Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé une rémunération provisoire au niveau CX-02 pour des fonctions accomplies pendant qu’il occupait le poste d’agent préposé aux arrivées et aux départs - dans son grief, il a demandé qu’on lui verse cette rémunération pour la période allant de décembre 2001 à février 2003, durant laquelle il aurait formé et surveillé M. X - lors de l’audience, il a demandé qu’on lui verse une rémunération provisoire pour la période allant de 25 jours précédant la date de présentation de son grief en octobre 2003 jusqu’au moment où il a quitté son poste en 2005, en alléguant qu’il avait formé et surveillé plusieurs personnes durant cette période - le fonctionnaire s’estimant lésé a examiné des postes identiques dans sa région et a découvert qu’aux endroits où il y a deux agents de correction ou plus, il y avait au moins un poste qui était classifié au niveau CX-02 - dans son service, le nombre des années-personnes autorisé était de 1,5 année-personne, même si au cours des six années pendant lesquelles il y a travaillé dans ce service, le niveau de dotation n’a jamais approché ce niveau - le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé une reclassification, officieusement et par la présentation d’un grief de classification, mais n’a pas obtenu gain de cause - le fonctionnaire s’estimant lésé a précisé durant son témoignage que sa description de travail ne reflétait pas toutes les fonctions qu’il devait accomplir, et plus particulièrement l’obligation de surveiller et de former des employés, et que ses fonctions correspondaient davantage à celles énoncées dans la description de travail des CX-02 - le fonctionnaire estimant lésé a admis qu’il n’était pas tenu de surveiller le rendement ou la présence au travail de M. X et qu’il ne s’est pas chargé de ses évaluations du rendement et n’y a pas contribué - le fonctionnaire s’estimant lésé a convenu que ses fonctions avaient toujours été les mêmes pendant toute la période où il occupait son poste - l’employeur s’est opposé à la compétence de l’arbitre de grief parce que le grief n’a pas été déposé dans les délais prescrits et parce que le sujet du grief était la classification - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que le grief était un grief continu - l’arbitre de grief a statué que l’énoncé du grief lors de l’audience a changé sa nature et n’a pas simplement clarifié ni précisé le grief et que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas fourni d’arguments le persuadant d’autoriser le changement - par conséquent, l’arbitre de grief a décidé qu’il examinerait le grief sur la base de l’énoncé initial - l’arbitre de grief a statué que, bien que la présentation du grief ne se soit pas faite dans les délais prescrits, l’employeur avait renoncé à son droit de s’y opposer, puisqu’il ne s’était pas opposé au grief pour un tel motif à aucun des paliers de la procédure de règlement des griefs - l’arbitre de grief a statué que fondamentalement le grief portait sur la classification et ne pouvait par conséquent être renvoyé à l’arbitrage de grief - même s’il s’était trompé en concluant que le fonctionnaire s’estimant lésé avait indûment changé la nature de son grief et que le grief était un grief de classification, l’arbitre de grief a décidé que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas satisfait aux exigences du fardeau de la preuve en prouvant qu’il y avait violation de la clause 50.07 de la convention collective et que les fonctions qu’il exécutait correspondait aux fonctions à un niveau de classification supérieur, de façon continue, puisque les preuves fournies concernant ses fonctions étaient d’ordre général. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-06-23
  • Dossier:  166-02-35860
  • Référence:  2006 CRTFP 77

Devant un arbitre de grief



ENTRE

MICHEL J. DOIRON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Doiron c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Dan Butler, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  J. Mancini, avocat, Union of Canadian Correctional Officers-Syndicat des agents correctionnels du Canada-CSN (UCCO-SACC-CSN)

Pour l'employeur :  R. Roy, avocate


Affaire entendue à Moncton (Nouveau-Brunswick),
le 6 avril 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]    Michel Doiron (« le fonctionnaire s'estimant lésé ») est un employé du Service correctionnel du Canada (SCC ou l'employeur) et il occupe un poste d'agent correctionnel de groupe et de niveau CX-COF-1 (ci-après : « CX-1 ») à l'établissement de l'Atlantique, à Renous, Nouveau-Brunswick. Dans le présent renvoi à l'arbitrage de grief, le fonctionnaire s'estimant lésé allègue que l'employeur ne lui a pas accordé sa rémunération d'intérim, conformément aux dispositions de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et le Union of Canadian Correctional Officers-Syndicat des agents correctionnels du Canada-CSN (« UCCO-SACC-CSN »), qui a pris fin le 31 mai 2002.

[2]    Le 9 octobre 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé le grief suivant :

[Traduction]

Je conteste le fait que mon superviseur, M. Dan Newton, refuse de m'octroyer une rémunération d'intérim correspondant au groupe et au niveau CX-COF-2 pour les fonctions de supervision que j'ai exécutées. J'ai formé, surveillé et supervisé [M. X] un CX-COF-2 durant 13 mois, soit durant la période comprise entre décembre 2001 et février 2003.

[3]    À titre de redressement, le fonctionnaire s'estimant lésé demande ce qui suit :

[Traduction]

Recevoir le taux de rémunération applicable aux termes de la convention collective pour m'être acquitté des tâches et des fonctions correspondant au groupe et au niveau CX-COF-2 durant la période susmentionnée, et bénéficier de la représentation de mon choix à toutes les audiences.

[4]    Dans son renvoi à l'arbitrage de grief, le fonctionnaire s'estimant lésé indique qu'il n'a pas reçu de réponse à son grief au dernier palier de la procédure de la part de l'employeur. Il a renvoyé l'affaire à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (« l'ancienne Commission ») aux fins d'arbitrage de grief le 25 février 2005, en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (« l'ancienne Loi »).

[5]    Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C., ch. 22, a été proclamée en vigueur. L'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a cessé d'exister, et la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) a été créée. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi.

[6]    Dans une lettre datée du 20 mars 2006, l'employeur a contesté ma compétence à être saisi du présent renvoi à l'arbitrage de grief, parce que le grief n'avait pas été déposé dans les délais prescrits.

Objection préliminaire

[7]    Au début de l'audience, l'employeur a confirmé sa position selon laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas présenté son grief dans les délais prescrits aux termes de la clause 20.10 de la convention collective (pièces E-1 et G-1). Selon les observations de l'employeur, étant donné le non-respect des délais prescrits, je n'ai pas la compétence d'examiner le renvoi à l'arbitrage de grief présenté par le fonctionnaire s'estimant lésé en vertu de l'article 92 de l'ancienne Loi.

[8]    Comme autre argument, l'employeur soutient que je ne suis pas compétent, en faisant valoir que le grief porte essentiellement sur une question de classification. Par conséquent, l'action ou l'omission de la part de l'employeur contestée dans le grief ne peut faire l'objet d'un renvoi à l'arbitrage de grief et est protégée par l'article 7 de l'ancienne Loi.

[9]    J'ai accueilli les arguments présentés par les parties sur la question des délais à titre de question préliminaire initiale.  Au cours de son plaidoyer, le fonctionnaire s'estimant lésé a soutenu que l'objet du grief était en fait de nature continue et que, par conséquent, l'objection de l'employeur concernant les délais n'était pas fondée. Cet argument a amené l'employeur à répondre que, à l'occasion de l'audience, le fonctionnaire s'estimant lésé a changé la nature de son grief, ce qui lui était interdit.

[10]    Comme il fallait établir à l'aide d'une preuve que l'objet du grief était de nature continue ou que le grief portait sur la question de la classification, j'ai réservé ma décision concernant l'objection initiale de l'employeur au sujet des délais et suis passé à l'étape de la réception des preuves. Sur demande, j'ai accepté que les parties puissent revenir, au besoin, sur tout aspect de la question de compétence dans leur plaidoirie finale, à la lumière de la preuve présentée. Par conséquent, j'ai résumé les arguments relatifs à la compétence et au bien-fondé du renvoi dans une même section. Mes conclusions relatives à toutes les questions suivent le résumé.

[11]    Le fonctionnaire s'estimant lésé et l'employeur ont chacun fait comparaître un seul témoin. J'ai accepté qu'un total de dix documents soient présentés comme pièces justificatives, que la Commission peut consulter aux fins d'examen.

Résumé de la preuve

[12]    Le fonctionnaire s'estimant lésé travaille depuis plus de 19 ans pour le SCC. De 1987 à 1999, il a exécuté des fonctions d'agent correctionnel dans diverses unités résidentielles à l'établissement de l'Atlantique, à Renous, Nouveau-Brunswick. Renous est un établissement à sécurité maximale pouvant recevoir jusqu'à 240 détenus. Entre 1999 et mars 2005, le fonctionnaire s'estimant lésé a occupé le poste d'agent préposé aux arrivées et aux départs à Renous et à sa propre demande, en mars 2005, il a été muté par l'employeur ailleurs dans l'établissement.

[13]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il avait déposé son grief comme solution de dernier recours pour obtenir sa rémunération d'intérim ou une reclassification de son poste.

[14]    Au printemps de 1999, le fonctionnaire s'estimant lésé a participé à un concours pour une affectation intérimaire au service des admissions au pénitencier, et sa candidature a été retenue. Il a ensuite accompli des tâches d'agent préposé aux arrivées et aux départs (CX-1), pendant six mois, à titre intérimaire. Quand l'employeur a affiché un concours officiel pour pourvoir au poste de façon permanente (pièce G-2), le fonctionnaire s'estimant lésé était le seul candidat et il a obtenu le poste pour une durée indéterminée à l'automne de 1999, sans avoir à passer d'entrevue officielle. Son superviseur était à l'époque Jim Allison, coordonnateur des Opérations correctionnelles.

[15]    L'année suivante, le fonctionnaire s'estimant lésé a procédé à une recherche auprès d'autres établissements à sécurité maximale et moyenne pour déterminer quelle était la classification habituelle des postes au service des arrivées et des départs. Il a trouvé que dans tous les établissements à sécurité maximale et dans certains établissements à sécurité moyenne, le poste d'agent préposé aux arrivées et aux départs était classifié au niveau CX-COF-2 (ci-après : « CX-2 ») dès que le titulaire était responsable d'un service ayant plus d'un agent correctionnel. C'était le cas notamment aux établissements Dorchester et Springhill, les autres établissements à sécurité maximale de la région de l'Atlantique. Le fonctionnaire s'estimant lésé a par la suite clarifié son témoignage pour indiquer qu'il n'avait pas communiqué avec des établissements à sécurité moyenne hors de sa région. En ce qui concerne les personnes contactées dans le cadre de sa recherche, le seul nom dont il a pu se souvenir est celui de M. Thibault, de l'établissement à sécurité renforcée de Québec.

[16]    Entre 1987 et 1999, le poste d'agent préposé aux arrivées et aux départs, à Renous, était classifié au niveau CX-2. Le fonctionnaire s'estimant lésé ne sait pas pourquoi la classification a été modifiée pour devenir CX-1 quand il a commencé à assumer les fonctions du poste.

