Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déclaré que le défendeur, un représentant de l’agent négociateur, ne s’était pas correctement occupé de ses plaintes - un des griefs, une suspension de deux jours, s’est résolu, au dernier palier de la procédure, par une réprimande écrite - la plaignante a obtenu le remboursement du salaire perdu - un autre grief concernait un Examen du rendement et évaluation de la plaignante, que l’employeur a refusé de modifier - le troisième grief, concernant une réprimande écrite relative à la qualité du travail de la plaignante, a été confirmé au dernier palier de la procédure - le défendeur n’a pas voulu renvoyer les griefs à l’arbitrage - la preuve montre que le défendeur a correctement mené tous les griefs jusqu’au dernier palier de la procédure et qu’il a soigneusement évalué toute possibilité de prendre d’autres mesures - la plaignante a également reproché au défendeur de ne pas avoir pris au sérieux ses allégations concernant le harcèlement psychologique dont elle se disait victime dans son milieu de travail - le défendeur a demandé à la plaignante de lui fournir des détails précis à ce sujet, mais n’en a jamais reçu - l’arbitre de grief a conclu qu’il n’y avait aucun élément de preuve que le représentant de l’agent négociateur avait agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-09-20
  • Dossier:  561-02-74
  • Référence:  2007 CRTFP 100

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

CHARLENE COX

plaignante

et

CLAUDE VEZINA

défendeur

Répertorié
Cox c. Vezina

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, commissaire

Pour la plaignante:
Elle-même

Pour le défendeur:
Tim Gleason, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
du 4 au 6 juillet 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Plainte devant la Commission

1  Le 1er septembre 2005, Charlene Cox (la « plaignante ») a déposé une plainte en vertu de l'alinéa 190(1)g) de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, dans laquelle elle alléguait que Claude Vezina, un représentant employé par l'agent négociateur de la plaignante, l'Association canadienne des employés professionnels (ACEP), et l'ACEP elle-même (les « défendeurs ») se sont livrés à une pratique déloyale de travail au sens de l'article 185 de la Loi.

2 La plaignante travaille comme technicienne juridique à la Section des litiges autochtones du ministère de la Justice à Vancouver, en Colombie-Britannique. Son poste est classifié dans le groupe Économique et services de sciences sociales, au niveau SI-03.

3 Les dispositions de la Loi auxquelles a renvoyé la plaignante se lisent comme suit :

[…]

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

 g) l'employeur, l'organisation syndicale ou toute personne s'est livré à une pratique déloyale au sens de l'article 185.

[…]

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s'entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

4 La plaignante a résumé son allégation dans un document joint au formulaire de présentation de sa plainte :

[Traduction]

[…]

Je dépose cette plainte parce que j'estime que l'ACEP, et son agent des relations de travail, Claude Vezina, ont géré ma situation d'une façon arbitraire et en faisant preuve de mauvaise foi. À plusieurs reprises, j'ai été menacée de licenciement, mais Claude a manifesté de l'indifférence à l'égard de mes intérêts. Il n'a pas répondu à mes appels téléphoniques ni à mes courriels. Il a déposé trois griefs en mon nom, mais il n'a jamais examiné les documents que je lui ai envoyés, il n'en a jamais discuté avec moi et il ne m'a posé aucune question. Il n'a donné aucun exposé à aucun des paliers du processus de règlement des griefs. Il m'a dit qu'il avait formulé des observations complètes au deuxième palier mais […] c'était faux. Au dernier palier, j'ai dû présenter moi-même des observations parce que Claude ne savait rien de ma situation et n'a pas pu contribuer de quelque façon que ce soit. Aucune preuve n'a été présentée par mon gestionnaire à aucun moment du processus de règlement des griefs. Claude n'a rien fait pour obtenir des copies d'aucun élément de preuve existant afin que je puisse voir de telles preuves si elles existaient et y répondre. Claude a déposé les griefs, après un gros effort de persuasion de ma part, et ensuite je n'ai plus rien entendu de lui. Lorsque le sous-ministre a statué sur mon cas et que les trois griefs ont été rejetés, Claude m'a dit que rien ne pouvait être fait. Plus tard, j'ai appris que ce n'était pas vrai. J'ai été forcée de consulter un avocat, parce que le syndicat qui me représentait refusait de répondre à mes demandes d'information et de m'informer de mes droits. Je savais qu'il devait y avoir des délais fixes et j'avais besoin de me faire conseiller par quelqu'un pour savoir ce que je pouvais faire, le cas échéant, le plus rapidement possible.

Je pense que l'inaction ou l'action superficielle du syndicat dénote une abdication totale de ses responsabilités, et que le problème n'est pas un manque de communication, mais plutôt un manque de représentation.

[…]

5 La plaignante a demandé qu'à titre de mesure correctrice, [traduction] « […] un autre agent des relations de travail soit assigné à mon cas; que l'ACEP me rembourse mes frais juridiques et toute autre chose que la Commission juge appropriée ».

6 L'avocat des défendeurs a répondu à la plainte le 24 novembre 2005. Il a rejeté :

[Traduction]

[…]

 […] toutes les allégations faites contre eux par la plaignante. En fait, les défendeurs déclarent que la plaignante a été extrêmement bien représentée et conseillée par le syndicat et tous ses représentants […]

[…]

7 La plaignante a répondu aux observations de l'avocat des défendeurs le 9 décembre 2005.

8 La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a nommé un médiateur en février 2006 pour aider les parties à explorer la possibilité d'un règlement à l'amiable du différend. Le processus de médiation a échoué.

9 Le président m'a renvoyé la plainte pour que je tienne une audience et me prononce sur l'affaire en ma qualité de commissaire.

10 Lors d'une conférence préparatoire qui a eu lieu le 25 juin 2007, la plaignante a confirmé que son allégation avait trait au devoir de représentation équitable énoncé à l'article 187 de la Loi :

187. Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses dirigeants et représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

À cette conférence préparatoire, j'ai donc exploré une fois de plus, également sans y réussir, la possibilité de résoudre cette question à l'amiable.

11 Lors de l'audience, la plaignante a précisé que ses allégations concernant une violation de l'article 187 de la Loi s'appliquaient uniquement à M. Vezina (« le défendeur ») et non pas à l'ACEP. Par conséquent, j'ai retiré le nom de l'ACEP en tant que défendeur en l'espèce.

Résumé de la preuve

12 La plaignante et le défendeur étaient les seuls témoins à l'audience. Les deux parties ont soumis au total 54 pièces.

13 Le témoignage de la plaignante consistait principalement en la présentation, par elle, d'un document écrit, un [traduction] « Résumé de la preuve » (pièce C-1), joint à l'origine à la formule 16 (« Plainte visée à l'article 190 de la Loi »). Par souci de brièveté, j'ai reproduit ce résumé un peu partout dans le texte ci-dessous, en y ajoutant des renseignements supplémentaires tirés des éléments de preuve présentés de vive voix par la plaignante, lorsque c'était approprié, et tout en précisant les pièces pertinentes. Pour certains aspects, la plaignante a lu à voix haute des passages de documents qu'elle avait ajoutés au dossier et n'a fourni aucun témoignage additionnel ou a fourni un témoignage supplémentaire très limité.

