Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés sont des pompiers civils qui travaillent au ministère de la Défense nationale - ils contestent la décision de l’employeur les obligeant à réussir un test de condition physique en moins de huit minutes - l’employeur avait annoncé que l’omission de respecter cette norme de huit minutes pourrait donner lieu à une mesure disciplinaire ou à un licenciement - l’arbitre de grief a, dans un premier temps, déterminé que les griefs n’étaient pas prématurés, et qu’il était possédait la compétence nécessaire pour les instruire - il a conclu que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient établi que, à sa face même, la norme de huit minutes constituait de la discrimination fondée sur l’âge et le sexe - il a déterminé que l’employeur avait adopté la norme de huit minutes à une fin rationnelle liée à la lutte contre l’incendie parce qu’il croyait honnêtement et de bonne foi qu’elle était nécessaire à l’atteinte de l’efficacité opérationnelle - toutefois, l’arbitre de grief a conclu que la norme de huit minutes n’est pas raisonnablement nécessaire pour atteindre cette efficacité opérationnelle - en conséquence, il a ordonné à l’employeur de cesser d’utiliser la norme de huit minutes à titre de condition d’emploi des pompiers du ministère de la Défense nationale. Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P 35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2006-07-07
  • Dossiers:  166-02-31991
    166-02-31992
  • Référence:  2006 CRTFP 85

Devant un arbitre de grief



ENTRE

TERRANCE JAMES BARR ET
SHERRY ELIZABETH FLANNERY

fonctionnaires s’estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Barr et Flannery c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant des griefs renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Guy Giguère, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés : Andrew Raven et Carolyn LeCheminant-Chandy, avocats

Pour l’employeur : John Jaworski et Karl Chemsi, avocats


Affaire entendue à Ottawa, Ontario,
les 19 et 20 avril, du 11 au 14 mai, les 25 et 26 mai, du 25 au 29 octobre,
du 22 au 25 novembre, et les 6 et 7 décembre 2004, et du 25 au 27 avril,
du 17 au 19 mai et les 29 et 30 septembre 2005.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I.   Griefs renvoyés à l’arbitrage

[1]   Les fonctionnaires s’estimant lésés, Terrance James Barr et Sherry Elizabeth Flannery, sont des pompiers qui travaillent au ministère de la Défense nationale (MDN). Le MDN demande à ses pompiers, comme condition de maintien en poste, de réussir un test de condition physique en moins de huit minutes. Les fonctionnaires s’estimant lésés affirment que le fait d’échouer au test standard de huit minutes peut donner lieu à une [traduction] « prise de mesure concernant la carrière », y compris des consultations consignées, la rétrogradation et le licenciement.

[2]   Les fonctionnaires s’estimant lésés allèguent que la norme de huit minutes établit une distinction discriminatoire fondée sur l'âge et le sexe. Ils font valoir que le MDN n’a pas été en mesure de prouver de quelque façon que ce soit que le fait de réussir le test de condition physique en moins de huit minutes était nécessaire à l’exécution sécuritaire et efficace des fonctions de pompier. Les fonctionnaires s’estimant lésés demandent qu’une ordonnance soit formulée stipulant que la norme de huit minutes établit une distinction discriminatoire et interdisant au MDN d’utiliser cette norme comme condition d’emploi.

II.   Historique des procédures

[3]   Ces griefs ont été présentés en mars et en avril 2002. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont tous deux déposé des plaintes auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), à la fin d’avril 2002, relativement à la situation dont il est ici question.

[4]   Dans un protocole d’entente daté du 18 avril 2002, le MDN et l'Union des employés de la Défense nationale (UEDN), un élément de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), ont convenu que les présents griefs et tous les griefs similaires seraient renvoyés directement au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Les griefs seraient alors mis en suspens jusqu’à ce que la CCDP décide soit d’examiner les plaintes des fonctionnaires s’estimant lésés, soit de ne pas les entendre dans l’immédiat et de les renvoyer au processus de règlement des griefs. Si la CCDP renvoyait l’affaire au processus de règlement des griefs, les griefs de M. Barr et de Mme Flannery seraient traités au troisième palier. Les autres griefs seraient mis en suspens, jusqu’à ce qu’une décision définitive concernant ces deux griefs soit rendue.

[5]   Le 19 décembre 2002, la CCDP a informé les fonctionnaires s’estimant lésés qu’elle avait décidé de ne pas entendre les plaintes dans l’immédiat en vertu de l’alinéa 41(1)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la « LCDP »), parce que l’affaire serait traitée de manière plus appropriée en étant soumise à la procédure de règlement des griefs et à l’arbitrage de grief, aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35 (l’ancienne « Loi ») .

[6]   Le 21 janvier 2003, Rick Sullivan, directeur général des relations de travail au MDN, a informé les fonctionnaires s’estimant lésés que leurs griefs avaient été rejetés au troisième et dernier palier du processus de règlement des griefs. Il a expliqué que le test de condition physique des pompiers avait été élaboré en tenant compte des exigences de travail réelles et qu’il visait à s’assurer que la condition physique des pompiers leur permettait d’exécuter leurs tâches de manière sécuritaire, efficace et fiable. Selon M. Sullivan, cela importait non seulement pour préserver la santé des pompiers pris individuellement, mais également pour préserver celle de leurs collègues qui luttent à leur côté contre les incendies et celle du public qui reçoit les services offerts par les pompiers. Il a fait remarquer qu’en date du 31 décembre 2003, les pompiers qui ne parvenaient pas à réussir le test en moins de huit minutes se voyaient offrir de l’aide pour satisfaire à cette norme. Cependant, s’ils ne réussissaient toujours pas à satisfaire à la norme de huit minutes, on faisait alors tout ce qui est possible afin de trouver un autre emploi convenable pour ces employés. Il a conclu en disant que la norme ne donnait lieu à aucune distinction discriminatoire et qu’elle constitue par ailleurs une exigence professionnelle justifiée.

[7]   Le 27 mars 2003, les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage de grief. Le 3 septembre 2003, les fonctionnaires s’estimant lésés ont écrit à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) pour demander la tenue d’une conférence préparatoire visant à établir le calendrier relatif à l’échange des rapports des témoins experts. Le 26 novembre 2003, le président de la Commission a rencontré les représentants des parties pour qu’on procède à l’échange des rapports des témoins experts et qu’on établisse les dates d’audiences des griefs.

[8]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de griefs doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi.

III.   Résumé de la preuve

A.   Élaboration de la norme de huit minutes

[9]   Il importe de préciser qu’il existe deux groupes de pompiers, soit les pompiers militaires et les pompiers civils. Les pompiers des Forces canadiennes (FC) font partie du personnel militaire et offrent des services de lutte contre les incendies et des services d’urgence dans les bases des FC situées hors du Canada ou sur les navires des FC ne se trouvant pas dans des ports canadiens. Les pompiers du MDN font partie du personnel civil et offrent des services de lutte contre les incendies dans les bases des FC situées au Canada, sur les navires des FC se trouvant dans des ports canadiens et sur les avions se trouvant en sol canadien. Ils offrent également ces services aux navires étrangers situés dans des ports canadiens. On compte plus de 800 pompiers, qui sont pour la moitié membres des FC et pour l’autre moitié, membres du personnel du MDN. Les pompiers du MDN sont représentés par l’AFPC.

[10]   Le test de condition physique auquel ont été soumis les pompiers des FC et du MDN à partir de la moitié des années 1970 jusqu’au début des années 1990 consistait en une adaptation du test de Cooper. Dans le cadre de ce test d’évaluation découlant du test de Cooper, les pompiers devaient parcourir 2,4 kilomètres à la course, faire des pompes, des redressements assis et des élévations à la barre fixe, ainsi que transporter un poids de 57 kilos sur une distance de 30 mètres (pièces 58, onglet 2, page 3). Différentes normes à satisfaire avaient été établies en fonction de l’âge et du sexe, comme le montre le tableau ci–après :

Annexe A – Normes relatives à la condition physique

Odre d’exécution des épreuves Âge Activité Norme  
Hommes Femmes  
1

Moins de 30 ans

Course – 2 400 m

10  min 45 s 13 min 30 s  

De 30 à 34 ans

Course – 2 400 m

11 min 15 s 14 min 00 s  

De 35 à 39 ans

Course – 2 400 m

11 min 45 s 14 min 30 s  

De 40 à 44 ans

Course – 2 400 m

12 min 15 s 15 min 00 s  

De 45 à 49 ans

Course – 2 400 m

12 min 45 s 15 min 30 s  

De 50 à 54 ans

Course – 2 400 m

13 min 15 s 16 min 00 s  

55 ans et plus

Course – 2 400 m

13 min 45 s 16 min 30 s  

Marche – 3 200 m

28 min 00 s 34 min 15 s  

Pompes

2 Âge De 17 à 19 ans De 20 à 29 ans De 30 à 39 ans De 40 à 49 50 et plus
Norme 27 23 19 16 13

Redressements assis

3 Âge De 17 à 19 ans De 20 à 29 ans De 30 à 39 ans De 40 à 49 50 et plus
Norme 39 35 29 25 20
4

Élévations à la barre fixe

5 élévations consécutives

5    
6    

[11]   En 1980, le médecin–chef des FC a annulé le test d’évaluation découlant du test de Cooper pour la population militaire générale, car des membres du personnel s’étaient blessés ou étaient décédés en effectuant la course de 2,4 kilomètres. Toutefois, le test d’évaluation découlant du test de Cooper a été conservé en ce qui concerne des emplois spécialisés, et les pompiers ont continué d’y être soumis jusqu’au début des années 1990.

[12]   Le Dr Wayne Lee, directeur de la performance humaine et de la promotion de la santé, Agence de soutien du personnel des Forces canadiennes (ASPFC), a expliqué qu’entre 1983 et 1988, un marché a été accordé au Groupe de recherche en ergonomie (GRE) de l'Université Queen's pour qu’il établisse des normes minimales en matière de condition physique concernant la population militaire générale (pièce 56, page 8). En 1989, on a approuvé et mis en œuvre les « normes minimales des Forces canadiennes en matière de condition physique » (NMFCCP) élaborées par le GRE. Les NMFCCP sont constituées de quatre normes (pièce 58, onglet 20, page 12) qui sont fonction de l’âge et du sexe, soit : hommes de moins de 35 ans; femmes de moins de 35 ans; hommes de 35 ans et plus; femmes de 35 ans et plus.

[13]   Le 5 juin 1991, le lieutenant–colonel Singleton, qui était alors directeur du service des incendies des Forces canadiennes (DSIFC), a demandé, par l’entremise d’une note de service (pièce 38, onglet 16), qu’on procède à des recherches afin d’élaborer une nouvelle procédure sécuritaire d’évaluation de la condition physique des pompiers, en vue de s’assurer que les pompiers des FC et du MDN étaient physiquement en mesure d’exécuter leurs tâches. Il a précisé que le programme devait être [traduction] « indépendant du sexe, impartial et indépendant des tâches ». Il a expliqué que le test d’évaluation découlant du test de Cooper était inadéquat, et qu’il ne s’accompagnait d’aucun mécanisme de sécurité permettant de l’interrompre lorsqu’une personne éprouve des problèmes de rythme cardiaque ou d’hypertension artérielle.

[14]   Le Dr Lee a communiqué avec le GRE, étant donné que celui–ci avait aidé le MDN à élaborer les NMFCCP, et, le 6 janvier 1994 (pièce 53, onglets 20 et 21), un marché a été accordé au GRE pour qu’il établisse des normes en matière de condition physique concernant les pompiers des FC et du MDN.

[15]   La Dre Janice Deakin, alors professeure à l'école d'éducation physique et des sciences de la santé de l'Université Queen's, a été désignée en tant que chercheuse principale dans le cadre du marché accordé au GRE. Plusieurs chercheurs de l’Université Queen’s ont collaboré au projet : le Dr Pelot, le Dr Smith, le Dr Stevenson et le Dr Wolfe. Le Dr Lee était l’autorité scientifique pour le MDN, et tout changement concernant le travail exécuté dans le cadre du marché devait être discuté avec lui. Il assurait la liaison entre le MDN et le GRE.

[16]   Plusieurs étudiants des cycles supérieurs ont également collaboré avec le GRE, à savoir : S.A. Hughes, J.W. Dwyer, A.D. Hayes et Mme Jaenen. Mme Jaenen poursuivait une maîtrise à l’Université Queen’s et assurait sur place la coordination au MDN pour le compte du GRE. À l’époque, elle était une employée de l’ASPFC. Elle s’est chargé des détails administratifs et logistiques, et a accompagné le GRE en différents endroits pour que celui–ci effectue ses tests. À titre d’étudiante de cycle supérieur, elle a participé à la collecte des données, a effectué une analyse des documents scientifiques et a fourni une aide de nature générale au GRE. Le capitaine Ken Hoffer, aujourd’hui directeur des services d’incendie de la Marine, a également pris part au projet en tant que représentant des services d’incendie.

[17]   Le GRE a d’abord procédé à une analyse des documents concernant l’élaboration et l’application des normes en matière de condition physique pour les pompiers. Il a ensuite visité les centres de formation civils et militaires des pompiers, afin de mieux connaître les fonctions rattachées au poste de pompier, le matériel de lutte contre l’incendie et les exigences opérationnelles. Le GRE s’est rendu à la base des FC (BFC) de Borden et a visité l’École des pompiers des Forces canadiennes (E Pomp FC).

[18]   À partir des renseignements recueillis, le GRE a établi une liste des tâches les plus communes et les plus exigeantes que doivent accomplir les pompiers (pièce 26, Annexe A). Les tâches figurant dans la liste sont les suivantes :

[Traduction]

  1. exécuter des tâches dans des environnements dangereux, en étant équipé d’un appareil respiratoire autonome;

  2. utiliser et entretenir les échelles du service des incendies;

  3. procéder à des entrées forcées;

  4. prendre part à des opérations de sauvetage lors de situations d’urgence en se servant de matériel différent;

  5. accomplir des tâches faisant intervenir des engins d’incendies, comme ouvrir des prises d'eau d'incendie et connecter les véhicules de pompiers à d’autres sources;

  6. effectuer des opérations de recherche, par exemple, dans les chambres, ou chercher et secourir des victimes dans un environnement enfumé tout en étant équipé d’un appareil respiratoire autonome;

  7. réaliser des sauvetages dans des immeubles en aidant les victimes à marcher ou en les transportant;

  8. réaliser des sauvetages en utilisant des appareils de respiration, du cordage, des échelles et du matériel de sauvetage;

  9. effectuer des opérations de ventilation, de sauvetage et de déblai;

  10. effectuer des décarcérations automobiles;

  11. réaliser des opérations de lutte contre l’incendie d’aéronefs et de sauvetages dans les aéronefs;

  12. lutter contre les incendies d’immeuble en transportant des tuyaux, en transportant ou en utilisant du matériel de lutte contre l’incendie et des échelles et en accomplissant différentes tâches en situation d’incendie.

[19]   Le GRE est retourné à la BFC de Borden pour présenter cette liste de tâches à un groupe de discussion formé de pompiers et d’instructeurs de l’E Pomp FC. Les membres du groupe étaient considérés comme des spécialistes du domaine, et on leur a demandé d’examiner et de vérifier cette liste (pièce 26, page 22).

[20]   Le groupe a également discuté avec le GRE du test d’évaluation découlant du test de Cooper qui était utilisé à l’époque. Le groupe de discussion a exprimé son insatisfaction à l’égard du test. Il était d’avis qu’il n’y avait aucun rapport entre le fait de devoir courir deux kilomètres et demi et les activités que devaient accomplir les pompiers. Mme Jaenen a mentionné que le groupe avait également exprimé une insatisfaction quant à l’existence de normes différentes pour les pompiers plus âgés et les pompières. La Dre Deakin a indiqué que le groupe de discussion désapprouvait le « traitement différent ». Elle a ajouté qu’un des membres du groupe de discussion avait fait le commentaire suivant : [traduction] « Nous n’avons pas des tuyaux roses et des tuyaux bleus, ou encore des tuyaux de grosseurs différentes pour les hommes, les femmes ou les pompiers plus âgés ». On voulait laisser entendre qu’un travail est un travail, et que tout le monde devrait être soumis à une seule et même norme.

