Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Procédure de règlement des griefs - Demande de remise à une date ultérieure La fonctionnaire s’estimant lésée alléguait qu’elle avait été l’objet de mesures disciplinaires en 2001 et 2002 - elle a comparu à l’audience sans son avocat et a demandé que l’audience soit remise - l’arbitre de grief a conclu que tout préjudice, pour la fonctionnaire s’estimant lésée, résultant du refus d’accorder une remise serait essentiellement le résultat des gestes de la fonctionnaire - par ailleurs, différer le traitement des griefs pourrait exposer l’employeur à un préjudice accru - l’arbitre de grief a en outre pris en compte l’objectif d’intérêt public consistant à veiller à ce que les griefs soient tranchés avec diligence. Demande rejetée. Procédure de règlement des griefs - Demande pour procéder par voie de représentations écrites - ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 La fonctionnaire s’estimant lésée alléguait qu’elle avait été l’objet de mesures disciplinaires - avant l’audience, l’employeur a soulevé des objections à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre les griefs, parce qu’aucune mesure disciplinaire n’avait été imposée à la fonctionnaire s’estimant lésée, que les griefs de celle-ci soulevaient des questions liées aux droits de la personne et que la Commission canadienne des droits de la personne n’avait pas décidé que la fonctionnaire s’estimant lésée devait épuiser la procédure de règlement des griefs - la fonctionnaire s’estimant lésée a comparu à l’audience sans son avocat et a demandé à être autorisée à traiter des objections de l’employeur par voie de représentations écrites - l’arbitre de grief a conclu que les parties ne s’entendaient pas pour dire que la fonctionnaire s’estimant lésée avait fait l’objet de mesures disciplinaires et il a conclu qu’une procédure par voie de représentations écrites ne lui donnerait probablement pas de preuve suffisante pour rendre une décision - l’arbitre de grief s’est toutefois réservé le droit de reconsidérer la possibilité de représentations écrites sur des points particuliers, selon l’évolution de l’audience. Demande rejetée. Procédure de règlement des griefs - Demande de récusation La fonctionnaire s’estimant lésée a comparu à la reprise de l’audience, accompagnée de son avocat, et a demandé que l’arbitre de grief se récuse parce que sa conduite lors des deux premiers jours de l’audience lui inspirait une crainte raisonnable de partialité - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas établi qu’une personne raisonnable et bien informée de tout le contexte de l’audience conclurait au bien-fondé d’une telle crainte. Demande de récusation rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P 35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-06-07
  • Dossiers:  166-02-31313
    166-02-32584
    à 32586
  • Référence:  2006 CRTFP 71

Devant un arbitre de grief



ENTRE

ANNA CHOW

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Statistique Canada)

employeur

Répertorié
Chow c. Conseil du Trésor (Statistique Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P–35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Dan Butler, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée : Elle–même
Harry Kopyto, mandataire
John R.S. Westdal, avocat
Richard Mercier, avocat
 
Pour l'employeur : Drew Heavens, Secrétariat du Conseil du Trésor
Karl Chemsi, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 20 et 21 février et le 10 avril 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Griefs renvoyés à l'arbitrage

[1]   Mme Anna Chow (« la fonctionnaire s’estimant lésée ») est au service de Statistique Canada au pré Tunney, à Ottawa, à titre d’analyste d’établissements multiples (CR–05). Le 11 avril 2002, elle a reçu la réponse de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs aux 84 griefs qu’elle avait déposés (les numéros de grief mentionnés dans la présente décision correspondent à ceux qu’elle a utilisés et qui figurent dans cette réponse au dernier palier, versée au dossier).

[2]   Le 3 mai 2002, la fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé 84 griefs à l’arbitrage de grief. Dans une lettre en date du 21 mai 2002, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (« l’ancienne Commission ») se disait incapable de traiter ces griefs car l’information fournie dans la formule 14 (Renvoi à l’arbitrage) était incomplète et les retournait donc à l’intéressée.

[3]   Le 22 mai 2002, la fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé sept griefs (les numéros 4, 15, 24, 66, 68, 69 et 77) à l’arbitrage de grief en vertu du sous–alinéa 92(1)b)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C., 1985, ch. P–35 (« l’ancienne Loi »).

[4]   Dans une lettre datée du 17 juin 2002, l’ancienne Commission a refusé de traiter trois de ces griefs car ils ne semblaient pas être la compétence d’un arbitre de grief en vertu du sous–alinéa 92(1)b)(i) de l’ancienne Loi. Elle a réuni les quatre autres griefs dans le dossier d’arbitrage 166–02–31313 :

[Traduction]

GRIEF No 4
L’employeur m’a suspendue à toutes fins utiles depuis le 1er juillet 2001, en prétextant des problèmes de santé ou d’invalidité, contrevenant ainsi à l’article 17, Discipline, de la convention collective, faute d’avoir appliqué la procédure pertinente.

J’allègue donc qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire déguisée.
[...]

GRIEF No 66
L’employeur me pénalise en définitive en m’empêchant sans motif valable de retourner au travail depuis le 1er juillet 2001.

[...]

GRIEF No 68
L’employeur me pénalise financièrement en m’empêchant de retourner au travail depuis le 1er juillet 2001.

[...]

GRIEF No 77
L’employeur m’a suspendue à toutes fins utiles depuis le 1er juillet 2001, sous prétexte d’appliquer les Codes de sécurité et santé au travail
.

J’allègue donc qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire déguisée incluant une sanction pécuniaire.
[...]

[Les passages soulignés sont dans l’original]

[5]   Le 23 août 2002, l’ancienne Commission a écrit aux parties pour les informer qu’elle avait fixé la date d’audience du dossier 166–02–31313 au 15 octobre 2002. La fonctionnaire s’estimant lésée a écrit à l’ancienne Commission, le 4 septembre 2002, pour lui demander de reporter l’audience jusqu’à ce que la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) ait rendu une décision [traduction] « [...] parce que mes griefs concernent un motif de distinction illicite [...] ». L’employeur ne s’est pas opposé à cette demande, et l’ancienne Commission l’a accueillie.

[6]   La fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé d’autres griefs à l’arbitrage de grief le 6 août 2002. Dans une lettre du 30 septembre 2002, l’ancienne Commission les lui retournait en se disant incapable de traiter ces griefs car l’information fournie dans la formule 14 (Renvoi à l’arbitrage) était incomplète.

[7]   Le 19 décembre 2002, la fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé 33 griefs à l’arbitrage de grief (les numéros 94 à 110, 113, 114, 116 à 128 et 130). L’employeur avait donné sa réponse à ces griefs et à 13 autres (allant des numéros 85 à 130) au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 1er août 2002.

[8]   Le 3 juin 2003, la fonctionnaire s’estimant lésée a écrit à l’ancienne Commission pour savoir où en étaient ses griefs renvoyés à l’arbitrage de grief en décembre 2002. Le 25 juillet 2003, l’ancienne Commission lui a répondu qu’elle avait ouvert des dossiers pour 16 des griefs en question. Elle lui en a toutefois retourné 17 qui ne lui semblaient pas relever de la compétence d’un arbitre de grief en vertu des sous–alinéas 92(1)b)(i) et (ii) de l’ancienne Loi. L’ancienne Commission a groupé les 16 autres griefs dans les trois dossiers suivants :

[Dossier de la CRTFP 166–02–32584 (licenciement)]

[Traduction]

GRIEF No 94
Je conteste mon licenciement selon les modalités exposées dans la lettre en date du 22 mai 2002 signée par M. Richard Barnaby.

GRIEF No 95
Je conteste mon licenciement résultant de mesures disciplinaires
.

J’allègue donc qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire déguisée incluant une sanction pécuniaire.

GRIEF No 96
Je conteste mon licenciement, qui constitue en fait une mesure disciplinaire déguisée.

GRIEF No 97
M. Richard Barnaby et l’employeur m’ont licenciée injustement sans motif valable.

GRIEF No 98
J’ai été licenciée injustement, car il s’agit d’un congédiement déguisé.

GRIEF No 120
J’ai été licenciée injustement sous prétexte que j’étais absente du travail, tel que déclaré dans la lettre du 22 mai 2002, alors que j’avais fourni un certificat médical attestant que j’étais apte à travailler.

GRIEF No 121
J’ai été licenciée injustement sous prétexte que j’étais absente du travail, tel que déclaré dans la lettre du 22 mai 2002, car l’employeur a falsifié des renseignements personnels concernant mon comportement pour justifier et légitimer son refus constant de m’autoriser à retourner au travail pour m’acquitter de mes fonctions.

GRIEF No 122
Le motif de licenciement invoqué par l’employeur est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour subir un examen médical parce que j’aurais omis de me présenter à plusieurs rendez–vous préétablis par Santé Canada avec des médecins, car je me suis présentée à tous ces rendez–vous (deux).

GRIEF No 123
Le motif de licenciement invoqué par l’employeur est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour subir un examen médical à Santé Canada parce que j’aurais omis, lors d’un rendez–vous, de signer le formulaire de consentement requis afin que le médecin puisse communiquer à l’employeur les résultats de l’examen visant à établir si j’étais apte à travailler, car l’employeur a falsifié et forgé des renseignements à mon sujet dans la lettre de consultation que le médecin m’a remise à ce rendez–vous.

GRIEF No 124
Le motif de licenciement invoqué par l’employeur est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour avoir déclaré que j’avais signé contre mon gré la formule de consentement à subir une évaluation médicale à Santé Canada, car j’ai fait cette déclaration pour toutes les raisons relatives à mon harcèlement par l’employeur, tel qu’indiqué dans mes griefs.

GRIEF No 125
Le motif de licenciement invoqué par l’employeur est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour avoir déclaré que j’avais signé contre mon gré la formule de consentement à subir une évaluation médicale à Santé Canada, car ce consentement doit être donné volontairement, ainsi que l’employeur en a été informé à deux reprises par la Dre Lisa Taris de Santé Canada.

GRIEF No 126
Le motif de licenciement invoqué par l’employeur est injuste, à savoir mon « manque de collaboration » pour avoir déclaré que j’avais signé contre mon gré la formule de consentement à subir une évaluation médicale à Santé Canada, car j’ai informé l’employeur par écrit que j’étais disposée à collaborer pleinement en me soumettant à l’examen médical et en signant tous les documents requis à cette fin.

GRIEF No 127
Le motif de licenciement invoqué par l’employeur est injuste, car j’ai reçu de vive voix des évaluations de rendement « entièrement satisfaisant » de mes supérieures, Mmes Christiane Leclair et Kathy Piening Faris, de même qu’une excellente lettre de recommandation de Mme Leclair pour mon travail à la DOI; j’ai respecté le délai et l’objectif global (établis de concert avec ma supérieure) durant mon affectation de deux mois à la DFCE, et l’employeur a falsifié et forgé des renseignements personnels me concernant sur des problèmes de comportement, dans des documents destinés à Santé Canada.

[Dossier de la CRTFP 166–02–32585 (suspension)]

[Traduction]

GRIEF No 103
Je conteste le fait que l’employeur m’a refusé l’autorisation de me présenter au lieu de travail pour m’acquitter de mes fonctions, initialement dans le seul but de me contraindre à subir l’examen médical de Santé Canada pour déterminer si j’étais apte à travailler et à signer tous les documents exigés par Santé Canada, dans le véritable but de me licencier pour incapacité afin de m’obliger à demander des prestations d’invalidité.

[Dossier de la CRTFP 166–02–32586 (sanction pécuniaire)]

[Traduction]

GRIEF No 106
Je conteste le fait que l’employeur m’a initialement refusé sans motif valable l’accès au lieu de travail pour que je puisse m’acquitter de mes fonctions.

J’allègue donc qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire déguisée incluant une sanction pécuniaire.

GRIEF No 107
Je conteste le fait que l’employeur a continué de me refuser sans motif valable l’accès au lieu de travail pour que je puisse m’acquitter de mes fonctions, même si j’avais présenté plusieurs certificats médicaux attestant que j’étais apte à travailler.

J’allègue donc qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire déguisée incluant une sanction pécuniaire.

[Les passages soulignés sont dans l’original]

[9]   Le 6 août 2003, l’employeur a déclaré dans un courriel adressé à l’ancienne Commission qu’il contestait la compétence d’un arbitre de grief d’instruire les dossiers de la Commission 166–02–32584 à 32586, parce que les affaires avaient été renvoyées à l’arbitrage de grief après l'expiration du délai prescrit par le Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) (« le Règlement »).

[10]   Le 11 août 2003, la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé que les trois nouveaux dossiers d’arbitrage de grief soient eux aussi suspendus en attendant une décision de la CCDP. L’ancienne Commission a accueilli cette demande le 28 août 2003, en priant la fonctionnaire s’estimant lésée de lui faire savoir quand elle serait prête à poursuivre la procédure.

[11]   Le 31 mars 2004, l’employeur a présenté par écrit une contestation détaillée de la compétence d’un arbitre de grief quant aux quatre renvois à l’arbitrage de grief, en demandant leur rejet. En résumé, l’employeur soulevait trois objections. Il prétendait, en premier lieu, que toutes les questions soulevées dans les griefs étaient inextricablement liées aux allégations de discrimination avancées par la fonctionnaire s’estimant lésée dans la plainte à la CCDP; elles n’étaient donc pas de la compétence d’un arbitre de grief en vertu de l’article 92 de l’ancienne Loi et ne pouvaient être instruites à moins que la CCDP ne décide que, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP), L.R.C., 1985, ch. H–6, la fonctionnaire s’estimant lésée devait épuiser les recours prévus par la procédure de règlement des griefs. En deuxième lieu, concernant les allégations de suspension et de sanctions pécuniaires dans les dossiers de la CRTFP 166–02–31313, 32585 et 32586, l’employeur soutenait qu’aucune mesure disciplinaire n’avait été imposée et que rien n’indiquait que les griefs alléguaient une violation de la convention collective, de sorte que les conditions prévues par l’article 92 de l’ancienne Loi n’avaient pas été remplies. En troisième lieu, quant aux dossiers de la CRTFP 166–02–32584 à 32586, la fonctionnaire s’estimant lésée avait renvoyé les griefs à l’arbitrage de grief bien après l’expiration du délai prescrit par le Règlement.

[12]   Le 19 mai 2004, M. Harry Kopyto, mandataire de la fonctionnaire s’estimant lésée, a déposé une réplique à la contestation de compétence soulevée par l’employeur. Cette réplique a été communiquée à l’employeur pour qu’il puisse y répondre, et l’ancienne Commission a pris l’affaire en délibéré.

[13]   Le 19 juillet 2004, l’ancienne Commission a informé les parties par écrit de sa décision de suspendre les renvois à l’arbitrage de grief jusqu’à ce que la CCDP ait tranché la plainte de la fonctionnaire s’estimant lésée. Le 4 novembre 2004, la fonctionnaire s’estimant lésée a informé l’ancienne Commission que la CCDP avait rendu sa décision.

[14]   Le 15 novembre 2004, l’employeur a fait tenir à l’ancienne Commission copie de la décision de la CCDP rejetant la plainte de la fonctionnaire s’estimant lésée. L’employeur réitérait la position qu’il avait fait valoir dans sa lettre du 31 mars 2004 et soulignait que la CCDP n’avait pas décidé que la fonctionnaire s’estimant lésée aurait dû épuiser les recours prévus par la procédure de règlement des griefs. Il déclarait en outre que les questions soulevées par la fonctionnaire s’estimant lésée avaient été tranchées dans le cadre du processus de plainte de la CCDP et qu’elles n’étaient donc pas du ressort d’un arbitre de grief. Enfin, il demandait derechef à l’ancienne Commission de rejeter les quatre renvois.

[15]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé sa réponse aux observations de l’employeur le 7 janvier 2005, en disant que les questions soulevées dans ses griefs n’étaient pas inextricablement liées aux allégations de discrimination ayant fait l’objet de sa plainte à la CCDP, qui ne s’était d’ailleurs pas penchée sur toutes les questions soulevées. Il restait des questions à trancher, de son point de vue. Les griefs relatifs à la suspension et aux sanctions pécuniaires et le grief n o 4 font bel et bien mention d’une violation de la convention collective. En raison des lacunes dans son enquête, la CCDP avait abouti à un [traduction] « [...] déni de justice naturelle [...] ». Un arbitre de grief devrait donc avoir compétence pour instruire les renvois à l’arbitrage de grief.

[16]   Le 7 février 2005, l’employeur a confirmé par écrit qu’il maintenait sa contestation de compétence pour les motifs déjà avancés. Au sujet de la prétention de la fonctionnaire s’estimant lésée qu’il y avait eu une violation de la convention collective, il a déclaré que les renvois à l’arbitrage de grief n’étaient pas fondés sur l’alinéa 92(1)a) de l’ancienne Loi, et que, contrairement à ce qui est exigé dans les cas où le renvoi concerne l’application ou l’interprétation de la convention collective, rien n’indiquait qu’elle ait obtenu l’appui pourtant indispensable de son agent négociateur. Et l’employeur a de nouveau prié l’ancienne Commission d’exercer les pouvoirs qui lui étaient conférés par l’ancien Règlement en rejetant toutes les affaires.

[17]   Le 9 février 2005, l’ancienne Commission a informé les parties qu’elle avait décidé de tenir une audience les 27 et 28 juin 2005 pour statuer sur la question de compétence.

[18]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.

[19]   Le 6 juin 2005, la fonctionnaire s’estimant lésée a présenté une demande de remise de l’audience afin de retenir les services d’un avocat. Le président de la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a accueilli cette demande le 14 juin 2005, malgré l’opposition de l’employeur, en demandant à la fonctionnaire s’estimant lésée de lui communiquer les coordonnées de son avocat au plus tard le 5 juillet 2005. Il a ensuite péremptoirement mis les quatre renvois à l’arbitrage au rôle, en vue d’une audience en août ou septembre 2005.

[20]   Dans un courriel expédié à 21 h 58 le 5 juillet 2005, la fonctionnaire s’estimant lésée s’est dite incapable de donner les coordonnées de son avocat parce qu’Aide juridique Ontario ne lui avait pas encore répondu. La Commission lui a immédiatement demandé si elle avait besoin d’une prolongation de délai. Trois semaines plus tard, le 27 juillet 2005, la fonctionnaire s’estimant lésée a présenté une demande de prolongation de délai en déclarant qu’elle ne savait pas quand ses efforts pour retenir les services d’un avocat aboutiraient.