14 La plaignante a expliqué qu'elle faisait face à une situation très grave au travail après que l'employeur eut nommé deux nouveaux gestionnaires. Elle a expliqué que ces personnes avaient une attitude empreinte d'hostilité vis-à-vis d'elle durant les réunions, criaient contre elle et l'accusaient de choses qu'elle n'avait pas faites. Elle a décrit l'expérience comme du [traduction] « terrorisme » ou comme de la « violence en milieu de travail ». Ne sachant pas exactement de quoi elle était victime, elle a fait des recherches sur Internet, où elle a découvert de l'information au sujet d'un phénomène appelé [traduction] « persécution collective ». De son point de vue, les descriptions de « persécution collective » qu'elle a trouvées sur Internet décrivaient exactement ce qu'elle vivait (pièce C-4).

15 La plaignante a communiqué avec son agent négociateur pour l'aider à faire face à ce problème de « persécution collective » et à d'autres préoccupations. Une de ces préoccupations était le contenu d'une ébauche de l'Examen du rendement et appréciation de l'employé (ERAE) rédigée par son gestionnaire, Patrick Walker. Elle a eu deux conversations avec le défendeur, qui travaillait à Ottawa, au bureau national de l'ACEP, au sujet de ces questions. D'après la plaignante, le défendeur a répondu qu'il ne ferait rien. Elle a ensuite assuré un suivi auprès du superviseur du défendeur à l'ACEP, Claude Danik, et auprès de Bertrand Myre, qui était le remplaçant par intérim de M. Danik, leur fournissant de l'information additionnelle au sujet de la « persécution collective » (pièces C-2 et C-3) :

[Traduction]

[…]

17 juin 2004 - envoi d'un courriel à Bertrand Myre, à l'ACEP, à propos de ma conversation avec Claude Vezina, l'informant du fait que celui-ci avait dit qu'il déposerait des griefs en mon nom et qui plus tard a affirmé qu'il n'avait nullement l'intention de le faire. Puis, j'ai transmis mon courriel à Claude Danik, superviseur des agents des relations de travail, qui m'a répondu que Claude Vezina s'occupait de mon cas. J'ai répondu qu'il serait agréable de recevoir une communication de Claude Vezina.

22 juin 2004 - envoi d'un courriel à Bertrand Myre à l'ACEP pour lui exposer ma situation au travail et pour l'informer du fait que Claude ne m'avait toujours pas contactée.

[…]

16 La plaignante a témoigné qu'en dépit des assurances fournies par ces personnes que le défendeur lui fournirait de l'aide, ce dernier n'a pas communiqué avec elle. Entre-temps, M. Walker a fait savoir au défendeur dans un courriel en date du 12 juillet 2004 qu'il n'était pas prêt à modifier la cote « ne répond pas aux attentes » dans son ERAE, avec laquelle elle était en désaccord. Elle a de nouveau essayé de communiquer avec le défendeur pour qu'il l'aide à déposer un grief contestant son ERAE (pièce C-4) :

[Traduction]

[…]

12 juillet 2004 - j'ai imploré Claude Vezina de déposer le grief. J'ai également transmis mon courriel à Bertrand Myre parce que Claude Vezina n'avait jamais communiqué avec moi.

[…]

17 Le 1er septembre 2004, la plaignante a communiqué avec un vice-président de l'ACEP, Derek Brackley, pour lui communiquer ses préoccupations concernant la façon dont le défendeur s'occupait du grief qu'elle voulait déposer pour contester son ERAE, ainsi que d'un deuxième grief contestant une réprimande écrite qu'elle avait reçue dans l'intervalle. Elle a témoigné qu'elle avait envoyé au défendeur une lettre détaillée lui demandant de l'aider à contester cette mesure disciplinaire (pièce C-11). Elle a de nouveau envoyé un courriel à M. Brackley le 12 septembre 2004 et lui a signalé que le défendeur, après en avoir ri, avait refusé d'accéder à sa requête lui demandant de communiquer avec M. Walker pour qu'il mette fin aux menaces, au harcèlement et à la « persécution collective » dont elle était victime (pièce C-5) :

[Traduction]

[…]

1er septembre 2004 - Envoi d'un courriel à Derek Brackley pour exprimer mes préoccupations à propos de Claude Vezina, qui ne manifeste aucun intérêt pour ma situation et réponse de Derek, qui affirme qu'il parlera à Claude. J'ai répondu que quelqu'un (à l'ACEP) m'avait dit que Claude appellerait Patrick et mettrait fin à la manière dont il me traitait, mais que Claude avait refusé. [Remarque : Plusieurs personnes m'ont dit par le passé qu'un appel téléphonique du syndicat à un gestionnaire maltraitant un employé était une façon très efficace pour mettre fin à un traitement irrespectueux. Je crois que Bertrand Myre était l'une des personnes qui était intervenu ainsi pour un membre de l'ACEP.

[…]

18 Le 12 septembre 2004, la plaignante a fait l'objet d'une autre mesure disciplinaire de la part de son employeur, qui lui a infligé une suspension sans rémunération de deux jours, et puis, elle a déposé un grief pour contester cette mesure (pièce C-12).

19 La plaignante a continué à communiquer avec des représentants de l'ACEP pour les informer de sa situation (pièces C-6 et C-7) :

[Traduction]

[...]

14 septembre 2004 - envoi d'un courriel à Claude Danik pour lui exposer la gravité de ma situation, pour l'informer qu'il faut faire davantage et pour lui demander si le syndicat pourrait faire intervenir son avocat. Il répond qu'il en discutera avec Claude Vezina et le 18 septembre, je lui réponds que je suis terrifiée à l'idée d'être licenciée.

17 septembre 2004 - Envoi d'un courriel à Derek pour lui faire part de mes préoccupations que Claude n'a fait aucune observation en mon nom au premier palier ni a soumis aucun document, et pour lui demander s'il s'agit de la pratique établie. Derek répond qu'il est habituel de ne pas présenter des observations au premier palier lorsque le superviseur immédiat est celui contre qui le grief est dirigé. [Remarque : dans mon cas, le premier palier était le superviseur de mon superviseur.]

[…]

20 La plaignante a décrit le déroulement du processus de règlement des griefs et le rôle joué par le défendeur dans ce contexte :

[Traduction]

[…]

21 octobre 2004 - envoi d'un courriel à Claude (pièce C-8) lui demandant ce qu'il en est de mes griefs.

15 novembre 2004 - courriel de Claude (pièce C-9) lui demandant de réactiver mes griefs et de faire entendre les trois en même temps.

9 janvier 2005 - envoi d'un courriel à Claude (pièce C-10) lui demandant de m'appeler pour me faire part des résultats de la présentation des griefs. 15 janvier - je n'ai rien entendu de lui, donc je le relance.

17 janvier 2005 - Claude me dit « J'ai communiqué l'information concernant les dossiers ». Sont jointes à la présente des copies des réponses de B. Burns indiquant qu'aucune information n'a été présentée et que mon représentant syndical n'a porté aucune information additionnelle à son intention. Les lettres de réprimande, les griefs déposés et les lettres adressées à Claude Vezina renfermant les documents dans lesquels je contestais les allégations faites à mon endroit y sont également joints. À aucun moment durant ce processus, Claude n'a discuté avec moi du processus ni des documents que je lui ai soumis, il ne m'a pas posé de questions et il n'a pas cherché à obtenir des éclaircissements sur quelque aspect que ce soit ni a-t-il demandé d'autres documents. [Remarque : Moins d'une semaine avant l'exposé devant le sous-ministre en mai 2005, Claude m'a dit qu'il n'avait jamais examiné aucun de mes documents.]

