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Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P 35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-06-30
  • Dossier:  166-02-35915
  • Référence:  2006 CRTFP 80

Devant un arbitre de grief



ENTRE

RODERICK MURPHY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Pêches et des Océans)

employeur

DÉCISION D’ARBITRAGE ACCÉLÉRÉ

Devant : Sylvie Matteau, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : David J. Jewitt, avocat

Pour l'employeur : Jeff Laviolette

Note : Les parties ont convenu de traiter le grief selon une méthode d’arbitrage accéléré. Cette décision finale et exécutoire ne peut constituer un précédent ni être renvoyée pour contrôle judiciaire à la Cour fédérale.

Affaire entendue à Ottawa, Ontario,
le 23 juin 2006 .
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

[1]   Le présent grief, déposé le 25 octobre 2002 par Roderick Murphy, chef mécanicien (SO-MAO-09) de la Garde côtière canadienne, région de l’Atlantique (ministère des Pêches et des Océans), porte sur l’interprétation des dispositions concernant l’administration des jours de relâche qui figurent à l’« Appendice H » de la convention entre le Conseil du Trésor et la Guilde de la marine marchande du Canada, dont la date d’expiration est le 31 mars 2003. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage de grief le 16 mars 2005.

[2]   Le 1 er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).

[3]   Comme les parties ont convenu de traiter la présente affaire selon une méthode d’arbitrage accéléré, elles ont présenté un recueil de documents, y compris un « Exposé conjoint des faits » et des résumés de leurs arguments. L’exposé des faits est libellé comme suit :

[Traduction]

  1. M. Murphy travaille actuellement pour le ministère des Pêches et des Océans, Garde côtière canadienne, comme chef mécanicien, SO-MAO-09, dans la région de l’Atlantique. M. Murphy est membre de l’unité de négociation des officiers de navire qui est régie par la convention collective des officiers de navire.

  2. La convention collective applicable dans la présente affaire est la convention collective des officiers de navire signée le 28 février 2002 dont la date d’expiration est le 31 mars 2003.

  3. Le chef mécanicien Murphy est visé par l’Appendice « H » de la convention collective susmentionnée. Il touche également une indemnité de responsabilités supplémentaires prévue par l’Appendice « G » pendant qu’il travaille comme chef mécanicien, SO-MAO-09. En 2002, M. Murphy a été rémunéré à un taux annuel de 11 193,00 $ au titre de l’indemnité de responsabilités supplémentaires.

  4. Aux termes de l’Appendice « H », un officier est soit au travail, soit en jour de relâche, soit en congé payé autorisé (voir l’Appendice « H » - Généralités, sous-clause d), page 115.

  5. Le système de jours de relâche est composé d’une période de travail de 28 jours et d’une période de relâche de 28 jours. Pendant la période de travail, les officiers travaillent 12 heures par jour et ne travaillent pas pendant la période de relâche. Le système de « jours de relâche » a été établi afin que les officiers continuent d’être rémunérés pendant la période de relâche. Pendant la période de travail, ils sont rémunérés à raison de 6 heures par jour tout en accumulant des crédits de jours de relâche pour chaque journée de travail, qui sont versés dans un compte de jours de relâche. Pendant la période de relâche, ils continuent d’être payés à raison de 6 heures par jour et, en même temps, un crédit de jour de relâche est déduit de leur banque de jours de relâche.

  6. Aux termes du système de dotation en personnel naviguant, les officiers doivent être soit en période de travail ou en période de relâche. M. Murphy devait travailler à compter du 6 septembre 2002 (12 h) jusqu’au 4 octobre 2002 (12 h) et devait être en période de relâche du 4 octobre 2002 (12 h) jusqu’au 1 er novembre 2002 (12 h).

  7. L’employeur de M. Murphy exige que les employés se présentent au travail une heure avant le début de leur période de travail pour les fonctions de changement d’équipe.

  8. Le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté une feuille de temps datée du 4 octobre 2002 pour la période de travail du 6 septembre 2002 (11 h) au 4 octobre 2002 (12 h) et a demandé que les crédits de jours de relâche soient fondés sur une période de 28,083 jours, ce qui lui donnerait 28,083 jours pour la période au travail de son quart. De plus, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé d’utiliser 27,917 jours de relâche pour la portion en relâche de son quart de travail du 4 octobre 2002 (12 h) au 1 er novembre 2002 (11 h). L’employeur a rejeté cette demande en invoquant l’Appendice « G » de la convention collective.

