Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante alléguait que le défendeur, son superviseur, avait enfreint l’article 23 de l’ancienne LRTFP - le défendeur a fait objection à la compétence de la Commission invoquant la question du respect des délais et faisant valoir que les articles 8 et 23 de l’ancienne LRTFP ne s’appliquent pas aux actes allégués - au cours des étés de 1998 à 2002, la plaignante a été nommée à un poste de guide interprète pour une période déterminée - en 2002, l’employeur a converti le poste à un poste saisonnier de durée indéterminée - la plaignante n’a pas été retenue lors du concours - elle a soutenu avoir eu des difficultés avec ses collègues de travail au cours de son emploi - elle a expliqué qu’elle s’était plainte auprès du défendeur et qu’il a tenu une réunion des employés et a fait circuler la politique de l’employeur sur le harcèlement - la plaignante a allégué qu’elle faisait l’objet d’une surveillance accrue et exceptionnelle de la part du défendeur - elle a expliqué que ses horaires de travail étaient souvent très longs et ne lui procuraient pas les congés auxquels elle aurait eu droit ou qu’elle croyait mériter - la plaignante alléguait également un complot entre son ex-mari, le chef de police, sa nouvelle conjointe, la fille du chef du Conseil de bande et le défendeur - elle prétend avoir été victime de discrimination par le Conseil de bande lors du concours de 2003, qui aurait favorisé les deux candidates nées dans la réserve - en septembre 2003, la plaignante a déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (ancienne Commission) contre son délégué syndical et le défendeur alléguant harcèlement sexuel et harcèlement au travail - la plainte lui a été renvoyée parce qu’elle était incomplète - en mai 2004, elle a tenté de déposer une plainte semblable auprès du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), mais le CCRI a renvoyé la plainte à l’ancienne Commission - encore une fois, l’ancienne Commission a retourné la documentation à la plaignante en l’avisant qu’en l’absence de plus amples renseignements, il serait impossible de donner suite à sa plainte - le défendeur a souligné que la plaignante n’a présenté aucun grief de harcèlement basé sur une disposition de sa convention collective ni de plainte de harcèlement sexuel en vertu de la politique de l’employeur - ce genre de plainte ne peut être présenté en vertu de l’article 8 de l’ancienne LRTFP - la plaignante ne peut, par la voie de ce même article 8, se plaindre du résultat du concours de 2003 - seule la Commission de la fonction publique a un pouvoir d’intervention en cette matière - la Commission a conclu qu’à sa face même, la plainte ne peut se loger sous la compétence de la Commission - il s’agit clairement d’une plainte qui n’est pas visée par les dispositions des articles 8 et 23 de l’ancienne LRTFP - les premières allégations de harcèlement sexuel remontent à une époque où Parcs Canada n’était pas l’employeur de la plaignante - toute plainte relative au processus de dotation n’est pas du ressort de cette Commission - en ce qui est des allégations de harcèlement au travail, la plaignante avait recours au processus prévu dans la politique sur la prévention du harcèlement de l’employeur ou pouvait déposer un grief en vertu de sa convention collective pour des faits ayant eu lieu pendant la durée de son emploi à Parcs Canada - l’objection visant la compétence de la Commission étant retenue, la Commission n’a pas à se pencher sur l’objection relative au délai mis pour déposer la plainte. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-08-21
  • Dossier:  561-33-16
  • Référence:  2006 CRTFP 98

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

DIANE DUCLOS

plaignante

et

Michel Bujold

défendeur

Répertorié
Duclos c. Bujold

Affaire concernant une plainte visée à l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Sylvie Matteau, vice-présidente

Pour la plaignante : Elle-même

Pour le défendeur : Karl Chemsi, avocat


Affaire entendue à Bathurst (Nouveau-Brunswick),
le 14 juin 2006 .

