Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a dû s’absenter du travail pendant plusieurs mois en raison d’un accident de travail - il a réclamé un congé payé pour accident de travail en vertu de la clause 30.18 de la convention collective applicable, pour couvrir la durée complète de son absence - l’employeur lui a accordé un congé de six (6) semaines, ce qui ne couvrait qu’une partie de la période d’invalidité - l’arbitre de grief a jugé que la clause 30.18 accordait au fonctionnaire s’estimant lésé un congé d’une << durée raisonnable >> en cas d’accident de travail - l’employeur, au moment de prendre sa décision, a pris en considération le fait que les attestations médicales fournies par le fonctionnaire s’estimant lésé faisaient état d’une absence prévue de moins de soixante (60) jours et une politique de la CSST qui prévoit une consolidation de cinq (5) semaines pour le type de lésion subie par le fonctionnaire s’estimant lésé - l’arbitre de grief a conclu que la décision de l’employeur était raisonnable dans les circonstances. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P–35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-07-17
  • Dossier:  166-02-35166
  • Référence:  2006 CRTFP 90

Devant un arbitre de grief



ENTRE

JEAN-PIERRE LABADIE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Labadie c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Jean-Pierre Tessier, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Céline Lalande, UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS - SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA - CSN

Pour l'employeur :  Karl C. Chemsy, avocat


Affaire entendue à Québec (Québec),
les 1 et 2 décembre 2005.

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]     Jean-Pierre Labadie (« le fonctionnaire s'estimant lésé ») est à l'emploi de Service correctionnel du Canada dans un poste de groupe et niveau CX-01 depuis plus de sept  ans.

[2]    Le 2 juillet 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé subit un accident de travail; il a dû s'absenter du travail pour une période de plusieurs mois. Il a formulé une demande d'indemnité à la Commission de santé et sécurité au travail (CSST) et cette demande a été acceptée en août 2003.

[3]    L'employeur lui a accordé un congé pour accident de travail d'une durée de six semaines en vertu de la clause 30.18 de la convention collective. En mai 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé conteste par grief la durée du congé, déterminée par l'employeur. Ce grief est renvoyé à l'arbitrage de grief en septembre 2004 et l'audience a lieu en décembre 2005.

[4]    Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.  En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).

Résumé de la preuve

[5]    Les faits présentés par le fonctionnaire s'estimant lésé concordent avec ceux présentés par Mme Dessureault, gestionnaire représentant l'employeur. La question en litige est de vérifier si, compte tenu des circonstances, l'employeur a accordé un congé pour accident de travail d'une « durée raisonnable » au sens de la clause 30.18 de la convention collective entre les parties (pièce F-1) qui se lit ainsi :

[...]

Congé pour accident de travail

30.18 L'employé-e bénéficie d'un congé payé pour accident de travail d'une durée fixée raisonnablement par l'Employeur lorsqu'une réclamation a été déposée en vertu de la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État et qu'une commission d'accidents du travail a informé l'Employeur qu'elle a certifié que l'employé-e était incapable d'exercer ses fonctions en raison :

a)
d'une blessure corporelle subie accidentellement dans l'exercice de ses fonctions et ne résultant pas d'une acte délibéré d'inconduite de la part de l'employé-e,
 ou
b)
d'une maladie ou d'une affection professionnelle résultant de la nature de son emploi et intervenant en cours d'emploi,

si l'employé-e convient de verser au receveur général du Canada tout montant d'argent qu'il reçoit en règlement de toute perte de rémunération résultant d'une tel blessure, maladie ou affection, à condition toutefois qu'un tel montant ne provienne pas d'une police personnelle d'assurance-invalidité pour laquelle l'employé-e ou son agent a versé la prime.

[...]

[6]    Le 3 juillet 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est blessé en transportant un détenu qui était inconscient. Le 5 juillet, il ressent certains malaises et s'absente par la suite du travail pour consulter un médecin.

