait difficilement à les gérer.

[55]   Une mesure disciplinaire a été remise à M. Cloutier lors d’une rencontre tenue le 5 novembre 1999, en présence d’un représentant des relations de travail et de Mme  Rioux, qui agissait comme représentante de M. Cloutier. Une suspension de trois jours a été imposée à M. Cloutier pour insubordination pour avoir utilisé l’équipement du ministère sans autorisation (télécopieur et courriel) et à l’encontre des directives reçues le 17 septembre 1999 (pièce G-126). L’employeur conclut la rencontre par la directive suivante (pièce G-126) :

[...]

À l’avenir vous devez toujours demander et obtenir l’autorisation de Mme Christiane Beaupré pour l’utilisation de l’équipement du gouvernement pour fin de distribution adressée aux employés de CIC, Région du Québec, selon la politique sur l’utilisation du courrier électronique ainsi que le code de conduite du ministère (copies jointes). Toute autre infraction ou écart de conduite pourrait mener à d’autres mesures disciplinaires plus sévères et menant jusqu’au congédiement.

[...]

[56]   M. Cloutier a précisé dans son témoignage que, en même temps qu’il lui remettait la mesure disciplinaire, l’employeur lui a ordonné de quitter les lieux avant 17 h. Il a été accompagné à son poste de travail par la gestionnaire et l’agent des relations de travail, ainsi que sa représentante, Mme Rioux. Mme Rioux a alors précisé à l’employeur que cette situation serait portée à l’attention de la Commission. M. Cloutier a affiché une copie de la mesure disciplinaire à l’extérieur de la partition de son poste de travail (pièce G-130). Cette mesure disciplinaire a été contestée par grief (pièce G-138).

[57]   M. Cloutier a reçu une copie de la politique sur l’utilisation du courrier électronique et du code de conduite du ministère avec la mesure disciplinaire du 5 novembre 1999. M. Cloutier s’est aussi vu remettre une note de service datée du 12 décembre 1996 portant sur l’utilisation du courrier électronique précisant ce qui suit (pièce G-148) :

[…]

La politique sur l’utilisation du courrier électronique prévoit que les fonctions de diffusion générale des messages au Canada et à l’étranger ne doivent être utilisées qu’avec l’autorisation de la direction. En outre, selon cette politique, les messages électroniques doivent être gérés et considérés comme des messages sur papier. L’envoi de messages contenant un langage déplacé ou des commentaires inopportuns ainsi que la réplique à ceux-ci pourraient constituer une forme de harcèlement et ne sera pas toléré.

Par conséquent, tous employés qui doivent transmettre un message électronique à des employés à l’extérieur de leur groupe ou de leur Région doivent préalablement obtenir l’autorisation du gestionnaire concerné. Ils doivent en outre veiller à ce que le contenu de ce message soit pertinent et à ce que le message en question soit effectivement transmis aux bons destinataires. […]

[…]

[ Sic pour l’ensemble de la citation]

[58]   La suspension de M. Cloutier a été en vigueur du 8 au 10 novembre 1999. Pendant cette suspension, un message autorisé par l’employeur, en provenance de Jacques Lambert, vice-président national du SEIC, avise les membres de la section locale qu’un scrutin pour l’élection d’un troisième vice-président national du SEIC et pour le choix des délégués au congrès de l’AFPC se tiendra sur les lieux de travail de 11 h 45 à 13 h 30 (pièce G-143).

11. Congés de maladie refusés

[59]   M. Cloutier considère que l’employeur a exercé des pressions sur lui en refusant de lui accorder un congé de maladie d’une heure pour couvrir son retard du 26 octobre 1999 (pièce G-141). Une demande de congé de maladie pour le 23 novembre 1999 (de 16 h 30 à 18 h 30) a été refusée (pièce G-140). M. Cloutier a travaillé ces deux heures à la suite du refus.

12. Mise en tutelle de la section locale

[60]   L’employeur a été avisé le 18 novembre 1999 que Robert P. Morissette, représentant régional de l’AFPC, représenterait M. Cloutier dans ses griefs et plaintes (pièce G-132). L’employeur a été avisé, le 19 novembre 1999, que la section locale avait été mise en tutelle par le SEIC et que le représentant de la section locale était M. Lambert (pièce G-133). Les membres de la section locale ont été informés de cette tutelle par une lettre de M. Lambert datée du 25 novembre 1999 (pièce G-134).

[61]   M. Cloutier a demandé à Mme Beaupré l’autorisation d’afficher les deux lettres traitant de la tutelle sur le tableau syndical (pièce G-136). Cette autorisation a été refusée et un grief a été présenté sur la base de l’article 12 de la convention collective (pièce G-131). Les articles de la convention collective pertinents à l’affichage se lisent comme suit :

[Convention cadre conclue la 17 mai 1989 entre le Conseil du Trésor et l’AFPC]

[…]

ARTICLE M-9

UTILISATION DES LOCAUX DE L’EMPLOYEUR

**

M-9.01   Un espace raisonnable sur les tableaux d’affichage, dans des endroits accessibles, est mis à la disposition de l’Alliance pour y apposer des avis officiels de l’Alliance. L’Alliance s’efforcera d’éviter de présenter des demandes d’affichage d’avis que l’employeur pourrait raisonnablement considérer comme préjudiciables à ses intérêts ou à ceux de ses représentants. L’employeur doit donner son approbation avant l’affichage d’avis ou d’autres communications, à l’exception des avis concernant les affaires syndicales de l’Alliance y compris des listes des représentants de l’Alliance et des annonces d’activités sociales et récréatives. Cette approbation ne doit pas être refusée sans motif valable.

[…]

[62]   L’employeur a rejeté le grief au premier palier de la procédure applicable aux griefs, précisant, entre autres, que la demande d’affichage doit être faite par l’AFPC, pour laquelle M. Cloutier n’est pas un représentant autorisé (pièce G-137).

13. Participation à une audience de grief - 7 mars 2000

[63]   Un grief de harcèlement à été présenté contre Mme Beaupré à la suite des incidents entourant les diffusions du 20 septembre 1999 (relativement à la pétition pour le retrait du SEIC) et a fait l’objet d’une audience devant Mme Leclair au deuxième palier de la procédure applicable aux griefs. M. Cloutier était représenté par M. Morissette pour l’audience qui était fixée le 7 mars 2000, à 14 h. M. Morissette a demandé de libérer Mme Rioux comme conseillère technique à la suite de la demande de M. Cloutier (pièce G-144).

[64]   La superviseure de Mme Rioux a demandé à cette dernière de remplir une demande de congé avant la rencontre du 7 mars 2000. L’employeur avait alors précisé à Mme Rioux que le congé ne serait pas payé. Cette question a été soumise à M. Morissette, qui l’a soulevée auprès de Mme Leclair lors de l’audience. Selon le témoignage de Mme Rioux, elle avait convenu avec le plaignant et M. Morissette, avant l’audience devant Mme Leclair, qu’advenant un refus de lui accorder un congé payé, ils quitteraient les lieux. À l’audience, Mme Leclair a précisé que l’employeur n’assumerait pas les frais de la présence de Mme Rioux. À la suite d’un débat sur cette question, M. Morissette, le plaignant et Mme Rioux ont mis fin à l’audience sans faire de représentations relativement au grief de harcèlement. En conséquence, le grief a été rejeté au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs le 16 mars 2000 (pièce G-152).

[65]   M. Morissette, le plaignant et Mme Rioux se sont rencontrés après avoir mis fin à l’audience au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs pour évaluer la situation. La possibilité de déposer une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi a été évoquée. M. Morissette a recommandé à Mme Rioux de ne pas signer de demande de congé et d’aviser sa superviseure qu’elle contesterait par grief toute coupure de salaire. De retour à son poste de travail, Mme Rioux a avisé Mme Tester, sa superviseure, de ces décisions.

[66]   Mme Rioux a été approchée le 10 avril 2000 par Lise Gignac, directrice de l’investigation et des renvois, qui l’a informée qu’une mesure disciplinaire lui serait remise pour son absence de son poste de travail le 7 mars 2000. Elle a été convoquée par courrier électronique le même jour. On lui précise donc dans ce message qu’elle peut être accompagnée d’un représentant syndical. Mme Rioux y répond le 12 avril 2000, précisant qu’elle préfère recevoir la mesure disciplinaire par courrier interne étant donné que M. Cloutier subirait une perte de salaire s’il s’absentait de son poste de travail pour la représenter (pièce P-19). Les éléments relatifs à cette convocation sont décrits plus en détail dans la décision concernant la plainte de Mme Rioux (dossier de la CRTFP 561-02-70).

[67]   M. Cloutier intervient par courriel auprès de Mme Gignac, le 17 avril 2000, dénonçant cette rencontre dans les termes suivants (pièce G-145) :

[…]

Je voulais par la présente intervenir dans le cadre du sujet en rubrique. Vous avez approché verbalement Mme Rioux vendredi dernier pour l’informer que vous alliez lui livrer sa cinquième mesure disciplinaire syndicale via le courrier interne. Mme Rioux m’informe que votre comportement lors de cet entretien informel nous a indiqué que vous n’étiez pas consciente du sérieux de la situation.

Je me sens personnellement visé par ce harcèlement envers Mme Rioux compte tenu que la mesure disciplinaire que vous avez l’intention de lui livrer est uniquement causée par sa présence à titre de témoin et de conseillère lors de l’audition de mon grief de harcèlement au deuxième palier de la procédure.

[…]

La tutelle de notre section locale et les ressources de l’Alliance engagées dans l’accord de principe font en sorte que Mme Rioux ne peux [ sic ] bénéficier présentement d’une représentation juste et équitable. Que vous profitiez de cette conjoncture est inacceptable.

Je vous prie donc de voir à récupérer la mesure disciplinaire de Mme Rioux dans les meilleurs délais et suspendre ce dossier jusqu’à ce qu’elle bénéficie des services auxquels elle a droit.   Je vous prie également de cesser de négocier seule et directement avec Mme Rioux les modalités entourant sa sanction.

[…]

[68]   Malgré cette intervention, une mesure disciplinaire à été remise à Mme Rioux, le 25 avril 2000, lui imposant une suspension sans solde de deux jours pour s’être absentée sans permission de son poste de travail le 7 mars 2000 (pièce P-23). La mesure disciplinaire a été remise à Mme Rioux, qui en a accusé réception sans qu’elle soit accompagnée d’un représentant.

[69]   Le 25 avril 2000, Mme Rioux dépose un grief auprès de Mme Gignac demandant que la sous-clause 13.04c) de l’Entente de principe entre le Conseil du Trésor et l’AFPC pour le groupe Services des programmes et de l’administration soit respectée (pièce P-22). Elle y conteste que M. Cloutier subisse une perte de salaire s’il la représente lors de la rencontre prévue pour lui remettre une mesure disciplinaire. L’article 13 prévoit :

[Entente de principe entre le Conseil du Trésor et l’AFPC pour le groupe Services des programmes et de l’administration]

[…]

ARTICLE 13

REPRÉSENTANTS DES EMPLOYÉ-E-S

13.01 L’Employeur reconnaît à l’Alliance le droit de nommer ou de désigner des employé-e-s comme représentants.

13.02   L’Alliance et l’Employeur s’efforceront, au cours de consultations, de déterminer l’aire de compétence de chaque représentant en tenant compte de l’organigramme du service, du nombre et de la répartition des employé-e-s dans les lieux de travail et de la structure administrative qui découle implicitement de la procédure de règlement des griefs. Lorsque, au cours de consultations, les parties ne parviennent pas à s’entendre, les griefs sont réglés au moyen de la procédure de règlement des griefs et de l’arbitrage.

13.03 L’Alliance communique par écrit à l’Employeur le nom et l’aire de compétence de ses représentants désignés conformément au paragraphe 13.02.

13.04

a)
Le représentant obtient l’autorisation de son surveillant immédiat avant de quitter son poste de travail soit pour faire enquête au sujet des plaintes de caractère urgent déposées par les employé-e-s, soit pour rencontrer la direction locale afin de régler des griefs et d’assister à des réunions convoquées par la direction. Une telle autorisation ne doit pas être refusée sans motif raisonnable. Lorsque c’est possible, le représentant signale son retour à son surveillant avant de reprendre l’exercice de ses fonctions normales.
b)
Lorsque la direction demande la présence d’un représentant de l’Alliance à une réunion, une telle demande est, si possible, communiquée au surveillant de l’employé-e.
c)
L’employé-e ne doit subir aucune perte de rémunération lorsqu’il ou elle obtient l’autorisation de quitter son poste de travail en vertu de l’alinéa a).

[…]

[70]   L’employeur a remis une mesure disciplinaire à M. Cloutier le 2 juin 2000 relativement à l’envoi du courriel à Mme Gignac le 17 avril 2000 (pièce G-146).   Mme  Lamarre y précise dans les termes suivants les raisons qui motivent la mesure disciplinaire :

[…]

Je suis d’avis que vous avez contrevenu aux politiques du ministère en ce qui a trait à l’utilisation du courrier électronique en acheminant, sans autorisation, en copie conforme votre courriel aux personnes non concernées par le contenu du courriel.

[…]

Vous avez, encore une fois, volontairement décidé de ne pas suivre les directives émises par l’employeur. Le contenu du courriel ne concernait en aucun temps ces personnes qui de plus ne font pas partis [ sic ] de votre unité de travail. Les politiques ministérielles nationales et régionales concernant l’utilisation du courrier électronique stipulent entre autres que les messages ne doivent être envoyés qu’aux destinataires des groupes fonctionnels concernés auxquelles [ sic ] l’information est utile et que le courriel ne doit pas être utilisé pour des fins personnelles.

[…]

[71]   Une suspension de cinq jours a été imposée à M. Cloutier, du 5 au 9 juin 2000. À la suite de la remise de cette mesure disciplinaire, M. Cloutier a été raccompagné à son poste de travail et a été escorté à la sortie. Mme Rioux précise dans sa plainte que la mesure disciplinaire imposée à M. Cloutier l’a touchée comme si elle lui avait été adressée personnellement. L’employeur aurait fait preuve d’intimidation et d’abus de pouvoir en escortant M. Cloutier hors du bureau.

[72]   M. Cloutier a précisé dans son témoignage qu’il a été informé de la politique du ministère relativement à l’utilisation du courrier électronique par la note de service du 12 décembre 1996. Il a aussi reçu copie de cette politique et du code de conduite du ministère avec la mesure disciplinaire qui lui a été émise le 5 novembre 1999 (pièce G-126).

[73]   Une pétition a été remise à Mme Lamarre le 8 juin 2000. Cette pétition lui demande de reconsidérer la mesure prise contre M. Cloutier, en soumettant que la pénalité est excessive et que les actions reprochées sont liées à des activités syndicales (pièce G-149). La réponse de Mme Lamarre a été envoyée, par courriel, à des « petits groupes » d’employés (pièce G-150).

