Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était membre de l’Ordre des comptables agréés du Québec (OCAQ) - le 31 août 2000, l’OCAQ lui a envoyé un avis de cotisation spéciale, payable avant le 1er novembre 2000, sous peine de radiation du Tableau des membres de l’OCAQ - le fonctionnaire s’estimant lésé a payé la cotisation spéciale le 31 octobre 2000 - une nouvelle convention collective, entrée en vigueur le 2 novembre 2000, prévoyait le remboursement des cotisations annuelles exigées pour conserver << [...] un titre professionnel et une qualité de membre [...] >> d’une association professionnelle - le 2 novembre 2000, le fonctionnaire s’estimant lésé a réclamé le remboursement de la cotisation spéciale de l’OCAQ - l’employeur a refusé cette demande - le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief à l’encontre de cette décision et l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le litige - l’arbitre de grief a conclu qu’il avait compétence pour entendre le grief, puisque ce dernier porte sur l’interprétation ou l’application de la convention collective à l’égard du fonctionnaire s’estimant lésé - l’arbitre de grief a aussi conclu que, bien que l’omission de payer la cotisation spéciale de l’OCAQ puisse entraîner le radiation du Tableau des membres de l’OCAQ, cette cotisation n’était pas une cotisation annuelle au sens de la convention collective, puisqu’elle était distincte de la cotisation annuelle de l’OCAQ et ne couvrait pas l’ensemble de l’année financière - de plus, l’arbitre de grief a conclu que la convention collective entrée en vigueur le 2 novembre 2000 ne pouvait avoir de portée rétroactive permettant le remboursement d’une cotisation payée antérieurement. Objection rejetée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-10-17
  • Dossier:  166-34-35435
  • Référence:  2007 CRTFP 108

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MICHEL BRAULT

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Brault c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Léo-Paul Guindon, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Frédéric Durso, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 5 décembre 2006.
Représentations écrites déposées
les 15 janvier, 5 et 16 février et 6 mars 2007.

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Michel Brault (le « fonctionnaire s'estimant lésé ») occupait un poste de vérificateur des grandes entreprises à la Section de l'impôt du Bureau des services fiscaux de Montérégie, Rive-Sud de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'« ADRC ») lorsqu'il a déposé un grief le 28 février 2001. Son grief est rédigé comme suit :

[…]

Je conteste la décision de l'A.D.R.C. de refuser le remboursement de ma cotisation professionnelle de 75$ (plus taxes) versée à l'Ordre des comptables agréés du Québec, laquelle cotisation rencontre les exigences énoncées à l'article 22 de la convention collective.

MESURES CORRECTIVES DEMANDÉES

Je demande le remboursement intégral de la cotisation professionnelle de 75$ (plus taxes) exigée par l'Ordre des comptables agréés du Québec et ce, conformément à la réclamation que j'ai présentée à l'A.D.R.C. en date du 2 novembre 2000.

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l'original]

2 La convention collective en l'espèce (la « convention collective ») est intervenue entre l'ADRC et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IFPC) le 2 novembre 2000 à l'égard de l'unité de négociation du groupe Vérification, commerce et achat.

3 Le grief a été renvoyé à l'arbitrage le 8 décembre 2004, sur la base de l'alinéa 92(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l'« ancienne Loi »).

4  Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi.

5 Le 12 décembre 2005, l'ADRC est devenue l'Agence du revenu du Canada (l'« employeur »).

II. Objection préliminaire à la compétence d'un arbitre de grief

6 Au début de l'audience, l'employeur a soulevé une objection sur la compétence d'un arbitre de grief à entendre la présente affaire.

A. Objection de l'employeur

7 L'employeur a soumis que le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu un avis de cotisation le 31 août 2000. À cette date, l'article 22 de la convention collective, sur lequel se fonde le grief, n'était pas encore en vigueur puisque la convention collective n'a été signée que le 2 novembre 2000.

8 Le présent grief ne pourrait pas être renvoyé à l'arbitrage de grief, le paragraphe 92(1) de l'ancienne Loi prévoyant ce qui suit :

     92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

[…]

B. Réponse du fonctionnaire s'estimant lésé

9 Le fonctionnaire s'estimant lésé a prétendu avoir été pris par surprise par l'objection de l'employeur et a demandé du temps pour préparer sa réponse à cette objection, qu'il désire baser sur la jurisprudence.

10 Le fonctionnaire s'estimant lésé a fait sa demande de remboursement le 2 novembre 2000 et l'employeur y a répondu le 30 janvier 2001.

C. Réplique de l'employeur

11 Le 31 août 2000, l'Ordre des comptables agréés du Québec (OCAQ) a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé qu'il paie une cotisation spéciale. Ce dernier a attendu jusqu'au 2 novembre 2000, date d'entrée en vigueur de la convention collective, pour faire sa demande de remboursement auprès de l'employeur. Selon l'employeur, la date de l'événement donnant lieu au grief est le 31 octobre 2000, moment où le paiement de la cotisation spéciale a été effectué par le fonctionnaire s'estimant lésé. La date du 2 novembre 2000 ne peut pas être retenue à cet effet.