[7]    Le 7 juillet 2003, le médecin constate une entorse lombaire et émet un certificat d'accident de travail (pièce E-1).

[8]    Le fonctionnaire s'estimant lésé souligne que l'employeur avait contesté le fait que son invalidité soit causé par un accident de travail car selon l'employeur, il avait tardé à rapporter l'accident (pièce E-4).

[9]    Finalement, après l'intervention du syndicat, les choses se sont réglées et le fonctionnaire s'estimant lésé s'est vu octroyer des jours de congé de maladie par l'employeur.

[10]    Cependant, le 19 août 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé reçoit une lettre de l'employeur (pièce F-4), l'avisant qu'il serait en congé sans solde à compter du 18 août de cette même année.

[11]    Globalement, le fonctionnaire s'estimant lésé mentionne s'être vu accordé un congé pour accident de travail d'environ six  semaines, soit du 27 juillet au 18 août 2003, et par la suite, il a reçu du 19 août 2003 au 24 août 2004 les indemnités de la CSST.

[12]    Selon lui, le congé pour accident de travail accordé par l'employeur aurait dû couvrir une plus longue période. À compter du moment où un fonctionnaire reçoit des indemnités de la CSST, il est considéré en congé sans solde par l'employeur et ne bénéficie pas de crédits pour des bénéfices sociaux (congé de maladie, vacances, etc.).

[13]    Le fonctionnaire s'estimant lésé soumet que, le 19 août 2003, la CSST a rendu une décision sur l'admissibilité au régime d'accident de travail et que l'employeur aurait pu lui accorder un congé pour accident de travail pour une durée supérieure à six semaines.

[14]    Sur ce point, le fonctionnaire s'estimant lésé renvoie à la politique du Conseil du Trésor relative aux congés pour accident de travail (pièce F-7). Le paragraphe 3.4 de cette politique fait mention d'une possibilité pour l'employeur de prolonger le congé d'accident de travail de plus de 135 jours. Ainsi, selon lui, l'employeur aurait pu prolonger le congé pour accident de travail au-delà de six semaines.

Témoignage pour l'employeur

[15]    Suzanne Dessureault déclare qu'elle est gestionnaire d'unité depuis 2000. Elle dit s'être informée des circonstances de l'accident survenu au fonctionnaire s'estimant lésé. Par la suite, elle a consulté la Direction des relations des ressources humaines afin d'attribuer les congés nécessaires.

[16]    En juillet 2003, elle constate que la confirmation de la CSST tarde à être émise. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait plus de crédits de congé de maladie; elle a donc décidé de lui accorder le congé pour accident de travail.

[17]    Au moment de sa décision, Mme Dessureault a tenu compte des attestations médicales émises par le médecin du fonctionnaire s'estimant lésé (pièce E-3, en liasse). La majorité des attestations indiquent une absence de 60 jours ou moins.

[18]    Par la suite, Mme Dessureault a consulté la Politique d'imputation des coûts émise par la CSST (pièce E-8), bien qu'il soit mentionné que cette politique ne puisse servir d'indication pour la gestion d'une consolidation. Le nombre de semaines prévisible pour une consolidation de lésion peut même guider le fonctionnaire s'estimant lésé, selon Mme Dessureault. Dans le cas de lombalgie, on indique une consolidation possible après cinq semaines.

[19]    C'est donc à partir des attestations médicales et de la politique de la CSST que Mme Dessureault dit avoir décidé d'accorder un congé d'accident de travail d'environ six semaines.

Argumentation des parties

[20]    En plus de renvoyer aux arguments soumis pendant son témoignage, le fonctionnaire s'estimant lésé soumet qu'un fonctionnaire devrait se voir octroyer un congé pour accident de travail couvrant la totalité de son invalidité. De fait, selon lui, la politique du Conseil du Trésor fait mention d'un congé de plus de 135 jours. L'employeur peut donc accorder des congés pour accident de travail pour une durée prolongée évitant ainsi que le fonctionnaire ne perde certains avantages sociaux.

