Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a demandé communication des éléments d’information suivants : des renseignements concernant un test standardisé afin de déterminer si les membres du comité d’évaluation avaient suivi les directives et procédures du Guide de l’évaluateur; des renseignements relatifs à l’aptitude des membres du comité à administrer le test, car selon lui, trois d’entre eux n’avaient aucune formation en matière de gestion des ressources humaines et n’étaient pas aptes à administrer le test; les notes prises durant son évaluation dans le cadre du test et les notes prises durant l’évaluation des quatre candidats retenus. Il souhaitait vérifier si les membres du comité avaient appliqué le même raisonnement et le même processus pour tous les candidats. L’intimé a soutenu que le Tribunal devait déterminer si les renseignements demandés étaient pertinents. S’agissant du test standardisé, l’intimé convenait que les paramètres établis par la Cour fédérale dans l’arrêt Gill étaient toujours pertinents. Il a ajouté que les éléments d’information relatifs à l’évaluation des qualifications du plaignant étaient pertinents alors que ceux concernant les autres candidats ne l’étaient pas. La Commission de la fonction publique (CFP) a communiqué au Tribunal les règles et lignes directrices qui s’appliquaient à l’administration des tests standardisés en vertu de l’ancienne Loi sur l’emploi dans la fonction publique. La CFP a indiqué qu’elle était disposée à autoriser le représentant du plaignant à examiner les documents ayant un lien direct avec la plainte en l’espèce, mais à certaines conditions. Elle a maintenu d’autre part que ni les renseignements concernant la formation des membres du comité de sélection, ni les notes prises par les membres au sujet des candidats autres que le plaignant n’étaient pertinents. Décision : Le Tribunal a eu recours à trois critères pour décider s’il convenait de communiquer au plaignant les renseignements demandés : <ul> Les éléments d’information demandés concernent-ils le plaignant et convient-il de les divulguer compte tenu de leur pertinence? La communication de documents confidentiels pourrait-elle avoir une incidence sur la validité ou l’utilisation future d’un test standardisé ou de certaines de ses parties en conférant un avantage indu à quiconque? erait-il possible d’éviter de compromettre l’utilisation future du test en imposant des conditions à la divulgation des éléments d’information (par exemple, en ne permettant qu’au représentant du plaignant d’avoir accès aux documents)? Pour que tel ou tel élément d’information soit pertinent, il doit avoir un lien avec le fondement de la plainte et être essentiel à la préparation adéquate du dossier. En l’espèce, le Tribunal a jugé que les éléments d’information relatifs au test étaient pertinents. Communiquer les documents au plaignant lui donnerait un avantage indu et compromettrait du même coup l’utilisation continue du test. Donner au seul représentant du plaignant un accès exclusif aux documents éviterait de compromettre l’utilisation future du test. Le Tribunal a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’ordonner la production des documents concernant la formation des membres du comité pour l’administration du test. La CFP doit approuver l’utilisation d’un test standardisé et déterminera à sa discrétion le niveau de formation requis, s’il y a lieu. Les notes relatives à l’évaluation du plaignant sont pertinentes et doivent être communiquées. Le Tribunal ne voyait pas en quoi les notes prises par les membres du comité au sujet des quatre candidats reçus étaient pertinentes. Il n’était pas nécessaire pour le plaignant de comparer ses résultats et ses réponses avec ceux des candidats reçus. Demande accordée en partie sous réserve de certaines conditions. <ul>

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2006-0022
Rendue à:
Ottawa, le 10 novembre 2006

DAVID AUCOIN
Plaignant
ET
LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERICES FRONTALIERS DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Demande d'ordonnance de communication de renseignements
Décision:
La demande est partiellement accueillie
Décision rendue par:
Sonia Gaal, vice-présidente
Décision rendue en:
Anglais
Répertoriée:
Aucoin c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada et al.
Référence neutre:
2006 TDFP 0012

Motifs de décision

Introduction

1 Le plaignant, M. David Aucoin, a demandé la productionde documents relatifs à un test standardisé intitulé « Exercice de simulation pour superviseur (428) », de renseignements relatifs à la formation des membres du comité de sélection pour l’administration du test standardisé, des notes prises durant l’évaluation du plaignant, dans le cadre de l’Exercice de simulation pour superviseur (428), et des notes prises durant l’évaluation des quatre candidats reçus.

