Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), à titre d’employeur, a mis fin à l’emploi du requérant - le requérant a présenté un grief contestant son congédiement, qui a été rejeté par le SCRS - le président de l’Association des employés du SCRS a dit au requérant qu’il pouvait déposer un << grief supplémentaire >> à une date ultérieure, s’il obtenait de nouveaux renseignements - le SCRS réfère ses employés à l’Association des employés pour obtenir des conseils - à la suite de l’obtention de documents par l’intermédiaire du processus d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP), le requérant a présenté un << grief supplémentaire >> - le SCRS n’a pas accepté ce grief, qui à son avis était présenté en dehors des délais prescrits - le requérant a présenté une demande de prorogation de délai pour présenter son << grief supplémentaire >> - le président a conclu que le requérant avait toujours eu l’intention de déposer un grief contestant son congédiement - il a déterminé que les délais en l’espèce étaient attribuables dans une large mesure aux conseils communiqués par l’Association des employés, situation dont le SCRS était partiellement responsable, et au temps qu’a mis le SCRS à traiter la demande d’AIPRP soumise par le requérant - le président a statué que le requérant s’était prévalu de ses droits avec diligence - il a statué aussi que la question du préjudice devait être résolue à l’avantage du requérant. Demande accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-02-01
  • Dossier:  568-20-19
  • Référence:  2006 CRTFP 9

Devant le président



ENTRE

DANNY PALMER

demandeur

et

SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

défendeur

Répertorié
Palmer c. Service canadien du renseignement de sécurité

Affaire concernant une demande visant la prorogation d'un délai visée à l'alinéa 63b) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Yvon Tarte, président

Pour le demandeur  : Lui-même

Pour le défendeur : Daniel Roussy, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 21 et 22 novembre 2005.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)


Demande devant le président

[1]   M. Danny Palmer, le demandeur, s’est joint au Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS ou le « Service ») en 1991. Il a été informé dans une lettre datée du 18 juin 2003 qu’il était renvoyé du Service pour des motifs non disciplinaires. Il a présenté un grief pour contester ce licenciement.

[2]   Le 5 août 2003, le directeur d’alors du Service a rejeté le grief de M. Palmer (pièce E-5). Après plusieurs mois au cours desquels il avait tenté d’obtenir des documents du Service en vertu du processus d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP), M. Palmer a présenté au début de mars 2004 un grief supplémentaire alléguant que l’employeur avait agi de mauvaise foi et que son renvoi était une mesure disciplinaire déguisée.

[3]   Dans une lettre datée du 19 avril 2004, le Service a refusé d’accepter le grief supplémentaire de M. Palmer, parce que présenté tardivement. Après ce refus du Service, M. Palmer a tenté de renvoyer son dossier à l’arbitrage.

[4]   Le 5 juillet 2004, le Service s’est opposé au renvoi du grief supplémentaire à l’arbitrage, en disant qu’il avait été présenté bien après l’expiration du délai prévu à cette fin. Il a aussi fait valoir que le grief supplémentaire n’était pas arbitrable en vertu de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, puisque le licenciement de M. Palmer était fondé sur des problèmes de rendement plutôt que des motifs disciplinaires.

[5]   Le 14 juillet 2004, M. Palmer a écrit une longue lettre dans laquelle il demandait à la Commission de se prévaloir de son pouvoir discrétionnaire de proroger le délai, lui permettant ainsi de renvoyer son grief supplémentaire à l’arbitrage. Cela dit, la présente décision porte exclusivement sur la demande de prorogation de délai que M. Palmer a soumise afin de renvoyer son grief à l’arbitrage.

[6]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. Conformément à l’article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, je continue d’être saisi de la présente demande.

Questions préliminaires

[7]   M. Palmer a présenté deux requêtes dans des lettres datées respectivement du 7 et du 14 novembre 2005. Premièrement, il a demandé que Daniel Roussy (l’avocat du Service) ne soit pas autorisé à représenter le Service en raison de [traduction] « [...] son obligation fiduciaire à l’égard du Gouvernement du Canada et des lois canadiennes ». Deuxièmement, il a demandé d’être autorisé à faire comparaître M. Roussy comme témoin dans la présente affaire.