14. Congés pour affaires de l’AFPC

[74]   M. Cloutier a demandé un congé pour affaires syndicales afin de préparer la présente plainte le 17 juillet 2000. Une réponse lui accordant les deux journées demandées lui est donnée le 24 juillet 2000. L’autorisation pour une journée supplémentaire lui est accordée le 27 juillet 2000. Selon M. Cloutier, la procédure alors employée par le ministère démontre qu’il tente de rendre plus ardu l’exercice des recours prévus à l’ancienne Loi. Comme la demande de congé a été traitée par deux fonctionnaires syndiquées remplaçant temporairement leur superviseur, M. Cloutier considère ce genre de manipulation comme du harcèlement à son endroit, en diffusant ses renseignements personnels (pièce G-151).

15. Mesures disciplinaires imposées à Mme Rioux

[75]   Des mesures disciplinaires ont été imposées à Mme Rioux, entre décembre 1997 et avril 2000, pour des incidents reliés à des activités qu’elle et M. Cloutier qualifient de syndicales. Ces mesures disciplinaires sont traitées plus spécifiquement dans la décision sur la plainte de Mme Rioux (dossier de la CRTFP 561-02-70). Pour les fins du présent dossier, il est pertinent d’énumérer les mesures disciplinaires émises à Mme  Rioux.

  • 1er décembre 1997: lettre de réprimande (pièce E-3) imposée à Mme Rioux pour avoir distribué le document « ébauche de réorganisation » à l’encontre de la politique du ministère. Un grief a été présenté contre cette mesure disciplinaire le 18 décembre 1997 (pièce E-7).
  • 30 décembre 1997: suspension sans solde d’une journée (pièce E-4) pour avoir distribué des documents sans autorisation les 1er et 10 décembre 1997. Un grief a été présenté le 23 janvier 1998 contestant cette mesure disciplinaire.
  • 2 février 1998 : suspension sans solde de trois jours pour avoir retransmis un courriel de M. Tremblay le 29 décembre 1997 (pièce E-5). Cette suspension a été contestée par grief le 24 février 1998 (pièce P-46). Dans ce grief, Mme Rioux allègue qu’elle est intimidée et restreinte dans ses activités syndicales et base son recours sur la clause M-16.01 de la convention cadre.
  • 17 décembre 1998 : réprimande écrite et coupure de salaire de deux heures pour absence non autorisée du poste de travail le 9 décembre 1998 (pièce P-6). M. Cloutier a aussi reçu une mesure disciplinaire pour la même infraction. Cette mesure disciplinaire a été contestée par grief le 15 janvier 1999 (pièce P-7), sur la base de la clause M-16.01 de la convention cadre, alléguant intimidation et tentative de restriction dans les activités syndicales par l’employeur. Cet incident est décrit ci-haut sous la rubrique « 5. Accord de principe ».
  • 25 avril 2000 : suspension de deux jours sans solde pour avoir omis de demander une autorisation pour s’absenter de son poste de travail le 7 mars 2000 (pièce P-23). Cette mesure disciplinaire a été contestée par grief le 25 avril 2000 (pièce P-26).

[76]   L’AFPC a procédé à une évaluation des trois premières mesures disciplinaires remises à Mme Rioux. Dans sa lettre du 26 janvier 2000, l’AFPC informe Mme Rioux que les griefs qui contestent les suspensions d’une journée et de trois jours ont été renvoyés à l’arbitrage. Le renvoi n’a pas été effectué selon l’application de l’article M-16 de la convention cadre. L’AFPC précise à Mme Rioux qu’une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi doit être déposée et qu’un grief basé sur l’article M-16 de la convention cadre ne peut pas être renvoyé à l’arbitrage. L’AFPC soulève aussi la question du délai de présentation d’une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi. Concernant ces sujets, l’AFPC s’exprime comme suit (pièce G-119) :

[…]

De plus, vous remarquerez qu’en ce qui concerne le grief QUE-98-IMC-002, nous avons effectué le renvoi strictement pour la mesure disciplinaire et n’avons pas appuyé de renvoi en ce qui concerne l’interprétation et l’application de l’article M-16. La première raison est que, depuis le développement jurisprudentiel qui a suivi la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Chopra, les arbitres concluent maintenant qu’ils n’ont pas compétence pour entendre un grief en vertu de l’article M-16 ou M-17 puisqu’un « autre recours administratif de réparation est ouvert sous le régime d’une loi fédérale » (citation du paragraphe 91 de la Loi des Relations de travail dans la Fonction publique) [ sic ]. Dans la plupart des causes, il s’agit de recours qui peuvent être pris avec la Commission canadienne des droits de la personne. Or, nous pourrions croire que puisque le motif allégué dans votre situation est relié à la discrimination basée sur les activités syndicales, la barrière Chopra ne s’applique pas. Malheureusement ce n’est pas nécessairement le cas. En effet, la décision Shaw (166-2-27880 à 27882), rendue le 14 décembre 1998, démontre justement que l’arbitre ne prendra pas juridiction pour entendre un grief fondé sur l’article M-16 pour motif d’activités syndicales, car il y a un recours de disponible, soit une plainte fondée sur l’article 23 de la LRTFP. Voici en quelques mots, un bref résumé de cette décision :

[…]

Il n’y a pas de délais de temps pour déposer une plainte en vertu de l’article 23 de la LRTFP, toutefois la règle veut que lorsqu’il n’y a pas de délais, les plaintes doivent tout de même être déposées dans un délai raisonnable (p. ex. 6 mois de l’événement). D’une part, je considère qu’il serait trop tard maintenant pour déposer une plainte. D’autre part, je considère que nous n’avons pas besoin de l’article M-16 ni d’une plainte pour débattre en médiation et/ou à l’arbitrage les mesures disciplinaires qui vous ont été imposées. Voilà donc pourquoi, l’Alliance a effectué le renvoi de votre grief QUE-98-IMC-002 en indiquant à la Commission que ce grief concernait une suspension de trois jours et que nous n’avons pas fait mention de l’article M-16.

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

C. La preuve de la défenderesse

[77]   La défenderesse n’a soumis aucune preuve concernant la plainte de M. Cloutier. Comme je l’ai déjà mentionné, la preuve présentée relativement aux griefs de Mme Rioux ayant fait l’objet de la décision Rioux c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada) (supra) est versée au présent dossier.

IV. Autres considérations

[78]   La décision interlocutoire Rioux et Cloutier c. Leclair, 2003 CRTFP 75, a été rendue relativement à la demande du plaignant d’ajouter à sa plainte des éléments supplémentaires qu’il a soumis le 30 mars 2003. En conséquence de cette décision, tous les éléments qui se rapportent à des incidents survenus après le 4 septembre 2000 ne seront pas traités au présent dossier.

[79]   Le 31 mars 2005, l’ancienne Loi a été abrogée (TR/2005-21). Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (« la nouvelle Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique (LMFP), L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur (TR/2005-22 à 24). L’article 39 de la LMFP stipule que la nouvelle Commission est saisie de toute affaire qui était en cours devant l’ancienne Commission immédiatement avant l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi et que la nouvelle Commission décide de cette affaire « […] conformément à la nouvelle loi. »

V. Résumé de l’argumentation

A. Application de la nouvelle Loi et des dispositions transitoires

[80]   J’ai invité les parties, le 13 mai 2005, à me soumettre leurs représentations écrites sur les questions suivantes :

1)
Quel est l’effet de l’entrée en vigueur du paragraphe 190(2) de la nouvelle Loi relativement à tout délai de présentation applicable à la plainte en rubrique, compte tenu des dispositions transitoires des articles 36 à 66 de la L.M.F.P. et, plus particulièrement, de celles de l’article 39?
2)
Quel est l’effet de l’entrée en vigueur du paragraphe 191(3) de la nouvelle Loi relativement au fardeau de la preuve que les parties doivent rencontrer relativement à la plainte en rubrique, compte tenu des dispositions transitoires des articles 36 à 66 de la L.M.F.P . et, plus particulièrement, de celles de l’article 39?

[81]   Chaque partie pouvait déposer ses représentations écrites auprès de la Commission et de l’autre partie au plus tard le 30 mai 2005 et sa réponse aux représentations écrites de l’autre partie au plus tard le 14 juin 2005. Les parties ont de plus été invitées, le 9 juin 2005, à soumettre leurs commentaires sur la décision Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale et section locale 147 de l’Association nationale des travailleurs correctionnels fédéraux c. Service correctionnel Canada, Conseil du Trésor et Don Graham, 2005 CRTFP 50, qui traite des mesures transitoires applicables aux plaintes. Les parties pouvaient soumettre leurs commentaires à ce sujet au plus tard le 27 juin 2005.

[82]   Seule la défenderesse a soumis ses représentations écrites relativement aux mesures transitoires le 30 mai 2005, ainsi que ses commentaires sur la décision Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatial (supra), le 27 juin 2005. Le plaignant n’a soumis aucune représentation écrite, bien que dûment informé de la réception des représentations écrites et des commentaires de la défenderesse.

[83]   La défenderesse a soumis les représentations suivantes sur les effets juridiques de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi :

[. ..]

Quant aux deux plaintes initiales, elles avaient été entendues antérieurement, si bien que les auditions se sont terminées en mai 2004. Il appert que, pour des raisons que l’employeur ignore, le délibéré de ces deux affaires a été anormalement long puisque qu’à ce jour, la Commission qui en était saisie n’en a pas encore disposé.

Les conséquences juridiques du délai à rendre jugement.

En temps normal, ce long délai n’aurait pas posé problème.

Cependant, ce qui est particulier dans l’instance, c’est que la Commission des relations de travail dans la fonction publique qui avait été saisie des deux plaintes a été abolie pendant son délibéré au regard des deux plaintes, soit le 1er avril 2005 aux termes de l’article 285 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique .

En conséquence, cette Commission, étant abolie, ne pourra pas se prononcer sur les deux plaintes.

Toutefois, les deux instances ne sont pas pour autant tombées dans des limbes judiciaires.

En effet, le par. 39(1) de la Loi sur la modernisation de la fonction publique a prévu des dispositions transitoires qui permettent à la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique de se saisir des affaires dont était saisie l’ancienne Commission.

Ce paragraphe se lit comme suit :

39. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente section, les affaires dont l’ancienne Commission était saisie à l’entrée en vigueur de l’article 12 de la nouvelle loi se poursuivent devant la nouvelle Commission qui en décide conformément à la nouvelle loi.

Cette disposition a ceci de particulier qu’elle prévoit que la nouvelle Commission poursuit les affaires dont était saisie l’ancienne Commission et qu’elle les décide conformément à la nouvelle loi.

Cette disposition s’inscrit à l’intérieur d’une série de dispositions transitoires qui concernent les pouvoirs de la nouvelle Commission et le statut juridique des membres de l’ancienne Commission.

L’employeur soutient que cette disposition est une disposition essentiellement attributive de compétence, qu’elle ne vise qu’à circonscrire les pouvoirs de la nouvelle Commission et partant, qu’elle ne vise pas à définir ou à modifier les droits et les obligations juridiques des parties qui étaient en présence devant l’ancienne Commission et qui se retrouvent maintenant devant la nouvelle Commission.

L’effet de cette disposition est simplement de permettre à la nouvelle Commission d’exercer les pouvoirs que la nouvelle Loi lui confère à l’égard des anciennes plaintes. Cette disposition n’a pas pour but d’affecter négativement les droits des parties de façon rétroactive.

À cet égard, il convient de noter que la nouvelle Commission ne fonctionne plus comme l’ancienne et qu’elle a des pouvoirs différents. À titre d’exemple, les plaintes de pratiques déloyales seront entendues dorénavant par une formation de la Commission comprenant trois membres, à moins que le président n’en décide autrement.

Dans l’instance, nous comprenons, que le président de la nouvelle Commission a décidé que les deux plaintes seront décidées par une formation d’un seul membre.

Quant aux griefs, le législateur a prévu au paragraphe 61(1) des dispositions transitoires que les anciens arbitres qui ont été maintenus en poste aux termes des dispositions transitoires continuent d’exercer les pouvoirs qu’ils avaient aux termes de l’ancienne loi au regard des griefs présentées selon l’ancienne loi, ce qui ne pose aucun problème.

Toutefois cette différence ne doit pas être interprétée comme une intention du législateur d’affecter rétroactivement les droits des parties en ce qui concerne les plaintes de pratiques déloyales.

Il est un principe bien connu d’interprétation des lois qui affirme que les lois n’ont jamais d’effet rétroactif à moins d’une stipulation très claire du législateur.

Le régime législatif canadien est basé sur la règle de la primauté du droit. Cette règle fait en sorte que les justiciables canadiens doivent se comporter en fonction des règles de droit en vigueur et a comme corollaire que les tribunaux vont apprécier les comportements de ces justiciables en fonction de ces règles.

Il est tout à fait impensable que dans la société canadienne le comportement d’un justiciable soit évalué en fonction de nouvelles règles de droit inexistantes au moment des faits et qui seraient promulgués postérieurement avec un effet rétroactif.

Pour qu’un tel résultat soit juridiquement possible, il faut que le texte de loi soit à ce point clair pour qu’il ne soit pas possible de conclure que le résultat qui découlerait de la rétroactivité soit autre chose que ce que le législateur recherchait vraiment.

Dans l’instance, le paragraphe 39(1) est une simple disposition transitoire qui n’est même incluse dans la loi nouvelle et dont l’objectif ne se rapporte pas à la bonne application de la nouvelle loi.

Cette disposition ne vise que le fonctionnement de la nouvelle Commission et n’a pas d’effet sur les parties.

En conséquence, l’employeur rejette toute idée que les deux plaintes qui sont maintenant devant la nouvelle Commission puissent ou doivent être décidées en fonction des dispositions de la nouvelle loi.

C’est en ayant à l’esprit ces principes que l’employeur répond maintenant aux préoccupations de la nouvelle Commission qui s’interroge sur la question de savoir si le paragraphe 190(2) le paragraphe 191(3) de la nouvelle peuvent avoir des effets juridiques dans l’instance.

Ces dispositions se lisent comme suit :

190 (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu -- ou, selon la Commission, aurait dû avoir -- connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

191 (3) La présentation par écrit, au titre du paragraphe 190(1), de toute plainte faisant état d'une contravention, par l'employeur ou la personne agissant pour son compte, du paragraphe 186(2), constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

Le paragraphe 190(2) est entré en vigueur le 1er avril 2005.

L’employeur soutient que cette disposition s’applique aux plaintes portant sur des faits qui ont pris naissance à partir du 1er avril 2005.

Il n’y a rien dans cette disposition qui laisse entendre qu’elle pourrait s’appliquer à des faits qui sont antérieurs au 1er avril 2005.