Contexte

2 Le 4 mai 2006, M. Aucoin a déposé une plainte fondée sur les alinéas 77(1)a) et 77(2)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) concernant trois nominations intérimaires et une nomination pour une durée indéterminée (numéro du processus de sélection : 06-BSF-IA-ATL-NSD-PM-40) à des postes de surintendant/surintendante, au groupe et au niveau PM-04, à l’Agence des services frontaliers du Canada (l’intimé) à Halifax.

3 Dans le cadre du processus de sélection, le plaignant a été évalué le 7 mars 2006 au moyen de l’Exercice de simulation pour superviseur (428), qui a servi à la sélection des candidats aux quatre postes. Le 30 mars 2006, on l’informait qu’il ne répondait pas aux critères de mérite essentiels et qu’il était, de ce fait, exclu du processus de nomination.

4 Le 4 avril 2006, le plaignant a rencontré deux des trois membres du comité de sélection lors d’une discussion informelle.

5 La communication de renseignements a eu lieu en présence des représentants de l’intimé, le 30 juin 2006. Dr. David Forster, Psychologue principal au Centre de psychologie du personnel (CPP) de la Commission de la fonction publique (CFP), était également présent pour répondre à certaines questions précises concernant l’Exercice de simulation pour superviseur (428).

6 À cette occasion, le plaignant a pu prendre connaissance des notes prises par les membres du comité, de la cote finale ainsi que des détails justifiant toutes les cotes qui lui ont été attribuées en ce qui concerne les indicateurs de comportement. Il a également eu une discussion avec Dr. Forster.

7 Le 10 juillet 2006, le plaignant a déposé des allégations détaillées et a demandé la production de renseignements concernant le test standardisé. Il a fait valoir que ces renseignements l’aideront à comprendre les cotes attribuées à la partie écrite et à la partie orale du test, compte tenu de la subjectivité inhérente à l’administration de tests standardisés.

8 L’intimé et la CFP ont fourni leurs réponses respectivement le 25 juillet et le 4 août 2006. Dans les deux cas, le fond du litige et la production de renseignements ont été adressés.

9 Par suite de la demande d’accès au test standardisé déposée par le plaignant, le Tribunal a écrit aux parties le 15 août 2006 pour leur demander d’examiner la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Gill, (2001) 107 A.C.W.S. (3d) 429 (version anglaise);[2001 A.C.F. no 1171 (QL), qui porte sur la divulgation de documents utilisés dans le cadre d’un test standardisé. Le Tribunal a demandé au plaignant s’il avait un représentant et l’a prié de préciser les documents dont il avait besoin.

10 En date du 22 août 2006, le plaignant a fourni sa réponse qui comprend la liste des documents voulus et a informé le Tribunal qu’il était désormais représenté par un délégué syndical du Customs Excise Union Douanes Accise (CEUDA) de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC).

11 La CFP et l’intimé ont fait connaître leurs positions respectivement le 7 et le 8 septembre 2006.

12 Le 28 septembre 2006, le Tribunal a écrit à la CFP pour demander des précisions concernant les documents mentionnés dans leur réponse. La CFP a fourni les précisions demandées le 5 octobre 2006.

Questions en litige

13 Le Tribunal doit rendre une décision sur les questions qui suivent :

  1. Le Tribunal devrait-il ordonner la production des documents concernant l’Exercice de simulation pour superviseur (428), y compris le Guide de l’évaluateur?
  2. Le Tribunal devrait-il ordonner la production des documents concernant la formation des membres du comité de sélection pour l’administration de l’Exercice de simulation pour superviseur (428), si de tels documents existent?
  3. Le Tribunal devrait-il ordonner la production des notes prises durant l’évaluation du plaignant, dans le cadre de l’Exercice de simulation pour superviseur (428), si de telles notes existent?
  4. Le Tribunal devrait-il ordonner la production des notes prises par les membres du comité de sélection concernant les quatre candidats reçus?

Observations

A) Position du plaignant

14 Le plaignant a demandé une copie du Guide de l’évaluateur associé à l’Exercice de simulation pour superviseur (428), afin de déterminer si les membres du comité de sélection ont suivi les directives et les procédures qui y sont décrites. Il a soutenu que les trois membres du comité de sélection n’avaient aucune formation en matière de gestion des ressources humaines.