[…]

21 Le 29 janvier 2005, la plaignante a envoyé un courriel à la déléguée syndicale locale de l'ACEP, Mardie Campbell, qu'elle avait consultée à l'occasion durant le processus de règlement des griefs. Parlant de l'audience au deuxième palier, la plaignante a indiqué que le défendeur avait été [traduction] « brillant » en obtenant l'ajout au dossier d'une admission concernant la formation, comme en a témoigné la décision rendue au deuxième palier (pièces C-31 et C-35). Le processus de règlement des griefs s'est poursuivi :

[Traduction]

[…]

4 février 2005 - envoi d'un courriel à Claude (pièce C-13) concernant la difficulté à lui transmettre des formulaires par télécopieur. Je lui ai également laissé des messages téléphoniques, mais il n'a jamais retourné mes appels.

19 février 2005 - courriel à Claude (pièce C-14) lui demandant de l'information au sujet d'un exposé au sous-ministre.

26 février 2005 - courriel à Claude (pièce C-15) à propos de notre conversation durant laquelle il avait dit que je me chargerais de l'exposé au SM et pour lui dire que je ne savais pas comment procéder. J'ai également envoyé un courriel pour me plaindre à ce sujet à ma déléguée syndicale de la section locale, et elle a transmis mon courriel à Derek Brackley. Derek n'a pas répondu.

4 mai 2005 - présentation de trois griefs au sous-ministre. Il était clair que Claude n'avait examiné aucun des documents que je lui avais envoyés, puisqu'il était incapable d'exposer mon cas. C'est moi qui ai dû expliquer toute la situation et je n'étais pas préparée.

25 mai 2005 - réception de la décision du sous-ministre [associé] (pièce C-16).

[…]

22 Le sous-ministre associé a rejeté le grief de la plaignante contestant son ERAE et la lettre de réprimande, mais a accueilli en partie son troisième grief en substituant une réprimande écrite à sa suspension de deux jours (pièce C-17).

23 Selon la plaignante, le défendeur lui a dit dans une conversation subséquente qu'il n'y avait aucun recours dont elle pouvait se prévaloir pour en appeler de la décision du sous-ministre associé :

[Traduction]

[…]

26 mai 2005 - courriel à Claude (pièce C-18), qualifié de hautement prioritaire, lui demandant de m'appeler. Nous avons parlé pendant quelques instants et tout ce qu'il a dit c'est qu'il ne pouvait rien faire.

26 mai 2005 - envoi d'un courriel à Derek Brackley (pièce C-19) au sujet de la décision du SM et l'informant du fait que Claude avait dit que rien ne pouvait être fait et qu'il n'y avait aucun moyen de porter plainte auprès de la Commission de la fonction publique, auprès de la Cour fédérale ou auprès de la Commission des relations de travail. Je me demande si Claude me dit la vérité. Derek ne répond pas et je le relance à plusieurs reprises. Claude Vezina répond que ma situation n'en n'est pas une dans laquelle la Cour fédérale pourrait intervenir, puisqu'il n'y a pas de motifs valables. [Je ne suis pas d'accord. On m'a refusé mon droit à la justice naturelle, et Claude n'a jamais essayé d'obtenir des copies des éléments de preuve sur lesquels mon gestionnaire affirmait s'appuyer, afin que je puisse les contester. La CFP a clairement affirmé que l'employeur doit prouver ses affirmations.]

[…]

24 La plaignante a alors demandé conseil à un avocat indépendant :

[Traduction]

[…]

7 juin 2005 - étant donné que mon syndicat refuse de faire quoi que ce soit pour moi ou de me fournir de l'information et ne semble pas préoccupé par le fait que j'ai reçu trois documents dans lesquels on menace de me congédier et que je peux maintenant être congédiée sans aucune raison, je rencontre un avocat pour savoir quels sont mes droits et pour voir s'il y a quelque chose que je peux faire.

7 juin 2005 - je fais savoir à Derek et Claude que ses commentaires ne vont pas dans le sens des décisions de la Cour fédérale que j'ai lues et je demande à obtenir d'autres renseignements. J'ai également indiqué que j'avais vérifié auprès d'un avocat qui m'a dit que je pouvais interjeter appel en vertu de la LRTFP et que la CRTFP m'avait informée qu'un appel pouvait lui être soumis, mais qu'il appartenait au syndicat de l'interjeter. Je n'ai reçu aucune réponse à ce courriel (pièce C-22).

[…]

25 Le 7 juin 2005, la plaignante a communiqué avec Mme Campbell pour se plaindre une fois de plus que personne au bureau national de l'ACEP ne lui répondait quant à son souhait de prendre d'autres mesures. La plaignante a dit à Mme Campbell [traduction] « […] Je pense que je les ai trop agacés et maintenant ils m'ignorent » (pièce C-21) :

[Traduction]

[…]

7 juin 2005 - j'ai informé un représentant syndical de la section locale que personne n'avait répondu à mes courriels. Il y avait une limite de temps à l'intérieur de laquelle un appel pouvait être interjeté, et l'avocat allait m'aider à le faire moi-même, mais la loi précise que le syndicat doit s'en charger.

[…]

26 Au printemps 2005, la plaignante a également communiqué avec le défendeur à propos de son assertion que le poste qu'elle occupait était sous-classifié au niveau SI-03 :

[Traduction]

[…]

9 mai 2005 - courriel à Claude (pièce C-22) à propos de la classification de mon poste, de la présentation d'un autre grief et du délai.

18 mai 2005 - courriel à Claude (pièce C-23) l'informant que je lui avais laissé des messages et qu'il était trop tard de m'envoyer les documents concernant les griefs par service de messagerie et qu'il devrait me les envoyer par télécopieur. Ils m'ont été envoyés par télécopieur le 19 mai 2005.

24 mai 2005 - courriel à Claude (pièce C-24) l'informant qu'une évaluation de documents ne constituait pas un examen objectif de mon travail. Il ne m'a pas répondu.

[…]

27 La plaignante a déposé deux griefs de « classification », un pour contester le niveau SI-03 de son poste, et le deuxième alléguant que sa description de travail n'était pas complète ni à jour :

[Traduction]

[…]

10 juin 2005 - réception d'une lettre de Debbie Neergaard (pièce C-25) concernant mon grief de classification. Je n'ai jamais rien entendu de Claude à propos de sa conversation avec Debbie ou à propos de cette lettre.

10 juin 2005 - courriel à Claude, aucune réponse (pièce C-25).

29 juin 2005 - j'informe Debbie, avec copie conforme à Claude, que je n'ai toujours rien entendu de ce dernier (pièce C-25).

22 juillet 2005 - courriel de Donna Penney (pièce C-27) concernant la prise d'arrangements en vue d'une réunion et ma réponse précisant que je ne sais pas quel est le processus à suivre ou quels documents sont requis, avec copie conforme à Claude. Aucune réponse de ce dernier.