Plainte devant la Commission

[1]   Le 12 juillet 2004, Diane Duclos (la « plaignante ») a déposé deux plaintes à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») datées du 4 juillet 2004. L’une visait le devoir de représentation de son représentant syndical et a été entendue et décidée le 10 janvier 2006 (2006 CRTFP 2). L’autre, maintenant devant moi, est contre Michel Bujold, le défendeur, son superviseur de l’époque. Cette plainte se lit comme suit :

IL est tres difficile pour moi d’élaborer spécifiquement car il y a eu tellement de discrimination. IL serait pour moi, d’intérêt d’avoir une audition. Pour traiter et activer activement mon dossier. L’article (23) est fondée par les réglements qu’ils sont censément été enfreints! D’élaborer les premieres attaques sexuelles de mon patron Michel Bujold, le régiseur dans les annéés 1992-2002 jusqu’à la dernière semaine de mon contract le 11 Octobre,2002

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[2]   Le représentant du défendeur et de l’employeur, Me Chemsi (le « représentant »), a fait objection à la compétence de la Commission. Il a soumis que les faits et les circonstances soulevés dans la plainte, à leur face même, ne cadrent pas avec les termes et objectifs des interdictions prévues aux articles 23 et 8 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) (maintenant les articles 190 et 186 de la nouvelle LRTFP).

[3]   De plus, selon lui, la plaignante n’a pas déposé sa plainte dans un délai raisonnable, soit plus de 20 mois après la fin de son contrat. Enfin, étant donné le sérieux des allégations contre le défendeur et le fait qu’il avait très peu de détails sur les allégations qui pèsent contre lui, le représentant a demandé qu’une décision soit d’abord rendue sur ces questions préliminaires, que des détails lui soient fournis sur ces allégations et que l’audience soit ajournée pour lui permettre de préparer adéquatement sa défense, en toute connaissance de cause, le cas échéant.

[4]   La plaignante n’a pas eu d’objection à cette façon de procéder. J’ai donc acquiescé à la demande du représentant et j’ai invité les parties à procéder seulement sur les questions préliminaires soulevées par ce dernier. La plaignante a aussi été invitée à fournir plus de détails sur le fondement de sa plainte contre le défendeur.

[5]   Afin de trancher ces questions, j’ai entendu une preuve de la plaignante et les arguments des parties à l’égard des objections soulevées. Les parties n’ont pas présenté de témoins, mais j’ai toutefois accepté une preuve documentaire sous réserve de leur pertinence et poids et sous réserve d’une preuve plus approfondie lors d’une audience éventuelle sur le fond de l’affaire. L’audience a duré une journée.

[6]   Le défendeur n’était pas présent à cette audience. Le représentant était toutefois accompagné d’une représentante de l’employeur. La présente décision vise donc uniquement les questions de compétence et de délai.

[7]   Le 1er avril 2005, la nouvelle LRTFP, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission demeure saisie de cette plainte, qui doit être décidée conformément à la nouvelle LRTFP.

Résumé de la preuve

Les faits et circonstances entourant la plainte

[8]   Le représentant a présenté ses objections et a déposé des documents. La plaignante a été invitée à y répondre. Ce faisant, elle a témoigné de la situation dont elle se plaint et a brossé un tableau des circonstances entourant ses deux plaintes, ajoutant des détails à ses allégations contre le défendeur. Elle a reconnu que les faits qu’elle a exposés correspondent à ceux qu’elle a présentés lors de l’audience de la plainte déjà décidée (2006 CRTFP 2).

[9]   La plaignante, en raison de son mariage, est « indienne inscrite ». Elle a toutefois divorcé en 1993, mais elle maintient ce statut en vertu de la loi. Elle dit être ainsi membre de la communauté Mi’qmag de Listuguj, bien qu’elle vive à l’extérieur de la réserve.

[10]   La plaignante était agente de sécurité sur les lieux historiques de la Bataille de la Restigouche, pour la firme privée Sécurité Gaspeneq Inc., du 8 juillet au 15 août 1992, tel qu’il appert sur le relevé d’emploi que la plaignante a présenté (pièce P–6). Durant cet emploi, elle aurait été victime d’une agression sexuelle. À la suite de ces événements, son mariage avec le chef de police de la réserve a pris fin.