[17]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a parlé avec M. Allison en lui faisant part de l'information recueillie lors de sa recherche et lui a demandé de reclassifier le poste à la hausse, car il était convaincu d'assumer les mêmes tâches et fonctions que ses homologues dans les autres établissements à sécurité maximale et moyenne, dont le poste était classifié au niveau CX-2. Rien n'a été fait, et M. Allison n'a pas expliqué au fonctionnaire s'estimant lésé pourquoi il n'avait pas accepté sa demande.

[18]    Les fonctions rattachées au poste d'agent préposé aux arrivées et aux départs englobent toutes les responsabilités normales des agents correctionnels en ce qui concerne la saisie des drogues illicites et des objets interdits, ainsi que la fouille des effets personnels et les biens des détenus dans les cellules. Le titulaire examine, détaille et consigne les effets personnels des détenus à leur arrivée. Il procède également à une brève entrevue auprès des détenus pour évaluer leur état d'esprit. Il renseigne les détenus au sujet des règlements et des procédures en vigueur à l'établissement et les prépare lorsqu'ils doivent quitter l'établissement pour comparaître en cours ou s'absenter temporairement. Le titulaire est également responsable de la gestion quotidienne du service des arrivées et des départs. Le fonctionnaire s'estimant lésé a désigné la description de travail relative à son poste comme étant la pièce G-3, bien que rien dans cette description ne renvoie à la formation d'autres agents.

[19]    À compter de 1999, le fonctionnaire s'estimant lésé a assumé la responsabilité de former des personnes qui le remplaceraient pendant ses vacances ou lorsqu'il serait en congé de maladie, et la formation portait particulièrement sur les programmes d'ordinateur utilisés au service et les règlements du service. Ces remplaçants étaient généralement des agents correctionnels de niveau CX-2, dont certains avaient été affectés à des tâches allégées pour divers motifs médicaux. De temps en temps, l'employeur a également affecté des agents correctionnels pour qu'ils fournissent une aide additionnelle au service. La preuve fournie par le fonctionnaire s'estimant lésé est qu'il a formé et supervisé ces personnes. Parallèlement, il a formé et supervisé des commis qui étaient parfois engagés pour effectuer de la saisie de données. Les personnes qui suivaient une formation dans le service adressaient leurs questions et leurs préoccupations au fonctionnaire s'estimant lésé.

[20]    M. X, un agent correctionnel de niveau CX-2 ayant 12 ans de service, est l'une des personnes s'étant vu confier la tâche d'apporter son aide au service des arrivées et des départs alors que le fonctionnaire s'estimant lésé était en poste. Sous les directives de son médecin qui limitait ses activités à des tâches légères, M. X est arrivé au service en décembre 2001 dans le cadre d'un programme de retour au travail.

[21]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a soumis deux documents visant à étayer son allégation selon laquelle l'employeur lui a demandé de superviser d'autres employés du service : le premier document est un courriel, daté du 29 octobre 2002, envoyé au fonctionnaire s'estimant lésé par Dan Newton, coordonnateur intérimaire des Opérations correctionnelles à l'époque (pièce G-4) :

[Traduction]

[...]

Vous devez avertir les agents affectés au service des arrivées et des départs que c'est à vous qu'ils doivent adresser leurs questions et leurs préoccupations, et c'est à vous qu'il reviendra de prendre une décision ou de vous renseigner auprès du bureau du COC pour obtenir des directives.

[...]

Le second document est un courriel de suivi, daté du 30 octobre 2002, envoyé à M. X par M. Newton (pièce G-5) :

[Traduction]

[...]

[...] Dans les faits, Mike est la personne en charge; l'autorité et les responsabilités lui incombent à lui seul, et il devra répondre devant moi de toutes les activités relatives aux arrivées et aux départs entre les services, les établissements et les autres organismes.

[22]    Le second document fait référence à un niveau de dotation autorisé de 1,5 année-personne au service des arrivées et des départs. Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, ce niveau de dotation indique qu'il y a toujours eu présence d'autres personnes dans le service, dont M. X, pour toute la période durant laquelle il a occupé le poste. Si les acteurs ont changé, l'obligation du fonctionnaire s'estimant lésé de former et de superviser des membres du personnel est toutefois demeurée. Le fonctionnaire s'estimant lésé a subséquemment fait valoir dans son témoignage que tous les autres services des arrivées et des départs employaient deux ou trois agents correctionnels. Port-Cartier, au Québec, l'établissement sour de Renous, a toujours employé un CX-1 et un CX-2.

[23]    Un troisième courriel de M. Newton au fonctionnaire s'estimant lésé, daté du 30 octobre 2002 (pièce G-6), indiquait l'intention de M. Newton de discuter avec le sous-directeur des préoccupations du fonctionnaire s'estimant lésé :

[Traduction]

[...]

En ce qui concerne votre rang et vos responsabilités au sein du service des arrivées et des départs, je discuterai avec le sous-directeur de cette lettre indiquant mes attentes et vos commentaires selon lesquels, si vous effectuez un travail de supervision, la classification de votre poste devrait être de niveau CO-2 au lieu de CO-1. Je n'ai aucune idée de la façon dont un tel avancement pourra s'effectuer, mais je suis convaincu que la question peut être discutée et je vous ferai part de mon entretien avec le sous-directeur.

[...]

Le fonctionnaire s'estimant lésé ne se rappelle pas que M. Newton soit revenu lui faire part des résultats de la discussion avec le sous-directeur. Il ne peut dire avec certitude s'il a communiqué à M. Newton les mêmes renseignements qu'il avait transmis plus tôt à M. Allison au sujet des niveaux de classification dans les autres établissements.

[24]    En mars 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté une demande de reclassification à M. Newton, dans laquelle étaient détaillés les motifs de reclassification (pièce G-7). N'ayant pas reçu de réponse six mois plus tard, le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un grief de classification. La seule réponse qu'il ait reçue relativement à ce grief a émané du quatrième palier de la procédure de règlement des griefs à Ottawa, et elle indiquait que l'employeur n'entendrait pas le grief, étant donné que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas déposé celui-ci dans les 25 jours suivant un changement dans sa description de travail. Le fonctionnaire s'estimant lésé soutient que la description de travail relative à son poste n'a jamais été changée de façon officielle.

[25]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté comme pièce justificative la norme de classification utilisée par le SCC pour classifier les postes d'agent correctionnel (pièce G-8). La norme comprend, à la page 10, une description de travail de référence de niveau CX-1 pour le poste d'« agent préposé aux arrivées et aux départs ».  Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que cette description ne tenait pas compte de toutes les tâches qu'il lui fallait accomplir. Plus particulièrement, il n'y est pas fait mention des fonctions de supervision et de formation. Le fonctionnaire s'estimant lésé a renvoyé à une seconde description de travail de référence, à la page 15, correspondant au poste d'« agent correctionnel II ». Il a souligné les différences clés dans cette description qui distinguaient un poste de niveau CX-2 d'un poste de niveau CX-1.

[26]    En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a admis qu'il avait toujours eu l'impression que son poste devrait être classifié au niveau CX-2 et que le différend ne portait pas réellement sur la question des fonctions temporaires. Le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu le grief qu'il avait déposé le 25 octobre 2004 (pièce E-2), dans lequel il explique son cas comme suit :

[Traduction]

Mon grief porte sur le fait que mes homologues des établissements Dorchester et Springhill reçoivent une rémunération correspondant au niveau CX-2, alors qu'ils occupent des postes d'agent préposé aux arrivées et aux départs. Mon salaire correspond seulement à celui d'un poste de niveau CX-COF-1, relativement au concours que j'ai remporté en 1999. La direction de la région de l'Atlantique devrait changer la classification du poste pour qu'il soit de niveau CX-2.

[27]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué qu'il fallait habituellement compter deux semaines pour l'orientation d'un nouvel arrivant au service des arrivées et des départs. Dans le cadre du processus d'orientation, le fonctionnaire s'estimant lésé devait expliquer la politique et les règlements en vigueur au service, les systèmes et les programmes d'ordinateur ainsi que les programmes d'identification visuelle, et fournir une formation relativement aux activités quotidiennes. Après deux semaines, son rôle changeait et consistait à superviser et à répondre aux questions. Dans le cas de M. X, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que la formation s'est poursuivie au-delà de la période d'orientation et qu'il a surveillé le rendement de M. X pour s'assurer que celui-ci accomplissait ses fonctions conformément à la loi.

[28]    Quand on lui a demandé si une demi-heure par semaine avait suffi pour régler les nouveaux problèmes et les nouvelles situations relativement à M. X, le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu « peut-être », et il a dit que les activités quotidiennes étaient [traduction] « assez standard ». Le fonctionnaire s'estimant lésé a admis que M. Newton ne lui avait pas demandé de surveiller le rendement de M. X, mais qu'il lui avait toutefois demandé de temps en temps comment se débrouillait M. X. Le fonctionnaire s'estimant lésé a tenu pour acquis que, si M. Newton s'inquiétait du rendement de M. X, il ferait probablement part directement à celui-ci de ses préoccupations. Néanmoins, le fonctionnaire s'estimant lésé croit fermement qu'il jouait le rôle de superviseur de première ligne et que l'expression [traduction] « Mike est la personne en charge » figurant dans la pièce G-5 voulait dire plus qu'être la personne responsable. Interrogé davantage, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que M. Newton ne lui avait pas demandé de contrôler la présence de M. X, de procéder à ses évaluations de rendement ou de participer à de telles évaluations.

[29]    L'employeur a suggéré qu'en six ans, le service des arrivées et des départs n'avait jamais été près d'atteindre le niveau de dotation de 1,5 année-personne mentionné dans la pièce G-5, et le fonctionnaire s'estimant lésé s'est dit d'accord avec cette suggestion. Celui-ci a toutefois refusé d'admettre que cela signifiait que sa demande de rémunération d'intérim n'était pas applicable la plupart du temps. Dans le cas de M. X, cela a duré 13 mois.

[30]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que M. Newton ne lui avait pas posé de questions concernant la charge de travail au service, car celui-ci savait qu'il y avait un problème lié à la charge de travail étant donné que le niveau de dotation autorisé de 1,5 année-personne n'était pas atteint. L'avocate de l'employeur a demandé s'il était possible que M. Newton ne se soit pas enquis de la charge de travail parce qu'il avait l'impression que le service n'était pas dirigé aussi efficacement qu'il pouvait l'être. Le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu qu'il ne se rappelait que M. Newton ait dit cela, mais que ce pouvait être le cas.