15 En outre, le plaignant a soutenu que les membres du comité de sélection n’étaient pas aptes à administrer l’Exercice de simulation pour superviseur (428). À ce sujet, il a demandé des renseignements concernant le type et la durée de la formation qu’ils ont reçue en ce qui concerne l’administration de l’Exercice de simulation pour superviseur (428), la date à laquelle cette formation leur a été donnée et s’ils l’ont réussie.

16 Par ailleurs, le plaignant a demandé copie des notes prises par les membres du comité de sélection durant la période d’examen, ainsi qu’une copie des réponses écrites, de l’exposé oral et des notes prises durant la période de questions. Toutefois, il mentionne aussi qu’aucune note n’a été prise, à l’exception de quelques annotations lorsqu’un membre du comité de sélection a posé une question durant la période de questions faisant partie de l’Exercice de simulation pour superviseur (428).

17 Selon le plaignant, l’absence de notes indique que les membres du comité de sélection ne sont pas en mesure de justifier les cotes accordées. L’absence de notes amènerait par ailleurs le plaignant à s’interroger sur l’équité et la transparence du processus et serait révélatrice de l’inaptitude des membres du comité de sélection à administrer l’Exercice de simulation pour superviseur (428).

18 Finalement, le plaignant a demandé copie des notes prises par les membres du comité de sélection durant la période d’examen, l’exposé oral et la période de questions, au sujet des quatre candidats reçus, ainsi que les cotes attribuées subséquemment à ces quatre candidats. Le plaignant désire se servir de ces renseignements pour vérifier si les membres du comité ont appliqué le même raisonnement et le même processus pour tous les candidats.

B) Position de l’intimé

19 L’intimé a fait valoir qu’en premier lieu, le Tribunal doit déterminer si les renseignements demandés sont pertinents.

20 En ce qui concerne la production de renseignements relatif à l’Exercice de simulation pour superviseur (428), l’intimé s’est appuyé sur l’alinéa 17(1)c) du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6 (Règlement du TDFP), qui porte sur le refus de communiquer des renseignements sur les tests standardisés.

21 L’intimé a souligné que le test standardisé appartient au CPP, qui fait partie de la CFP. L’intimé s’en est remis à l’opinion du CPP en ce qui concerne l’accès aux documents relatifs aux tests standardisés et la communication de ces documents, mais convient que les paramètres établis dans l’arrêt Gill, supra, sont toujours pertinents.

22 De plus, l’intimé a indiqué que l’information relative à l’évaluation des qualifications du plaignant est pertinente.

23 Finalement, l’intimé a soutenu que l’information sur les autres candidats n’est pas pertinente afin de démontrer qu’il y a eu abus de pouvoir dans le processus ayant mené à la conclusion que le plaignant ne possédait pas l’une des qualifications essentielles.

C) Position de la Commission de la fonction publique

24 La CFP a communiqué au Tribunal les règles générales et les lignes directrices qui s’appliquaient précédemment à l’administration des tests standardisés en vertu de l’ancienne LEFP. La CFP a mentionné qu’elle était disposée à autoriser le représentant du plaignant à examiner les documents ayant un lien direct avec la plainte du plaignant, mais à certaines conditions. Essentiellement, aucune copie du test standardisé ne serait fournie, mais d’autres conditions seraient posées, telles que celles ayant été appliquées par le passé à la suite de la décision rendue dans l’arrêt Gill, supra.

25 En ce qui concerne l’information relative à la formation des membres du comité de sélection pour l’administration du test standardisé, la CFP est d’avis que cette information n’est pas pertinente. Par ailleurs, la CFP a souligné avoir mentionné au plaignant, à l’occasion de la communication de renseignements, que les membres d’un comité de sélection ne sont pas tenus de suivre une formation avant de pouvoir administrer un test standardisé.

26 Par ailleurs, la CFP fait remarquer que s’il y a eu des notes prises durant l’évaluation, celles-ci auraient été prises par le ministère. En conséquence, la CFP indique donc qu’elle n’est pas en mesure de se prononcer sur l’existence de telles notes.

27 Finalement, la CFP fait valoir que les notes concernant les candidats autres que le plaignant ne sont pas pertinentes.

Analyse et décision

Question I: Le Tribunal devrait-il ordonner la production des documents concernant l’Exercice de simulation pour superviseur (428), y compris le Guide de l’évaluateur?

