Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a affirmé que, de par sa nature, un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir. Il a fait valoir que le processus non annoncé a été mené en secret. Selon lui, l’utilisation de listes d’amissibilité antérieures libérait le gestionnaire de son obligation de s’assurer que la personne nommée possédait les qualifications essentielles. L’intimé a soutenu que la LEFP prévoit l’utilisation d’un processus non annoncé et ne fait pas de préférence entre les processus annoncé et non annoncé. Il a ajouté que le fait que la candidate retenue était en tête de liste pour un poste identique constituait un facteur pris en compte dans son évaluation mais pas le seul. La candidate reçue avait été évaluée en fonction des critères de mérite et jugée qualifiée. Décision : Le plaignant devait prouver que la décision d’opter pour un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir. Le Tribunal a jugé que le plaignant n'avait pas démontré qu'il y avait eu abus de pouvoir dans le choix du processus et il n’y avait aucune preuve que le processus ait été mené en secret. L’intimé avait choisi des méthodes d’évaluation appropriées pour s’assurer que la candidate reçue possédait les qualifications essentielles. La justification écrite expliquait les raisons de la nomination de la candidate retenue. La décision avait été prise après un examen approfondi des exigences du poste ainsi que des qualifications et de l’expérience de la personne nommée. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2006-0028
Rendue à:
Ottawa, le 6 décembre 2006

LLOYD ROBBINS
Plaignant
ET
L'ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DE SERVICE CANADA, AU SEIN DU MINISTÈRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir aux termes de l'alinéa 77(1)(a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La demande est rejetée
Décision rendue par:
Sonia Gaal, vice-présidente
Décision rendue en:
Anglais
Répertoriée:
Robbins c. l'Administrateur général de Service Canada et al.
Référence neutre:
2006 TDFP 0017

Motifs de décision

Contexte

1 M. Lloyd Robbins a porté plainte le 8 mai 2006 auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la LEFP), L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13. Le plaignant allègue qu'il y a eu « apparence d'abus de procédure ou abus de procédure » dans le processus de sélection interne non annoncé (numéro 2006‑CSD‑INA‑ONT-INS-B-SC-46) visant à doter le poste de conseiller régional en assurance, PM-04, à Toronto, au ministère des Ressources humaines et du Développement social – Service Canada (l'intimé).

2 En conformité avec le paragraphe 99(3) de la LEFP, le Tribunal a statué sur la plainte sans tenir d'audience. La décision est rendue sur la foi des observations des parties, qui ont été examinées en détail et qui sont résumées ci‑après.

Faits

3 En décembre 2005, le gestionnaire de l'Allocation et des appels (approbation), M. Rick Cathrae, a préparé et présenté une analyse de rentabilisation au Comité de gestion des ressources humaines (le CGRH) dans le but de nommer Mme Angela Coyle au poste de PM-04 à Toronto. Le CGRH se compose du sous-ministre adjoint, du directeur des Ressources humaines et de représentants de la haute direction.

4 Le 25 mai 2005, Mme Coyle a été jugée qualifiée pour occuper un poste de PM-04 à Belleville, en Ontario, poste identique à celui qui constitue l'objet de la plainte, et son nom a été inscrit sur une liste d'admissibilité. La liste était valide jusqu'au 25 mai 2006.

5 Mme Coyle s'est classée première sur la liste d'admissibilité. Toutefois, elle n'a pu se voir offrir le poste visé, celui-ci ayant été transféré à Toronto.

6 Le CGRH a approuvé la nomination au poste de PM-04 le 21 décembre 2005 et a annoncé que le processus serait lancé après l'entrée en vigueur de la LEFP.

7 L'énoncé des critères de mérite relatif au poste a été rédigé en mars 2006 par M. Cathrae et Mme Pat Walcott, directrice générale, Assurance. Mme Walcott est membre du CGRH et gestionnaire subdélégataire du pouvoir de procéder à la nomination.