  9. Le ou vers le 25 octobre 2002, M. Murphy a déposé son grief en alléguant que l’employeur avait contrevenu à l’Appendice « H » en ne lui payant pas un jour de relâche au prorata conformément à sa feuille de temps datée du 4 octobre 2002 (soit pour le temps où il a dû être au travail selon les exigences de l’employeur en dehors de sa période de travail.

Historique de l’Appendice « G »

  1. Le 31 octobre 2000, une décision arbitrale – dossier de la CRTFP 166-2-29584, Giasson et Conseil du Trésor – a été rendue par Evelyn Henry, présidente suppléante, concernant certains différends qui opposaient les parties à la convention collective à l’époque et qui portaient sur l’Appendice « G ».

  2. Par la suite, l’employeur a distribué une note de John Adams datée du 12 décembre 2000 concernant la décision Giasson . Dans la note (voir le document no 6), on indiquait ce qui suit :

    [Traduction]

    Les crédits de jours de relâche ne devraient pas être déduits du compte de jours de relâche d’un officier lorsque l’employé est tenu de travailler. Par conséquent, lorsqu’un officier est tenu de se présenter au travail pendant une période de relâche habituelle ou reste au travail au-delà de l’heure prévue pour le changement d’équipe, l’employeur doit créditer la banque de jours de relâche de l’officier pour les heures travaillées (jours de relâche au prorata). Pour plus de clarté, une heure de travail précédant ou suivant le changement d’équipe égalerait à un douzième (1/12) de crédit de jour de relâche. Les officiers devront présenter et faire approuver le temps travaillé au cours de séances d’information précédant ou suivant le changement d’équipe avant d’apporter des changements à leur banque de jours de relâche.

  3. À la suite de cette décision, les parties ont négocié un texte révisé concernant l’Appendice « G » qui prévoyait ce qui suit :

    « La présente indemnité est versée aux officiers désignés dans le présent appendice en reconnaissance des responsabilités additionnelles qu'ils assument dans l'exercice des fonctions habituelles de leur poste. Elle reconnaît également que, nonobstant les dispositions de la présente convention concernant la durée du travail et les heures supplémentaires, les heures normales de travail pour les officiers visés par le présent appendice vont au-delà de ce qui est décrit dans les dispositions en question. »

  4. Aucun changement n’a été négocié à ce moment concernant l’Appendice « H » – Système de dotation en personnel naviguant et d’accumulation des jours de relâche, pas même le texte concernant l’accumulation et l’imputation de jours de relâche.

  5. Le 25 avril 2002 (voir le document no 7) et le 4 juillet 2002 (voir le document no 8), l’employeur a distribué une note dans laquelle il précisait que [traduction] « conformément aux changements apportés au texte de l’« Appendice G » de la nouvelle convention collective des officiers de navire en vigueur depuis le 28 février 2002, la décision arbitrale dans l’affaire « Giasson » ne s’applique plus » (voir le document no 7).

  6. Ces notes et l’interprétation ont été contestées par la Guilde dans une lettre signée le 2 août 2002 par Lawrence Dempsey qui était alors secrétaire-trésorier national – voir le document no 8 – et la lettre du 26 août 2002 du capitaine Maury Sjoquist qui était alors président national– voir le document no 10.

  7. Le 21 août 2001, la Guilde a reçu une réponse de Charles Gadula (voir le document no 11) qui confirmait que la position de l’employeur demeurait telle qu’elle était énoncée dans sa lettre du 4 juillet 2002 (voir le document no 8).

[4]   La « position de la Guilde » est la suivante :

[Traduction]

  1. La Guilde est d’avis que l’IRS ne vise pas le temps consacré au changement d’équipe, mais couvre le temps passé à travailler en dehors des « dispositions de la présente convention concernant la durée du travail et les heures supplémentaires » pendant la période de travail de l’officier. S’il est tenu de travailler pendant la période de relâche, il devrait être indemnisé en conséquence et ne devrait pas utiliser une partie de ses crédits de jours de relâche. Par exemple, si un officier est appelé à travailler au milieu de sa période de relâche de 28 jours, le jour de relâche est calculé au prorata. La Guilde demande pourquoi la situation est différente s’il se présente au travail deux heures avant un changement d’équipe.

