Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas présenté à une séance de formation de tir - il en avait informé le gestionnaire responsable des horaires de travail, mais pas son superviseur, ni le responsable de la formation de tir - il a par la suite présenté une demande de congé de maladie, sans certificat médical, qui a été refusée par l’employeur - l’employeur a réduit le traitement du fonctionnaire s’estimant lésé d’une journée de salaire - la convention collective prévoyait que << [à] moins d’indication contraire de la part de l’Employeur, une déclaration signée par l’employé-e indiquant que, par suite de maladie ou de blessures, il a été incapable d’exercer ses fonctions [...] >> suffisait pour justifier un congé de maladie - l’employeur avait avisé les fonctionnaires que s’ils s’absentaient d’une formation de tir, ils devraient attester leur absence par une pièce justificative valable ou un certificat médical - l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas suivi les directives raisonnables que l’employeur lui avait données. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-08-17
  • Dossier:  166-02-35763
  • Référence:  2006 CRTFP 97

Devant un arbitre de grief



ENTRE

BERTRAND LAHAYE

fonctionnaire s’estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Lahaye c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Jean-Pierre Tessier, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Céline Lalande, UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS - SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA - CSN

Pour l’employeur : Karl Chemsi, avocat


Affaire entendue à Québec (Québec),
les 1 et 2 décembre 2005.

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]    Bertrand Lahaye (le « fonctionnaire s'estimant lésé ») travaille au Service correctionnel du Canada depuis plus de 19 ans. Il a occupé un poste aux groupe et niveau CX-01 et, depuis 2001, au poste aux groupe et niveau de CX-02.

[2]    Le 20 octobre 2004, l'employeur a refusé sa demande de congé de maladie et a coupé le salaire du fonctionnaire s'estimant lésé pour une durée d'une journée en raison de son absence le 26 avril 2004.

[3]    Le 20 octobre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a contesté le geste de l'employeur et a déposé un grief. Le grief est renvoyé à l'arbitrage de grief en janvier 2005 et l'audience a lieu en décembre 2005.

[4]    Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.  En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

Preuve du fonctionnaire s'estimant lésé

[5]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a expliqué qu'il devait participer à une séance d'entrainement de tir le 26 avril 2004.

[6]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné qu'il est tombé malade pendant la nuit en raison d'une forte grippe et, le matin, a constaté qu'il pleuvait. Il s'est senti incapable d'aller au travail (entrainement de tir) et a téléphoné à un agent CX-06, responsable des horaires, pour l'informer de son absence.

[7]    Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a rempli son formulaire d'attestation d'absence que le 4 juin 2004 et a demandé un congé de maladie sans certificat médical pour la journée du 26 avril 2004 (pièce F-2).

[8]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a souligné qu'en avril 2004, plusieurs autres fonctionnaires ont pris des congés de maladie alors que, selon leur horaire de travail, ils devaient participer à des cours de tir.

[9]    Lors du contre-interrogatoire sur l'événement du 26 avril 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pu affirmer qu'il n'avait pas reçu de l'employeur la note de service de 2002 relative aux exigences en matière de justification d'absence lors d'une formation de tir (pièce E-2). Il a dit ne pas se souvenir d'avoir eu des rappels verbaux relativement à cette note de 2002 lors de séances d'information en 2003 et 2004.

[10]    Alexandre Gagnon occupe un poste classé aux groupe et niveau CX-01. Il travaille depuis deux ans à l'établissement Donnacona et était auparavant employé à Port Cartier.

[11]    Il a indiqué qu'au printemps 2004, il a dû prendre une journée de congé pour raison de maladie alors qu'il devait participer à une formation de tir. Il a téléphoné le matin même à son surveillant pour lui expliquer son état d'invalidité. Le congé de maladie lui a été accordé sans avoir eu besoin de produire un certificat médical. Sa formation de tir a été reportée en septembre.