28 Dans l’arrêt Gill, supra, la Cour fédérale affirme que « la confidentialité du matériel d'examen constitue […] un aspect important du principe du mérite » et ajoute, au paragraphe 7 (QL) :

[…] la présente cour a toujours reconnu qu'il est important de maintenir la confidentialité des tests standardisés pour le motif que la divulgation de matériel d'examen confidentiel aux fonctionnaires et à d'autres personnes qui sont susceptibles de se présenter à pareils tests permettrait peut-être à ceux-ci d'obtenir des renseignements au sujet des réponses attendues et d'utiliser ces renseignements dans des concours futurs ou de les distribuer à d'autres personnes, intentionnellement ou non.

29 À l’alinéa 17(1)c) du Règlement du TDFP, il est écrit :

17. (1) Malgré l’article 16, le plaignant, l’administrateur général ou la Commission peuvent refuser de communiquer les renseignements prévus à cet article dans le cas où cela risque, selon le cas :

[…]

c) d’avoir une incidence sur la validité ou l’utilisation d’un test standardisé ou de certaines de ses parties, ou d’en fausser les résultats en conférant un avantage indu à quiconque.

30 Dans l’arrêt Gill, la Cour fédérale s’est penchée sur l’article 24 de l’ancien Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, où il est écrit :

24. (3) Malgré les paragraphes (1) et (2), l'administrateur général en cause peut refuser de donner accès à de l'information ou à des documents ou de fournir copie de documents si leur divulgation risquerait :

[…]

b) soit de nuire à l'utilisation continue d'un test standardisé qui appartient au ministère ou qui est offert sur le marché;

c) soit de fausser les résultats d'un tel test standardisé en conférant un avantage indu à une personne.

(4) Malgré les paragraphes (1) et (2), la Commission ou son représentant peut refuser de donner accès à de l'information ou à des documents ou de fournir copie de documents si leur divulgation risquerait :

a) soit de nuire à l'utilisation continue d'un test standardisé qui appartient à la Commission ou qui est offert sur le marché;

b) soit de fausser les résultats d'un tel test standardisé en conférant un avantage indu à une personne.

31 Compte tenu que ces dispositions et que les objectifs des deux règlements sont pratiquement identiques, le Tribunal juge que les principes établis dans l’arrêt Gill, sous le régime de l’ancienne LEFP, s’appliquent sous le régime de la nouvelle LEFP.

32 La première question à trancher consiste à déterminer si les renseignements concernent le plaignant et s’il convient de les divulguer, compte tenu de leur pertinence. En l’espèce, le Tribunal juge que les renseignements sont pertinents à l’égard de la plainte.

33 La deuxième question à trancher consiste à déterminer si la communication de renseignements confidentiels risquerait d’avoir une incidence sur la validité ou l’utilisation d’un test standardisé ou de certaines de ses parties, en conférant un avantage indu à quiconque. Le Tribunal reconnaît que si les renseignements en question sont produits, le plaignant serait en mesure de se familiariser avec les réponses et par conséquent d’améliorer son résultat, dans l’éventualité où il se présenterait de nouveau à l’Exercice de simulation pour superviseur (428). Le cas échéant, le plaignant bénéficierait d’un avantage indu par rapport aux autres candidats, du fait qu’il aurait eu la possibilité de consulter le Guide de l’évaluateur. En conséquence, l’utilisation continue du test standardisé sera donc compromise et les résultats, lorsque l’exercice sera utilisé dans l’avenir, seront faussés par la possibilité d’un avantage indu.

34 La troisième question à trancher consiste à déterminer s’il est possible d’éviter que l’utilisation future du test soit compromise par l’imposition de conditions, telle que celle de permettre l’accès aux renseignements uniquement au représentant du plaignant. Le Tribunal juge que les conditions imposées dans l’arrêt Gill, supra, relativement à la divulgation de renseignements sur les tests standardisés, sont applicables en l’espèce. La CFP partage cet avis.

35 La CFP a accepté de communiquer au plaignant et à son représentant les renseignements généraux concernant la simulation, soit la description de l’organisation fictive et du rôle à jouer par le plaignant (enveloppe A), les éléments de simulation présentés au plaignant durant la période d’examen, l’exposé oral et la période de questions faisant partie de la simulation (enveloppe B)et le résumé rédigé par le plaignant. La CFP a de plus accepté de permettre, uniquement au représentant du plaignant, d’examiner le Guide de l’évaluateur et les notes préparées par les membres du comité de sélection concernant les renseignements protégés qui se trouvent dans le Guide de l’évaluateur.