[31]    L'employeur a passé en revue avec le fonctionnaire s'estimant lésé la liste des responsabilités figurant dans la description de travail de référence pour le poste d'« agent correctionnel II » (pièce G-8). Dans plusieurs cas, le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué qu'il n'avait pas eu à accomplir une fonction particulière mentionnée dans un paragraphe ou que le contexte dans lequel il avait accompli cette fonction différait au service des arrivées et des départs. Il a conclu que [traduction] « certains paragraphes s'appliquent, et que d'autres ne s'appliquent pas ».

[32]    À la fin du contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a admis que ses fonctions à titre d'agent préposé aux arrivées et aux départs ont toujours été les mêmes, qu'il avait toujours eu le sentiment que son poste devait être reclassifié et qu'il avait comparé son poste à ceux d'autres établissements pour en arriver à cette conclusion.

[33]    En réaction aux questions de l'employeur concernant la description de travail de référence correspondant au poste d'« agent correctionnel II » (pièce G-8), l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à celui-ci de réexaminer la plupart des paragraphes décrivant les fonctions rattachées à ce poste de niveau CX-2. Ayant pu examiner le texte plus en détail, le fonctionnaire s'estimant lésé a dressé d'un bout à l'autre de celui-ci des parallèles notables avec le travail qu'il avait dû accomplir à titre d'agent préposé aux arrivées et aux départs. La preuve présentée par le fonctionnaire s'estimant lésé a pris fin à ce moment.

[34]    M. Newton a commencé à travailler pour le SCC en février 1991 et a pris sa retraite trois jours avant le début de la présente audience. Entre septembre 2002 et septembre 2004, il a exercé les fonctions de coordonnateur des Opérations correctionnelles, mis à part une brève période durant laquelle il a assumé celles de sous-directeur intérimaire. Les tâches qu'il devait accomplir à titre de coordonnateur des Opérations correctionnelles englobaient la supervision du service des arrivées et des départs. Il était également responsable du programme de retour au travail dans le cadre duquel M. X a été affecté au service des arrivées et des départs.

[35]     Quand il est entré en fonction, il y avait un poste autorisé de niveau CX-1 au service des arrivées et des départs. Un poste de niveau CX-2 n'était pas justifié, car, selon la formule mathématique servant à déterminer les niveaux de dotation, il fallait une population de 300 détenus pour légitimer un niveau allant de 1,5 à 2,0 années-personnes dans le service. Lorsque M. Newton s'est renseigné sur la possibilité qu'il y ait au service un poste de niveau CX-2 au lieu de CX-1, il a appris que le SCC considérait qu'un poste de niveau CX-1 s'avérait approprié dans les cas où il n'y avait qu'un poste d'agent préposé aux arrivées et aux départs. M. Newton a discuté de la question avec le sous-directeur, qui lui a dit que le fonctionnaire s'estimant lésé avait antérieurement soumis « quelque chose » au sujet d'un avancement au niveau CX-2, et qu'il avait « perdu » parce que Renous n'était pas un établissement d'assez grande taille. Lors de sa discussion avec le sous-directeur, il n'a pas été question des détails concernant la description de travail de référence relative au poste d'« agent correctionnel II » (pièce G-8), et il déclare n'avoir pas eu accès à ce document. À la suite de sa discussion avec le sous-directeur, M. Newton a pu obtenir une entente relative à 1,5 année-personne au service, essentiellement pour qu'on puisse utiliser celui-ci plus facilement aux fins du programme de retour au travail.

[36]    M. Newton a déclaré qu'il n'avait jamais demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de former M. X ni personne d'autre. Il a admis que le fonctionnaire s'estimant lésé pouvait avoir à fournir une formation « minime » à une personne arrivant au service, mais certainement rien qui puisse ressembler à une orientation de deux semaines. Les nouveaux arrivants pouvaient rapidement assimiler les procédures à suivre concernant l'arrivée et le départ des détenus.

[37]    M. Newton n'a pas demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de superviser M. X. Il a détaillé à M. X les fonctions de son poste et lui a dit qu'il pouvait faire appel au fonctionnaire s'estimant lésé en tant que personne-ressource pour l'aider relativement à des questions particulières. Il n'a pas non plus demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de contrôler la présence de M. X, ni de s'assurer qu'il respectait les normes de travail, ni de produire des rapports d'évaluation de son rendement, ni de participer à la production de tels rapports. M. Newton a lui-même réalisé les évaluations de rendement, et s'il a pu poser des questions au fonctionnaire s'estimant lésé pour savoir comment se débrouillaient les employés, il ne faisait qu'exercer son rôle de superviseur en s'assurant que son personnel n'a aucun problème. S'il avait eu des inquiétudes au sujet du travail ou des compétences de M. X, il se serait lui-même chargé de régler cette question.

[38]    Dans la pièce G-4, le passage indiquant que les autres agents doivent [traduction] « [...] adresser leurs questions et leurs préoccupations [...] » au fonctionnaire s'estimant lésé visait seulement à préciser que M. X pouvait discuter des charges de travail et des procédures avec le fonctionnaire s'estimant lésé. Toute question étrangère aux procédures devait être portée à l'attention de M. Newton. Dans la pièce G-5, le passage où il est dit que [traduction] « [...] Mike est la personne en charge [...] » a été écrit en réaction au fait que M. X avait supposé qu'il était devenu le deuxième agent préposé aux arrivées et aux départs. Le courriel de M. Newton n'avait pas pour objet de dire à M. X que le fonctionnaire s'estimant lésé était son responsable, mais plutôt que seul le fonctionnaire s'estimant lésé avait l'autorité de prendre des décisions au service des arrivées et des départs. M. Newton avait l'intention de muter M. X dans environ trois mois dans le cadre du programme de retour au travail. M. Newton était préoccupé par le fait que M. X commençait à faire preuve de complaisance à l'égard de son statut et qu'il faisait des suppositions injustifiées quant à son rôle au service.

[39]    En contre-interrogatoire, M. Newton est revenu sur son témoignage antérieur pour dire que le nombre de détenus dans un établissement détermine le nombre d'employés au service des arrivées et des départs, et qu'il ne sert pas nécessairement à distinguer entre des postes de niveaux CX-1 et CX-2 dans ce domaine.

[40]    M. Newton a admis qu'il y avait quelques similarités avec l'établissement sour de Port-Cartier au Québec, mais il a laissé entendre que celui-ci avait un ensemble différent de règles et de lignes directrices en matière de dotation. Il ne pouvait expliquer pourquoi, dans certains établissements plus petits, les postes au service des arrivées et des départs étaient de niveau CX-2, et il a remis en question l'intégrité de la recherche effectuée par le fonctionnaire s'estimant lésé. Toutefois, il a admis n'avoir aucune connaissance personnelle des pratiques en cours dans les autres établissements à sécurité maximale, et lui-même a eu beaucoup de difficulté à recueillir quelque information que ce soit sur les niveaux de dotation dans les autres établissements. En ce qui concerne la possibilité d'obtenir de l'aide additionnelle au service, le sous-directeur avait accordé à M. Newton la permission d'examiner ce qui pouvait être fait. M. Newton s'est entretenu avec Ottawa, et on lui a répété que la taille du service dépendait de la population de détenus. Il pense avoir transmis cette information au fonctionnaire s'estimant lésé en même temps qu'il lui a dit avoir réussi à obtenir l'autorisation pour un niveau de dotation de 1,5 année-personne au service.

[41]    Ce n'est pas M. Newton qui a déterminé que le poste d'agent préposé aux arrivées et aux départs à Renous ne pouvait être classifié au niveau CX-2. C'est l'établissement qui a convenu, en se basant sur des études qu'il avait menées, que le poste au service des arrivées et des départs serait de niveau CX-1. M. Newton n'a pas lui-même pris la décision concernant la demande de reclassification du fonctionnaire s'estimant lésé, puisque le sous-directeur a indiqué que la question avait déjà été abordée, que la demande avait alors été rejetée et qu'elle le serait à l'avenir.

Résumé de l'argumentation

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[42]    Le fonctionnaire s'estimant lésé fait valoir que l'objet du grief est de nature continue. À moins de raisons exceptionnelles, un grief alléguant qu'il y a une violation continue de la convention collective ne peut être rejeté parce que présenté tardivement.

[43]    Le grief a été déposé au premier palier le 9 octobre 2003. Pour déterminer si le délai prescrit est respecté,  la méthode appropriée consiste à retourner 25 jours ouvrables avant la date du dépôt au premier palier et à vérifier si, à ce moment, le fonctionnaire s'estimant lésé assumait à titre intérimaire des fonctions correspondant à un poste de niveau CX-2. La période pour laquelle une rémunération d'intérim est demandée débute à cette date, et la violation de la disposition de la convention collective portant sur la rémunération d'intérim se poursuit jusqu'au moment où le fonctionnaire s'estimant lésé quitte le poste d'agent préposé aux arrivées et aux départs,  soit en mars 2005.

[44]    De nos jours, dans les cas d'arbitrage en matière de relations de travail, on évite d'adopter une approche trop technique. Dans la présente affaire, le fait que le libellé du grief mentionne une période de 13 mois associée à la supervision de M. X ne devrait pas être retenu contre le fonctionnaire s'estimant lésé, qui n'a pas l'habitude de rédiger des griefs. Celui-ci, comme le montre la preuve, a entrepris des tâches de supervision pour toute la durée durant laquelle il a été en poste et a assumé d'autres fonctions faisant partie du travail d'un agent correctionnel de niveau CX-2. Cela fait en sorte que le grief porte sur une violation continue de la convention collective.

[45]    La section C du formulaire de présentation des griefs de l'UCCO-SACC-CSN comprend l'importante mention ci-après :

[Traduction]

Et tous autres droits qui me sont conférés dans la convention collective, ainsi que tous dommages réels, moraux ou exemplaires, et ce, rétroactivement avec intérêt au taux légal, sans préjudice aux autres droits dévolus.

Il arrive fréquemment que les représentants syndicaux, lorsqu'ils rédigent un grief, n'incluent pas tous les droits associés à la violation de la convention collective qui est alléguée. La formulation des griefs peut parfois être inadéquate. Les employeurs aiment pouvoir compter sur ces lacunes pour réduire la portée d'un grief ou contester sa recevabilité. C'est la raison pour laquelle la section C des formulaires de présentation des griefs inclut la mention additionnelle susmentionnée, qui précède immédiatement la signature du fonctionnaire s'estimant lésé. Compte tenu de cette mention, le fonctionnaire s'estimant lésé est en droit de s'attendre à ce que l'expression [traduction] « et tous autres droits » soit présente dans la formulation du grief. En toute hypothèse, même si le fonctionnaire s'estimant lésé n'écrivait rien dans la section C, le grief pourrait quand même être présenté étant donné la présence de cette mention standard additionnelle dans cette section du formulaire.