[8]   J’ai rejeté les deux requêtes de M. Palmer au début de l’audience. Le Service a le droit d’être représenté par l’avocat de son choix dans toutes les audiences devant moi. Compte tenu du rôle de M e Roussy et de ses responsabilités d’avocat du Service en l’espèce, il serait inacceptable d’autoriser le demandeur à le faire comparaître comme témoin.

[9]   Au moment de l’audience, M. Palmer n’avait pas de cote de sécurité. J’ai donc décidé de limiter l’instruction de la présente affaire à celle de la demande de prorogation de délai, sans me prononcer sur le bien-fondé du grief supplémentaire, pour lequel on produira vraisemblablement des renseignements protégés.

Résumé de la preuve

[10]   Dennis Richard, qui était alors président de l’Association des employés, a reçu à la fin de juin 2003 une lettre de M. Palmer (pièce G-3). Dans cette lettre, le demandeur exprimait le désir de présenter un grief pour contester son licenciement [traduction] « [...] avant [de s’adresser] à la CRTFP ».

[11]   L’Association des employés est une organisation à laquelle le Service a confié le mandat [traduction] « [...] de soutenir tous les employés non syndiqués dans leurs rapports avec la haute direction du Service. […] » (pièce E-3). L’Association des employés est plus particulièrement chargée de [traduction] « [...] représenter les employés dans le contexte du règlement de leurs plaintes et de leurs griefs, notamment en ce qui concerne l’application des politiques des Ressources humaines, ainsi que de venir en aide aux employés faisant face à des mesures disciplinaires ».

[12]   M. Richard se rappelle avoir parlé de l’affaire avec M. Palmer, dans un hôtel de Montréal au début de juillet 2003. Lors de cette rencontre, M. Palmer avait produit une longue ébauche de grief (pièce G-4) dans laquelle il énumérait plusieurs erreurs factuelles de ses superviseurs dans leur évaluation de son rendement, ainsi que plusieurs exemples de mauvaise foi.

[13]   M. Richard avait dit à M. Palmer qu’il ferait mieux d’admettre ses fautes, de manifester du remords et de demander qu’on lui donne une autre chance. Il se souvient aussi d’avoir dit à M. Palmer que, si la preuve finissait par démontrer que le Service avait agi de mauvaise foi, le demandeur pourrait avoir de quoi aller plus loin.

[14]   C’est M. Richard qui a forgé l’expression « grief supplémentaire » dans ses discussions avec M. Palmer. Il admet franchement n’avoir pas été au courant du délai de 30 jours pour la présentation d’un grief avant que M. Palmer ne tente de présenter son grief supplémentaire à Louise Di Stefano (qui lui a succédé à la présidence de l’Association des employés) et que ce grief ne soit rejeté par le Service.

[15]   M. Richard ne croit pas que le Service subirait un préjudice si M. Palmer devait obtenir une prorogation de délai de présentation de son grief supplémentaire.

[16]   M. Richard se rappelle avoir parlé avec Pierre Rocheleau (alors directeur adjoint des Ressources humaines) du grief de M. Palmer. M. Rocheleau lui a dit qu’il ne pouvait pas s’en mêler puisque le grief allait être entendu par le directeur du Service.

[17]   M. Richard a expliqué que l’Association des employés est un groupe de pairs et ne représente pas le Service. En fin de compte, toutefois, il est d’avis que le SCRS devrait accepter une certaine responsabilité pour les actions de l’Association des employés, particulièrement lorsque les avis qu’elle donne ne sont pas conformes à la politique du Service ou qu’ils aboutissent à la perte d’un droit.

[18]   M. Richard est convaincu que M. Palmer a été licencié pour des raisons valables. Cette conviction, selon lui, explique l’avis qu’il a donné au demandeur.