12 Une objection à la compétence d'un arbitre de grief peut être soulevée à toute étape de la procédure. Le fonctionnaire s'estimant lésé est d'accord sur ce point.

13 L'objection a été prise sous réserve, les parties devant prouver les faits sur lesquels leur argumentation s'appuie. J'ai ordonné aux parties de procéder à la preuve sur le fond du grief. À la fin de l'audience, un échéancier a été fixé afin de permettre aux parties de présenter leurs plaidoiries par écrit, tant sur l'objection relative à la compétence que sur le fond du grief.

III. Résumé de la preuve

14 Le fonctionnaire s'estimant lésé fonde son grief sur l'article 22 de la convention collective. La stipulation 48.01 indique que la durée de la convention collective court de sa signature, le 2 novembre 2000, jusqu'au 21 juin 2001. L'article 22 de la convention collective est rédigé comme suit :

ARTICLE 22

COTISATION ANNUELLE D'ASSOCIATIONS DE COMPTABLE PROFESSIONNEL

22.01  Sous réserve des paragraphes a), b) et c), l'Employeur s'engage à rembourser aux employés les frais de cotisation annuelle à l'une des associations canadiennes de comptables professionnels représenté par l'Institut canadien des comptables agréés (C.A.), ou la Société des comptables en management (C.M.A.), ou l'Association des comptables généraux (C.G.A.) et à leur organisation provinciale respective.

a) À l'exception de ce qui est prévu au paragraphe b) ci-dessous, le remboursement des frais de cotisation annuelle fait référence au paiement annuel exigé par l'une des associations énumérées dans cet article pour maintenir en vigueur un titre professionnel et une qualité de membre. Ce remboursement inclura le paiement de la cotisation annuelle de l'« Office des professions du Québec ».

b) Certains frais de nature administrative ne sont pas remboursables sous cet article, tels que : les frais de services liés au mode de paiement des cotisations par acomptes ou par chèques postdatés; les frais de paiement en retard ou pénalité pour des cotisations payées au-delà de la date limite; les frais d'initiation imputés aux nouveaux membres d'une association de comptables; les frais de réintégration exigés pour maintenir une qualité de membre; ou des arriérés de cotisations d'années antérieures exigées par une association comptable pour être ré-admis en ses rangs.

c) Quant aux demandes de remboursement des frais de cotisation professionnelle effectuées sous cet article, les employés devront remettre à l'Employeur une preuve de paiement afin de valider leur demande de remboursement.

15 Le fonctionnaire s'estimant lésé possède un baccalauréat en administration des affaires et est comptable agréé depuis 1978. Le 31 août 2000, l'OCAQ lui a fait parvenir un avis de cotisation spéciale de 75 $ (plus taxes) pour renflouer le fonds d'indemnisation de l'OCAQ (pièce F-1). Cette cotisation spéciale est obligatoire, au même titre que la cotisation annuelle, et le paiement doit parvenir à l'OCAQ au plus tard le 31 octobre 2000. Les membres de l'OCAQ qui n'acquittent pas cette cotisation spéciale dans les délais prévus s'exposent à des frais de retard et à une radiation du Tableau des membres de l'OCAQ (pièce F-2).

16 Le fonctionnaire s'estimant lésé a fait parvenir un chèque à l'OCAQ à la fin du délai prescrit. Un reçu officiel lui a été émis au montant de 86,27 $, représentant la cotisation spéciale plus les taxes applicables pour l'année de cotisation du 1er avril 2000 au 31 mars 2001 (pièce F-3). Le chèque a été débité du compte bancaire du fonctionnaire s'estimant lésé le 1er novembre 2000 (pièce F-4).

17 Le 2 novembre 2000, le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté une demande de remboursement de cotisations annuelles de membre (pièce F-5). La décision de l'employeur de lui refuser ce remboursement lui a été communiquée par Benoit Guay, représentant local de l'IPFPC, qui avait reçu un courriel en ce sens le 30 janvier 2001.

18 La cotisation spéciale de 75 $ pour renflouer le fonds d'indemnisation de l'OCAQ a été demandée la première fois en 2000. Elle a été intégrée à la cotisation annuelle par la suite.

19 Le fonctionnaire s'estimant lésé a vérifié, le 24 janvier 2001, la politique publiée en janvier 2001 par l'ADRC sur les cotisations de membre d'une association professionnelle (la « politique de 2001 ») pour vérifier si le refus de l'employeur était justifié. La politique de 2001 précise ce qui suit (pièce F-6) :

[…]

Définitions

7 a) Cotisations annuelles de membre - cotisations annuelles imposées par un organisme régulateur figurant à l'annexe A, qui doivent être payées à cet organisme pour maintenir son statut professionnel et demeurer membre en règle. Aux fins du remboursement, les cotisations de membre incluront la TPS/TVH et d'autres taxes de vente provinciales applicables à ces cotisations, et les cotisations annuelles à l'Office des professions du Québec (OPQ).

[…]

ANNEXE A

TYPES DE COTISATIONS ANNUELLES DE MEMBRE REMBOURSABLES ET CONDITIONS D'ADMISSIBILITÉ

 […]

1.1 Introduction

Les cotisations annuelles de membre versées à l'une des trois associations professionnelles canadiennes de comptables représentées par l'Institut des comptables agréés (CA), la Société des comptables en management (CMA) ou l'Association des comptables généraux licenciés (CGA) et à l'une [sic] de leurs organismes provinciaux, peuvent être remboursées aux employés mentionnés ci-dessous.