[11]   À l’été 1998, la plaignante a fait des démarches auprès du Conseil de bande et a obtenu un poste à titre de guide-interprète à Parcs Canada au même site historique de la Bataille de la Restigouche. Comme elle l’avait mentionné lors de l’audience précédente, ces offres d’emploi se faisaient dans le cadre d’un programme favorisant l’embauche d’autochtones et pour lequel le Conseil de bande avait son mot à dire. Ce poste d’une durée déterminée pour la saison d’été 1998 a été renouvelé les années suivantes, jusqu’en octobre 2002 (pièce E-2).

[12]   Le 19 mars 2003, Parcs Canada a avisé la plaignante de sa décision de procéder à la dotation par concours d’un poste saisonnier pour une période indéterminée ouvert uniquement aux candidats autochtones membres de la communauté Mi’qmag de Listuguj (pièce E-3).

[13]   La plaignante a posé sa candidature et a eu une entrevue. Le 28 mai 2003, l’employeur l’avisait qu’elle ne s’était pas qualifiée pour le poste (pièce E-4). Cette entrevue aurait eu lieu un vendredi en fin de journée et aurait duré à peine 10 minutes. Un court délai de deux semaines pour participer à ce concours a été accordé à la plaignante par le défendeur, car elle avait été hospitalisée du 30 avril au 4 mai 2003, à la suite d’un accident automobile. Son médecin lui avait alors prescrit un repos complet pour quatre semaines (pièce P-9). Elle a indiqué que ce repos a finalement été d’une durée de quatre mois. Elle soutient que ce délai accordé par le défendeur était inapproprié dans les circonstances. Ceci représente l’une des nombreuses allégations de harcèlement contre le défendeur qu’elle entend prouver.

[14]   Par ailleurs, la plaignante a soutenu que le résultat de ce concours était déterminé d’avance par le défendeur et le Conseil de bande. Elle a soutenu que les deux candidates retenues pour le poste ne possédaient aucune des compétences requises pour un tel travail.

[15]   Elle a allégué également que le défendeur aurait affiché la représentation d’une vieille femme à deux visages près de son bureau et que ce dernier y référait régulièrement comme étant une représentation de cette dernière. Elle a également allégué que ceci serait la conséquence de sa décision en 2000 de « briser le silence » en regard de ses allégations d’agression sexuelle au travail.

[16]   De plus, ses collègues utilisaient délibérément, selon elle, des produits nettoyants et des parfums qui lui causaient des réactions allergiques sérieuses. Elle a également mentionné qu’une collègue avait apporté une tortue au travail, ce qui lui a aussi causé une réaction allergique grave. Cette même personne aurait empoisonné sa nourriture avec des aliments auxquels elle est fortement allergique, au point où la plaignante conservait désormais sa nourriture dans sa voiture plutôt que dans le réfrigérateur mis à la disposition des employés. Elle a ajouté que l’employeur a même fourni à cette personne un réfrigérateur à ces fins personnelles puisque tous les employés se plaignaient de sa pauvre hygiène alimentaire et ne voulaient plus partager le réfrigérateur avec cette personne.

[17]   La plaignante a mentionné ces incidents au défendeur qui a tenu une réunion des employés et a fait circuler la politique de l’employeur sur le harcèlement. Selon elle, ceci n’a eu aucun effet sur l’attitude de ses collègues. De plus, elle aurait alors fait l’objet d’une surveillance accrue et exceptionnelle de la part du défendeur. Elle a ajouté que son travail était filmé de manière à l’intimider. Même ses collègues lui en faisaient la remarque, l’affublant du nom de « Madame La Pompadour », maîtresse du roi de France. Selon elle, les deux autochtones qui ont eu le poste en 2003 n’ont pas été soumises à ce comportement.