[21]   Lors de sa seconde visite à l’ E Pomp FC, le GRE a également établi une liste du matériel utilisé dans la lutte contre l’incendie (pièce 26, Annexe B). Il a alors élaboré et validé un parcours simulant les fonctions types des pompiers et certaines de leurs tâches les plus exigeantes.

[22]   La Dre Deakin a expliqué qu’au départ, le GRE ne savait pas qu’il allait établir un parcours simulant les tâches des pompiers. Ce sont les commentaires formulés par le groupe de discussion qui l’ont amené à décider d’élaborer un tel parcours. Elle ajoute que cette décision avait également trouvé un appui dans les ouvrages scientifiques.

[23]   On a sélectionné les tâches les plus exigeantes et les plus représentatives à partir de la liste qui avait été préalablement établie (pièce 26, Annexe A). Des essais en matière de performance ont eu lieu à l’ E Pomp FC, au terme desquels on a établi le parcours et présenté celui–ci à un second groupe de spécialistes du domaine formé de membres du bureau du DSIFC, dont certains étaient rattachés aux FC, et d’autres, au MDN.

[24]   Après cette présentation, le parcours a été modifié, car les deux groupes de discussion ont recommandé qu’il soit établi dans les casernes de pompiers en tenant compte du matériel existant et qu’il puisse être réalisé par les pompiers en utilisant une seule bombonne à air (pièce 26, pages 23 à 25). Le test de condition physique devait pouvoir être effectué sur un plancher dalle en béton, dans les casernes de pompiers à l’échelle du pays. Le parcours était constitué des dix tâches suivantes : transport d’un tuyau à l’aide d’un seul bras; élévation de l’échelle; traction d’un tuyau chargé; première montée dans l’échelle; traction d’un tuyau à grand débit; entrée forcée; évacuation d’une victime; seconde montée dans l’échelle; abaissement de l’échelle; transport d’une victime. La marche sur une distance de soit 15,24 m, soit 30,48 m a été incorporée entre les tâches pour simuler le travail que doivent accomplir les pompiers sur la scène d’un incendie réel.

[25]   Avant d’entreprendre l’étude principale, on a procédé à une étude pilote afin d’évaluer les exigences du parcours sur le plan physiologique et de déterminer sa fiabilité. En tout, 25 pompiers de sexe masculin et âgés de 21 à 42 ans ont participé à l’étude pilote.

[26]   Après que le DSIFC l’eut examiné, le parcours a été modifié dans un souci de sécurité. La tâche consistant à transporter une victime a été remplacée par le transport de mâchoires de survie, car celui–ci représentait une tâche qui revenait souvent et qui n’était exécutée que par un seul pompier (pièce 26, page 23).

[27]   Le GRE a ensuite procédé à l’étude principale. Il s’agissait de la principale étape de collecte de données, dans le cadre de la recherche, visant à évaluer la performance de l’ensemble de la population de pompiers des FC et du MDN relativement au parcours. On a recueilli des données en fonction des deux sexes et de tous les âges. L’équipe de recherche du GRE a voyagé dans tout le Canada et a visité les BFC de Borden, de Chilliwack, de Comox, d’Esquimault, de Halifax, de North Bay et de Petawawa. Les pompiers des bases des BFC de Greenwood et de Shearwater ont également participé à l’étude.

[28]   Entre avril et juin 1994, des données ont été recueillies auprès de 202 pompiers et de 7 pompières du MDN et des FC ayant achevé le parcours. On cherchait à élaborer une norme unique fondée sur la performance des pompiers des FC et du MDN ayant fait le parcours (pièce 26, p. 44). Cependant, afin d’accroître le nombre de femmes dans l’échantillon, des essais additionnels ont dû avoir lieu auprès d’une population autre que celle des FC et du MDN; par conséquent, des essais ont été effectués auprès de 17 pompières à Toronto (1994) et à Winnipeg (décembre 1995).

[29]   Le temps moyen pris pour achever le parcours était de 7 minutes 30 secondes pour les hommes et de 9 minutes 57 secondes pour les femmes. En se basant sur les données qu’il a recueillies lors de l’étude principale, le GRE a recommandé qu’on fixe à huit minutes la norme de temps requis pour achever le parcours dans le cadre du test de condition physique des pompiers (pièce 26, page 95). Le GRE a expliqué qu’il s’agissait d’un objectif en matière de performance qui serait exigeant pour les jeunes pompiers ayant une bonne capacité aérobie, tout en étant atteignable pour les pompiers plus âgés ou dotés d’une moins bonne capacité aérobie.

[30]   Cependant, le GRE s’attendait à ce qu’entre 29 % et 42 % des pompiers des FC et du MDN ne réussissent pas à achever le parcours en huit minutes. Par conséquent, il a recommandé qu’on procède à une mise en place graduelle de la norme de huit minutes en l’échelonnant sur trois ans. Il a fait valoir qu’à l’aide d’un entraînement visant à améliorer la condition physique et en donnant la possibilité de pratiquer le parcours, un plus grand nombre de personnes seraient en mesure de satisfaire à la norme. Le GRE a recommandé qu’au début, aucune sanction professionnelle ne soit imposée à un pompier n’ayant pu achever le parcours en huit minutes, et qu’on lui demande plutôt de participer à un programme de conditionnement physique obligatoire et de refaire le parcours six mois plus tard.

[31]   Le GRE a également recommandé qu’on insiste sur le fait que la norme relative au parcours avait été conçue et élaborée en vue d’améliorer la forme physique de tous les pompiers des FC et du MDN, et non pour justifier des licenciements (pièce 26, page 98).

[32]   Le GRE a fait remarquer que l’élaboration de la norme de huit minutes était conforme à la prescription de la loi en ce qui concerne les exigences professionnelles justifiées (EPJ), tel qu’il a été établi par le gouvernement du Canada en 1998 (pièce 26, pages 19 à 21 et page 95).

B.   Mise en place de la norme de huit minutes

[33]   Le lieutenant-colonel Marc Desjardins, DSIFC, a expliqué lors de l’audience que le « Programme de maintien de la condition physique des pompiers » (le Programme de conditionnement physique) ne constitue pas qu’un test d’évaluation, mais aussi un programme complet en matière de bien–être. La lutte contre l’incendie est une activité comportant des risques, et l’employeur a pris cette mesure pour que les employés en courent le moins possible.

[34]   Le Programme de conditionnement physique a été instauré en 1998 (pièce 6). Une période de mise en œuvre débutant en juin 1998 a permis de faire en sorte que les pompiers soient évalués sans aucun objectif de temps. On a enregistré les temps réalisés au seul profit des personnes. À compter du 1er octobre 1998, on a continué d’enregistrer les temps pour satisfaire la curiosité des participants, mais un objectif de 8 minutes 30 secondes a été établi pour ce qui est d’achever le parcours.

[35]   À compter du 1er octobre 1999, tous les pompiers des FC et du MDN ont été évalués, et l’objectif était d’achever le parcours en huit minutes. Les résultats devaient ensuite être examinés par la direction. Les membres du personnel ne satisfaisant pas à la norme de huit minutes recevraient une assistance visant à les aider à satisfaire à celle–ci. Les membres qui ne parvenaient pas à satisfaire à la norme après avoir refait le test d’évaluation trois mois plus tard pouvaient faire l’objet de mesures administratives.

[36]   On a préparé plusieurs documents afin d’expliquer le Programme de conditionnement physique, et plus particulièrement le parcours (pièces 21 et 22). On a également produit un film vidéo (pièce 48) intitulé « Fire Fit ». Le capitaine Hoffer a mentionné qu’il avait fait le parcours à plusieurs reprises, à titre de démonstration, et que le temps qu’il avait pris pour l’achever variait entre six et sept minutes. Lorsqu’il a livré son témoignage, il était âgé de 52 ans. En novembre 2003, le temps qu’il lui fallait pour achever le parcours était de 6 minutes 29 secondes.

[37]   Le 1er mai 2000, Jim Judd, alors sous–ministre du MND, a annoncé que la participation au Programme de conditionnement physique deviendrait obligatoire à compter de mai 2000 pour tous les pompiers des FC et du MDN (pièce 7). Lors de la première étape, le 15 mai 2000, tous les membres du personnel devaient satisfaire à la norme de huit minutes. Toutefois, aucune mesure administrative ne serait prise à l’encontre de ceux qui n’y parviendraient pas. On offrirait des services d’entraînement et de consultation aux personnes ne parvenant pas à satisfaire à la norme de huit minutes. On analyserait les résultats des tests d’évaluation pour déterminer les conséquences sur les groupes d’âge et de sexe.

[38]   Lors de la deuxième étape, prévue en octobre 2000, on achèverait de procéder à la seconde évaluation annuelle de tout le personnel, et des mesures administratives commenceraient à être prises à l’encontre des personnes ne satisfaisant pas à la norme de huit minutes.

[39]   En ce qui concerne les pompiers des FC, la mise en œuvre a été achevée en 2000. Cependant, pour ce qui est des pompiers civils, la mise en œuvre s’est avérée difficile étant donné l’objection soulevée par l’UEDN. De nombreux pompiers civils ont refusé d’être soumis au test d’évaluation. Afin de remédier aux préoccupations de l’UEDN, M. Judd a annoncé en février 2002 qu’il y aurait une période additionnelle de mise en œuvre progressive venant s’ajouter à l’échéance initiale de mai 2000 (pièce 9, page 2). Les pompiers des FC et du MDN seraient évalués en 2002 (pièce 10), et ils seraient tenus de satisfaire à la norme de huit minutes avant la fin de 2003.

[40]   En mai 2002, une trousse a été envoyée aux commandants des BFC pour les aider à mettre en œuvre la norme de huit minutes. Elle comprenait une série de lettres concernant les mesures disciplinaires recommandées qu’il conviendrait de prendre à l’encontre des pompiers refusant de faire le parcours.

[41]   Dans une directive datée du 18 juillet 2002 (pièce 11), il était mentionné que les pompiers des FC et du MDN seraient évalués tous les ans et que le fait de réussir le parcours en huit minutes constituerait une condition d’emploi. Un refus de participer pourrait donner lieu à des mesures administratives et disciplinaires (pièce 12). Il y a eu quelques cas de mesures administratives prises à l’encontre de pompiers ayant refusé de participer au test d’évaluation et dans un cas, des mesures disciplinaires ont été imposées (pièces 17 et 18).

[42]   En 2003, le sous–ministre du MDN a approuvé le Programme de maintien de l’emploi pour les pompiers qui ne pouvaient satisfaire à la norme, ce qui comprenait de la formation relative à d’autres postes, du counselling d’emploi et la possibilité d’une mutation à un autre poste (pièce 16).

C.   Preuve de Mme Flannery

[43]   Mme Flannery était pompière volontaire depuis de nombreuses années quand elle a postulé pour devenir pompière au MDN, en 1987. Elle a dû se soumettre à un test initial d’évaluation de la condition physique. Ensuite, tous les ans, elle devait passer le test d’évaluation découlant du test de Cooper, qui était utilisé à l’époque. Ce test d’évaluation comportait différentes normes en fonction du sexe et de l’âge, et elle l’a réussi (pièces 37 et 39).

[44]   Quand elle a commencé à travailler comme pompière, Mme Flannery s’inquiétait du fait que certaines tâches soient plus difficiles à accomplir, étant donné que les femmes sont de stature plus petite que leurs collègues masculins. À l’école de pompier, on lui a enseigné des techniques et des manières différentes d’exécuter les tâches. Par exemple, on lui a montré une technique consistant à évacuer une victime en tirant celle–ci à l’aide d’une corde, ce qui demandait moins de force. Un autre exemple concernait le nouveau camion–pompe. Le raccord du tuyau se trouvait à une bonne hauteur sur le nouveau camion et, étant donné la taille de Mme Flannery, celle–ci avait du mal à le joindre. Or, on a modifié le camion pour faire en sorte que les personnes de plus petite taille n’aient aucune difficulté à brancher les tuyaux.

[45]   Mme Flannery a expliqué que les opérations réelles de lutte contre l’incendie et de sauvetage, telles qu’elles sont indiquées dans sa description de travail, ne correspondent qu’à 4 % de ses fonctions. Au nombre de ses autres fonctions figurent celles qui suivent : vérification de l’équipement du véhicule; conditionnement physique; entretien du matériel; entretien de la caserne; prévention des incendies. Elle a ajouté qu’on demandait de plus en plus aux pompiers de répondre à des appels médicaux, et que cela se produisait en moyenne deux fois par jour. Mme Flannery répond aux appels médicaux et donne également de la formation de première intervention.

[46]   En 1994, on a demandé à Mme Flannery de participer à l’étude principale du GRE. Elle avait 39 ans à l’époque et elle connaissait bien les tâches visées. À son premier essai, elle a achevé le parcours en un temps de 11 minutes 40 secondes (pièce 41, page 34); à son deuxième essai, elle l’a achevé en un temps de 13 minutes 42 secondes, car elle a éprouvé des problèmes avec son appareil respiratoire.

[47]   Depuis ce temps, Mme Flannery s’est entraînée de façon régulière à son domicile et au travail, et elle participe au Programme de conditionnement physique. Elle n’a pas participé au test d’évaluation depuis 1994, car elle considère qu’il établit une distinction discriminatoire à l’égard des pompières. Elle ne croit pas que la norme de huit minutes rende compte du travail d’un pompier. Elle a mentionné, par exemple, que le parcours n’évalue pas le travail d’équipe.

D.   Preuve de M. Barr

[48]   Quand M. Barr a témoigné, le 25 mai 2004, il était pompier depuis 23 ans et était âgé de 56 ans. Jusqu’en 1992, il a dû se soumettre au test d’évaluation découlant du test de Cooper. Il n’a pas subi d’évaluation de sa condition physique depuis 1992, mais il a participé à l’étude principale du GRE.

[49]   M. Barr a initialement approuvé le parcours du GRE, car il portait entièrement sur des tâches que doivent accomplir les pompiers. En outre, l’information qu’on lui a donnée l’a amené à penser qu’il y aurait des normes différentes pour différents groupes d’âge.

[50]   M. Barr a réalisé le parcours alors qu’il était âgé de 45 ans. Il a accompli les dix tâches de l’essai initial en plus de neuf minutes. À son second essai, il n’a pas eu à effectuer l’entrée forcée et il a achevé le parcours en plus de sept minutes.

[51]   M. Barr a mis en doute la validité de la tâche de l’entrée forcée, car il n’a jamais eu à utiliser une masse pour déplacer un objet sur une surface horizontale ou pour toute autre fin. Il a toujours effectué les entrées forcées à l’aide d’une hache ou d’une barre spécialement conçue pour ouvrir les portes. En outre, il a mentionné que les pompiers utilisent du matériel hydraulique s’avérant particulièrement utile lorsqu’il faut soulever de grosses portes de garage.

[52]   M. Barr s’entraîne régulièrement. En vertu du Programme de conditionnement physique, tous les pompiers disposent maintenant d’une heure durant leur quart pour s’entraîner sur leur lieu de travail. Son niveau de condition physique n’a jamais été remis en question, et il a toujours reçu de bonnes évaluations de rendement de la part de ses superviseurs (pièce 46).

[53]   La section à laquelle appartient M. Barr regroupe 14 pompiers, soit : un chef de section, un capitaine, un lieutenant et 11 pompiers. Une section nécessite un minimum de 11 pompiers. Durant les 11 dernières années et demie, il a occupé le poste de capitaine par intérim, poste qu’on désigne également par l’expression « sous–chef de section ».