[19]   En août 2003, M. Richard a répondu à la demande que M. Palmer lui avait adressée pour obtenir les noms d’avocats titulaires d’une cote de sécurité. Il a supposé que M. Palmer cherchait un avocat pour le représenter à l’arbitrage de son grief.

[20]   M. Richard ne pense pas que les allégations de mauvaise foi figurant dans la pièce G-4 sont fondées.

[21]   Pierre Rocheleau a témoigné ensuite. Il se rappelle avoir eu une discussion avec M. Richard sur la possibilité d’une prorogation de délai pour que M. Palmer puisse obtenir des documents grâce au processus d’AIPRP. Il se souvient d’avoir dit à M. Richard que la demande de prorogation serait vraisemblablement accueillie si elle était présentée par écrit et dans le délai prescrit par les politiques du Service.

[22]   M. Rocheleau a expliqué qu’il est facile pour tous les employés d’avoir accès à ces politiques. Il a aussi confirmé que le Service dirige vers l’Association des employés ceux qui ont besoin d’avis ou de conseils au sujet d’un grief ou d’une plainte.

[23]   Selon M. Rocheleau, la politique du Service au sujet des prorogations de délai est claire et doit être suivie. Si elle n’était pas rigoureusement respectée, on [traduction] « ouvrirait les vannes à un flot d’incertitude ». L’employeur perdrait le contrôle de la procédure de règlement et d’arbitrage des griefs, ce qui nuirait à une saine gestion. En outre, si le traitement des griefs pouvait se prolonger indéfiniment, la capacité du Service de doter ses postes risquerait d’en souffrir. Enfin, les souvenirs des témoins potentiels s’estompent fatalement avec le temps.

[24]   Gérald Bilodeau travaille au Service en relations de travail. Il a déclaré que les délais fixés par le Service pour la présentation des griefs peuvent être prorogés sur demande écrite. Il n’a toutefois pas eu connaissance d’un cas où une prorogation aurait été accordée par le Service après l’expiration d’un délai. Par ailleurs, les politiques du Service n’autorisent pas le dépôt de griefs supplémentaires.

[25]   En juillet 2003, M. Bilodeau a parlé avec M. Richard du grief que M. Palmer allait déposer.

[26]   Le Service envoie normalement les employés qui ont des plaintes ou des griefs et qui ont besoin d’aide à l’Association des employés. M. Bilodeau ne pense pas que le Service devrait être tenu responsable des mauvais conseils ou des renseignements erronés que l’Association donne aux employés.

[27]   M. Bilodeau a évoqué un grief que M. Palmer avait présenté antérieurement pour contester une sanction disciplinaire; dans ce cas-là, l’employé avait demandé et obtenu une prorogation de délai pour pouvoir présenter son grief avec 11 jours de retard.

[28]   Louise Di Stefano a témoigné par la suite. Elle est une employée du Service qui a eu des rapports avec les ressources humaines et les relations de travail. Elle a succédé à M. Richard à la présidence de l’Association des employés.

[29]   M. Palmer a téléphoné à Mme Di Stefano en janvier 2004 pour parler du grief supplémentaire que M. Richard lui avait dit qu’il pourrait déposer après avoir obtenu réponse à ses demandes d’AIPRP.

[30]   Mme Di Stefano a reçu plus tard le grief supplémentaire de M. Palmer et l’a fait parvenir à M. Bilodeau. Le Service l’a informée qu’il ne pouvait pas accepter ce grief supplémentaire parce que présenté tardivement.

[31]   Mme Di Stefano a alors informé le demandeur de la position du Service et du fait que l’Association des employés ne pouvait rien faire de plus pour lui.

[32]   D’après une discussion avec M. Bilodeau, Mme Di Stefano pense que le Service aurait accordé une prorogation de délai à M. Palmer s’il l’avait demandée par écrit en temps voulu.