[18]   La plaignante a expliqué que ses horaires de travail, contrairement aux autres employés, étaient souvent très longs et ne lui procuraient pas les congés auxquels elle aurait eu droit ou qu’elle croyait mériter, tel un congé pour une importante fête autochtone et un congé pour pouvoir se présenter à la Cour lors d’une audience sur la garde de ses enfants.

[19]   Elle a aussi soulevé le fait qu’elle n’aurait pas eu accès au dépôt direct de son salaire et le fait que son exemption d’impôt n’aurait pas été gérée de façon consistante d’une année à l’autre, lui occasionnant ainsi des difficultés avec les autorités fiscales. De plus, elle n’a jamais eu le nouvel uniforme adopté en 2002, comme les autres employés, alors que les deux personnes embauchées à la suite du concours de 2003 ont immédiatement reçu cet uniforme. Selon elle, ceci la distinguait des autres employés. Les étudiants embauchés pour la saison estivale lui en faisaient d’ailleurs la remarque.

[20]   La plaignante a aussi allégué un complot entre son ex-mari, le chef de police, sa nouvelle conjointe, la fille du chef du Conseil de bande et le défendeur. Elle a également allégué avoir été victime de discrimination par le Conseil de bande lors du concours de 2003, qui aurait favorisé les deux candidates nées dans la réserve.

Faits et circonstances entourant les démarches de la plaignante

[21]   La plaignante a expliqué ses démarches concernant le délai qu’elle a mis à déposer sa plainte à la Commission. Elle se serait d’abord plainte à ses supérieurs, dont monsieur Raynald Bujold du bureau de Québec, qui n’aurait rien fait. Elle n’a pas précisé la date de cet entretien verbal. À compter du mois de mars 2003, la plaignante a communiqué avec ses représentants syndicaux. Elle a communiqué avec la présidente de son syndicat, Heather Brooker, en juillet 2003, puis avec Nycole Turmel, en avril 2004. Elle a également communiqué avec des politiciens locaux pour se plaindre de sa situation au travail.

[22]   Le 10 septembre 2003, la plaignante a signé une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne LRTFP contre son délégué syndical et le défendeur alléguant harcèlement sexuel et harcèlement au travail (pièce P-1). Elle y précisait que les alinéas 23(1)c) et d) de l’ancienne LRTFP étaient en cause. La Commission a retourné la plainte à la plaignante, en lui indiquant qu’il était impossible d’identifier de quelle décision arbitrale il était question ou à quel article du règlement en matière de griefs elle faisait référence. Elle a également déposé une plainte au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) le 18 mai 2004. Cette lettre a été transmise à la Commission le 20 mai 2004.

[23]   En juin 2004, la Commission a communiqué avec la plaignante, lui donnant plus de renseignements sur le dépôt d’une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne LRTFP et l’informant qu’elle ne pouvait traiter la plainte sans recevoir plus de détails. La plaignante a alors fait parvenir à la Commission la plainte datée du 4 juillet 2004.

[24]   La plaignante a dit avoir agi avec diligence. Elle a fait des démarches dès qu’elle a su que son contrat pour une durée déterminée ne serait pas renouvelé pour l’année 2003. Elle a dit ne pas avoir eu le soutien de son employeur ni de son syndicat. Cette dernière question a été traitée dans la décision 2006 CRTFP 2.

[25]   Enfin, le représentant a déposé le formulaire de plainte que la plaignante a déposé contre l’Agence Parcs Canada à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), le 3 mai 2004 (pièce E-5). La plaignante y allègue que son contrat n’a pas été renouvelé et que sa candidature au concours subséquent n’a pas été retenue en raison de sa race blanche et de son statut d’autochtone. Elle y allègue également un traitement différentiel en 2002 et 2003 pour les mêmes raisons qu’elle a exposées lors de la présente audience.