8 Après avoir évalué Mme Coyle, M. Cathrae l'a jugée qualifiée pour occuper le poste visé. M. Cathrae était le gestionnaire de Mme Coyle depuis octobre 2005. Même s'il n'était pas membre du comité d'évaluation original qui a jugé l'intéressée qualifiée pour occuper le poste de PM-04, M. Cathrae estimait que le comité qui avait évalué Mme Coyle à l'origine et qui avait inscrit son nom sur une liste d'admissibilité pour un poste de PM-04, avait utilisé des outils qui étaient toujours pertinents pour le poste en l'espèce, soit l'évaluation des connaissances, des capacités et des qualités personnelles. De plus, comme il était son gestionnaire, il était en mesure d'évaluer et d'observer ses compétences, et il était satisfait de son rendement sur le plan du leadership. M. Cathrae a également tenu compte des discussions détaillées qu'il a eues avec le président du comité d'évaluation original de même qu'avec le gestionnaire de Mme Coyle avant octobre 2005.

9 M. Cathrae et Mme Walcott ont approuvé l'exposé justificatif concernant l'utilisation d'un processus non annoncé. Mme Walcott a également approuvé la nomination de Mme Coyle.

10 Le 29 avril 2006, une notification de candidature retenue a été affichée, selon laquelle la candidature de Mme Angela Coyle était considérée pour un poste de conseiller régional en assurance, de niveau PM-04, pour une durée indéterminée.

11 La notification de nomination de Mme Coyle a été affichée le 2 juin 2006.

12 Le 5 juin 2006, Mme Coyle a été nommée au poste visé.

Questions en litige

13 Le tribunal doit trancher les questions suivantes:

  1. Y a-t-il eu abus de pouvoir dans le choix d'un processus non annoncé?
  2. Y a-t-il eu abus de pouvoir dans la sélection de Mme Coyle?
  3. Le Tribunal peut-il ordonner à l'administrateur général (l'intimé) de procéder à la nomination du plaignant au poste visé?

Observations

A) Position du plaignant

14 Le plaignant présente deux arguments principaux. En premier lieu, le gestionnaire chargé de l'embauche, M. Rick Cathrae, qui a rédigé l'évaluation de la personne nommée, Mme Coyle, semble être la gestionnaire subdélégataire du pouvoir de nomination. Or son nom n'apparaît pas dans la Notification de nomination ou de proposition de nomination. Le seul nom inscrit sur la Notification est celui de Mme Lara Mousley, représentante des Services des ressources humaines. Ainsi, à la lecture de la Notification, on ne peut savoir à qui le pouvoir de nomination a été délégué en l’espèce. Il conclut en affirmant que « l'employeur cherche à se soustraire à l'application des principes de justice et de traitement équitable relatifs aux principes d'accessibilité, de transparence, de justice et de traitement équitable en matière de dotation en vertu de la nouvelle LEFP » [traduction].

15 De l'avis du plaignant, le pouvoir délégué ne revient pas au gestionnaire mais plutôt au CGRH, car c'est ce comité qui décide si une nomination particulière doit avoir lieu en raison du fait qu'il contrôle le budget de dotation. De ce fait, les personnes qui prennent les décisions de dotation ne se préoccupent pas des conséquences de leurs décisions.

16 Le plaignant allègue que le processus non annoncé est un processus caché, qui l'a privé de la possibilité de poser sa candidature avant le 27 mars 2006, date d'entrée en vigueur de la nomination d'une durée indéterminée.

17 En second lieu, la personne nommée, Mme Angela Coyle, a été évaluée en fonction des critères de l'ancienne LEFP puisque sa sélection se fondait sur son inscription à une liste d'admissibilité antérieure. La liste devenait caduque avec l'entrée en vigueur de la nouvelle LEFP.