[33]   Mme Di Stefano estime que le président de l’Association des employés se doit d’informer les employés de leurs droits et de leurs obligations et de s’occuper au besoin des problèmes de respect des délais. Elle croit aussi que, lorsque c’est justifié, le Service devrait tenir compte du fait qu’un employé aurait pu être mal conseillé par l’Association.

[34]   M. Palmer a témoigné sur les circonstances qui ont mené à son licenciement, puis à la présentation d’un premier grief et d’un grief supplémentaire.

[35]   Le demandeur a évoqué ses discussions avec M. Richard, qu’il considérait comme un homme d’expérience en matière de relations de travail.

[36]   Pendant ces discussions, M. Richard avait dit à M. Palmer qu’il pourrait toujours présenter un grief supplémentaire à une date ultérieure, dans l’éventualité où il obtiendrait des renseignements nouveaux. Il ne lui a jamais dit qu’un document écrit devait être présenté pour obtenir le consentement du Service à une prorogation de délai afin qu’un autre grief puisse être déposé.

[37]   En juin 2003, M. Palmer a commencé à présenter des demandes d’AIPRP afin d’obtenir les renseignements qu’il estimait nécessaires pour étayer un grief supplémentaire. Il n’a reçu les renseignements demandés qu’en juin 2004, même s’il croyait avoir suffisamment d’information en février 2004 pour justifier un grief supplémentaire. Ce grief supplémentaire a été présenté au SCRS en mars 2004, plusieurs mois après que le Service eut mis fin à son emploi. Le grief supplémentaire a été renvoyé à l’arbitrage le 14 mai 2004, à la suite du refus du Service de le traiter.

Résumé de l’argumentation

[38]   Les parties ont été invitées à déposer leur argumentation par écrit. Leurs observations ont été versées au dossier; j’en présente ici des résumés succincts.

Pour le demandeur

[39]   La question du délai de présentation du grief a été soulevée par le président de l’Association des employés, Dennis Richard. L’Association des employés est contrôlée par le SCRS et son président doit suivre les instructions de la direction, qui envoie les employés en difficulté lui demander conseil. L’Association des employés sert de pont entre les employés et la direction du Service.

[40]   M. Richard n’a pas donné au demandeur la représentation juste à laquelle il avait droit.

[41]   Il faut tenir compte de cinq facteurs dans les cas de respect du délai de présentation d’un grief. Ils sont énumérés dans Trenholm c. Personnel des fonds non publics des Forces canadiennes ( 2005 CRTFP 65, paragr. 64).

1)    Existe-t-il des raisons claires, logiques et convaincantes pour justifier le retard?

[42]   Lorsqu’il l’a licencié, le SCRS a suspendu la cote de sécurité du demandeur et lui a refusé l’accès aux renseignements protégés dont il avait besoin pour présenter un grief exhaustif.

[43]   M. Palmer a accepté ce que M. Richard lui disait au sujet du dépôt ultérieur d’un grief supplémentaire. C’est parce que le Service n’a pas répondu rapidement à ses demandes d’AIPRP qu’il a tardé à présenter son grief supplémentaire.

2)    S’agit-il d’un long retard?

[44]   Les six ou sept mois écoulés (d’août/septembre 2003 au 4 mars 2004) ne constituent pas un long retard, compte tenu de la gravité et de la complexité du dossier. Le retard est imputable au fait que le Service n’a pas rapidement répondu aux demandes d’AIPRP du demandeur.

[45]   Ce retard de six ou sept mois est sans importance comparativement aux douze années de service de M. Palmer au SCRS.

3)    Le demandeur a-t-il été diligent?

[46]   Les interactions continues du demandeur avec le président de l’Association des employés, comme en font foi ses nombreux courriels et appels téléphoniques de même que ses nombreuses demandes d’AIPRP, démontrent toutes sa diligence.