[21]   Le 25 septembre 2005, la fonctionnaire s’estimant lésée, toujours à la recherche d’un avocat, a demandé au président de remettre l’audience jusqu’à ce qu’Aide juridique Ontario lui ait répondu et que la Cour fédérale ait rendu une décision sur sa demande de contrôle judiciaire de la décision de la CCDP de rejeter sa plainte. L’employeur s’est opposé à cette demande. Le 18 octobre 2005, le président a rejeté la demande de la fonctionnaire s’estimant lésée et fixé l’audience aux 20, 21 et 22 février 2006.

[22]   Le 14 février 2006, Me John Westdal a informé la Commission par écrit que la fonctionnaire s’estimant lésée avait retenu ses services plus tôt dans la journée, en demandant la remise de l’audience pour pouvoir consulter et préparer ses arguments. L’employeur s’est opposé à cette demande. Dans sa réponse à l’avocat, la Commission a exposé la chronologie des demandes de remise de la fonctionnaire s’estimant lésée, en précisant que le président rejetait sa demande (au dossier). Le 17 février 2006, Me Westdal a informé la Commission qu’il ne représentait plus Mme Chow.

[23]   Le 16 février 2006, Me Richard Mercier a informé la Commission que la fonctionnaire s’estimant lésée avait retenu ses services le 15 février 2006 et qu’il demandait la remise de l’audience. Le président a rejeté la demande. La Commission a communiqué à Me Mercier la chronologie des demandes de remise présentées par la fonctionnaire s’estimant lésée (au dossier).

[24]   Le 17 février 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée a écrit directement à la Commission pour demander au président de revenir sur sa décision de rejeter la demande de remise de l’audience, en soulevant des questions de procédure sur la présentation tardive et la recevabilité des contestations de l’employeur et sur la décision de la Commission de tenir une audience pour trancher ces contestations, ainsi qu’en demandant s’il ne serait pas possible de trancher ces questions de compétence en se fondant sur les observations écrites des avocats. La Commission a fait tenir copie des arguments de la fonctionnaire s’estimant lésée à son avocat, en disant que ces questions pourraient être soulevées devant l’arbitre de grief au début de l’audience.

[25]   En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi.

II. Audience des 20 et 21 février 2006

[26]   Conformément à la décision de l’ancienne Commission communiquée aux parties le 9 février 2005, les affaires dont j’ai été saisi au début de l’audience le 20 février 2006 étaient les contestations de ma compétence soulevées par l’employeur quant aux renvois à l’arbitrage de grief en vertu de l’article 92 de l’ancienne Loi. La fonctionnaire s’estimant lésée s’est présentée seule à l’audience. D’entrée de jeu, l’employeur a confirmé qu’il maintenait ses contestations quant aux questions de droits de la personne et aux mesures disciplinaires. Durant l’audience, il a retiré sa contestation invoquant le renvoi tardif des griefs à l’arbitrage.

[27]   La fonctionnaire s’estimant lésée a soulevé trois questions préliminaires. Premièrement, elle a demandé la remise de l’audience; deuxièmement, elle a contesté le respect du délai de présentation et la recevabilité des contestations de ma compétence par l’employeur, compte tenu de l’entente intervenue entre les parties le 6 août 2003 en vue de suspendre les renvois à l’arbitrage de grief jusqu’à ce que la décision de la CCDP soit rendue; troisièmement, elle m’a demandé de trancher les contestations de ma compétence en me fondant sur des observations écrites des avocats.

[28]   Dans les deux jours d’audience, j’ai d’abord entendu la preuve et les arguments concernant la demande de remise de l’audience et d’autorisation de présenter des observations écrites sur la question des contestations de ma compétence. J’ai rejeté la demande de remise, en précisant que j’allais préciser mes motifs de décision par écrit. J’ai ensuite dit que je ne pouvais pas accueillir d’emblée la demande d’autorisation de procéder avec observations écrites, en me réservant toutefois le droit d’y revenir au cours de l’audience. J’ai aussi déclaré que j’entendais préciser mes motifs de décision par écrit sur ce point–là. Ensuite, j’ai entendu la preuve et les arguments sur la question du respect du délai de présentation et sur l’acceptabilité des contestations de ma compétence. Après avoir dit qu’elle avait de la difficulté à comprendre les arguments de l’employeur, la fonctionnaire s’estimant lésée a accepté de présenter sa réfutation par écrit dans le délai prévu. J’ai alors entendu le premier témoin de l’employeur sur sa contestation de ma compétence quant aux mesures disciplinaires ainsi que la première partie du contre–interrogatoire de la fonctionnaire s’estimant lésée. Après des discussions officieuses avec les parties, j’ai décidé de suspendre la présentation de la preuve quant aux mesures disciplinaires en tranchant d’abord les autres questions préliminaires. Enfin, j’ai établi le délai de présentation des observations écrites sur la contestation de ma compétence quant aux questions de droits de la personne.

[29]   La Commission a ensuite confirmé pour moi la procédure établie et le délai de présentation des observations écrites, dans une lettre en date du 23 février 2006.

[30]   Puisque les parties ont mentionné à l’audience qui s’est tenue ultérieurement, le 10 avril 2006, mon rejet de vive voix, le 20 février 2006, de la demande de remise de l’audience et d’autorisation de procéder par observations écrites, j’expose d’abord dans la présente décision les motifs de cette décision afin de tenir la promesse que je leur ai faite. Ces motifs ont été rédigés immédiatement après la première audience, avant que la fonctionnaire s’estimant lésée ne demande ma récusation.

A. Demande de la fonctionnaire s’estimant lésée que l’audience soit remise et que l’on procède avec des observations écrites

1. Résumé de la preuve

[31]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que son agent négociateur lui avait fait savoir, après son licenciement en 2002, qu’il n’entendait pas la représenter dans les griefs en instance. C’est donc dire qu’elle était contrainte d’assumer ses frais d’avocat. Or, ses ressources financières étaient très limitées. Après avoir perdu son emploi, elle était retournée aux études et venait d’obtenir son diplôme. Elle n’avait toujours pas beaucoup d’argent et devait rembourser ses prêts étudiants. En raison d’un décès dans sa famille au cours de l’été de 2005, elle avait manqué de temps et d’argent pour préparer son dossier.

[32]   Elle a déclaré avoir reçu en juin 2005 une lettre de la Commission lui demandant les coordonnées de son avocat, en disant y avoir répondu en septembre seulement à cause du décès d’un membre de sa famille pendant l’été.

[33]   Elle a déclaré qu’elle avait encore de nombreuses « autres obligations », notamment des dettes à rembourser. Ce n’est qu’une semaine avant l’audience qu’elle a communiqué avec l’avocat qui la représente, M. Mercier.

[34]   En contre–interrogatoire, la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que son agent négociateur lui avait fait savoir le 16 juillet 2002 qu’il ne la représenterait plus. Elle a convenu avec l’employeur que cette absence d’appui de l’agent négociateur n’était pas un fait « nouveau », pas plus que sa situation financière, qui n’avait guère changé depuis 2002. Elle a admis qu’elle n’avait pas signalé le décès dans sa famille à la Commission parce qu’elle estimait qu’il s’agissait d’une affaire personnelle. Il lui apparaît néanmoins que c’est pertinent, puisque ce décès a influé sur le temps et sur les ressources financières dont elle disposait pour préparer son dossier.

[35]   L’employeur a déclaré qu’il s’appuierait sur les documents dont je dispose, à savoir le rapport d’enquête de la CCDP sur la plainte de la fonctionnaire s’estimant lésée (pièce E–1) et une ordonnance de la Cour fédérale en date du 5 janvier 2006 rejetant la demande de la fonctionnaire s’estimant lésée qui réclamait un contrôle judiciaire de la décision de la CCDP (au dossier, mais produite à nouveau comme pièce E–2).

2. Résumé de l’argumentation

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[36]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que sa situation personnelle, particulièrement ses ressources financières modestes et le décès dans sa famille en août 2005 sont des raisons impérieuses de remettre l’audience.

[37]   Elle ne s’estime pas responsable de tous les retards dans l’audition de ses griefs. Elle a dit avoir corrigé la chronologie des demandes de remise d’audience et des décisions dans sa lettre à la Commission en date du 17 février 2006 et m’a renvoyé à ses observations écrites (au dossier).

[38]   La fonctionnaire s’estimant lésée venait tout juste de retenir les services de Me Mercier, qui ne pouvait pas être présent à l’audience car il devait déjà comparaître en cour à Montréal.

[39]   L’agent négociateur de la fonctionnaire s’estimant lésée a refusé de la représenter. Elle a déclaré que tout employé a le droit d’être représenté, en disant qu’elle voulait bénéficier des avis d’un avocat pour la préparation de son dossier.

[40]   Elle m’a pressé de lui accorder une remise d’audience pour lui permettre de se faire conseiller et représenter par un avocat et m’a demandé l’autorisation d’exposer ses observations par écrit.

Pour l’employeur

[41]   L’employeur a soutenu que la conduite de la fonctionnaire s’estimant lésée révélait une propension à demander des prolongations et des remises d’audience, tant dans le cas des renvois à l’arbitrage de grief que dans d’autres recours.

[42]   La fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas invoqué de nouvelle raison pour justifier une remise supplémentaire, hormis un décès dans sa famille en août 2005. Comme elle n’a jamais signalé ce décès à la Commission, l’employeur s’interroge sur la crédibilité de son témoignage à cet égard.

[43]   La fonctionnaire s’estimant lésée a toujours une raison de demander une prolongation. L’ancienne Commission a souvent accueilli ses demandes, comme en témoigne sa lettre du 16 février 2006 (au dossier), mais le président a plus récemment décidé qu’il ne pouvait plus accorder d’autres remises. L’employeur estime que le comportement révélé par la chronologie des événements au dossier constitue un abus de procédure.

[44]   La plainte présentée à la CCDP et la demande de contrôle judiciaire par la Cour fédérale constituent aussi un abus de procédure, selon l’employeur.

[45]   L’enquêteur de la CCDP a pris acte des retards de la fonctionnaire s’estimant lésée et de son refus de se conformer aux directives quand il lui a demandé de déposer une réfutation (pièce E–1) :

[Traduction]

[...]

  1. Le 26 novembre 2003, la plaignante a été priée de présenter sa réfutation au plus tard le 5 janvier 2004. Elle a demandé une prolongation de « plusieurs mois » parce qu’elle était en période d’examens et qu’elle avait besoin de temps pour demander conseil. Dans une lettre en date du 11 décembre 2003, on voit qu’une prolongation d’un mois lui a été accordée jusqu’au 5 février 2004, mais que si la réfutation n’était pas reçue à cette date, l’enquête se poursuivrait sans elle [sic]

  2. Le 30 janvier 2004, dans une télécopie, la plaignante a déclaré qu’elle avait consulté un avocat de l’aide juridique qui lui avait conseillé de demander une prolongation de délai pour présenter sa réfutation. Elle ajoutait qu’elle n’avait pas encore trouvé de conseiller juridique pour l’aider à préparer son dossier, en demandant une autre prolongation pour une période indéterminée. On lui a accordé une dernière prolongation de quatre semaines, jusqu’au 4 mars 2004, en la prévenant que si la réfutation n’était pas reçue à cette date, l’enquête se poursuivrait sans elle [sic]

  3. Le 2 mars 2004, l’enquêteur a reçu une autre télécopie de la plaignante réclamant une troisième prolongation de « deux ou trois semaines environ » pour permettre à son conseiller juridique de terminer la rédaction de sa réfutation. L’enquêteur a téléphoné à la plaignante pour la prier de dire à son avocat qu’une dernière prolongation était accordée jusqu’au 18 mars 2004, mais que si la réfutation n’avait pas été reçue à cette date, le rapport d’enquête serait déposé.

  4. Seize semaines après avoir prié la plaignante de présenter une réfutation, celle–ci se fait toujours attendre [sic]

[...]

[46]   Au paragraphe cinq du rapport d’enquête de la CCDP, on peut lire que la fonctionnaire s’estimant lésée avait obtenu l’aide d’un avocat de l’aide juridique dès janvier 2004, et, au paragraphe six, qu’elle avait retenu les services d’un avocat en mars 2004.

[47]   Dans le cas de sa demande de contrôle judiciaire de la décision de la CCDP par la Cour fédérale, la fonctionnaire s’estimant lésée a clairement contrevenu à une ordonnance de la Cour, ce qui lui a valu un blâme du greffier, le 5 janvier 2006 (pièce E–2). Sa demande a été rejetée principalement pour abus de procédure :

[Traduction]

[...]

[...] La requérante n’ayant pas déposé un dossier de requête dans le délai prescrit par les Règles des Cours fédérales , la Cour a été dûment saisie de la requête en radiation présentée par le défendeur afin qu’une décision soit rendue [...].

[...]

La requérante n’a pas déposé un dossier de requête dans le délai prévu. Le 12 décembre, elle a écrit à titre officieux à la Cour en vue d’obtenir une prolongation du délai pour une période indéterminée au motif que, bien qu’elle ait été avisée de vive voix de la directive et de son contenu « plusieurs jours » après la date y figurant, elle n’en avait reçu copie par télécopieur que le 9 décembre 2005 [...].

[...]

[...] la requérante a décidé, en toute connaissance de cause de soumettre un dossier non conforme à l’ordonnance de la Cour. De ce fait, le dépôt du dossier constituait un abus de procédure. Autoriser la plaignante à modifier et redéposer le dossier serait tolérer cet abus. Les faits démontrent en outre une propension de la requérante à présenter des éléments de preuve irrecevables avec un mépris flagrant des ordonnances de la Cour. Accorder à la plaignante l’autorisation de modifier le dossier ne ferait que l’inciter davantage à la désobéissance.

[...]

[48]   La fonctionnaire s’estimant lésée est au courant des contestations de ma compétence soulevées par l’employeur depuis la lettre de ce dernier en date du 31 mars 2004 (au dossier). Elle y a d’ailleurs répondu par écrit dès le 7 janvier 2005 (au dossier). Elle sait en outre, depuis la lettre de l’employeur du 7 février 2005, à la suite de la décision de la CCDP, qu’il maintient ces contestations (au dossier).

[49]   Conformément à l’ancien Règlement, un arbitre de grief peut demander aux parties de lui exposer leurs arguments ou de lui fournir des précisions supplémentaires par écrit pour trancher une affaire. C’est généralement dans l’intérêt du fonctionnaire s’estimant lésé qu’une audience publique est tenue. Dans l’affaire qui nous occupe, l’employeur a présenté des arguments écrits et demandé que la question soit tranchée sans audience. La décision de rejeter cette demande et de tenir une audience publique devrait être considérée comme un avantage accordé à la fonctionnaire s’estimant lésée; pourtant, elle en a abusé. Les dates d’audience lui ont été communiquées depuis longtemps, mais ce n’est que la semaine avant l’audience qu’elle a retenu les services de Me Westdal. Le lendemain, semble–t–il, elle a retenu ceux de Me Mercier, de Montréal.

[50]   En définitive, la demande de remise de l’audience à ce stade–ci et dans le contexte actuel, constitue un abus de procédure et devrait être rejetée. La demande d’autorisation de présenter des observations écrites n’est tout simplement qu’une autre manœuvre en vue d’obtenir une prolongation, et elle devrait aussi être rejetée.

Réfutation de la fonctionnaire s’estimant lésée

[51]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’il est faux de prétendre qu’elle ait retenu les services d’un avocat auparavant. L’échange avec un avocat de l’aide juridique auquel fait allusion le paragraphe cinq du rapport d’enquête de la CCDP (pièce E–1) s’est limité à un entretien téléphonique au cours duquel cet avocat lui a conseillé quoi faire, mais elle n’avait pas retenu ses services comme avocat. La personne mentionnée au paragraphe six du même rapport n’était pas un avocat, mais un mandataire qui l’a aidée quelque temps seulement.

[52]   La fonctionnaire s’estimant lésée estime qu’elle n’a pas abusé de la procédure. Ses demandes de remise de l’audience sont attribuables au fait qu’elle n’arrivait pas à trouver un avocat acceptant de prendre son dossier et qu’elle n’avait pas les moyens d’en payer un. Elle a dû renoncer à l’option d’un avocat de l’aide juridique et d’un mandataire car ils ne pouvaient pas [traduction] « se consacrer à [sa] cause ». Elle a dit chercher une autre solution au problème, et elle a effectivement trouvé un avocat une semaine avant l’audience, ce qui prouve qu’elle a fait des démarches, qu’elle n’invente pas que des prétextes et qu’elle est prête à se consacrer elle–même à sa cause.

[53]   Tout le monde gagnerait à ce que l’arbitre de grief autorise la présentation d’observations écrites. L’employeur devrait se montrer plus conciliant avec l’avocat de la fonctionnaire s’estimant lésée et convenir avec lui d’un calendrier. Il serait injuste de priver la fonctionnaire s’estimant lésée de son avocat.

B. Motifs

[54]   La fonctionnaire s’estimant lésée me demande d’ajourner l’audience et d’autoriser la présentation d’observations écrites sur lesquelles je me fonderais pour trancher les contestations de ma compétence. Or, ces deux demandes sont contradictoires. Si j’accepte la seconde, l’audience préliminaire prendra fin et la question de la remise ne se posera plus. Les arguments de la fonctionnaire s’estimant lésée sont nébuleux sur ce point. J’ai évité l’éventuelle contradiction entre les deux demandes en envisageant d’abord la possibilité d’une remise, puis en accordant valeur d’argument complémentaire ou subsidiaire à la demande d’autorisation de présenter des observations écrites.

[55]   L’arbitre de grief a toute latitude pour diriger et définir la procédure d’arbitrage de grief pourvu qu’il respecte l’obligation d’audition équitable. Il possède notamment le pouvoir d’accorder un ajournement (Canadian Labour Arbitration, Third Edition, par MM. Brown et Beatty, au paragraphe 3:2300). Sous le régime de l’ancienne Loi, le pouvoir de l’arbitre de grief de définir la procédure d’audience découlait des droits et pouvoirs généraux qui lui sont conférés par le paragraphe 96.1 :

96.1 L'arbitre de grief a, dans le cadre de l'affaire dont il est saisi, tous les droits et pouvoirs de la Commission, sauf le pouvoir réglementaire prévu à l'article 22.