[…]

28 Le 25 juillet 2005, un conseiller en politiques de classification du ministère de la Justice a informé la plaignante que la direction fixerait une réunion du comité de griefs pour examiner son grief de classification (pièce C-28). La plaignante a répondu et a indiqué qu'un autre représentant de l'employeur avait accédé à sa demande de suspendre ce dossier (pièce C-29).

29 Le 9 août 2005, la plaignante a informé le bureau national de l'ACEP que le défendeur n'avait répondu ni à la correspondance de l'employeur ayant trait à ses griefs de classification ni à ses propres demandes qu'elle lui avait envoyées pour obtenir de l'information à propos du processus de présentation de griefs de classification. Elle a également fourni un aperçu des critiques détaillées qu'elle avait formulées concernant l'intervention ou le manque d'intervention de la part du défendeur pour la représenter dans le contexte des trois autres griefs. Elle a demandé, en particulier, que l'ACEP lui assigne un autre représentant pour qu'il l'aide et a indiqué que Claude Archambault constituait une possibilité (pièce C-33) :

[Traduction]

[…]

Le 9 août 2005 - j'ai reçu une lettre d'Ottawa au sujet du processus [de présentation d'un grief de classification], dans laquelle on disait que je pourrais être rétrogradée. J'ai envoyé un courriel au président et au vice-président du syndicat et au superviseur des agents des relations de travail, leur indiquant que je n'avais rien entendu de Claude à propos de ce grief et pour leur expliquer comment il avait géré mes autres griefs. Je demande que mon dossier soit confié à un autre agent des relations de travail et que l'on envisage de faire appel à Claude Archambault.

12 août 2005 - réponse par courriel de Bertrand Myre qui ne répond pas de façon adéquate à mes préoccupations concernant l'omission de Claude de communiquer avec moi ou de prendre ma situation au sérieux ni à ma requête que quelqu'un d'autre me représente.

[…]

30 Le 1er septembre 2005, la plaignante a déposé sa plainte auprès de la Commission. Puis, l'ACEP a demandé à M. Archambault de s'occuper des questions de classification en litige et d'autres questions en collaborant avec la plaignante (pièce C-34).

31 La plaignante a fait l'objet d'un long contre-interrogatoire, qui a fourni d'autres renseignements sur l'historique des griefs présentés par elle et son interaction avec le défendeur. J'ai limité le résumé qui suit aux éléments de preuve qui, à mon avis, sont les plus importants pour déterminer comment le défendeur a représenté les intérêts de la plaignante ou qui illustrent le mieux la perception de cette dernière quant aux problèmes avec lesquels elle était aux prises.

32 La plaignante a répondu à des questions concernant la nature des préoccupations qu'elle avait en ce que concernait la présumée « persécution collective » à son lieu de travail (pièces R-2 et C-3) en confirmant qu'elle avait eu le sentiment, à l'époque où elle avait communiqué avec l'ACEP pour obtenir de l'aide, que plusieurs avocats dans son entourage agissaient de façon peu éthique et malhonnête, qu'ils créaient un environnement de travail toxique, qu'ils s'étaient ligués contre elle et qu'ils racontaient constamment des mensonges à son sujet. Elle était d'accord avec l'avocat du défendeur qu'elle croyait à l'époque qu'au moins dix avocats étaient mêlés à un complot contre elle. Elle a admis qu'elle a découvert par la suite, après avoir déposé plusieurs requêtes d'accès à l'information (AIPRP), qu'il n'y avait pas nécessairement eu un front commun contre elle. Toutefois, elle a maintenu son assertion qu'elle [traduction] « […] était littéralement terrorisée ».

33 La plaignante a reconnu que l'ERAE, qui avait fait l'objet de son premier grief (pièce R-4), renfermait des allégations selon lesquelles elle avait des difficultés dans ses interactions avec les membres de l'équipe, des préoccupations au sujet de ses aptitudes à communiquer et au sujet de son grave manque de compétences en matière de résolution des différends, ainsi que des allégations selon lesquelles elle se mettait fréquemment sur la défensive au travail et blâmait les autres. Elle a maintenu que toutes ces allégations contenues dans l'ERAE n'avaient absolument aucun fondement.

34 La plaignante a reconfirmé qu'elle a appris que M. Walker ne réviserait pas son ERAE et qu'elle a ensuite transmis la réponse de M. Walker au défendeur à Ottawa le 12 juillet 2004, à 19 h 49, ou à 22 h 49, heure d'Ottawa (pièce C-4). Dans le courriel, elle lui demandait ce qui suit : [traduction] « Est-ce que vous déposerez le grief maintenant? S'IL VOUS PLAÎT? » Le même soir, à 23 h 35, heure de Vancouver (2 h 35 à Ottawa), elle a envoyé un message à M. Myre, au bureau national de l'ACEP, affirmant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…][le défendeur] n'a jamais communiqué avec moi. Quelque chose devait être fait concernant ma situation et il faut le faire maintenant […]

35 Lorsqu'on l'a interrogée au sujet de l'exactitude de son courriel adressé à M. Myre, la plaignante a accepté que c'était faux et trompeur de dire que le défendeur n'avait « jamais » communiqué avec elle. Elle a admis que le défendeur lui avait dit comment réagir à l'ébauche antérieure de l'ERAE et lui avait dit que les commentaires qu'elle avait formulés, à l'état d'ébauche, au sujet de l'ERAE étaient corrects. Lorsqu'on lui a demandé si le défendeur lui avait conseillé de joindre ces commentaires à la version finale de l'ERAE, elle a répondu [traduction] « je suppose », mais ensuite a témoigné qu'elle ne parvenait pas à se souvenir s'il lui avait conseillé de rédiger une réponse et elle ne savait pas si elle avait pris l'initiative sur ce point ou si quelqu'un d'autre lui avait dit de le faire. Elle a affirmé qu'elle ne se souvenait pas de plusieurs conversations avec le défendeur durant lesquelles, aux dires de l'avocat du défendeur, celui-ci aurait dressé un plan consistant d'abord à rédiger une réponse écrite au ERAE, pour donner au gestionnaire la possibilité d'y apporter des changements, et à déposer ensuite un grief si cela s'avérait nécessaire.

36 L'avocat du défendeur a demandé si l'accusation de la plaignante selon laquelle le défendeur affichait de l'indifférence à l'égard de sa situation était basée sur son omission alléguée de répondre aux appels téléphoniques et aux courriels. Elle a convenu que c'était en partie à cause de cela. Elle a déclaré qu'elle ne savait pas si le défendeur était indifférent ou n'avait pas compris la situation. Elle avait le sentiment qu'il n'avait pas compris la description du phénomène de « persécution collective » dans la littérature qu'elle lui avait communiquée. D'après elle, il avait omis de répondre à ses communications à un moment où [traduction] « […] chaque jour, je devenais folle, courant essentiellement dans tous les sens en criant "à l'aide, à l'aide!" ».