18 Selon le plaignant, l'utilisation de listes d'admissibilité antérieures libère le gestionnaire de son obligation de s'assurer que la personne nommée répond aux qualifications essentielles. Il s'agissait, pour l'employeur, d'accélérer et de simplifier le processus plutôt que de satisfaire aux critères de sélection prévus dans la LEFP. Le plaignant se dit également préoccupé au sujet de la « durée de validité » de l'évaluation antérieure, c’est-à-dire le laps de temps écoulé depuis la dernière évaluation.

19 Le plaignant demande au Tribunal de modifier la Notification de candidature retenue et d’y ajouter son nom. Il demande également au Tribunal « d'ordonner la nomination promotionnelle du plaignant (Lloyd Robbins) au poste de conseiller régional en assurance (Toronto), d'une durée indéterminée, de niveau et groupe PM 04, à compter du 27 mars 2006 ou du 1er janvier 2000 [sic], ou du 31 décembre 2005, date d'entrée en vigueur de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique » [traduction].

B) Position de l'intimé

20 L'intimé examine les allégations du plaignant en détail.

21 L'intimé estime que la LEFP prévoit l'utilisation d'un processus non annoncé et ne donne lieu à aucune préférence entre les processus annoncé et non annoncé. De plus, on ne peut déduire que l'utilisation d'un processus non annoncé est un « abus de procédure » en soi.

22 Rien n'est prévu dans la LEFP au sujet du droit exprès ou implicite de poser sa candidature ou de voir sa candidature retenue dans un processus de nomination. De plus, il n'existe aucune obligation de classer les candidats de façon hiérarchique ou de procéder à une évaluation comparative de ces derniers, ou encore d'examiner le dossier de plus d'une personne.

23 En réponse à l'argument du plaignant au sujet de la liste d'admissibilité, l'intimé prétend que le fait que le nom de Mme Coyle a été inscrit en premier sur la liste dressée pour un poste identique constituait un facteur parmi tant d'autres dont on a tenu compte dans son évaluation. Mme Coyle a été évaluée en fonction de l'énoncé des critères de mérite par M. Cathrae, qui a estimé qu'elle était qualifiée pour occuper le poste visé.

24 En vertu de la LEFP, les ministères disposent de pouvoirs discrétionnaires pour l'évaluation des candidats et peuvent utiliser les méthodes de leur choix pour déterminer si une personne répond aux qualifications établies en vue d’occuper le poste visé.

25 Le subdélégataire n'a pas à effectuer l'évaluation en totalité ou en partie. Ainsi, le gestionnaire, M. Cathrae, pouvait effectuer l'évaluation, même si aucun pouvoir en matière de dotation ne lui avait été subdélégué.

26 Il n'est donc pas nécessaire de trouver le candidat le mieux qualifié dans la mesure où la personne choisie satisfait aux qualifications, aux besoins opérationnels et aux exigences futures conformément au paragraphe 30(2) de la LEFP.

27 Il incombe au plaignant de faire la preuve de l'abus de pouvoir. Il n'a pas réussi à démontrer qu'il n'avait pas été nommé en raison d'un abus de pouvoir.

28 Le plaignant n'a pas démontré que le choix d'un processus non annoncé ou l'étude d'une seule candidature constituait un abus de pouvoir.

29 En dernier lieu, le plaignant demande à ce que sa candidature soit retenue aux fins de la nomination et qu'il soit nommé au poste. L'intimé soutient que le Tribunal ne peut ordonner une telle mesure.

C) Position de la Commission de la fonction publique

30 La CFP examine les dispositions législatives applicables :

  • article 15 – Délégation à un administrateur général;
  • article 16 – Lignes directrices;
  • article 30 – Principes (nomination fondée sur le mérite);
  • article 33 – Processus de nomination;
  • article 47 – Discussions informelles;
  • article 48 – Candidature retenue;
  • article 77 – Motifs des plaintes.

31 La CFP explique ensuite son cadre stratégique en matière de nomination (Lignes directrices de la CFP) et indique que le processus de dotation utilisé par l'intimé est conforme à la LEFP et aux Lignes directrices de la CFP.