Ainsi donc, aucun plaignant ne pourrait s’autoriser de l’article 190 de la nouvelle loi pour déposer une plainte de pratiques déloyales au regard de faits qui ont pris naissance antérieurement au 1er avril 2005 parce que la nouvelle loi n’a pas de portée rétroactive.

Qui plus est, l’article 23 de l’ancienne loi étant aboli, un plaignant ne pourrait pas invoquer cette ancienne disposition pour saisir la nouvelle commission de sa plainte.

En conséquence, les seules plaintes portant sur des faits qui ont pris naissance antérieurement au 1er avril 2005 qui peuvent relever de la compétence de la nouvelle Commission sont les plaintes qui avaient déjà été déposées devant l’ancienne Commission.

Contrairement aux griefs et aux renvois, le législateur a décidé de faire tomber dans les limbes juridiques les faits antérieurs au 1er avril 2005 qui auraient pu donner ouverture à une plainte de pratiques déloyales aux termes de l’ancien article 23 de l’ancienne loi.

En effet, les articles 64 et 65 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique indiquent clairement que les faits antérieurs au 1er avril 2005 qui auraient pu donner ouverture à un grief aux termes de l’article 91 ou à un renvoi aux termes de l’article 99 de l’ancienne loi continuent d’être régis par la nouvelle loi et peuvent faire l’objet d’un grief individuel ou un grief de principe aux termes des articles 208 et 220 respectivement de la nouvelle loi.

Ces dispositions transitoires n’ont pas pour effet de donner un effet rétroactif à la nouvelle loi puisque ce sont les règles de fond de l’ancienne loi qui s’appliquent.

En effet, les griefs individuels et les griefs de principe qui bénéficient des articles 64 et 65 doivent être recevables aux termes de l’ancienne loi. Le libellé de ces dispositions est très clair à cet égard. Ils se formulent comme suit :

(…) et qui auraient pu donner lieu à un grief au titre de l’article 91 de l’ancienne loi, dans sa version antérieure à cette date.

(…) dans le cas où l’affaire aurait pu être renvoyée à l’ancienne Commission au titre de l’article 99 de l’ancienne loi, dans sa version antérieure à cette date.

En conséquence, puisqu’aucune des dispositions de la nouvelle loi n’a de portée rétroactive, il n’est tout simplement pas possible d’interpréter le paragraphe 39(1) la Loi sur la modernisation de la fonction publique afin de la faire rétroagir de façon à affecter les droits des parties.

Dans l’affaire Laquerre c. Canada (Gendarmerie royale) , [1995] A.C.F. no 1082 (Q.L), la Cour fédérale a statué que la prescription qui apparaissait dans la nouvelle loi régissant la GRC était une règle de fond et non pas une règle de procédure et partant qu’elle ne s’appliquait pas aux faits couverts par la loi ancienne (voir notamment le par. 65 de la décision).

Dans l’instance, l’employeur a déjà plaidé au fond que le délai de prescription applicable au dépôt des plaintes de pratiques déloyales sous l’ancienne loi était celui du délai raisonnable qui devait être apprécié au regard de toutes les circonstances de l’affaire (doctrine des lâches ).

L’employeur est d’avis qu’il serait injuste pour les plaignants de leur imposer rétroactivement un délai de prescription de 90 jours pour déposer une plainte de pratiques déloyales par rapport à des faits qui se sont produits cinq ou six ans avant l’entrée en vigueur de la nouvelle règle des 90 jours.

Le législateur n’a sûrement pas voulu que le long délibéré de la Commission produise un effet juridique aussi dévastateur pour les plaignants.

Par ailleurs, l’employeur soutient qu’il en est de même pour la question du renversement du fardeau de preuve sur les épaules de l’employeur.

Cette nouvelle règle qui s’apparente à celle qui est mentionnée à l’article 133 du Code canadien du travail n’est pas une simple règle de procédure ou une simple règle de preuve ou une règle de présentation de preuve parce que, même réfragable, elle crée un droit substantif en faveur d’un plaignant, soit celui de l’existence d’une contravention à la LRTFP et que, de plus, elle ne peut pas être dissociée de l’autre règle de fond qu’est la prescription de 90 jours.

À partir du moment où le législateur impose à l’employeur l’obligation de prouver que les mesures qu’il a prises à l’égard d’un fonctionnaire ont été prises dans un but légitime, il est important, en toute équité procédurale, que l’employeur soit en mesure de faire cette preuve.

L’obligation qui est faite à un plaignant de déposer sa plainte dans un délai très court permet justement à l’employeur de colliger la preuve nécessaire pour rencontrer ses obligations. Si un délai de prescription très court n’était pas imposé, l’employeur pourrait se retrouver dans la situation de ne plus avoir la preuve y compris les témoins pour justifier ses mesures. La courte prescription de 90 jours vise à protéger l’employeur en lui permettant de connaître rapidement les allégations qui sont faites contre lui et d’y répondre rapidement.

Par ailleurs, cette obligation qu’a désormais l’employeur ne peut pas rencontrer les nouvelles exigences de la loi si, en contrepartie l’employé n’est pas obligé de circonscrire avec sérieux et rigueur ses allégations à l’égard de son employeur, d’où l’importance pour un plaignant d’être le plus précis lorsqu’il remplira la formule 16 pour déposer sa plainte.

Dans l’instance, la présentation par les plaignants de leur plainte respective n’a pas été rigoureuse. Les personnes visées par les plaintes n’étaient pas clairement identifiées. Comme dans la chanson, les plaignants se sont employés à viser le noir pour faire condamner le blanc par la Commission. Qui plus est, les plaignants ont tenté de faire des procès d’intention à des personnes en se servant des comportements de d’autres personnes. Cette façon de faire est incompatible avec le principe du renversement du fardeau de preuve sur des personnes qui ne savent même pas ce dont elles sont accusées.

Ceci montre bien toute l’incongruité de la présente situation.

En conséquence, l’employeur soutient qu’il n’est pas possible que le législateur ait voulu que la nouvelle règle du renversement du fardeau de preuve s’impose à la Commission durant son délibéré après que la preuve de part et d’autre eut été faite au moment où cette nouvelle règle n’existait pas.

L’employeur soutient que le seul passage du temps ne peut faire en sorte que des mauvaises plaintes deviennent des plaintes fondées ou vice versa .

En conséquence, l’employeur soutient que la Commission ne peut pas, par interprétation,   appliquer rétroactivement ces deux règles de fond à la présente instance.

L’employeur se réserve le droit de faire, le cas échéant, d’autres représentations en réponse à celles des plaignants.

[ Sic pour l’ensemble de la citation]

[84]   La défenderesse a ajouté que la décision Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (supra) supporte, en substance, ses représentations du 30 mai 2005. Le plaignant n’a soumis aucun argument relativement aux questions auxquelles je lui avais demandé de répondre et n’a déposé aucune réplique aux représentations de la défenderesse, ni fourni de commentaires sur la décision 2005 CRTFP 50.

B. Objection fondée sur le paragraphe 8(1) ou 9(1) de l’ancienne Loi et à la
      tardivité de la plainte

1. Argumentation de la défenderesse

[85]   La convention cadre reconnaît l’AFPC comme l’agent négociateur (clause M-7.01) et la même reconnaissance est accordée par la convention collective pour le groupe Services des programmes et de l’administration (clause 9.01).

[86]   Le droit de représentation syndicale est accordé à un représentant dûment autorisé par l’AFPC. L’AFPC doit aviser l’employeur du nom de la personne qui agira au titre de représentant syndical ainsi que de l’aire de compétence qui lui est accordée selon la procédure prévue à la convention collective (clauses M-8.01 à M-8.03 de la convention cadre; clauses 13.01 à 13.03 de la convention pour le groupe Services des programmes et de l’administration).

[87]   Selon la défenderesse, le plaignant ne peut pas déposer de plainte en son nom lorsque des interdictions relatives aux droits de l’agent négociateur ne sont pas respectées par l’employeur. Seule l’AFPC ou une personne qu’elle a nommée comme représentant peut déposer une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi alléguant une violation des interdictions énoncées au paragraphe 8(1) ou 9(1). Les fonctionnaires peuvent déposer une plainte seulement dans les cas où leurs droits ont été violés en ce qui a trait aux interdictions énoncées au paragraphe 8(2) de l’ancienne Loi. D’autre part, le plaignant devait procéder par griefs pour contester les actions de l’employeur qui iraient à l’encontre des stipulations de la convention collective. Ces griefs auraient dû être déposés dans les 25 jours de la connaissance des événements leur donnant naissance.

[88]   Le plaignant allègue que l’employeur s’est ingéré dans l’administration et la formation d’une organisation syndicale ou est intervenu dans la représentation des fonctionnaires par une organisation syndicale. Le plaignant ne peut pas déposer une plainte sur ces bases en l’absence de mandat spécifique de l’organisation syndicale. La défenderesse a repris, lors de l’argumentation sur le mérite, les arguments soumis en objection préliminaire.

[89]   Relativement aux incidents reliés au congé pour affaires de l’AFPC, l’employeur pouvait avoir une interprétation de la convention collective différente de celle du plaignant. En ce qui a trait aux droits d’un représentant syndical, l’agent négociateur aurait pu déposer une plainte en vertu de l’article 99 de l’ancienne Loi pour faire exécuter une obligation qui résultait de la convention collective. Il ne revient pas à un fonctionnaire de revendiquer le droit d’un représentant syndical à un congé pour affaires de l’AFPC, mais à une personne dûment mandatée par l’agent négociateur.

[90]   La défenderesse soumet aussi que le plaignant n’a pas déposé sa plainte dans un délai raisonnable. M. Cloutier allègue des incidents qui couvrent la période de janvier 1997 à juin 2000, alors que sa plainte a été déposée en septembre 2000. Comme il a été un représentant syndical mandaté par l’AFPC jusqu’à la tutelle imposée en novembre 1999, il connaissait les procédures de plaintes et de griefs et n’a pas fait preuve de diligence en tardant à déposer sa plainte.

[91]   De plus, la doctrine des « lâches » doit recevoir application au présent dossier, la défenderesse subissant un préjudice découlant du délai. Il est pratiquement impossible pour elle de procéder à une défense au regard d’incidents qui se sont produits plusieurs mois, et même plusieurs années, avant le dépôt de la plainte. La règle du délai déraisonnable a permis le rejet de plaintes dans des cas similaires au présent dossier.

[92]   La défenderesse a soumis les décisions suivantes au soutien de ses arguments :

  • sur les délais et la doctrine des « lâches » :
  • -
    Harrison c. Alliance de la Fonction publique du Canada et Conseil du Trésor (Revenu Canada Impôt), dossier de la CRTFP 161-02-725 (1995) (QL);
    -
    Machnee c. Klaponski et al., 2001 CRTFP 28.
  • sur la capacité de déposer une plainte (article 23 de l’ancienne Loi) :
  • -
    Dodier c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration), dossier de la CRTFP 166-02-14640 (1985) (QL);
    -
    Reekie c. Thomson, dossier de la CRTFP 161-02-855 (1998) (QL);
    -
    Reekie c. Thomson, dossier de la CRTFP 125-02-88 (1999) (QL);
    -
    Feldsted et al. c. Conseil du Trésor, dossiers de la CRTFP 161-02-944, 947 et 954 (1999) (QL).

[93]   Les décisions suivantes ont été ajoutées à l’appui des éléments soumis par la défenderesse en objection préliminaire pour ce qui est de la théorie des « lâches »; cette doctrine des « lâches » a été appliquée par la Commission dans les décisions Teeluck c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2001 CRTFP 45, et Canada (Conseil du Trésor) c.Lévesque, dossier de la CRTFP 194-02-49 (1978) (QL). Le principe du délai raisonnable précisé dans la décision Saint-Hubert (Ville) c. Syndicat des cols bleus de la Ville de Saint-Hubert, [1998] A.Q. no 3665 (QL), doit recevoir application en l’espèce.

[94]   Le plaignant a soumis qu’il avait tardé à déposer sa plainte parce qu’il voulait donner une chance à l’employeur et qu’il avait beaucoup de dossiers à gérer en même temps. Ces éléments ne sont pas des motifs valables pour tarder à déposer une plainte en dehors du délai raisonnable.

2. Argumentation du plaignant

[95]   Selon le plaignant, on ne peut pas distinguer la fonction de représentant syndical exercée par une personne et cette personne comme individu. Lorsque l’employeur empêche un représentant syndical d’exercer ses fonctions de représentation, il brime en même temps le droit de cette personne de participer à une activité syndicale légitime, c’est-à-dire, d’effectuer des représentations en tant que représentant syndical. Dans sa plainte, M. Cloutier allègue que l’employeur l’a intimidé pour tenter de le dissuader d’assumer des responsabilités de représentant syndical, qui est une activité syndicale légitime. L’employeur a usé de stratagèmes pour nuire à l’exercice des fonctions des personnes agissant comme représentants syndicaux de manière à les décourager de participer à cette activité syndicale. C’est à l’encontre du fonctionnaire, et non pas du représentant syndical, que l’employeur a pris des mesures disciplinaires. Dans Willan c. Potts et al., dossier de la CRTFP 161-02-834 (1997) (QL), la Commission a conclu qu’un des défendeurs avait porté atteinte au droit de la plaignante de représenter les employés et de participer aux activités licites de l’agent négociateur, en violation des articles 6 et 8 de l’ancienne Loi. Cette décision ne distingue pas la « personne » de Mme Willan de la « représentante syndicale. » Dans Linetsky c. Resanovicet al., dossier de la CRTFP 161-02-316 (1985) (QL), la Commission a reconnu que les défendeurs avaient empêché le plaignant d’exercer les droits que lui conférait l’article 6 de l’ancienne Loi (droits de participer à une activité syndicale légitime) en le menaçant de mesure disciplinaire s’il représentait un fonctionnaire devant le Conseil arbitral de l’assurance-chômage.

[96]   Relativement à la question du délai écoulé entre les incidents et le dépôt de la plainte, le plaignant a soumis que, à l’époque, il n’était pas familier avec l’ancienne Loi ou les articles 8 à 10. Il a réagi en déposant divers recours, dont un est un grief de harcèlement et d’autres des griefs fondés sur la clause M-16 de la convention cadre traitant, entre autres, de discrimination syndicale. Il n’avait pas de connaissance technique de l’ancienne Loi et il ne pouvait faire confiance aux conseillers de l’AFPC et du SEIC, ni à leurs représentants au niveau régional ou national qui s’étaient impliqués contre lui lors de la tutelle. De plus, le plaignant avait à gérer un très grand nombre de dossiers de recours qui étaient alors en instance et il devait se fixer des priorités. Face à ce problème, il appliquait ce que son bon sens lui dictait.