1.2 Groupe AU

  • À compter du 13 juillet 1998 - « Lettre d'entente (LE) signée avec l'IPFPC » - les membres du groupe AU sont devenus admissibles au remboursement de leurs cotisations annuelles de membre.

[…]

  • À compter du 2 novembre 2000 - « Convention collective et LE signées avec l'unité de négociation du groupe AV de l'IPFPC » - les employés du groupe AU peuvent réclamer le remboursement de leurs cotisations annuelles de membre versées à l'une des associations professionnelles canadiennes de comptables, pourvu qu'ils ne réclament pas le remboursement de leurs cotisations payées à un barreau provincial ou à l'Institut canadien des experts en évaluation d'entreprises […]

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l'original]

20 Le bulletin d'interprétation IT-158R2 de Revenu Canada - Impôt, à l'égard du sous-alinéa 8(1)i)(i) et du paragraphe 8(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu - Cotisations d'employés qui sont membres d'une association professionnelle (pièce F-7) (le « bulletin d'interprétation »), énonce qu'un employé peut réclamer une déduction au titre des cotisations annuelles de membre d'association professionnelle dans la mesure où les cotisations peuvent être considérées applicables à la source de revenu et qu'il s'agit de cotisations annuelles nécessaires pour la conservation du statut professionnel. Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, le bulletin d'interprétation résume la jurisprudence en droit fiscal et énonce que la cotisation spéciale de l'OCAQ est de même nature que la cotisation annuelle régulière. Lucas c. Canada, [1987] A.C.F. no 502 (1re inst.) (QL), conclut en ce sens (pièce F-8).

21 La politique de 2001 (pièce F-6) a remplacé une politique publiée en octobre 2000, (la « politique de 2000 », non présentée en preuve), qui a elle-même remplacé la politique du ministère du Revenu (le prédécesseur de l'ADRC) sur les cotisations de comptable professionnel - Employés du groupe AU (mai 1999) (pièce E-1) (la « politique de 1999 »), publiée au chapitre 7 du Manuel des finances et de l'administration du ministère du Revenu. La politique de 1999 précise ce qui suit :

[…]

  1. a) Cotisations de comptable professionnel - il s'agit des cotisations annuelles (TPS/TVH et taxe de vente provinciale incluses) devant être payées par un CA, un CMA ou un CGA pour conserver un titre professionnel.

[…]

8. Le remboursement est limité aux cotisations annuelles de comptable professionnel (et aux taxes de ventes applicables) payées à une association canadienne de comptables professionnels (CA, CMA et CGA).

[…]

22 Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, la cotisation spéciale pour renflouer le fonds d'indemnisation de l'OCAQ est incluse dans la définition de « cotisation annuelle » de la convention collective et des politiques de 1999 et 2001, car elle est nécessaire au maintien du statut professionnel. La cotisation spéciale de 75 $ n'est pas un frais de nature administrative mentionné à la stipulation 22.01b) de la convention collective.

23 Le fonctionnaire s'estimant lésé a payé sa cotisation annuelle régulière pour 2000-2001 en début de l'année financière (du 1er avril 2000 au 31 mars 2001). Sa demande de remboursement a été payée par l'employeur.

24 M. Guay, chef d'équipe à la Vérification au Bureau des services fiscaux de Montérégie, Rive-Sud, agit comme représentant local de l'IPFPC depuis 1975. À ce titre, il a conseillé le fonctionnaire s'estimant lésé concernant le présent grief. Il a aussi participé à une entente en novembre 1998 concernant un grief collectif ayant trait au remboursement des cotisations annuelles à l'Office des professions du Québec (OPQ) payées par les vérificateurs de la région du Québec (pièce F-10). Le grief collectif a été transmis directement au troisième palier de la procédure de règlement des griefs.

25 La sous-ministre adjointe, Opérations régionales, région du Québec, a donné droit au grief collectif dans sa réponse du 19 janvier 1999 (pièce F-11). Elle y précise que la cotisation à l'OPQ est obligatoire pour être membre de « […] l'Institut des comptables agréés (C.A.), de la Société des comptables en management (C.M.A.) et de l'Association des comptables généraux licenciés (C.G.A.) [ … ] ».

26 Peter Cenne, directeur de la Division des négociations collectives, était responsable de la négociation collective et de la gestion de la procédure de griefs pour l'ADRC. Il a participé à la négociation de la convention collective, dont il est l'un des signataires. L'article 22 est un nouvel article qui a intégré à la convention collective les éléments de la politique de 1999. La convention collective est entrée en vigueur à la date de sa signature, le 2 novembre 2000.

27 L'objectif visé par l'IPFPC, lorsqu'il a soumis la question de remboursement des frais de cotisations annuelles à la table de négociation, était d'intégrer les éléments de la politique de 1999 dans la convention collective et non pas d'étendre sa portée. L'objectif de l'ADRC était de favoriser l'acquisition ou le maintien du statut professionnel pour les vérificateurs, sans en faire une exigence de leurs postes. La politique de 1999 prévoyait le remboursement des cotisations annuelles aux employés, tout en spécifiant certaines exceptions. Par exemple, les frais d'initiation, qui sont d'autre nature que la cotisation annuelle normale, ne sont pas remboursables.