[56]   Divers facteurs influent sur l’exercice du pouvoir d’accorder une remise d’audience, mais la principale tâche est d’évaluer le préjudice que l’accueil ou le rejet de la demande causerait aux parties (Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 3:2340).

[57]   L’argumentation de la fonctionnaire s’estimant lésée pour obtenir la remise de l’audience repose essentiellement sur sa conviction qu’elle a le droit d’être conseillée ou représentée par un avocat. Le rejet de ses demandes, prétend–elle, équivaudrait à lui refuser les conseils ou la représentation juridiques dont elle estime avoir besoin et qu’elle était en droit d’exiger pour l’audience des 20 et 21 février 2006. La possibilité qu’elle subisse un préjudice est très réelle. Il se peut que les contestations de ma compétence soulèvent des points de droit et d’autres questions complexes qu’une personne non représentée aurait de la difficulté à saisir et qui dépassent probablement les capacités de la fonctionnaire s’estimant lésée. Dans ces conditions, j’estime qu’un arbitre de grief doit se montrer particulièrement circonspect, en se gardant de contraindre une employée non représentée à poursuivre la procédure à moins qu’il n’existe des raisons impérieuses de procéder autrement.

[58]   Cela étant dit, il est néanmoins crucial de reconnaître que l’affaire en cause oppose deux parties. Pour trancher sur la demande de la fonctionnaire s’estimant lésée, je dois comprendre et évaluer le préjudice que le remise ou non–remise de l’audience pourrait causer à chaque partie en tenant compte de leurs intérêts et droits respectifs pour décider comment procéder. J’estime que je dois également prendre en considération l’intérêt public, en veillant à ce que la procédure de règlement des griefs prévue par l’ancienne Loi produise des résultats sans retards excessifs et ne tombe pas en discrédit.

[59]   J’ai donc examiné attentivement les arguments de la fonctionnaire s’estimant lésée et ceux de l’employeur. L’instruction de la demande en l’espèce ne devrait pas faire abstraction des événements survenus jusqu’ici. Il m’est impossible de ne pas tenir compte des multiples lettres, observations et décisions de procédure remontant à 2002 que renferme le dossier de la fonctionnaire s’estimant lésée, et qui établissent le contexte de l’audience. Je trouve dans ce dossier et dans les arguments des parties des raisons de rejeter la demande de remise de l’audience.

[60]   La décision de la Commission de tenir une audience a été communiquée aux parties le 9 février 2005, plus d’un an à l’avance. L’ancienne Commission a ordonné la tenue d’une audience afin qu’un arbitre de grief puisse peser les arguments oraux des parties concernant les contestations de compétence soulevées par l’employeur, en plus des observations écrites déjà au dossier. Ces contestations ont été communiquées à la fonctionnaire s’estimant lésée immédiatement après réception de la lettre de l’employeur datée du 31 mars 2004, soit il y a presque deux ans. M. Kopyto, le mandataire de l’intéressée, a répondu par écrit aux arguments de l’employeur peu de temps après. La fonctionnaire s’estimant lésée a elle–même déposé des arguments écrits pour contester ces contestations par l’employeur le 7 janvier 2005. Bref, elle sait depuis longtemps ce que propose l’employeur, elle a eu des mois pour préparer ses arguments sur les contestations de compétence et elle a bel et bien présenté des observations dans le passé sur ces contestations, tant personnellement que par l’intermédiaire de son mandataire. Elle ne peut donc pas invoquer l’effet de surprise.

[61]   Le décompte en vue de l’audience a commencé dès février 2005. En excluant les événements antérieurs à février 2005, alors que les remises étaient essentiellement le fait d’une décision de l’ancienne Commission de suspendre les renvois à l’arbitrage de grief de la fonctionnaire s’estimant lésée, que révèle le dossier?

[62]   L’ancienne Commission a mis au rôle le 9 février 2005 les quatre renvois à l’arbitrage de grief de la fonctionnaire s’estimant lésée, en fixant l’audience aux 27 et 28 juin 2005, presque cinq mois plus tard. Le préavis de février informait comme il se doit les parties de la tenue prochaine d’une audience. La fonctionnaire s’estimant lésée avait donc amplement le temps de se trouver un avocat et de préparer son dossier pour l’audience. En outre, aucune des parties n’a communiqué avec l’ancienne Commission pour lui faire savoir que les dates provisoires d’audience posaient problème. La Commission a confirmé l’audience des 27 et 28 juin 2005 sept semaines d’avance, par préavis écrit en date du 6 mai 2005 (au dossier).

[63]   Or, quatre semaines plus tard, la fonctionnaire s’estimant lésée a présenté une demande de remise de l’audience de juin afin de retenir les services d’un avocat. Si l’on en croit cette demande datée du 6 juin 2005 elle aurait entamé ses recherches en vue de trouver un avocat au début de juin 2005, à tout le moins, soit huit mois avant l’audience en cours. L’employeur s’est opposé, mais le président a accueilli la demande après réflexion. Le préavis envoyé aux parties le 14 juin 2005 remettait « péremptoirement » au rôle les quatre renvois à l’arbitrage de grief en instance pour audition en août ou septembre 2005. Selon le New Shorter Oxford English Dictionary, « péremptoire » signifie [traduction] « absolu» « impératif » et « qui n’admet aucune réplique », c’est–à–dire, dans le cas d’une audition, [traduction] « fixée concrètement, établie de manière absolue » et « essentielle » Les termes employés par la Commission faisaient savoir aux parties que le processus suivait son cours.

[64]   Dans le préavis du 14 juin 2005, la Commission demandait à la fonctionnaire s’estimant lésée de lui fournir les coordonnées de son avocat au plus tard le 5 juillet 2005. Je prends acte, dans le recueil de correspondance de la Commission, du courriel envoyé par la fonctionnaire s’estimant lésée le 5 juillet 2005 à 21 h 58 dans lequel elle s’est déclarée incapable de fournir les coordonnées de son avocat parce qu’Aide juridique Ontario ne lui avait toujours pas répondu (au dossier). La Commission l’a priée, par retour de courriel, de lui faire savoir si elle désirait obtenir une prolongation de délai (au dossier). Trois semaines plus tard, le 27 juillet 2005, la fonctionnaire s’estimant lésée a effectivement présenté une demande en ce sens, en précisant qu’elle ne savait pas combien de temps il lui faudrait pour trouver un avocat. Elle a réitéré sa demande le 25 septembre 2005, en disant être toujours à la recherche d’un avocat, mais en ajoutant un nouvel élément puisqu’elle voulait que l’affaire soit suspendue en attendant que la Cour fédérale tranche sa demande de contrôle judiciaire. L’employeur s’est opposé à cette demande.

[65]   Le président a rejeté la demande de la fonctionnaire s’estimant lésée le 18 octobre 2005 et fixé l’audience aux 20, 21 et 22 février 2006. J’interprète cette décision du président comme une indication que les recherches infructueuses de la fonctionnaire s’estimant lésée pour trouver un avocat ou sa demande de contrôle judiciaire par la Cour fédérale ne justifiaient pas à ses yeux une autre remise, compte tenu de ce qu’il savait de la situation à l’époque. Il n’empêche que, grâce à cette décision, la fonctionnaire s’estimant lésée a obtenu quatre mois de plus pour préparer son dossier en vue de l’audience. La Commission a confirmé l’audience de février par un préavis daté du 13 décembre 2005 (au dossier), avec l’envoi d’un avis officiel d’audition le 23 janvier 2006 (au dossier).

[66]   Ni les documents au dossier, ni la preuve produite à l’audience ne font la lumière sur les démarches de la fonctionnaire s’estimant lésée pour trouver un avocat entre le 18 octobre 2005, date du rejet de la demande de remise par le président, et la semaine du 13 février 2006. Tout ce qu’on peut affirmer, c’est que la Commission a reçu le 14 février 2006, quatre jours ouvrables avant l’audience, une lettre de Me Westdal dans laquelle il l’informait que la fonctionnaire s’estimant lésée avait retenu ses services plus tôt dans la journée. Ensuite, Me Mercier l’a informée à son tour que la fonctionnaire s’estimant lésée avait retenu ses services le 15 février 2006. Le lendemain 16 février 2005, la Commission a été avisée que Me Westdal ne représentait plus la fonctionnaire s’estimant lésée. Le Président a rejeté les demandes de remise présentées par ces deux avocats.

[67]   Avec la preuve, est–il possible d’expliquer pourquoi la fonctionnaire s’estimant lésée a été incapable de trouver un avocat avant la semaine précédent l’audience, alors qu’elle connaissait cette date depuis des mois? Dans son témoignage comme dans ses arguments, elle invoque le manque d’argent et sa situation personnelle pour justifier les retards. Pour ce qui est de ses ressources financières, elle a admis en contre–interrogatoire que la situation perdurait depuis très longtemps, en fait depuis son licenciement en juillet 2002. Si le manque d’argent constitue sans contredit un problème de taille, ce n’était certainement pas un élément nouveau pour elle. À mon avis, la chronologie des événements prouve qu’elle a eu suffisamment de temps pour trouver une solution. En ce qui concerne sa situation personnelle, le seul élément de preuve nouveau est qu’il y a eu un décès dans sa famille en août 2005. Là encore, on ne saurait faire fi des conséquences du décès d’un membre de la famille, mais il reste que cela n’est pas un élément nouveau aujourd’hui, six mois plus tard. La fonctionnaire s’estimant lésée n’a donné aucun détail dans son témoignage sur les circonstances entourant ce décès, et il appert qu’elle n’en a pas informé la Commission dans ses demandes de remise. À l’audience, elle n’a rien révélé qui me permette de comprendre en quoi cette situation familiale a influé sur sa recherche d’un avocat ou sur sa situation financière, ou encore de déterminer s’il y a des rapports entre cela et les événements survenus depuis.

[68]   Faute d’explications satisfaisantes pour justifier les retards, je dois donc conclure soit la fonctionnaire s’estimant lésée a manqué de diligence dans sa recherche d’un avocat, soit qu’une partie de ses demandes de remise était une tactique dilatoire.

[69]   L’employeur soutient que le comportement de la fonctionnaire s’estimant lésée au cours de cette procédure et des autres recours constitue clairement un abus de procédure, mais je ne crois pas devoir tirer une conclusion à cet égard. Je tiens toutefois à souligner que la preuve quant à la conduite de l’intéressée dans le contexte d’autres recours a incité à la fois un enquêteur de la CCDP et un protonotaire de la Cour fédérale à porter un jugement de toute évidence négatif.

[70]   Il n’empêche que la conduite de la fonctionnaire s’estimant lésée dans le cadre d’autres recours n’a aucune incidence sur mes conclusions en l’espèce. Je dois la juger en fonction de sa façon d’agir durant la procédure en cours. Je conclus donc, compte tenu du dossier et de la preuve, que la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas fait diligence dans la préparation de son dossier en vue de l’audience. De plus, je ne peux trouver d’explications satisfaisantes qui la dégageraient de toute responsabilité à cet égard. Il est tout simplement déraisonnable de croire que c’est seulement le 14 février 2006 qu’elle a réussi à trouver un avocat, compte tenu de tout ce qui s’était passé avant. Elle a déclaré plusieurs fois dans son témoignage et son argumentation qu’elle avait eu beaucoup de difficulté à trouver un avocat prêt à se consacrer à sa cause. À mon sens, elle ne peut pas se dérober à sa responsabilité, à titre de fonctionnaire s’estimant lésée, d’agir avec la diligence nécessaire, en jetant le blâme sur les mandataires et conseillers juridiques qu’elle a rencontrés.

[71]   Afin d’évaluer le préjudice que le rejet de sa demande de remise pourrait causer à la fonctionnaire s’estimant lésée, je tiens donc compte du fait qu’elle doit être tenue directement responsable à maints égards de la situation difficile dans laquelle elle se trouve aujourd’hui : elle est le principal artisan du préjudice qui risque d’en résulter pour elle.

[72]   Pour sa part, l’employeur pourrait subir un préjudice à cause de ces multiples remises dans une affaire qui remonte initialement à plus de quatre ans. Il s’attend avec raison à ce que la procédure suive son cours. Compte tenu de la possibilité qu’on ordonne la réintégration de la fonctionnaire s’estimant lésée comme mesure corrective, il va de soi que d’autres retards plus longs encore l’exposeraient à un plus grand préjudice. Je crains en outre, dans ces circonstances, qu’une décision favorable de ma part ne laisse entendre à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’on peut passer outre aux décisions de l’ancienne Commission et du président en matière de mise au rôle ainsi qu’aux décisions antérieures sur d’autres demandes de remise. S’il m’apparaissait à l’examen du dossier et de la preuve que l’ancienne Commission ou le président auraient agi avec précipitation dans le dossier ou qu’ils auraient fait fi des intérêts de la fonctionnaire s’estimant lésée dans les mois qui ont précédé l’audience, j’en arriverais peut–être à une conclusion différente, mais ce n’est pas le cas.

[73]   Je note que l’ancienne Commission et les arbitres de griefs ont rejeté des demandes d’ajournement dans le passé lorsqu’il y avait un nombre excessif de remises au dossier ou lorsque l’avocat ou le représentant de l’agent négociateur n’étaient pas disponibles. Dans Varzeliotis c. Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossier de la CRTFP 166–02–9721 à 9723, 10273 et 10879 (1983) (QL), le fonctionnaire s’estimant lésé avait retenu les services d’un avocat après que l’employeur eut présenté sa preuve et demandé l’ajournement de l’audience. L’arbitre de grief a rejeté cette demande parce qu’il y avait eu un nombre excessif de remises et que le fonctionnaire s’estimant lésé avait eu amplement le temps de préparer sa défense. Le fonctionnaire s’estimant lésé et son avocat ont alors quitté la salle, mais l'audience s’est poursuivie sans eux. Dans Barzotto c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 161–02–520 (1988) (QL), un plaignant s’est présenté seul devant l’ancienne Commission pour lire une déclaration de son agent négociateur en vue d’obtenir l’ajournement de l’audience. L’agent négociateur avait informé l’ancienne Commission cinq semaines plus tôt que son représentant ne pouvait pas être présent à l’audience. L’ancienne Commission a rejeté la demande et la plainte au motif que les intéressés avaient eu suffisamment de temps pour trouver un représentant.

[74]   En décidant de poursuivre l’audience, je n’exclus pas la possibilité que la fonctionnaire s’estimant lésée se révèle incapable de composer avec les étapes qui vont suivre, ce qui m’amène à sa demande d’autorisation que l’affaire soit tranchée sur la foi des observations écrites.

[75]   Règle générale, le recours aux arguments écrits est réservé aux débats sur des questions de droit et aux plaidoiries. Lorsque les faits sont contestés, les arbitres de grief préfèrent entendre la preuve orale et offrir à chaque partie l’occasion de contester la preuve de la partie adverse dans le cadre d’une audience. Il est parfois difficile, au début d’une audience, de déterminer avec précision dans quelle mesure les questions préliminaires nécessiteront la convocation de témoins et la production d’autres éléments de preuve. Dans l’affaire qui nous occupe, un observateur raisonnable devinerait que, du moins en ce qui concerne la contestation de ma compétence quant aux mesures disciplinaires, il est fort probable que ce genre de preuve serait nécessaire. À cet égard, je note que les documents déposés par les parties semblent effectivement laisser entendre que les faits sur lesquels la fonctionnaire s’estimant lésée appuie ses allégations d’avoir subi des mesures disciplinaires ne font pas l’unanimité. Dans ce cas–là, je doute que des observations écrites me fourniraient les éléments de preuve nécessaires pour rendre une décision, à moins que les parties ne se mettent ultérieurement d’accord sur les faits.

[76]   Pour ce motif au moins, il m’est impossible d’accueillir la demande d’autorisation de présenter des observations écrites à ce stade–ci. Je crois aussi comprendre qu’une décision favorable de ma part reviendrait (selon l’employeur) à accorder à la fonctionnaire s’estimant lésée la remise que je viens de lui refuser.

[77]   Je me réserve cependant le droit de revenir sur cette demande de la fonctionnaire s’estimant lésée pendant l’audience. Dès que la nature du débat sur les questions préliminaires et la nécessité d’entendre ou non des témoins se seront précisées, je pourrai juger utile de demander aux parties d’exposer leurs arguments sur certaines questions par écrit et je serai aussi plus en mesure d’évaluer la capacité de la fonctionnaire s’estimant lésée de se représenter elle–même au cours de l’audience en modifiant la procédure au besoin afin que les parties aient une occasion juste et équitable de me faire valoir leurs arguments.

III. Audience du 10 avril 2006

[78]   Le 7 mars 2006, Me Mercier a déposé pour le compte de la fonctionnaire s’estimant lésée une demande de récusation de l’arbitre de grief pour crainte raisonnable de partialité. L’employeur s’est opposé à cette demande. J’ai ordonné la tenue d’une audience pour statuer sur cette question.

[79]   À l’audience du 10 avril 2006 pour trancher la demande de récusation, Me Mercier représentait la fonctionnaire s’estimant lésée.

A. Demande de récusation de la fonctionnaire s’estimant lésée

1. Résumé de la preuve

[80]   Les parties ont appelé deux témoins, la fonctionnaire s’estimant lésée pour elle–même et M. Drew Heavens, représentant principal de l’employeur au Secrétariat du Conseil du Trésor, pour l’employeur.

[81]   La fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné en se reportant à un résumé des notes qu’elle avait prises durant l’audience des 20 et 21 février 2006. Elle a dit qu’elle savait en se présentant à l’audience, le 20 février 2006, qu’il y serait question des deux contestations préliminaires de ma compétence quant aux questions de droits de la personne et aux mesures disciplinaires. Elle savait aussi que si l’une ou l’autre des contestations était accueillie, l’arbitre de grief reconnaîtrait qu’il n’a pas compétence pour instruire ses griefs. Ce qu’elle ne savait pas, cependant, c’est à quel point les discussions seraient complexes. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas eu l’occasion de discuter du dossier à fond avec un avocat en prévision de l’audience.