3. Réplique de la défenderesse

[97]   En réplique, la défenderesse a soumis que le plaignant n’était plus un représentant de l’AFPC à compter du 3 novembre 1999, et que, au moment du dépôt de sa plainte, il ne pouvait pas agir au nom de l’AFPC. Il n’a pas été mandaté par l’AFPC pour agir au nom de l’agent négociateur dans le cadre de sa plainte.

C. Le fond de la plainte

1. Argumentation du plaignant

[98]   M. Cloutier a fait un retour sur les incidents précisés dans sa plainte, qui démontrent, selon lui, que l’employeur a fait preuve de discrimination envers lui. L’employeur aurait sciemment multiplié les mesures disciplinaires et les mesures d’intimidation de façon à l’empêcher ou le décourager de représenter les membres de la section locale.

[99]   L’employeur a traité différemment le président de la section locale qui était en fonction en 1975-76, lui accordant plus de congés pour les affaires de l’AFPC qu’à M. Cloutier (pièce G-16). Dans le cas de M. Cloutier, l’employeur a tout fait pour compliquer l’octroi de congés pour les affaires de l’AFPC, en faisant preuve d’ingérence dans les affaires syndicales et en voulant gérer le temps nécessaire pour la préparation des audiences. En limitant les congés pour affaires de l’AFPC et en refusant de reporter l’audience du 30 octobre 1999 sur les griefs relatifs aux congés pour préparer des griefs, l’employeur a fait preuve de mauvaise foi. En maintenant son interprétation restrictive de la convention collective, allant à l’encontre des décisions de la Commission sur cette question, l’employeur a fait preuve de harcèlement à l’encontre du plaignant en niant le droit à la représentation syndicale.

[100]   Les reproches de l’employeur faits à M. Cloutier lors de la formation pour le poste de préposé au télé-centre et la décision de le retirer de la formation démontrent que l’employeur a abusé de son pouvoir envers un représentant syndical (pièce G-22). Les représentations effectuées par M. Cloutier relativement à l’embauche d’une ex-fonctionnaire retraitée en juin 1997 (pièce G-28) ont été a l’origine des représailles subies lors des concours subséquents où son engagement syndical a été pris en considération d’une façon négative (pièces G-29 à G-31 et G-68 à G-70). L’employeur a fait preuve de harcèlement envers un représentant syndical en lui assignant un poste de travail non convenable en novembre 1998 (pièce G-39) et en le menaçant de mettre fin à une affectation provisoire sur la base de ses activités syndicales en mars 1998.

[101]   À certaines occasions, l’employeur a agi de manière à ridiculiser le représentant syndical, M. Cloutier, devant les membres de la section locale (invitation à une rencontre de l’employeur (en octobre 1998) en le privant de son droit d’intervention (pièce G-67); incident « les baguettes en l’air » (pièce G-67); et lors de la signature de la pétition sur l’heure du midi et hors des lieux de travail (pièce G-120)). L’employeur a délibérément placé M. Cloutier au dernier rang de la liste d’admissibilité pour le poste de PM-02 à l’été 1998 (pièce G-87) de façon à le rendre vulnérable aux attaques des autres postulants. Il a fait de même lors du concours pour le poste d’agent réviseur (PM-03) tenu en février 1999 (pièce G-86).

[102]   Lors des événements survenus relativement à l’acceptation de l’entente de principe en décembre 1998, l’employeur a manifestement fait preuve de mauvaise foi en refusant de permettre la distribution des documents pendant le temps de travail et cela à l’encontre de la recommandation du directeur de la représentation et consultation, Division des relations de travail, Secrétariat du Conseil du Trésor (pièce G-110). L’employeur s’est ingéré dans les affaires de la section locale en poussant son enquête jusqu’à intervenir dans le bureau syndical (pièce G-117). Les mesures disciplinaires infligées à M. Cloutier et Mme Rioux constituent du harcèlement alors qu’ils ont exercé leurs responsabilités syndicales lors de leurs pauses (pièce G-118).

[103]   L’incident relatif à l’accumulation des courriels démontre que l’employeur fait du harcèlement sur la base des activités syndicales (pièce G-121). En octobre 1999, un autre incident relatif à la pétition que les membres de la section locale ont fait circuler pour ne plus faire partie du SEIC démontre l’ingérence de l’employeur dans les affaires internes de la section locale (pièce G-124). L’employeur se permet d’enquêter sur cette activité et s’ingère dans les affaires syndicales en demandant à qui M. Cloutier avait fait parvenir la pétition, par quels moyens et quelles instructions avaient été données aux destinataires concernant le matériel reçu. Une plainte formelle a été présentée à l’employeur dénonçant cette ingérence dans les affaires de l’AFPC (pièce G-124, le 18 octobre 1999).

[104]   La mesure disciplinaire (suspension du 5 novembre 1999, pièce G-130) remise à la suite de la distribution de la pétition a donné lieu à l’expulsion de M. Cloutier alors qu’il a été escorté vers l’extérieur comme un criminel, à la vue des employés. Il s’agit manifestement d’une mesure d’intimidation de la part de l’employeur, qui utilise des gros moyens pour contrer la liberté d’expression lors d’activités syndicales légitimes. De plus, l’employeur profite de l’occasion de la suspension de M. Cloutier pour permettre au tuteur de la section locale de tenir des élections dans les lieux et pendant les heures de travail (pièce G-143).

[105]   L’employeur n’applique pas au tuteur de la section locale les directives relatives à l’envoi des courriels lorsque ce dernier met en copie les membres du conseil d’administration (pièce G-136) alors que M. Cloutier est pénalisé pour avoir fait de même (pièce G-146).

[106]   L’employeur a ciblé M. Cloutier et Mme Rioux du fait de leur implication syndicale. L’employeur a pris des mesures disciplinaires contre eux pour les intimider et les empêcher de représenter les membres de la section locale (mesures disciplinaires émises à la suite de l’intervention de M. Cloutier en faveur de Mme Rioux; pièce G-145).

[107]   M. Cloutier a soumis les décisions suivantes à l’appui de ses arguments :

  • Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O. , section locale 324, 2003 CSC 42 : les conventions collectives sont assujetties aux droits de la personne.
  • Cloutier c. Société des alcools du Québec, dossier du Tribunal du travail du Québec 500-28-000124-859 (1986) : la Cour a conclu qu’il n’est pas nécessaire de démontrer par une preuve directe l’intention illicite de l’employeur dans une plainte de représailles. La présomption peut servir à établir cette intention lorsque l’on constate une modification du cadre du travail d’un salarié de manière concomitante à l’exercice d’un droit lui résultant du Code du travail du Québec.
  • Fleury c. Épiciers Unis Métro-Richelieu Inc., dossier du Tribunal du travail du Québec 500-28-001187-848 (1985) : même si l’employeur avait des motifs raisonnables de croire au bien-fondé des reproches, il se doit de présenter une preuve convaincante en raison de la gravité des accusations portées.
  • Pavillon du parc Inc. c. Rossignol, dossier du Tribunal du travail du Québec 500-28-000070-896 (1989) : la mesure disciplinaire a été cassée, car l’employée a opposé un refus à une demande légitime de libération. Au présent dossier, l’insubordination ne devrait pas être retenue, car la libération était permise par la convention collective.
  • Granada Location de T.V. Ltée c. Trempe, dossier du Tribunal du travail du Québec 500-28-001986-827 (1983) : l’intimé était justifié de refuser l’ordre de l’appelant de demeurer à son poste de travail, car il y avait urgence. Dans le présent cas, l’appel téléphonique effectué au syndicat au regard de la distribution de l’accord de principe présentait une telle situation d’urgence.
  • Roger Rainville & Fils Inc. c. Bisaillon , dossier du Tribunal du travail du Québec 500-28-000914-838 (1984) : lorsque les sanctions imposées sont différentes pour les salariés concernés, le Tribunal doit examiner les motifs soutenant la différence de traitement pour s’assurer que la cause invoquée n’est pas seulement un prétexte.
  • Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor) , [1987] 2 R.C.S. 84 : l’employeur est responsable des actes discriminatoires faits sans autorisation par ses employés dans le cadre de leur emploi.
  • Fortin c. Canada (Procureur général) , 2003 CFPI 51 : l’employeur doit agir de façon impartiale dans le processus d’évaluation et l’arbitre de grief doit tenir compte du principe d’impartialité.

2. Argumentation de la défenderesse

[108]   Le plaignant a démontré qu’un conflit interne a fait surface au sein de l’agent négociateur, l’AFPC. Un des éléments de l’AFPC est le SEIC, dont relève la section locale dont le plaignant est membre. Le plaignant désirait que la section locale ne fasse plus partie du SEIC et il a participé à une pétition en ce sens. Il voulait que cette activité se fasse sur les lieux et pendant les heures de travail, ce qui est interdit par le paragraphe 10(1) de l’ancienne Loi.

[109]   De plus, le plaignant devait démontrer que la défenderesse avait l’intention d’agir à l’encontre de l’agent négociateur (animus anti-syndical) pour que sa plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi obtienne gain de cause. La Cour d’appel fédérale a précisé, dans Canada (Procureur général) c. Association des employé(e)s en sciences sociales, 2004 CAF 165, que, pour qu’il y ait une violation des interdictions statutaires, il faut avoir prouvé l’intention de discrimination. En l’absence d’une preuve démontrant un animus anti-syndical de la part de la défenderesse, il faut conclure que le plaignant ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve et rejeter la plainte en conséquence.

[110]   La convention collective précise clairement que l’AFPC doit aviser l’employeur du nom de son représentant et du domaine de compétence de ce représentant. Cette notion de représentant syndical établie selon la convention collective a été soulevée dans la décision Dodier (supra). Cette décision précise que l’employeur n’a pas d’obligation envers une personne qui n’est pas un représentant syndical au sens de la convention collective. Ainsi, l’employeur n’avait pas à reconnaître à Mme Rioux un statut syndical lors de la rencontre du 7 mars 2000. À cette date, la section locale était en tutelle et l’agent négociateur avait avisé l’employeur que M. Lambert agissait comme représentant syndical à compter du 3 novembre 1999. Ainsi, M. Cloutier et Mme  Rioux ne détenaient plus le statut de représentants syndicaux à compter du 3 novembre 1999. La demande de congé pour affaires de l’AFPC de Mme Rioux à titre de « conseillère technique » n’était fondée sur aucune des dispositions de la convention collective.

[111]   La mesure disciplinaire infligée à Mme Rioux est motivée par le fait qu’elle a refusé de remplir une demande d’autorisation pour s’absenter de son poste de travail suivant la demande de sa superviseure. Mme Rioux avait été avisée avant la rencontre que l’employeur permettrait l’absence sans rémunération et elle a planifié créer un incident basé sur le refus d’accorder un congé « payé ». Le plaignant et Mme Rioux avaient un programme caché : ils voulaient que l’employeur accorde un congé payé à Mme  Rioux malgré la tutelle et lui reconnaître le statut de représentante syndicale.

[112]   La Cour Suprême du Canada a précisé, dans Lafrance c. Commercial Photo Service Inc., [1980] 1 R.C.S. 536, qu’il faut vérifier si le motif invoqué à l’appui d’une mesure disciplinaire est réel ou s’il constitue un prétexte ou un camouflage. Si un arbitre de grief arrive à la conclusion que la raison invoquée par l’employeur est la raison véritable et déterminante de l’émission d’une mesure disciplinaire, il ne peut pas vérifier la rigueur de la sanction imposée en substituant son jugement à celui de l’employeur. En l’espèce, il semble que les mesures disciplinaires émises contre le plaignant sont en réponse à des inconduites réelles et la Commission ne peut pas s’ingérer dans l’évaluation de la sévérité des mesures disciplinaires.

[113]   La pénalité imposée au plaignant relativement à ses absences de son poste de travail sans autorisation le 9 décembre 1998 repose sur le fait qu’aucune demande préalable n’a été soumise à l’employeur. Le plaignant a admis qu’il n’avait pas demandé la permission de s’absenter de son poste de travail et qu’il avait dépassé le temps de pause précisé à la convention collective. Dans ces circonstances, le motif à l’appui de la mesure disciplinaire est réel et n’est pas un prétexte.

[114]   L’employeur a reproché à M. Cloutier d’avoir distribué, à l’aide des biens de l’employeur, des documents relatifs à la pétition des membres de la section locale pour se retirer du SEIC. La mesure disciplinaire qui a été remise à M. Cloutier le 5 novembre 1999 est basée sur le fait que M. Cloutier a procédé à la distribution des documents malgré le fait que la permission de ce faire lui avait été clairement refusée. M. Cloutier a agi à l’encontre de la directive de l’employeur et il a reçu une mesure disciplinaire pour ce motif, ce qui ne constitue pas un prétexte ou un camouflage. La mesure disciplinaire imposée ne peut pas être reliée de quelque manière que ce soit à une action de l’employeur pouvant être assimilée à une pratique déloyale ou à de l’ingérence dans les affaires syndicales. Le plaignant pouvait participer à l’activité syndicale légitime de pétition pour changer d’élément de l’AFPC, mais ne pouvait pas le faire en se servant des biens de l’employeur et en contravention d’une directive claire de ne pas utiliser ces biens pour le faire.

[115]   La mesure disciplinaire émise à M. Cloutier le 2 juin 2000 repose sur le fait qu’il a contrevenu à la politique du ministère en acheminant, sans autorisation, une copie d’un courriel à des personnes non concernées. M. Cloutier connaissait la politique qui précise qu’une autorisation est nécessaire pour distribuer un message électronique à des personnes en dehors de son groupe de travail. La politique du ministère publiée en 1996 et la politique régionale distribuée en 1997 étaient connues du plaignant, qui a décidé de ne pas les suivre, sous le couvert de représentations qu’ils considèrent de nature syndicale alors qu’il n’était plus un représentant syndical depuis la tutelle imposée en novembre 1999.

[116]   L’employeur est en droit de privilégier une interprétation particulière d’un article de la convention collective relativement au congé pouvant être accordé à un représentant syndical ou à un employé pour aider à la préparation d’un grief. Il peut maintenir son interprétation malgré le fait qu’un arbitre de grief a statué sur une interprétation différente d’un cas en particulier. La décision d’un arbitre de grief n’a d’effet qu’au regard du grief particulier qui a été soumis à l’arbitrage. Le plaignant pouvait soumettre la question à un autre arbitre de grief s’il était en désaccord avec l’application de l’article M-14.09 ou 14.07 des conventions collectives, ce qui n’a pas été fait. Aucune preuve n’a été soumise par le plaignant à l’effet qu’il aurait demandé à l’agent négociateur de renvoyer à l’arbitrage les griefs sur cette question après la tutelle de novembre 1999. D’autre part, il n’a pas été démontré que la défenderesse agissait de mauvaise foi.