[54]   Sur le lieu de travail, plus de la moitié des pompiers sont âgés de plus de 50 ans, et M. Barr est le plus âgé de sa section. Il a expliqué que, en sa qualité de sous–chef de section, il veillerait à confier les tâches de sauvetage aux pompiers plus agiles ou plus jeunes. Il ferait appel aux pompiers plus jeunes pour les tâches nécessitant de soulever de lourdes charges. En outre, il affecterait les pompiers plus jeunes au camion–pompe. Quand il arrive sur le lieu d’un incendie, il est autorisé à modifier les affectations s’il juge que cela s’avère nécessaire. Cependant, l’affectation aux tâches s’effectue en rotation, et tout le monde finit par accomplir chacune des tâches. Les membres de la section forment une équipe, et le travail d’équipe est très important. Les pompiers doivent pouvoir compter sur leurs collègues, et tous se soutiennent mutuellement.

[55]   M. Barr n’a pas eu à combattre beaucoup d’incendies, car ce type de situation fait l’objet d’un contrôle très étroit au MDN. Dans les FC et au MDN, l’ensemble du personnel est formé en vue de savoir ce qu’il faut faire en cas d’incendie. Lorsque des incendies se produisent, le personnel prend les mesures appropriées. Par conséquent, quand les pompiers arrivent sur les lieux, il arrive souvent que l’incendie soit déjà éteint.

E.   Preuve d’experts

[56]   Trois personnes, soit Stephen Brown, la Dre Deakin et le Dr Stuart Petersen, ont témoigné à titre de témoins experts. La preuve figure dans la présente section, parallèlement à des aspects plus techniques présents dans le rapport du GRE (pièce 26). Toutefois, certains éléments de la preuve apportée par la Dre Deakin ont été intégrés à la section précédente, car ils permettaient de préciser le contexte dans lequel la norme de huit minutes a été élaborée.

[57]   Pour les raisons données dans Barr et Flannery c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2004 CRTFP 169, je ne peux reconnaître à Mme Jaenen le statut d’experte. À titre d’employée de l’ASPFC, un organisme des fonds non publics, elle n’est pas indépendante de son employeur. L’employeur disposait de deux autres témoins experts pouvant témoigner en son nom sur les mêmes questions. Par conséquent, il n’était pas nécessaire qu’elle témoigne au nom de l’employeur, compte tenu du fait qu’elle n’est pas indépendante.

[58]   M. Brown, maître de conférence à l’école de kinésiologie de l’Université Simon Fraser, a été jugé qualifié, sans que l’employeur ne soulève d’objection, dans le domaine de la performance humaine et dans les sous–domaines suivants : la physiologie de l'exercice, la physiologie du milieu, l’ergonomie, la détermination de la demande physique découlant d’une tâche ou d’une activité sportive, les épreuves d’effort, la prescription d’exercice et l’action en santé.

[59]   M. Brown a préparé un rapport de témoin expert pour les fonctionnaires s’estimant lésés (pièce 30), dans lequel il a expliqué certains concepts clés de la capacité aérobie, présenté une analyse de la documentation scientifique traitant de la condition physique des pompiers et analysé le projet du GRE. Il a mis en exergue ce qu’il considérait être les points faibles de la méthodologie utilisée par le GRE pour élaborer la norme de huit minutes. Il a également analysé les données brutes qu’a compilées le GRE lors de l’étude principale.

[60]   La Dre Deakin est directrice de l'école d'éducation physique et des sciences de la santé de l'Université Queen's. Malgré l’objection soulevée par les fonctionnaires s’estimant lésés, je considère qu’elle est qualifiée en tant qu’experte en kinésiologie et en biodynamique humaine. Il a été nécessaire qu’elle témoigne à titre d’experte, afin qu’elle puisse nous dire comment le GRE en était venu à établir la norme de huit minutes. Je crois que la question de l’indépendance de la Dre Deakin pourra être abordée lorsqu’il s’agira de déterminer l’importance qu’il faut accorder à son témoignage. Elle n’a pas produit de rapport en tant que témoin expert, mais elle a témoigné au sujet du rapport du GRE (pièce 26).

[61]   Le Dr Petersen est professeur à la Faculté d'éducation physique et de loisirs de l'Université de l'Alberta. Je considère qu’il est qualifié en tant qu’expert en physiologie de l'exercice. Aucune objection n’a été soulevée. Toutefois, les fonctionnaires s’estimant lésés ont mentionné que son affiliation avec l’employeur devrait être prise en compte lorsqu’il s’agira d’évaluer l’importance de son témoignage.

[62]   Le Dr Petersen a préparé un rapport de témoin expert daté du 14 juin 2004 (pièce 75) qui, tel qu’il a été convenu, a été fourni aux fonctionnaires s’estimant lésés avant son témoignage. Cependant, comme il l’a mentionné il y a huit mois, il a entre–temps modifié son rapport. Une version revue et corrigée du rapport (pièce 76) a été donnée aux fonctionnaires s’estimant lésés une semaine seulement avant son témoignage du 14 février 2005. Comme il y avait des différences notables entre les deux rapports, les deux versions ont été déposées en preuve et les fonctionnaires s’estimant lésés se sont vu accorder le droit de produire une contre–preuve à l’égard du nouveau rapport. M. Brown a présenté la contre–preuve pour les fonctionnaires s’estimant lésés.

1.   Capacité aérobie

[63]   La capacité aérobie entre en jeu lorsqu’on accomplit des tâches pour lesquelles il faut utiliser des groupes de grands muscles à un rythme soutenu, comme c’est le cas lorsqu’on combat un incendie. La meilleure mesure de la capacité aérobie est la quantité maximale d'oxygène absorbée (VO2 max). Le VO2 max représente le taux maximal auquel l’oxygène est acheminé aux cellules et consommé par celles–ci (pièce 30, page 5). La meilleure façon d’évaluer la capacité aérobie consiste à mesurer directement le VO2 max; le sujet respire dans un dispositif particulier tout en faisant de l’exercice au moyen d’un appareil, par exemple un tapis roulant. La méthode la plus communément employée pour établir la consommation d’oxygène est liée à la masse corporelle (ml/kg/min) (pièce 76, page 9); aux fins de la présente décision, on utilisera l’unité « ml » quand il sera question de cette méthode.

[64]   Certains tests, comme celui de Cooper, évaluent le VO2 max et sa variation. D’autres tests largement utilisés, les tests sous maximaux, servent plutôt à essayer de prédire le VO2 max. Dans ce type de tests, le sujet n’est pas poussé à ses propres limites, et on considère par conséquent qu’ils ne présentent aucun risque pour la santé. On compte au nombre de ceux–ci le test des marches, au cours duquel le sujet monte et descend un escalier formé de deux marches de 20 cm au son d’un CD musical particulier. Toutes les trois minutes, le tempo de la musique augmente, et le test s’arrête lorsque le rythme cardiaque du sujet atteint un certain niveau. Cependant, dans le cas du test des marches, la prédiction du VO2 max peut s’accompagner d’une marge d’erreur allant de plus ou moins 10 % à plus ou moins 20 %.

[65]   En moyenne, le VO2 max diminue avec l’âge – il atteint son niveau le plus élevé quand les sujets ont environ 30 ans, et il décline ensuite d’à peu près 10 % tous les dix ans. La diminution du VO2 max avec l’âge est due à une baisse du niveau d’activité, aux maladies liées à l’âge et au processus de vieillissement. La documentation scientifique portant sur les pompiers montre que, chez ceux–ci, la diminution de la capacité aérobie en raison de l’âge est la même que celle qu’on trouve dans la population générale (pièce 30, page 10).

[66]   Le sexe a également une incidence sur la capacité aérobie et, selon ce qu’indique la documentation scientifique, après l’âge de 15 ans, les hommes ont une capacité aérobie supérieure à celle des femmes. En moyenne, le VO2 max des femmes est inférieur d’environ 20 % à celui des hommes, au même âge et pour un même niveau d’activité. Bien que les athlètes féminines de haut niveau affichent un VO2 max dépassant celui de la plupart des hommes, il est quand même inférieur de 8 % à 12 % à celui des athlètes masculins de haut niveau (pièce 30, page 13).

[67]   L’écart de capacité aérobie lié au sexe découle de différences biologiques qui existent entre les hommes et les femmes. Les hommes ont un cœur plus gros, qui peut pomper plus de sang à chaque battement. Comparés aux femmes, les hommes ont également un pourcentage de masse corporelle et de muscles plus élevé, ainsi qu’un pourcentage de masse adipeuse plus faible. M. Brown et la Dre Deakin ont tous deux mentionné qu’en ce qui concerne le haut du corps, la force des femmes équivaut environ à 50 % de celle des hommes.

[68]   La capacité aérobie peut être améliorée par le conditionnement physique. Cependant, l’amélioration dépend d’un certain nombre de facteurs, et notamment du niveau initial de condition physique. Une personne non entraînée qui entreprend un programme de conditionnement physique montrera probablement des améliorations notables les premiers mois, et les gains seront ensuite plus modestes (pièce 30, page 17).

2.   Analyse de la documentation scientifique

[69]   On considère la lutte contre l’incendie comme l’une des professions les plus dangereuses et exigeantes sur le plan physique que puissent exercer des civils. Cette activité nécessite une grande force musculaire, beaucoup d’endurance, une capacité aérobie et anaérobie élevée ainsi que de grandes habiletés motrices. Les pompiers doivent avoir la capacité physique d’accomplir des tâches à des intervalles irréguliers. Ils réalisent ces tâches dans des conditions extrêmes, tout en portant un lourd équipement de protection.

[70]   Le GRE a procédé à une analyse de la documentation scientifique dans laquelle on mesurait les exigences physiques relatives à la lutte contre l’incendie. Il a constaté que le VO2 max était constamment cité dans la documentation comme l’un des plus importants déterminants physiologiques du rendement des pompiers.

[71]   Le GRE a mentionné que quatre études en particulier ont été entreprises pour déterminer le VO2 max minimal requis pour exécuter les tâches liées à la lutte contre l’incendie : Lemon et Hermiston (1977) ont recommandé un VO2 max de 39 ml, O’Connell (1986), un VO2 max de 39 ml, Davis et Datson (1978), un VO2 max de 42 ml, et Gledhill et Jamnik (1992), un VO2 max de 45 ml.

[72]   Dans leur étude, Gledhill et Jamnik ont déterminé que la montée des marches d’un immeuble de grande hauteur constituait l’une des tâches les plus exigeantes. En contre–interrogatoire, la Dre Deakin a expliqué qu’une recherche dans laquelle des pompiers municipaux devaient monter six volées d’escaliers ne pouvait s’appliquer aux pompiers des FC et du MDN, car les exigences liées à leur travail sont moindres; dans les BFC, les immeubles n’ont que trois étages.

[73]   Le Dr Petersen a analysé la documentation scientifique la plus récente et y a trouvé des recommandations selon lesquelles le VO2 max minimal devrait se situer entre 33,5 ml et 45 ml (pièce 76, page 13). À l’exception de l’étude de Bilzon (2001), on a utilisé uniquement des sujets masculins; par conséquent, les exigences en matière de capacité aérobie et les normes suggérées ont donc été fondées sur des données provenant de sujets masculins. Le Dr Petersen a fait remarquer que [traduction] « pour ce qui est des femmes qui exécutent des tâches liées à la lutte contre l’incendie, l’exigence en matière de capacité aérobie n’a pas fait l’objet d’une analyse adéquate dans la documentation scientifique ».

[74]   M. Brown a examiné 27 études figurant dans la documentation, qui mesurent directement ou prédisent le VO2 max des pompiers (pièce 30, pages 21 et 22). Les valeurs indiquées du VO2 max varient d’environ 26 ml à presque 56 ml. M. Brown a conclu que la grande variation de ces valeurs d’une étude à l’autre ou dans une même étude montre qu’il était inapproprié d’établir une norme de 44 ml, comme l’a fait le GRE. Il a également fait remarquer que, dans les études où l’on recommandait un VO2 max minimal, l’approche des chercheurs consistait à calculer la moyenne des VO2 max des sujets et à utiliser ce résultat comme valeur minimale pour les pompiers. De l’avis de M. Brown, il s’agit d’une approche inadéquate. Il a constaté, dans une étude effectuée par Romet et From (pièce 30, page 24), que les auteurs recommandaient l’utilisation d’une approche différente : ils ne concluaient pas qu’il fallait établir des normes minimales pour les pompiers, mais plutôt que les personnes ayant la meilleure condition physique étaient les plus aptes à accomplir les tâches consistant à entrer dans les immeubles et à procéder au sauvetage des victimes.

[75]   M. Brown a aussi analysé un certain nombre d’études dans lesquelles on tentait de déterminer le coût en oxygène (VO 2) des tâches associées à la lutte contre l’incendie. Le VO2 représente la quantité d’oxygène utilisée par le corps lors de l’exécution d’une tâche, et il diffère du VO2 max, qui représente quant à lui le taux maximum. Donc, si une tâche nécessite un VO2 de 30 ml et qu’un pompier a un VO2 max de 40 ml, alors le VO2 associé à l’exécution de la tâche correspond à 75 % du VO2 max du pompier (pièce 30, page 22). M. Brown a constaté que dans les études, les valeurs du VO2 associé aux tâches relatives à la lutte contre l’incendie variaient de 23,4 ml à 44 ml (pièce 30, page 25).

[76]   Le Dr Petersen a également examiné les valeurs du VO2 relatif aux tâches associées à la lutte contre l’incendie, telles qu’elles ont été rapportées dans quatre études récentes (pièce 76, page 11). Il a calculé la moyenne des valeurs du VO2 indiquées dans ces études, et le VO2 moyen obtenu était environ de 32 ml. Toutefois, le Dr Petersen a fait une mise en garde relativement au fait que, bien qu’il semble y avoir une grande quantité d’études sur le sujet, il y a peu de cohérence entre les méthodologies de recherche employées. Ces études fournissent néanmoins un aperçu général du rôle que joue le VO2 dans les activités de lutte contre l’incendie.

3.   Étude pilote du GRE

[77]   L’étude pilote du GRE (pièce 26, page 27) visait à comparer le VO2 max prédit à partir des tests utilisés par les FC et le VO2 max mesuré directement en laboratoire, afin de mieux comprendre la relation entre le VO2 max mesuré en laboratoire et les performances réalisées sur le parcours, d’étudier la part de la capacité anaérobie dans les performances réalisées sur le parcours, de déterminer la fiabilité des temps pris pour achever le parcours et de cibler toute composante du test d’évaluation pouvant compromettre la sécurité ou l’intégrité du parcours.

[78]   La Dre Deakin a indiqué que, pour atteindre ces objectifs, le GRE avait demandé à environ 25 pompiers dont la condition physique était relativement bonne et qui se trouvaient à proximité de Kingston de se présenter au laboratoire, pour qu’on puisse mesurer directement leur VO2 max. Comme la Dre Deakin l’a expliqué, le GRE procédait à des essais concernant le parcours et, par conséquent, il n’importait pas à cette étape que les sujets soient représentatifs de l’ensemble de l’effectif.