32 La CFP soutient également que les éléments de preuve sont insuffisants pour conclure qu'il y a eu abus de pouvoir dans le cadre du processus de dotation mis en oeuvre par l'intimé.

Analyse

Question I: Y a-t-il eu abus de pouvoir dans le choix d'un processus non annoncé?

33 Le plaignant a porté plainte en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP. L'alinéa 77(1)b), particulièrement intéressant à cet égard, est ainsi conçu :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

[…]

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas; […]

34 Comme le démontre la décision Tibbs c. le Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, pour obtenir gain de cause, le plaignant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y a eu abus de pouvoir lors du choix entre un processus de nomination interne annoncé et un processus de nomination interne non annoncé :

[50] (…) S’il incombait à l’intimé de prouver qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir, cela soulèverait une présomption d’abus de pouvoir dans toutes les nominations, ce qui, sans l’ombre d’un doute, n’était pas l’intention du législateur. La règle générale dans les causes civiles devrait être suivie et il incombe à la plaignante, dans les procédures intentées auprès du Tribunal, de faire la preuve de l’allégation d’abus de pouvoir. (italique et gras ajoutés)

35 Il ne fait aucun doute, à la lecture de l'article 33 de la LEFP, que la CFP ou son délégué, conformément au paragraphe 15(1) de la LEFP, peut choisir un processus annoncé ou non annoncé pour procéder à une nomination :

33.La Commission peut, en vue d'une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé.

36 Le plaignant ne peut donc alléguer qu'il y a eu abus de pouvoir uniquement parce qu'on a opté pour un processus non annoncé. Il doit prouver que la décision elle-même de choisir un processus non annoncé constitue un abus de pouvoir.

37 Le plaignant allègue que le processus non annoncé est un processus caché, qui l'a privé de la possibilité de poser sa candidature. Toutefois, il n'a présenté aucun fait ni élément de preuve qui démontre dans quelle mesure ou pour quelles raisons le processus était caché. Au contraire, si l'on considère les documents déposés tels que l'évaluation de Mme Coyle et le formulaire relatif aux processus de nomination non annoncés, qui comprend l'exposé justificatif de la nomination du candidat, le processus n'a pas été caché.

38 L'intimé fournit dans son Livre de documents les Modalités des lignes directrices concernant les processus de nomination non annoncés du Ministère. On y indique dans l'énoncé de politique qu'« une justification écrite doit être rédigée pour chaque processus non annoncé afin de démontrer que les critères et les valeurs de nomination ont été appliqués » [traduction].

39 L'intimé fait valoir la justification écrite par M. Cathrae et Mme Walcott pour justifier le recours à un processus non annoncé pour nommer Mme Coyle. Dans l’exposé justificatif, ils expliquent que l'Ontario est à mettre en place un nouveau modèle de traitement des prestations d'assurance-emploi (a.-e.) axé sur la charge de travail unique. Ce nouveau modèle exige que le personnel responsable possède une expérience récente sur le terrain, une expérience de la gestion d'un service de traitement et de l'élaboration des processus pour la mise en oeuvre régionale et nationale, et enfin, des connaissances supérieures sur les programmes informatiques utilisés pour le traitement des prestations d'a.-e.

40 L'autre argument soulevé par le plaignant est la « durée de validité » d'une évaluation antérieure. Dans les Modalités des lignes directrices concernant les processus de nomination non annoncés, les situations où le recours à un processus non annoncé pourrait se justifier sont indiquées dans la section qui porte sur les points à prendre en considération. L'une de ces situations renvoie à un processus antérieur qui a permis de désigner les personnes qui satisfont exactement aux mêmes critères de mérite. En l'espèce, un processus antérieur a eu lieu, processus au cours duquel Mme Coyle a été jugée qualifiée pour occuper un poste de PM-04 identique, le 25 mai 2005. Elle a été nommée au présent poste le 5 juin 2006. La période d'un an ne signifie certainement pas qu'elle n'est plus qualifiée pour occuper le même poste de PM‑04. En conséquence, le Tribunal rejette l'argument.