28 M. Cenne est d'opinion que les cotisations à l'OPQ n'étaient pas remboursables avant la ratification de la convention collective le 2 novembre 2000. L'article 22 de la convention collective permet le remboursement des cotisations annuelles pour obtenir ou maintenir un statut professionnel lorsqu'il n'est pas indispensable à l'exercice continu des fonctions. Il est venu s'ajouter à l'article 21, qui existait dans la convention collective antérieure et qui prévoit le remboursement des cotisations professionnelles lorsqu'un tel versement est indispensable à l'exercice continu des fonctions de l'emploi. Le statut professionnel n'est pas indispensable à l'exercice des fonctions des vérificateurs.

29 La stipulation 22.01a) de la convention collective prévoit, selon M. Cenne, le remboursement des cotisations annuelles, à l'exclusion des cotisations spéciales. Pour l'employeur, l'objectif visé à l'article 22 n'était pas de permettre le remboursement de tout ce qui n'est pas une cotisation annuelle. Si l'ADRC et l'IPFPC avaient voulu inclure le remboursement de tous les frais autres que la cotisation annuelle, ils l'auraient précisé et ils n'auraient pas eu à prévoir, à la stipulation 22.01b), que certains frais administratifs n'étaient pas remboursables. Selon M. Cenne, il y a une distinction entre la cotisation de base, payable annuellement pour assurer le maintien du statut de membre, et les autres cotisations pouvant être demandées par une corporation professionnelle, qui ne sont pas périodiques.

30 Réal Lamarche, président de l'équipe de négociation pour l'IPFPC, a participé à la négociation de la convention collective. Il a témoigné qu'il est l'un de ses signataires. Une entente est intervenue entre l'IPFPC, le Conseil du Trésor et le ministère du Revenu le 13 juillet 1998 au titre du remboursement des cotisations de membre (pièce F-12) (la « lettre d'entente de 1998 »). Cette lettre d'entente prévoyait le remboursement de cotisations de membres à l'Institut des comptables agréés, à la Société des comptables en management et à l'Association des comptables généraux licenciés et leurs organisations provinciales respectives. Les cotisations dues et payées après le 1er janvier 1998 étaient remboursées. Le remboursement ne comprenait pas les arrérages de cotisation des années précédentes. Selon M. Lamarche, la lettre d'entente de 1998 prévoyait le remboursement des cotisations nécessaires au maintien du statut professionnel. Il n'y a pas eu de débat sur les cotisations annuelles et les cotisations spéciales. Le Conseil du Trésor et le ministère du Revenu se sont alors engagés à faire tous les efforts nécessaires pour assurer que tout nouvel employeur continue d'accorder l'avantage prévu dans la lettre d'entente de 1998.

31 M. Lamarche a précisé que, par la suite, l'ADRC a élaboré la politique de 1999 sans consultation avec l'IPFPC. Selon M. Lamarche, la politique de 1999 est plus restrictive que la lettre d'entente de 1998, car des exceptions y sont précisées.

32 Lors de la négociation de la convention collective, l'ADRC et l'IPFPC ont voulu incorporer l'essence de la politique de 1999 à la convention collective, c'est-à-dire le remboursement des cotisations annuelles nécessaires au maintien d'un titre professionnel, tel que défini au paragraphe 4a) de la politique de 1999. La convention collective a intégré le droit au remboursement des cotisations payables à l'OCAQ, car elles sont nécessaires au maintien du statut professionnel.

33 La cotisation professionnelle de l'OCAQ pour l'année 2002-2003 s'élève à 650,15 $, incluant un montant de 50 $ pour renflouer la réserve générale de l'OCAQ (pièce F-13). L'avis de cotisation envoyé aux membres ne comprenait qu'un montant global et ne précisait pas le renflouement de la réserve générale.

IV. Résumé de l'argumentation

34 Les parties ont soumis leurs plaidoiries par écrit, tant sur l'objection préliminaire que sur le fond du grief.

A. Représentations écrites de l'employeur sur la question de compétence

35 L'article 22 de la convention collective n'était pas en vigueur au moment où le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu l'avis de cotisation spéciale de l'OCAQ daté du 31 août 2000. La cotisation spéciale était exigible au plus tard le 31 octobre 2000. La convention collective n'était pas non plus en vigueur au moment de l'acquittement de la cotisation spéciale par le fonctionnaire s'estimant lésé, par chèque daté du 31 octobre 2000 et encaissé le 1er novembre 2000.

36 Avant l'entrée en vigueur de la convention collective, le remboursement des cotisations professionnelles pouvait être demandé selon la politique de 1999. Cette politique a été modifiée à la suite de la signature d'une lettre d'entente par l'ADRC et l'IPFPC le 2 novembre 2000 (la « lettre d'entente de 2000 ») - je note que la lettre d'entente de 2000 n'a pas été présentée en preuve. La lettre d'entente de 2000 ne fait pas partie de la convention collective. La politique de 2001 a remplacé la politique de 1999. Au moment de l'avis de cotisation spéciale de l'OCAQ, tout comme au moment de son paiement par le fonctionnaire s'estimant lésé, la politique de 1999était toujours applicable.