Preuve de l'employeur

[12]    Odette Duranleau est adjointe d'unité au pavillon « H » de l'établissement Donnacona. Au moment de l'événement de 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé relevait de Louis-Marie Perron pendant l'absence de Jean-Marc Charbonneau.

[13]    Au début du mois de mai 2004, Mme Duranleau a été informée par M. Perron que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas suivi la formation de tir du 26 avril 2004 et qu'il n'avait pas rempli un formulaire d'absence et de demande de congé pour maladie alors qu'il s'était déclaré malade ce jour-là. M. Perron a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de remplir un formulaire d'absence et de fournir un certificat médical.

[14]    Selon Mme Duranleau, le fonctionnaire s'estimant lésé devait présenter un certificat médical avec sa demande de congé pour maladie, selon la politique en vigueur pour justifier une absence en cas de maladie lors d'une journée de formation de tir.

[15]    Elle a fait référence en ce sens à la note de service de 2002 (pièce E-2) qui a été remise aux fonctionnaires en cas d'absence à une formation de tir. L'employeur demandait aux fonctionnaires de fournir une pièce justificative ou un certificat médical. Il y est mentionné aussi que les fonctionnaires peuvent communiquer avec le responsable de la formation lorsque survient un empêchement majeur.

[16]    Selon Mme Duranleau, l'employeur est en droit d'exiger des explications précises lorsqu'un fonctionnaire s'absente d'une séance de formation. L'organisation de telles séances de formation demande beaucoup de temps et d'argent. Il faut libérer les fonctionnaires, prévoir des remplacements et organiser la séance à l'extérieur de l'établissement. Dans le présent cas, la formation a été déplacée à la base militaire de Valcartier, à 30 km au nord de l'établissement Donnacona. Mme Duranleau a déposé plusieurs politiques relatives à la formation (pièces E-3 à E-6) qui rappellent l'importance de justifier toute absence.

[17]    Elle a commenté l'allégation du fonctionnaire s'estimant lésé voulant que d'autres fonctionnaires se soient absentés de la formation de tir pour raison de maladie (pièce F-4). Elle a expliqué que tous les noms des fonctionnaires étaient inscrits sur l'horaire des formations, bien que certains d'entre eux puissent être en congé. Elle a déposé des horaires de travail (E-1) et a souligné notamment que, dans le cas de M. Caron, il s'agissait d'une absence prolongée. Elle a souligné également que, dans le cas de M. Deschênes, il s'agissait d'absences récurrentes et, dans le cas de M. Anctil, il était souvent absent au printemps 2004 et fournissait généralement des certificats médicaux.

Argumentation des parties

[18]    Le fonctionnaire s'estimant lésé estime qu'il a satisfait aux exigences des clauses 31.02 et 31.03 de la convention collective (pièce F-1) en avisant de son absence et en produisant par la suite une demande de congé de maladie. Les clauses de la convention collective applicable relatives à l'attribution des congés de maladie se lisent comme suit :

[...]

Attribution des congés de maladie

31.02 L'employé-e bénéficie d'un congé de maladie payé lorsqu'il est incapable d'exercer ses fonctions en raison d'une maladie ou d'une blessure, à la condition :

a)
qu'il puisse convaincre l'Employeur de son état de la façon et au moment que ce dernier détermine,
et
b)
qu'il ait les crédits de congé de maladie nécessaire.

**

31.03 À moins d'indication contraire de la part de l'Employeur, une déclaration signée par l'employé-e indiquant que, par suite de maladie ou de blessures, il a été incapable d'exercer ses fonctions, est considérée, une fois remise à l'Employeur, comme satisfaisant aux exigences de l'alinéa 31.02a).

[...]

[19]    En se référant au témoignage de M. Caron, un collègue de travail, le fonctionnaire s'estimant lésé a souligné que l'employeur n'exige pas un certificat médical dans tous les cas d'absence.