[46]    Il incombe à l'employeur de prouver que le grief n'a pas été déposé dans les délais prescrits. Dans le présent cas, rien ne vient prouver que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas assumé les fonctions associées à un poste de niveau plus élevé à titre intérimaire 25 jours ouvrables avant la date de dépôt du grief. Il est donc amplement justifié de rejeter l'objection relative au non-respect du délai.

[47]    La question que pose la clause 50.07 est simple : le fonctionnaire s'estimant lésé a-t-il « exécuté une grande partie des fonctions d'un employé d'un niveau de classification supérieur » comme il l'a déclaré?

[...]

50.07  Lorsque l'employé-e est tenu par l'Employeur d'exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d'un employé-e d'un niveau de classification supérieur et qu'il exécute ces fonctions pendant au moins une (1) journée de travail, il touche, pendant la période d'intérim, une rémunération d'intérim calculée à compter de la date à laquelle il commence à remplir ces fonctions, comme s'il avait été nommé à ce niveau supérieur.

[...]

[48]    La preuve montre que le poste d'agent préposé aux arrivées et aux départs à Renous est comparable à d'autres postes de niveau CX-2. En examinant la norme de classification utilisée par le SCC (pièce G-8), le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que la description de travail de référence d'un poste d'« agent préposé aux arrivées et aux départs » de niveau CX-1 figurant dans la norme [traduction] « [...] ne correspond pas à ce que je fais ». Ses fonctions s'approchaient plutôt des exigences décrites dans la description de travail de référence d'un poste d'« agent correctionnel II » classifié au niveau CX-2. Si, dans la seconde description, on remplace le terme « unité » par l'expression « arrivées et départs », il apparaît clairement que le fonctionnaire s'estimant lésé a assumé en partie, et ce, sans exception, chacune des fonctions indiquées dans la description de référence correspondant à un poste de niveau CX-2. L'employeur n'a apporté aucun fait pouvant contredire la preuve soumise par le fonctionnaire s'estimant lésé relativement à cette question, si ce n'est la vague opinion exprimée par M. Newton selon laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé n'aurait ni supervisé ni formé d'autres employés. Or, ce n'est pas ce que dit le courriel envoyé par M. Newton le 29 octobre 2002 (pièce G-4) :

[Traduction]

[...]

Vous devez avertir les agents affectés au service des arrivées et des départs que c'est à vous qu'ils doivent adresser leurs questions et leurs préoccupations, et c'est à vous qu'il reviendra de prendre une décision ou de vous renseigner auprès du bureau du COC pour obtenir des directives.

[...]

Le courriel de suivi envoyé à M. X par M. Newton le 30 octobre 2002 (pièce G-5) est tout aussi clair :

[Traduction]

[...]

[...] Dans les faits, Mike est la personne en charge; l'autorité et les responsabilités lui incombent à lui seul, et il devra répondre devant moi de toutes les activités relatives aux arrivées et aux départs entre les services, les établissements et les autres organismes.

[...]

[49]    L'employeur semble n'avoir jamais pris au sérieux la demande de reclassification du fonctionnaire s'estimant lésé.  M. Newton a porté la question à l'attention du sous-directeur, mais ni M. Newton ni le sous-directeur n'ont examiné le bien-fondé de la demande du fonctionnaire s'estimant lésé. Par conséquent, la « solution de dernier recours » qui s'offrait au fonctionnaire s'estimant lésé était de déposer un grief concernant une rémunération d'intérim, de sorte qu'il puisse au moins recevoir la rémunération correspondant aux tâches qu'il accomplissait.

[50]     La preuve montre que les fonctions que devait assumer le fonctionnaire s'estimant lésé n'ont pas changé de façon notable entre le moment où il est entré en poste au service des arrivées et des départs et le moment où il a quitté celui-ci. Le fonctionnaire s'estimant lésé est parvenu à montrer qu'il avait exécuté une grande partie des fonctions d'un employé d'un niveau de classification supérieur, tel qu'il est indiqué à la clause 50.07. La preuve qu'il apporte montre qu'il y a eu violation de la convention collective dans les 25 jours précédant le dépôt du grief et que la violation s'est poursuivie ensuite. La preuve fait également en sorte d'annuler l'objection de l'employeur concernant le non-respect du délai prescrit. Bien que, dans la formulation de son grief, le fonctionnaire s'estimant lésé ait parlé d'une période antérieure durant laquelle il a supervisé M. X, cela ne modifie pas la preuve montrant qu'il a formé et supervisé d'autres employés et que, pour toute la période durant laquelle il a été en poste au service des arrivées et des départs, et plus particulièrement durant la période comprise entre les 25 jours ouvrables précédant le 9 octobre 2003 et mars 2005, il a exécuté toutes les fonctions indiquées dans la description de travail d'« agent correctionnel II » figurant dans la norme de classification (pièce G-8).

Au nom de l'employeur

[51]    Aux termes de la clause 20.10 de la convention collective, un employé peut présenter un grief au plus tard le 25e jour suivant la date à laquelle il a eu connaissance de l'action ou de l'omission ayant donné lieu au grief :

[...]

20.10  Au premier (1er) palier de la procédure, l'employé-e peut présenter un grief de la manière prescrite au paragraphe 20.05, au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l'action ou des circonstances donnant lieu au grief.

[...]

[52]    Dans la présente affaire, le grief renvoie particulièrement à l'obligation de former et de superviser un employé durant une période de 13 mois prenant fin en février 2003. Le grief n'a été déposé que huit mois plus tard, soit en octobre 2003. Par conséquent, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas respecté le délai stipulé à la clause 20.10 pour le dépôt d'un grief. Compte tenu de ce fait, l'employeur est parvenu à montrer la recevabilité de son objection concernant le non-respect du délai. Il revient maintenant au fonctionnaire s'estimant lésé de montrer qu'un élément sous-jacent de son grief empêche de conclure qu'il n'a pas respecté le délai. Il n'a pas réussi à établir cette preuve. Par conséquent, l'arbitre de grief doit rejeter le renvoi à l'arbitrage de grief pour défaut de compétence.

[53]    Dans le cas d'un grief continu, un fonctionnaire s'estimant lésé présente habituellement une demande ayant une formulation ouverte et réclame un redressement, ce qui, de manière similaire, signifie une demande continue. Ce n'est clairement pas le cas dans la présente situation. Tant dans la section B, où le fonctionnaire s'estimant lésé énonce la nature de son grief, que dans la section C, où il décrit le redressement demandé, l'affaire est particulièrement liée à une période déterminée de 13 mois.

[54]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a essayé de modifier la nature de son grief à l'occasion de la présente audience en élargissant la portée du redressement et en prolongeant la période visée. Cette tentative va à l'encontre de l'injonction interdisant la modification des modalités d'un grief initial, rendue dans Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109. :

[...]

5.  À notre avis, après le rejet de son seul grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le requérant ne pouvait présenter à l'arbitrage un nouveau grief ou un grief différent, ni transformer son grief en un grief contre une mesure disciplinaire entraînant le congédiement au sens du paragraphe 91(1).  En vertu de cette disposition, seul un grief présenté et réglé conformément à l'article 90 ou visé à l'alinéa 91(1)a) ou b) peut être renvoyé à l'arbitrage.  À notre avis, puisque le requérant n'a pas énoncé dans son grief la plainte dont il aurait voulu saisir l'arbitre, à savoir que sa mise en disponibilité n'était, en vérité, qu'une mesure disciplinaire camouflée, rien ne vient donner à l'arbitre compétence pour connaître du grief en vertu du paragraphe 91(1).  Par conséquent, l'arbitre n'a pas compétence.

[...]

[55]    L'employeur m'a renvoyé à plusieurs décisions visant à appuyer son argument selon lequel je n'ai pas la compétence d'entendre un grief ayant pour réel objet la classification. Chadwick c. Canada (Procureur général), 2004 C.F. 503 est la décision source ayant établi la démarcation entre la question de la rémunération intérimaire et celle de la classification :

[...]

 24.  Le Dr Chadwick a présenté un grief reposant sur sa prétention que son employeur n'a pas appliqué la convention collective. La clause G1.08 de cette convention renvoie à la situation dans laquelle un employé est tenu par l'employeur d'exercer à titre intérimaire les fonctions de base d'une classification supérieure pendant au moins dix jours ouvrables consécutifs.  Il est nécessaire de faire une comparaison entre les différents niveaux de classification afin de déterminer si la tâche de la fonctionnaire s'estimant lésée est visée par la clause G1.08.  Cette clause comprend également un élément temporel en ce qu'un employé qui demande une rémunération provisoire en application de la clause ne recevra cette rémunération que pour la période de temps précise pendant laquelle il a exécuté en grande partie les fonctions d'un poste de niveau plus élevé.  Si elle avait demandé à recevoir indéfiniment la rémunération plus élevée, je serais peut-être arrivé à une autre conclusion.  Toutefois, ce n'est pas ce que je constate en l'espèce. La demanderesse prétend qu'elle a dû exécuter en grande partie les fonctions d'un poste de niveau VM-02 entre le 31 mars 1998 et le 30 juillet 2001 et devrait recevoir une rémunération provisoire pour cette période de temps précise.  Le présent litige a trait à la rémunération plutôt qu'à la classification.

[...]

[56]    Ce qu'il faut retenir de l'affaire Chadwick, c'est qu'un grief visant à obtenir une rémunération d'intérim pour une période indéterminée a pour véritable objet la classification. Dans le présent cas, la demande du fonctionnaire s'estimant lésé présentée en vertu de la clause 50.07 vise à obtenir une rémunération d'intérim pour ce qui est, dans les faits, une période indéterminée. L'arbitre de grief doit en venir à la conclusion que la nature indéterminée de la présente demande fait en sorte que celle-ci porte en réalité sur la détermination de la classification, et il doit se déclarer incompétent aux termes de l'article 7 de l'ancienne Loi, qui protège le pouvoir exclusif de l'employeur de classifier les postes.

[57]    Dans Bungay et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2005 CRTFP 40, on a établi des indicateurs pour aider à déterminer si un grief a pour objet la classification au lieu de la rémunération d'intérim :

[...]

59.  En résumé, certains des éléments indiquant qu'un grief porte sur la classification et non sur la rémunération d'intérim (et qu'un arbitre n'a donc pas compétence) sont les suivants :

- la demande de rémunération d'intérim porte sur une période indéterminée et non sur une période précise;

- le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé une reclassification, de manière informelle ou en déposant un grief portant sur la classification;

- le fonctionnaire s'estimant lésé continue d'exécuter les tâches qu'il exécutait auparavant et seuls les niveaux de classification appliqués dans le lieu de travail ont changé;

- le grief portant sur la rémunération d'intérim est fondé, en partie, sur une comparaison avec des postes similaires existant dans d'autres lieux de travail.

[...]