37 La demande de remboursement du fonctionnaire s'estimant lésé à l'égard de la cotisation annuelle de l'OCAQ pour 2000-2001 a été présentée en début de l'année financière sur la base de la politique de 1999 et a été accordée par l'employeur.

38 Selon l'employeur, un arbitre de grief n'a pas compétence pour entendre le renvoi à l'arbitrage du présent grief, car ce grief n'en est pas un qui peut être renvoyé à l'arbitrage de grief en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi.

39 La convention collective ne prévoit pas que les cotisations exigibles avant sa signature sont remboursables.

B. Réponse du fonctionnaire s'estimant lésé sur la question de compétence et représentations écrites sur le fond du grief

40 Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, l'employeur erre lorsqu'il soumet que l'article 22 de la convention collective ne s'applique pas puisqu'il n'était pas en vigueur « au moment où la cotisation est devenue exigible », car cette interprétation ajouterait au texte de la convention collective.

41 La demande du fonctionnaire s'estimant lésé a été présentée à l'employeur le 2 novembre 2000, la journée de l'entrée en vigueur de la convention collective. Comme la convention collective ne précise pas de mesure transitoire, cette demande a valablement été faite.

42 La convention collective prévoit une seule condition à la présentation d'une demande de remboursement de cotisation annuelle. La stipulation 22.01c) précise que les employés doivent valider leur demande en remettant à l'employeur une preuve de paiement.

43 En l'occurrence, le fonctionnaire s'estimant lésé a effectué sa demande la journée de l'entrée en vigueur de la convention collective. Il a soumis une preuve de paiement, satisfaisant à l'exigence de la stipulation 22.01c). En conséquence, le grief contestant l'application de la convention collective peut être renvoyé à l'arbitrage de grief en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi.

44 L'employeur a refusé de rembourser le fonctionnaire s'estimant lésé car l'employeur était d'avis que la demande ne concernait pas une cotisation annuelle. L'article 22 de la convention collective prévoit le remboursement d'un paiement annuel nécessaire au maintien d'un titre professionnel. La cotisation spéciale exigée par l'OCAQ est de même nature qu'une cotisation annuelle, car son acquittement est nécessaire pour maintenir le statut professionnel et la qualité de membre, tel que le précise l'avis de cotisation.

45 Selon M. Cenne, le texte de la convention collective exclurait toute cotisation spéciale, car il ne précise que la cotisation annuelle, tout comme le texte de la politique de 1999. Ce raisonnement ne tient pas, les frais administratifs exclus par la stipulation 22.01b) étant définis dans la convention collective.

46 Selon M. Lamarche, l'intention de la lettre d'entente de 1998 et de la convention collective était de rembourser les frais nécessaires au maintien du statut professionnel et de la qualité de membre. L'exclusion des frais de nature administrative n'englobe pas les frais qui sont obligatoires et nécessaires au maintien du statut professionnel et de la qualité de membre.

47 La cotisation spéciale était payable au cours de l'année comprise entre le 1er avril 2000 et le 31 mars 2001 et satisfait à la définition donnée au mot « annuel » dans Lucas :

[…]

[…] Certes le mot « annuel » est susceptible de deux définitions : il se dit de quelque chose qui revient d'année en année ou de cotisations versées dans cette année. […]

[…]

Cette définition devrait être retenue pour interpréter la convention collective applicable, qui utilise aussi le mot « annuel ».

C. Réplique de l'employeur sur la question de compétence et réponse sur le fond du grief

48 Le principe de non-rétroactivité d'une convention collective doit recevoir application. United Association of Plumbers & Pipefitters, Local 593 v. London Labour Bureau (1961), 11 L.A.C. 306, souligne le principe qu'il n'y a pas de rétroactivité de la convention collective sans un texte clair. Ce principe a été repris dans Bunka c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2002 CRTFP 15. La convention collective ne contient aucune indication de rétroactivité en ce qui concerne l'article 22.

49 De plus, accepter que l'article 22 de la convention collective puisse s'appliquer à la réclamation de l'OCAQ, qui est antérieure à la date d'entrée en vigueur de la convention collective, ferait en sorte que toute réclamation de cotisation pour une année antérieure à l'entrée en vigueur de la convention collective serait recevable. Conséquemment, le remboursement ne pouvait être demandé sur la base de la convention collective, mais pouvait l'être en fonction de la politique de1999, qui était applicable au moment de la réclamation et du paiement.

50 Sur le fond du grief, l'employeur soumet que l'article 22 ne prévoit pas le remboursement d'une cotisation spéciale. La définition du mot « annuel » retenue dans Lucas ne peut pas recevoir application au présent grief, car elle est fondée sur les principes de droit fiscal et non pas sur l'interprétation de l'ancienne Loi.

51 M. Lamarche a reconnu que la cotisation spéciale de l'OCAQ n'est pas récurrente. Le caractère non récurrent de la cotisation spéciale fait en sorte qu'elle ne peut être considérée au même titre qu'une cotisation annuelle.