[26]   Le représentant a aussi déposé le rapport d’enquête daté du 13 juin 2005 (pièce E-7), ainsi que deux décisions de la CCDP à cet égard. La première décision est intérimaire. Elle est datée du 7 mars 2005 (pièce E-6) et précise que la CCDP ne statuera que sur l’allégation se rapportant au résultat du concours de mai 2003, car « les autres allégations contenues dans la plainte sont fondées sur des actes qui se sont produits plus d’un an avant le dépôt de la plainte ».

[27]   L’autre décision est datée du 31 août 2005 (pièce E-8) et rejette la plainte puisque les allégations retenues pour enquête par la CCDP ne se sont pas révélées appuyées par la preuve. La plaignante a indiqué qu’elle n’avait pas rencontré l’enquêtrice.

Résumé de l’argumentation

[28]   Selon le représentant, la question fondamentale est celle de la compétence de la Commission à instruire la plainte. La plaignante a fait défaut de se décharger de son fardeau de la preuve à l’effet de démontrer que l’employeur, sous le paragraphe 8(1) ou 8(2) de l’ancienne LRTFP, a fait quelque ingérence dans les activités syndicales de la plaignante ou a refusé de continuer à l’employer ou a imposé des conditions à son emploi contrairement à cette loi. Elle a aussi fait défaut de démontrer quelque action de l’employeur qui aurait eu pour but de l’empêcher d’exercer une activité syndicale. La plaignante n’a établi aucun lien avec les mécanismes de l’article 23 de l’ancienne LRTFP. Il est clair que les alinéas b) et c) de l’article 23 n’entrent pas en jeu. Ils se lisent comme suit :

23. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l’employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n’a pas, selon le cas :

[…]

  1. mis à effet une disposition d’une décision arbitrale;

  2. mis à effet une décision d’un arbitre sur un grief;

[…]

[29]   Reste donc à examiner l’alinéa a) de l’article 23, qui se lit comme suit : « […] observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10; […] » Cet alinéa se réfère aux interdictions contenues aux articles 8, 9 et 10 de l’ancienne LRTFP. Seul l’article 8 pourrait avoir quelque application en l’espèce, mais l’employeur et le défendeur ne savent pas ce qu’on leur reproche en rapport avec cet article et ses interdictions bien précises. L’article 8 de l’ancienne LRTFP se lit comme suit :

8. (1) Il est interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur, de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale, ou d’intervenir dans la représentation des fonctionnaires par une telle organisation ou dans les affaires en générale de celle-ci.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit :

a) de refuser d'employer ou de continuer à employer une personne, ou encore de faire des distinctions injustes fondées, en ce qui concerne l'emploi ou l'une quelconque des conditions d'emploi d'une personne, sur l'appartenance de celle-ci à une organisation syndicale ou sur l'exercice d'un droit que lui accorde la présente loi;

b) d'imposer -- ou de proposer d'imposer --, à l'occasion d'une nomination ou d'un contrat de travail, une condition visant à empêcher un fonctionnaire ou une personne cherchant un emploi d'adhérer à une organisation syndicale ou d'exercer un droit que lui accorde la présente loi;

c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de destitution ou par l'imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger un fonctionnaire :

  1. à adhérer -- ou s'abstenir ou cesser d'adhérer --, ou encore, sauf disposition contraire dans une convention collective, à continuer d'adhérer à une organisation syndicale,

  2. à s'abstenir d'exercer tout autre droit que lui accorde la présente loi.

(3) Toute action ou omission à l'égard d'une personne occupant un poste de direction ou de confiance, ou proposée pour un tel poste, ne saurait constituer un manquement aux dispositions du paragraphe (2).

[30]   Quant au premier paragraphe de l’article 8, il ne s’applique pas dans les circonstances présentées par la plaignante. Le paragraphe 2 qui contient trois alinéas décrivant des circonstances très précises ne s’applique pas non plus car il ne s’agit aucunement de circonstances que la plaignante pourra démontrer, ou même, entend démontrer. La décision Sabiston c. Gouvernement du Canada, Direction et représentants du ministère de la Défense nationale, dossiers de la CRTFP 161–02–280 à 288 et 161–02–289 à 299 (1983) (QL) est présentée au soutien de cet argument en ce que cette disposition ne peut servir à se plaindre contre l’employeur de choses autres que celles qui y sont prévues. Rien dans les faits rapportés par la plaignante ne démontre des agissements ou même une intention de la part de l’employeur de l’empêcher d’exercer ses droits protégés ou prévus à l’ancienne LRTFP.