37 La plaignante a convenu que le défendeur avait déposé un grief contestant l'ERAE dans le délai prévu et qu'il n'avait jamais manqué un délai pour ce qui était de faire avancer son grief jusqu'au dernier palier. Elle a témoigné qu'elle ne pouvait se rappeler qu'il lui avait envoyé des documents concernant la présentation des griefs le 13 juillet 2005, le jour après qu'elle lui eut transmis la réponse fournie au dernier palier par M. Walker. L'avocat du défendeur a alors renvoyé la plaignante à sa propre lettre du 16 juillet 2004 dans laquelle elle reconnaissait la réponse immédiate du défendeur (pièce R-10). La plaignante a convenu que les conseils fournis par le défendeur quant au moment de déposer un grief n'avaient eu aucune conséquence néfaste pour elle.

38 La plaignante a témoigné que le défendeur a déposé, dans les délais, les griefs en son nom ayant trait à la classification de son poste et à sa description de travail (pièces R-7 et R-8). Plus tard, elle a retiré ses deux griefs parce qu'elle [traduction] « […] ne savait simplement pas s'ils valaient la peine d'être poursuivis et ne pensait pas que le processus serait équitable ». Elle était d'accord avec la suggestion de l'avocat du défendeur que le retrait de ses griefs n'avait rien à voir avec le défendeur.

39 La plaignante a convenu aussi que le défendeur avait déposé des griefs dans les délais prévus pour contester deux mesures disciplinaires dont elle avait fait l'objet par la suite (pièces R-11 à R-13).

40 L'avocat du défendeur a posé une série de questions au sujet de l'assertion de la plaignante selon laquelle le défendeur ne répondait pas aux courriels ni aux appels téléphoniques. La plaignante a qualifié son témoignage antérieur en disant que c'était [traduction] « généralement vrai », qu'elle [traduction] « […] pensait que c'était exact […] » mais qu'elle n'avait pas dit [traduction] « chaque communication ». D'après elle, le défendeur [traduction] « […] avait répondu à quelques communications, mais non pas à la majorité ». Lorsqu'on lui a demandé des précisions à ce sujet et d'indiquer combien de fois le défendeur avait ainsi omis de répondre à ses communications, la plaignante était incapable d'être précise, mais a caractérisé la fréquence des contacts comme [traduction] « le strict minimum ». Elle a témoigné qu'elle n'avait pas tenu une liste du nombre de fois qu'il ne lui avait pas répondu et plus tard qu'elle [traduction] « […] ne disait pas qu'il n'avait jamais eu de discussions avec [elle] ».

41 La plaignante a reconnu que, par exemple, le défendeur avait répondu le lundi matin suivant à son courriel envoyé le samedi 15 janvier 2005 (pièce C-10). Parlant d'une situation différente, elle a remis en question si une conversation qui avait eu lieu avec le défendeur pouvait être qualifiée de « discussion » parce qu'une discussion [traduction] « […] consiste à fournir plus d'information et plus de raisons ». En ce qui concernait son affirmation faite dans le courriel en date du 7 juin 2005 que [traduction] « […] [p]ersonne ne m'avait répondu […] » (pièce C-21), elle a admis que le défendeur avait en fait répondu, mais qu'elle ne le savait pas à l'époque parce que la réponse avait peut-être été envoyée à son adresse électronique à domicile. Elle a accepté que son affirmation selon laquelle [traduction] « […] ils m'ignorent […] » n'était pas vraie et a reconnu qu'elle avait écrit à l'époque que peut-être elle les agaçait trop.

42 La plaignante a convenu qu'elle avait parlé avec le défendeur au sujet de la réponse fournie par l'employeur au dernier palier à ses trois premiers griefs, mais a nié qu'il lui avait fourni de l'information au sujet des options en matière d'appel qui s'offraient à elle ou lui expliquant pourquoi ces options ne marcheraient pas dans sa situation. Elle a insisté que le défendeur avait simplement dit « non » lorsqu'elle lui avait demandé s'il y avait d'autres recours. Interrogée davantage sur ce point, la plaignante a d'abord dit qu'elle ne se souvenait pas si le défendeur avait dit que la Loi empêchait le syndicat de poursuivre le règlement de son cas, mais a maintenu plus tard qu'il ne l'avait pas fait et qu'elle avait uniquement obtenu cette information de son avocat. Plus tard encore, elle a témoigné que [traduction] « peut-être » le défendeur le lui avait signalé, mais qu'elle avait alors assuré un suivi auprès de son avocat pour obtenir des renseignements précis. Elle a déclaré qu'elle n'avait pas cru le conseil que lui avait donné le défendeur ou qu'elle en avait douté et que [traduction] « […] il [lui] semblait qu'il devait y avoir autre chose qu'[elle] pouvait faire […] ». Plus tard, elle a déclaré que ce n'était pas tellement le fait qu'elle croyait ou non le défendeur qui était en cause mais qu'il s'agissait plutôt d'une « question de confiance ».

43 La plaignante a expliqué qu'elle voulait que l'ACEP engage un avocat pour [traduction] « faire entendre raison » aux avocats à son travail pour ce qui était du problème de « persécution collective » pendant que, parallèlement, le défendeur continue de s'occuper du règlement de ses griefs. La plaignante a reconnu qu'elle avait écrit que la personne qui communiquerait avec les avocats au travail [traduction] « devait être un avocat » (pièces R-14 et C-6). Elle a reconnu que le superviseur du défendeur lui avait conseillé d'envisager la médiation comme méthode de résolution de ses préoccupations (pièce R-15). Elle a convenu que le défendeur avait discuté du processus de médiation avec elle et qu'elle avait accepté d'y participer, que le défendeur avait pris les arrangements nécessaires pour organiser une séance de médiation et qu'il y avait participé, sans que la procédure eût toutefois un résultat positif.

44 La plaignante a reconnu qu'après l'échec de la médiation, elle avait accepté la proposition de regrouper ses trois griefs et de les présenter ensemble à l'audience au deuxième palier. Elle s'est d'abord souvenue vaguement, mais ensuite a affirmé ne pas pouvoir se souvenir d'avoir discuté avec le défendeur de l'approche à adopter dans le contexte de l'audience au deuxième palier. Elle a convenu qu'elle avait parlé avec le défendeur de l'intention de soulever les questions de formation à l'audience, mais n'était pas en mesure de dire s'il s'agissait là de la stratégie convenue. Lorsqu'on lui a demandé si le défendeur avait discuté de son exposé avec elle avant et après l'audience, la plaignante a répondu qu'elle n'était pas sûre du sens de la question, mais a admis qu'il y avait eu des échanges avant et après. Elle a insisté que le défendeur n'a pas fourni des observations complètes à l'employeur au moment de l'audience, mais a reconnu qu'elle n'y avait pas assisté, ayant changé d'avis concernant sa participation à la dernière minute à cause de stress. Elle a basé son assertion selon laquelle le défendeur aurait omis de donner un exposé complet à l'audience sur le contenu de la réponse fournie par l'employeur au deuxième palier (pièce C-35), même si elle a accepté que ce document ne disait pas explicitement qu'il n'y avait pas eu d'« exposé ». Elle a convenu que le document précisait qu'en raison de l'exposé donné par le défendeur, l'auteur du document avait décidé de réexaminer la question de la formation avant de rendre sa décision.