41 Le Tribunal considère que le plaignant n'a présenté aucun fait à l'appui de sa plainte ni prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y avait abus de pouvoir de la part de l'intimé en optant pour un processus non annoncé.

Question II: Y a-t-il eu abus de pouvoir dans la sélection de Mme Coyle?

42 Dans la décision Aucoin c. le Président de l'Agence des services frontaliers du Canada et al., [2006] TDFP 0012, le Tribunal expose les différences entre un processus de sélection ayant lieu en vertu de l'ancienne LEFP et en vertu de la nouvelle LEFP :

[42]Les fonctionnaires ne sont plus choisis au moyen de concours, au terme d’un processus fondé sur le mérite relatif et dans le cadre duquel le candidat « le plus qualifié » est nommé au poste. La nouvelle LEFP préconise plutôt un processus de sélection au terme duquel est nommée la « bonne personne » pour faire le travail, comme le prévoit le paragraphe 30(1) et l’alinéa 30(2)a) :

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir; […]

[43] La LEFP n’exige plus l’établissement d’un classement entre les candidats, ni l’évaluation comparative des candidats afin de combler un poste. La LEFP exige uniquement que la personne nommée soit qualifiée pour le poste, comme le stipule l’alinéa 30(2)a). Les fonctionnaires n’ont plus besoin de comparer leurs résultats avec ceux des personnes nommées afin de s’assurer que leurs réponses étaient les meilleures et qu’elles méritaient une meilleure note, un meilleur classement ou un meilleur rang au terme du processus de sélection. Par conséquent, le Tribunal ne voit pas en quoi les notes prises par les membres du comité au sujet des quatre candidats reçus sont pertinentes dans le cas présent.

43 Donc, les candidats doivent répondre aux qualifications essentielles établies. Il n'y a aucune exigence quant à la comparaison des candidats. De plus, l'article 30 de la LEFP prévoit qu'il n'est nul besoin de lancer un processus de sélection pour un grand nombre de personnes et de mener les entrevues connexes avant de procéder à une nomination :

30 (4) La Commission n'est pas tenue de prendre en compte plus d'une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite.

44 En outre, en vertu de l'article 36 de la LEFP, la personne responsable de la nomination se voit conférer le pouvoir discrétionnaire de choisir les méthodes d'évaluation des candidats aux fins de nomination :

36.La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i). (italique et gras ajoutés)

45 En l'espèce, M. Cathrae et Mme Walcott ont tenu compte du rendement antérieur de Mme Coyle en matière de leadership, de son expérience ainsi que du fait que son nom ait été inscrit sur la liste d'admissibilité relative au poste identique de PM-04, établie lors du concours tenu à Belleville, pour procéder à la nomination de cette dernière. M. Cathrae a également tenu compte des discussions détaillées qu'il a eues avec le président du premier comité d'évaluation, de même qu'avec le gestionnaire précédent de Mme Coyle. Que cette façon de faire repose sur des raisons d'ordre pratique et qu'elle vise à accélérer le processus n’est pas pertinent dans la mesure où la candidate retenue satisfait aux qualifications essentielles et que l'intimé peut justifier sa décision. La démarche est conforme à l'article 36 ainsi qu'à l'extrait suivant du préambule de la LEFP :

que le pouvoir de dotation devrait être délégué à l’échelon le plus bas possible dans la fonction publique pour que les gestionnaires disposent de la marge de manoeuvre dont ils ont besoin pour effectuer la dotation, et pour gérer et diriger leur personnel de manière à obtenir des résultats pour les Canadiens; […] (italique et gras ajoutés)

46 Le Tribunal considère que l'intimé, compte tenu des circonstances, a choisi les méthodes appropriées pour évaluer Mme Coyle et a tranché la question de savoir si elle satisfaisait aux qualifications essentielles pour occuper un poste de chef d'équipe, PM-04.