[82]   Cela dit, il n’a pas été question des contestations de compétence le 20 février 2006. La discussion a porté plutôt sur la demande de remise de l’audience ou d’autorisation de procéder sur la foi des observations écrites que l’arbitre de grief a rejetée. Pendant la première journée d’audience, jusqu’à 16 h 30 environ, on a parlé de l’objection de la fonctionnaire s’estimant lésée sur la présentation tardive et la recevabilité des contestations de compétence soulevées par l’employeur. Après que la fonctionnaire s’estimant lésée eut présenté ses arguments en ce sens, l’employeur a présenté les siens, sur quoi l’intéressée a déclaré qu’elle n’y comprenait rien. Elle se souvient qu’elle était tellement perturbée par les propos de l’avocat de l’employeur quant aux retombées de sa plainte à la CCDP qu’elle a cessé de prendre des notes. Elle a redemandé à l’arbitre de grief de l’autoriser à soumettre ses arguments par écrit, mais il n’avait toujours pas pris de décision à la fin de la journée. Elle prétend aussi que l’arbitre de grief ne lui a pas expliqué ce qui allait se passer le lendemain, et dit qu’il ne l’a pas prévenue non plus qu’elle devrait être prête à faire comparaître ses témoins le deuxième jour.

[83]   La fonctionnaire s’estimant lésée affirme que, au début de la deuxième journée d’audience, le 21 février 2006, l’arbitre de grief a encore une fois omis de lui expliquer ce qui allait se passer ce jour–là. Il a confirmé à nouveau son rejet initial de la demande d’ajournement ou d’autorisation de procéder avec des observations écrites, puis dit à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’il voulait que les parties lui exposent les faits ce jour–là. Il n’a fait nulle mention de la question des mesures disciplinaires, mais a demandé à l’employeur de commencer à appeler ses témoins. La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle avait l’impression que l’employeur, contrairement à elle, savait que l’arbitre de grief entendrait des témoignages le deuxième jour, car son premier témoin avait en main des notes et des réponses écrites aux questions. La fonctionnaire s’estimant lésée a interrogé le témoin, mais tient à préciser qu’elle n’a pas eu la possibilité d’exposer sa version des faits. Qui plus est, à la fin de la matinée du 21 février 2006, l’arbitre de grief ne lui a pas dit de se préparer à témoigner dans l’après–midi.

[84]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que, dans l’après–midi du 21 février 2006, elle a demandé l’autorisation de produire en preuve des transcriptions de conversations enregistrées sur bande sonore qu’elle avait eues avec ses supérieurs. L’employeur s’est opposé à la présentation de cette preuve. L’arbitre de grief a demandé en quoi ces conversations seraient utiles pour trancher la question des mesures disciplinaires; la fonctionnaire s’estimant lésée a exposé ses raisons, mais l’arbitre de grief n’a pas réagi. La fonctionnaire s’estimant lésée prétend qu’il lui a paru [traduction] « effrayé » et [traduction] « paniqué »; l’expression de l’avocat de l’employeur révélait qu’il était en proie aux mêmes sentiments. L’arbitre de grief a alors demandé à l’employeur comment il envisageait le déroulement de l’audience. L’employeur a exposé en détail les raisons pour lesquelles il s’opposait à la production de la bande sonore en faisant valoir ses craintes que le débat sur la question n’accapare une bonne partie de l’audience. Il a ensuite proposé d’interrompre l’examen de la question des mesures disciplinaires afin que les parties présentent leurs observations par écrit sur la contestation de sa compétence quant à ces mesures. La fonctionnaire s’estimant lésée se souvient que l’arbitre de grief ne lui a pas demandé son avis, mais qu’il a déclaré souscrire entièrement à la proposition de l’employeur, en disant qu’il entendait rendre une ordonnance en ce sens. La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que l’arbitre n’a pas répondu à sa demande de production de la bande sonore, mais qu’il avait plutôt quitté la salle pendant cinq minutes. À son retour, il avait dit que la séance était levée sans donner d’explication, et qu’il voulait rencontrer les parties en privé. La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’attendait absolument pas à cela, car il n’y avait à son avis aucune raison valable d’interrompre l’audience.

[85]   La fonctionnaire s’estimant lésée a relaté sa rencontre avec l’avocat de l’employeur et l’arbitre de grief dans le bureau de ce dernier, dans un échange qualifié [traduction] « d’officieux » par l’arbitre de grief. Durant la rencontre, l’avocat de l’employeur est revenu à la charge sur la question des bandes sonores, en réitérant sa proposition concernant la poursuite de l’audience. La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que l’arbitre de grief n’a pas demandé ce qu’elle en pensait, pas plus d’ailleurs que l’avocat de l’employeur. Elle leur a finalement demandé [traduction] : « Quelqu’un veut–il entendre ce que j’ai à dire? » Elle leur a fait part de son désir de poursuivre l’examen de la question des mesures disciplinaires ainsi que de son point de vue, à savoir que la formule proposée par l’employeur lui portait préjudice. L’arbitre de grief lui a opposé une fin de non–recevoir; elle s’est exclamée [traduction] : « Je n’ai pas la moindre idée de ce que je fais ici, si tout est déjà décidé. » Elle se souvient que l’arbitre de grief lui a alors crié [traduction] « [...] Je n’aime pas ce que vous insinuez. Vous êtes en terrain miné. L’arbitre de grief, c’est moi. C’est moi qui décide du déroulement de la procédure. » La fonctionnaire s’estimant lésée a alors demandé si son avocat pourrait être autorisé à présenter ses arguments dans le cadre d’une audience plutôt que par écrit, et l’arbitre de grief lui a crié [traduction] « Non ». Elle a alors demandé si son avocat pouvait être consulté sur l’établissement du délai de présentation des observations écrites, et l’arbitre de grief lui a encore crié [traduction] « Non ».

[86]   En raison du comportement de l’arbitre de grief durant les deux jours d’audience, la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle ne le croyait plus capable de rendre une décision impartiale, et ce, pour huit raisons. Premièrement, l’arbitre de grief ne lui a pas dit qu’elle devrait convoquer des témoins le deuxième jour d’audience. Deuxièmement, il a inexplicablement suspendu l’audience le 21 février 2006, immédiatement après que l’employeur se fut opposé à la production de la preuve sur bande sonore. L’arbitre de grief aurait dû discuter de la recevabilité de cette preuve avant de se prononcer sur la question, mais ne l’a pas fait. Troisièmement, il aurait dû poursuivre l’examen de la question des mesures disciplinaires, ce qu’il n’a pas fait. Quatrièmement, il n’a pas répondu à la question de la fonctionnaire s’estimant lésée au sujet des bandes sonores, ni autorisé leur production. Cinquièmement, il a rejeté sa demande de remise de l’audience ou d’autorisation de procéder avec des observations écrites, puis a changé d’avis sans explication. Sixièmement, le 21 février 2006, il a modifié la procédure pour trancher d’abord la contestation de sa compétence quant aux droits de la personne. Septièmement, il a paru [traduction] « effrayé et paniqué » sur la question de la bande sonore; il a aussi tenu une rencontre [traduction] « officieuse » en omettant de demander l’avis de la fonctionnaire s’estimant lésée sur le déroulement de la procédure, sans lui expliquer le processus. Huitièmement, il a élevé la voix à plusieurs reprises. Selon la fonctionnaire s’estimant lésée, [traduction] « élevé la voix » et « crié » sont interchangeables.

[87]   Selon la fonctionnaire s’estimant lésée, l’arbitre de grief fera preuve d’un parti pris flagrant s’il refuse de se récuser, comme en témoigne son comportement les 20 et 21 février 2006.

[88]   En contre–interrogatoire, l’employeur a interrogé la fonctionnaire s’estimant lésée sur l’utilisation des notes qu’elle avait prises à l’audience pour étayer son témoignage. Quand on lui a demandé combien de pages de notes elle avait écrites le premier jour d’audience, elle a répondu deux ou trois, en ajoutant qu’elle avait cessé d’écrire lorsque l’employeur avait exposé ses arguments. Elle a déclaré ne pas avoir pris de notes durant la discussion sur la demande de remise parce qu’elle croyait que ce n’était pas important et parce que son ami [traduction] « chinois » qui se trouvait dans la salle d’audience en prenait pour elle. Quand on lui a demandé combien de pages de notes elle avait prises durant la rencontre à huis clos qui a eu lieu dans l’après–midi du 21 février 2006, elle a répondu qu’elle ne le savait pas.

[89]   La fonctionnaire s’estimant lésée a admis qu’elle était déçue de la décision initiale de l’arbitre de grief de ne pas ajourner l’audience et de refuser d’accepter des observations écrites. Elle a cependant répondu négativement à la question suivante de l’employeur visant à lui faire avouer que la décision prise par l’arbitre de grief le 21 février 2006 revenait en fait à lui accorder ce qu’elle avait demandé d’entrée de jeu. Elle a admis que la décision de l’arbitre de grief (dont les grandes lignes sont exposées dans la lettre de la Commission en date du 28 février 2006) établissait le délai de présentation de ses observations écrites en réfutation des arguments de l’employeur sur la présentation tardive des contestations de sa compétence, de même que sur la contestation de sa compétence quant aux questions de droits de la personne. Quand on lui a demandé si cette procédure visait à lui permettre de consulter son avocat, elle a répondu qu’elle ne pouvait pas faire de suppositions à ce sujet, tout en admettant que cela serait effectivement possible. Elle a aussi reconnu que la lettre de la Commission demandait aux parties d’exposer leurs arguments sur la recevabilité des éléments de preuve à venir en prévision du reste de la procédure et que cette mention se rapportait à la question de la preuve sur bande sonore qu’elle se proposait de produire. La fonctionnaire s’estimant lésée s’est rappelé que l’employeur avait indiqué, à l’audience, que la question de la recevabilité de la bande sonore allait susciter une vive discussion; elle a confirmé qu’elle n’avait pas remis de copie ou de transcription de la bande à l’arbitre de grief ni à l’employeur.

[90]   En ce qui concerne la rencontre « à huis clos » du deuxième jour d’audience, la fonctionnaire s’estimant lésée ne se rappelait pas qu’elle avait duré environ deux heures, comme le prétendait l’employeur, mais qu’elle avait commencé entre 16 h et 17 h et s’était terminée vers 18 h. Elle a commencé par déclarer qu’elle ne se souvenait pas si l’arbitre de grief lui avait permis de faire valoir son point de vue durant la rencontre, avant de dire qu’elle n’avait [traduction] « rien à déclarer » à ce sujet. Elle a ensuite affirmé qu’elle avait pris la parole durant la séance. La fonctionnaire s’estimant lésée a confirmé que l’arbitre de grief avait soulevé la question de la communication de la preuve sur bande sonore durant l’entretien.

[91]   Quand on lui a demandé sur quoi elle fondait son impression que l’arbitre de grief et l’avocat de l’employeur étaient inquiets au sujet de la bande — qu’ils avaient [traduction] « paniqué », en ses termes — la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’ils craignaient tous deux que la bande ou la transcription soient admises, auquel cas la contestation de compétence quant aux mesures disciplinaires serait rejetée. Elle a dit que l’arbitre de grief [traduction] « n’ignorait » pas tout de la bande ni de la transcription, car il l’avait interrogée sur leur pertinence. Elle a convenu qu’il ne lui avait pas demandé de les examiner ou de les voir.

[92]   M. Heavens s’est joint au Secrétariat du Conseil du Trésor en 2002 après avoir été chef des relations de travail à Environnement Canada. Ses fonctions actuelles de représentant principal de l’employeur l’amènent notamment à prêter son concours aux conseillers juridiques de Justice Canada ainsi qu’aux conseillers ministériels pour la préparation de dossiers d’arbitrage de grief et à donner les avis aux ministères sur des questions telles que la cessation d’emploi. M. Heavens a été chargé du dossier de la fonctionnaire s’estimant lésée peu de temps après son arrivée au Secrétariat du Conseil du Trésor; il a ensuite assuré la liaison avec l’ancienne Commission sur la mise au rôle des affaires et les contestations de compétence en l’espèce. Il participe souvent à des audiences d’arbitrage de grief mettant en cause le Conseil du Trésor. Il était présent à l’audience à titre d’observateur les 20 et 21 février 2006 et il a pris entre 35 et 40 pages de notes ces jours–là.

[93]   M. Heavens se rappelle que, dans les 60 à 120 premières minutes de l’audience du 20 février 2006, les parties ont discuté de la procédure et de l’ordre d’examen des contestations de compétence par l’employeur et des questions préliminaires de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il a déclaré que cette première phase a duré assez longtemps, car l’arbitre de grief avait expliqué le processus de façon très détaillée à la fonctionnaire s’estimant lésée, qui n’était pas représentée par un avocat. Il lui avait notamment expliqué la différence entre la preuve et la plaidoirie ainsi que la raison pour laquelle les parties pourraient être appelées à produire des preuves afin que l’arbitre de grief puisse se baser sur des faits pour trancher une contestation de sa compétence.

[94]   M. Heavens se souvient que l’arbitre de grief a maintes fois interrompu la discussion pendant les deux jours d’audience pour permettre à la fonctionnaire s’estimant lésée d’organiser ses observations. Il lui a souvent expliqué des aspects de la procédure et s’est répété plusieurs fois pour qu’elle comprenne bien ce qui se passait et ce qu’elle devait faire.

[95]   L’arbitre de grief a rejeté la demande de la fonctionnaire s’estimant lésée de remettre l’audience et de procéder en se fondant sur des observations écrites au début de l’après–midi du premier jour d’audience. M. Heavens a déclaré qu’il avait exposé de vive voix tous les motifs pour lesquels il rendait cette décision dans la matinée de la deuxième journée d’audience. Son ton, au dire de M. Heavens, était constamment respectueux des deux parties, auxquelles il a amplement donné l’occasion d’exposer leurs arguments avant de rendre sa décision. M. Heavens s’est dit d’avis que l’arbitre de grief s’en était tenu à des explications rationnelles et réfléchies. Il s’est rappelé que le processus avait été plus long que l’employeur ne l’avait prévu, parce que l’arbitre de grief donnait et répétait des explications à la fonctionnaire s’estimant lésée.

[96]   Pendant l’audience, M. Heavens a dit à un collègue présent dans la salle que l’audience était une excellente occasion d’apprentissage, [traduction] « un cours d’introduction à l’arbitrage de grief », vu le soin que l’arbitre de grief mettait à expliquer le processus à la fonctionnaire s’estimant lésée.

[97]   M. Heavens ne se rappelle pas que la fonctionnaire s’estimant lésée ait exprimé des doutes sur l’impartialité de l’arbitre de grief au cours de l’audience. À un moment donné, lorsqu’elle lui a dit : [traduction] « Pardonnez–moi de vous exaspérer », l’arbitre de grief lui a répondu : [traduction] « Je ne suis pas exaspéré, je vous donne simplement des explications. » La fonctionnaire s’estimant lésée l’a remercié plusieurs fois de lui accorder du temps et de lui donner des explications, allant même jusqu’à dire : [traduction] « Je vous remercie pour votre courtoisie à mon endroit ».

[98]   En contre–interrogatoire, M. Heavens a expliqué comment la discussion sur les questions préliminaires soulevées par la fonctionnaire s’estimant lésée s’était déroulée. Après qu’elle et l’employeur eurent exposé leurs principaux arguments sur la prétention de l’intéressée que les contestations soulevées par l’employeur étaient tardives (vers la fin de la première journée), elle a dit qu’elle ne comprenait pas les propos de l’employeur et qu’elle était incapable de les réfuter de vive voix. Elle a alors demandé à l’arbitre de grief de revenir sur sa décision et de l’autoriser à exposer ses arguments par écrit. La séance a été ajournée alors le reste de la journée, afin que l’arbitre de grief puisse se prononcer sur sa demande.

[99]   À la reprise de l’audience, le lendemain matin, l’arbitre de grief a réitéré sa décision initiale que l’audience devait suivre son cours, tout en offrant trois possibilités à la fonctionnaire s’estimant lésée aux fins de la réfutation de la contestation de sa compétence, soit présenter sa réfutation de vive voix, renoncer à la présenter de cette façon ou exposer ses contre–arguments ultérieurement par écrit, auquel cas l’employeur serait appelé à présenter des observations sur la réfutation écrite. La fonctionnaire s’estimant lésée a choisi la troisième solution et l’arbitre de grief a fixé au 8 mars 2006 le délai de présentation des observations, sans discussion à ce sujet.

[100]   Le 21 février 2006, l’employeur a présenté sa preuve concernant la contestation de compétence quant aux mesures disciplinaires, en appelant son premier témoin. Dans l’après–midi, la fonctionnaire s’estimant lésée a procédé au contre–interrogatoire de ce témoin. À un moment donné, elle a indiqué qu’elle voulait lui soumettre la preuve sur bande sonore de conversations avec ses supérieurs, ce qui a incité l’employeur à engager une discussion sur la pertinence et la recevabilité de cette preuve.

[101]   On approchait de 16 h et la discussion sur cette question n’était pas toujours pas terminée. La question de la contestation par l’employeur de la compétence de l’arbitre de grief quant aux mesures disciplinaires demeurait entière, et il restait encore à entendre le reste de la preuve à cet égard. L’arbitre de grief a ajourné la séance et demandé aux parties de le rencontrer en privé. M. Heavens pensait que l’ajournement et la rencontre privée avec les parties se rapportaient à la contestation de la Commission par l’employeur quant à la recevabilité de la preuve sur bande sonore que la fonctionnaire s’estimant lésée voulait produire. Il n’était pas du même avis qu’elle, puisque qu’il ne croyait pas que l’arbitre de grief avait mis un terme à l’audience.

[102]   Quand on lui a demandé, en contre–interrogatoire, s’il croyait que la fonctionnaire s’estimant lésée serait capable de comprendre les points en litige à l’audience, M. Heavens a répondu qu’il n’était pas en mesure de se prononcer. Il a convenu que la contestation de la compétence de l’arbitre quant aux questions de compétence ayant trait aux droits de la personne pourrait être compliquée pour une profane.