45 En ce qui concerne l'audience au dernier palier du 4 mai 2005, la plaignante a maintenu que le défendeur y avait dit très peu, l'avait présentée et lui avait entièrement laissé la parole. Elle a maintenu que le défendeur [traduction] « […] ne savait rien du contenu des documents ». Elle a nié qu'avant l'audience, ils avaient planifié l'approche à suivre durant celle-ci et avaient discuté de son rôle consistant à aborder des points précis. Elle a dit avoir été [traduction] « choquée » par ce qui s'était passé. Lorsqu'on lui a montré un courriel envoyé deux mois et demi avant la date de l'audience au défendeur, elle a admis qu'elle savait en février qu'il y avait la possibilité qu'elle ferait des observations à l'audience et qu'elle avait exprimé des préoccupations à ce sujet (pièce C-15). L'avocat du défendeur a suggéré que son client avait ensuite appelé la plaignante pour répondre à son courriel et qu'il lui avait dit qu'il se chargerait de formuler les observations. La plaignante n'a pas accepté cette suggestion, mais elle a convenu qu'elle avait ensuite envoyé au défendeur de l'information détaillée pour l'aider à se préparer et qu'elle lui avait souhaité [traduction] « bonne chance » au moment de la présentation de ses observations (pièce R-2). Elle a également admis que la réponse fournie au dernier palier mentionnait [traduction] « des documents fournis par votre représentant syndical » (pièces C-16 et R-18).

46 L'avocat du défendeur a suggéré qu'il était faux que les trois griefs de la plaignante avaient été rejetés, comme elle l'a maintenu. La plaignante a répondu que [traduction] « […] dans son esprit, [elle] avait perdu et qu'elle continuait à être punie ». Elle a toutefois admis que l'un de ses griefs avait été accueilli en partie, que la lettre de suspension sans rémunération avait été annulée et qu'on lui avait remboursé tout salaire perdu.

47 La plaignante a de nouveau confirmé qu'en réponse à ses courriels et appels téléphoniques faisant suite à la décision au dernier palier, le défendeur avait discuté avec elle des mesures qui pouvaient être prises face à la décision de l'employeur, mais a maintenu son assertion qu'il ne lui avait donné aucun détail et avait [traduction] « simplement dit non ». Elle a nié qu'une communication ultérieure de l'ACEP lui fournissait les raisons pour lesquelles l'agent négociateur n'était pas prêt à renvoyer ses griefs à l'arbitrage ou à en saisir la Cour fédérale (pièce C-33). Elle a affirmé que la réponse ne renfermait pas [traduction] « […] les raisons précises que je voulais connaître ». L'avocat du défendeur lui a suggéré qu'elle avait alors fait appel à l'avocat parce qu'elle n'aimait pas la réponse qu'elle avait reçue du défendeur (pièce C‑9). La plaignante a nié cela, en affirmant que c'était l'omission du défendeur de fournir des raisons qui l'avaient amenée à se faire conseiller par quelqu'un de l'extérieur et a précisé que [traduction] « […] cela n'avait aucun sens [d'après elle] qu'il n'y avait rien que nous puissions faire ». Elle a indiqué que subséquemment elle n'a pas demandé à son avocat de demander un examen judiciaire de la décision parce qu'il lui avait dit qu'il [traduction] « […] pouvait s'en charger mais que cela lui coûterait aux environs de 20 000 $ ».

48 Durant le réinterrogatoire, la plaignante a présenté deux demandes AIPRP, ainsi que les réponses à ces deux demandes, qu'elle avait soumises le 7 décembre 2005 pour savoir quels documents avaient été présentés par le défendeur à l'audience de deuxième palier, quelles [traduction] « notes de déclarations ou de questions » avaient été prises par l'employeur dans le contexte de l'exposé donné par le défendeur à l'audience au dernier palier et quels documents avaient été fournis à l'employeur par le défendeur après la réunion (pièces C-36 et C-37). J'ai noté à l'audience l'objection soulevée par l'avocat du défendeur en ce qui concernait l'admission de ces documents pour le motif qu'en l'absence de l'auteur des réponses aux demandes AIPRP à titre de témoin, il n'y aurait aucune possibilité de vérifier le sens et la validité d'aucune des affirmations contenues dans ces réponses. Aux fins de la présente décision, j'ai déterminé que les deux pièces en question ne fournissaient pas des éléments de preuve sur lesquels je pouvais m'appuyer.

49 Le défendeur a témoigné en son nom. Il a indiqué qu'il représentait des employés pour différents agents négociateurs depuis plus de dix-huit ans, et que depuis cinq ans et demi, il le faisait pour l'ACEP. Il a expliqué que chaque agent des relations de travail employé par l'ACEP se voit assigner un portefeuille de ministères et d'organismes, ce qui inclut de 2 000 à 3 000 membres, dont 80 pour cent travaillent dans la région de la capitale nationale. Le portefeuille du défendeur incluait les membres de l'ACEP en Colombie-Britannique depuis trois ans et demi.

50 Le défendeur s'est rappelé qu'il a eu affaire pour la première fois à la plaignante à un moment donné en juin 2004, lorsqu'elle a communiqué avec lui au sujet d'un ERAE. Il a déclaré qu'il a adopté la même approche à cette occasion que pour tous les cas liés à des ERAE, en conseillant à la plaignante de relever les sujets de préoccupation dans l'ERAE et de les soumettre par écrit au gestionnaire responsable. Il a expliqué que l'ACEP n'avait pas pour pratique de participer à la formulation proprement dite de tels commentaires. Si le gestionnaire ne modifiait pas l'ERAE à la satisfaction du membre, l'ACEP discuterait avec le membre au sujet de la présentation d'un grief. Le défendeur a témoigné que, dans le cas de la plaignante, il s'est écarté quelque peu de la pratique habituelle en acceptant d'examiner une ébauche des commentaires de la plaignante concernant l'ERAE avant qu'elle ne les envoie au gestionnaire. Il lui a dit qu'elle devrait prévoir une ou deux semaines pour la réception d'une réponse du gestionnaire. Il a précisé que si la réponse n'était pas favorable, ils examineraient la possibilité de déposer un grief.

51 Le défendeur a maintenu qu'il avait eu de nombreuses conversations avec la plaignante tout au  long du processus de présentation d'un grief qui a suivi et que ces conversations avaient exigé énormément de temps. Il a affirmé qu'en ce qui concernait le nombre de contacts et le temps consacré, l'expérience qu'il avait eue avec la plaignante se classait parmi les cinq principales situations de ce genre qu'il avait connues à l'ACEP, et peut-être même au [traduction] « premier rang ». Quant à l'allégation qu'il n'avait pas répondu à de nombreux courriels de la plaignante, le défendeur a témoigné qu'à cause de sa charge de travail, il était difficile de répondre à tous les courriels par écrit, qu'il préférait les conversations téléphoniques, qui étaient plus efficaces, et que ces conversations lui permettaient de discuter de questions secondaires posées par les membres et de fournir plus de renseignements.