[47]   Le demandeur avoue ne pas bien connaître la procédure, ce qui l’a forcé à se fier aux conseils de l’Association des employés, vers laquelle le Service l’avait dirigé. Son intention de renvoyer son grief à l’arbitrage est évidente dans la preuve documentaire, et ce, dès juin 2003 (pièce G-3).

4)    Quel poids faut-il accorder à l’injustice pour l’employé et au préjudice pour l’employeur si la demande de prorogation était accueillie?

[48]   Il va sans dire que sa cessation d’emploi après douze années de service a été extrêmement préjudiciable à M. Palmer.

[49]   Par contre, le Service ne peut pas prétendre qu’il subirait un préjudice, puisque le retard est attribuable à l’avis qu’il a donné au demandeur par l’intermédiaire de son Association des employés. Qui plus est, le SCRS gagnerait à s’assurer de nouveau les services d’un employé d’expérience.

5)    Quelles sont les chances du grief d’être accueilli, ou est-il sans fondement?

[50]   Le SCRS n’a pas contesté les points soulevés dans le grief supplémentaire. Quoi qu’il en soit, il n’a pas envisagé d’autres solutions avant de licencier M. Palmer.

[51]   Compte tenu de ce qui précède, la demande de prorogation de délai devrait être accueillie.

Pour le Service

[52]   Le SCRS déclare que M. Palmer n’a pas fait preuve de diligence dans ce dossier. Le demandeur connaissait ou aurait dû connaître les politiques du Service sur les griefs et les délais applicables.

[53]   Le Service affirme qu’accorder une prorogation de délai dans les circonstances lui causerait un grand préjudice. Même si M. Palmer peut avoir subi un certain préjudice lorsqu’il a été renvoyé du Service, tout bien pesé, c’est le SCRS qui subirait le plus grand préjudice.

[54]   En ce qui concerne les cinq facteurs énumérés dans Trenholm (supra) le Service fait valoir que :

  1. M. Palmer n’a pas donné de raisons claires, logiques et convaincantes pour justifier le retard. Le demandeur prétend que c’est parce que le Service a tardé à répondre à ses demandes d’AIPRP qu’il n’a pas pu déposer son grief dans le délai prescrit. Cet argument ne tient pas, puisque M. Palmer avait déjà rédigé en juillet 2003 une ébauche de grief avançant plusieurs exemples de mauvaise foi et de mesures disciplinaires déguisées qu’il aurait pu déposer en temps opportun, quitte à ajouter d’autres faits à une date ultérieure.

  2. La présentation du grief supplémentaire accuse un long retard.

  3. M. Palmer n’a pas été diligent pour renvoyer le grief à l’arbitrage. Il n’a rien fait avant mai 2004, et c’est un argument convaincant pour conclure qu’il n’avait pas décidé de renvoyer son grief à l’arbitrage avant. Il voulait simplement présenter un grief supplémentaire, ce qui n’est pas prévu par la politique du Service.

  4. Le SCRS fait valoir qu’il subirait un plus grand préjudice que M. Palmer si je devais accorder une prorogation de délai dans cette affaire. Il faut qu’il y ait une certaine finalité dans la procédure; autrement, des affaires comme celle-ci deviendraient impossibles à gérer, parce que n’importe qui pourrait faire renvoyer un grief à l’arbitrage n’importe quand après expiration du délai prescrit par les politiques du Service.

    M. Palmer a maintenant un emploi et rien ne prouve que ses conditions de travail actuelles soient telles qu’on puisse conclure qu’il a subi un plus grand préjudice que celui que l’employeur subirait s’il avait gain de cause ici.

    De toute manière, M. Palmer s’est représenté lui-même après son licenciement. Il est l’artisan de son propre malheur.

  5.  M. Palmer a été licencié parce que son rendement était mauvais, un point c’est tout. Son licenciement était administratif et non disciplinaire. M. Palmer n’a pas de quoi prouver que son grief est fondé.

[55]   Compte tenu de ce qui précède, le SCRS déclare que M. Palmer n’a pas avancé de raisons valables qui justifieraient l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire d’accorder une prorogation de délai.