[58]    À la lumière de cette jurisprudence, la manière dont a procédé le fonctionnaire s'estimant lésé dans le présent cas confirme que la classification constitue le véritable objet du grief. La demande de rémunération d'intérim du fonctionnaire s'estimant lésé est de nature continue. Il a déclaré qu'il avait demandé une reclassification de son poste et qu'il avait toujours exécuté les mêmes fonctions. Il a recours à une comparaison des fonctions décrites dans une norme de classification pour appuyer sa demande.

[59]      Le fait d'accorder au fonctionnaire s'estimant le redressement qu'il demande aurait le même effet que de reclassifier son poste. Comme l'indiquent les conclusions de l'arbitre de grief dans Charpentier c. Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossiers de la Commission 166-02-26197 et 26198, ces circonstances donnent lieu à une situation où l'arbitre de grief ne peut intervenir :

[...]

41.  Je n'ai toutefois pas l'autorité nécessaire pour décider du bien-fondé de la décision de l'employeur dans le domaine de la classification. Bien que le libellé des griefs concerne la rémunération d'intérim et ne fait aucune mention de « classification », d'octroyer le redressement demandé équivaudrait à une reclassification.

[...]

[60]     Si je devais conclure que le grief a pour objet la rémunération d'intérim au lieu de la classification, l'employeur me renvoie à deux autres décisions à prendre en considération :  Moritz c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 147, qui appuie la proposition selon laquelle l'existence d'un chevauchement des fonctions entre deux postes, dont l'un est classifié à un niveau supérieur, ne fait pas en sorte d'établir que le titulaire de l'autre poste exécute en grande partie les fonctions du poste classifié au niveau supérieur; Afzal c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la Commission 166-02-19422, qui conclut que l'exigence d'offrir une orientation sur les lieux de travail à un employé ne signifie pas en soi que l'employé offrant l'orientation exécute en grande partie les fonctions correspondant à un poste classifié à un niveau supérieur.

[61]     La description du poste du fonctionnaire s'estimant lésé (pièce G-3) et la description de référence correspondant aux fonctions d'« agent correctionnel II » (pièce G-8) se recoupent, mais, selon Moritz, le recoupement n'établit pas que la classification est inadéquate. L'employeur a soumis qu'un certain nombre d'éléments figurant dans la description de travail du fonctionnaire s'estimant lésé englobaient assez bien les fonctions qui, selon le fonctionnaire, se trouvent plutôt dans la description de référence correspondant au poste d'« agent correctionnel II » de niveau CX-2.

[62]     Dans la présente affaire, la preuve montre que l'employeur n'a jamais demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de surveiller le rendement, de contrôler les présences, de procéder à une évaluation de rendement ou de participer à une telle évaluation. Aucun autre indicateur habituel de fonction de supervision ne s'applique.

[63]     M. Newton a expliqué le contexte entourant les courriels qu'il a envoyés les 29 et 30 octobre 2002 (pièces G-4 et G-5), et il a montré que ses directives ne sous-entendaient pas l'exigence que le fonctionnaire s'estimant lésé agisse à titre de superviseur. La crédibilité de M. Newton n'a pas été contestée lors du contre-interrogatoire et, par conséquent, son témoignage doit être considéré comme n'ayant pas été contredit. En outre, contrairement à ce qu'allègue le fonctionnaire s'estimant lésé, M. Newton a pris au sérieux le grief du fonctionnaire s'estimant lésé concernant la classification. Il a consulté son supérieur, entre autres personnes, et il a pu faire en sorte que le fonctionnaire s'estimant lésé obtienne de l'aide additionnelle au service des arrivées et des départs.

[64]     En résumé, l'employeur soutient que je devrais rejeter le grief pour non-respect du délai. Par ailleurs, je devrais conclure que le fonctionnaire s'estimant lésé ne peut modifier la nature de son grief et transformer celui-ci pour faire en sorte qu'il porte sur une question de nature continue. Dans tous les cas, la nature fondamentale du grief concerne la classification, un sujet qui n'est pas de la compétence d'un arbitre de grief en vertu de l'ancienne Loi. Enfin, comme autre argument, le fonctionnaire s'estimant lésé n'est pas parvenu à établir qu'il y avait eu manquement à la clause 50.07 de la convention collective.

[65]    Pour que soit reçue la demande de rémunération d'intérim pour la période de 13 mois visée dans le grief, il faudrait que le fonctionnaire s'estimant lésé ait exécuté les fonctions plus que quelques jours ou quelques heures ici et là, et qu'il ait accompli au moins 80 % des tâches correspondant à un poste de niveau supérieur, au lieu de 2 % à 5 %. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas satisfait à ces exigences.

Réfutation du fonctionnaire s'estimant lésé

[66]    Burchill ne s'applique pas. Il n'y a, dans le présent cas, ni nouveau grief ni tentative de modifier la nature du grief. Il n'y a aucun élément de surprise pour l'employeur, puisqu'il sait depuis longtemps que le fonctionnaire s'estimant lésé cherche à obtenir une rémunération d'intérim pour avoir effectué un travail correspondant à un poste de niveau CX-2.

[67]    Ni Chadwick ni Bungay n'aident la cause de l'employeur. Le fonctionnaire s'estimant lésé ne cherche pas à ce que son poste soit reclassifié et ne demande pas à l'arbitre de grief de rendre une décision pouvant aller à l'encontre des droits conférés à l'employeur en vertu de l'article 7 de l'ancienne LRTFP. La demande du fonctionnaire s'estimant lésé porte expressément sur la rémunération d'intérim, et la période visée n'est pas continue - elle est déterminée et prend fin en mars 2005.

[68]    La preuve montre que la responsabilité de superviser et de former, que l'employeur essaie de minimiser, était beaucoup plus complexe et exigeante qu'une simple affaire d'une journée. Le service des arrivées et des départs a eu tout au long de la période visée un niveau de dotation correspondant à 0,5 année-personne additionnelle (pièce G-5). Le fonctionnaire s'estimant lésé a par conséquent assumé la responsabilité de superviser et de former plusieurs autres personnes, outre M. X, pour toute la période durant laquelle il a été en poste. Il se peut, à cet égard, qu'il y ait eu recoupement des fonctions de différents postes, mais l'existence d'un recoupement ne détermine d'aucune façon le droit à une rémunération d'intérim.

Motifs

[69]    Le fonctionnaire s'estimant lésé allègue que l'employeur a violé la convention collective de manière continue en omettant de le rémunérer pour les fonctions correspondant à un poste de niveau de classification plus élevé qu'on lui a demandé d'exécuter à titre intérimaire.

[70]    L'employeur conteste ma compétence à entendre le présent grief parce que celui-ci n'a pas été déposé dans les limites du délai prescrit et, comme autre argument, que le grief porte sur une question de classification. L'employeur soutient également que le fonctionnaire s'estimant lésé a modifié son grief à l'occasion de l'audience d'une manière qui n'est pas permise. Si je devais conclure que j'ai la compétence voulue pour examiner le grief, l'employeur apporte comme argument que le fonctionnaire s'estimant lésé n'est pas parvenu à montrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'employeur avait violé la disposition applicable de la convention collective.

[71]    Compte tenu de la preuve et des arguments qui m'ont été présentés, je dois prendre en considération quatre questions pour rendre ma décision :

  1. La façon dont le fonctionnaire a formulé son grief et le redressement demandé lors de la présente audience a-t-elle pour effet de changer la nature du grief? Dans l'affirmative, ce changement est-il permis?
  2. Le grief a-t-il été déposé à l'intérieur du délai prescrit?
  3. Le grief porte-t-il sur la classification au lieu de la rémunération d'intérim?
  4. Si le grief porte sur la rémunération d'intérim, le fonctionnaire s'estimant lésé a-t-il montré que l'employeur avait violé la convention collective?

La façon dont le fonctionnaire a formulé son grief et le redressement demandé lors de la présente audience a-t-elle pour effet de changer la nature du grief? Dans l'affirmative, ce changement est-il permis? 

[72]    À l'audience, le fonctionnaire s'estimant lésé a décrit son grief comme étant une réclamation relative à une violation continue de la disposition sur la rémunération d'intérim de la convention collective (clause 50.07). Il a précisé que la date d'entrée en vigueur du redressement demandé est le 25e jour précédant le dépôt du grief qui a eu lieu le 9 octobre 2003, et que la période pour laquelle il demande réparation s'étend jusqu'au moment où il a quitté le poste d'agent préposé aux arrivées et aux départs, à une date non déterminée du mois de mars 2005.

[73]    Dans la section B du formulaire de présentation des griefs qu'il a initialement soumis, le fonctionnaire s'estimant lésé détaille sa cause d'action comme suit :

[Traduction]

Je conteste le fait que mon superviseur, M. Dan Newton, refuse de m'accorder une rémunération d'intérim de niveau CX-COF-2 pour les fonctions de supervision que j'ai exécutées. J'ai formé, surveillé et supervisé M. P. Fitspatrick, [sic] de groupe et de niveau CX-COF-2, pendant 13 mois, soit durant la période comprise entre décembre 2001 et février 2003.

[74]    Dans la section C du formulaire de présentation des griefs, le redressement demandé est indiqué comme suit :

[Traduction]

Recevoir le taux de rémunération applicable aux termes de la convention collective pour m'être acquitté des tâches et des fonctions correspondant au groupe et au niveau CX-COF-2 durant la période susmentionnée, et bénéficier de la représentation de mon choix à toutes les audiences.

[75]    L'objet du grief initial est clair. Le libellé de la section B indique que le fonctionnaire s'estimant lésé a « formé, surveillé et supervisé » un agent correctionnel de niveau CX-2, M. X, au service des arrivées et des départs. C'est l'activité pour laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé demande une rémunération d'intérim. Tant dans la section B que la section C du formulaire de présentation des griefs, le fonctionnaire s'estimant lésé fait référence à cette activité qui s'est étendue sur 13 mois, soit entre décembre 2001 et février 2003. Dans le grief, cette exigence ne fait intervenir personne d'autre que M. X au service et aucune autre période que celle de 13 mois qui est mentionnée. En bref, dans sa présentation initiale, le grief a décrit une cause d'action délimitée et propose une réparation délimitée.

[76]    Tel qu'il est indiqué au paragraphe 43, à l'audience, la demande de rémunération d'intérim du fonctionnaire s'estimant lésé portait sur l'exigence continue de devoir former, surveiller et superviser des personnes au service pour la période comprise entre août 2003 et mars 2005.  Ces autres personnes n'ont pas été identifiées à l'audience, mais elles n'incluaient pas M. X, qui a quitté le service en février 2003 selon le grief initial. Le changement de la période visée par le grief qu'on a fait valoir à l'audience est également significatif. Le fonctionnaire s'estimant lésé m'a invité à examiner la situation qui a existé à compter du 25e jour précédant la date du dépôt du grief, le 9 octobre 2003, au lieu de la période de 13 mois indiquée dans les sections B et C. Le fonctionnaire s'estimant lésé a dit que son grief portait sur une question continue. Il a proposé un redressement qui était principalement prospectif au lieu de rétrospectif par rapport à la date de dépôt du grief. Ce redressement n'avait aucun lien avec les fonctions qu'il avait exécutées relativement à M. X ni avec la période comprise entre décembre 2001 et février 2003.