52 Le défendeur a dit que, dans le cas de la plaignante, il avait parlé avec elle au moins trois fois par semaine en moyenne durant une période de six ou sept mois, et un grand nombre des discussions duraient de 45 minutes à une heure. Toujours d'après le défendeur, souvent, la plaignante soulevait la question de « persécution collective » durant ces conversations et lui envoyait régulièrement de l'information au sujet de ce phénomène. Chaque fois qu'ils discutaient de ce problème, le défendeur l'informait qu'elle devait écrire les faits ayant trait aux incidents, que l'approche de l'ACEP était d'agir dans le contexte des procédures de recours les plus appropriés à la lumière de ces faits et que sa situation laissait supposer qu'il serait peut-être possible de déposer des plaintes de harcèlement. Il a indiqué qu'elle ne lui a jamais fourni l'information détaillée sur laquelle on aurait pu se baser pour déposer une telle plainte. Il croyait que la plaignante avait déposé des plaintes, sans lui demander de la représenter à ces occasions.

53 Le défendeur a signalé qu'il avait discuté de la possibilité de médiation avec la plaignante, en raison de la préoccupation de cette dernière que le processus de règlement des griefs n'avançait pas assez rapidement. Au début, elle a résisté, mais elle y a consenti après plusieurs conversations. Le défendeur a également discuté avec elle du regroupement des trois griefs, une option à laquelle elle ne s'est pas opposée. Une séance de médiation a eu lieu le 2 novembre 2004, mais a échoué. Le défendeur a communiqué avec l'agent des relations de travail de l'employeur pour poursuivre le processus de règlement des griefs. Ils ont convenu qu'il n'était pas nécessaire de fournir une réponse au premier palier et que les griefs devraient être renvoyés directement au deuxième palier en vue de la tenue d'une audience.

54 Le défendeur a eu plusieurs discussions avec la plaignante en prévision de l'audience et a examiné l'information qu'elle lui avait fournie. Le défendeur a témoigné qu'il avait eu le sentiment, d'après son expérience dans de telles situations, que la probabilité que la position de l'employeur change au deuxième palier n'était pas élevée. Il a discuté de l'approche à adopter à l'audience avec la plaignante et a suggéré qu'en raison de l'identité de la personne qui entendrait le cas, il serait préférable de se concentrer tout particulièrement sur des questions de formation ayant un lien avec l'examen du rendement de la plaignante. Plusieurs jours avant l'audience, le défendeur a parlé avec la plaignante, de nouveau pour lui donner un aperçu de l'approche proposée et pour lui parler du rôle qu'elle jouerait en fournissant des détails spécifiques durant l'exposé du défendeur. La plaignante a indiqué que cette approche lui convenait.

55 Le jour avant l'audience au deuxième palier, la plaignante a communiqué avec le défendeur pour lui dire qu'elle ne voulait pas y assister parce que la situation la [traduction] « stressait ». Ils ont décidé que le défendeur se rendrait à l'audience et suivrait l'approche proposée.

56 Dans sa réponse au deuxième palier, l'employeur a rejeté les griefs (pièce C-35). La décision n'a pas surpris le défendeur ni, lui semblait-il, la plaignante. Ils avaient tous les deux anticipé que la meilleure chance de faire progresser la situation serait au dernier palier, ce qui est la raison pour laquelle l'ACEP recommande souvent de sauter la deuxième étape du processus de règlement des griefs. Ils ont discuté des éléments présentés à l'audience par le défendeur à l'employeur et du fait que les représentants de l'employeur, de leur côté, n'avaient pas soulevé de points additionnels. La plaignante a indiqué qu'elle était heureuse du fait que le défendeur avait soulevé la formation en tant que problème et que celle-ci avait été mentionnée clairement dans la réponse écrite de l'employeur. La plaignante n'a rien dit à l'époque qui dénotait une quelconque préoccupation à l'égard de ce qui s'était produit.

57 En prévision de l'audience au dernier palier, le défendeur a demandé à la plaignante de préparer des notes faisant état des questions dont elle voulait qu'elles soient soulevées. Il a expliqué qu'ils suivraient la même approche à cette audience que celle discutée antérieurement au deuxième palier, à savoir que le défendeur se chargerait de faire les observations et demanderait à la plaignante de fournir des détails à propos d'aspects précis. Le défendeur a souligné qu'il n'a jamais dit à la plaignante que c'était à elle qu'il appartiendrait de formuler les observations. Durant les jours précédant l'audience, la plaignante a fourni au défendeur des notes très détaillées, dont ils ont discuté longuement au téléphone, et le défendeur a essayé de sélectionner, parmi les nombreuses questions soulevées par la plaignante, quelques aspects revêtant le plus d'importance pour elle.

58 L'audience au dernier palier a eu lieu à Ottawa le 4 mai 2005. La plaignante a participé par téléconférence. Le défendeur a témoigné qu'il a commencé l'exposé et qu'à la première occasion où il a demandé à la plaignante de faire des commentaires, elle s'est mise à parler et refusait d'arrêter, et qu'elle faisait exactement ce que le défendeur lui avait suggéré de ne pas faire. Il a essayé d'intervenir à plusieurs reprises et d'orienter l'exposé dans la direction convenue, mais la plaignante s'est obstinée. À la fin de l'intervention, le défendeur avait toutefois le sentiment que l'employeur avait entendu des observations détaillées au sujet des trois cas. À l'issue de l'audience, l'employeur a demandé si le défendeur pouvait lui remettre une copie de ses observations. Le défendeur a discuté de cette requête avec la plaignante après l'audience et ils ont convenu qu'il devrait le faire. Il a aussi discuté avec elle d'une requête subséquente de l'employeur, qui souhaitait obtenir des copies des trois courriels. La plaignante a aidé le défendeur à fournir l'information demandée.

59 En rétrospection, examinant tout le processus, le défendeur a émis l'opinion que le volume de préparation et de consultation avec la plaignante avait été très considérable. Elle lui a envoyé de nombreux documents tout au long de la période, et il les a tous examinés. Il a discuté avec elle à de nombreuses reprises de ces documents et de l'information jointe à ses dossiers des griefs. Fréquemment, durant leurs conversations, la plaignante indiquait son souhait de déposer des griefs additionnels contre des personnes particulières au travail. Le défendeur lui a dit qu'il n'appuyait pas cette approche, mais qu'elle pouvait déposer des plaintes de harcèlement avec son aide si elle fournissait un résumé factuel de ses allégations. D'après le défendeur, la plaignante ne l'a pas fait.

60 La plaignante a appelé le défendeur à plusieurs occasions après que l'employeur a communiqué sa réponse au dernier palier (pièce C-16). D'après le défendeur, la plaignante était manifestement très insatisfaite de la décision et voulait que quelque chose soit fait. Le défendeur lui a décrit les recours possibles et lui a expliqué pourquoi il était d'avis que rien d'autre ne pouvait être fait. Il s'est toutefois engagé à discuter de la situation avec ses collègues à l'ACEP et de faire connaître les résultats de cette discussion à la plaignante.

61 Les conversations du défendeur avec son superviseur, ses collègues et le conseiller juridique à l'ACEP portaient tout particulièrement sur la question de savoir si un grief contestant à l'origine une suspension de deux jours sans rémunération pouvait être renvoyé à l'arbitrage, compte tenu du fait que l'employeur avait réduit la pénalité en la remplaçant par une réprimande écrite à l'issue de l'audience au dernier palier. Plusieurs décisions de la Commission semblaient suggérer que ce n'était pas possible, ce qui a amené les représentants à l'ACEP à conclure à l'unanimité que le grief déposé par la plaignante à cet égard n'était pas arbitrable. Ils ont également convenu que l'option d'un examen judiciaire n'était pas viable, étant donné que la décision rendue par l'employeur en réponse aux trois griefs ne semblait pas déraisonnable, erronée, due à de la mauvaise foi ou rendue à la suite d'une procédure viciée.