36 La production de ces documents et de ces renseignements est assujettie à un certain nombre de conditions décrites dans l’ordonnance qui fait partie des présents motifs.

Question II: Le Tribunal devrait-il ordonner la production des documents concernant la formation des membres du comité de sélection pour l’administration de l’Exercice de simulation pour superviseur (428), si de tels documents existent?

37 Le paragraphe 16(1) du Règlement du TDFP traite spécifiquement de la question de la communication de renseignements entre les parties et précise que les renseignements doivent être pertinents à la plainte :

16. (1) Pour faciliter la résolution de la plainte, le plaignant et l’administrateur général ou la Commission se communiquent, dès que possible après le dépôt de la plainte, les renseignements pertinents relatifs à celle-ci. (nos italiques)

38 L’édition 2004 du Canadian Oxford Dictionary donne comme définition du mot « pertinent » : « Qui a une influence ou qui a rapport à la question à l’étude » [Traduction. En d’autres mots, les renseignements demandés doivent avoir un lien avec le fondement de la plainte et être essentiels à la préparation adéquate du dossier. C’est ce que le plaignant doit démontrer à la satisfaction du Tribunal. Le simple fait d’affirmer que quelqu’un a besoin des renseignements ne suffit pas.

39 Le plaignant a prétendu que les membres du comité de sélection n’étaient pas aptes à administrer le test standardisé et a demandé des renseignements quant au type et à la durée de la formation que ces membres ont reçue. À ces allégations, la CFP a répondu que les membres d’un comité de sélection ne sont pas tenus de suivre une formation avant de pouvoir administrer un test standardisé. La CFP doit approuver l’utilisation d’un test standardisé et déterminera à sa discrétion, le niveau de formation requis, s’il y a lieu. Le conseiller en évaluation ou le psychologue régional du Centre de psychologie du personnel de la CFP, prendra ces décisions en tenant compte de l’expérience antérieure des membres du comité de sélection en matière de simulation, de leur niveau de connaissance des simulations et des évaluations du comportement en général, ainsi que d’autres facteurs connexes. Le Tribunal juge qu’il n’a pas à ordonner la production de ces renseignements. La demande est donc rejetée.

Question III: Le Tribunal devrait-il ordonner la production des notes prises durant l’évaluation du plaignant, dans le cadre de l’Exercice de simulation pour superviseur (428), si de telles notes existent?

40 Les notes concernant l’évaluation du plaignant sont pertinentes et le plaignant et son représentant peuvent y avoir accès.Le Tribunal conclut donc que le plaignant et son représentant peuvent avoir accès à toutes les notes qui ont pu être prises par les membres du comité de sélection durant toutes les étapes de l’évaluation du plaignant.

Question IV: Le Tribunal devrait-il ordonner la production des notes prises par les membres du comité de sélection concernant les quatre candidats reçus?

41 La LEFP a changé la façon de mener les activités de dotation au sein de la fonction publique fédérale. La récente décision du Tribunal dans l’affaire Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006 TDFP 0008, démontre bien l’esprit de la nouvelle LEFP, dont le préambule est d’une aide importante :

62 […] La section suivante mérite d’être soulignée : « le pouvoir de dotation devrait être délégué (...) pour que les gestionnaires disposent de la marge de manoeuvre dont ils ont besoin pour effectuer la dotation, et pour gérer et diriger leur personnel de manière à obtenir des résultats pour les Canadiens ».

63 Cette section du préambule renforce l’un des objectifs législatifs clé de la LEFP, soit que les gestionnaires détiennent un pouvoir discrétionnaire considérable en ce qui a trait aux questions de dotation. Pour s’assurer de la souplesse nécessaire, le législateur a choisi de s’éloigner du régime de dotation de l’ancienne LEFP qui était axé sur un système à base de règles. L’ancien système fondé sur le mérite relatif n’existe plus. La définition du mérite prévue au paragraphe 30(2) de la LEFP accorde aux gestionnaires un pouvoir discrétionnaire considérable pour choisir la personne qui non seulement répond aux qualifications essentielles mais qui est également la bonne personne pour faire le travail, car elle possède des atouts supplémentaires, ou elle répond à des besoins actuels ou futurs ou à des exigences opérationnelles.