  2. La Guilde est d’avis que le grief Giasson est déterminant parce que M. Giasson avait droit à une période de relâche calculée au prorata pour le temps qu’il a consacré au changement d’équipe. Du point de vue de la Guilde, les jours de relâche sont des jours de repos rémunérés que l’officier a acquis pour avoir travaillé selon le système de jours de relâche pendant 28 jours.

  3. La Guilde ajoute que lorsque des officiers de navire sont appelés à travailler pendant leur période de relâche, les jours de relâche sont calculés au prorata (voir le document no 5 – Codes utilisés pour les congés et la paie).

  4. Les heures normales de travail d’un officier à bord d’un navire pendant qu’il est dans une période de travail est de 12 heures par jour. La Guilde accepte le fait que, pour un chef mécanicien, ces heures peuvent dépasser la période de 12 heures pendant lesquelles il est en service, mais que toute demande de travailler à l’extérieur de la période de travail n’est pas visée par l’Appendice « G ».

  5. Autrement dit, la Guilde soutient qu’un officier ne peut être en période de relâche et utiliser des crédits qu’il a accumulés en travaillant tout en travaillant pour l’employeur pendant la même période – sans accumuler de crédits de jours de relâche pour ces heures travaillées.

[5]   Le « Sommaire de l’argumentation de l’employeur » est le suivant :

[Traduction]

Généralités

L’employeur est d’avis que la direction n’a pas contrevenu à l’Appendice « H » de la convention collective des officiers de navire en n’accordant pas un crédit de jour de relâche au prorata demandé par M. Murphy sur sa feuille de temps datée du 10 octobre 2002.

Position de l’employeur

En raison des négociations collectives ainsi que de la jurisprudence antérieure, les dispositions de la convention collective ont évolué afin d’indemniser la période consacrée au changement d’équipe.

Deux importantes modifications ont été négociées et figurent à l’Appendice « G » de la convention collective des officiers de navire.

  • Premièrement, le nom de l’appendice « Indemnité de fonctions supplémentaires » a été remplacé par « Indemnité de responsabilités supplémentaires ».

  • La deuxième modification revêt une grande importance parce que les parties ont adopté un préambule expliquant pourquoi certains officiers ont droit à une telle indemnité :

    • Dans la première partie du préambule, il est clair que l’indemnité est versée aux officiers en reconnaissance des responsabilités additionnelles qu’ils assument dans l’exercice des fonctions habituelles de leur poste. Pour l’essentiel, le chef mécanicien est une autorité au plan technique en ce qui concerne la machinerie et les systèmes installés à bord du navire. Avant d’appareiller, le chef mécanicien détient le pouvoir à l’égard du navire et peut prendre les mesures nécessaires en cas de problème de sécurité ou si le navire n’est pas prêt. Par conséquent, les employeurs font valoir que la séance de compte rendu fournie avant le changement d’équipe est une responsabilité supplémentaire qui s’ajoute aux fonctions habituelles.

    • Dans la deuxième partie du préambule, les parties reconnaissent que, malgré les dispositions de la convention concernant la durée du travail et les heures supplémentaires, les heures normales de travail pour les officiers visés par le présent appendice vont au-delà de ce qui est décrit dans ces dispositions. La séance de compte rendu lors du changement d’équipe est un exemple de la situation visée ci-dessus et, comme le précise la convention collective (Appendice « H » c) p. 115), la journée de travail d’un officier est composée de 12 heures de travail et de 12 heures de repos à compter du changement d’équipe prévu.

    • L’employeur fait valoir que M. Murphy devait être considéré en jour de relâche jusqu’au changement d’équipe qui a eu lieu à midi le 6 septembre 2002. Toutefois, l’employeur reconnaît que ce temps devrait faire l’objet d’une certaine forme de rémunération; selon l’employeur, dans le cadre de négociations collectives antérieures, un nouveau texte a été ajouté pour prévoir une rémunération qui, dans ce cas, est visée par les montants que M. Murphy a reçus par l’application de l’Appendice « G » – Indemnité de responsabilités supplémentaires.