52 Les exclusions prévues à la stipulation 22.01b) de la convention collective incluent les frais d'initiation ainsi que les arrérages de cotisation pour les années antérieures. Le paiement de ces éléments est quand même nécessaire au maintien ou au rétablissement du statut professionnel et de la qualité de membre. Il n'est donc pas exact, contrairement à ce que prétend le fonctionnaire s'estimant lésé, que ces exclusions sont pour des frais purement administratifs. La version anglaise de la stipulation 22.01b) fait d'ailleurs référence à deux éléments (« portion of fees or charges of an administrative nature ») qui ont une portée plus large que des frais purement administratifs.

D. Contre-réplique du fonctionnaire s'estimant lésé sur la question de compétence et réplique sur le fond du grief

53 C'est à bon droit que le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé sa demande de remboursement : la convention collective était alors en vigueur et il pouvait s'en prévaloir car aucune mesure transitoire n'en limitait l'application. Le principe de non-rétroactivité précisé dans United Association of Plumbers & Pipefitters ne fait qu'appuyer la prétention du fonctionnaire s'estimant lésé sur ce point.

54 Bunka a traité comme suit du principe de non-rétroactivité d'une convention collective :

[…]

[38] […] La conclusion que je tire de la jurisprudence sur l'application rétroactive des dispositions d'une convention collective, c'est que ces dispositions n'entrent en vigueur qu'à la date de signature de la convention collective, à moins d'indication contraire expresse ou tacite d'une autre date.

[…]

55 La date d'entrée en vigueur de la convention collective est la date de sa signature, soit le 2 novembre 2000. Les politiques antérieures précisaient le remboursement des cotisations professionnelles à compter du 1er janvier 1998 et il n'existait aucune nécessité de préciser davantage une date de rétroactivité dans la convention collective. Si l'employeur voulait y apporter des limitations, il était de sa responsabilité de les ajouter au texte aujourd'hui connu.

56 Sur le fond du grief, l'employeur interprète le mot « annuel » hors du contexte de l'article 22 de la convention collective, qui lie le remboursement d'une cotisation au maintien du titre professionnel et de la qualité de membre. En agissant ainsi, l'employeur limite et dénature la portée de cet article. L'employeur n'a soumis aucun argument susceptible d'écarter la double définition du terme « annuel » retenue dans Lucas et rien n'indique que les parties à la convention collective aient voulu donner à ce terme une signification particulière. La volonté des différents intervenants, lors de la rédaction de la lettre d'entente de 1998 et de la convention collective, était de rembourser les frais payables à chaque année à un ordre professionnel afin de maintenir en vigueur le titre professionnel et la qualité de membre. Ces deux conditions sont indissociables.

57 L'argumentation soumise par l'employeur est en contradiction avec la réponse qu'il a donnée au grief collectif au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, dans laquelle il a précisé ce qui suit (pièce F-11) :

[…]

[...] Il m'est apparu que l'intention de l'Employeur était de rembourser aux employés les cotisations qu'ils ont à payer pour être membre.

De plus une vérification auprès de l'Office des professions du Québec (O.P.Q.) a permis d'établir que la cotisation à l'Office est obligatoire pour être membre des organismes ci-haut mentionnés.

[…]

V. Motifs

58 L'employeur a soulevé une objection à la compétence d'un arbitre de grief fondée sur l'article 92 de l'ancienne Loi. L'alinéa 92(1)a) prévoit qu'un grief portant sur l'interprétation ou l'application d'une disposition d'une convention collective peut être renvoyé à l'arbitrage de grief. Selon l'employeur, le grief en cause ne peut faire l'objet d'un tel renvoi car, au moment où le fonctionnaire s'estimant lésé a acquitté la cotisation spéciale à l'OCAQ, la convention collective n'était pas encore en vigueur. Puisque l'article 22 n'était pas encore en vigueur, il n'aurait pu servir de fondement au grief. Le grief déposé par le fonctionnaire s'estimant lésé ne serait pas recevable, car il ne peut contester le refus de l'employeur de rembourser les frais de cotisation spéciale sur la base de la convention collective alors qu'aucun droit à ce titre n'y était reconnu. Selon l'employeur, le principe de non-rétroactivité des conventions collectives s'applique au présent grief. Ce principe énonce qu'il ne peut y avoir de rétroactivité sans une stipulation claire à cet égard dans la convention collective (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e éd., au paragr. 4:1610).

59 Dans un deuxième temps, l'employeur a soumis que le grief du fonctionnaire s'estimant lésé n'est pas recevable, car l'article 22 de la convention collective ne traite que de cotisations annuelles et non pas de cotisations spéciales.