[79]   Les sujets ayant participé à l’étude pilote du GRE étaient formés de 23 pompiers masculins des FC, provenant de la 7e escadre Ottawa, qui se sont portés volontaires. Les sujets étaient âgés de 21 à 42 ans, et l’âge moyen était de 30,7 ans. Ils ont été soumis aux tests entre le 18 octobre et le 26 novembre 1993. Ils ont d’abord essayé le parcours pour se familiariser avec celui–ci, et pour l’occasion ils portaient des tenues de conditionnement physique. Dans le cadre du test réel, ils ont porté l’équipement complet de pompier. Lors de l’étude pilote, les temps pris pour achever le parcours, y compris l’écart type, sont les suivants (pièce 26, tableau 6, page 39) :

Temps pris pour achever le parcours (min:sec) (étude pilote)

Jour Moyenne Écart type Minimum Maximum

1

6:06

0:41

4:46

7:33

2

5:51

0:43

4:42

7:09

[80]   Ensuite, tous les sujets se sont rendus à l’Université Queen’s pour subir des tests en laboratoire. Les tests incluaient la mesure indirecte et directe du VO2 max des sujets. Le VO2 moyen prédit à l’aide du test des marches a été de 44 ml. Le VO2 max moyen prédit au moyen de la course de 2,4 km a été de 43 ml, et le VO2 max moyen mesuré directement en utilisant un tapis roulant a été de 48,9 ml. Le GRE a constaté que, conformément à la documentation, le VO2 max prédit était inférieur au VO2 max réel.

[81]   M. Brown a mentionné qu’aucune pompière, aucun pompier plus âgé ni aucun pompier du MDN n’avaient participé à l’étude pilote du GRE. Il s’agissait d’un échantillon relativement petit qui n’était peut–être pas représentatif de l’ensemble de la population. Tous les sujets étaient volontaires, ce qui ne constitue pas une sélection au hasard et donne lieu à un risque de biais de sélection. Ils étaient également dotés d’une meilleure capacité aérobie que les sujets de l’étude principale du GRE, puisque les sujets de l’étude pilote ont affiché un VO2 moyen de 49 ml et ont pris environ six minutes pour achever le parcours.

4.   Étude principale du GRE

[82]   Dans le cadre de l’étude principale, on a compilé les données relatives à 226 pompiers, dont 202 hommes et 24 femmes. Il y a eu participation d’un plus grand nombre de sujets, mais seules les données concernant les personnes ayant achevé toutes les étapes du test sont montrées dans le tableau suivant (pièce 26, tableau 9, page 48) :

Répartition par âge des sujets, selon le sexe et le service

Âge (en années) Hommes Femmes
FC MDN FC MDN Professionnelles
  N % N % N % N % N %
20-29 29 12,8 6 2,7 0 0 2 0,9 8 3,5
30-39 61 27,0 53 23,5 2 0,9 3 1,3 8 3,5
40-49 11 4,9 36 15,9 0 0 0 0 1 0,04
50-59 1 0,04 5 2,2 0 0 0 0 0 0

[83]   Le temps moyen pris pour achever le parcours était de 7 minutes 46 secondes. Les hommes ont pris en moyenne 7 minutes 30 secondes pour achever le parcours et les femmes, 9 minutes 57 secondes. La ventilation selon le sexe, le service et l’âge est indiquée dans le tableau ci–après (pièce 26, tableau 12, page 51) :

Temps pris pour achever le parcours (min:sec) selon le sexe, l’âge et le service

Sexe Service Âge N Temps moyen Écart type Minimum Maximum
Hommes FC 20-29 29 6:31 0:47 5:05 9:00
    30-39 61 7:10 1:22 5:02 12:25
    40-49 11 7:58 1:17 5:43 10:25
    50-59 1 12:10   12:10 12:10
  MDN 20-29 6 7:04 1:02 6:05 8:46
    30-39 53 7:34 1:19 5:26 10:56
    40-49 36 8:13 1:35 5:46 12:17
    50-59 5 10:13 1:47 8:52 12:42
Femmes FC 30-39 2 13:42 6:12 9:19 18:05
  MDN 20-29 2 12:06 0:28 11:46 12:26
    30-39 3 11:32 2:08 9:26 13:42
  Professionnelles 20-29 8 8:59 1:42 7:35 12:15
    30-39 8 9:05 1:57 6:32 11:30
    40-49 1 8:08 8:08 8:08
Total     226 7:46 1:48 5:02 18:05

[84]   Dans le cadre de l’étude principale, on ne disposait pas du matériel nécessaire pour évaluer directement le VO2 max des sujets individuels dans les sites situés à l’extérieur de Kingston. Par conséquent, le GRE a eu recours au test des marches pour évaluer le VO2 max des personnes pendant l’étude principale.

[85]   Cependant, dans son témoignage, la Dre Deakin a reconnu que le test des marches sous–estime la capacité aérobie des femmes et des personnes en bonne condition physique, et qu’il surestime celle des personnes ayant un surplus de poids.

[86]   M. Brown a expliqué qu’un temps de huit minutes pour achever le parcours ne peut être utilisé en tant que norme minimale, et ce, notamment, parce que le test n’a pas été élaboré ou validé dans l’étude principale à l’aide d’un échantillon formé d’un nombre suffisant de femmes ou de personnes plus âgées. Des 226 participants de l’étude principale, seulement six hommes étaient âgés de 50 à 59 ans. Étant donné le trop petit nombre de sujets appartenant à ce groupe d’âge, les résultats ne pouvaient être validés en vue d’établir une EPJ pour des hommes de cette catégorie d’âge. Parallèlement, il n’y avait pas assez de femmes plus âgées, étant donné qu’une seule était âgée de plus 39 ans.

[87]   M. Brown a également constaté que, bien qu’il y avait un nombre équivalent d’hommes venant des FC et d’hommes venant du MDN, la plupart des femmes étaient des pompières municipales, pour qui les exigences professionnelles diffèrent. Seulement deux pompières des FC et cinq pompières du MDN ont participé à l’étude principale. Selon M. Brown, le nombre de pompières des FC et du MDN était trop petit pour que les résultats puissent être validés en vue d’établir une EPJ pour les femmes appartenant à ces services.

5.   Sous–étude du GRE concernant les femmes

[88]   Le GRE a réalisé une sous–étude (pièce 26, page 59) pour évaluer la performance de femmes en bonne condition physique sur le parcours et pour examiner les effets de séances de pratique sur le temps qu’elles prenaient pour achever le parcours. On a défini les femmes en bonne condition physique comme celles ayant un VO2 max supérieur au VO2 max moyen des femmes.

[89]   La Dre Deakin a expliqué dans son témoignage que, dans l’étude principale, les femmes ont pris un temps nettement plus long que celui des hommes pour achever le parcours, et ce, dans presque tous les groupes d’âge. Le GRE savait qu’en ce qui concerne le parcours, les femmes seraient désavantagées dans une plus grande mesure que les hommes. Le GRE a voulu comprendre si la performance des femmes découlait du fait qu’elles affichaient un VO2 max prédit moins élevé. En contre–interrogatoire, on a questionné la Dre Deakin au sujet d’un article scientifique qu’elle avait coécrit (pièce 96) et dans lequel il est indiqué que l’imposition de toute norme de nature physique faisait nécessairement en sorte d’établir des barrières pour ce qui est d’accéder à des postes exigeants sur le plan physique, et que cela désavantageait les femmes. La Dre Deakin a mentionné qu’il serait plus difficile aux pompières et aux pompiers plus âgés de satisfaire à une norme de nature physique, quelle qu’elle soit.

[90]   Quand le GRE a analysé les données découlant de l’étude principale, il a constaté que les pompières affichaient un VO2 max prédit moins élevé que le VO2 max minimal suggéré dans la documentation scientifique portant sur les pompiers. Le fait que les femmes aient affiché un VO2 max prédit inférieur à celui des hommes dans l’étude principale pourrait expliquer en partie leur performance. Une autre explication pourrait être qu’un élément du parcours faisait en sorte que celui–ci était plus difficile à réaliser pour les femmes. Afin de trouver la réponse à cette question, le GRE a réalisé une sous–étude ayant pour sujets des femmes s’étant portées volontaires et affichant un VO2 max élevé. Les pompières n’ont pas été prises en considération dans le cadre de cette sous–étude, car on n’en comptait que 50 dans tout le Canada.

[91]   Les caractéristiques physiques des femmes ayant achevé la sous–étude sont indiquées dans le tableau ci–dessous (pièce 26, pages 64 et 65) :

Caractéristiques des femmes (sous–étude portant sur les femmes)

Caractéristiques Moyenne Écart type Minimum Maximum
Âge (années) 31,9 2,98 28 37
Grandeur (cm) 164,6 5,66 154,6 173,1
Masse (kg) 61,1 7,30 53,8 73,8
Indice de masse corporelle (IMC) (kg/m2) 22,7 2,83 18,1 27,0
Rapport taille-hanches (RTH) 0,74 0,034 0,66 0,77
Somme des plis cutanés (SPC) (mm) 46,3 13,03 32,0 72,4
Somme des plis cutanés au niveau du tronc (SPCT) (mm) 19,6 7,14 13,0 36,0
Masse adipeuse (%) 23,5 5,76 16,5 34,2
Test des marches no 1 (ml/kg/min) 39,9 2,27 35,1 43,0
Test des marches no 2 (ml/kg/min) 41,4 3,40 34,5 45,5
VO2 max (ml/kg/min) 45,2 4,31 38,3 52,0

Résultats des tests de force (sous–étude portant sur les femmes)

Test Moyenne Écart type Minimum Maximum
Développé couché (kg) 64,22 22,64 40,86 102,15
Développé des jambes (kg) 217,42 149,30 98,75 442,65
Extension des bras sur la poulie (kg) 61,41 11,41 43,13 81,72

[92]   Dans le cadre de la sous–étude sur les femmes, les sujets ont participé à huit séances lors desquelles elles ont réalisé le parcours. Lors de la première séance principale, le temps moyen pris pour achever le parcours a été de 8 minutes 52 secondes. À la dernière séance, ce temps avait été abaissé à 6 minutes 56 secondes. La diminution la plus importante du temps moyen total pris pour achever le parcours s’est produite entre la première et la deuxième séance.

[93]   Le fait d’avoir réalisé le parcours de manière répétée n’a pas entraîné d’amélioration physiologique notable chez les participantes en ce qui concerne leur capacité aérobie, car elles affichaient d’entrée de jeu une condition physique au dessus de la moyenne ou excellente. On a attribué l’amélioration de la performance des participantes au fait qu’elles ont appris à mieux connaître le parcours et qu’elles ont adopté des stratégies leur permettant d’achever celui–ci plus rapidement (pièce 26, pages 57 à 70). Il est probable que des pompiers expérimentés pourraient améliorer leur performance en ayant recours uniquement à des stratégies visant à achever le parcours plus rapidement, puisqu’ils connaissent déjà bien les tâches à accomplir.

[94]   M. Brown a souligné que l’échantillon de la sous–étude, composé de seulement neuf participantes, était petit. Elles affichaient une capacité aérobie élevée (45 ml); le VO2 max moyen, pour les femmes, est de 35 ml. Le groupe de la sous–étude n’était pas homogène, car certains sujets étaient des athlètes de haut niveau. Or, les valeurs moyennes peuvent englober des différences individuelles importantes.

6.   Sous–étude du GRE sur l’entrée forcée

[95]   Étant donné que le GRE considérait que, de toutes les tâches du parcours, l’entrée forcée constituait la simulation la moins réaliste, il a procédé à une sous–étude visant à valider cette tâche simulée. L’objectif premier de la sous–étude du GRE sur l’entrée forcée consistait à déterminer si le fait de frapper sur un pneu, comme c’était le cas dans le parcours, était similaire au fait de frapper sur une structure dans la vie réelle. La sous–étude avait comme second objectif d’établir la distance sur laquelle il fallait déplacer le pneu et de déterminer le poids de la masse qui serait utilisée (pièce 26, pages 72 et 73).

[96]   En tout, 20 pompiers de sexe masculins de la 12e escadre Shearwater, en Nouvelle–Écosse, âgés de 29 à 46 ans, se sont portés volontaires pour participer à cette sous–étude.

[97]   Le GRE a conclu à partir de la sous–étude que le fait de frapper sur un pneu était comparable au fait de frapper sur une structure renforcée. Il a également constaté qu’une masse standard de 4,54 kg était l’outil qu’il convenait d’employer. Enfin, il a déterminé que le pneu devait être déplacé sur une distance de 40 cm. Le GRE a noté qu’il était difficile de comparer les résultats de la sous–étude avec ceux de recherches précédentes présentes dans la documentation scientifique, car les études publiées ne mentionnaient pas la moyenne, l’écart type et les valeurs maximales et minimales concernant les temps d’achèvement et les rythmes cardiaques. Cependant, le GRE a considéré que cette sous–étude montrait que les paramètres de l’entrée forcée simulée faisaient de celle–ci un test valable permettant de représenter une tâche devant être accomplie par les pompiers en situation d’incendie réel (pièce 26, page 94).

[98]   M. Brown a fait remarquer que cette sous–étude était bien conçue. Toutefois, le temps moyen pris pour accomplir ces tâches (12,9 secondes) était bien plus court que le temps qu’il fallait compter pour une entrée forcée dans la vie réelle (46 secondes), tel qu’il a été mesuré par Gledhill et Jamnik (pièce 26, page 13).

7.   Établissement de la norme en matière de conditionnement physique pour les pompiers des FC et du MDN

[99]   Le GRE a analysé les données provenant de l’étude principale afin de déterminer le pourcentage de sujets qui devraient échouer les différents objectifs en matière de performance. Ces objectifs étaient de 8 minutes, de 8 minutes 30 secondes et de 8 minutes 15 secondes.

[100]   L’objectif de huit minutes a été choisi, à l’origine, en utilisant le temps pris pour achever le parcours qui correspondait au VO2 max cité dans la documentation scientifique comme étant celui qui convenait pour l’exécution des tâches liées à la lutte contre l’incendie (pièce 26, page 52) :

[Traduction]

[…]

L’étendue des valeurs minimales allait de 35 ml/kg/min à 45 ml/kg/min. Le temps moyen pris pour achever le parcours associé à un VO2 max de 44 ml/kg/min était de 8 minutes. Le VO2 max moyen pour les sujets n’ayant pas atteint l’objectif de performance de 8 minutes était de 38 ml/kg/min.

[…]

[101]   En contre–interrogatoire, la Dre Deakin a expliqué que le rapport du GRE ne contenait pas tous les éléments ayant été discutés et que le procès-verbal de la réunion du GRE serait plus exhaustif. On a fait remarquer à la Dre Deakin que, dans le procès-verbal de la réunion du GRE du 26 septembre 1995 (pièce 103), il était indiqué qu’une méthode valable pour l’établissement de la note de passage pourrait consister à utiliser le temps moyen de chaque groupe d’âge. Elle a mentionné que la tâche confiée au GRE par l’employeur, comme on peut le lire dans le procès-verbal de la réunion du GRE du 7 septembre 1995 (pièce 103, page 2), consistait à [traduction] « élaborer une seule note de passage, peu importe le sexe, l’âge, le service ou le niveau de condition physique ». Elle a expliqué que le GRE a examiné les données et la performance moyenne, et qu’il a travaillé à partir de ces éléments. Le temps moyen pris pour achever le parcours était de 7 minutes 46 secondes, et le GRE a arrondi celui–ci à huit minutes.

[102]   En fonction d’un temps de huit minutes, le VO2 max moyen du groupe ayant échoué au test était de 39 ml et celui du groupe ayant réussi le test était de 44 ml, ce qui respectait l’étendue allant de 39 ml à 45 ml recommandée dans la documentation scientifique.

[103]   La Dre Deakin a mentionné qu’il y avait une erreur de typographie dans le rapport du GRE, et que l’étendue des valeurs du VO2 max n’allait pas de 35 ml à 45 ml, mais de 39 ml à 45 ml. On lui a fait remarquer, dans le contre–interrogatoire, que le procès-verbal de la réunion du GRE du 26 septembre1995 (pièce 103) indiquait que, selon la documentation scientifique, il fallait que le VO2 max se situe entre 35 ml et 45 ml. Elle a maintenu qu’il y avait une erreur dans le rapport du GRE, dans lequel on aurait dû lire des valeurs allant de 39 ml à 45 ml.