[21]    De son côté, l'employeur soumet que le libellé de la clause 30.18 de la convention collective est explicite sur le fait que le congé pour accident de travail est d'une durée fixée raisonnablement par l'employeur.

[22]    Il s'agit donc d'une discrétion que l'employeur doit appliquer de façon raisonnable. Ce qui a été fait dans le présent cas.

Motifs

[23]    Je retiens des arguments du fonctionnaire s'estimant lésé qu'il se sent pénalisé du fait que l'employeur ne lui a pas accordé un congé pour accident de travail couvrant la totalité ou, du moins, la majeure partie de son invalidité.

[24]    Je constate, tout comme lui, qu'il y a des conséquences économiques ou perte d'avantages du fait que le congé d'accident de travail accordé ne couvre pas toute la période d'invalidité. Cependant, cette perte d'avantages est atténuée par le fait que le fonctionnaire reçoit par ailleurs des prestations de la CSST.

[25]    Le libellé de la clause 30.18 est très précis et il n'indique nullement que le congé pour accident de travail doit correspondre à la période d'invalidité. Dans la décision Colyer c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-16309, l'arbitre de grief s'exprime ainsi :

[...]

Étant donné ce qui précède, je ne peux juger que l'employeur n'a pas accordé à l'employé s'estimant lésée une période raisonnable de congé pour accident de travail comme exige la convention collective. J'en viens à cette conclusion tout en sachant que celle-ci ne s'est pas trouvée démunie pendant la période où elle n'a pas bénéficié d'un tel congé. Elle a touché des prestations d'accident de travail, qui constituent la protection dont peuvent bénéficier les employés qui subissent une blessure. Bien que, pour obtenir un congé pour accident de travail, un employé doive d'abord faire approuver la demande de prestation d'accident de travail, la convention collective ne dit nulle pas qu'un tel congé doit nécessairement coïncider avec la période où l'employé touche ces prestations. Si tel était le cas, il ne serait pas nécessaire d'accorder à l'employeur un pouvoir discrétionnaire à cet égard, puisque le congé pour accident de travail serait presque automatiquement la forme de redressement choisie. Une telle intention serait sûrement exprimée plus clairement, soit en permettant aux employés, une fois leur demande approuvée par une commission des accidents du travail, de lui substituer une demande de congé pour accident de travail. Ce n'est pas cela que prévoit la convention collective qui s'applique ici. Celle-ci permet à l'employeur d'accorder un congé pour accident du travail d'une durée qu'il juge raisonnable à la suite d'un accident ou d'une blessure.

[...]

[26]    Compte tenu de ce qui précède, il reste à examiner si l'employeur a fixé raisonnablement la durée du congé d'accident de travail qu'il a accordé au fonctionnaire s'estimant lésé.

[27]    Les attestations fournies par le médecin du fonctionnaire s'estimant lésé indiquent que l'absence prévue est de moins de 60 jours. De plus, l'employeur se réfère à la politique émise par la CSST, qui prévoit une consolidation de cinq (5) semaines pour une lombalgie.

[28]    Je n'ai pas en preuve d'autres documents médicaux du fonctionnaire s'estimant lésé. Je ne peux que constater que malheureusement la période d'invalidité s'est prolongée pendant plusieurs mois. L'employeur a selon moi, pris sa décision en prenant en compte les éléments de faits à sa dispositions au moment où il l'a prise.

[29]    À défaut de preuves substantielles qui remettaient en question la décision de l'employeur d'accorder un congé de six semaines et compte tenu des circonstances, le congé accordé ne m'apparaît pas déraisonnable.

[30]    Pour ces motifs, je rends l'ordonnance suivante :

Ordonnance

[31]    Le grief est rejeté.

Le 17 juillet 2006.

Jean-Pierre Tessier,
arbitre de grief

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