42 Les fonctionnaires ne sont plus choisis au moyen de concours, au terme d’un processus fondé sur le mérite relatif et dans le cadre duquel le candidat « le plus qualifié » est nommé au poste. La nouvelle LEFP préconise plutôt un processus de sélection au terme duquel est nommée la « bonne personne » pour faire le travail, comme le prévoit le paragraphe 30(1) et l’alinéa 30(2)a) :

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir; […]

43 La LEFP n’exige plus l’établissement d’un classement entre les candidats, ni l’évaluation comparative des candidats afin de combler un poste. La LEFP exige uniquement que la personne nommée soit qualifiée pour le poste, comme le stipule l’alinéa 30(2)a). Les fonctionnaires n’ont plus besoin de comparer leurs résultats avec ceux des personnes nommées afin de s’assurer que leurs réponses étaient les meilleures et qu’elles méritaient une meilleure note, un meilleur classement ou un meilleur rang au terme du processus de sélection. Par conséquent, le Tribunal ne voit pas en quoi les notes prises par les membres du comité au sujet des quatre candidats reçus sont pertinentes dans le cas présent.

44 Les fonctionnaires doivent prouver, selon la prépondérance des probabilités, que c’est en raison d’un abus de pouvoir qu’ils n’ont pas été choisis ou qu’il a été déterminé qu’ils ne possédaient pas telle ou telle qualification. Comme il a été déterminé dans l’arrêt Tibbs, supra, il incombe au plaignant de prouver ses allégations d’abus de pouvoir :

50 […] S’il incombait à l’intimé de prouver qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir, cela soulèverait une présomption d’abus de pouvoir dans toutes les nominations, ce qui, sans l’ombre d’un doute, n’était pas l’intention du législateur. La règle générale dans les causes civiles devrait être suivie et il incombe à la plaignante, dans les procédures intentées auprès du Tribunal, de faire la preuve de l’allégation d’abus de pouvoir. (Nos italiques)

45 Le Tribunal ne voit pas en quoi les notes prises par les membres du comité au sujet des quatre candidats reçus pourraient aider le plaignant à s’acquitter du fardeau de preuve, comme le prévoit l’arrêt Tibbs, supra. Il n’est pas nécessaire pour le plaignant de comparer ses résultats et ses réponses avec ceux des personnes nommées.

46 La même question avait été abordée sous le régime de l’ancienne LEFP dans l’arrêt Gill. La Cour fédérale avait alors jugé que le fait de donner accès aux copies d’examen de tous les candidats reçus aiderait à coup sûr les employés, dans l’éventualité où ils referaient l’examen, ce qui aurait pour effet de fausser les résultats. L’accès à ces documents augmenterait aussi considérablement le risque que l’information soit communiquée à d’autres. Dans le cas présent, un tel accès nuirait à l’utilisation continue du test ou en fausserait les résultats futurs en conférant un avantage indu. En conséquence, le même raisonnement décrit à la question I s’applique.

47 Finalement, le plaignant n’a mentionné aucun incident ni aucune irrégularité qui pourrait soulever un doute quant au déroulement du processus ou quant à quelque désavantage dont il aurait écopé par rapport aux quatre candidats reçus.

48 Compte tenu de toutes les raisons décrites précédemment, la demande est rejetée.

Ordonnance

49 Conformément aux principes établis dans l’arrêt Gill, supra, le Tribunal ordonne un processus de communication de renseignements en deux étapes, lequel est décrit ci-après.

50 Étape 1 : Le plaignant et son représentant, M. Bruno Loranger, agent technique au CEUDA (l’AFPC), obtiendront l’accès aux documents suivants :

  • la brochure de renseignements généraux (Enveloppe A);
  • les éléments de simulation (Enveloppe B) ayant un lien direct avec le plaignant;
  • le résumé rédigé par le plaignant;
  • les notes documentaires prises par les membres du comité de sélection à toutes les phases de l’évaluation du plaignant, si de telles notes existent.