[77]    De mon point de vue, l'énoncé du grief à l'audience change la nature de celui-ci et ne fait pas que le clarifier ou le préciser davantage. Tel qu'il a été reformulé, le cas du fonctionnaire s'estimant lésé relativement à la rémunération d'intérim fait intervenir différentes preuves au sujet de différentes personnes ainsi qu'une période distinctement différente. Si je devais recevoir le grief tel qu'il a été reformulé, le témoignage relatif à M. X et à ce qui s'est produit entre décembre 2001 et février 2003 aurait vraisemblablement une valeur probante minime ou inexistante. (En effet, le libellé du grief initial peut être ignoré.) Ma tâche devrait donc consister à évaluer les fonctions qu'a dû assumer le fonctionnaire s'estimant lésé pour la période débutant immédiatement avant la date de dépôt du grief, le 9 octobre 2003, et se terminant en mars 2005, et à déterminer si elles permettent de conclure qu'il a « exécuté une grande partie des fonctions d'un employé d'un niveau de classification supérieur » conformément à l'esprit de la clause 50.07. Toute mesure de redressement découlant de cette évaluation devrait être dissociée des circonstances et de la période indiquées dans le grief initial.

[78]    Je ne trouve aucun motif raisonnable, dans la description donnée dans le grief initial, permettant au fonctionnaire s'estimant lésé de transformer le grief en une affaire portant sur sa relation de travail avec une personne différente ou des personnes différentes, dans le cadre de laquelle il a exécuté des fonctions pouvant être ou pouvant ne pas être les mêmes, durant une période totalement différente. Il y a certes des éléments communs, mais les différences l'emportent sur ces derniers. Il peut être vrai, comme le prétend le fonctionnaire s'estimant lésé, qu'il n'y a pas d'élément de surprise pour l'employeur, étant donné que la demande porte toujours sur la rémunération d'intérim. Néanmoins, la défense de l'employeur, telle qu'elle a été présentée à l'origine (en supposant qu'il ait présenté une défense à une étape quelconque de la procédure interne de règlement des griefs), devait être fondée sur de l'information et une analyse portant particulièrement sur les circonstances relatives à M. X et sur la période initialement visée. Étant donné la manière dont le cas est présenté à l'audience, l'affaire contre laquelle doit se défendre l'employeur est considérablement différente.  

[79]    Dans sa défense, le fonctionnaire s'estimant lésé allègue que je devrais adopter [traduction] « l'approche moderne » en matière de relations de travail et ne pas exiger qu'il s'en tienne aux termes initiaux de son grief, et que je devrais considérer que la formule standard de la section C du formulaire de présentation des griefs du UCCO-SACC-CSN lui donne la marge de manouvre voulue pour présenter son grief à l'audience comme il l'a fait.

[80]    Je me permets d'être respectueusement en désaccord avec ces deux arguments. Quelle que soit l'importance qu'on puisse donner, au nom de « l'approche moderne en matière de relations de travail », à la nécessité de faire preuve de flexibilité lorsqu'il s'agit de régler les problèmes soumis à la procédure de redressement, il y a des limites à cette flexibilité. Burchill fait une importante mise en garde relativement au fait que la procédure de redressement ne pourrait fonctionner conformément à l'esprit de la loi et dans les limites des protections procédurales nécessaires pour les deux parties, s'il était possible de modifier notablement une cause d'action bien après l'amorce de la procédure. Il n'est pas question ici d'exiger d'un fonctionnaire s'estimant lésé qu'il soit avant tout un expert en rédaction de documents juridiques, mais plutôt qu'il veille à ce que l'objet du grief et les circonstances ayant donné lieu au grief puissent être clairement et communément compris et évalués, et ce, d'un bout à l'autre de la procédure de redressement.

[81]    Revenons à la formule additionnelle de la section C, qui se lit comme suit :

[Traduction]

Et tous autres droits qui me sont conférés dans la convention collective, ainsi que tous dommages réels, moraux ou exemplaires, et ce, rétroactivement avec intérêt au taux légal, sans préjudice aux autres droits dévolus.

[82]    Il me semble que, si on pousse à la limite la logique sous-tendant l'argument du fonctionnaire s'estimant lésé relativement à la signification de cette formule, celui-ci serait libéré de toute responsabilité d'être précis quant aux droits censément violés ou de décrire clairement le redressement demandé lorsqu'il dépose un grief. L'interprétation que fait le fonctionnaire s'estimant lésé du formulaire de présentation des griefs lui permettrait essentiellement, à toute étape de la procédure, de dire « juste au cas où j'aurais oublié de mentionner un droit ou un redressement particulier, je tiens à les inclure également à mon grief ». Bien que je puisse imaginer les raisons pour lesquelles le fonctionnaire s'estimant lésé et l'agent négociateur voudraient que les choses fonctionnent de cette façon, je me demande si cette approche favorise la résolution efficace des problèmes. L'information donnée par le fonctionnaire s'estimant lésé à la section C s'avère utile pour au moins deux raisons : elle révèle quelque chose au sujet des attentes du fonctionnaire s'estimant lésé quant à la manière dont le problème peut être résolu; elle aide également à étayer ou à faire ressortir les détails du grief lui-même tel qu'il est présenté à la section B du formulaire. Selon la présentation du fonctionnaire s'estimant lésé, cette information utile pourrait être considérée comme étant absente du formulaire ou pourrait être modifiée de manière pratiquement illimitée jusqu'au moment de l'audience devant un arbitre de grief.

[83]    La formule additionnelle de la section C a pour moi une signification plus restreinte. De mon point de vue, elle doit être interprétée dans les limites de l'objet de la section C et ne donne pas au fonctionnaire s'estimant lésé la flexibilité de modifier comme il l'entend le contenu de la section B. L'expression [traduction] « et tous autres droits qui me sont conférés dans la convention collective » figurant à la section C peut vouloir dire que le fonctionnaire s'estimant lésé a la possibilité de demander un autre redressement découlant de la convention collective pour rectifier le problème décrit à la section B, mais elle ne signifie pas qu'il peut alléguer une violation de la convention collective notablement différente de ce qui est décrit à la section B.

[84]    En somme, je conclus que le fonctionnaire s'estimant lésé a modifié la nature de son grief à l'audience conformément à l'esprit de la décision Burchill et, en outre, qu'il n'a pas fourni d'arguments pouvant m'inciter à autoriser ce changement. Par conséquent, j'examinerai le renvoi à l'arbitrage de grief en fonction de la description initiale du grief figurant sur le formulaire de présentation des griefs. Cette description établit que le grief porte sur une question définie et non sur une question continue, et qu'il vise principalement une période de 13 mois déterminée par le fonctionnaire s'estimant lésé, durant laquelle il aurait formé et supervisé M. X.

Le grief a-t-il été déposé à l'intérieur du délai prescrit?

[85]    J'ai décidé que la version du grief initialement présentée par le fonctionnaire s'estimant lésé est celle qui serait examinée. Ce grief vise à obtenir une rémunération d'intérim pour une période de 13 mois prenant fin en février 2003. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé son grief le 13 octobre 2003.

[86]     Aux termes de la clause 20.10 de la convention collective, un employé peut présenter un grief au plus tard le 25e jour suivant la date à laquelle il a eu connaissance de l'action ou de l'omission ayant donné lieu au grief :

[...]

20.10  Au premier (1er) palier de la procédure, l'employé-e peut présenter un grief de la manière prescrite au paragraphe 20.05, au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l'action ou des circonstances donnant lieu au grief.

[...]

La preuve montre que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas présenté son grief dans les 25 jours suivant la date à laquelle il a entrepris ses fonctions présumées de supervision auprès de M. X.

[87]    Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas soumis de demande à la Commission en vertu de l'article 63 du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) pour que soit prolongé le délai prévu.

[88]    L'employeur soutient que le non-respect du délai concernant le dépôt du grief fait en sorte que je n'ai pas la compétence voulue pour examiner le renvoi à l'arbitrage par le fonctionnaire s'estimant lésé. Les paragraphes 92(1) et 96(1) de l'ancienne Loi prévoient qu'un fonctionnaire s'estimant lésé doit avoir soumis de façon appropriée son grief à la procédure de règlement des griefs pour être admissible au renvoi à l'arbitrage de grief :

[...]

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

[...]

96. (1) Sauf règlement pris par la Commission aux termes de l'alinéa 100(1)d), le renvoi d'un grief à l'arbitrage de même que son audition et la décision de l'arbitre à son sujet ne peuvent intervenir qu'après l'observation intégrale de la procédure applicable en la matière jusqu'au dernier palier.

 [...]

[89]    Si les circonstances de la présente affaire avaient été différentes, le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé n'ait pas déposé son grief à l'intérieur du délai prescrit aurait probablement empêché le renvoi à l'arbitrage de grief. Toutefois, la Commission a reconnu dans des décisions antérieures qu'il y a des circonstances dans lesquelles l'employeur ne peut exiger du fonctionnaire s'estimant lésé qu'il respecte de manière stricte les délais établis dans la convention collective à titre de condition préalable au renvoi de l'affaire à l'arbitrage de grief. Je crois que la présente affaire est assujettie à de telles conditions.

[90]    Dans Canadian Labour Arbitration, Brown et Beatty (au paragraphe 2.3130) déterminent que, lorsque l'employeur omet de s'opposer à une irrégularité de procédure au début du mécanisme de règlement des griefs, il s'agit d'une situation où la doctrine de la renonciation peut s'appliquer :

[Traduction]

[...]

Dans son application, la doctrine de la renonciation s'applique parallèlement à celle que les tribunaux entendant des affaires au civil qualifient de « nouvelle démarche », en déclarant que la partie qui n'a pas soulevé une objection en temps opportun et qui a traité le grief au fond en dépit d'un vice de procédure manifeste a renoncé à invoquer ce vice de procédure. Autrement dit, en ne contestant pas le non-respect des délais obligatoires avant que le grief ne soit entendu à l'arbitrage, la partie qui aurait dû soulever la question auparavant sera réputée avoir renoncé à invoquer un vice de procédure, et toute objection à l'arbitrabilité du grief ne sera pas accueillie. On considère que la doctrine s'applique même lorsqu'il y a objection relativement aux délais en ce qui concerne l'arbitrabilité, sans qu'il y ait pour autant objection concernant le non-respect du délai obligatoire pour le dépôt du grief.