[104]   Le deuxième objectif de performance a été arrêté en choisissant un temps requis pour achever le parcours correspondant à un taux de réussite d’environ 75 % des sujets, soit un temps de 8 minutes 30 secondes, ce qui correspondait à un taux de réussite de 73,5 %. Le VO2 max moyen du groupe ayant réussi le test était de 43,81 ml, alors que celui du groupe ayant échoué au test était de 37,9 ml.

[105]   Le troisième objectif de performance a été établi en utilisant la valeur médiane de 8 minutes 15 secondes. Le VO2 max moyen du groupe ayant réussi le test était de 44,1 ml, et celui du groupe ayant échoué au test était de 38,1 ml.

[106]   Ensuite, on a procédé à des analyses additionnelles sur la relation entre ces trois objectifs de performance et le sexe, l’âge et le service des sujets. L’abaissement de l’objectif de performance de 8 minutes 30 secondes à un objectif de 8 minutes a donné lieu à une augmentation du taux d’échec pour les hommes, qui est passé de 22 % à 30 %, et de celui des femmes, qui est passé de 59 % à 78 % (pièce 26, pages 53 et 54).

[107]   Il y avait six sujets âgés de 50 à 59 ans. Ils ont tous échoué aux trois objectifs de performance. Le fait d’abaisser l’objectif de performance de 8 minutes 30 secondes à un objectif de 8 minutes a fait en sorte d’accroître le taux d’échec pour les sujets âgés de 40 à 49 ans, qui est passé de 38 % à 48 %. Parallèlement, chez les sujets âgés de 30 à 39 ans, le GRE a constaté que le taux d’échec s’était accru pour passer de 22 % à 32 %. Le taux d’échec a légèrement augmenté chez les sujets âgés de 20 à 29 ans, pour passer de 16 % à 20 % (pièce 26, page 54).

[108]   En ce qui concerne les conséquences des objectifs de performance sur les différents services, le GRE a noté dans son rapport que le groupe du MDN comportait une plus grande proportion de pompiers plus âgés et de pompières que le groupe des FC (pièce 26, page 55). Ces deux groupes, soit les sujets de sexe féminin et les sujets âgés de 50 à 59 ans, ont affiché un taux d’échec plus élevé quand on utilisait la norme de huit minutes, et il en découle que ce sont les personnes appartenant à ces catégories qui subiraient les conséquences les plus négatives.

[109]   Dans le procès-verbal de la réunion du GRE du 15 février 1996 (pièce 102), il est indiqué qu’étant donné que le test des marches ne permet pas d’obtenir le VO2 réel, les résultats obtenus à partir de ce test ne pouvaient être utilisés pour établir une norme. On établirait plutôt la norme en se basant sur le temps requis pour achever le parcours. On cite la Dre Deakin dans le procès-verbal – elle y dit que le GRE ne pourrait concevoir un test plus facile ou perçu comme étant plus facile que celui qui était utilisé alors. Plusieurs participants à cette réunion du GRE ont mentionné qu’un objectif de performance de 550 secondes (9 minutes 10 secondes) ne serait pas assez exigeant.

[110]   Le Dr Petersen a indiqué qu’il n’établirait pas un objectif de performance en fonction du VO2 max, car cette mesure n’est pas très précise. Dans son étude, il a analysé le VO2 et le VO2 max de sujets, et il a conclu que d’autres facteurs que le VO2 intervenaient et contribuaient à la performance. Comme plusieurs tâches du parcours nécessitent de soulever des objets lourds, il semble que la force et la capacité anaérobie importent également. Un examen des caractéristiques des sujets donne à penser que la masse corporelle et la stature peuvent influer sur la façon dont s’y prennent différentes personnes pour exécuter leur travail (pièce 76, page 39).

[111]   M r Brown a analysé les données brutes compilées par le GRE dans le cadre de l’étude principale (pièce 50). Il a montré à l’aide d’un diagramme (pièce 51, figure 19b) qu’un VO2 max prédit de 44 ml ne s’avérait exact que dans 50 % des cas pour ce qui est d’identifier les sujets pouvant achever le parcours en huit minutes. Les données relatives aux 226 sujets ont été réparties en quatre groupes : vrais positifs – 75 sujets affichant un VO2 max d’au moins 44 ml et ayant achevé le parcours en huit minutes; faux positifs – 72 sujets ayant achevé le parcours en huit minutes, mais affichant un VO2 max inférieur à 44 ml; vrais négatifs – 73 sujets n’ayant pas achevé le parcours en huit minutes et affichant un VO2 max inférieur à 44 ml; faux négatifs – 6 sujets affichant un VO2 max d’au moins 44 ml, mais n’ayant pas achevé le parcours en huit minutes. Il a également analysé les données en fonction du sexe et de la catégorie d’âge, et il a conclu qu’il faudrait établir des normes séparées (pièce 51, pages 14 à 18).

8.   Recherche du Dr Petersen

[112]   Dans le cadre de son expérience, le Dr Petersen a inclus le résumé de deux études qu’il avait réalisées pour le compte de l’ASPFC. Dans la première étude, il a mesuré directement le VO2 relatif au fait d’achever le parcours en huit minutes. Les sujets étaient composés de 30 hommes et de 23 femmes s’étant portés volontaires, qui ont été recrutés au moyen du bouche à oreille et d’affiches posées dans les centres de conditionnement physique. L’âge moyen et le VO2 max des hommes étaient respectivement de 29 ans et de 49,2 ml, et ceux des femmes étaient respectivement 25,8 ans et de 41,7 ml.

[113]   Le Dr Petersen a constaté que le VO2 moyen était le même pour les hommes et les femmes dans le cas d’une performance auquel était associé un temps se situant entre 7 minutes 30 secondes et 8 minutes 30 secondes. Cependant, le VO2 requis pour satisfaire à la norme de huit minutes représentait une fraction plus élevée du VO2 max des femmes (pièce 76, page 43). Le Dr Petersen a également expliqué qu’une bombonne à air ne durait habituellement pas plus de dix minutes. La norme de huit minutes favorise une vitesse d’intervention plus rapide en situation d’incendie réel.

[114]   En contre–interrogatoire, le Dr Petersen a mentionné qu’il était risqué de procéder à une généralisation à partir de l’échantillon de cette étude. Toutefois, il a indiqué que d’après lui, les pompiers plus âgés sont en mesure de maintenir un bon niveau de condition physique et de satisfaire à la norme de huit minutes. M. Brown s’est prononcé sur ce sujet et a expliqué qu’on ne pouvait extrapoler les conclusions du Dr Petersen pour les appliquer dans le cas de sujets plus âgés.

[115]   La seconde étude du Dr Petersen consistait en des scénarios de sauvetage en situation d’incendie, dans lesquels les sujets ont travaillé en équipes constituées soit de deux hommes, soit de deux femmes. On comptait 13 hommes et 12 femmes parmi les sujets. La moyenne d’âge et le VO2 max des hommes étaient respectivement de 25,6 ans et de 44,2 ml, et ceux des femmes, de 23,9 ans et de 44,7 ml (pièce 76, page 58). La masse corporelle moyenne était de 86,2 kg pour les hommes et de 67,7 kg pour les femmes.

[116]   Après un entraînement approprié, les équipes formées de paires d’hommes et de femmes ont exécuté les scénarios, tandis que leur VO2 était mesuré directement à l’aide d’un système respiratoire mobile de mesure. Les sujets devaient maintenir un rythme de travail conforme aux exigences du travail de lutte contre l’incendie, qui avaient été déterminées par des spécialistes du domaine du service des incendies des FC. Les hommes ont achevé les scénarios en 10,87 minutes, tandis que les femmes les ont achevés en 13,71 minutes (temps moyen). Même si les sujets de sexe féminin ont pris en moyenne 2 minutes 43 secondes de plus pour achever les scénarios, les spécialistes du domaine ont qualifié leur performance de satisfaisante (pièce 76, pages 60 et 72).

[117]   Dans cette étude, le VO2 max relatif était le même pour les hommes et les femmes et, par conséquent, dans l’exécution des tâches, la fraction du VO2 max des femmes est le même que celui des hommes. Pendant l’exécution des scénarios, le VO2 de pointe des hommes (35,3 ml) et celui des femmes (34,2 ml) étaient similaires et correspondaient environ à 80 % de leur VO2 max. En moyenne, les hommes ont exécuté les scénarios plus rapidement que les femmes. Cette divergence s’explique par les différences dans la masse corporelle et la force. Les sujets de sexe féminin étaient de moins grande taille et plus légère que les hommes. Le poids total de l’équipement de protection contre le feu représentait environ 28 % de la masse corporelle des hommes et 35 % de celle des femmes. Par conséquent, le poids relatif de l’équipement de protection contre le feu était notablement plus élevé pour les sujets de sexe féminin. On pourrait tirer la même conclusion en ce qui concerne le poids des tuyaux chargés et des mannequins utilisés pour simuler les sauvetages (pièce 76, page 65).

[118]   Les fonctionnaires s’estimant lésés ont demandé qu’on leur fournisse les données brutes concernant les scénarios de sauvetage de victimes d’incendie du Dr Petersen, de sorte que M. Brown puisse les analyser. En contre–interrogatoire, le Dr Petersen a mentionné qu’il avait perdu la moitié des données à la suite d’une panne d’ordinateur. Il a expliqué que, contrairement au protocole, il n’avait pas effectué de copie papier de ses données et qu’il n’avait pas non plus sauvegardé celles–ci sur un CD–ROM. Le Dr Petersen n’a pas fourni les données qui avaient été sauvegardées, car il était d’avis qu’il ne servirait à rien de ne disposer que de la moitié des données.

IV.   Motifs de décision

A.   Question de la compétence

[119]   Est–il prématuré pour les fonctionnaires s’estimant lésés de déposer ces griefs, puisqu’ils n’ont jamais essuyé d’échec en tentant de satisfaire à la norme de huit minutes depuis la mise en place de celle–ci et qu’ils n’ont jamais fait l’objet de mesures disciplinaires? Si les griefs sont prématurés, un arbitre de grief a-t-il alors la compétence voulue pour les entendre?

1.   Cadre législatif et convention collective

[120]   L’article 92 de l’ancienne Loi se lit en partie comme suit :

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

  1. l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

  2. dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2) f ) ou g ) de la Loi sur la gestion des finances publiques ;

  3. dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

 (2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

[…]

[121]   La clause 19.01 de la convention collective stipule ce qui suit :

ARTICLE 19
ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION

19.01 Il n'y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l'égard d'un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l'Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l'employé-e a été gracié.

2.   Résumé de l’argumentation et analyse

[122]   L’employeur soutient que les griefs sont de nature prospective et, par conséquent, qu’ils sont prématurés. Les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas encore participé au test de condition physique. En outre, ils n’ont fait l’objet d’aucune mesure administrative résultant de leur refus de subir le test de condition physique.

[123]   L’employeur allègue que, dans ces griefs, il est demandé que l’arbitre de grief se prononce sur la validité de la norme de huit minutes et qu’il rende une décision malgré le vide qui entoure la question. L’employeur soutient qu’à moins que les fonctionnaires s’estimant lésés aient subi le test de condition physique et qu’il en ait découlé des conséquences négatives pour eux, ils n’ont, à la face même, aucun droit de déposer un grief.

[124]   Les fonctionnaires s’estimant lésés font valoir qu’un employé n’a pas à attendre que des mesures disciplinaires aient été prises pour contester un règlement qui viole la convention collective. En outre, comme les griefs font intervenir la question des droits de la personne, les employés n’ont pas à subir des conséquences particulières relatives à leur emploi pour être autorisés à contester la politique. Les employés subissent les conséquences négatives découlant d’un test de nature discriminatoire dès le moment où ils sont tenus d’y participer. Ils n’ont pas besoin d’attendre que des mesures disciplinaires soient prises avant de contester un règlement qui va à l’encontre de la convention collective.

[125]   Les fonctionnaires s’estimant lésés allèguent également que l’employeur a renoncé à son droit de soulever cet argument. En vertu d’un protocole d’entente conclu entre l’employeur et l’UEDN en avril 2002, 327 griefs similaires ont été mis en suspens jusqu’à ce qu’une décision soit rendue relativement aux présents griefs. L’employeur a attendu et a soulevé cet argument pour la première fois quelques semaines seulement avant la tenue de la présente audience.

[126]   J’ai examiné la jurisprudence soumise par les parties concernant la question de la compétence. Les arbitres de grief refuseront d’entendre un grief portant sur une question de nature principalement hypothétique ou théorique. Cependant, même quand certains aspects d’un grief sont prospectifs ou anticipatifs, l’affaire ne sera pas considérée comme prématurée si un réel différend entre les parties a pris forme et s’il existe des éléments de certitude quant à la mise en œuvre de la politique.

[127]   Un différend prend forme quand des actions de l’employeur donnent à penser qu’il y a violation de la convention collective. Il peut s’agir d’une déclaration d’intention active de la part de l’employeur concernant la mise en œuvre d’une politique (Loschiavo et al. c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-15391, 15392 et 15389 (1986) (QL)) ou d’un avis de changement de l’horaire des postes (Leger et al. c. le Conseil du Trésor (Transport Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-18740 et 18616 (1989) (QL)). En vertu de l’alinéa 92(1)a) de l’ancienne Loi, un grief peut être renvoyé à l’arbitrage de grief s’il fait intervenir l’interprétation ou l’application d’une disposition d’une convention collective. Il n’est pas nécessaire que l’employeur ait mis en application son interprétation de la disposition. En fait, il suffit que l’employeur ait indiqué son intention de mettre en application son interprétation auprès de l’employé.

[128]   Dans la présente affaire, le différend entre les deux parties en ce qui concerne la mise en œuvre de la norme de huit minutes apparaît de manière évidente. Il y a eu une période de mise en œuvre progressive échelonnée sur deux ans ayant commencé en 1998. À l’origine, la norme devait devenir obligatoire à compter de mai 2000, et les pompiers n’ayant pas satisfait à la norme en octobre 2000 pouvaient faire l’objet de mesures administratives. La norme a été mise en œuvre comme prévu en 2000 pour les pompiers de FC. Cependant, l’UEDN s’est opposé à la mise en œuvre de la norme de huit minutes, et de nombreux pompiers du MDN ont refusé d’être soumis au test d’évaluation.

[129]   En février 2002, l’employeur a annoncé une période additionnelle de mise en œuvre progressive, selon laquelle tous les pompiers du MDN devaient réaliser le parcours et être évalués en 2002. Quelques semaines plus tard, les fonctionnaires s’estimant lésés ont déposé leurs griefs. L’employeur et l’UEDN ont signé un protocole d’entente en avril 2002. Trois cent vingt-sept (327) griefs similaires ont été mis en suspens en attendant qu’une décision soit rendue relativement aux présents griefs. En mai 2002, les commandants des BFC ont reçu une trousse visant à les aider dans la mise en œuvre de la norme. La trousse comportait une série de lettres recommandant les mesures disciplinaires à prendre à l’encontre des pompiers qui refusaient de réaliser le parcours.

[130]   Il existe une règle générale en matière de relation de travail, connue sous le nom d’« obéir d'abord, se plaindre ensuite », qui vise à éviter l’insubordination sur le lieu de travail. En contrepartie, cette règle implique que les employés peuvent contester une politique de l’employeur si la violation qu’elle provoque peut mener à la prise de mesures disciplinaires. La norme de huit minutes a été mise en œuvre quand les griefs ont été déposés, et un employé refusant de réaliser le parcours pourrait s’exposer à toute une gamme de mesures disciplinaire. Si on prenait des mesures disciplinaires, celles–ci pourraient être contestées et renvoyées à l’arbitrage de grief en vertu de l’alinéa 92(1)b) de l’ancienne Loi. On discuterait alors des mêmes questions, à la différence près qu’il y aurait eu insubordination d’un employé et que celle–ci pourrait être retenue contre lui. Par conséquent, aux fins du maintien de relations de travail harmonieuses, il convient de rendre une décision concernant les griefs au cours de la présente audience.