[103]   M. Heavens a déclaré qu’il n’avait pas été surpris de la décision de l’arbitre de grief, à la fin de l’audience, de modifier la procédure. Selon lui, cette décision était justifiée en raison du temps qui restait cette journée–là pour entendre les parties ainsi que de la nature de la question de la recevabilité de la bande sonore. La décision permettait aussi à la fonctionnaire s’estimant lésée de consulter un avocat.

[104]   Quand on lui a demandé s’il lui avait semblé, au cours des deux journées d’audience, que la fonctionnaire s’estimant lésée avait besoin d’un avocat, M. Heavens a répondu qu’il ne pouvait pas répondre catégoriquement. Il se rappelait que l’arbitre de grief avait consacré beaucoup de temps à expliquer le processus à la fonctionnaire s’estimant lésée et que celle–ci s’était montrée capable de gérer le processus dans la discussion sur la question préliminaire de la demande de remise de l’audience et dans ses principales argumentations sur la question de la présentation tardive. M. Heavens était d’accord avec elle pour dire qu’il y aurait eu moins de pertes de temps si elle avait été représentée par un avocat.

[105]   Au sujet de l’argument selon lequel l’avocat de la fonctionnaire s’estimant lésée, Me Mercier, aurait été disponible la semaine suivante si l’arbitre de grief avait remis l’audience d’entrée de jeu, M. Heavens a indiqué que les rôles d’audience des arbitres de grief et le calendrier des avocats de l’employeur sont établis trois mois d’avance et qu’il aurait été impossible d’instruire la cause la semaine suivante.

2. Résumé de l’argumentation

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[106]   La fonctionnaire s’estimant lésée m’a renvoyé à une douzaine de passages tirés de l’ouvrage–clé de Patrice Garant intitulé Droit administratif, 5 e édition, 2004, qui expose les principes de justice naturelle et d’équité procédurale régissant la tenue d’une audience d’arbitrage de grief. Compte tenu du nombre de renvois (aux pages 713, 740, 741, 742, 744, 770, 771, 772, 773, 774, 813 et 814), ces passages ne sont pas reproduits dans la décision. J’expose plutôt les principales conclusions qu’en a tirées la fonctionnaire s’estimant lésée et leur application aux faits.

[107]   La fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu que les règles voulant que l’autre partie doit être entendue (audi alteram partem) et que nul ne peut être à la fois juge et partie (nemo judex in sua causa) sont les principes fondamentaux de la justice naturelle en droit administratif. La première signifie que les parties visées par une décision ont le droit d’être entendues et la seconde que le juge des faits ne peut pas être partie à l’affaire qu’il instruit. Ces principes consacrent donc le droit des parties d’être traitées de façon impartiale et sans préjudice.

[108]   Avec la doctrine des attentes raisonnables, qui s’inscrit dans le prolongement des principes de justice naturelle, la partie lésée a le droit de savoir d’avance comment l’audience se déroulera, afin d’éviter les surprises auxquelles elle ne peut se préparer. En l’espèce, l’arbitre de grief n’a pas fourni ces indications d’avance, contrevenant par conséquent aux principes de justice naturelle. L’arbitre de grief a indubitablement le pouvoir discrétionnaire de décider comment la procédure se déroulera, mais ce pouvoir n’est pas absolu; il doit l’exercer de manière à respecter tous les principes de justice naturelle.

[109]   La position de la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle peut raisonnablement craindre la partialité de l’arbitre de grief découle essentiellement du fait qu’il n’a ni reconnu, ni protégé son droit d’être représentée. Le contre–interrogatoire de M. Heavens, un observateur d’expérience qui connaît bien le processus d’audience, a établi qu’une personne raisonnable comprendrait que la fonctionnaire s’estimant lésée avait besoin de l’aide d’un conseiller juridique. L’arbitre de grief s’est lui–même montré sensible à ce besoin lorsqu’il l’a finalement autorisée à exposer ses arguments par écrit sur certaines questions et, partant, à consulter un avocat. N’eut été de cela, il ne fait aucun doute que la fonctionnaire s’estimant lésée aurait subi un préjudice.

[110]   La nature des questions préliminaires forçait l’arbitre de grief d’agir avec une extrême prudence, notamment dans le cas de la contestation de sa compétence quant aux questions de droits de la personne, une contestation vraiment fondamentale. Compte tenu de sa complexité juridique, il aurait dû y accorder toute son attention dès le début de l’audience et se rendre compte immédiatement qu’il devait absolument suspendre l’audience. Or, il a attendu deux jours avant d’admettre que la fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait pas faire valoir pleinement ses droits.

[111]   Puisque la discussion sur la contestation de sa compétence ayant trait aux mesures disciplinaires a commencé sans que l’arbitre de grief n’ait tranché d’abord celle concernant les questions de droits de la personne dès le début de l’audience, l’employeur a renoncé à son droit de plaider cette dernière contestation. En se penchant sur l’aspect des mesures disciplinaires, l’arbitre de grief a suscité des questions relatives au bien–fondé de l’affaire plutôt de trancher comme il se devait la question préliminaire de sa compétence. Quand le moment est venu pour la fonctionnaire s’estimant lésée de prouver qu’elle avait subi des mesures disciplinaires, l’employeur a soulevé une objection dont la complexité a contraint l’arbitre de grief à mettre un terme à l’audience.

[112]   Le témoignage que l’arbitre de grief a mis bien de temps à expliquer la procédure à la fonctionnaire s’estimant lésée démontre qu’il était impossible de poursuivre l’audience sans qu’elle n’ait un avocat. C’est exactement ce que l’arbitre de grief a fini par comprendre, mais, dans l’intervalle, la fonctionnaire s’estimant lésée a vécu deux jours d’enfer.

[113]   La doctrine des attentes raisonnables exige que l’arbitre de grief respecte les décisions qu’il prend en matière de procédure. À la fin de la deuxième journée d’audience, l’arbitre de grief a substitué sans préavis une procédure contraire à la procédure établie initialement. Il aurait dû procéder de cette manière d’entrée de jeu, dans le cas de la contestation de sa compétence quant aux questions de droits de la personne.

[114]   Le droit d’être entendu — audi alteram partem — va au–delà du droit de prendre la parole. Dans les cas notamment où le débat porte sur des questions juridiques, ce droit suppose obligatoirement celui d’être dûment représenté. Dans ces cas–là, pour reprendre les propos de M. Garant, à la page 814, « [...] la jurisprudence a reconnu que la représentation par avocat s’imposait. »

[115]   L’arbitre de grief doit autoriser les parties à produire tous les éléments de preuve nécessaires. Or, il a refusé à la fonctionnaire s’estimant lésée le droit de produire sa preuve sur bande sonore concernant la question des mesures disciplinaires. Il aurait pu — il aurait dû — prendre connaissance de cette preuve, en autoriser la production (puisqu’elle est admissible) et poursuivre l’audience. Subsidiairement, il aurait simplement dû ajourner l’audience et permettre à l’avocat de la fonctionnaire s’estimant lésée de présenter ses arguments. Il est absolument nécessaire, en droit administratif, de donner aux parties l’occasion de présenter convenablement leur thèse. La fonctionnaire s’estimant lésée [traduction] « ne pouvait s’imaginer que c’était possible sans avocat ».

[116]   Elle est d’avis que les irrégularités suivantes qu’elle a constatées à l’audience justifient sa crainte raisonnable que l’arbitre de grief soit partial : premièrement, il a refusé d’accueillir sa demande de remise de l’audience afin de lui permettre de retenir les services d’un avocat; deuxièmement, il a refusé de façon répétée d’accepter des observations écrites; troisièmement, il n’a pas reconnu la complexité juridique de la discussion, en établissant la procédure en conséquence; quatrièmement, il n’a pas tranché la contestation de sa compétence quant aux questions de droits de la personne dès le début de l’audience; cinquièmement, il n’a pas conclu que l’employeur, en lançant la discussion sur la contestation de sa compétence sur les mesures disciplinaires, avait renoncé à plaider la première contestation quant aux droits de la personne et sixièmement, il a complètement changé la procédure après que l’employeur eut contesté la recevabilité de la preuve sur bande sonore.

[117]   La fonctionnaire s’estimant lésée m’a renvoyé à la décision de la majorité de la Cour suprême dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S 369, à la page 385, qui confirme que le principe de la crainte raisonnable de partialité s’applique notamment aux arbitres de grief et souscrit à la page 391 à une conclusion antérieure de la Cour, selon laquelle « [...] une crainte raisonnable que le juge pourrait ne pas agir d'une façon complètement impartiale est un motif de récusation [...] ».

[118]   La fonctionnaire s’estimant lésée soutient que le témoin de l’employeur, M. Heavens, est une personne raisonnable et bien informée qui a compris, en observant l’audience, que la fonctionnaire s’estimant lésée avait besoin d’un avocat. Si M. Heavens ne savait pas exactement comment et pourquoi l’audience avait pris fin, il est donc difficile d’imaginer ce que la fonctionnaire s’estimant lésée aurait été capable de comprendre durant l’audience. On ne saurait contraindre une personne non représentée qui ne comprend pas la situation à se défendre elle–même et à composer avec des questions juridiques complexes sans l’aide d’un avocat. C’est l’essence même du principe selon lequel l’autre partie doit être entendue.

[119]   La fonctionnaire s’estimant lésée fait valoir que la procédure retenue par l’arbitre de grief manquait de clarté. À un certain moment, tout a changé. Il est donc facile de comprendre pourquoi la fonctionnaire s’estimant lésée était incapable de suivre l’arbitre de grief et qu’elle a perdu confiance en lui.

Pour l’employeur

[120]   En principe, l’employeur se soucie peu que ces renvois à l’arbitrage de grief soient tranchés par l’arbitre de grief actuel ou par un autre. Il s’oppose toutefois à la demande de récusation de la fonctionnaire s’estimant lésée parce que les principes qui sous–tendent la question de la récusation sont très importants. Le premier est que le juge des faits doit prendre une telle demande très au sérieux, et que le critère déterminant doit être rigoureux. Les raisons invoquées pour justifier la demande doivent être claires, et le requérant doit prouver que sa crainte de partialité est raisonnable. Bref, la récusation devrait être rare.

[121]   Le deuxième principe concerne le critère applicable pour soutenir une demande de récusation, soit qu’une personne raisonnable et bien informée de tous les aspects de la situation considérerait que le juge des faits est partial. L’employeur souligne qu’il est crucial que cette personne raisonnable connaisse bien tous les détails du dossier.

[122]   Le troisième principe est que le fait de ne pas accepter une décision prise par un juge des faits ne justifie pas une demande de récusation.

[123]   Que sait–on du contexte de cette demande de récusation? La fonctionnaire s’estimant lésée a présenté de nombreuses demandes de remise d’audience depuis au moins deux ans. Pendant cette période, elle a eu amplement le temps de consulter un avocat. Elle en a en fait embauché et congédié trois ou quatre, dont un (M e Westdal) retenu, puis congédié, une semaine avant l’audience de février, après qu’il eut échoué dans sa tentative de convaincre le président d’accorder une autre remise de l’audience. La fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné en février qu’aucun des avocats auxquels elle s’était adressée dans le passé n’était prêt [traduction] « [...] à se consacrer à sa cause ». Elle ne peut toutefois pas traiter les arbitres de grief de la même manière, en essayant d’en obtenir un autre parce que celui qui préside l’audience ne lui est pas dévoué, alors que c’est exactement ce qu’elle tente de faire. La fonctionnaire s’estimant lésée n’accepte pas le rejet par l’arbitre de grief de sa demande de remise de l’audience ou d’autorisation de procéder avec des observations écrites, en février; elle veut maintenant être entendue par un autre arbitre de grief.

[124]   L’employeur s’est opposé de façon répétée aux demandes de remise de la fonctionnaire s’estimant lésée au cours des nombreux mois qui ont précédé l’audience, y compris à celles de mai et juillet dernier, après que le président eut fixé les premières dates d’audience. En dépit de l’opposition de l’employeur, le président a accueilli ces demandes, mais il a finalement exigé, dans le cas de celle de juillet, que la fonctionnaire s’estimant lésée trouve un avocat et communique ses coordonnées à la Commission dans un délai déterminé. Elle ne l’a pas fait. L’automne dernier, la fonctionnaire s’estimant lésée a de nouveau présenté une demande de remise, mais s’est heurtée cette fois au refus du président. Il lui restait encore au moins trois ou quatre mois avant l’audience de février, mais ce n’est que la semaine précédant l’audience que la fonctionnaire s’estimant lésée a retenu coup sur coup les services de deux avocats en remerciant le premier. Ces deux avocats ont présenté des demandes de remise de l’audience que le président a rejetées. Tous ces faits établissent le contexte dont une personne raisonnable doit maintenant tenir compte pour analyser les événements de l’audience de février.

[125]   La preuve et les arguments de la fonctionnaire s’estimant lésée révèlent de nombreux malentendus. Sur la question des mesures disciplinaires, l’arbitre de grief était uniquement appelé à trancher une contestation de sa compétence, sans se prononcer sur le bien–fondé de l’affaire. Il incombait à la fonctionnaire s’estimant lésée de démontrer que l’employeur lui avait effectivement infligé des mesures disciplinaires. Faute de preuve, l’arbitre de grief ne pouvait pas trancher l’affaire en vertu de l’ancienne Loi. La preuve était censée l’aider à déterminer si des mesures disciplinaires avaient été imposées et non à juger si ces mesures étaient justifiées. En fait, durant les deux jours d’audience, il n’a jamais été question du bien–fondé de l’affaire. La fonctionnaire s’estimant lésée a donc tort d’alléguer que l’arbitre de grief ne lui a pas donné l’occasion de plaider sa cause sur la question des mesures disciplinaires. À l’ajournement de l’audience à la fin de l’après–midi du 21 février 2006, l’employeur avait seulement interrogé son premier témoin, et la fonctionnaire s’estimant lésée était sur le point de commencer son contre–interrogatoire. L’arbitre de grief n’a ni mis un terme à l’examen de la contestation de sa compétence concernant les mesures disciplinaires, ni privé la fonctionnaire s’estimant lésée de l’occasion de présenter sa preuve, contrairement à ce qu’elle prétend. Le point où la procédure sur les mesures disciplinaires était rendue à la fin de la deuxième journée est clair dans la lettre de la Commission datée du 23 février 2006 exposant les grandes lignes des décisions de l’arbitre de grief :

[Traduction]

[...]

L’audience visant à statuer sur la contestation de la compétence par l’employeur concernant les « mesures disciplinaires » est suspendue temporairement jusqu’à ce que l’arbitre de grief rende une décision écrite provisoire sur les questions suivantes :

  1. La confirmation écrite de sa décision concernant la demande de remise de l’audience ou d’autorisation de procéder avec des observations écrites déposée par la fonctionnaire s’estimant lésée.

  2. La décision sur l’objection de la fonctionnaire s’estimant lésée au sujet de la présentation tardive et de la recevabilité des contestations de sa compétence par l’employeur.

  3. La décision sur la contestation de sa compétence par l’employeur quant aux questions de « droits de la personne ».

[...]

Dès que l’arbitre de grief aura rendu sa décision écrite provisoire, les Opérations du greffe de la Commission communiqueront avec les parties pour déterminer la date de reprise de l’audience, au besoin, afin de poursuivre la présentation de la preuve sur la question de la contestation par l’employeur de la compétence de l’arbitre de grief quant aux « mesures disciplinaires » soulevée de même que pour entendre les arguments des parties à ce sujet. [...]

[...]

[126]   La façon dont la fonctionnaire s’estimant lésée interprète le droit d’être représentée par un avocat prête aussi à confusion. Ce principe ne s’applique pas à la plupart des procédures d’arbitrage de grief. Les arbitres de grief instruisent des centaines d’affaires où les fonctionnaires s’estimant lésés se représentent eux–mêmes ou sont défendus par des représentants de l’agent négociateur qui ne sont pas des avocats. Le passage de l’ouvrage de M. Garant cité par la fonctionnaire s’estimant lésée selon lequel la présence d’un avocat s’impose s’applique souvent aux cas d’interprétation de la Charte ou de questions fondamentales de droit à la vie, de liberté et de sécurité de la personne.

[127]    En admettant, pour discuter, que la fonctionnaire s’estimant lésée avait effectivement besoin d’un avocat, que s’est–il passé en réalité? Grâce à la décision de l’arbitre de grief d’autoriser la fonctionnaire s’estimant lésée à présenter ultérieurement des observations écrites aux fins premièrement de sa réfutation sur la question de la présentation tardive des exceptions d’incompétence et deuxièmement de sa principale argumentation sur la contestation de sa compétence quant aux questions de droits de la personne, la fonctionnaire s’estimant lésée a bel et bien toute latitude pour consulter un avocat. En suspendant l’audience, l’arbitre de grief a tranché toutes les difficultés relatives au besoin de la fonctionnaire s’estimant lésée d’être représentée par un avocat, avant de se prononcer sur les deux contestations de sa compétence.

[128]   En l’espèce, il s’agit en fait de déterminer si une personne raisonnable parfaitement au courant du contexte trouverait quoi que ce soit dans l’audition de la cause pour étayer la thèse de la fonctionnaire s’estimant lésée que l’arbitre de grief était partial ou avait un parti pris. L’employeur estime qu’elle en serait incapable. M. Heavens a témoigné que l’arbitre de grief avait fourni à la fonctionnaire s’estimant lésée toutes les explications possibles sur le processus durant l’audience. Il s’est invariablement conduit avec un grand respect des deux parties. Quand la fonctionnaire s’estimant lésée lui a dit qu’elle semblait l’exaspérer, il a clairement déclaré qu’il n’en était rien, en continuant à lui fournir des explications exhaustives et à lui accorder le temps nécessaire pour continuer. En ce qui concerne l’allégation voulant que l’arbitre de grief ait [traduction] « crié », il est possible que la fonctionnaire s’estimant lésée ne fasse pas de distinction entre « cri[er] » et « éleve[r] la voix », mais si, effectivement, l’arbitre de grief a [traduction] « élevé la voix», c’est seulement à 18 h le 21 février 2006, à la fin d’une rencontre privée de deux heures, quand il a fini par refuser de poursuivre la discussion et qu’il est retourné dans la salle d'audience pour rendre sa décision.