[31]   Le représentant a souligné que la plaignante n’a présenté aucun grief de harcèlement basé sur une disposition de sa convention collective, ni de plainte de harcèlement sexuel en vertu de la politique de l’employeur. Ce genre de plainte ne peut être présentée en vertu de l’article 8 de l’ancienne LRTFP. Plusieurs décisions ont été appelées au soutien de l’argument de l’employeur et du défendeur : Rioux c. LeClair, 2006 CRTFP 12, Reekie c. Thomson, dossier de la CRTFP 161–02–855 et Pereverseff c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2005 CRTFP 60.

[32]   Quant au délai pour le dépôt de la plainte, il est sans conteste déraisonnable. La fin d’emploi de la plaignante remonte au mois d’octobre 2002. À compter de cette date, la plaignante n’était plus une employée de Parcs Canada et ne pouvait déposer une plainte ou des griefs que sur des faits ayant eu lieu avant cette date. Elle devait faire ces démarches avec diligence. Plus de 20 mois se sont écoulés entre cette fin d’emploi et le dépôt de sa plainte en juillet 2004. Il s’agit d’un délai déraisonnable. Le fardeau de la preuve incombait à la plaignante qui devait démontrer avoir agi avec diligence. Elle ne l’a pas fait.

[33]   Enfin, la plaignante ne peut, par la voie de ce même article 8, se plaindre du résultat du concours de 2003. Seule la Commission de la fonction publique a un pouvoir d’intervention en cette matière. Bien qu’il soit raisonnable de penser que la plaignante désire retrouver son poste, rien dans la plainte qu’elle a formulée ne peut mener à la satisfaction de cette demande. Pour toutes ces raisons, le représentant a demandé le rejet de la plainte pour défaut de compétence.

[34]   La plaignante, pour sa part, a déclaré avoir déposé sa plainte dès le 10 septembre 2003 (pièce P-1). Ce document lui a été retourné par le syndicat. Le 31 mars 2003, elle a écrit à un gestionnaire de Gaspé (pièce P-2). Elle a reçu une lettre datée du 25 juillet 2003 de Gordon Prieur (pièce P-3), confirmant la réception de sa correspondance.

[35]   Selon elle, Parcs Canada a fait preuve de discrimination contre elle dans le cadre du concours auquel elle a participé. Malgré le harcèlement, elle a déclaré avoir dû rester silencieuse par crainte de représailles par son superviseur, le défendeur. Elle avait besoin de son travail et ne pouvait compromettre ses revenus.

[36]   Elle a déclaré avoir mis toutes ses plaintes par écrit. Le syndicat les aurait toujours refusées. Selon le Règlement et règles de procédurede la Commission des relations de travail dans la fonction publique, il n’y a pas de délai prévu pour le dépôt d’une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne LRTFP. Elle a fait des démarches et a été diligente, mais ses représentants syndicaux ne l’ont pas aidé. Elle n’a pas à payer le prix pour leur négligence.

[37]   À la fin des représentations de la plaignante, j’ai réitéré les trois points soulevés par le représentant. J’ai alors invité la plaignante à faire des représentations sur la question de la compétence de la Commission, ce qu’elle n’a toujours pas fait. Elle a indiqué qu’à son avis, la Commission avait toute la compétence nécessaire pour entendre sa plainte.

[38]   La plaignante veut reprendre son travail à l’Agence Parcs Canada, possiblement être transférée et être dédommagée pour les deux dernières années.