60 Pour trancher la question de compétence, je dois évaluer la nature du grief déposé par le fonctionnaire s'estimant lésé, qui conteste la décision de l'employeur de lui refuser le remboursement de la cotisation spéciale de l'OCAQ. Le grief allègue spécifiquement que l'employeur a mal appliqué ou interprété l'article 22 de la convention collective lorsqu'il a refusé de rembourser la cotisation spéciale. Le grief conteste donc clairement l'interprétation ou l'application, à l'endroit du fonctionnaire s'estimant lésé, d'une stipulation de la convention collective. À première vue, cette allégation satisfait aux exigences précisées à l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi pour renvoyer un grief à l'arbitrage. Il n'a pas été contesté que le grief a été porté jusqu'au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. J'ai donc compétence pour évaluer la validité de ce grief et l'objection préliminaire de l'employeur est rejetée. L'évaluation des faits me permettra de décider de la validité du grief, à savoir, si le fonctionnaire s'estimant lésé a droit au remboursement de la cotisation spéciale de l'OCAQ.

61 L'employeur a soumis que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas droit au remboursement de la cotisation spéciale de l'OCAQ pour deux motifs : 1) l'article 22 de la convention collective ne peut avoir d'effet rétroactif à l'égard de cotisations payées avant la date de son entrée en vigueur; 2) une cotisation spéciale (par opposition à une cotisation annuelle) n'est pas remboursable aux termes de l'article 22. Chacun de ces motifs peut motiver le rejet du grief, indépendamment de l'autre.

62 Relativement à la date de l'entrée en vigueur de la convention collective, l'article 48 de la convention collective précise ce qui suit :

ARTICLE 48

DURÉE DE LA CONVENTION

48.01 La durée de la présente convention collective va du jour de sa signature jusqu'au 21 juin 2001.

48.02 À moins d'indications contraires précises figurant dans le texte, les dispositions de la présente convention collective entrent en vigueur à la date de sa signature.

63 Lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté son grief, le 28 février 2001, la convention collective était en vigueur depuis le 2 novembre 2000. Il en était de même pour l'article 22, puisqu'aucune stipulation de la convention collective ne précise une autre date d'entrée en vigueur à son égard. Ainsi, à la date de la présentation du grief, l'obligation de l'employeur de rembourser les frais de cotisation annuelle payés par un employé à l'OCAQ était couverte par l'article 22. Le fonctionnaire s'estimant lésé pouvait donc revendiquer son droit d'être remboursé pour de tels frais.

64 La preuve démontre que l'OACQ a envoyé un avis de cotisation spéciale au fonctionnaire s'estimant lésé le 31 août 2000. Cette cotisation spéciale devait être acquittée au plus tard le 31 octobre 2000. Le paiement a été effectué par chèque, encaissé le 1er novembre 2000. Le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté à l'employeur une demande de remboursement de cotisation annuelle de membre le 2 novembre 2000 et a été avisé du refus de l'employeur le 30 janvier 2001. Ces faits ne sont pas contestés.

A. Droit au remboursement des frais de cotisation annuelle

65 La convention collective traite à l'article 22 du remboursement des cotisations annuelles à l'une des associations canadiennes de comptables et à leurs organisations provinciales respectives, ainsi qu'à l'OPQ. Le présent litige ne concerne que l'interprétation et l'application de l'article 22 de la convention collective. L'obligation de l'employeur de rembourser les frais de cotisation annuelle à l'une de ces organisations y est clairement précisée.

66 La stipulation 22.01a) de la convention collective énonce ce qui suit :

[…] le remboursement des frais de cotisation annuelle fait référence au paiement annuel exigé par l'une des associations énumérées dans cet article pour maintenir en vigueur un titre professionnel et une qualité de membre […]

[Je souligne]

Ce droit au remboursement des frais de cotisation est relié à trois éléments : 1) un paiement; 2) qui est annuel; et 3) dont l'objectif est de maintenir un titre professionnel et une qualité de membre. L'ensemble de ces trois éléments circonscrit le droit d'un employé au remboursement. Selon le libellé de cette stipulation, ces trois éléments sont indissociables. Les circonstances servant de fondement au grief doivent présenter les trois éléments précisés à la stipulation 22.01a) pour ouvrir droit au remboursement.

67 La stipulation 22.01b) de la convention collective énonce une exception au remboursement pour les frais de nature administrative. Les frais reliés à certains modes de paiement, à des paiements en retard ou après la date limite, les frais d'initiation, de réintégration ou d'arriérés de cotisation d'années antérieures sont énumérés à ce titre. La stipulation 22.01c) précise que l'employé doit valider sa demande de remboursement en remettant une preuve de paiement à l'employeur.

68 La preuve démontre que le fonctionnaire s'estimant lésé a payé la cotisation spéciale exigée par l'OCAQ pour renflouer le fond d'indemnisation. Ce paiement a été fait par chèque débité du compte du fonctionnaire s'estimant lésé le 1er novembre 2000. Cet élément rencontre la première exigence de la stipulation 22.01a). Cet élément soulève aussi une question reliée au principe de non-rétroactivité d'une convention collective, qui sera abordée plus loin.

69 Le deuxième élément exigeant que le paiement soit « annuel », comme le précise la stipulation 22.01a) de la convention collective, ou que les frais soient pour une cotisation « annuelle », a été au cour des argumentations des parties. Comme la convention collective ne définit pas le terme annuel, il faut utiliser le sens commun qui définit comme « annuelle » une chose qui revient d'année en année ou qui est pour une période d'une année.