[129]    La fonctionnaire s’estimant lésée prétend que l’arbitre de grief aurait pu et aurait dû entendre sa preuve sur bande sonore, mais qu’il a préféré mettre un terme à l’examen de la preuve relative aux mesures disciplinaires, portant ainsi atteinte à son droit d’être entendue. Une personne raisonnable saurait, compte tenu de ce qui s’est réellement produit, que la question de la preuve sur bande sonore est toujours en instance. L’arbitre de grief n’a pas rendu de décision à cet égard, et la présentation de la preuve concernant les mesures disciplinaires est loin d’être terminée. L’employeur s’est vivement opposé à l’introduction de cette preuve sur bande sonore parce qu’il n’en avait pas reçu copie ni pris connaissance. Pour être en mesure de poursuivre le débat sur cette preuve, l’employeur doit être capable d’en déterminer l’authenticité et la pertinence. Compte tenu de l’interminable discussion que risque d’entraîner cette question, l’arbitre de grief a demandé aux parties de parler après l’audience de la divulgation de cette bande, comme le montre clairement la confirmation écrite des directives de l’arbitre de grief en date du 23 février 2006 :

[Traduction]

[...]

[...] Étant donné que la recevabilité de l’éventuelle preuve future est susceptible de soulever des questions de procédure en cas de reprise de l’audience, l’arbitre de grief demande aux parties de discuter de ces questions au préalable afin d’en faciliter l’examen advenant la reprise de l’audience.

[...]

[130]   Il est donc faux de prétendre que la fonctionnaire s’estimant lésée a été incapable de présenter sa preuve. La question de la bande sonore s’est posée pendant le contre–interrogatoire du premier témoin de l’employeur, quand la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas encore commencé à faire sa preuve. Pour ce qui est de sa prétention que l’arbitre de grief ne lui a pas dit de convoquer ses témoins le 21 février 2006, l’audience n’en était pas encore rendue là, car le contre–interrogatoire du premier témoin de l’employeur n’était toujours pas terminé dans l’après–midi du deuxième jour d’audience.

[131]   La demande de récusation de la fonctionnaire s’estimant lésée est un abus de procédure. Dans sa décision initiale rejetant de vive voix la demande de remise de l’audience, l’arbitre de grief a refusé de déclarer qu’il y avait abus de procédure de la part de l’intéressée comme l’employeur l’y invitait. L’employeur demande maintenant à l’arbitre de grief de tenir compte à nouveau des agissements de la fonctionnaire s’estimant lésée et de déclarer sa demande de récusation abusive. La fonctionnaire s’estimant lésée continue de vouloir atermoyer. Elle veut trouver un arbitre de grief qui, espère–t–elle, lui donnera gain de cause. Elle a pris des notes à l’audience sans écouter les nombreuses explications qui lui ont été fournies au sujet de la procédure. Son seul objectif était de noter des « motifs ultérieurs » pour s’en servir éventuellement contre l’arbitre de grief et l’employeur. Compte tenu de la conduite générale de la fonctionnaire s’estimant lésée au cours des deux dernières années, l’employeur estime que ses intérêts ont souffert des tactiques de Mme Chow et des retards qui en ont résulté. En comparaison, la fonctionnaire s’estimant lésée n’a subi aucun préjudice, en fin de compte, car elle a obtenu exactement ce qu’elle cherchait depuis le début, l’ajournement de l’audience et l’occasion d’exposer ses arguments par écrit ainsi que de consulter un avocat. Accepter sa demande de récusation équivaudrait à tolérer ce comportement inacceptable.

[132]   L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes sur la question de l’existence d’une crainte raisonnable de partialité : R. c. R.D.S., [1997] 3 R.C.S. 484; Mattson v. ALC Airlift Canada Inc., (1993) B.C.J 1741 (QL); Vincent c. Première nation de Waterhen Lake, 2004 CF 831; Ronan c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166–02–14203 (1987) (QL); et McElrea c. Conseil du Trésor (Industrie Canada), dossier de la CRTFP 166–02–28144 (11 février 1999) (QL). L’employeur a également offert le texte intégral de plusieurs jugements mentionnés et cités dans les décisions susmentionnées, soit : Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie); Enquête Énergie c. Commission de contrôle de l’énergie atomique, [1985] 1 C.F. 563; et Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1998] 3 C.F. 3 (1 re inst.). Je renverrai à ces décisions dans mes motifs s’il y a lieu.

[133]   L’employeur m’a aussi renvoyé à l’article 25 et au paragraphe 96(1) de l’ancienne Loi pour confirmer la position que l’arbitre de grief est maître de sa procédure. Il a déclaré que les paragraphes 8(2) et 84(2) du Règlement conféraient à l’arbitre de grief le pouvoir de demander des observations écrites. En vertu de l’article 64 du Règlement, l’arbitre de grief « [...] peut ajourner une audience et fixer les date, heure, lieu et modalités de sa reprise. »

Réfutation pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[134]   La fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu que sa demande de récusation n’avait pas pour but de reporter ni de retarder la procédure. Le fait qu’elle a demandé à l’arbitre de grief de poursuivre l’examen de la question des mesures disciplinaires à l’audience réfute toute allégation qu’elle aurait refusé de poursuivre la procédure ou se serait servie de la demande de récusation pour retarder le processus.

[135]   La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré ne pas avoir obtenu ce qu’elle voulait, contrairement à ce que prétend l’employeur. En effet, elle n’a pas obtenu d’entrée de jeu la remise de l’audience, ni été autorisée à poursuivre l’examen de la question à la fin, alors que c’est ce qu’elle souhaitait.

[136]   La fonctionnaire s’estimant lésée ne prétend pas que l’arbitre de grief était délibérément ou volontairement partial. Il s’agit selon elle d’un parti pris involontaire dû au fait qu’il lui importait tellement de tenir l’audience que c’est au bout de deux jours seulement qu’il a compris que la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas en mesure de poursuivre. La perception de parti pris est attribuable au fait qu’il n’a pas reconnu d’emblée qu’elle n’avait pas la capacité de se représenter elle–même. Malgré les bonnes intentions de l’arbitre de grief, ses actions ont eu pour effet de braquer la fonctionnaire s’estimant lésée et de lui faire perdre sa confiance.

[137]   La fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas présenté d’observations sur les décisions citées par l’employeur.

B. Motifs

[138]   Sur plusieurs points importants, les deux personnes dont j’ai résumé les témoignages brossent des tableaux d’audiences et d’expériences totalement différents. Je me dois de dire que j’ai eu de la difficulté à évaluer certains aspects du témoignage de la fonctionnaire s’estimant lésée, tant ils me semblent en contradiction avec le souvenir que j’ai gardé des deux jours d’audience de février et des notes que j’ai prises à ce moment–là. Par exemple, je me rappelle avoir demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée de participer à la discussion durant ma rencontre privée de deux heures avec les parties à la fin de la deuxième journée d’audience, en lui posant des questions et en essayant de répondre aux siennes. Ce n’était pas chose facile, car elle ne répondait presque jamais directement aux questions; elle semblait bien plus intéressée à prendre des notes et semblait parfois ne pas écouter. Or, elle se rappelle, semble–t–il, avoir été pratiquement tenue à l’écart de la discussion durant les deux heures de la rencontre, une discussion qu’elle qualifie de dialogue de connivence entre moi–même et l’avocat de l’employeur. Elle se souvient d’un arbitre qui a [traduction] « crié » ou du moins [traduction] « élevé la voix » alors que je me rappelle avoir tout ou plus adopté un ton ferme pour clore la discussion après que la fonctionnaire s’estimant lésée m’eut dit que je ne m’intéressais pas à son point de vue, que j’avais déjà pris ma décision et que je n’avais peut–être pas le pouvoir de prendre l’orientation envisagée.

[139]   Comment arriver à rapprocher ces deux perceptions différentes? Tout ce que je peux dire, c’est que je dois m’efforcer d’appliquer les directives des tribunaux pour aider les juges des faits à déterminer l’existence d'une crainte raisonnable de partialité. Le passage souvent cité de l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie) de la Cour suprême du Canada, à la page 394, expose les principes fondamentaux à appliquer :

[...]

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle–même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. [...] à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait–elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste [...].

[...]

[140]   Dans l’arrêt R. c. R.D.S., on voit aussi que la personne raisonnable « [...] n'est pas “ de nature scrupuleuse ou tatillonne ”, c'est plutôt une personne sensée qui connaît les circonstances de la cause. » On insiste aussi dans ce jugement sur la nécessité d’un critère rigoureux pour conclure à la partialité :

[...]

Peu importe les mots précis utilisés pour définir le critère, ses diverses formulations visent à souligner la rigueur dont il faut faire preuve pour conclure à la partialité, réelle ou apparente. C'est une conclusion qu'il faut examiner soigneusement car elle met en cause un aspect de l'intégrité judiciaire. De fait, l'allégation de crainte raisonnable de partialité met en cause non seulement l'intégrité personnelle du juge, mais celle de l'administration de la justice toute entière. Voir la décision Stark, précitée, aux par. 19 et 20. Lorsqu'existent des motifs raisonnables de formuler une telle allégation, les avocats ne doivent pas redouter d'agir. C'est toutefois une décision sérieuse qu'on ne doit pas prendre à la légère.

[...]

[141]   Larrêt CNG Transmission Corp. c. Canada (Office national de l’énergie), [1992] 1 C.F. 346 (1 re inst.), nous rappelle qu’il ne s’agit pas de déterminer si le juge des faits a effectivement un parti pris :

[...]

En ce qui a trait à la question de la crainte raisonnable de partialité, toutes les parties admettent que la question en litige n'est pas de savoir si les membres nommés ont effectivement un parti pris. Les avocats de la requérante ont d'ailleurs tenu à préciser qu'ils ne faisaient aucune allégation en ce sens. Il s'agirait plutôt de décider si les faits en l'espèce sont susceptibles de susciter, chez une personne raisonnablement bien informée, une crainte raisonnable que le membre fera preuve de partialité, même inconsciente ou involontaire dans son évaluation ou son jugement.

[...]

[142]   La décision rendue dans l’affaire Adams v. British Columbia (Workers’ Compensation Board) (1989), 42 B.C.L.R. (2d) 228 (C.A.), fournit aussi des indications utiles sur la nature de la preuve requise pour démontrer l’existence d’une apparence de partialité :

[Traduction]

[...]

[...] des preuves suffisantes pour démontrer à une personne raisonnable qu’il y a tout lieu de craindre que la personne contre laquelle (l’allégation) est formulée ne fera pas montre d’un esprit impartial [...] de simples soupçons ne sauraient être considérés comme suffisants [...].

[...]

[143]   Je note d’entrée de jeu que, dans son témoignage et son argumentation, la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré plusieurs fois qu’elle ne croyait plus à l’impartialité de l’arbitre de grief. Cela soulève un premier point important. Si j’admets que ces déclarations de la fonctionnaire s’estimant lésée traduisent bien ses sentiments, je me permets toutefois d’ajouter en toute déférence que ce ne sont pas son attestation ni ses sentiments qui sont déterminants pour la demande de récusation. La preuve de la fonctionnaire s’estimant lésée est importante en ce qu’elle fait ressortir des aspects de la conduite de l’arbitre de grief qui doivent être examinés, mais la fonctionnaire s’estimant lésée elle–même ne peut jouer par procuration le rôle de la personne raisonnable bien informée du critère juridique. Si la chose était possible, il n’y aurait pas de question à discuter ici, car son évaluation personnelle de la partialité de l’arbitre de grief déterminerait de façon concluante l’issue de sa demande de récusation. Il va de soi que le concept de « personne raisonnable » n’est pas aussi limité.

[144]   Dans ce cas–ci, nous devons postuler que la personne raisonnable est au fait de tous les événements survenus les 20 et 21 février 2006, y compris de la rencontre privée entre l’arbitre de grief et les parties durant les deux dernières heures de la deuxième journée d’audience. Nous devons postuler aussi qu’elle connaît bien le processus d’audience pour être à même d’en saisir le contexte et d’évaluer les décisions de procédure de l’arbitre de grief. Elle doit en outre bien connaître la genèse de l’affaire hors de l’audience, c’est–à–dire la chronologie des renvois à l’arbitrage de grief de la fonctionnaire s’estimant lésée ainsi que des décisions rendues par l’ancienne Commission et par le président avant l’audience.

[145]   C’est à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’incombe la charge de démontrer que sa demande de récusation est fondée. En l’occurrence, une personne raisonnable doit examiner tous les aspects de la conduite de l’arbitre de grief les 20 et 21 février 2006 qui, selon la fonctionnaire s’estimant lésée, lui inspirent une crainte raisonnable de partialité, puis juger si elle s’est acquittée de la charge de la preuve.

[146]   La fonctionnaire s’estimant lésée évoque les actions ou les omissions suivantes qui seraient des indices de parti pris : premièrement, au début de l’audience, l’arbitre de grief a refusé de lui accorder une remise d’audience ou de l’autoriser à exposer ses arguments par écrit afin de lui permettre de consulter un avocat. Il a ensuite inexplicablement changé sa décision. Deuxièmement, l’arbitre de grief n’a pas reconnu la complexité juridique de la discussion et n’a pas établi la procédure en conséquence. Troisièmement, l’arbitre de grief n’a pas tranché la contestation de sa compétence quant aux questions de droits de la personne au début de l’audience. Il n’a pas conclu que l’employeur, en lançant la discussion sur la contestation de sa compétence concernant les mesures disciplinaires, avait renoncé à plaider celle de sa compétence quant aux questions de droits de la personne. Quatrièmement, l’arbitre de grief n’a pas expliqué le processus d’audience, ni dit à la fonctionnaire s’estimant lésée de convoquer ses témoins pour la deuxième journée d’audience. Cinquièmement, l’arbitre de grief aurait dû discuter de la recevabilité de la preuve sur bande sonore et trancher cette question. Sixièmement, l’arbitre de grief a complètement changé l’orientation de l’affaire après que l’employeur eut contesté la recevabilité de la preuve sur bande sonore de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il a annulé son rejet initial de la demande de remise de l’audience ou d’autorisation de présenter des observations écrites et changé la procédure afin de se prononcer d’abord sur la contestation par l’employeur de sa compétence quant aux questions de droits de la personne. Septièmement, l’arbitre de grief aurait dû mener jusqu’à sa conclusion l’examen de la question des mesures disciplinaires. Enfin, huitièmement, le 21 février 2006, l’arbitre de grief a eu une rencontre officieuse avec les parties durant laquelle il n’a pas sollicité l’avis de la fonctionnaire s’estimant lésée sur la manière de procéder, sans non plus lui expliquer le processus. L’arbitre de grief a [traduction] « crié » ou [traduction] « élevé la voix » à plusieurs reprises.

1. Au début de l’audience, l’arbitre de grief a refusé d’accorder une remise d’audience à la fonctionnaire s’estimant lésée ou de l’autoriser à exposer ses arguments par écrit afin de lui permettre de consulter un avocat. Il a ensuite inexplicablement changé sa décision.


[147]   Les motifs du rejet de la demande de remise de l’audience ou d’autorisation de présenter des observations écrites de la fonctionnaire s’estimant lésée sont exposés dans la section qui précède. Je ne crois pas qu’une personne raisonnable conclurait que cette décision puisse susciter une crainte de partialité. Au contraire, pour l’application du critère juridique, on part du principe que la personne raisonnable connaît à fond le contexte de la situation. En l’espèce, le contexte — une chronologie d’événements étalés sur quatre ans — donne amplement matière à s’interroger sur le bien–fondé de la demande de remise présentée au début de l’audience, le 20 février 2006. On peut voir au dossier que le président a commencé par accueillir une demande de remise de l’audience afin de permettre à la fonctionnaire s’estimant lésée de consulter un avocat. Après avoir constaté son manque de diligence à cet égard, il a rejeté toutes les autres demandes de remise, y compris les deux présentées par les avocats de la fonctionnaire s’estimant lésée la semaine précédant l’audience de février. À titre d’arbitre de grief saisi indépendamment de l’affaire, je n’étais pas lié par les décisions antérieures du président lorsque l’audience a commencé, le 20 février 2006, mais il n’était certainement pas déraisonnable que je tienne compte de cette très longue chronologie pour statuer sur la nouvelle demande de remise de la fonctionnaire s’estimant lésée.

[148]   Si la fonctionnaire s’estimant lésée avait fait valoir à l’audience de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux motifs pour me convaincre d’accueillir sa demande de remise ou d’autorisation de procéder avec des observations écrites, j’aurais peut–être rendu une autre décision. La question, dans mon esprit, n’était pas décidée d’avance. Or, comme on peut le constater à la lecture de mes motifs de décision, la fonctionnaire s’estimant lésée a apporté très peu d’éléments nouveaux à l’audience; elle a même admis en contre–interrogatoire que les difficultés qu’elle invoquait au soutien de ses demandes de remise ne dataient pas d’hier. Le seul élément nouveau dont elle a fait mention dans son témoignage est le décès d’un membre de sa famille en août 2005, mais elle s’est abstenue d’indiquer comment ce regrettable événement l’avait empêchée six mois plus tard de retenir les services d’un avocat.

[149]   Il est reconnu qu’un arbitre de grief a le pouvoir d’accueillir ou de rejeter une demande de remise ou d’ajournement ou de décider de procéder en se fondant sur des observations écrites. La fonctionnaire s’estimant lésée dit que ce pouvoir doit être exercé en respectant les principes de justice naturelle, et c’est incontestable. Cela dit, elle doit donc démontrer que l’exercice même de ce pouvoir discrétionnaire au début de l’audience lui a inspiré une crainte raisonnable de partialité. Elle a le droit de ne pas souscrire à ma décision (et n’y souscrit manifestement pas), et une autre personne raisonnable pourrait aussi conclure que cette décision était mauvaise, mais ce dont il s’agit ici, c’est de la charge qui incombe à la fonctionnaire s’estimant lésée de prouver également qu’une personne raisonnable craindrait que la décision ou la façon d’y arriver soient entachées de partialité.