[...]

[91]    Les arbitres de grief de la Commission ont déjà appliqué la doctrine de la renonciation. Par exemple, dans Beers c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2000 CRTFP 2, et dans McMahon c. Sénat du Canada, 2003 CRTFP 50, les arbitres ont entériné et appliqué des décisions antérieures dans lesquelles on avait conclu que le fait que l'employeur ne se soit pas objecté au non-respect des délais prescrits lors de la procédure de règlement des griefs constituait une renonciation au droit de soulever cette objection au moment de l'appel. Beers mentionne ce qui suit :

[...]

[56] [...] J'estime que le moment où l'employeur doit soulever la question du respect des délais est durant la procédure de règlement des griefs. C'est trop tard lorsque l'affaire est prête pour l'arbitrage. Si l'employeur ne soulève pas d'objection durant la procédure applicable aux griefs, il est réputé avoir renoncé à son droit d'invoquer le non-respect du délai. À mon avis, le non-respect du délai fixé pour la présentation d'un grief doit être soulevé le plus tôt possible, c'est-à-dire durant la procédure de règlement des griefs. C'est à ce stade que les parties sont censées explorer toutes les questions relatives au grief. L'objet de la procédure de règlement des griefs est d'examiner à fond toutes les questions les plus évidentes. Autrement, la partie qui néglige de le faire peut donner à croire qu'elle a décidé de fermer les yeux sur le non-respect du délai fixé par la convention collective.  L'affaire qui est renvoyée à l'arbitrage comprend à la fois le grief et les questions de procédure que les parties ont soulevées durant la procédure de règlement des griefs.

[...]

À la fin du passage, l'arbitre de grief conclut que le problème du non-respect des délais est « une question de procédure à laquelle l'une ou l'autre [partie] peut renoncer expressément, ou implicitement, lorsqu'elle néglige de soulever une objection durant la procédure de règlement des griefs ».

[92]    Dans la présente affaire, le dossier indique que l'employeur n'a soulevé la question du non-respect du délai à aucun des paliers de la procédure de règlement des griefs. Quand, à l'audience, j'ai demandé à l'employeur d'expliquer cette omission, il a répondu qu'il n'avait aucune explication à offrir.

[93]    Je reconnais qu'un employeur n'est pas tenu en vertu de la convention collective de répondre à un grief à quelque palier que ce soit, et qu'un fonctionnaire s'estimant lésé peut avoir présenté son grief à tous les paliers de la procédure de règlement et à l'arbitrage de grief sans avoir reçu de réponse de l'employeur. Cependant, je crois savoir que si un employeur omet, à l'une ou l'autre étape de la procédure interne de règlement, de contester l'admissibilité d'un grief en invoquant qu'il n'a pas été déposé dans les délais prescrits et qu'il n'a aucune raison valable pour expliquer cette omission, il renonce à son droit de soulever cette question lors de l'audience d'arbitrage de grief. Par conséquent, étant donné les circonstances de la présente affaire, je conclus que l'employeur a renoncé à son droit de s'opposer au grief, à l'occasion de l'audience, pour le non-respect du délai prescrit. J'ai donc été saisi à bon droit du présent renvoi à l'arbitrage de grief.

L'objet du grief est-il la classification au lieu de la rémunération d'intérim?

[94]    L'employeur soutient que le grief a pour véritable objet la classification. La classification ne figure pas au nombre des sujets pouvant faire l'objet d'un renvoi à l'arbitrage de grief de la part d'un employé, en vertu du paragraphe 92(1) de l'ancienne Loi. En outre, à moins qu'il y ait renoncé aux termes de la convention collective, le pouvoir unilatéral de l'employeur en matière de classification est protégé par l'article 7 de l'ancienne Loi :

[...]

 7.  Rien dans la présente loi ne doit s'interpréter comme portant atteinte au droit ou à l'autorité que possède l'employeur de déterminer comment doit être organisée la Fonction publique, et d'attribuer des fonctions aux postes de classer ces dossiers.

[...]

[95]    Celui qui soulève une objection doit fournir des preuves. Il revient à l'employeur de montrer que le grief, tel qu'il a été rédigé à l'origine, a pour objet la classification au lieu de la rémunération d'intérim. Si l'employeur ne s'acquitte pas de cette charge, il convient d'analyser le bien-fondé de la demande de rémunération d'intérim, et il revient alors au fonctionnaire s'estimant lésé de montrer que, selon la prépondérance des probabilités, l'employeur a violé les dispositions de la convention collective portant sur la rémunération d'intérim.

[96]    Les critères énoncés dans Bungay s'avèrent utiles pour ce qui est de faire la distinction entre un grief portant sur la classification et un grief portant sur la rémunération d'intérim :

 [...]

59.  En résumé, certains des éléments indiquant qu'un grief porte sur la classification et non sur la rémunération d'intérim (et qu'un arbitre n'a donc pas compétence) sont les suivants :

- la demande de rémunération d'intérim porte sur une période indéterminée et non sur une période précise;

- le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé une reclassification, de manière informelle ou en déposant un grief portant sur la classification;

- le fonctionnaire s'estimant lésé continue d'exécuter les tâches qu'il exécutait auparavant et seuls les niveaux de classification appliqués dans le lieu de travail ont changé;

- le grief portant sur la rémunération d'intérim est fondé, en partie, sur une comparaison avec des postes similaires existant dans d'autres lieux de travail.

[...]

[97]    J'ajoute à ces critères une appréciation fondée sur le bon sens des éléments qui sous-tendent les deux types de grief : dans le cas où le grief porte sur une rémunération d'intérim, le poste d'attache du fonctionnaire s'estimant lésé est normalement réputé être adéquatement classifié. Le fonctionnaire s'estimant lésé allègue que l'employeur lui a assigné, durant une période déterminée, des fonctions additionnelles qui s'ajoutent à celles du poste d'attache, lesquelles sont indiquées dans la description de travail. Ces fonctions additionnelles sont associées à un rôle de niveau plus élevé. Par conséquent, le fonctionnaire s'estimant lésé revendique son droit à recevoir une rémunération d'intérim. Dans le cas d'un grief portant sur la classification, le fonctionnaire s'estimant lésé avance que les tâches que lui assigne l'employeur sont sous-évaluées de manière continue. Il allègue qu'une évaluation de ces tâches en fonction de la norme pertinente de classification justifie l'élévation du niveau du poste d'attache au sein d'un groupe professionnel (ou la modification du groupe professionnel).

[98]    Les griefs portant sur la rémunération d'intérim et ceux portant sur la classification font souvent intervenir le même type de preuves. Que montre la preuve dans la présente affaire?

[99]    À n'en pas douter, la preuve est limitée en ce qui a trait aux fonctions apparemment assumées à titre intérimaire durant 13 mois décrites dans le grief initial, la preuve étant l'échange de courriels qu'on retrouve dans les pièces allant de G-4 à G-6 et les témoignages contradictoires du fonctionnaire s'estimant lésés et de M. Newton concernant le sens de ces courriels et la nature de la relation entre le fonctionnaire s'estimant lésé et M. X. Cette preuve a des significations opposées. Si on examine les pièces allant de G-4 à G-6, seule la dernière, où se trouve un courriel de M. Newton envoyé au fonctionnaire s'estimant lésé, comporte un passage laissant clairement penser que la classification est l'objet principal de l'affaire :

[Traduction]

[...]

[...] En ce qui concerne votre rang et vos responsabilités au sein du service des arrivées et des départs, je discuterai avec le sous-directeur de cette lettre indiquant mes attentes et vos commentaires selon lesquels, si vous effectuez un travail de supervision, la classification de votre poste devrait être de niveau CO-2 au lieu de CO-1. Je n'ai aucune idée de la façon dont un tel avancement pourra s'effectuer, mais je suis convaincu que la question peut être discutée et je vous ferai part de mon entretien avec le sous-directeur.

[...]

Par comparaison, la teneur des pièces G-4 et G-5, ainsi que la preuve orale avancée par le fonctionnaire s'estimant lésés et M. Newton font ressortir que le débat portait principalement sur les rapports hiérarchiques et l'autorité au sein du service des arrivées et des départs, que ce soit d'un point de vue général ou en ce qui concerne plus particulièrement les responsabilités qu'avait le fonctionnaire s'estimant lésé à l'égard de M. X. La preuve n'est pas sans avoir de lien avec la question de la classification, mais on peut plausiblement croire qu'elle est également liée à la demande de rémunération d'intérim. Je remarque que la demande réelle de reclassification du fonctionnaire s'estimant lésé (pièce G-7) date de mars 2003, soit après la fin la période de 13 mois visée dans le grief, mais on peut difficilement déduire de ce fait que le mécontentement du fonctionnaire s'estimant lésé a pris naissance seulement en mars 2003.

[100]      Étant donné la nature contradictoire de la preuve, je ne crois pas que l'employeur puisse fonder sur elle seule son objection relative à la classification. De façon certaine, un seul des indicateurs mentionnés dans Bungay est présent, soit la demande de reclassification du fonctionnaire s'estimant lésé qui a été présentée à un moment très rapproché de la période visée dans le grief.

[101]       À l'audience, la plus grande partie de la preuve ne concernait pas explicitement la période de 13 mois visée dans le grief. Elle a plutôt porté sur la situation et l'expérience générale à long terme du fonctionnaire s'estimant lésé.

[102]      Au tout début de son témoignage, le fonctionnaire s'estimant lésé a qualifié son grief de [traduction] « solution de dernier recours » pour obtenir [traduction] « une rémunération d'intérim ou une reclassification ». Dans l'année qui a suivi sa nomination au poste d'agent préposé aux arrivées et aux départs, il a fait une recherche pour savoir quel était le niveau de classification des postes comparables dans d'autres établissements, et il a conclu que son poste devrait être classifié au niveau CX-2 au lieu de CX-1. Fort de cette information, il a fait une demande de reclassification auprès de son superviseur initial, M. Allison, et ensuite auprès de M. Newton. Cette démarche informelle n'ayant pas donné les résultats escomptés, le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un grief officiel en matière de classification, qui, selon toute vraisemblance, a été rejeté au quatrième palier de règlement des griefs.

[103]      Plus loin dans son témoignage, le fonctionnaire s'estimant lésé a énoncé les similarités qui existaient entre ses fonctions et celles d'un poste de niveau CX-2 de référence. En contre-interrogatoire, il a mentionné que ses fonctions à titre d'agent préposé aux arrivées et aux départs ont toujours été les mêmes pendant toute la période durant laquelle il a occupé le poste. Il a dit que M. X n'était qu'une personne parmi une série d'employés qu'il avait supervisés et formés au cours de cette période, et que cette fonction importante consistant a offrir de la formation et de la supervision ne figurait ni dans la description de travail de son poste de niveau CX-1 ni dans la description de travail de référence d'un poste de niveau CX-1. Il a été d'accord avec l'avocate de l'employeur pour dire qu'il a toujours eu le sentiment que son poste devrait être classifié CX-2 et que son grief [traduction] « ne portait pas réellement sur la question des fonctions temporaires ».