70 Au présent dossier, la preuve démontre que la cotisation spéciale a été imposée le 31 août 2000 par l'OCAQ, qui l'assimilait à la cotisation annuelle de par son caractère obligatoire et la possibilité de radiation du Tableau des membres advenant un défaut de paiement. Bien que la preuve démontre que la cotisation pour renflouer le fond d'indemnisation de l'OCAQ a été intégrée à la cotisation annuelle par la suite, la cotisation spéciale du 31 août 2000 n'est pas annuelle car elle a fait l'objet d'une réclamation particulière, distincte de la cotisation annuelle de membre pour l'année s'étendant du 1er avril 2000 au 31 mars 2001. Que l'OCAQ décide, pour les années suivant l'année 2000-2001, qu'une part de la cotisation annuelle serve à renflouer le fond d'indemnisation ne transforme pas la cotisation spéciale du 31 août 2000 en une cotisation annuelle.

71 D'autre part, il appert que la cotisation spéciale ne couvre pas toute l'année 2000-2001, n'ayant été réclamée que le 31 août 2000, soit quatre mois après le 1er avril 2000. Ainsi, la cotisation spéciale ne peut pas être considérée comme annuelle, car elle ne vaut pas pour toute l'année en cause, mais seulement pour la période du 1er  novembre 2000 (la cotisation devant être versée au plus tard le 31 octobre) au 31 mars 2001.

72 L'OCAQ considère la cotisation spéciale au même titre que la cotisation annuelle et le défaut d'assumer le paiement dans le délai peut entraîner une radiation du Tableau des membres. Bien que cette circonstance rencontre le troisième élément de la stipulation 22.01a) de la convention collective, elle ne peut, en l'absence d'un autre élément, fonder le droit au remboursement.

73 En conséquence, la cotisation spéciale du 31 août 2000 pour renflouer le fond d'indemnisation de l'OCAQ ne rencontre pas tous les éléments ouvrant droit au remboursement de cotisation qui sont prévus à la convention collective. Sur cette base le grief est rejeté. Malgré tout, il est important de trancher aussi la question soulevée relativement à l'application du principe de non-rétroactivité de la convention collective.

B. Application du principe de non-rétroactivité d'une convention collective

74 Relativement au principe de non-rétroactivité d'une convention collective, je dois rappeler qu'une convention collective engendre des droits et obligations à compter de sa signature. En l'espèce, le droit au remboursement des frais de cotisation prévu à l'article 22 de la convention collective existe depuis le 2 novembre 2000, date de la signature. De plus, la stipulation 48.01 précise que la durée de la convention collective court de sa signature jusqu'au 21 juin 2001.

75 Le principe de non-rétroactivité souligné dans Canadian Labour Arbitration et repris dans Bunka implique qu'une convention collective n'a aucun effet rétroactif à moins qu'une de ses stipulations le précise d'une façon expresse et claire.

76 L'élément factuel servant de fondement au droit du fonctionnaire s'estimant lésé et à l'obligation de l'employeur précisés à l'article 22 de la convention collective est manifestement le paiement de la cotisation. Ni le libellé spécifique de la stipulation 22.01c), ni celui de l'article 22 dans son ensemble, n'énonce en termes précis que le paiement des frais de cotisation effectué avant l'entrée en vigueur de la convention collective est remboursable. Aucune autre stipulation de la convention collective n'énonce une quelconque rétroactivité. En conséquence, le paiement de la cotisation doit avoir été effectué pendant la période d'effet de la convention collective pour pouvoir donner droit à son remboursement. En ces circonstances, le principe de non-rétroactivité d'une convention collective doit recevoir application.

77 L'argumentation du fonctionnaire s'estimant lésé selon laquelle l'employeur avait la responsabilité de préciser sa volonté de ne pas donner d'effet rétroactif à l'article 22 de la convention collective, alors qu'antérieurement il était clair que les cotisations annuelles étaient remboursables (depuis le 1er janvier 1998), ne peut pas être retenue. Un tel argument va à l'encontre de la règle d'interprétation qui prévoit qu'une preuve extrinsèque (volonté des parties à la négociation collective ou volonté exprimée dans d'autres circonstances) n'est recevable pour clarifier le texte d'une convention collective que si le texte est ambigu ou porte à confusion. Dans le présent dossier, l'article 22 de la convention collective ne porte pas à confusion et il est clair; il ne précise aucune rétroactivité. Cet argument, qui imposerait à l'une des parties l'obligation de préciser sa volonté de ne pas donner de portée rétroactive à certaines stipulations, va à l'encontre du principe de non-rétroactivité des conventions collectives à moins de stipulation expresse au contraire. L'application à contrario du principe de non-rétroactivité des conventions collectives n'est pas possible, contrairement à ce que tente de faire le fonctionnaire s'estimant lésé.

78 Pour ces raisons, je conclus que la convention collective applicable n'a aucune portée rétroactive. En conséquence, le grief demandant le remboursement de la cotisation payée par le fonctionnaire s'estimant lésé avant la date d'entrée en vigueur de la convention collective ne peut être accueilli.

79 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

80 L'objection préliminaire de compétence soulevée par l'employeur est rejetée.

81 Le grief est rejeté.

Le 17 octobre 2007

Léo-Paul Guindon,
arbitre de grief

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