51 Au cours de la première étape, le représentant ministériel ou les membres du comité de sélection, au besoin, devront expliquer de quelle manière l’Exercice de simulation pour superviseur (428) a été utilisé dans le cadre du processus de nomination faisant l’objet de la plainte. Plus précisément, ils devront expliquer les qualifications que la simulation visait à évaluer, la manière dont les résultats ont été utilisés et les raisons pour lesquelles le plaignant a reçu telle note plutôt qu’une autre. Les explications données ne devront rien dévoiler du guide de cotation ni des réponses attendues des candidats dans le cadre de l’exercice.

52 Étape 2 : Cette étape se déroulera en l’absence du plaignant. Le représentant du plaignant sera autorisé à examiner :

  • le Guide de l’évaluateur associé à l’Exercice de simulation pour superviseur (428); et
  • toutes les notes préparées par les membres du comité de sélection faisant référence à des renseignements protégés contenus dans le Guide de l’évaluateur.

53 Le Tribunal est convaincu que M. Loranger, représentant du plaignant, n’est pas un employé de la fonction publique, puisqu’il travaille pour le CEUDA (l’AFPC).

54 La première et la deuxième étape sont toutes deux assujetties aux conditions suivantes :

  1. La communication de renseignements concernant le contenu de la simulation doit avoir lieu dans les locaux de l’employeur, sous la supervision du représentant ministériel. Les parties conviendront d’un temps raisonnable pour ce faire.
  2. Le plaignant et son représentant rendront tous les documents au représentant ministériel à la fin de la rencontre.
  3. Tous les documents relatifs à l’Exercice de simulation pour superviseur (428) devront être rendus à Mme Andrée Verville, directrice générale, Centre de psychologie du personnel, immédiatement après la rencontre ayant pour objet la communication de renseignements. Les modes de transmission appropriés pour les documents protégés devront être utilisés.
  4. La copie, la photocopie et la reproduction des documents énumérés précédemment sera interdite.
  5. Le plaignant et son représentant doivent s’engager à ne pas divulguer les renseignements obtenus, sauf durant les parties de l’audience du TDFP, lorsque des conditions imposées en vertu du paragraphe 17(5) du Règlement du TDFP concernant l’exclusion des personnes de la salle d’audience sont en vigueur.
  6. Dans le cadre de la première étape, le plaignant et son représentant seront autorisés à prendre des notes personnelles durant la communication de renseignements, à condition que ces notes ne constituent pas une transcription des documents consultés. À la fin de la rencontre, le plaignant remettra toutes les notes qu’il a prises à son représentant, qui les conservera, avec ses propres notes, jusqu’à la date de l’audience. Avant de quitter, le plaignant et son représentant devront montrer toutes les notes manuscrites qu’ils ont prises au représentant ministériel, qui s’assurera que ces dernières ne constituent pas une transcription des documents consultés.
  7. Dans le cadre de la deuxième étape, le représentant du plaignant sera autorisé à prendre des notes personnelles durant la communication de renseignements, à condition que ces notes ne constituent pas une transcription des documents consultés. Avant de quitter, le représentant du plaignant devra montrer toutes les notes manuscrites qu’il a prises au représentant ministériel, qui s’assurera que ces dernières ne constituent pas une transcription des documents consultés.

55 Comme le stipule l’article 18 du Règlement du TDFP, les renseignements obtenus au cours de la première et de la deuxième étape relativement à l’Exercice de simulation pour superviseur (428) ne peuvent être utilisés qu’aux fins de la résolution de la plainte.

56 Les parties sont invitées à communiquer avec Dr. David Forster, psychologue principal au Centre de psychologie du personnel, afin de prendre des dispositions en vue de la communication de renseignements.

57 Les parties doivent informer le Tribunal de la date à laquelle les rencontres prévues à la première étape et à la deuxième étape auront lieu.

58 Quinze jours après la communication de renseignements, le plaignant présentera au Tribunal tout commentaire additionnel qu’il pourrait avoir concernant sa plainte.

59 L’intimé et la CFP auront la possibilité de répondre. Le Tribunal communiquera les dates exactes aux parties aussitôt qu’il sera informé aux termes du paragraphe 56.

Sonia Gaal

Vice-présidente

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2006-0022
Intitulé de cause:
David Aucoin et le Président de l'Agence des services frontaliers du Canada et al.
Audience:
Demande écrite; décision prise sans comparution des parties
Date des motifs:
Le 10 novembre 2006
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