Réplique du demandeur

[56]   La politique du Service ne peut pas prévaloir sur la nouvelle Loi ni sur la Loi sur la gestion des finances publiques.

[57]   Le Service n’a donné aucune raison valable pour justifier son objection à une prorogation du délai applicable en l’espèce.

[58]   Comme le moins qu’on puisse dire est que le préjudice que le demandeur a subi est plus grand que celui que le Service subirait, je devrais accueillir sa demande de prorogation de délai.

Motifs

[59]   Lorsqu’il s’agit de déterminer s’il faut accorder une prorogation de délai, il importe d’analyser toutes les circonstances pour s’assurer que la procédure est respectée de façon juste et équitable pour toutes les parties.

[60]   La jurisprudence de la Commission elle-même et d’autres instances a établi cinq facteurs dont il faut tenir compte pour trancher les demandes de prorogation de délai. Ces cinq facteurs ont été exposés par les parties dans leurs observations écrites; je n’ai donc pas besoin de les répéter.

[61]   La preuve dont je suis saisi démontre clairement que M. Palmer a toujours voulu présenter un grief pour contester son licenciement en dénonçant la mauvaise foi et les mesures disciplinaires déguisées. Ses intentions à cet égard ont été communiquées à M. Richard au début de juillet 2003.

[62]   Dans la présente affaire, le retard est en grande partie attribuable au mauvais conseil que l’Association des employés a donné au demandeur ainsi qu’au temps que le Service a mis à répondre aux demandes d’AIPRP de M. Palmer. Je conclus donc qu’il existe en l’occurrence des raisons claires, logiques et convaincantes pour justifier le dépôt tardif du grief supplémentaire.

[63]   La longueur du retard est appréciable, mais ne suffit pas à justifier une décision défavorable au demandeur, et ce particulièrement parce que le retard semble au moins en partie imputable à la lenteur avec laquelle le Service a répondu à ses demandes d’AIPRP.

[64]   Compte tenu du renseignement erroné que l’Association des employés lui a donné et du fait que M. Palmer a continué à faire valoir ses revendications, je conclus qu’il a défendu ses droits avec diligence.

[65]   En l’espèce, l’aspect du préjudice doit être tranché en faveur du demandeur. Je reconnais que le Service a besoin de stabilité et d’uniformité dans sa procédure, mais le préjudice causé à M. Palmer par son licenciement l’emporte sur celui causé au SCRS. Le Service doit assumer une certaine responsabilité pour les mauvais conseils que l’Association des employés a donnés à M. Palmer. Cette Association a été créée par le SCRS, qui lui renvoie les employés comme M. Palmer. Dans un contexte comme celui-là, il est impératif que le SCRS donne aux dirigeants de l’Association des employés une formation suffisante en relations de travail et leur fournisse un manuel pour qu’ils puissent conseiller comme il se doit les employés du Service.

[66]   Comme je l’ai déjà dit, il n’a pas été vraiment question du bien-fondé des allégations de M. Palmer à l’audience. Je ne vais donc tirer aucune conclusion sur les chances de succès du grief « supplémentaire » du demandeur, car je n’ai pas besoin de le faire. M. Palmer ne devrait pas interpréter la présente décision comme une indication qu’il pourrait avoir gain de cause avec ce grief. Il faudra trancher l’objection du Service en matière de compétence et, à cet égard, avec la situation de la jurisprudence, M. Palmer n’aura pas la tâche facile.

[67]   Je conclus donc que le délai de renvoi du grief de M. Palmer (déposé à la Commission le 14 mai 2004) à l’arbitrage devrait être prorogé.

[68]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[69]   La demande est accueillie. Le grief que M. Palmer a renvoyé à l’arbitrage le 14 mai 2004 et l’objection du Service en matière de compétence seront confiés à un arbitre de grief pour être tranchés.

Le 1er février 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

 

 

Yvon Tarte,
président

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