    • Plus tôt dans mes observations, j’ai présenté deux notes qui ont été rédigées afin de fournir des directives concernant les changements apportés à la convention collective. À partir de ces deux documents, nous avons reçu, le 2 août 2002, une lettre de Laurence Dempsey qui était à l’époque secrétaire-trésorier national de la Guilde de la marine marchande du Canada (dernier paragraphe). L’employeur soutient que les changements étaient directement liés à l’affaire Giasson, les modifications visant dans un premier temps à souligner que l’Appendice G ouvrait droit à pension et, dans un deuxième temps, qu’il prévoyait une rémunération pour les situations comme la période de changement d’équipe.

L’employeur est d’avis que le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve en établissant qu’il y avait eu contravention à la convention collective. Le principal argument de l’employeur est très simple : la séance de compte rendu qui a lieu avant le changement d’équipe est visée par l’Appendice « G » et n’entraîne pas un calcul au prorata des jours de relâche.

Arguments additionnels des parties

[6]   Des arguments additionnels ont été présentés à l’audience. Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’un fonctionnaire qui travaille selon le régime des jours de relâche est soit au travail ou en relâche. Les dispositions s’appliquant au fonctionnaire devraient être fondées sur ce facteur. La décision de la Commission dans l’affaire Giasson c. Conseil du Trésor, 2000 CRTFP 94 devrait s’appliquer. Le fonctionnaire s’estimant lésé devrait recevoir un jour de relâche calculé au prorata des heures travaillées.

[7]   Le représentant de l’employeur a maintenu qu’il n’y avait eu aucune contravention à l’« Appendice H ». Il s’est fondé sur les pratiques antérieures et sur l’historique des négociations relatives à l’« Appendice G », y compris les modifications apportées après la décision Giasson. Selon l’employeur, la séance de compte rendu au moment du changement de quart fait partie des fonctions et des responsabilités du mécanicien visées par l’indemnité de responsabilités supplémentaires, et le fonctionnaire s’estimant lésé est donc indemnisé par cette indemnité. L’employeur a demandé que le grief soit rejeté et que cette fonction soit reconnue comme étant une responsabilité supplémentaire visée par l’indemnité prévue à l’« Appendice G » de la convention collective.

Motifs de décision

[8]   Je donne raison au fonctionnaire s’estimant lésé. Depuis la décision Giasson, le remplacement, dans le texte de l’« Appendice G », de l’expression « fonctions supplémentaires » par « responsabilités supplémentaires » engloberait, selon l’employeur, le temps consacré au compte rendu donné aux chefs mécaniciens au moment du changement d’équipe. D’après le nouveau préambule de l’« Appendice G », l’Indemnité de responsabilités supplémentaires « […] est versée aux officiers désignés dans le présent appendice en reconnaissance des responsabilités additionnelles qu'ils assument dans l'exercice des fonctions habituelles de leur poste. »

[9]   Cependant, aucun élément de preuve n’a été produit concernant les responsabilités supplémentaires qui sont visées par le préambule. Il faut se rappeler que cette disposition de la convention collective, à l’exception du préambule, faisait partie de la convention collective sur laquelle a été fondée la décision Giasson. À mon avis, la distinction établie par l’employeur en faisant référence à la modification du texte n’est pas suffisante pour écarter les effets de la décision Giasson sans prouver que tel était l’objectif visé par le nouveau texte et je ne suis pas d’avis que le nouveau libellé à lui seul soit suffisant pour me permettre de tirer une telle conclusion. Encore aujourd’hui « […] la convention collective ne contient aucune disposition permettant la défalcation de crédits de jours de relâche quand un chef mécanicien est en période de “ breffage ” ou de “ débreffage ”, même s’il travaille en dehors de sa période normale de 12 heures », tel qu’énoncé au paragraphe 50 de la décision Giasson. Comme ce fut le cas dans cette dernière décision, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a droit à aucune indemnité supplémentaire pour la séance de compte rendu, mais l’employeur ne peut pas défalquer de crédits de jours de relâche pour cette période. Le fonctionnaire s’estimant lésé devrait avoir droit à un crédit de jour de relâche calculé au prorata.

[10]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[11]   Le grief est accueilli et le fonctionnaire s’estimant lésé recevra un crédit de jour de relâche calculé au prorata pour la période pendant laquelle il a dû être présent au travail afin d’assister à la séance de compte rendu du 6 septembre 2002.

Le 30 juin 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Sylvie Matteau,
arbitre de grief

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