[20]    Il a mentionné également qu'il est difficile de savoir si la note de service de 2002 a été portée à la connaissance des employés en 2003 et 2004.

[21]    De son côté, l'employeur a souligné que, selon la clause 31.02, il incombe à l'employé de convaincre l'employeur de son état d'incapacité, de la façon et au moment que l'employeur détermine.

[22]    La formation de tir est nécessaire et toute absence pose de sérieux problèmes. L'employé doit fournir une justification valable. Non seulement le fonctionnaire s'estimant lésé a tardé à fournir sa demande d'absence, mais, au cours de la journée même du 26 avril, il n'a pas fourni d'explication à son surveillant ou à l'instructeur de tir.

[23]    Puisque le fonctionnaire s'estimant lésé a tardé à produire son formulaire d'absence, on comprend pourquoi l'employeur a exigé un certificat médical. Si le fonctionnaire s'estimant lésé avait indiqué rapidement qu'il n'avait pas de certificat médical, l'employeur aurait pu, dans les jours suivant le 26 avril 2004, tenter d'obtenir de sa part une explication verbale justifiant son absence.

Motifs

[24]    Le fonctionnaire s'estimant lésé, en se référant à la clause 31.02 de la convention collective, a soutenu que le fait de produire une déclaration signée, indiquant qu'il s'est absenté pour une cause de maladie, satisfait aux exigences de la clause 31.02 de la convention collective. Il s'agit là d'une règle générale. Cependant,  la clause 31.03 de la convention collective précise que ce principe s'applique à moins d'indication contraire.

[25]    Dans sa note de service d'avril 2002, l'employeur a précisé qu'en cas d'absence a une formation de tir, il faut satisfaire à des exigences précises afin de se prévaloir d'un congé de maladie. Les exigences de cette directive de 2002 (pièce E-2) permettent diverses possibilités au fonctionnaire. Compte tenu de l'importance de la formation de tir, elles m'apparaissent raisonnables et le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas plaidé le contraire. Ces exigences sont les suivantes :

[...]

Advenant une absence lors de la formation de tir, vous devrez attester celle-ci par une pièce justificative valable ou un certificat médical.

Les demandes de congé annuel ne seront pas octroyées pour cette formation obligatoire.

Vous pourrez toujours communiquer avec le responsable de la formation advenant un empêchement majeur.

[...]

[26]    Dans le présent dossier, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas communiqué avec le responsable de la formation. Il n'a pas fourni de pièce justificative et n'a pas produit de certificat médical.

[27]    De fait, selon le témoignage de Mme Duranleau, l'employeur lui reproche de ne pas avoir fourni d'explication au moment de son absence du 26 avril 2004. Il n'a pas prévenu son surveillant immédiat le jour même, mais a laissé un message à un autre responsable. Il n'a pas cherché à convaincre l'employeur qu'il avait une raison valable de s'absenter; une situation invalidante dans le présent cas.

[28]    Il est vrai qu'un collègue de travail a déjà obtenu un congé de maladie sans fournir de certificat médical. Il a cependant communiqué avec son surveillant et, semble-t-il, a pu le convaincre qu'il avait un empêchement majeur ou une raison valable de s'absenter. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas prouvé que la situation de M. Gagnon était pareille à la sienne.

[29]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a mentionné avoir été affligé d'une grippe en soirée et il a mentionné aussi le fait qu'il pleuvait le matin du 26 avril 2004 afin de justifier sa décision de ne pas se présenter au travail. Il a tardé à remplir sa demande de congé.

[30]    Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas fait les efforts nécessaires pour satisfaire aux exigences de l'employeur et n'a pu le convaincre qu'il était dans une situation exceptionnelle ou d'invalidité la journée du 26 avril 2004. L'employeur avait donc droit de lui refuser le congé demandé.

[31]    Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[32]    Le grief est rejeté.

Le 17 août 2006.

Jean-Pierre Tessier,
arbitre de grief

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