[131]   Voici ce qu’a indiqué J. A. Tarnopolsky, de la Cour d'appel de l'Ontario, dans l’affaire Metropolitan Toronto (Municipality)v. C.U.P.E. (1990), 74 O.R. (2d) 239 (C.A.), pages 254 et 255 :

[Traduction]

[…]

[…] Toutefois, à la lumière de ce qui précède, il semble évident, en vertu de la règle qui consiste à « obéir d’abord et à se plaindre ensuite », qu’un arbitre est pratiquement tenu d’exercer sa compétence à entendre un grief contestant une directive, à tout le moins lorsqu’il est probable qu’un refus de se conformer à cette directive constitue une insubordination et puisse donner lieu à la prise de mesures disciplinaires à l’encontre de l’employé. À mon humble avis, la Commission, en exerçant sa compétence, respecte tant la lettre que l’esprit de la convention collective; ses actions n’étaient ni manifestement déraisonnables ni (en utilisant le test davantage axé sur l’interventionnisme) mal–fondées en droit. Le fait de prendre une décision autre constituerait une invitation à l’anarchie dans le lieu de travail.

[…]

[132]   Il semble qu’il soit également dans l’intérêt de l’employeur qu’une décision soit rendue relativement à ces griefs, de sorte qu’il puisse soit aller de l’avant avec l’évaluation de la condition physique des pompiers du MDN, soit trouver des solutions de rechange s’il est jugé que la norme s’avère être un facteur de discrimination et qu’elle ne constitue pas une EPJ.

[133]   La question n’a rien d’hypothétique pour les fonctionnaires s’estimant lésés. Ils ont tous deux participé à l’étude principale du GRE en 1994 et, en deux occasions, ils n’ont pu satisfaire à la norme. Certaines pièces de l’équipement utilisé de nos jours dans le cadre du parcours sont plus légères, mais les fonctionnaires s’estimant lésés ont maintenant 12 ans de plus, et il est peu probable qu’ils soient dorénavant en mesure de satisfaire à la norme de huit minutes. Les probabilités que les fonctionnaires s’estimant lésés échouent encore une fois sont plus grandes, étant donné que, lors de l’étude principale, aucune pompière ni aucun pompier des FC et du MDN âgés de 50 ans ou plus n’ont réussi à achever le parcours en huit minutes. Il existe également une certitude quant au fait que le pompier ou la pompière n’ayant pu satisfaire à la norme de huit après quelques tentatives perd son emploi. Compte tenu de l’importance de la législation sur les droits de la personne et de son statut quasi constitutionnel au Canada, il existe des motifs encore plus impératifs de ne pas assujettir les fonctionnaires s’estimant lésés à une norme de nature discriminatoire interdite en vertu de la loi.

[134]   Tels sont les motifs de la décision que j’ai rendue dans Barr et Flannery c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2004 CRTFP 24. Je conclus que les griefs dont je suis saisi ne sont pas prématurés et qu’un arbitre de grief nommé en vertu de l’article 93 de l’ancienne Loi dispose de la compétence voulue pour les entendre.

[135]   Enfin, dans Canada (Procureur général) c. Boutillier, [2000] 3 C.F. 27 (C.A.), la Cour d’appel fédérale a décidé qu’aux fins du paragraphe 91(1) de l’ancienne Loi, le processus de règlement des plaintes de la LCDP est un « [...] recours administratif de réparation [...] ». Dans la présente affaire, la CCDP a informé les fonctionnaires s’estimant lésés que leurs plaintes pour discrimination pourraient être traitées de manière plus appropriée par l’entremise du processus de règlement des griefs et d’un renvoi à l’arbitrage de grief, en vertu de l’ancienne Loi. Dans ces circonstances, je conclus qu’un arbitre de grief nommé en vertu de l’article 93 de l’ancienne Loi est habilité à entendre ces griefs selon lesquels il y aurait discrimination.

B.   Question principale

[136]   L’obligation d’achever le parcours en huit minutes représente–t–elle, à sa face même, une pratique discriminatoire à l’égard des pompières et des pompiers plus âgés? Dans l’affirmative, la norme constitue–t–elle une EPJ aux termes de la LCDP?

1.   Cadre législatif

[137]   En vertu de l’article 3 de la LCDP, la discrimination en fonction de l’âge et du sexe est interdite. Les articles 7 et 10 de la LCDP interdisent les pratiques discriminatoires dans le cadre d’un emploi, et ils se lisent comme suit :

[…]

  1. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

  1. de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

  2. de le défavoriser en cours d’emploi.

[…]

  1. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

  1. de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

  2. de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

[…]

[138]   Cependant, l’alinéa 15(1)a) de la LCDP stipule qu’une EPJ ne constitue pas une pratique discriminatoire. Pour qu’une EPJ soit considérée comme telle, il doit être établi que le fait de satisfaire aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées entraînerait pour l’employeur une contrainte excessive en ce qui a trait aux questions de santé, de sécurité et de coût. L’alinéa 15(1)a) et le paragraphe 15(2) de la LCDP indiquent ce qui suit :

[…]

15 (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

  1. les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées;

[…]

  1. Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l’alinéa (1)g), s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[…]

2.   Résumé de l’argumentation et analyse

  1. L’obligation d’achever le parcours en huit minutes représente–t–elle, à sa face même, une pratique discriminatoire à l’égard des pompières et des pompiers plus âgés?


[139]   Les fonctionnaires s’estimant lésés ont soumis que, dans le cadre de la présente affaire, tous les témoins experts s’entendaient pour dire que la norme de huit minutes avait des conséquences négatives pour les pompières et les pompiers plus âgés. Ils ont convenu qu’en moyenne, les femmes ont une capacité aérobie inférieure à celle des hommes, et que cette capacité diminue généralement avec l’âge – elle atteint son apogée chez les personnes âgées d’environ 30 ans et diminue ensuite à taux d’à peu près 10 % tous les dix ans. Tant M. Brown que la Dre Deakin ont mentionné que la force dans le haut du corps des femmes correspondait environ à 50 % de celle des hommes. En outre, les conséquences négatives de la norme de huit minutes pour les pompières et les pompiers plus âgés sont documentées dans le rapport du GRE lui–même (pièce 26, page 56). Avec une norme de huit minutes, 78 % des femmes échoueraient, de même que 100 % des hommes âgés de 50 ans et plus. L’étude du Dr Petersen (pièce 88(b), page 37) montre que les femmes doivent travailler à une intensité relativement plus élevée que celle des hommes pour achever le parcours en huit minutes.

[140]   L’employeur fait valoir que les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas montré qu’il y avait, à la face même, discrimination. Le test de condition physique des pompiers permet de distinguer les personnes qui sont en bonne condition physique de celles qui ne le sont pas. Il disqualifie les hommes en mauvaise condition physique au même titre que les femmes en mauvaise condition physique et les personnes plus âgées. Il s’agit d’un travail et de tâches physiques, et il faut que les pompiers soient dotés d’un certain niveau de condition physique pour pouvoir accomplir leurs fonctions. La preuve montre que les personnes plus âgées et les femmes sont capables de réussir le test d’évaluation du GRE en huit minutes. La différence entre les personnes qui réussissent et celles qui échouent tient à leur niveau de condition physique; par conséquent, le facteur de comparaison n’est ni l’âge ni le sexe, mais plutôt le niveau de condition physique, qui n’est pas un motif de discrimination.

[141]   L’employeur allègue que la question consiste à savoir si les pompières des FC et du MDN sont en bonne condition physique. La pièce 50 (page 6) montre que peu de pompières des FC et du MDN ont achevé le parcours en huit minutes ou moins. Cependant, lors de la sous-étude du GRE, un nombre considérable de femmes ont été en mesure de réaliser le parcours en huit minutes. Preuve a également été faite que les pompiers plus âgés peuvent achever le parcours en huit minutes ou moins. Le capitaine Hoffer était âgé de 52 ans au moment de son témoignage, et il avait réalisé le parcours en moins de huit minutes quelques mois auparavant. Dans l’étude du Dr Peterson, deux hommes âgés de 50 ans ont achevé le parcours en moins de huit minutes. Par conséquent, les pompières et les pompiers plus âgés peuvent s’entraîner et réaliser de meilleurs temps.

[142]   La Dre Deakin a mentionné que toute norme de nature physique serait plus difficile à atteindre pour les femmes et les pompiers plus âgés. Dans un article scientifique qu’elle a coécrit (pièce 96), elle a indiqué que l’imposition de toute norme de nature physique établit obligatoirement des barrières relativement aux postes physiquement exigeants et entraîne des conséquences négatives pour les femmes.

[143]   M. Brown a expliqué à l’audience, ainsi que dans son rapport d’expert (pièce 30, page 13 à 17), que le VO2 max moyen des femmes est inférieur d’environ 20 % à celui des hommes ayant le même âge et le même niveau d’activité. Cet écart en matière de capacité aérobie découle de différences biologiques; les hommes ont un cœur plus gros pouvant pomper plus de sang. Un plus grand pourcentage de la masse corporelle des hommes est constitué de muscles, et le pourcentage de masse adipeuse est plus faible chez les hommes que chez les femmes.

[144]   Dans son rapport, le Dr Petersen a noté (pièce 88(b), pages 86 et 87) que, en moyenne, la performance des femmes est inférieure à celle des hommes en ce qui a trait aux simulations de tâches ou aux tests de condition physique en rapport avec la lutte contre l’incendie. Il a expliqué que la majorité des pompières sont de plus petite taille et qu’elles ont une force et une capacité aérobie de niveau moins élevé que la plupart des pompiers. La recherche du Dr Petersen montre que, même si elles ont une capacité aérobie égale à celles des hommes, les femmes en bonne condition physique prendront plus de temps pour achever le parcours en raison de leur masse corporelle plus petite et de leur force moins grande. En outre, par rapport aux hommes, une moins grande proportion de la masse corporelle des femmes est constituée de muscles, et un plus haut pourcentage est constitué de masse adipeuse. Par conséquent, il apparaît clairement que les pompières, en tant que groupe, sont désavantagées par le fait d’avoir à achever le parcours en respectant la même norme que des hommes dans le même groupe d’âge.

[145]   Tous les témoins experts ont été d’accord pour dire que la capacité aérobie diminue avec l’âge, qu’il atteint son niveau le plus élevé quand les sujets ont environ 30 ans, et qu’il décline ensuite d’à peu près 10 % par décennie. La diminution en fonction de l’âge chez les pompiers est similaire à celle observée chez la population en général (pièce 31, onglet 14, page 339). La diminution du VO2 max peut être due en partie à une baisse des niveaux d’activité, mais elle découle également de maladies liées à l’âge et du processus de vieillissement en soi (pièce 30, page 10). En outre, avec l’âge, le pourcentage de masse adipeuse dans la masse corporelle augmente, alors que le pourcentage de muscles diminue. Bien que l’entraînement permet d’améliorer la condition physique et de contrebalancer certains des effets du vieillissement, une personne en bonne condition physique voit sa capacité aérobie diminuer à mesure qu’elle vieillit. Les maladies liées à l’âge et le processus de vieillissement contribuent également à la diminution de la capacité aérobie chez une personne qui prend de l’âge. Par conséquent, il est clair que les pompiers plus âgés sont désavantagés pour ce qui est de satisfaire à la norme de huit minutes.

[146]   L’achèvement du parcours en huit minutes semble constituer un test objectif de condition physique, à sa face même. Toutefois, les pompières et les pompiers plus âgés sont désavantagés pour ce qui est de respecter la norme, et celle–ci représente un facteur de discrimination à leur égard.

[147]   Par conséquent, je conclus que les fonctionnaires s’estimant lésés se sont acquittés du fardeau de la preuve et que l’obligation pour les pompiers d’achever le parcours en huit minutes constitue, à sa face même, une norme donnant lieu à une discrimination fondée sur l’âge et le sexe. Tout comme dans l’affaire Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU Meiorin »), [1999] 3 R.C.S. 3, la norme de huit minutes a des conséquences négatives disproportionnées pour les femmes en tant que groupe. De même, cette exigence a des conséquences disproportionnées pour les pompiers plus âgés.

b)   La norme constitue–t–elle une EPJ?

[148]   En 1999, la Cour suprême du Canada a rendu une décision clé, connue sous le nom de Meiorin. Dans cette décision, la Cour, au lieu de faire une distinction entre la discrimination directe et la discrimination indirecte, a adopté une approche unifiée pouvant s’appliquer à tous les cas. La Cour a jugé qu’une fois qu’il est établi qu’une norme dans un lieu de travail donne lieu, à sa face même, a de la discrimination, il incombe alors à l’employeur de montrer, selon la prépondérance des probabilités, que la norme discriminatoire constitue une EPJ. À cet égard, la Cour a élaboré les trois critères suivants :

[…]

  1. l'employeur a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l'exécution du travail en cause;

  2. l'employeur a adopté la norme en question en croyant sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;

  3. la norme est raisonnablement nécessaire pour assurer l'atteinte de l'objectif lié au travail. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut montrer qu'il est impossible de répondre aux besoins des employés qui ont les mêmes caractéristiques que le requérant sans que l'employeur subisse une contrainte excessive.

[149]   Dans l’affaire Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868, la Cour suprême du Canada a étendu l’application des critères énoncés dans l’affaire Meiorin à toutes les plaintes pour discrimination présentées en vertu de la législation sur les droits de la personne.

[150]   Les deux parties sont d’accord pour qu’on applique ces critères à la présente affaire. Comme il a été établi que l’achèvement du parcours en huit minutes constitue, à sa face même, une norme discriminatoire à l’encontre des pompières et des pompiers plus âgés, il incombe à l’employeur d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la norme représente une EPJ. L’employeur doit satisfaire aux trois critères énoncés dans l’affaire Meiorin.

1er critère : l'employeur a-t-il adopté la norme de huit minutes dans un but rationnellement lié à l'exécution du travail en cause?


[151]   Dans le cas du premier critère, l’accent doit être mis non pas sur la validité de l’achèvement du parcours en huit minutes en soi, mais sur la validité de l’objet général de la norme. Y a–t–il une corrélation rationnelle entre la lutte contre l’incendie et le fait de réaliser le parcours en huit minutes?

[152]   L’employeur a expliqué que la norme de huit minutes avait pour objet de garantir l’efficacité opérationnelle, et qu’elle visait à faire en sorte que les pompiers aient la condition physique requise pour accomplir leur travail. Par efficacité opérationnelle, on entend la capacité de s’acquitter de ses tâches de manière efficace et sécuritaire. Il s’agit de protéger les pompiers, le public et les biens. Il a été prouvé hors de tout doute que le poste de pompier est l’un des plus exigeants sur le plan physique et que les pompiers doivent être en bonne condition physique pour accomplir leur travail. Sans le niveau de condition physique requis, les pompiers ne peuvent s’acquitter de leurs fonctions et de leurs tâches et, par conséquent, l’efficacité opérationnelle s’en trouve compromise. Ce fait n’a pas été contesté par les fonctionnaires s’estimant lésés. Le but consistant à atteindre l’efficacité opérationnelle est rationnellement lié au rendement qu’offre le pompier quand il s’acquitte de ses tâches.

[153]   Par conséquent, je conclus que le premier critère a été satisfait. Il existe une corrélation rationnelle entre la norme de huit minutes et le travail devant être accompli.

2e critère : l'employeur a–t–il adopté la norme de huit minutes en croyant sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail ?


[154]   La preuve vient appuyer la position de l’employeur, qui soutient avoir adopté la norme de huit minutes en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire à l’atteinte de l’efficacité opérationnelle. Ce fait n’a jamais été remis en question par les fonctionnaires s’estimant lésés. Par conséquent, je conclus que le deuxième critère a été satisfait.

3e critère : la norme de huit minutes est–elle raisonnablement nécessaire pour assurer l'atteinte de cet objectif légitime lié au travail?