[150]   La fonctionnaire s’estimant lésée soutient que la décision est contraire au principe selon lequel l’autre partie doit être entendue et que c’est dans cette transgression de la règle que réside la preuve du parti pris, tout involontaire soit–il. Elle prétend qu’en vertu du principe du droit d’être entendu dans une affaire suscitant des questions juridiques complexes, elle aurait dû bénéficier d’avis juridiques et être représentée par un avocat à l’audience. Comme l’a écrit M. Garant, « [...] la représentation par avocat s’imposait ». J’estime qu’une personne raisonnable bien informée des recours prévus par l’ancienne Loi conclurait qu’un grand nombre d’affaires instruites sous son régime, même des cas soulevant des questions juridiques complexes, mettaient en cause des parties se représentant elles–mêmes ou représentées par d’autres personnes que des avocats. Si la décision que j’ai prise le 20 février 2006 de poursuivre l’audience en l’absence de l’avocat de la fonctionnaire s’estimant lésée laisse entendre un éventuel parti pris, il faudrait en déduire que le principe que l’autre partie doit être entendue a vraisemblablement été transgressé dans des centaines d’autres affaires d’arbitrage de grief qui ont été instruites sans qu’une des parties — voire les deux — ne soient représentées par un avocat.

[151]   À mon sens, une personne raisonnable ne serait pas de cet avis. Elle ne craindrait pas un parti pris dans la décision initiale de poursuivre l’audience compte tenu du contexte général, mais pourrait arriver à une conclusion contraire si, en cours d’instance, la partie non représentée se révélait incapable de composer avec les questions qui se posent à l’audience et que l’arbitre de grief se refusait à en tenir compte. C’est précisément pour cette raison que j’ai déclaré dans ma décision rendue de vive voix (et dont j’ai exposé les motifs plus tôt), après le rejet de la demande de remise de l’audience que j’entendais déterminer la nature des questions soulevées et que j’étais prêt à envisager à nouveau la possibilité de solliciter des observations écrites dès que j’aurais une meilleure idée de la situation et de la capacité de la fonctionnaire s’estimant lésée de se représenter elle–même. Pendant la quasi–totalité de la première journée d’audience, la fonctionnaire s’estimant lésée s’est assez bien tirée d’affaire grâce aux explications que je lui ai données sur la procédure. C’est seulement au stade de la réfutation des arguments de l’employeur sur la question de la présentation tardive et de la recevabilité des contestations de ma compétence qu’elle a été désarçonnée par la jurisprudence que l’employeur a citée. Constatant son désarroi, j’ai alors changé le processus pour lui permettre d’exposer ses contre–arguments par écrit avec l’aide d’un avocat, et elle a accepté cette offre.

[152]   Je tiens à dire en passant que les tribunaux ont reconnu que les parties non représentées ne sont pas nécessairement aussi habiles que des avocats pour défendre leur cause à l’audience, mais que cela, en soi, n’exclut nullement la possibilité d’une audience équitable. Ainsi, la Cour d’appel de l’Ontario, qui s’est penchée sur cette question, a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Davids v. Davids, [1999] O.J. n o 3930 (QL) :

[Traduction]

[...]

36 [...] L’équité de ce procès ne se mesure pas en comparant la manière dont l’appelant a plaidé sa cause avec la manière dont aurait procédé un avocat compétent. Si c’était le critère d’évaluation de l’équité, les juges de procès pourraient se contenter de demander aux justiciables de se présenter à l’audience sans être accompagnés d’un avocat dans les rares cas où une personne non représentée serait capable de plaider sa cause aussi bien qu’un avocat. L'équité n'exige pas que le plaideur non représenté soit en mesure d’exposer ses arguments aussi efficacement qu’un avocat compétent. Elle exige plutôt qu'on lui accorde une occasion raisonnable de présenter ses arguments de son mieux. L'équité ne signifie pas non plus que le plaideur non représenté connaît la procédure et les techniques du prétoire aussi bien qu'un avocat. Elle exige que le juge du procès traite équitablement le plaideur non représenté et s'efforce de le guider dans la procédure pour qu'il puisse présenter ses arguments. Ce faisant, le juge du procès doit naturellement respecter les droits de l'autre partie.

[...]

Il est important de souligner que ces observations de la Cour d’appel de l’Ontario s’appliquaient à une affaire instruite par un tribunal de la famille et non par un tribunal administratif. Or, le fait est que la procédure appliquée dans les tribunaux administratifs est moins contraignante pour les parties non représentées que ne l’est celle des tribunaux judiciaires et se veut moins l’apanage des avocats.

[153]   Dans la matinée de la deuxième journée d’audience, après avoir déterminé comment procéder pour trancher la question de l’objection préliminaire de la fonctionnaire s’estimant lésée, j’ai tourné mon attention sur les deux contestations de ma compétence par l’employeur. Il m’apparaissait déjà, grâce à certains indices, que l’étape des arguments juridiques serait semée d’embûches pour la fonctionnaire s’estimant lésée, mais rien ne me permettait de croire qu’elle serait incapable de suivre la présentation de la preuve ou d'interroger les témoins de la partie adverse. J’ai donc décidé de poursuivre l’audience en espérant que l’employeur saurait employer le temps qui restait de façon productive pour présenter la première partie de sa preuve concernant la contestation de ma compétence quant aux mesures disciplinaires. J’ai écarté l’autre option, celle de l’examen de la contestation de ma compétence quant aux questions de droits de la personne, parce qu’il m’apparaissait que nous arriverions plus rapidement dans ce contexte–là à la présentation d’arguments juridiques susceptibles de poser des difficultés à la fonctionnaire s’estimant lésée.

[154]   L’employeur a terminé l’interrogatoire principal de son premier témoin sur la question des mesures disciplinaires au milieu de la journée; la fonctionnaire s’estimant lésée a ensuite commencé son contre–interrogatoire. Même si ses questions étaient parfois mal focalisées, ce qui est prévisible chez un plaideur inexpérimenté, elle a démontré qu’elle était capable de contre–interroger un témoin et d’en tirer des précisions et des admissions. Je lui ai accordé tout le temps nécessaire pour préparer ses questions au besoin. C’est seulement lorsque la question de la preuve sur bande sonore a été soulevée en contre–interrogatoire, au milieu de l’après–midi, que la possibilité d’arguments juridiques plus complexes (sur la recevabilité de la preuve cette fois) s’est de nouveau manifestée et c’est alors que j’ai décidé de prendre une pause pour parler du processus en privé avec les parties. J’avais pour objectif de trouver une façon pratique de procéder à partir de là, car les deux premiers jours d’audience tiraient à leur fin, ainsi que de m’entretenir au préalable avec les parties sur la discussion qui s’annonçait difficile au sujet de la preuve sur bande sonore.

[155]   Mes décisions sur la procédure concernant d’abord la réfutation de la fonctionnaire s’estimant lésée puis, à la fin de la deuxième journée, la présentation d’observations supplémentaires par écrit, visaient à permettre à l’intéressée (et ce conformément à sa demande initiale), d’exposer ses arguments par écrit sur deux des questions préliminaires en instance à ce moment–là, avec l’aide d’un avocat. À mon sens, un observateur raisonnable se demanderait sérieusement si ces décisions témoignent d’un parti pris puisque, en bout de ligne, je me trouve à avoir incorporé la formule préconisée par la fonctionnaire s’estimant lésée dans ma décision sur la suite de l’affaire. La fonctionnaire s’estimant lésée prétend que j’aurais dû rendre cette décision d’emblée. Elle allègue ensuite que j’ai eu tort de changer le processus ultérieurement pour tenir compte de ses besoins, et que ma décision était entachée d’un parti pris potentiel.

[156]   Cela nous amène à l’allégation selon laquelle, en changeant le processus [traduction] « inexplicablement » à la fin de la deuxième journée, j’ai violé le principe de la procédure équitable et frustré l’attente raisonnable de la fonctionnaire s’estimant lésée de savoir comment l’audience allait se dérouler. À mon sens, un observateur raisonnable ne conclurait pas que la procédure a été modifiée « inexplicablement ». Il saurait que je me suis réservé le droit de solliciter des observations écrites après avoir rejeté initialement la demande de remise de l’audience et que j’en ai informé les parties. Lorsque j’ai fait une offre en ce sens à la fonctionnaire s’estimant lésée dans la matinée du deuxième jour, pour sa réfutation, j’ai donné à nouveau mes raisons en faisant le lien avec ma décision initiale. Un observateur raisonnable conclurait aussi, selon moi, que les changements que j’ai apportés à la procédure à la fin de la deuxième journée d’audience étaient censés être une façon pratique de tenir compte de l’évolution de la situation, et que cela ne portait pas atteinte aux droits de la fonctionnaire s’estimant lésée. À cet égard, l’observateur raisonnable aurait probablement beaucoup de difficulté à admettre que la fonctionnaire s’estimant lésée puisse d’une part attaquer une décision initiale sur la procédure rejetant la formule qu’elle préconisait (une remise d’audience ou l’autorisation de procéder avec des observations écrites) et d’autre part affirmer que l’arbitre de grief n’avait pas le droit de changer la procédure en ce sens par la suite.

2. L’arbitre de grief n’a pas reconnu la complexité juridique de la discussion et n’a pas établi la procédure en conséquence.


[157]   Compte tenu de l’analyse qui précède, pour qu’on puisse accepter cette deuxième allégation, il faudrait qu’une personne raisonnable conclue que le seul choix logique qui s’offrait à moi en ma qualité d’arbitre de grief le 20 février 2006 était de reconnaître d’emblée la complexité du débat et d’accueillir la demande de remise de l’audience. Or, la preuve a démontré que j’avais pressenti les difficultés d’ordre juridique et que j’avais pris les décisions de procédure nécessaires.

[158]   Sur la foi de l’information au dossier avant l’audience, rien ne m’interdisait de penser que les parties seraient probablement appelées à discuter des questions juridiques difficiles. Je me devais donc d’user de prudence pour déterminer s’il y avait lieu de poursuivre l’audience ou établir la procédure à suivre à cette fin, comme en témoignent mes observations précédentes (paragraphe 57 ci-dessus) :

[...] La possibilité qu’elle [la fonctionnaire s’estimant lésée] subisse un préjudice est bien réelle. Il se peut que les contestations de ma compétence soulèvent des points de droit et d’autres questions complexes qu’une personne non représentée aurait de la difficulté à saisir et qui dépassent probablement les capacités de la fonctionnaire s’estimant lésée. Dans ces conditions, j’estime qu’un arbitre de grief doit se montrer particulièrement circonspect, en se gardant de contraindre une employée non représentée à poursuivre, à moins qu’il n’existe des raisons impérieuses de procéder autrement.

Cela prouve que j’ai pesé les intérêts de chaque partie, pris en considération le préjudice que ma décision pourrait causer à chacune et conclu qu’il existait effectivement des raisons impérieuses de poursuivre l’audience. Je n’en ai pas moins continué d’agir avec prudence (paragraphe 77 ci–dessus) :

[...] Je me réserve cependant le droit de revenir sur cette demande de la fonctionnaire s’estimant lésée pendant l’audience. Dès que la nature du débat sur les questions préliminaires et la nécessité d’entendre ou non des témoins se seront précisées, je pourrai juger utile de demander aux parties d’exposer leurs arguments sur certaines questions par écrit et je serai aussi plus en mesure d’évaluer la capacité de la fonctionnaire s’estimant lésée de se représenter elle–même au cours de l’audience en modifiant la procédure, au besoin afin que les parties aient une occasion juste et équitable de me faire valoir leurs arguments.

[159]   Au risque de me répéter, j’admets qu’on puisse ne pas souscrire à cette décision. Je ne crois pas, cependant, qu’une personne raisonnable considérerait le fait que j’étais disposé, au début de l’audience, à envisager une autre solution qu’accueillir la demande de remise comme une preuve convaincante justifiant une crainte raisonnable de partialité, d’autant plus que, sous un aspect important, ma décision de poursuivre l’audience était assortie de conditions et susceptible d’être réévaluée.

3. L’arbitre de grief n’a pas tranché la contestation de sa compétence quant aux questions de droit de la personne au début de l’audience. Il n’a pas conclu que l’employeur, en lançant la discussion sur la contestation de sa compétence concernant les mesures disciplinaires, avait renoncé à plaider sa contestation de compétence quant aux questions de droits de la personne.


[160]   À mon sens, rien n’oblige un arbitre de grief à statuer sur une contestation de sa compétence quant à des questions de droits de la personne de préférence à toute autre question préliminaire. Il s’agit là d’une question de procédure ou de droit qui ne justifie pas une crainte raisonnable de partialité. À l’audience de février, l’employeur a maintenu deux contestations de ma compétence, l’une concernant les mesures disciplinaires et l’autre, les questions de droits de la personne. Les deux étaient fondées sur la manière de l’employeur d’interpréter la procédure de règlement des griefs et le mandat d’un arbitre de grief en vertu des articles 91 et 92 de l’ancienne Loi. Cela dit, rien dans l’ancienne Loi ne dispose qu’un arbitre de grief doit statuer sur une contestation avant de passer à l’autre. De plus, compte tenu de son pouvoir d’établir le processus d’audience, l’arbitre de grief pourrait par exemple commencer par entendre une contestation de sa compétence quant aux questions de droits de la personne, réserver sa décision à cet égard et inviter les parties à présenter leur preuve et leurs arguments sur une autre contestation de sa compétence. C’est en définitive une décision d’ordre pratique en fonction du contexte de l’affaire dont l’arbitre de grief est saisi. En réalité, il faut en venir ici à une décision fondée sur la contestation de ma compétence quant aux questions de droits de la personne. Le fait que ce n’est pas la première décision que j’ai rendue sur ma compétence ne crée pas en soi une possibilité de parti pris.

[161]   La fonctionnaire s’estimant lésée prétend aussi que l’employeur a renoncé à plaider sa contestation de ma compétence quant aux questions de droits de la personne du fait qu’il est partie prenante d’un processus ayant ciblé d’abord d’autres questions. À supposer que cela soit soutenable, ce dont je doute, je ne vois pas comment une personne raisonnable trouverait dans cette proposition un lien logique avec la question de crainte raisonnable de partialité qui nous occupe.

[162]   Quoi qu’il en soit, compte tenu de la décision de procédure que j’ai prise à la fin de la journée du 21 février 2006, je statuerai sur la contestation de ma compétence en ce qui concerne les droits de la personne avant de me prononcer sur celle ayant trait aux mesures disciplinaires.

4. L’arbitre de grief n’a pas expliqué le processus d’audience, ni dit à la fonctionnaire s’estimant lésée de convoquer ses témoin pour la deuxième journée d’audience.


[163]   La fonctionnaire s’estimant lésée allègue que l’arbitre de grief ne lui a pas expliqué le processus d’audience. Pourtant, M. Heavens, qu’elle décrit dans son argumentation comme une personne raisonnable d’expérience, a carrément témoigné du contraire. Il a déclaré que l’arbitre de grief a expliqué plusieurs fois le processus et qu’il a exposé ses motifs de décision à l’intéressée de façon détaillée, et ce avec respect. M. Heavens a dit que l’audience était un [traduction] « cours d’introduction à l’arbitrage des griefs » pour quiconque aurait voulu se familiariser avec le processus, en raison du soin avec lequel l’arbitre de grief s’était employé à décrire le comment et le pourquoi de la procédure. Selon lui, la fonctionnaire s’estimant lésée a plusieurs fois remercié l’arbitre de grief de lui fournir des explications et de sa courtoisie à son égard.

[164]   Par contre, il y a tout lieu de s’interroger sur l’exactitude des souvenirs de la fonctionnaire s’estimant lésée, compte tenu des notes ponctuelles sur lesquelles elle prétend s’appuyer dans son témoignage. Alors que M. Heavens a pris entre 35 et 40 pages de notes et qu’il se rappelait aisément les événements, la fonctionnaire s’estimant lésée admet n’avoir pris que deux ou trois pages de notes chaque jour et avoir cessé d’en prendre au moment où l’employeur a fait valoir ses arguments au sujet de l’objection préliminaire qu’elle avait soulevée, parce qu’elle était perturbée par ses propos. En ce qui concerne la rencontre privée de la deuxième journée, la fonctionnaire s’estimant lésée était incapable de préciser les notes qu’elle avait prises ou n’avait rien à dire à ce sujet. Ses réponses aux questions de l’employeur en contre–interrogatoire sur ce qu’elle se rappelait des événements décrits dans ses notes m’ont parfois semblé hésitantes ou évasives. Elle a effectivement déclaré dans son interrogatoire principal qu’une connaissance qui assistait à l’audience avait pris des notes, mais elle n’a pas proposé de l’appeler à témoigner pour corroborer ses allégations. Compte tenu de tous ces facteurs, j’estime qu’une personne raisonnable serait fort probablement justifiée de préférer le témoignage de M. Heavens à celui de la fonctionnaire s’estimant lésée et de conclure que rien ne corrobore son allégation que l’arbitre de grief ne lui a pas expliqué le processus d’audience.

[165]   En ce qui concerne la prétendue omission de l’arbitre de grief de prévenir la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle devrait convoquer ses témoins pour la deuxième journée d’audience, une personne raisonnable se serait rappelée que j’ai bel et bien expliqué le processus d’appel de témoins, que j’ai établi la différence entre la présentation de la preuve et l’argumentation pour la gouverne de la fonctionnaire s’estimant lésée et que je lui ai dit qu’elle aurait la possibilité d’interroger les témoins de la partie adverse. À la fin de la première journée, une personne raisonnable aurait su que les témoignages n’avaient pas encore commencé. Il me fallait d’abord décider si je devais permettre à la fonctionnaire s’estimant lésée de réfuter les arguments de l’employeur concernant l’objection préliminaire qu’elle avait soulevée et, le cas échéant, de quelle manière cela devait se faire. Après avoir décidé, dans la matinée du deuxième jour, d’autoriser la fonctionnaire à exposer ses contre–arguments par écrit, j’ai parlé avec les parties de l’ordre de présentation de la preuve sur la contestation de ma compétence ayant trait aux mesures disciplinaires. L’employeur a alors accepté d’appeler ses témoins en premier; il était clair que ce serait ensuite au tour de la fonctionnaire s’estimant lésée. À la fin de la deuxième journée, une personne raisonnable aurait constaté que le contre–interrogatoire du premier témoin de l’employeur n’était pas terminé. Il n’était pas encore temps pour la fonctionnaire s’estimant lésée d’appeler ses témoins, et rien ne menaçait son droit de présenter sa preuve, puisque le moment prévu pour qu’elle le fasse restait à venir. Je tiens à souligner que quiconque aurait été convoqué par la fonctionnaire s’estimant lésée le deuxième jour n’aurait été appelé à témoigner à l’audience ce jour–là. À mon sens, une personne raisonnable ne conclurait pas à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité dans ces conditions.