47 Qui plus est, l'intimé a déposé une justification écrite dans laquelle M. Cathrae et Mme Walcott examinent l'expérience de Mme Coyle. Cette dernière a été gestionnaire intérimaire du service de traitement centralisé régional de l'Ontario en 2004 ainsi que gestionnaire intérimaire du groupe responsable du modèle axé sur la charge de travail unique de cette même province jusqu'en septembre 2005. Mme Coyle a commencé à travailler sur les procédures régionales touchant les demandes de prestations virtuelles en septembre 2005. Elle fait partie d'un comité national sur le traitement normalisé des demandes de prestations ainsi que d'un autre comité sur la transmission d'images numérisées. Elle a par ailleurs participé, en qualité de représentante régionale, à des visites de vérification portant sur le fonctionnement de quatre centres de traitement différents.

48 Selon M. Cathrae et Mme Walcott, Mme Coyle possède l'expérience, les connaissances et les compétences pour exercer immédiatement les fonctions du poste afin de diriger un processus de transformation. Elle a démontré qu'elle possédait les qualifications pour occuper le poste lors du dernier concours visant à doter un poste de PM-04, et elle a occupé ce poste de façon intérimaire depuis septembre 2005.

49 Dans l'exposé justificatif déposé par l'intimé, on y explique les raisons pour lesquelles Mme Coyle a été sélectionnée pour le poste. Le Tribunal juge que la décision a été prise après un examen approfondi des exigences relatives au poste, de même que des qualifications et de l'expérience de Mme Coyle. La sélection de Mme Coyle n'indique en rien qu'il y a eu abus de pouvoir de la part de l'intimé.

50 Quant à l'argument apporté par le plaignant sur la délégation de pouvoirs, l'intimé explique que le subdélégataire n'est pas tenu d'effectuer l'évaluation en totalité ou en partie. Le fait que M. Cathrae a évalué Mme Coyle n'invalide pas le processus et ne se traduit certainement pas par un abus de pouvoir. M. Cathrae a collaboré avec Mme Walcott, à qui l'on avait subdélégué le pouvoir de dotation pendant tout le processus et qui, en dernier lieu, a approuvé la décision. En conséquence, le Tribunal rejette cet argument.

Question III: Le Tribunal peut-il ordonner à l'administrateur général (l'intimé) de procéder à la nomination du plaignant au poste visé?

51 Même s'il a jugé que les allégations d'abus de pouvoir n'étaient pas fondées, le Tribunal examinera la mesure corrective demandée par le plaignant, selon laquelle il doit être nommé au poste.

52 Les pouvoirs du Tribunal relatifs au traitement des plaintes en vertu de l'article 77 figurent aux articles 81 et 82 :

81. (1) S’il juge la plainte fondée, le Tribunal peut ordonner à la Commission ou à l’administrateur général de révoquer la nomination ou de ne pas faire la nomination, selon le cas, et de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées.

82. Le Tribunal ne peut ordonner à la Commission de faire une nomination ou d’entreprendre un nouveau processus de nomination.

53 Dans ces conditions, même si le plaignant avait obtenu gain de cause en l'espèce, le Tribunal n’aurait pu ordonner à l'administrateur général (l'intimé) de nommer le plaignant ou qui que ce soit d'autre dans le poste. Le Tribunal est lié par les articles 81 et 82 de la LEFP et n'a aucun pouvoir d'accorder une telle mesure corrective.

Décision

54 Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Sonia Gaal

Vice-présidente

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2006-0028
Intitulé de la cause:
Lloyd Robbins et l'Administrateur général de Service Canada, au sein du ministère des Ressources humaines et Développement social Canada et al.
Audience:
Décision rendue sans comparution des parties
Date des motifs:
6 décembre 2006
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