[117]   Le refus de l’employeur de permettre à M. Cloutier d’afficher les correspondances de l’agent négociateur annonçant la tutelle, en novembre 1999, est bien fondé et ne démontre aucune intention malveillante de la défenderesse (pièce G-136). L’employeur se doit, de par la convention collective, d’accepter le représentant syndical nommé par l’agent négociateur et de respecter le mandat de représentation que cette personne assume pour les affaires découlant des droits attribués à l’agent négociateur par la convention collective.

[118]   Le plaignant a précisé dans sa plainte qu’il dénonce la « culture du ministère » et que les gestionnaires ne sont pas personnellement visés, car ils n’ont pas d’autre choix que d’appliquer cette culture. Une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi doit viser des personnes et les interdictions énumérées aux articles 8 et 9 de l’ancienne Loi sont faites à des « personnes ».

[119]   Relativement aux redressements demandés, le plaignant n’a pas soumis de preuve des dommages, que ce soit en ce qui a trait à sa santé ou autre. Les arbitres de griefs peuvent accorder des dommages dans la mesure où un lien de cause à effet a été démontré entre la faute et le dommage, ce qui n’a pas été prouvé au présent dossier.

[120]   La défenderesse a soumis les décisions suivantes à l’appui de son argumentation : Lafrance c. Commercial Photo Service Inc. (supra); Canada (Procureur général) c. Association des employé(e)s en sciences sociales (supra); Saint-Hubert (Ville) c. Syndicat des cols bleus de Ville de Saint-Hubert (supra); Saint-Hubert (Ville) c. Syndicat des cols bleus de Ville de Saint-Hubert, [1999] C.S.C.R. no 75 (QL); Gagnon c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al., dossier de la CRTFP 161-02-687 (1993) (QL); Galbraithc. Conseil du Trésor(Emploi et Immigration), dossier de la CRTFP 166-02-21044 (1991) (QL); Hanzekc.McKinnon et al., dossier de la CRTFP 161-02-334 (1986) (QL); Hanzekc. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossiers de la CRTFP 166-02-17269 et 17271 (1988) (QL); Jacksonc.Séguin, dossier de la CRTFP 161-02-399 (1988) (QL); Kennedy c. Buffie, dossier de la CRTFP 161-02-487 (1988) (QL); Roberts c.Conseil du Trésor (ministère du Revenu national), dossier de la CRTFP 166-02-14933 (1985) (QL); Smallc.Propper et al., dossiers de la CRTFP 161-02-364 et 365 (1987) (QL); Tillerc. Pettis et al., dossier de la CRTFP 161-02-614 (1991) (QL); Veilleuxc.Commission de la fonction publique et al., dossier de la CRTFP 161-02-245 (1983) (QL).

3. Réplique du plaignant

[121]   Le plaignant soumet que la défenderesse voulait appliquer des principes de relations de travail selon lesquels il faudrait négocier le droit à la représentation syndicale. Le droit à la représentation que le plaignant a revendiqué ne peut pas faire l’objet de négociation et l’employeur fait preuve d’ingérence dans les affaires syndicales quand il veut contrôler le temps nécessaire pour la préparation des représentations. L’employeur veut restreindre les droits acquis, qui sont précisés dans l’ancienne Loi et les conventions collectives, sur la base qu’ils proviennent de concessions sur ses droits de gérance.

[122]   Selon le plaignant, il va à l’encontre de son droit à la représentation d’exiger que les représentants syndicaux perdent du salaire lorsqu’ils rencontrent les membres qui ont des problèmes de relations de travail à leur soumettre. Les représentants syndicaux consacrent beaucoup de leur temps aux affaires internes du syndicat et ils n’ont pas en plus à sacrifier leur salaire pour tenter de régler des problèmes de relations de travail avec l’employeur.

[123]   L’employeur n’a pas accordé le même traitement au tuteur en ce qui a trait à l’usage des biens de l’employeur pour la diffusion de documents syndicaux. Le courriel daté du 9 novembre 1999 (pièce G-143), autorisé par l’employeur, était relié à des procédures internes du SEIC (élections de représentants). Des demandes de même nature effectuées par le plaignant ont été refusées (pétition pour changer d’affiliation, pièce G-130). Un refus a aussi été donné relativement à la demande d’affichage des correspondances de la tutelle (pièce G-136). À ces occasions, l’employeur a clairement privilégié le tuteur au lieu des membres dûment élus du comité d’administration de la section locale.

VI. Motifs

A. Application de la nouvelle Loi et des dispositions transitoires

[124]   Les dispositions transitoires du paragraphe 39(1) de la LMFP indiquent que les affaires dont l’ancienne Commission était saisie au 31 mars 2005 se poursuivent devant la nouvelle Commission.

39. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente section, les affaires dont l’ancienne Commission était saisie à l’entrée en vigueur de l’article 12 de la nouvelle loi se poursuivent devant la nouvelle Commission qui en décide conformément à la nouvelle loi.

[125]   L’article 12 de la nouvelle Loi est entré en vigueur le 1er avril 2005 (TR/2005-22). À cette date, la plainte présentée le 4 septembre 2000 par M. Cloutier avait fait l’objet d’une audience et était alors en délibéré, les parties ayant conclu leur preuve et soumis leurs arguments. En application du paragraphe 39(1) de la LMFP, l’affaire doit se poursuivre devant la nouvelle Commission. Cet élément ne crée pas de problème d’interprétation, contrairement à la dernière partie du paragraphe qui stipule que la nouvelle Commission décide de l’affaire conformément à la nouvelle Loi.

[126]   La présente plainte est fondée sur l’alinéa 23(1)a) de l’ancienne Loi et dénonce le non-respect des interdictions énoncées aux articles 8 et 9 et, de façon générale, allègue que la défenderesse s’est rendue coupable d’ingérence dans les affaires d’une organisation syndicale et/ou a fait preuve de discrimination et d’intimidation envers le plaignant sur la base de sa participation à des activités syndicales.

[127]   Les plaintes de cette nature sont maintenant considérées en tant que « pratiques déloyales » définies à l’article 185 de la nouvelle Loi. Une plainte peut être logée à l’encontre de pratiques déloyales de la part d’un employeur sur la base de l’alinéa 190(1)g) de la nouvelle Loi. Cette plainte doit être présentée dans les 90 jours de la date à laquelle le plaignant a eu (ou aurait dû avoir) connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu, tel que précisé au paragraphe 190(2). Ce délai de présentation n’existait pas sous l’ancienne Loi.

[128]   D’autre part, le paragraphe 191(3) de la nouvelle Loi énonce ce qui suit :

  (3) La présentation par écrit, au titre du paragraphe 190(1), de toute plainte faisant état d'une contravention, par l'employeur ou la personne agissant pour son compte, du paragraphe 186(2), constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

[129]   Ce paragraphe prévoit qu’un défendeur est présumé s’être livré à une pratique déloyale sur présentation d’une plainte écrite à cet effet. Il lui incombe alors de prouver que cette pratique n’a pas eu lieu. Ces éléments sont de droit nouveau en vertu de la nouvelle Loi.

[130]   Ainsi, la nouvelle Loi crée de nouvelles obligations à l’égard d’une plainte de pratique déloyale, soit : un délai de prescription de 90 jours; une présomption que l’employeur s’est livré à une pratique déloyale et il s’acquitte du fardeau de démontrer le contraire. La question à trancher est donc à savoir si ces nouvelles obligations s’appliquent à la présente plainte et si le régime de la nouvelle Loi a une portée rétroactive sur la plainte en délibéré.

[131]   Aucune des mesures transitoires de la LMFP ne précise spécifiquement comment des plaintes fondées sur l’alinéa 23(1)a) de l’ancienne Loi doivent être traitées au regard de la nouvelle Loi. Le législateur a clairement spécifié, dans les articles 59 et 60 de la LMFP, que les plaintes visées à l’alinéa 23(1)b) de l’ancienne Loi seront réputées des griefs de principes aux fins de la nouvelle Loi et celles fondées sur l’alinéa 23(1)c) de l’ancienne Loi seront réputées avoir été retirées au 1er avril 2005. Ces éléments démontrent que la volonté du législateur est bien d’appliquer aux plaintes déposées en vertu des alinéas 23(1)b) et 23(1)c) de l’ancienne Loi de nouvelles règles modifiant les droits et obligations des parties à compter du 1er avril 2005.

[132]   Je ne crois pas que l’énoncé général des dispositions transitoires du paragraphe 39(1) de la LMFP, selon lequel les affaires dont était saisie l’ancienne Commission au 31 mars 2005 doivent être décidées conformément à la nouvelle Loi, démontre la volonté du législateur de modifier rétroactivement les droits et obligations des parties au regard de plaintes dont l’ancienne Commission était saisie en vertu de l’alinéa 23(1)a) de l’ancienne Loi. Considérant que le législateur n’a pas spécifiquement précisé comment le nouveau régime des plaintes de pratiques déloyales pourrait recevoir application relativement aux plaintes dont l’ancienne Commission était saisie en vertu de l’alinéa 23(1)a), il faut déterminer si le législateur avait l’intention de modifier rétroactivement les droits et obligations des parties.

[133]   Le principe de non-rétroactivité des lois, souligné par l’employeur, est précisé dans la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), chap. I-21, qui prévoit ce qui suit :

[…]

ABROGATION ET MODIFICATION

  42. (1)   Il est entendu que le Parlement peut toujours abroger ou modifier toute loi et annuler ou modifier tous pouvoirs, droits ou avantages attribués par cette loi.

  43.   L’abrogation, en tout ou en partie, n’a pas pour conséquence :

[…]

b) de porter atteinte à l’application antérieure du texte abrogé ou aux mesures régulièrement prises sous son régime;

c) de porter atteinte aux droits ou avantages acquis, aux obligations contractées ou aux responsabilités encourues sous le régime du texte abrogé;

[…]

e)   d’influer sur les enquêtes, procédures judiciaires ou recours relatifs aux droits, obligations, avantages, responsabilités ou sanctions mentionnés aux alinéas c) et d).

Les enquêtes, procédures ou recours visés à l’alinéa e ) peuvent être engagés et se poursuivre, et les sanctions infligées, comme si le texte n’avait pas été abrogé.

[…]

[134]   L’article 43 de la Loi d’interprétation prévoit que l’abrogation en tout ou en partie d’une loi n’a pas pour conséquence de porter atteinte à l’application antérieure du texte abrogé, aux mesures régulièrement prises sous son régime et aux droits et avantages acquis, aux obligations contractées ou aux responsabilités encourues sous le régime du texte abrogé. La présente plainte a été logée sur la base du texte antérieur (alinéa 23(1)a) de l’ancienne Loi) et les parties ont assumé les obligations et responsabilités qui en découlaient (dépôt de la plainte à l’intérieur d’un délai raisonnable; plaignant ayant à démontrer que les allégations de contravention sont fondées). Le dossier étant au stade du délibéré lors de l’abrogation de l’ancienne Loi, les parties ont exercé leurs droits et avantages y découlant et jouissent de droits et avantages acquis à cette étape de la procédure.

[135]   La jurisprudence a mis de l’avant certains critères pouvant distinguer le droit acquis des simples attentes. Dans l’ouvrage Interprétation des lois, 3 e édition, publié aux Éditions Thémis, Pierre-André Côté précise deux points qui méritent d’être étudiés plus attentivement (page 201) :

[…]

[…] Pour reconnaître des droits acquis, les tribunaux exigent du justiciable qu’il puisse démontrer : 1) que sa situation juridique est individualisée et concrète, et non générale et abstraite, et 2) que sa situation juridique était constituée au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.

[…]

[136]   À la page 209 du même ouvrage, Pierre-André Côté précise ce qui suit, en se référant à la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Picard c. Commission des relations de travail dans la fonction publique, [1978] 2 C.F. 296 (C.A.) :

[…]

          En droit du travail, le renvoi d’une question à un arbitre et le dépôt d’une plainte en matière de discrimination dans l’emploi ont suffi pour assurer la survie de la loi ancienne. […]

[…]

[137]   Comme la présente plainte avait été déposée et entendue avant le 31 mars 2005, cela fait en sorte que la situation des parties était constituée avant l’abrogation de l’ancienne Loi, selon le principe établi dans Picard c. Commission des relations de travail dans la fonction publique (supra). Il semble évident que la situation juridique des parties à la présente plainte est individualisée et concrète du fait du dépôt de la plainte, ainsi que la tenue de l’audience.

[138]   Relativement au nouveau délai de prescription établi par le paragraphe 190(2) de la nouvelle Loi, je considère qu’il constitue une règle de fond et non pas seulement une simple règle de procédure. Le principe établi dans la décision Laquerre c. Canada (Gendarmerie royale), [1995] A.C.F. no 1082 (QL), selon lequel un nouveau délai de prescription énoncé dans une nouvelle loi ne s’applique pas à une procédure engagée en vertu de l’ancienne loi, doit recevoir application à la présente plainte.

[139]   Donner application à la nouvelle Loi, et particulièrement aux dispositions des paragraphes 190(2) et 191(3), irait à l’encontre du principe d’interprétation qui affirme que les lois n’ont pas d’effets rétroactifs, à moins d’une stipulation claire du législateur. Si le législateur avait voulu modifier rétroactivement les droits et obligations des parties relativement aux plaintes déposées en vertu de l’alinéa 23(1)a) de l’ancienne Loi, il l’aurait clairement précisé, comme il l’a fait pour les plaintes déposées en vertu des alinéas 23(1)b) et 23(1)c).

[140]   De plus, la Loi d’interprétation stipule clairement que l’abrogation d’une loi n’a pas pour conséquence d’influer sur les enquêtes, procédures judiciaires ou recours relatifs à des droits, avantages, obligations ou responsabilités acquis ou encourus par les parties (alinéa 43e)). L’article 43 de la Loi d’interprétation précise clairement que les enquêtes, procédures et recours peuvent être engagés et être poursuivis comme si le texte n’avait pas été abrogé.

[141]   Je suis en accord avec la défenderesse qui affirme dans ses représentations que le délai de prescription et la présomption de pratique déloyale de la part de l’employeur sont des règles de fond créant des droits et obligations de nature substantive, qui ne peuvent pas recevoir application dans la présente plainte. En conséquence, la présente plainte est décidée sur la base des droits et obligations découlant de l’ancienne Loi, comme si elle n’avait pas été abrogée.

B. Objection fondée sur le paragraphe 8(1) ou 9(1) de l’ancienne Loi

[142]   Lors de l’audience, le 8 août 2003, j’ai avisé les parties que l’objection soumise par la défenderesse à l’effet que le plaignant ne peut pas déposer de plainte ou soumettre d’argument concernant des prétendues violations des paragraphes 8(1) et 9(1) de l’ancienne Loi, était acceptée et que les motifs de cette décision seraient consignés par écrit dans la décision finale. Ces motifs sont précisés ci-dessous.