[155]   Dans le cas du troisième critère, il faut s’attarder à la norme elle–même. Pour qu’on puisse établir que le fait d’achever le parcours en huit minutes est raisonnablement nécessaire à l’atteinte de l’efficacité opérationnelle, l’employeur doit montrer qu’il lui est impossible de répondre aux besoins des pompières et des pompiers plus âgés sans subir une contrainte excessive. Comme dans l’affaire Meiorin, la question litigieuse consiste à savoir si l’employeur a montré que le fait de réaliser le parcours en huit minutes est raisonnablement nécessaire pour « [...] déceler les personnes en mesure d'exécuter de façon sûre et efficace les tâches de pompiers [...] ».

[156]   L’employeur allègue que le fait qu’un pompier soit présent à son lieu de travail n’implique pas nécessairement qu’il a la condition physique nécessaire pour accomplir les tâches essentielles liées à la lutte contre l’incendie. Bien qu’un pompier travaille en équipe de façon régulière, en situation d’incendie réel, il doit pouvoir s’acquitter de toutes les tâches en rapport avec ses fonctions et utiliser tout le matériel connexe. Par conséquent, il est justifié qu’on ait recours à une norme minimale en matière de condition physique qui soit indépendante de l’âge ou du sexe. L’employeur a fait appel à des spécialistes pour l’élaboration d’un test non discriminatoire.

[157]   L’employeur mentionne qu’il ne peut faire de compromis additionnels, parce que cela ferait courir un risque aux autres. D’autres compromis feraient en sorte de placer le pompier lui–même ou la pompière elle–même, ses collègues et le public en général en situation de risque. La norme de huit minutes aide à faire en sorte que les pompiers du MDN aient le niveau de condition physique requis pour s’acquitter de leurs tâches de façon sécuritaire lors d’incendies réels. Dans le cadre du parcours, une personne peut compter sur d’autres aptitudes qu’elle possède, telles que des techniques, sa force et son agilité pour contrebalancer son niveau de condition physique.

[158]   L’employeur allègue que la méthodologie utilisée par le GRE est valable. Les pompières des FC et du MDN ont participé dans une proportion de 87,5 % à l’étude principale. En outre, 17 pompières municipales ont été recrutées pour l’étude principale. Les femmes représentent 10,6 % du groupe total ayant été évalué.

[159]   L’employeur a expliqué que l’objectif de performance ne consistait pas à avoir un VO2 max de 44 ml, mais plutôt de réaliser le parcours en huit minutes, et qu’une personne pouvait améliorer sa performance en s’entraînant, en acquérant de meilleures techniques et en apprenant à mieux connaître le parcours. Un autre facteur dont on a tenu compte en concevant le parcours est que les participants devaient pouvoir réaliser celui–ci en utilisant une seule bombonne à air. Comme l’a mentionné le Dr Petersen, une bombonne à air ne dure généralement pas plus de dix minutes. La norme de huit minutes favorise la vitesse d’intervention nécessaire dans les situations d’incendie réel, lors desquelles les pompiers doivent rapidement prendre des mesures importantes.

[160]   À la demande de l’employeur, le Dr Petersen a procédé à une étude afin de déterminer si le VO2 associé à la norme de huit minutes était différent pour les hommes et les femmes. Les résultats ont montré que les hommes et les femmes ayant satisfait à la norme de huit minutes affichaient un VO2 comparable. Il a également conçu un scénario de sauvetage qui a montré que, en ce qui a trait aux tâches relatives à la lutte contre l’incendie, la demande en matière de capacité aérobie était similaire pour les hommes et les femmes. Le Dr Petersen a mentionné que les pompiers plus âgés étaient en mesure de maintenir un bon niveau de condition physique leur permettant d’accomplir leurs tâches et de satisfaire à la norme de huit minutes.

[161]   Les fonctionnaires s’estimant lésés allèguent que la méthodologie utilisée dans le cadre des recherches comportait des lacunes importantes, à savoir : le nombre de sujets de sexe féminin et de sujets plus âgés dans l’échantillon était insuffisant; il n’était pas approprié de combiner les données recueillies auprès de services différents; la totalité des participants à l’étude pilote du GRE étaient de sexe masculin; on n’a procédé à aucune analyse de la corrélation entre les sujets n’ayant pu achever le parcours et leur sexe ou leur âge; l’étude principale a eu recours à des participants s’étant portés volontaires, et cela a créé un biais de sélection, car la probabilité que des personnes ayant un niveau de condition physique moins élevé souhaitent participer à l’étude était moindre; le parcours ne rend pas compte du fait que les pompiers travaillent en équipe; l’utilisation du VO2 max prédit dans l’étude principale a donné lieu à une sous–estimation de la capacité aérobie des femmes, tout en entraînant une surestimation de celle des personnes ayant un surplus de poids.

[162]   Les fonctionnaires s’estimant lésés avancent que les motifs de l’établissement de la norme de huit minutes étaient sans fondement, et que la norme avait donc été choisie de façon arbitraire. Dans son rapport, le GRE explique que la norme de huit minutes a été déterminée en utilisant le temps d’achèvement du parcours qui correspondait au VO2 max que l’on jugeait, dans la documentation scientifique, comme celui qui était adéquat pour accomplir des tâches associées à la lutte contre l’incendie. Le VO2 max minimal mentionné allait de 35 ml à 45 ml. Cependant, la norme de huit minutes correspond à un VO2 max de 44 ml. La Dre Deakin a mentionné qu’il y avait une erreur de typographie dans le rapport, et qu’on devrait y lire « de 39 ml à 45 ml ». Les fonctionnaires s’estimant lésés mettent en doute la véracité de l’affirmation de la Dre Deakin à ce sujet.

[163]   Les fonctionnaires s’estimant lésés expliquent que, pour établir la norme de huit minutes, le GRE s’est également attardé au nombre de personnes n’arrivant pas à achever le parcours en des temps de 8 minutes, de 8 minutes 15 secondes et de 8 minutes 30 secondes. Les fonctionnaires s’estimant lésés soutiennent qu’un tel test normatif va à l’encontre des critères mentionnés dans Meiorin. Le GRE a simplement amalgamé les résultats réalisés par les hommes et les femmes dans l’étude principale pour établir une norme. Le temps moyen pris par les hommes pour achever le parcours était de 7 minutes 30 secondes. Toutefois, les sujets étaient composés d’hommes dans une proportion de 90 %. Les femmes ont pris en moyenne un temps de 9 minutes 57 secondes pour achever le parcours, mais elles ne constituaient que 10 % de la population des sujets.

[164]   Les fonctionnaires s’estimant lésés insistent sur le fait qu’aucune preuve n’a été présentée pour appuyer l’opinion selon laquelle le temps moyen pris pour achever le parcours constitue une exigence minimale appropriée permettant de s’assurer qu’un pompier s’acquitte de ses tâches de façon sécuritaire et efficace.

[165]   Les fonctionnaires s’estimant lésés allèguent également que la nouvelle recherche du Dr Petersen ne permet pas de valider la norme de huit minutes. L’étude du Dr Petersen visait à mesurer le VO2 associé au fait d’achever le parcours en huit minutes et elle n’autorise pas la validation ou l’établissement d’une nouvelle norme. Le Dr Petersen a mentionné qu’il n’est pas approprié d’établir une norme en se fondant sur des valeurs de VO2 max. Il n’a pas fourni aux fonctionnaires s’estimant lésés les données concernant le VO2 et le rythme cardiaque relativement au parcours du GRE. Le fait de posséder ces données aurait permis de procéder à une comparaison entre les sujets de sexe masculin et les sujets de sexe féminin, comme l’a fait M. Brown dans le cas du rapport du GRE. En outre, le Dr Petersen a perdu la moitié des données relatives aux sujets ayant réalisé ses scénarios de sauvetage, et il n’a fourni aucune donnée brute concernant le VO2 de ces sujets.

[166]   Les scénarios du Dr Petersen étaient plus longs et d’une intensité moindre que le parcours du GRE. En moyenne, les hommes achevaient les scénarios en 10,87 minutes, et les femmes, en 13,71 minutes. Or, bien qu’il fallait plus de temps aux femmes, les spécialistes du domaine se sont dits entièrement satisfaits quant au fait que le travail avait été accompli à un rythme acceptable, en tenant compte à la fois de la sécurité et de la performance. Les fonctionnaires s’estimant lésés font valoir que la preuve soumise par le Dr Petersen n’appuie en rien la conclusion selon laquelle la norme de huit minutes constitue une EPJ.

[167]   Afin de déterminer si la norme de huit minutes constitue une EPJ, j’ai examiné la preuve à la lumière de quelques importantes questions qui figurent dans la décision Meiorin et qu’il convient de se poser dans le cadre de la présente affaire.

a)   L'employeur a-t-il examiné la possibilité de recourir à des méthodes n'ayant pas d'effet discriminatoire, comme l'évaluation des personnes en fonction d’une norme tenant mieux compte des différences individuelles?

[168]   L’employeur n’a pas examiné la possibilité de recourir à des méthodes de rechange, comme l'évaluation des personnes en fonction d’une norme tenant mieux compte des différences individuelles. Une seule approche a été étudiée, et ce, en vue d’élaborer une norme unique. Dans ses observations écrites, au paragraphe 137, l’employeur a expliqué que des employés avaient exprimé leur désaccord à l’égard du test d’évaluation découlant du test de Cooper, qui comportait des normes différentes en fonction de l’âge et du sexe. Parallèlement, la Dre Deakin a fait valoir que, lorsqu’elle a rencontré le groupe d’experts formé d’instructeurs de l’E Pomp FC, on lui a dit que les exigences professionnelles étaient les mêmes pour tous et qu’il ne devrait pas y avoir de normes différentes dépendant de l’âge et du sexe. Dans le procès-verbal de la réunion du 7 septembre 1995 du GRE (pièce 103, page 2), il est mentionné que l’employeur avait demandé au GRE [traduction] « d’établir une note de passage unique, sans égard au sexe, à l’âge, au service et au niveau de condition physique ».

b)   Est-il nécessaire que tous les employés répondent à une norme unique pour que l'employeur puisse atteindre son objectif légitime? N'est-il pas possible d'établir des normes qui prennent en compte les différences et les aptitudes des groupes ou des personnes?

[169]   Le test d’évaluation découlant du test de Cooper utilisé par l’employeur comportait différentes normes relatives à la condition physique en fonction de l’âge et du sexe. On a renoncé à faire passer ce test d’évaluation en raison de la course de 2,4 km, qui présentait un risque pour la santé, mais rien ne prouve que le fait de disposer de normes différentes causait de quelconques problèmes à l’employeur pour ce qui était d’atteindre son objectif légitime lié au travail, soit assurer la sécurité et l’efficacité opérationnelle.

[170]   Lors de la réunion du 26 septembre 1995 du GRE (pièce 103), on a discuté du fait que, pour ce qui est d’établir une note de passage, l’utilisation du temps moyen réalisé par chaque groupe pourrait constituer une méthode valable. Malheureusement, l’établissement de différentes normes prenant en compte les différences entre les groupes d’âge et les sexes ne faisait pas partie du mandat confié au GRE. Ainsi que la Dre Deakin l’a mentionné, le groupe d’experts a dit au GRE qu’il ne devrait y avoir qu’une seule norme et qu’on lui demandait d’établir une note de passage unique.

[171]   Le fait que certains pompiers aient exprimé leur désaccord à l’égard des normes différentes accompagnant le test d’évaluation découlant du test de Cooper n’est pas pertinent et ne justifie pas la prise de mesures discriminatoires à l’encontre des pompières et des pompiers plus âgés. Dans la décision Meiorin, au paragraphe 81, la Cour suprême du Canada explique clairement que l’établissement de normes pour différents groupes ne constitue pas une discrimination à rebours à l’encontre des hommes. Pour achever les scénarios de sauvetage de victimes d’incendie du Dr Petersen, les femmes ont pris en moyenne 2,43 minutes de plus que les hommes. Or, cette performance a été jugée satisfaisante par des spécialistes de la lutte contre l’incendie. Ces femmes ont maintenu un rythme de travail conforme au travail de lutte contre l’incendie. Cela indique qu’on pourrait élaborer des normes différentes en matière de capacité aérobie permettant de s’assurer que les pompières et les pompiers plus âgés s’acquittent de façon sécuritaire et efficace des différentes tâches incombant aux pompiers. Tout bien considéré, l’employeur n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’élaboration de normes différentes ferait en sorte de lui imposer une contrainte excessive au chapitre de la sécurité et des coûts.

c)   Est-il possible d'effectuer le travail d'une façon moins discriminatoire tout en satisfaisant à l'objectif légitime de l'employeur?

[172]   Pour les personnes dotées d’une plus petite stature et d’une masse corporelle moindre, l’une des grandes difficultés liées au travail a trait au poids de l’équipement de protection et aux outils utilisés pour combattre les incendies. Les vêtements de protection ont été améliorés dans une certaine mesure – ils sont maintenant faits de nylon et sont plus légers. On a quelque peu modifié le camion–pompe, en abaissant la hauteur du matériel fixé au camion pour que les pompiers de moins grande taille puissent l’utiliser. Selon la preuve présentée, l’employeur n’a pas examiné et apporté d’autres améliorations à l’équipement de protection et aux outils utilisés pour combattre les incendies en vue de diminuer les exigences du travail sur le plan physique.

[173]   M. Barr a mentionné qu’au moment de répartir le travail, il aurait tendance à confier les tâches de sauvetage aux pompiers plus agiles ou plus jeunes de sa section. Il a mentionné qu’il disposait d’une marge de manœuvre pour ce qui est d’assigner les tâches lorsqu’il arrivait sur les lieux d’un incendie. Par conséquent, il semblerait qu’une section puisse être formée de personnes diversifiées sans pour autant compromettre l’efficacité et la sécurité opérationnelle.

[174]   Lorsqu’il s’agit d’entraînement, il peut être préférable de voir à ce qu’il y ait une rotation dans l’affectation des tâches. Cependant, un chef de section dispose de la marge de manœuvre voulue pour modifier l’affectation des tâches en situation d’incendie réel, en fonction de la nature de la situation d’urgence et des points forts de chacun des membres de la section.

[175]   On pourrait envisager d’adopter une approche consistant à affecter de façon permanente les tâches principales, au lieu d’utiliser une norme unique ou différentes normes pour chaque catégorie d’âge, groupe ou sexe. On confierait les tâches nécessitant une plus grande force et une plus grande capacité aérobie aux pompiers plus forts et dotés d’une meilleure condition physique.

[176]   M. Brown a mentionné une approche similaire dans son rapport d’expert (pièce 30, page 24). Dans une étude réalisée par Romet et From, ceux–ci concluent qu’au lieu d’établir des normes minimales pour les pompiers, on pourrait confier les tâches les plus exigeantes, comme les entrées forcées et le sauvetage des victimes, aux personnes dotées d’une meilleure condition physique. L’employeur n’a pas montré qu’une telle approche constituerait pour lui une contrainte excessive sur le plan de la sécurité et des coûts.

d)   La norme garantit-elle la compétence souhaitée sans imposer une contrainte excessive à ceux auxquels elle s'applique?

[177]   J’ai examiné la preuve et j’ai constaté que la méthodologie et les conclusions de l’étude principale du GRE comportaient des lacunes importantes. Plus particulièrement, il n’a pas été montré que le fait d’achever le parcours en huit minutes était raisonnablement nécessaire à l’exécution sécuritaire et efficace des fonctions de pompier.