5. L’arbitre de grief aurait dû discuter de la recevabilité de la preuve sur bande sonore et trancher sur cette question.


[166]   Les faits connus d’une personne raisonnable prouvent que j’ai reconnu que la discussion qui s’annonçait au sujet de la recevabilité de la preuve sur bande sonore risquait de se révéler difficile, comme dans d’autres affaires d’arbitrage de grief, et que j’ai pris immédiatement des mesures raisonnables pour faciliter et gérer cette discussion. Sachant que c’est souvent sur la communication de ce genre de preuve que porte d’abord la discussion, en raison des questions potentielles de provenance, d’exactitude et d’authenticité, j’ai cherché à obtenir quelques précisions de la fonctionnaire s’estimant lésée à l’audience, pour mieux cerner la nature et la provenance de la preuve proposée. J’ai aussi demandé sa première réaction à l’employeur, qui a effectivement confirmé qu’il entendait discuter de la question, et j’ai ensuite cherché à consulter les parties en privé sur ces questions. Finalement, à l’issue de cette discussion, je leur ai demandé de tenter de trouver une solution aux problèmes de divulgation éventuels advenant la reprise de l’audience à une date ultérieure. Les directives écrites en date du 23 février 2006 citées précédemment confirment cette approche :

[Traduction]

[...]

[...] Étant donné que la recevabilité de l’éventuelle preuve future est susceptible de soulever des questions de procédure en cas de reprise de l’audience, l’arbitre de grief demande aux parties de discuter de ces questions au préalable afin d’en faciliter l’examen advenant la reprise de l’audience.

[...]

[167]   Il ressort donc clairement de la preuve que, contrairement à ce que prétend la fonctionnaire s’estimant lésée, j’ai parlé de la preuve sur bande sonore avec les parties, et j’en ai tenu compte en décrivant la prochaine étape de la procédure. De toute évidence, la fonctionnaire s’estimant lésée ne voit rien d’autre dans cette décision que la justification d’une crainte raisonnable de partialité. Elle semble croire que ma seule option était alors de rendre sur–le–champ une décision probablement favorable quant à la recevabilité de cette preuve. J’estime qu’une personne raisonnable admettrait que l’arbitre de grief se devait à ce stade–là d’accorder à l’autre partie l’occasion de présenter ses arguments sur la pertinence et la recevabilité de la preuve proposée, compte tenu des faits concrets qu’elle connaissait sur cette preuve. Il était donc nécessaire de trancher d’abord la question de la divulgation. Ma décision instinctive de demander d’abord aux parties de se mettre d’accord sur la divulgation de la preuve témoigne d’un souci pratique de résoudre les problèmes de façon collégiale dans la mesure du possible et de trouver un moyen de faciliter la poursuite d’audience. Il ne s’agissait absolument pas de préjuger de la recevabilité ou de la valeur probante de la preuve. À mon sens, une personne raisonnable conclurait qu’il n’existe aucune crainte raisonnable de partialité dans ce cas–ci.

6. L’arbitre de grief a complètement changé l’orientation de l’affaire après que l’employeur eut contesté la recevabilité de la preuve sur bande sonore de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il a annulé son rejet initial de la demande de remise de l’audience ou d’autorisation de présenter des observations écrites et changé la procédure afin de se prononcer d’abord sur la contestation de sa compétence quant aux questions de droits de la personne.


[168]   Je crois que l’analyse de certaines des allégations qui précèdent répond suffisamment bien à cette allégation. Je tiens néanmoins à parler de la déclaration de la fonctionnaire s’estimant lésée selon laquelle j’ai paru [traduction] « effrayé » et [traduction] « paniqué » lorsque la question de la preuve sur bande sonore a été soulevée. Indépendamment de la question de savoir si les souvenirs de la fonctionnaire s’estimant lésée et son interprétation des expressions faciales était fondée ou d’une certaine pertinence, je crois déceler dans cette déclaration un postulat qui, pour autant qu’il soit fondé, serait une accusation extrêmement grave, car elle a laissé entendre que j’étais suffisamment au courant de la nature de la preuve sur bande sonore pour conclure qu’elle porterait préjudice à la contestation de ma compétence par l’employeur et, qui plus est, que j’aurais peut–être voulu prendre des mesures afin de protéger l’employeur contre cette éventualité.

[169]   En contre–interrogatoire, la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle ne m’avait pas fourni la bande sonore ni sa transcription. Il est donc absolument impossible de prouver que j’ai la moindre idée du contenu de cette bande sonore, hormis le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré à l’audience qu’elles renfermaient plusieurs conversations avec ses supérieurs. Je confirme ici qu’à ce jour je n’en sais pas plus sur le contenu de cette bande. Je n’ai donc aucun moyen de déterminer si la preuve proposée portera préjudice à l’employeur et je n’ai absolument aucune raison de vouloir le protéger dans ce contexte. Il est totalement injustifié d’affirmer le contraire même indirectement.

[170]   En ce qui concerne les expressions faciales, je ne sais pas pourquoi la fonctionnaire s’estimant lésée croit que j’étais [traduction] « effrayé » et [traduction] « paniqué », puisque je ne me souviens pas d’avoir éprouvé de telles émotions et qu’il n’existe aucune autre preuve prouvant son allégation. Dans la meilleure des hypothèses, il se peut que la fonctionnaire s’estimant lésée ait noté sur mon visage des signes d’attention accrue lorsque la question de la bande sonore s’est posée, parce que je sais bien, au même titre que n’importe quel arbitre de grief, que la question de la recevabilité de la preuve sur bande vidéo ou sonore suscite encore de vives discussions devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Peut–être la fonctionnaire s’estimant lésée croit–elle vraiment que j’étais [traduction] « effrayé » et [traduction] « paniqué », mais cela ne veut pas dire que tel était le cas. Quoi qu’il en soit, il est virtuellement impossible, dans ces conditions, de croire qu’une personne raisonnable conclurait à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité en se fondant sur la façon de la fonctionnaire s’estimant lésée d’interpréter les expressions faciales.

7. L’arbitre de grief aurait dû mener jusqu’à sa conclusion l’examen de la question des mesures disciplinaires.


[171]   À toutes fins utiles, la fonctionnaire s’estimant lésée avance quelque chose d’impossible. À moins de deux heures tout au plus de la fin de l’audience, alors qu’elle n’avait pas encore terminé le contre–interrogatoire du premier témoin et qu’il restait à discuter de la divulgation et de la recevabilité de la preuve sur bande sonore, à entendre les autres témoins de l’employeur et la preuve de la fonctionnaire s’estimant lésée ainsi que les arguments des deux parties, comment l’examen de la question des mesures disciplinaires pouvait–il prendre fin le 21 février 2006, comme la fonctionnaire s’estimant lésée semble le demander? Je note qu’elle affirme que j’ai mis un terme à cet examen et que je l’ai privée de la possibilité de présenter sa preuve. Une personne raisonnable saurait clairement, compte tenu du déroulement de l’audience et du résumé écrit de ma décision, que cette prétention est dénuée de fondement.

8. Le 21 février 2006, l’arbitre de grief a eu une rencontre officieuse avec les parties durant laquelle il n’a pas sollicité l’avis de la fonctionnaire s’estimant lésée sur la manière de procéder, sans non plus lui expliquer le processus. L’arbitre de grief a [traduction] « crié » ou [traduction] « élevé la voix » à plusieurs reprises.


[172]   La pratique consistant à rencontrer les parties en privé pour discuter de questions de procédure ou des paramètres de l’audience n’a rien d’inhabituel en soi et peut parfois être utile. Dans ce cas–ci, vu que l’audience tirait à sa fin et que la question de la preuve sur bande sonore se posait, j’ai jugé qu’une discussion en privé pourrait nous aider à aplanir les difficultés en vue de la prochaine étape. L’employeur avait proposé une formule à l’audience publique, et j’espérais que, dans un cadre informel, il serait plus facile pour les parties d’en parler ou d’aborder d’autres possibilités, voire peut–être de convenir des étapes à venir. Contrairement à ce que la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré dans son témoignage, je n’avais ni accepté, ni fait mienne la procédure proposée par l’employeur à l’audience. J’estimais que le moment était venu de laisser les parties exprimer d’autres points de vue.

[173]   La rencontre s’est déroulée dans une antichambre libre adjacente à la salle d’audience qui est réservée pour cela ainsi que pour les séances de médiation. La fonctionnaire s’estimant lésée semble avoir cru – à tort – que cette pièce en question était le [traduction] « bureau de l’arbitre de grief », mais cela n’a sûrement guère d’importance. D’entrée de jeu, j’ai dit qu’il s’agissait d’une discussion informelle, en précisant que cela signifiait que rien de ce qui se dirait dans cette pièce n’aurait d’incidence sur la preuve ni sur les arguments entendus à l’audience, ni n’en ferait partie. Toutefois, l’allégation de la fonctionnaire s’estimant lésée me libère de cet engagement.

[174]   Au début de ces motifs, j’ai donné l’exemple de cette rencontre privée pour montrer combien il est difficile d’établir un rapprochement entre le témoignage de la fonctionnaire s’estimant lésée quant aux événements des 20 et 21 février 2006 et mes propres souvenirs et mes notes ou encore la déposition du témoin de l’employeur. Si une « personne raisonnable » avait été témoin de la rencontre privée, je suis certain qu’elle serait très intriguée par de nombreux aspects du compte rendu que la fonctionnaire s’estimant lésée en a fait. En s’appuyant sur des notes prises à l’époque dont elle est incapable de préciser aujourd’hui la nature et l’importance (ou sur lesquelles elle n’a pas de commentaires), la fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné tout d’abord qu’elle n’avait pas participé à la discussion; elle a ensuite déclaré en contre–interrogatoire qu’elle avait bel et bien parlé. L’importance de sa participation importe peu (même si je me rappelle que ses interventions ont été plus nombreuses), mais elle est clairement convaincue que ses opinions n’ont eu aucune incidence sur ma décision ultérieure, ou que j’avais déjà essentiellement retenu la formule proposée par l’employeur.

[175]   À mon sens, un observateur raisonnable conviendrait que, pendant une bonne partie de cette rencontre privée, je me suis employé à déterminer ce à quoi la fonctionnaire s’estimant lésée s’attendait exactement et à savoir dans quelle mesure je pourrais accélérer le processus décisionnel en l’autorisant à exposer ses arguments par écrit avec l’aide de son avocat sur plusieurs des questions préliminaires en instance. Une personne raisonnable aurait constaté que, à un certain moment durant la rencontre de deux heures, alors qu’une solution semblait se dessiner, la fonctionnaire s’estimant lésée s’est mise à insister de plus en plus sur la question des mesures disciplinaires et à affirmer que le refus d’entendre sa preuve sur bande sonore à l’audience en cours lui portait préjudice. Malgré mes efforts pour la convaincre que rien n’avait encore été décidé dans le cas de la contestation de ma compétence ayant trait aux mesures disciplinaires et qu’elle aurait tout le loisir de présenter sa preuve sur cette question dès que les autres questions préliminaires seraient tranchées, la fonctionnaire s’estimant lésée s’est faite de plus en plus insistante sur ce point. Quand j’ai continué à essayer de lui faire comprendre qu’elle serait en mesure de présenter sa preuve ultérieurement, elle est devenue encore plus agitée; elle a prétendu que personne ne l’écoutait et que j’avais déjà pris ma décision, puis elle a contesté mon pouvoir de décider d’opter pour une procédure du genre de celle dont nous parlions.

[176]   À ce moment–là, je suis convaincu qu’un observateur raisonnable aurait noté un changement dans ma voix. J’ai effectivement haussé le ton — pas beaucoup — et je me suis exprimé avec plus de fermeté pour clore la discussion. Je n’ai ni crié, ni utilisé des termes irrespectueux, ni fait de déclaration intempestive du genre [traduction] « L’arbitre de grief, c’est moi, C’est moi qui décide ». Il est fort possible, je l’admets, que ma façon de mettre fin à la rencontre privée ait révélé à la fois ma fatigue à la fin d’un long après–midi et une certaine exaspération face à un échange qui s’était révélé difficile. Dans la mesure où j’ai indisposé la fonctionnaire s’estimant lésée, j’en suis sincèrement désolé. Je ne crois cependant pas que ces événements inciteraient une personne raisonnable à conclure de quelque manière que ce soit qu’il existe une crainte raisonnable de partialité.

[177]   Je prends acte à ce stade–ci de la situation examinée dans l’affaire Mattson, où l’avocat alléguait l’existence d’un parti pris ou d’une crainte raisonnable de partialité parce que le juge avait manifesté de l’exaspération à l’audience et que cela avait influé sur sa façon de traiter les témoins. Le juge des faits dans cette affaire a conclu que l’allégation de parti pris ou de crainte raisonnable de partialité était sans fondement. Peu importe que les faits dans l’affaire Mattson aient été analogues ou non à ceux en l’espèce, cette décision laisse entendre, à mon avis, qu’une personne raisonnable devrait faire preuve de circonspection avant de conclure que l’exaspération ou un haussement de ton constituent en eux–mêmes un indice convaincant de partialité.

[178]   Bref, une personne raisonnable et bien informée du contexte de la cause ainsi que des événements des 20 et 21 février 2006 conclurait selon moi que la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas établi qu’il y avait matière à récusation à cause des actions des décisions ou des événements décrits précédemment.

[179]   Je rejette donc la demande de la fonctionnaire s’estimant lésée que je me récuse et que je ne poursuive pas l’instruction de l’affaire. Ce faisant, je souscris entièrement aux observations finales de l’arbitre de grief dans McElrea, une autre d’affaire d’arbitrage de grief dans laquelle l’arbitre de grief a rejeté une demande de récusation :

[...]

J'ai également tenu compte de la façon dont l'audience s'est déroulée et de la manière dont je l'ai menée. Je suis convaincu que j'ai agi de manière appropriée et que je n'ai d'aucune manière nui à la cause du fonctionnaire s'estimant lésé. Je désire déclarer de façon claire et non équivoque que je n'ai d'aucune façon préjugé de l'issue de cette affaire, que j'ai tranché chaque affaire que j'ai entendue en me fondant sur la totalité de la preuve et des observations qui m'ont été soumises ainsi que sur les principes juridiques applicables. Je ne crois pas que, comme le juge de Grandpré l'a mentionné dans l'affaire Committee for Justice et Liberty et autres c. Office national de l'énergie et autres (précité), « [...] une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique [conclurait] [...] » que ma conduite aurait pu susciter une crainte raisonnable de partialité.

[...]

[180]   L’employeur m’a prié de conclure que la demande de récusation constituait un abus de procédure. Une telle conclusion nécessiterait des preuves substantielles et convaincantes que la demande a été présentée essentiellement dans le but de retarder le processus ou d’y faire obstacle, ou pour d’autres motifs condamnables. Je peux certainement comprendre l’exaspération de l’employeur dans une affaire qui s’éternise à cause de demandes de remise répétées, mais je ne crois pas disposer de suffisamment de preuves pour arriver à une conclusion d’abus de procédure. Si j’en juge par son témoignage, la fonctionnaire s’estimant lésée est convaincue que le comportement de l’arbitre de grief les 20 et 21 février 2006 lui donne raison de douter de son impartialité. Même si j’ai conclu plus tôt qu’il n’existait pas de crainte raisonnable de partialité, je n’ai aucun doute que la fonctionnaire s’estimant lésée est persuadée du contraire, et que c’est ce qui a motivé sa demande de récusation. Cette demande a entraîné une prolongation du processus, mais la preuve ne me permet pas de conclure que c’était le principal objectif visé par la fonctionnaire s’estimant lésée. Au demeurant, même si la preuve d’un abus de procédure avait été faite, je ne saurais dire quel effet aurait une déclaration d’abus de procédure dans le contexte de cette procédure de récusation. L’employeur ne m’a pas demandé de prendre une mesure quelconque après avoir conclu à un abus de procédure. En définitive, le rejet de la demande de récusation de la fonctionnaire s’estimant lésée constitue le principal résultat de cette démarche.

[181]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

[182]   La demande de remise de l’audience prévue pour les 20 et 21 février 2006 présentée par la fonctionnaire s’estimant lésée est rejetée. (Ordonnance rendue de vive voix le 20 février 2006.)

[183]   La demande d’autorisation de présenter des observations écrites relativement aux contestations de ma compétence par l’employeur présentée par la fonctionnaire s’estimant lésée est rejetée. Je me réserve toutefois le droit de modifier cette ordonnance pendant l’audience s’il y a lieu. (Ordonnance rendue de vive voix le 20 février 2006.)

[184]   La demande de récusation présentée par la fonctionnaire s’estimant lésée est rejetée.

[185]   La procédure en cours se poursuit conformément à ma décision du 21 février 2006 confirmée par écrit par la Commission le 23 février 2006, sous réserve des changements de délai et d’échéance suivants :

  1. La fonctionnaire s’estimant lésée doit déposer sa réfutation écrite, le cas échéant, concernant l’objection ayant trait à la présentation tardive et à la recevabilité des contestations de ma compétence par l’employeur au plus tard à 16 h le 28 juin 2006. Un délai de 14 jours sera ensuite accordé à l’employeur pour déposer sa réponse écrite aux observations de la fonctionnaire s’estimant lésée.

  2. L’employeur doit déposer ses arguments écrits concernant sa contestation de ma compétence quant aux questions de droits de la personne au plus tard à 16 h le 5 juillet 2006. Un délai de 21 jours sera ensuite accordé à la fonctionnaire s’estimant lésée pour déposer ses arguments et sa réponse après quoi l’employeur aura 14 jours pour déposer sa réponse écrite, le cas échéant, aux observations de la fonctionnaire s’estimant lésée.

Le 7 juin 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Dan Butler,
arbitre de grief

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