[143]   Les paragraphes suivants de l’ancienne Loi énoncent certaines interdictions :

[…]

  8. (1) Il est interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur, de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale, ou d’intervenir dans la représentation des fonctionnaires par une telle organisation ou dans les affaires en général de celle-ci.

[…]

  9. (1) Sauf dans les conditions et cas prévus par la présente loi, un règlement, une convention collective ou une décision arbitrale, il est interdit à une personne occupant un poste de direction ou de confiance, qu’elle agisse ou non pour le compte de l’employeur, de faire des distinctions injustes à l’égard d’une organisation syndicale.

[…]

[Je souligne]

[144]   L’expression « organisation syndicale » est définie comme suit au paragraphe 2(1) de l’ancienne Loi :

« organisation syndicale » Organisation regroupant des  fonctionnaires en vue, notamment, de la réglementation des relations entre l’employeur et son personnel pour l’application de la présente loi; s’entend en outre, sauf indication contraire du contexte, d’un regroupement d’organisations syndicales.

[145]   Seule une organisation syndicale peut se plaindre du non-respect des interdictions énoncées aux paragraphes 8(1) et 9(1) de l’ancienne Loi, car ces interdictions touchent clairement des droits qui appartiennent à ces organisations syndicales. Tout particulièrement, ce principe a été reconnu dans les décisions Reekiec. Thomson, dossier de la CRTFP 161-02-855 (1998) (QL), et Feldstedet al.c.Conseil du Trésor (supra).

[146]   La Commission a conclu ce qui suit dans la décision Reekie c.Thomson, dossier de la CRTFP I61-02-855 (1998) (QL) :

[…]

Une plainte fondée sur l’article 23 de la LRTFP peut invoquer des violations des articles 8, 9 et 10 de la LRTFP . Dans sa plainte, M. Reekie prétend qu’il y a eu violation des paragraphes 8(1) et 9(1) de la LRTFP , lesquels mentionnent une « organisation syndicale », soit l’AFPC en l’espèce, qui est une organisation syndicale définie à l’article 2 de la LRTFP . Vu que M. Reekie n’est pas un représentant officiel de l’AFPC et qu’aucune des personnes présentes à l’audience ne représentait l’AFPC relativement à la présente plainte fondée sur l’article 23, je n’ai pas compétence pour instruire la plainte de M. Reekie.

Les droits prévus aux paragraphes 8(1) et 9(1) de la Loi ont été accordés par le législateur pour protéger les organisations syndicales, telles que l’AFPC, et non pas les fonctionnaires à titre particulier, contre l’intervention ou la discrimination de l’employeur.

[…]

[147]   Ce raisonnement a été suivi par la Commission dans la décision Feldstedet al.c. Conseil du Trésor (supra), dans les termes suivants :

[…]

Je souscris aux deux propositions de Me Kremer. Tout d’abord, il est clair à la lecture des paragraphes 23(1) et 8(1) de la LRTFP que seule une organisation syndicale ou une personne agissant en son nom a le pouvoir légal de déposer une plainte alléguant que l’employeur est intervenu dans les affaires de l’organisation syndicale. Je souscris entièrement aux conclusions auxquelles est arrivé le commissaire Turner dans l’affaire Reekie ( supra ).

[…]

[148]   Le plaignant n’était pas, au moment du dépôt de sa plainte (en septembre 2000), un représentant syndical au sens de la convention collective. Depuis le 3 novembre 1999, l’organisation syndicale avait désigné M. Lambert comme son représentant auprès de l’employeur et avait retiré ce statut aux membres du comité de gestion de la section locale lors de la mise en tutelle (pièce G-134). L’employeur a été avisé, par l’organisation syndicale, du nom de la personne qui agissait comme représentant syndical le 19 novembre 1999 (pièce G-133). À compter de la date de la mise en tutelle, le plaignant n’était donc plus un représentant de l’AFPC, tel que défini à l’article M-8 ou 9 des conventions collectives.

[149]   Je ne peux retenir l’argument du plaignant selon lequel on ne peut pas faire de distinction entre l’employé en tant que personne et l’employé agissant à titre de représentant syndical car, quel que soit son statut, c’est toujours la « personne » qui agit. Dans la décision Willan c. Potts et al. (supra), il n’a pas été contesté que la plaignante était une représentante syndicale au sens de la convention collective. De même, dans Linetsky c. Resanovic et al. (supra), le plaignant était délégué syndical et président de la section locale et ce fait n’a pas été contesté. Ces décisions ne sont donc d’aucune utilité au regard du principe reconnu dans les décisions Reekiec. Thomson, dossier de la CRTFP 161-02-855 (1998) (QL) et Feldsted et al. c. Conseil du Trésor (supra), et ne vont pas à l’encontre de la conclusion que seule l’organisation syndicale, agissant par l’entremise d’un représentant dûment mandaté, peut déposer une plainte alléguant une violation des paragraphes 8(1) et 9(1) de l’ancienne Loi.

[150]   Le plaignant ne peut pas dénoncer le non-respect des interdictions énoncées aux paragraphes 8(1) et 9(1) de l’ancienne Loi touchant les droits d’une organisation syndicale. Sur ce point, l’objection soulevée par la défenderesse est acceptée.

[151]   Il demeure que le plaignant pouvait déposer une plainte alléguant une violation du paragraphe 8(2) de l’ancienne Loi, en son nom personnel, même s’il agissait comme représentant syndical au moment où les incidents sont survenus, sur la base que la défenderesse voulait l’empêcher de participer à des activités syndicales légitimes prévues à l’article 6 de l’ancienne Loi. Celui-ci est rédigé comme suit :

  6. Un fonctionnaire peut adhérer à une organisation syndicale et participer à l’activité légitime de celle-ci.

C. Objection à la tardiveté de la plainte

[152]   Le plaignant fait référence, dans sa plainte, à des incidents qui remontent à mars 1997. L’ancienne Loi et le Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) ne précisent pas de délai pour la présentation de plaintes. Les décisions de la Commission précisent toutefois que de telles plaintes doivent être déposées dans un délai raisonnable. Dans Horsteadc.Alliance de la Fonction publique du Canada et al., dossier de la CRTFP 161-02-739 (1995) (QL), la Commission cite un extrait du Canadian Labour Law sur la question du délai. Cet extrait me semble tout particulièrement pertinent au présent dossier et précise comment la Commission des relations de travail de l’Ontario a traité la question des délais :

  [Traduction]

[…]

La Commission [des relations de travail de l’Ontario] décidera de quelle façon elle doit traiter le délai en s’appuyant sur divers facteurs pertinents. Ceux-ci ont été résumés par le vice-président de la Commission, R.O. MacDowell, dans l’affaire impliquant la ville de Mississauga :

Une lecture attentive des dossiers de la Commission révèle qu’il n’y a pas eu de réponse systématique aux problèmes découlant des délais. Dans chaque cas, la Commission a tenu compte de facteurs tels que : la longueur du délai et ses motifs; la date à laquelle le plaignant a pris connaissance pour la première fois de la présumée violation; la nature du redressement demandé et le fait qu’il vise une responsabilité d’ordre pécuniaire avec effet rétroactif ou qu’il puisse avoir des répercussions sur les relations qui se sont développées depuis la présumée contravention; le fait que la réclamation soit de nature telle que la perte de mémoire, la non-disponibilité des témoins, la détérioration de la preuve ou la destruction des dossiers risquerait d’entraver une audition équitable des questions en litige. De plus, la Commission a reconnu qu’il fallait accorder une certaine latitude aux parties qui ne sont pas au courant de leurs droits légaux ou qui, en raison de leur inexpérience, ont besoin de temps pour préciser convenablement leurs préoccupations et déposer une plainte. Mais il doit exister une certaine limite et, à mon point de vue, à moins de circonstances exceptionnelles ou de considérations d’ordre public primordiales, cette limite doit être mesurée en mois plutôt qu’en années.

[…]

[153]   Je suis d’accord avec la conclusion suivante précisée par la Commission dans Horstead c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al. (supra) :

[…]

Par conséquent, je suis d’avis que même si la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne renferme aucun délai légal relatif au dépôt d’une plainte, j’endosse l’énoncé du juge Estey selon lequel « la meilleure façon de faire échec aux relations de travail consiste à les différer ».

Dans Canadian Labour Law, M. Adams énonce ce qui suit à la page 247 :

[Traduction]

On ne peut énumérer tous les facteurs pertinents relatifs au caractère raisonnable du délai du dépôt d’une plainte. Dans une affaire particulièrement difficile, certains délais peuvent être fort raisonnables. Ce qui importe, d’autre part, c’est qu’en l’absence d’un délai légal précis, un tribunal des relations du travail puisse appliquer des considérations pratiques en matière de relations de travail lorsqu’il traite des plaintes de pratique déloyale de travail qui n’ont pas été déposées aussi rapidement qu’elles auraient dû l’être.

[…]

[154]   Les décisions suivantes de la Commission ont établi que lorsqu’un retard prolongé est démontré, il incombe au plaignant de prouver qu’il a déposé sa plainte dans une période de temps raisonnable : Harrison c. Alliance de la Fonction publique du Canadaet Conseil du Trésor (Revenu Canada Impôt) (supra); Girouxc. Séguin et al., dossiers de la CRTFP 161-02-825 et 826 (1999) (QL) et Machnee c. Klaponski et al. (supra). Je partage ce point de vue, qui doit recevoir application à la présente plainte.

[155]   M. Cloutier a soumis qu’il ne connaissait pas les procédures de l’ancienne Loi ni celles de la convention collective et qu’il a appris tardivement l’existence du recours de plainte prévu à l’article 23 de l’ancienne Loi. Il allègue qu’il n’était pas informé du délai de présentation d’une telle plainte. Il soumet aussi qu’il avait un grand nombre de dossiers à gérer lorsqu’il était représentant syndical et que ceci limitait sa disponibilité pour rédiger et déposer sa plainte. L’employeur lui aurait rendu cette tâche difficile en limitant le temps qui lui a été accordé pour ce faire. Il a expliqué que sa participation à la pétition pour tenter de ne plus faire partie du SEIC a créé des tensions avec les représentants du SEIC ou de l’AFPC, entraînant une perte de confiance envers ces représentants et limitant les sources d’information de la section locale en ce qui a trait aux recours disponibles.

[156]   Le plaignant a dénoncé des actions de l’employeur à son égard, qu’il a qualifiées de discrimination syndicale, de harcèlement envers une personne voulant participer à des activités syndicales en tant que représentant syndical, d’ingérence dans les affaires internes de l’agent négociateur ou de gestes d’intimidation visant à le décourager d’assumer les fonctions de représentant syndical et ce, à partir de 1997. Il a utilisé diverses procédures pour dénoncer les gestes de l’employeur, que ce soit par des griefs basés sur les articles de non-discrimination prévus dans les conventions collectives, ceux reliés aux droits d’affichage, d’utilisation des locaux de l’employeur, de libérations pour affaires syndicales ou pour préparer et effectuer des représentations concernant des griefs ou des plaintes. Il a aussi utilisé la procédure de plainte prévue dans la politique contre le harcèlement en milieu de travail et la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

[157]   À l’occasion de ces divers recours, le plaignant a parfois été conseillé et/ou représenté par des personnes d’expérience qui lui ont parlé de l’existence du recours basé sur l’article 23 de l’ancienne Loi. Andrée Pothier, vice-présidente et représentante du SEIC au niveau régional, a mentionné au plaignant la possibilité de déposer une plainte sur cette base à deux reprises : 1) à la suite de la rencontre patronale/syndicale du 9 mars 1998, lorsque la menace de mettre fin à la nomination intérimaire de M. Cloutier aurait été formulée, car ses activités syndicales auraient eu un impact négatif sur son rendement (pièces G-33 et G-34); et 2) en décembre 1998, lorsqu’il a reçu une mesure disciplinaire pour s’être absenté sans autorisation de son poste de travail pour communiquer avec l’agent négociateur (pièces G-111 à G-113). À cette dernière occasion, Mme Pothier, le plaignant et Mme Rioux auraient rencontré une conseillère du SEIC pour évaluer la possibilité de déposer une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi.

[158]   Lors des incidents relatifs à la pétition pour quitter le SEIC, en septembre 1999, une représentante de l’AFPC aurait conseillé M. Cloutier concernant l’ingérence dont aurait fait preuve l’employeur en le questionnant sur ses gestes posés. À ce moment, M. Cloutier a déposé une plainte dénonçant le harcèlement et l’ingérence de l’employeur dans les affaires syndicales auprès de la directrice générale du CIC, région du Québec (pièce G-124).

[159]   M. Morissette a parlé de la possibilité de déposer une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi lors de la rencontre avec le plaignant et Mme Rioux à la suite de l’incident avec Mme Leclair le 7 mars 2000.

[160]   L’AFPC a clairement précisé au plaignant, dans la correspondance du 26 janvier 2000, les éléments reliés au recours prévu à l’article 23 de l’ancienne Loi, tant en ce qui a trait à l’applicabilité de cet article qu’à la question de son délai d’exercice. La représentante de l’agent négociateur y précise clairement qu’il est trop tard, à cette date, pour déposer une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi à l’encontre d’incidents soulevés dans les griefs contestant les mesures disciplinaires imposées à Mme Rioux (pièce G-119). M. Cloutier a eu connaissance de cette lettre.

[161]   Avant la tutelle, le plaignant a agi en tant que représentant syndical pour la section locale et a représenté ses collègues de travail dans de nombreux dossiers. À ce titre, il se devait de s’informer des droits, obligations et procédures prévus dans l’ancienne Loi et la convention collective afin d’être en mesure d’assumer les obligations rattachées à son mandat. À ce sujet, je suis d’accord avec les propos de la Commission dans Machneec. Klaponski et al. (supra) :

[…]

Dans cette affaire-ci, M. Machnee allègue que la plainte qu’il avait présentée à la Commission de la fonction publique le 13 décembre 1996 pour protester contre le harcèlement dont il était victime englobait aussi une plainte fondée sur l’article 23 de la Loi . Il ajoute qu’on ne l’a jamais informé comme il se devait qu’il fallait porter plainte à la Commission et semble même laisser entendre que son employeur, son agent négociateur et la Commission de la fonction publique sont à blâmer à cet égard. Je manquerais à mon devoir en ne tenant pas compte du fait que le plaignant était délégué syndical dans son unité de négociation et qu’il devait par conséquent représenter et conseiller ses collègues sur leurs droits et leurs obligations. En sa qualité de délégué syndical, il devait donc se conformer à la fois à sa convention collective et à la Loi . S’il ne connaissait pas la procédure de plainte prévue par la Loi , il aurait sûrement dû en avoir entendu parler. Comme la Commission a conclu dans Giroux (supra) : « […] en faisant preuve d’une diligence normale, il aurait certes pu obtenir il y a nombre d’années l’information voulue à propos de la procédure de plainte. »

[…]

[162]   Puisque le plaignant a su à plusieurs occasions depuis 1998 qu’il pouvait déposer une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi, je considère qu’il lui aurait été possible de s’informer adéquatement et de déposer une plainte dans un délai raisonnable à la suite des incidents allégués. Il lui aurait été possible d’obtenir l’information nécessaire à la rédaction de sa plainte auprès de la Commission si, comme il l’a affirmé, les circonstances de la mise en tutelle avaient engendré de la méfiance envers ses représentants syndicaux. D’autre part, les déclarations du plaignant lors de l’audience à l’effet qu’il n’avait pas déposé de plainte par manque de temps, ayant d’autres priorités à gérer, ou parce qu’il voulait tenter de régler le problème par d’autres recours, ne peuvent constituer des excuses valables pour ne pas avoir agi dans un délai raisonnable à la suite des incidents.