[39]   En réplique, le représentant a fait remarquer que plusieurs des faits soulevés par la plaignante relèvent de la définition possible du harcèlement au travail. Il ne s’agit en rien de faits qui mènent à l’application des dispositions des articles 23 et 8 de l’ancienne LRTFP qui auraient pu donner ouverture à des griefs ou plaintes à la CCDP. D’ailleurs, l’une de ces plaintes à la CCDP a été rejetée faute de preuve.

Motifs

[40]   La plaignante a eu l’occasion lors de la présente audience de brosser un tableau des allégations qu’elle entend prouver contre le défendeur. Bien qu’elle n’ait pas présenté d’arguments sur l’objection concernant l’application des articles 23 et 8 de l’ancienne LRTFP (maintenant les articles 190 et 186 de la nouvelle LRTFP), tel que soulevé dans sa plainte du 4 juillet 2004, elle a présenté des explications et des documents qui me permettent de conclure que la plainte à sa face même ne peut se loger sous la compétence de la Commission.

[41]   Il s’agit clairement d’une plainte qui n’est pas visée par les dispositions des articles 23 et 8 de l’ancienne LRTFP. Les premières allégations de harcèlement sexuel remontent à une époque où Parcs Canada n’était pas l’employeur de la plaignante. Elle était alors à l’emploi de la firme privée Sécurité Gaspeneq Inc. Ce n’est qu’à compter de 1998 que la plaignante a été une employée saisonnière nommée pour une période déterminée auprès de Parcs Canada. Son contrat n’a pas été renouvelé en 2003. Elle en a été avisée. Ce poste a été modifié par l’employeur pour en faire un poste saisonnier pour une période indéterminée et un processus de dotation a été enclenché. Cette décision est du ressort exclusif de l’employeur en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. La plaignante a participé à ce concours mais elle a échoué. Toute plainte relative à ce processus de dotation n’est pas du ressort de cette Commission.

[42]   La plaignante ne peut non plus soumettre à cette Commission que les raisons ayant dicté les décisions de l’employeur, tant dans la modification du poste que dans sa dotation ayant résulté en une perte d’emploi de la plaignante, sont issues d’un exercice de discrimination contre elle par l’employeur, le défendeur ou même le Conseil de bande qui avait son mot à dire dans ce processus de dotation.

[43]   Une plainte à la CCDP a été déposée. Une enquête a été menée et la plainte a été jugée sans fondement.

[44]   En ce qui concerne tout l’aspect du harcèlement au travail que la plaignante a décrit, tant lors de la présente audience que lors de l’audition de sa plainte contre son représentant syndical, la plaignante avait recours au processus prévu dans la politique sur la prévention du harcèlement de l’employeur ou pouvait déposer un grief en vertu de sa convention collective pour des faits ayant eu lieu pendant la durée de son emploi à Parcs Canada. Elle n’a pas fait ces démarches et je ne vois pas comment la Commission pourrait remédier à ce défaut.

[45]   La plainte déposée se base sur des dispositions de l’ancienne LRTFP visant la protection contre les pratiques déloyales dans le cadre des relations de travail. Ce n’est pas, à sa face même, la situation présentée par la plaignante. La Commission n’a donc pas compétence et l’objection doit être retenue.

[46]   Tenant compte de ma décision sur l’objection ayant rapport à la compétence de la Commission, je n’ai pas à me pencher sur l’objection relative au délai mis pour déposer la plainte. Toutefois, je préciserai que le premier dépôt d’une plainte à la Commission, le 10 septembre 2003, ne fait pas preuve de diligence de la part de la plaignante puisque la demande de précisions expédiée par la Commission le 29 septembre 2003 (pièce P-7) est demeurée sans réponse jusqu’en juillet 2004, à la suite d’une deuxième demande de précisions sur réception d’une nouvelle plainte acheminée à la Commission par le CCRI en mai 2004.

[47]   Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[48]   L’objection visant la compétence de la Commission est retenue et la plainte est rejetée.

Le 21 août 2006.

Sylvie Matteau,
Présidente intérimaire

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