[104]      Dans son argumentation, le fonctionnaire s'estimant lésé a mis l'accent sur le fait que ses fonctions n'avaient pas changé de façon importante entre le moment où il a commencé à travailler au service des arrivées et des départs et le moment où il a quitté celui-ci. Il a fait valoir que, si on effectuait une comparaison en utilisant la norme de classification de l'employeur, le poste d'agent préposé aux arrivées et aux départs, à Renous, était comparable aux autres postes de niveau CX-2.

[105]      Suis-je autorisé à prendre en considération une preuve et des présentations de ce type, qui rendent compte de la situation et de l'expérience à long terme du fonctionnaire s'estimant lésé, pour m'aider à déterminer l'objet du grief initial? Je crois qu'il est justifié que je le fasse en l'occurrence. Dans la plupart des affaires, la preuve présentée par les parties s'accompagne de faits qui déterminent le contexte général dans lequel le grief a pris naissance. Le contexte apporte un éclairage important sur une situation donnée et aide grandement à comprendre les événements et les points de vue. Il est habituellement difficile d'évaluer une situation « hors de son contexte », et il importe de bien voir les circonstances et les corrélations. Il n'en découle pas pour autant que toutes les preuves contextuelles soient pertinentes et valables lorsqu'il s'agit de déterminer la nature d'un grief, tant s'en faut. L'information sur le contexte aide à prendre une décision dans la mesure où elle met en exergue ou clarifie des éléments qui sont déjà présents ou soupçonnés d'être présents dans la preuve directe.

[106]      Le fonctionnaire s'estimant lésé me demande de conclure qu'il n'y a ni séparation ni distinction à faire entre la période de 13 mois visée dans le grief et le reste du temps où il a été en poste. Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, celui-ci a assumé pendant six ans, soit durant toute la période pendant laquelle il a occupé le poste, les fonctions de formation et de supervision sur lesquelles est fondée la demande de rémunération d'intérim. Compte tenu de ce fait, la période de 13 mois durant laquelle il aurait formé et supervisé M. X est conforme à sa situation à long terme et ne constitue en rien une exception. Quand le fonctionnaire s'estimant lésé a comparé les fonctions de son poste avec celles d'un poste de niveau CX-2, il ne s'est pas limité à la période de 13 mois en question. La preuve montre que le fonctionnaire s'estimant lésé avait le sentiment que son poste aurait dû être reclassifié au niveau CX-2 d'entrée de jeu, soit avant 1999, et que le poste aurait dû demeurer de niveau CX-2 jusqu'à ce qu'il le quitte en 2005.

[107]        De ce point de vue, la situation à long terme et la période de 13 mois sont étroitement liées dans la preuve et les arguments soumis par le fonctionnaire s'estimant lésé. Selon moi, cela m'autorise à tenir compte de la preuve concernant la situation à long terme en tant que contexte pouvant aider à comprendre les circonstances relatives à la période de 13 mois visée dans le grief.

[108]      Conformément à ce raisonnement, tout bien considéré, j'en arrive à la conclusion que le fonctionnaire s'estimant lésé a toujours souhaité obtenir une reclassification de son poste ou la rémunération qui aurait correspondu à un poste de niveau supérieur. La preuve montre que les demandes répétées du fonctionnaire s'estimant lésé visant à obtenir une reclassification de son poste ont été rejetées par l'employeur qui, à tort ou à raison, considérait que la taille de l'établissement Renous ou celle du service des arrivées et des départs ne permettait pas de classifier son poste au niveau CX-2. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas été satisfait de cette réponse, peut-être avec raison. Il a présenté un grief en matière de rémunération d'intérim en tant que [traduction] « solution de dernier recours » visant à ce que sa demande soit acceptée.

[109]      Au bout du compte, on peut constater dans la situation du fonctionnaire s'estimant lésé la présence de deux des critères mentionnés dans Bungay : le fonctionnaire a clairement demandé une reclassification, à la fois de manière informelle et par l'entremise d'un grief en matière de classification et, pour étayer sa demande, il a procédé à une comparaison avec des postes similaires dans d'autres lieux de travail. La preuve concernant ces deux éléments s'avère solide. Le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé selon lequel il a exécuté les mêmes fonctions durant toute la période pendant laquelle il a occupé son poste au service des arrivées et des départs satisfait également, en partie, à un troisième critère énoncé dans Bungay.

[110]      Un quatrième critère figurant dans Bungay intervient lorsque la demande de rémunération d'intérim est de nature continue. Je note avec intérêt l'allégation du fonctionnaire s'estimant lésé selon laquelle Bungay ne s'applique pas à la présente affaire, parce que la demande de rémunération d'intérim - dans le grief reformulé - porte sur une période déterminée se terminant en mars 2005. Cet argument m'apparaît très discutable. La demande du fonctionnaire s'estimant lésé s'accompagne d'une limite uniquement parce que le fonctionnaire s'estimant lésé a décidé de quitter son poste. Autrement, il y a eu de bonnes raisons de croire que la période visée par la demande de rémunération d'intérim du fonctionnaire s'estimant lésé aurait été prolongée au-delà de mars 2005. Selon cette conclusion hypothétique, le quatrième critère mentionné dans Bungay, qui porte sur la nature continue de la demande de rémunération d'intérim, pourrait être satisfait et pourrait également être mis en relation avec l'approche adoptée dans Chadwick, dont découle Bungay. Toutefois, je ne tiendrai pas compte de l'hypothèse susmentionnée. Étant donné ma décision selon laquelle le grief porte sur une période déterminée de 13 mois, je tiendrai pour acquis que la demande est délimitée par définition et que le quatrième critère énoncé dans Bungay ne s'applique pas.

[111]      Cependant, rien n'indique qu'il faille absolument que tous les critères mentionnés dans Bungay soient présents pour conclure que le véritable objet d'un grief est la classification. Les indicateurs suggérés, pris individuellement, ne constituent pas des conditions obligatoires et, pris dans leur ensemble, ils ne représentent pas non plus une liste exhaustive ou définitive. Ils s'avèrent néanmoins utiles. En ce qui concerne la présente affaire, j'ai été convaincu que la preuve, tout bien considéré, se conforme bien à la description d'un grief en matière de classification donnée dans Bungay.

[112]      Je suis également d'avis que, selon une appréciation fondée sur le bon sens (mis en exergue au paragraphe 98), la preuve est davantage conforme à un grief en matière de classification qu'à un grief concernant la rémunération d'intérim. D'après la preuve fournie par le fonctionnaire s'estimant lésé, il a toujours eu à assumer les fonctions sur lesquelles s'appuie sa demande. Elles n'ont pas été ajoutées en tant que « fonctions additionnelles » à un moment ou à un autre alors qu'il occupait son poste d'attache. La description de travail n'a pas été modifiée. Du point de vue du fonctionnaire s'estimant lésé, la description était inadéquate dès le départ, car elle ne rendait pas compte de l'exigence permanente de former et de superviser d'autres employés. Le fonctionnaire s'estimant lésé soutient que ses fonctions correspondaient davantage à celles du poste de référence d'« agent correctionnel II » qu'à celles de la description de travail de son poste de niveau CX-1 - une opinion conforme à son souhait de voir son poste être reclassifié. Il a pris des mesures sur plusieurs fronts pour faire en sorte que son poste soit reclassifié, mais elles n'ont pas porté fruit. Il s'est ensuite tourné vers la rémunération d'intérim comme solution de rechange pour réussir à obtenir ce qui lui avait été refusé en tablant sur la question de la classification. Comme le fonctionnaire s'estimant lésé l'a lui-même dit, son grief [traduction] « ne portait pas réellement sur la question des fonctions temporaires ».

[113]      Les raisons susmentionnées m'amènent à recevoir l'objection de l'employeur en matière de compétence. Il m'apparaît que la demande de rémunération d'intérim du fonctionnaire s'estimant lésé correspond davantage à une solution de rechange pour essayer d'obtenir un traitement s'avérant conforme à son objectif persistant relatif à la classification. En vertu de l'article 92 de l'ancienne Loi, je n'ai pas la compétence voulue pour examiner un renvoi à l'arbitrage de grief lorsque j'en arrive à la conclusion que le véritable objet du grief est la classification.

4.  Si le grief porte sur la rémunération d'intérim, le fonctionnaire s'estimant lésé a-t-il montré que l'employeur avait violé la convention collective? 

[114]      Comme je me suis prononcé en faveur de la position de l'employeur selon laquelle l'objet du grief est la classification, la dernière question ne se pose pas.

[115]      Je souhaite toutefois soumettre les observations additionnelles suivantes : si la preuve ne m'avait pas amené à conclure 1) que le fonctionnaire s'estimant lésé avait modifié de manière inappropriée son grief au moment de l'audience et également 2) que l'objet du grief était la classification, ma tâche aurait alors consisté à déterminer si le fonctionnaire s'estimant lésé avait réussi à prouver une violation continue de la clause 50.07 de la convention collective entre août 2003 et mars 2005, soit la période visée dans le grief reformulé. Je remarque que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a livré qu'un témoignage de nature générale relativement à la formation qu'il a offerte à d'autres employés durant cette période. La preuve qu'il a fournie ne comportait aucune information précise en ce qui concerne, par exemple, les personnes formées et supervisées, les dates et la durée des fonctions exécutées à titre intérimaire, les fonctions additionnelles dont il a dû s'acquitter dans les faits ou la nature des directives émanant de l'employeur lui demandant d'assumer quelque responsabilité additionnelle que ce soit. Il m'a plutôt soumis une preuve selon laquelle, alors que le niveau de dotation du service était de 1,5 année-personne, le niveau de 0,5 année-personne additionnel (en sus du fonctionnaire s'estimant lésé) n'a pas toujours été atteint durant les six années que le fonctionnaire s'estimant lésé a occupé le poste. La preuve laisse planer un certain doute sur l'affirmation du fonctionnaire s'estimant lésé selon laquelle il aurait dû exécuter des fonctions à titre intérimaire tout au long de la période visée par sa demande de rémunération.

[116]      En résumé, étant donné l'absence d'une preuve plus détaillée et davantage fondée sur les faits, il m'apparaît que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pu établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il avait exécuté une grande partie des fonctions d'un employé d'un niveau de classification supérieur, comme l'exige la clause 50.07, de manière continue pendant la période visée.  

[117]      Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[118]      Le grief est rejeté pour défaut de compétence.

Le 23 juin 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Dan Butler,
arbitre de grief

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