[163]   Pour ces motifs, je considère que les incidents survenus avant le 26 janvier 2000 n’ont pas fait l’objet d’une plainte dans un délai raisonnable. À cette date, le plaignant a été informé que les incidents à l’origine des griefs soumis par Mme  Rioux étaient hors délai raisonnable. Il a quand même attendu jusqu’au 4 septembre 2000, soit plus de sept mois plus tard, pour déposer sa plainte. En pratique, dans le cas de M. Cloutier, je considère que seuls les incidents reliés à la mesure disciplinaire qui lui a été remise le 2 juin 2000 et reliés à la rencontre tenue avec Mme  Leclair le 7 mars 2000, relativement à l’envoi d’un courriel à l’encontre de la politique du ministère, ont été contestés à l’intérieur d’un délai raisonnable.  Comme les congés demandés par M. Cloutier pour rédiger sa plainte en juillet 2000 lui ont été accordés, je ne peux pas retenir que ces événements puissent supporter les allégations soumises.

[164]   L’objection de la défenderesse à la tardivité de la plainte est acceptée en partie, les incidents allégués survenus avant le 26 janvier 2000 n’ayant pas été contestés dans un délai raisonnable.

D. Sur le fond de la plainte

[165]   Seuls les incidents survenus après le 26 janvier 2000 sont considérés comme ayant été soumis dans un délai raisonnable suivant mes conclusions sur cette question citées précédemment. Ainsi, les incidents reliés et découlant de l’audience tenue devant Mme Leclair le 7 mars 2000 au deuxième niveau de la procédure applicable aux griefs sont considérés comme ayant été contestés dans un délai raisonnable.

[166]   Sommairement, cette audience devant Mme Leclair devait traiter des allégations d’ingérence dans les affaires syndicales précisées dans la correspondance de M. Cloutier du 18 octobre 1999 (pièce G-124).

[167]   M. Cloutier était représenté à cette audience par M. Morissette, représentant régional de l’AFPC à Montréal. M. Cloutier voulait que Mme Rioux assiste à l’audience et M. Morissette a avisé l’employeur qu’il désirait s’adjoindre Mme Rioux à titre de conseillère technique. M. Morissette a demandé que l’employeur accorde à Mme Rioux un congé pour affaires de l’AFPC à cette occasion (pièce G-144).

[168]   Un incident est survenu à la suite de cette demande, l’employeur refusant un congé payé pour que Mme Rioux assiste à l’audience. Seule cette question a été débattue à l’audience devant Mme Leclair. Le plaignant, son représentant syndical et Mme  Rioux ont quitté l’audience sans faire de représentations sur le fond du grief. Suivant les conseils prodigués par son représentant syndical, Mme Rioux a refusé de remplir une demande de congé pour sa présence à l’audience.

[169]   Il est important de préciser que la preuve démontre que Mme Tester avait demandé à Mme Rioux, avant l’audience, de remplir une telle demande de congé (pièce P-18). Mme Rioux a discuté de ceci avec M. Morissette parce que Mme Tester avait mentionné que l’employeur n’accorderait pas de congé payé pour l’occasion. Il a été décidé que la question de congé payé serait soumise à Mme Leclair au début de l’audience.

[170]   Au début de l’audience, la question du congé payé a été soulevée et Mme Leclair a maintenu que les frais du congé de Mme Rioux ne seraient pas assumés par l’employeur. Le plaignant, M. Morissette et Mme Rioux ont alors quitté l’audience, tel qu’ils l’avaient préalablement prévu.

[171]   Mme Rioux a été avisée verbalement par Lise Gignac, directrice de la section Investigation et renvoi, qu’une mesure disciplinaire lui serait remise pour s’être absentée de son poste de travail sans autorisation préalable (pièce P-19). M. Cloutier intervient par courriel auprès de Mme Gignac, le 17 avril 2000, pour dénoncer cette annonce de mesure disciplinaire et réclamer qu’elle ne soit pas émise (pièce G-145). Il se sent personnellement visé par cette mesure disciplinaire, qu’il considère comme du harcèlement envers Mme Rioux parce qu’elle a participé à l’audience à la demande de son représentant. L’employeur (Carole Lamarre, directrice du Service intérieur) a remis, le 2 juin 2000, une mesure disciplinaire à M. Cloutier, qui n’aurait pas respecté la politique sur l’utilisation du courrier électronique en acheminant, sans autorisation, une copie conforme de sa correspondance à des personnes non concernées par le contenu du courriel (pièce G-146). L’employeur lui a imposé une suspension de cinq jours, puisqu’il en était à sa troisième infraction relative à l’insubordination.

[172]   Dans sa plainte, M. Cloutier précise comme suit ses arguments, qu’il a explicités lors de son témoignage (pièce G-3) :

[…]

Les incidents reliés à notre pétition (automne 99)

[…]

J’ai fait parvenir un courrier électronique à la gestionnaire en question pour tenter de résoudre cette situation d’infraction, ce qui m’a valu une mesure disciplinaire. Le motif invoqué est encore une fois l’utilisation soit disant illégale de l’outil de l’employeur du fait que j’ai mis en copie les membres de notre exécutif sous tutelle. De plus, la mesure disciplinaire réfère à l’insubordination du fait que j’aurais délibérément enfreint la politique. Les personnes en copie étaient concernées par la situation et je n’ai pas défié la politique d’utilisation du courrier électronique.

Le ministère a tenté de faire obstacle à toute représentation jusqu’à intimider les témoins utiles à la présentation dans le cadre d’un recours; ce qui a constitué dans ce cas un harcèlement indirecte [ sic ] à mon endroit. Une pétition d’une centaine de membres a été remise à l’employeur pour contester ma suspension. J’ai appris qu’il y avait répondu par courriel et par petits groupes, personnalisant ainsi le débat.

Une fois de plus, le ministère a fait un spectacle de cette mesure disciplinaire démesurée en « montant la garde à mon bureau » me traitant ainsi au même titre qu’un criminel dangereux et attaquant de ce fait ma réputation.

La mauvaise foi du ministère s’en est trouvée évidente du fait qu’il s’est intéressé davantage à inventer des infractions de ma part au lieu de voir à la résolution de ses propres infractions à la LRTFP et aux principes de justice naturelle.

[…]

[173]   M. Cloutier soulève quatre éléments relativement à cet incident :

1)
la mesure disciplinaire serait injustifiée;
2)
l’employeur aurait voulu faire obstacle à son droit de recours en voulant empêcher toute représentation en intimidant son témoin (Mme Rioux);
3)
l’action de l’employeur constitue du harcèlement indirect à son endroit;
4)
l’employeur l’a harcelé en portant atteinte à sa réputation en « montant la garde » à son bureau.

[174]   Ces allégations représenteraient selon le plaignant des actions régies par les interdictions énoncées au sous-alinéa 8(2)c)(ii) de l’ancienne Loi, qui est rédigé comme suit :

(2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit :p

[…]

c)   de chercher, notamment par intimidation, par menace de destitution ou par l’imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger un fonctionnaire :

[…]

(ii)   à s’abstenir d’exercer tout autre droit que lui
        accorde la présente loi.

[175]   Relativement à l’allégation que la mesure disciplinaire serait injustifiée, le plaignant a admis lors de son témoignage qu’il a pris connaissance de la politique du ministère lorsqu’elle a été publiée en novembre 1995. Il a aussi pris connaissance de la note de service publiée le 12 décembre 1996, qui a rappelé aux employées certains éléments de la politique (pièce G-148). Les documents indiquent ce qui suit :

[Politique sur le courrier électronique de novembre 1995]

[…]

Les messages électroniques ne doivent être envoyés qu’aux destinataires des groupes fonctionnels concernés auxquels l’information est utile. Le courrier électronique ne doit pas être utilisé pour diffuser des messages personnels (p. ex., un curriculum vitae ou des annonces concernant des emplois) ou pour inviter le personnel à des activités mondaines, sportives ou autres.

Utilisation incorrecte

[…]

L’accès non autorisé et l’utilisation abusive ou incorrecte, y compris la lecture du courrier électronique d’une autre personne, constituent une mauvaise utilisation du système et peuvent entraîner des mesures administratives ou disciplinaires.

[…]

[Note de service du 12 décembre 1996]

[…]

Par conséquent, tous employés qui doivent transmettre un message électronique à des employés à l’extérieur de leur groupe ou de leur Région doivent préalablement obtenir l’autorisation du gestionnaire concerné. […] En outre, les employés qui utilisent le système à d’autres fins que celles prévues pourraient faire l’objet de mesures disciplinaires ou autres. […]

[...]

[ Sic pour l’ensemble de la citation]

[176]   Une mesure disciplinaire avait été remise à M. Cloutier le 5 novembre 1999, relativement à l’utilisation du courrier électronique (pièce G-126). À cette occasion, l’employeur lui avait précisé ce qui suit :

[…]

À l’avenir vous devez toujours demander et obtenir l’autorisation de Mme Christiane Beaupré pour l’utilisation de l’équipement  du gouvernement pour fin de distribution adressée aux employés de CIC, Région du Québec, selon la politique sur l’utilisation du courrier électronique ainsi que le code de conduite du ministère (copies jointes). Toute autre infraction ou écart de conduite pourrait mener à d’autres mesures disciplinaires plus sévères et menant jusqu’au congédiement.

[…]

[177]   À la lumière de l’avis précité, il est clair que M. Cloutier était informé de la politique d’utilisation du courrier électronique et que les messages ne devaient être envoyés qu’aux destinataires des groupes fonctionnels concernés et qu’une autorisation préalable du gestionnaire devait être accordée pour transmettre un message électronique à des employés à l’extérieur de son groupe. De plus, dans la mesure disciplinaire qu’il a reçue le 5 novembre 1999, il a été expressément avisé qu’il devait demander et obtenir l’autorisation préalable de Mme Beaupré pour envoyer un courrier électronique aux employés du CIC, région du Québec.

[178]   Selon la preuve déposée devant moi, M. Cloutier n’a pas demandé ni obtenu l’autorisation préalable de Mme Beaupré pour transmettre le courriel du 17 avril 2000 aux personnes énumérées en copie conforme. Entre autres, il a envoyé ce courriel aux « membres de l’exécutif local sous tutelle – section locale 10405 » (pièce G-145). Les membres du comité de gestion de la section locale en tutelle sont des employés qui n’ont pas d’intérêt personnel dans la question soulevée par M. Cloutier dans son courriel, soit une mesure disciplinaire annoncée à Mme Rioux. Les membres du comité de gestion de la section locale en tutelle n’ont plus le statut de représentants syndicaux au sens de la convention collective et ne sont que des fonctionnaires, d’autres unités ou groupes de travail. Le message transmis est d’ordre personnel, dénonçant une situation que M. Cloutier considère injuste, mais qui n’a rien à voir avec les responsabilités des destinataires du courriel. Ainsi, sur ce point, il semble que la mesure disciplinaire remise à M. Cloutier repose sur une base factuelle démontrant une infraction à la politique sur l’utilisation du courrier électronique.

[179]   De plus, M. Cloutier se serait rendu coupable d’insubordination, car il aurait clairement agi à l’encontre de la directive précisée dans la mesure disciplinaire du 5 novembre 1999, en ne demandant pas et en n’obtenant pas l’autorisation préalable de Mme Beaupré pour transmettre un message électronique aux employés du CIC, région du Québec. La mesure disciplinaire du 2 juin 2000 semble fondée sur des infractions réelles.

[180]   Selon la jurisprudence, il incombe au plaignant de démontrer que la mesure disciplinaire qui lui a été imposée était injuste et constituait une violation des interdictions énoncées au paragraphe 8(2) de l’ancienne Loi. À cet égard, la Commission a précisé ce qui suit relativement à une plainte fondée sur le paragraphe 8(2) de l’ancienne Loi dans Veilleux c. Commission de la fonction publique et al.  (supra) :

[…]

9. Il ressort du texte des alinéas ci-dessus que le plaignant avait un double fardeau de preuve à satisfaire dans le cadre de la présente plainte. En premier lieu, il devait faire la preuve qu’on avait effectivement établi à son égard des distinctions injustes ou qu’on s’était effectivement livré à son endroit à des actes d’intimidation, d’ostracisme de harcèlement et de chantage. En somme, il devait prouver quels actes reprochés aux défendeurs avaient été effectivement commis. En second lieu, il devait également faire la preuve de l’intention desdits agissements allégués dans la plainte, c’est-à-dire qu’il devait établir que lesdits agissements avaient pour but de l’empêcher d’exercer un droit que la Loi lui accorde. En l’instance, le plaignant prétend que les défendeurs ont agi à son égard dans le but de l’empêcher d’exercer des fonctions syndicales et d’utiliser son droit de grief.

[…]

[181]   La Cour d’appel fédérale a endossé cette position dans la cause Canada (Procureur général) c. Association des employé(e)s en sciences sociales (supra), dans les termes suivants :

[…]

[51]  Aux termes de l’alinéa 23(1) a ) de la Loi, la Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l’employeur n’a pas, « observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10. » Il n’y a absolument aucun doute qu’il appartient au plaignant, en l’espèce les défendeurs, de faire la preuve du bien-fondé de sa plainte (voir Veilleux et la Commission de la fonction publique , [1983] C.P.S.S.R.B. no 9; Prue et Bhabba , [1989] C.R.T.F.P.C. no 210; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Little , [1996] C.R.T.F.P.C. no 76 (Q.L.)).

[…]

[182]   La Cour d’appel fédérale précise aussi, dans le même jugement, que le plaignant doit prouver que l’employeur avait une intention coupable ou anti-syndicale pour que sa plainte soit accueillie :

[…]

[53]   Au paragraphe 94 de sa décision, la Commission a dit, à bon droit selon moi, que les actes de discrimination interdits par les articles 8 et 9 de la Loi « doivent avoir une intention coupable ou antisyndicale ». Dans la décision Re Major Foods , précitée, à la page 136, l’arbitre a dit :

Les commissions des relations de travail ont jugé que, pour qu’il y ait infraction à l’interdiction prévue par la loi, il faut prouver l’intention discriminatoire.