[178]   Le GRE a élaboré une norme unique fondée sur la performance réalisée par les pompiers des FC et du MDN sur le parcours (pièce 26, page 44). Les données sur les pompiers ayant achevé le parcours ont été compilées dans le cadre de l’étude principale. Les cinq pompières du MDN ont participé, ainsi que deux des pompières des FC. Elles ne représentaient que 3 % de l’échantillon total ayant servi à établir la norme. Le GRE a reconnu qu’il s’agissait là d’un problème et a fait appel à des pompières municipales afin d’accroître le nombre de femmes dans l’échantillon. Dans le cadre de cette approche, on tenait pour acquis qu’il n’y avait aucune différence au niveau de la condition physique requise ou en matière d’exigences professionnelles entre les pompières des FC et du MDN et les pompières municipales. Cette hypothèse n’a pas été validée. Au contraire, la preuve d’expert a montré que les exigences professionnelles ne sont pas aussi élevées pour les pompiers des FC et du MDN, car les immeubles où ils sont appelés à servir sont hauts d’au plus trois étages. Les pompiers municipaux peuvent avoir à monter les escaliers d’immeubles de grande hauteur.

[179]   Aucune des pompières des FC et du MDN n’a achevé le parcours en huit minutes ou moins (pièce 26, page 51). Même en incluant les pompières municipales, 78 % des pompières n’ont pu réaliser le parcours en huit minutes.

[180]   Dans le cadre de l’étude principale, l’échantillon à partir duquel les données ont été compilées ne comptait que six pompiers âgés de 50 à 59 ans. Cependant, aux dates où a eu lieu l’audience, 30 % des pompiers du MDN avaient plus de 50 ans. Aucun des six pompiers âgés de 50 à 59 ans n’a réussi à achever le parcours en huit minutes. Environ la moitié des pompiers âgés de 40 à 49 ans (pièce 25, tableau 12, page 51) n’ont pas été en mesure de réaliser le parcours en huit minutes.

[181]   Selon Meiorin, les normes dans les lieux de travail doivent être conçues de manière à tenir compte de tous les membres de la société, dans la mesure de ce qui est raisonnablement possible. Les normes doivent prendre en compte les différences individuelles et les différences caractérisant les groupes de personnes. Autrement, de telles normes donnent lieu à de la discrimination en vertu de la LCDP et elles ne doivent pas être utilisées. Aucune des pompières et aucun des pompiers âgés de 50 à 59 ans des FC et du MDN n’ont pu satisfaire à la norme de huit minutes. Tel qu’il est mentionné dans Meiorin, il revient à l’employeur de prouver que, en tâchant d’atteindre son objectif légitime, il lui est impossible de répondre aux besoins propres d’une personne ou d’un groupe sans subir une contrainte excessive. L’employeur n’a pas été en mesure de montrer qu’il aurait subi une telle contrainte si différentes normes avaient été utilisées pour répondre aux besoins des deux groupes susmentionnés.

[182]   Le GRE a conclu que les pompières des FC et du MDN ainsi que les pompières municipales ayant participé à l’étude principale n’étaient pas en bonne condition physique, parce que leur VO2 max était inférieur à celui que la documentation scientifique mentionnait en tant que minimum requis. Cependant, le Dr Petersen a indiqué que, selon le rapport du GRE, les sujets utilisés dans la recherche de référence étaient tous masculins. Compte tenu de ce fait, on a procédé à une sous–étude portant sur les femmes; aucune sous–étude portant sur les pompiers plus âgés n’a eu lieu. La sous–étude concernant les femmes visait à déterminer si des sujets féminins dotés d’une bonne condition physique pouvaient réaliser le parcours en huit minutes. Les femmes ayant participé à la sous–étude ont toutes achevé le parcours en huit minutes ou moins. Toutefois, comme M. Brown l’a indiqué dans son témoignage, certaines de ces femmes étaient des athlètes de haut niveau, et leur VO2 max se situait entre 38,3 ml et 52 ml. Elles étaient dotées d’une grande force physique et pouvaient soulever entre 40 et 102 kilos au développé couché. Une femme a été en mesure de soulever 442,65 kilos au développé des jambes.

[183]   À partir de cela, le GRE en est rapidement venu à la conclusion qu’il fallait établir la norme en se basant sur la performance des pompiers des FC et du MDN participant à l’étude. Toutefois, ce ne fut pas le cas en ce qui concerne les pompières des FC et du MDN, car aucune n’est parvenue à satisfaire à la norme de huit minutes. On a alors décidé d’inclure à l’étude principale des pompières municipales, qui devraient également satisfaire à la norme. Les sujets ayant participé à la sous–étude sur les femmes n’étaient pas des pompières, et je ne crois pas que les résultats qu’elles ont obtenus permettent de valider la norme de huit minutes imposée aux pompières des FC et du MDN. Tout bien considéré, cette sous–étude n’évalue pas la question des mesures d’adaptation pour les pompières des FC et du MDN. Parallèlement, la question des mesures d’adaptation pour les pompiers plus âgés n’a pas fait non plus l’objet d’une évaluation.

[184]   On ne m’a présenté aucune preuve attestant que le fait de réaliser le parcours en huit minutes représente le niveau de condition physique requis pour pouvoir exécuter de façon sécuritaire et efficace le travail de pompier. Le GRE a déterminé la norme en se basant sur un examen de la documentation scientifique, dans laquelle il était mentionné qu’il fallait un VO2 max minimal allant de 35 ml à 45 ml pour accomplir les tâches. Le temps moyen de huit minutes pris pour achever le parcours a été associé à un VO2 max de 44 ml, et la Dre Deakin a expliqué qu’il s’était glissé une erreur de typographie dans le rapport du GRE et que le VO2 max recommandé se situait en fait entre 39 ml et 45 ml.

[185]   Dans son rapport (pièce 88(b), page 13), le Dr Petersen a mentionné que, selon de nouvelles études effectuées depuis l’élaboration du parcours du GRE, le VO2 max minimum recommandé pour les pompiers se situait entre 33,5 ml et 45 ml. M. Brown a examiné la documentation scientifique et a constaté qu’on y mentionnait un VO2 max pour les pompiers allant d’environ 26 ml à presque 56 ml. Dans de nombreuses études, le VO2 max était prédit et n’était pas mesuré directement, ce qui ajoutait une variabilité considérable. M. Brown a fait remarquer que, dans certaines études, le VO2 max moyen des pompiers était censé représenter le VO2 max minimum requis pour accomplir le travail, ce qui constitue une erreur.

[186]   Un VO2 max de 44 ml associé à l’achèvement du parcours en huit minutes correspond à la limite supérieure de l’étendue du VO2 max mentionné dans le rapport du GRE. En outre, l’étendue plus grande du VO2 max indiquée par M. Brown et par le Dr Petersen prouve qu’un VO2 max de 44 ml ne représente pas la capacité aérobie minimale requise pour exécuter de façon sécuritaire et efficace les fonctions de pompier.

[187]   Le rapport du GRE ne rend pas compte de tous les éléments ayant fait l’objet d’une discussion quant à l’établissement de la norme de huit minutes. La Dre Deakin a expliqué que le GRE avait examiné le temps moyen pris pour réaliser le parcours et les caractéristiques des participants, et qu’il avait arrondi le temps à huit minutes. Dans le procès-verbal de la réunion des 15 et 16 février 1996 du GRE (pièce 102), la Dre Deakin a mentionné que le GRE ne pourrait concevoir un test plus facile ou perçu comme étant plus facile que celui qui était déjà en usage (c.–à–d. la course de 2,4 km). On peut ensuite lire dans le procès-verbal de la réunion du GRE qu’un temps de 550 secondes (9 minutes 10 secondes) ne serait pas suffisamment exigeant, car la plupart des hommes âgés de 30 à 39 ans réussiraient le test d’évaluation et la moitié des hommes âgés de 40 à 49 ans ne le réussiraient pas. Avec un temps de 8 minutes 30 secondes, entre 25 % et 35 % des hommes âgés de 40 à 49 ans échoueraient au test d’évaluation.

[188]   Par conséquent, la norme de huit minutes ne correspondait pas à la capacité aérobie minimale requise pour exécuter de manière sécuritaire et efficace le travail de pompier, et d’autres considérations étaient en jeu. Ce qu’a fait le GRE, c’est de regrouper toutes les données et de prendre le temps moyen d’achèvement du parcours (7 minutes 46 secondes) lors de l’étude principale, dans laquelle les hommes jeunes étaient surreprésentés, puis d’arrondir ce temps à huit minutes. Dans le cas présent, le problème n’est pas lié aux pompières et aux pompiers plus âgés, mais relève de l’utilisation d’une norme élaborée en fonction d’hommes jeunes, alors qu’il aurait fallu analyser le travail de manière impartial et juste en fonction du sexe et de l’âge.

[189]   La norme de huit minutes ne représente pas le VO2 max ou le niveau de condition physique requis pour accomplir le travail. Il s’agit plutôt d’une note de passage qu’a choisie le GRE parce qu’elle était exigeante et ne serait pas perçue comme étant trop facile à obtenir. Le GRE aurait pu établir différentes notes de passage pour les hommes et les femmes selon les groupes d’âge. Différentes normes pourraient s’avérer exigeantes pour chaque sexe et chaque groupe d’âge, tout en permettant de vérifier que les sujets ont le niveau de condition physique nécessaire pour exécuter le travail de façon sécuritaire.

[190]   On n’a pas étudié la possibilité de répondre aux besoins des pompières et des pompiers plus âgés en considérant la norme en soi. On a allégué que l’employeur ne pouvait d’aucune façon adopter la norme, parce que cela nuirait à la sécurité des autres personnes. Cependant, dans les scénarios de sauvetage en situation d’incendie conçus par le Dr Petersen, les spécialistes du domaine des FC ont jugé acceptable le fait que les femmes aient pris presque trois minutes de plus que les hommes pour accomplir le test. Le test de condition physique des pompiers qu’utilisait précédemment l’employeur comportait différentes normes, et rien ne prouve que cela ait donné lieu à un accroissement du risque pour la sécurité des pompiers ou du public. L’employeur n’a pas été en mesure d’établir qu’il subirait une contrainte excessive en répondant aux besoins des pompières et des pompiers plus âgés. Par conséquent, je conclus que la norme de huit minutes ne constitue pas une EPJ.

3.   Recherche d’un compromis futur concernant l’évaluation de la condition physique des pompiers

[191]   Étant donné que j’ai conclu que la norme de huit minutes ne constituait pas une EPJ, les parties doivent maintenant essayer de voir ce qu’il conviendra de faire et de déterminer comment on doit s’y prendre pour évaluer la condition physique des pompiers tout en tenant compte des différences. Comme il a été mentionné dans Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970, la tâche consistant à déterminer la façon de s’adapter en fonction des différences individuelles incombe également à l’agent négociateur.

[192]   Aucune preuve n’est venue établir que l’agent négociateur a été consulté relativement à l’élaboration de la norme de huit minutes ou à la recherche d’une possible solution pour adapter la norme elle–même. Cependant, des discussions avec l’UEDN ont amené l’employeur à retarder la mise en œuvre de la norme. Néanmoins, ces mesures n’ont pas eu pour effet d’entraîner une plus grande acceptation de la norme par les employés membres de l’unité de négociation. À ce jour, de nombreux employés refusent de prendre part au test d’évaluation. Il faudrait tenter d’élaborer conjointement une norme et des mesures d’adaptation aux besoins, car cela pourrait faire en sorte qu’on en arrive à l’obtention d’une norme acceptable.

[193]   Je crois comprendre que l’employeur s’inquiète du fait que des pompiers titulaires puissent ne pas avoir le niveau minimal de condition physique requis pour effectuer les tâches reliées à la lutte contre l’incendie. Sans test d’évaluation, de telles lacunes pourraient passer inaperçues et entraîner un risque pour la sécurité des autres pompiers et du public. Je comprends l’importance qu’accorde l’agent négociateur à la sécurité d’emploi de ses membres, mais il est également dans son intérêt que la sécurité physique de ses membres ainsi que celle du public en général soient assurées. Je suis donc d’avis que tous auraient avantage à discuter de la manière dont il faudrait s’y prendre pour évaluer la condition physique des pompiers d’une façon qui ne donne lieu à aucune discrimination. Dans le cadre de ces discussions, il serait important que l’agent négociateur et l’employeur étudient des options permettant de traiter les cas où un pompier n’a plus la condition physique requise pour accomplir ses tâches.

[194]   À l’origine, les pompiers ont réagi de façon positive au parcours quand celui–ci a été introduit. Ils considéraient que le parcours représentait bien les tâches réelles associées à la lutte contre l’incendie. Je crois que, si on l’adaptait en vue de répondre aux besoins des pompières et des pompiers plus âgés, le parcours pourrait être utilisé afin d’évaluer la capacité physique à accomplir le travail. Qui plus est, le fait de réaliser le parcours de façon régulière pourrait aider à sensibiliser davantage les pompiers à l’égard de leur propre niveau de condition physique. Les scénarios de sauvetage en situation d’incendie du Dr Petersen peuvent s’avérer utiles, car ils font intervenir le travail d’équipe et ne font pas en sorte d’établir une norme unique. Ces scénarios permettent plutôt d’évaluer si le rythme de travail est acceptable, tout en autorisant les pompières et possiblement les pompiers plus âgés à prendre plus de temps pour les réaliser.

[195]   L’employeur a élaboré certaines solutions de rechange, telles que la réorientation de carrière et la retraite anticipée, pour les personnes ne pouvant satisfaire à la norme. Il faudrait que ces solutions fassent l’objet de discussions approfondies avec l’agent négociateur, car elles pourraient, dans une certaine mesure, favoriser l’auto–identification chez les personnes ayant l’impression qu’elles n’ont plus la condition physique requise pour accomplir le travail.

[196]   Le processus de règlement des griefs et de renvoi à l’arbitrage de grief s’est avéré long, et il n’a pas généré de solutions créatives pour ce qui est d’améliorer la sécurité des pompiers et du public. Il ne s’agit pas d’une tâche facile, mais il est dans l’intérêt de tous que l’agent négociateur et l’employeur s’assoient à une même table et veillent à régler ensemble les problèmes. Au besoin, la Commission des relations de travail dans la fonction publique peut offrir aux parties des services de médiation pour les aider à trouver ces solutions.

4.   Portée de l’examen

[197]   Dans leurs observations, les fonctionnaires s’estimant lésés ont demandé que l’ordonnance, si elle est accordée, s’étende à tous les pompiers ayant fait l’objet de mesures relatives à la carrière ou de mesures disciplinaires pour avoir refusé de prendre part au test d’évaluation ou pour n’avoir pas pu achever le parcours du GRE en huit minutes.

[198]   La présente décision devrait avoir une incidence sur les griefs que les parties ont accepté de mettre en suspens. Cependant, il peut y avoir d’autres facteurs à prendre en considération relativement à ces griefs ou aux mesures relatives à la carrière. L’employeur devrait examiner ces griefs ou ces mesures à la lumière de la présente décision, afin d’éviter les litiges inutiles.

[199]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V.   Ordonnance

[200]   Je déclare qu’un arbitre de grief nommé en vertu de l’article 93 de l’ancienne Loi a la compétence voulue pour entendre ces griefs alléguant qu’il y a discrimination.

[201]   Je déclare que les fonctionnaires s’estimant lésés se sont acquittés du fardeau de persuasion et que l’obligation pour les pompiers de réaliser en huit minutes le parcours du Programme de condition physique constitue, à sa face même, une norme donnant lieu à une discrimination fondée sur l’âge et le sexe.

[202]   Je déclare que l’employeur a adopté la norme de huit minutes à une fin rationnelle liée à la lutte contre l’incendie.

[203]   Je déclare que l’employeur a adopté la norme de huit minutes en croyant honnêtement et de bonne foi qu’elle s’avérait nécessaire à l’atteinte de l’efficacité opérationnelle.

[204]   Je déclare que la norme de huit minutes ne constitue pas une EPJ.

[205]   Les griefs sont accueillis.

[206]   L’employeur doit immédiatement cesser d’utiliser la norme de huit minutes en tant que condition d’emploi pour les pompiers du MDN.

Le 7 juillet 2006.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Guy Giguère,
arbitre de grief

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