[54]   La décision de la Commission n’était fondée sur aucune preuve dont elle était saisie qui lui aurait permis de conclure que le Conseil du trésor [ sic ] avait une intention antisyndicale. Par conséquent, la seule conclusion possible que la Commission aurait pu tirer, compte tenu de la preuve, était que les défendeurs ne s’étaient pas acquittés du fardeau de la preuve qui leur incombait.

[…]

[183]   Le plaignant a voulu démontrer que la mesure disciplinaire qui lui a été imposée découle d’une intention discriminatoire de l’employeur à son endroit, reposant sur une animosité anti-syndicale. Dans sa plainte, il allègue que la rencontre du 7 mars 2000, lors de laquelle la défenderesse tente de contrecarrer son droit d’effectuer des représentations allant jusqu’à intimider ses témoins, est teintée d’une telle animosité syndicale (pièce G-3). Pour réussir par cette voie, le plaignant devait démontrer que Mme Leclair voulait empêcher Mme Rioux d’agir comme témoin lors de l’audience de son grief de harcèlement (au deuxième niveau), ou que la décision de refuser à Mme Rioux un congé payé pour ce faire constituait une manœuvre d’intimidation à l’endroit de M. Cloutier.

[184]   La preuve de ces éléments ne soutient pas les allégations. D’une part, le congé demandé pour Mme Rioux était pour lui permettre d’assister à l’audience de grief à titre de conseillère technique et non en tant que témoin (pièce G-144). En aucun moment lors de l’audience devant Mme Leclair il n’a été question que Mme Rioux ait le statut de témoin. D’autre part, le seul élément en litige est si l’employeur devait assumer les frais du congé de Mme Rioux. Je ne vois pas en quoi cette question de congé payé ou non payé pourrait constituer une menace (ou une intimidation) envers une personne. Il n’a pas été démontré qu’un droit à un congé payé pour un fonctionnaire agissant en tant que conseiller technique au cours d’une audience de grief est prévu à la convention collective. Le refus d’accorder ce congé ne peut pas démontrer, en de telles circonstances, que la défenderesse voulait empêcher Mme Rioux d’agir comme conseillère technique ou avait l’intention de l’intimider ou d’empêcher M. Cloutier d’exercer des droits de représentations lors de cette audience.

[185]   En ce qui a trait au refus de l’employeur d’accorder un congé payé à Mme Rioux, le raisonnement de la Commission dans Tiller c.Pettis et al. (supra) peut recevoir application au présent dossier. L’extrait suivant de cette décision, avec lequel je suis d’accord, énonce le raisonnement qui suit :

[…]

[…] Néanmoins, il incombe au plaignant d’établir que l’objet de sa plainte est compris dans les interdictions figurant aux articles 8, 9 et 10. À mon avis, le plaignant n’a pas prouvé que les défendeurs, lorsqu’ils lui ont refusé le congé qu’il avait demandé en vertu de la clause M-14.09, cherchaient à l’obliger à s’abstenir d’exercer ses droits. Les défendeurs ont chaque fois expliqué la position de l’employeur quant à l’interprétation de la clause M-14.09. Dans l’affaire qui nous occupe, la Commission n’a pas à décider si l’interprétation retenue par les défendeurs était correcte; en revanche, il n’y a rien dans la preuve qui donne à croire que l’interprétation a été faite de mauvaise foi ou qu’elle visait à empêcher le fonctionnaire d’exercer un droit que lui reconnaissait la Loi.   Au contraire, le fait que les représentants de l’employeur ont accordé un congé annuel au plaignant chaque fois qu’il a demandé à s’absenter pour pouvoir préparer un grief montre bien qu’il ne cherchaient pas à l’obliger à s’abstenir d’exercer ses droits. Nul doute que le plaignant, dans ces circonstances, aurait préféré qu’on lui accordât le congé en application de la clause M-14.09, plutôt que de l’obliger à prendre un congé annuel, mais cela ne veut pas dire, en soi, que l’affaire est pour autant comprise dans les interdictions énoncées à l’article 8. S’il avait été établi que l’employeur avait fait preuve de mauvaise foi en refusant les congés, la conclusion à cet égard aurait pu être différente; or aucune preuve n’a été produite à l’appui d’une telle hypothèse.

[…]

[186]   L’employeur n’a pas empêché les représentations qui auraient pu être faites concernant le grief. Qu’aucune représentation n’ait été faite relève clairement et essentiellement du fait que le plaignant et son représentant se sont retirés de la rencontre avec Mme Leclair. Bien qu’il invoque le refus de l’employeur d’accorder un congé payé à Mme Rioux pour motiver la décision de ne pas effectuer de représentations sur son grief de harcèlement, il s’agit bien du plaignant et de son représentant qui ont décidé de ne pas effectuer ces représentations sur cette question. Les représentations à ce palier de la procédure applicable aux griefs auraient pu être effectuées par le plaignant et son représentant malgré le fait que l’employeur refusait d’accorder un congé payé à Mme Rioux. La question du congé payé aurait pu faire l’objet d’un grief après coup. En ce sens, rien dans la preuve devant moi n’établit que la défenderesse aurait, lors de la rencontre du 7 mars 2000, démontré une animosité anti-syndicale reposant sur une volonté d’empêcher les représentations lors de l’audience du grief.

[187]   De plus, le plaignant n’a pas démontré de distinction injuste à son endroit du fait de la mesure disciplinaire du 2 juin 2000. Il n’a pas non plus démontré que la défenderesse a voulu l’empêcher d’exercer un droit de représentation concernant un grief de harcèlement en violation d’une interdiction énoncée au sous alinéa 8(2)c)ii) de l’ancienne Loi.

[188]   En ce qui a trait à la question des congés demandés par le plaignant sur la base de l’article M-14 de la convention cadre ou de l’article 14 de la convention collective pour le groupe Services des programmes et de l’administration, bien que ces éléments de la plainte aient été considérés hors délais et/ou reliés aux droits de l’agent négociateur, je tiens à préciser que le plaignant n’a pas démontré la mauvaise foi de la défenderesse à cet égard. Je ne peux accepter que le fait que l’employeur ait maintenu son interprétation des articles de la convention collective (pas de droit à un congé payé pour des rencontres avant le dépôt d’un grief) sur une longue période de temps, et ce, malgré la décision contraire d’un arbitre de grief, puisse constituer une preuve de mauvaise foi ou établir une animosité anti-syndicale. La mauvaise foi ne peut pas découler seulement de l’accumulation des refus sur cette question, mais doit être prouvée ou démontrée par des gestes, des paroles ou des écrits démontrant une animosité anti-syndicale et une intention d’empêcher le plaignant d’exercer un droit que lui confère l’ancienne Loi. Il est bien établi en droit que la mauvaise foi ne se présume pas.

[189]   Le fait que l’employeur ait escorté le plaignant jusqu’à son poste de travail et, par la suite, jusqu’à sa sortie de l’immeuble en application de ses suspensions ne démontre pas non plus une intention de nuire au plaignant en portant atteinte à sa réputation en le traitant comme un criminel. Le plaignant n’a pas démontré que, en l’escortant de la sorte, l’employeur avait l’intention de lui nuire ou de porter atteinte à sa réputation. Cette allégation doit être soutenue par une preuve de faits imputables à la défenderesse.

[190]   Malgré le fait que les autres incidents soient hors délai et/ou reliés aux droits de l’agent négociateur, ils ne pourraient pas, de toute façon, être considérés comme un cumul d’incidents démontrant une animosité anti-syndicale ou des actes de mauvaise foi visant à obliger le plaignant de s’abstenir d’exercer un droit que lui conférait l’ancienne Loi en l’absence de preuve à cet effet. Le raisonnement appliqué aux incidents reliés à l’audience de grief du 7 mars 2000 trouverait aussi application pour l’ensemble des autres incidents allégués dans la plainte. Le plaignant a fondé sa preuve de mauvaise foi ou d’animosité anti-syndicale strictement sur le cumul de ces incidents.

[191]   Pour chacun des autres incidents allégués dans la plainte, il n’a pas été démontré que la défenderesse avait l’intention, en agissant comme elle l’a fait, d’intimider le plaignant pour l’empêcher de participer à des activités syndicales légitimes de représentation des membres de la section locale. Les motifs précités sur cette question peuvent recevoir application pour l’ensemble des faits allégués.

[192]   Nonobstant la décision de les considérer hors délai raisonnable, les incidents entourant la signature de la pétition des membres pour se retirer du SEIC et la tutelle imposée à la section locale sont pertinents pour expliquer dans quel contexte les événements du 7 mars 2000 sont survenus.

[193]   Le plaignant allègue qu’on a voulu restreindre sa participation à des activités syndicales légitimes en l’intimidant, entre autres, à l’aide de mesures disciplinaires injustifiées. Cet argument ne pourrait pas être accepté relativement à la suspension imposée à M. Cloutier pour avoir distribué les documents reliés à la pétition (pièce G-126).

[194]   À cette occasion, M. Cloutier a reçu une suspension de trois jours pour avoir distribué par courrier électronique et par télécopieur des documents alors que la permission de ce faire lui avait été refusée le 17 septembre 1999. Bien que la demande d’autorisation n’était que pour la diffusion par courrier électronique et l’affichage sur le tableau d’affichage, la réponse de l’employeur est négative et ne peut porter à confusion. En envoyant les documents malgré ce refus, M. Cloutier aurait agi à l’encontre de la directive de l’employeur, qui semble raisonnable au regard de la convention collective. M. Cloutier connaissait les conséquences pouvant découler de son geste, allant même jusqu’à transmettre ses conseils de prudence dans les termes suivants (pièce G-125) :

[…]

[…] Compte tenu des messages ci joint, je te suggère d’être plutot discret vis à vis la démarche sur les lieux de travail.  […]

[…]

[ Sic pour l’ensemble de la citation]

[195]   L’employeur n’a pas fait preuve d’ingérence en voulant savoir de M. Cloutier s’il avait contrevenu à la directive reçue. Bien que les questions puissent avoir été mal formulées, l’employeur a voulu connaître la version de M. Cloutier pour vérifier l’exactitude des éléments dont il avait été informé (pièce G-124). Les conventions collectives permettent l’affichage au tableau d’affichage sur approbation préalable par l’employeur, qui ne peut pas refuser sans motif valable. Le refus de l’employeur, basé sur les éléments précisés dans sa réponse du 17 septembre 1999, me paraît valable en vertu de la convention collective; le message n’étant pas manifestement un avis officiel de l’AFPC. De plus, permettre la diffusion du message pouvait être préjudiciable à l’employeur, qui aurait ainsi pris partie pour un groupe de fonctionnaires, en permettant de distribuer un document prônant le retrait de la section locale du SEIC en contravention du paragraphe 10(1) de l’ancienne Loi. Le fait que M. Cloutier ait été escorté hors du lieu du travail à la suite de l’émission de la mesure disciplinaire ne peut pas être considéré comme discriminatoire à son endroit en l’absence d’une preuve déterminante à cet effet.

[196]   L’argument selon lequel toutes les personnes qui ont agi pour l’employeur auraient appliqué la culture du ministère ne pourrait pas être retenu de toute façon. Le plaignant devait démontrer l’existence d’une animosité envers lui à cause de ses activités syndicales qui avait pour but de le décourager de participer à ces activités syndicales légitimes. Le plaignant n’a pas démontré en quoi et comment Céline Tremblay (qui a reçu la demande de congé pour affaires de l’AFPC de Mme  Rioux, pièce G-144), Mme Gignac (qui a reçu l’intervention écrite de M. Cloutier en faveur de Mme Rioux, pièce G-145), Mme Lamarre (qui a émis la mesure disciplinaire à M. Cloutier, pièce G-146) et Mme Leclair (qui a procédé à la rencontre du 7 mars 2000) auraient contrevenu aux interdictions énoncées au sous-alinéa 8(2)c)(ii) de l’ancienne Loi.

[197]   Le plaignant a soumis plusieurs décisions à l’appui de ses arguments, qui traitent de plaintes en vertu du Code du travail du Québec. Dans ces cas, le fardeau de la preuve que doit assumer un plaignant est bien différent de celui qu’il doit assumer  en vertu de l’ancienne Loi. Le Code du travail du Québec établit une présomption en faveur d’un plaignant lorsqu’il est démontré que le salarié exerce un droit lui résultant du Code. Cette présomption est présentée comme suit dans Cloutier c. Société des alcools du Québec (supra) :

[…]

L’article 17 du Code , qui traite de la présomption, a d’ailleurs été modifié en même temps que l’article 15 pour tenir compte de cette nouvelle réalité :

S’il est établi à la satisfaction du commissaire du travail saisi de l’affaire que le salarié exerce un droit lui résultant du présent Code , il y a présomption en sa faveur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui à cause de l’exercice de ce droit et…

[…]

Il m’apparaît important de poser cette prémisse, puisqu’elle suggère qu’il n’y a pas nécessité, en présence d’une plainte de représailles, de démontrer par preuve directe l’intention illicite de l’employeur, pas plus qu’on n’ait à le faire lors d’une plainte de congédiement : dans l’un et l’autre cas, c’est la présomption qui peut servir à établir cette intention qui serait souvent difficile à prouver autrement. Ainsi, peut-on conclure, il suffira, dans les cas de représailles, de constater une modification du cadre de travail d’un salarié, de manière concomitante à l’exercice d’un droit lui résultant du Code, pour que naisse la présomption.

Exiger davantage serait, il me semble contraire à l’esprit et à la lettre des articles 15 et suivants.

[…]

Cette présomption étant établie, le commissaire se devait d’examiner l’explication fournie par les représentants de la S.A.Q. pour déterminer si elle constitue la cause juste et suffisante pouvant renverser la présomption ou si au contraire elle n’est qu’un prétexte pour masquer une mesure de représailles. Devant forcément comprendre que le commissaire a opté pour la première solution, c’est avec beaucoup d’égards que j’estime qu’il y a là erreur.

[…]

[198]   Une telle présomption, une fois établie, renverse le fardeau de la preuve et impose à l’employeur de fournir une explication pouvant la renverser. L’ancienne Loi n’établit aucune présomption rejettant le fardeau de la preuve sur la défenderesse. Les décisions précitées précisent bien que, selon l’ancienne Loi, il incombe au plaignant de démontrer le bien-fondé de sa plainte.

[199]   Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

[200]   Les allégations de violation des interdictions énoncées aux paragraphes 8(1) et 9(1) de l’ancienne Loi ne peuvent faire l’objet d’une plainte par le plaignant.

[201]   Les allégations du plaignant fondées sur les incidents survenus avant le 26 janvier 2000 n’ont pas été présentées dans un délai raisonnable.

[202]   La plainte est rejetée en ce qui a trait à toutes les autres allégations.

Le 26 janvier 2006.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

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