62 Le défendeur a témoigné qu'il avait communiqué avec la plaignante et qu'il lui avait expliqué que l'ACEP avait examiné toutes les options et était arrivée à la conclusion qu'il n'y avait aucun autre recours. La plaignante était clairement très mécontente de cette nouvelle et a demandé si la question pouvait, au lieu de cela, être soumise à la Commission de la fonction publique (CFP). Le défendeur a décrit le rôle de la CFP et la raison pour laquelle le renvoi de la question à celle-ci ne constituait pas une option. Puis, il a suggéré à la plaignante qu'en dépit de cela, elle pourrait peut-être explorer la possibilité d'en saisir la Commission ou les tribunaux, sans le soutien de l'ACEP. Il lui a conseillé de communiquer avec ces organismes pour être certaine des délais et des procédures de présentation à suivre. Le défendeur s'est souvenu qu'ils ont également discuté brièvement de la possibilité pour la plaignante de consulter son propre avocat.

63 Lorsqu'on lui a demandé ce qu'il pensait de l'assertion de la plaignante qu'il avait manifesté une attitude indifférente à son égard, le défendeur a nié l'accusation et a suggéré que cela correspondait peut-être plutôt à sa croyance qu'il n'avait pas cru l'histoire de la « persécution collective ». Il a souligné sa conviction que l'agent négociateur doit agir dans les limites des recours possibles. La plaignante voulait combattre un complot de « persécution collective » en déposant des griefs contre une longue liste de personnes. Le défendeur lui a conseillé plutôt d'envisager l'option consistant à présenter des plaintes de harcèlement, une option dont elle ne s'est jamais prévalue en faisant appel à lui. Lorsqu'on lui a demandé si, à sa connaissance, M. Archambault avait déposé des griefs concernant la « persécution collective » au nom de la plaignante une fois que son cas lui avait été assigné, le défendeur a répondu par la négative.

64 Durant le contre-interrogatoire, la plaignante a demandé à obtenir des détails précis à propos des nombreuses conversations qu'il aurait eues avec elle, comme il l'a déclaré durant son témoignage, et au sujet des préoccupations dont ils avaient discuté. Le défendeur a expliqué que la plaignante l'avait appelé fréquemment après ses rencontres avec ses gestionnaires ou avec des membres du personnel, et parfois avant les réunions également. Souvent, elle voulait qu'un représentant de l'agent négociateur assiste à ces réunions où y participe par téléconférence. La plaignante a signalé que ces réunions portaient essentiellement sur l'attribution de tâches et sa charge de travail. Elle voulait également discuter de sa conviction que l'employeur mentait et essayait de la faire paraître sous un mauvais jour lors de ces rencontres. D'autres sujets de conversation entre la plaignante et le défendeur incluaient les commentaires faits par l'employeur au sujet des compétences de communication de la plaignante, et ses nombreuses préoccupations ayant trait à l'environnement de travail. Le défendeur a réitéré qu'il était inhabituel pour lui de passer autant de temps au téléphone avec un membre, comme il l'avait fait avec la plaignante.

65 Lorsqu'on a insisté pour qu'il fournisse d'autres détails, le défendeur a rétorqué qu'un grand nombre de leurs conversations avaient trait aux événements à l'origine des divers griefs déposés par la plaignante, et particulièrement son grief ayant trait à l'ERAE. Le défendeur a témoigné que la plaignante souhaitait également, à une occasion, parler d'une liste de superviseurs contre lesquels elle souhaitait déposer des griefs. Tel qu'indiqué auparavant, le défendeur a dit qu'il lui avait expliqué qu'il était nécessaire de réunir les faits et des documents à l'appui et de trouver des témoins, qui serviraient à étayer toute mesure spécifique prise.

66 Le défendeur a admis qu'il y avait des occasions où il ne répondait pas aux courriels de la plaignante qui faisaient suite à leurs conversations téléphoniques, parce qu'il avait le sentiment qu'elle posait les mêmes questions et soulevait des sujets dont ils avaient déjà discuté. Il a affirmé aussi qu'il avait le sentiment que l'approche de la plaignante était de continuellement attaquer le ministère autant que possible pour le faire paraître sous un mauvais jour. Le défendeur estimait que l'ACEP n'accepterait pas de déposer des griefs faisant état d'une « persécution collective », comme elle l'exhortait à le faire, mais continuerait d'user des meilleurs recours à sa disposition pour s'occuper des préoccupations, dans la mesure où elles s'appuyaient sur des faits. Il a noté qu'au fil du temps, l'ACEP a déposé au moins dix griefs au nom de la plaignante sur cette base.

67 La plaignante a demandé si le défendeur n'avait jamais rencontré le superviseur de celle-ci, M. Walker. Le défendeur a répondu par la négative.

68 Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il n'aurait pas été utile de tenir une audience au premier palier pour entendre les griefs de la plaignante, le défendeur a répondu qu'ils avaient discuté de façon détaillée du processus et avait clairement convenu de ne pas y avoir recours. Il a mentionné que la plaignante elle-même avait dit que la direction ne changerait jamais rien au premier palier.

69 Le défendeur a affirmé que l'approche qu'il avait conseillée pour l'audience au deuxième palier était l'approche qu'il suivait généralement dans la plupart des cas. Sa méthode était de travailler avec le membre pour se préparer à l'audience, d'examiner chaque document fourni par le membre, de diriger l'intervention à l'audience et de guider l'employeur à travers les principaux éléments du cas et de demander au membre de faire des observations à propos d'aspects précis, selon que c'était nécessaire. Le défendeur a témoigné que la plaignante avait indiqué durant leurs discussions préparatoires que la formation était le principal sujet d'intérêt, puisqu'elle avait le sentiment que le gestionnaire dont elle relevait mentait à ce sujet. Le défendeur a précisé que la plaignante avait exprimé l'opinion que s'ils réussissaient à inclure la question de la formation au dossier, cela fournirait des arguments pour le cas au prochain palier. En réponse à d'autres questions sur le déroulement proprement dit de l'audience, le défendeur a déclaré qu'il avait présenté à l'employeur les différents éléments d'information que la plaignante lui avait fournis, tout en accordant une attention particulière, tel que convenu, à la question de la formation.

70 La plaignante a demandé au défendeur s'il n'avait jamais examiné les documents qu'elle lui avait envoyés en prévision de l'audience au dernier palier (pièce R-2). Il a répondu par l'affirmative, qu'ils en avaient discuté à deux ou trois reprises et qu'elle avait apporté des révisions aux documents à sa suggestion. Il avait mis en lumière avec elle les passages dans les documents sur lesquels ils devraient se concentrer à l'audience et elle avait accepté qu'il en soit ainsi. Il a confirmé qu'il avait préparé des notes d'information pour son exposé en se basant sur les documents fournis par elle et le contenu de leurs discussions.

71 Le défendeur a répété que la plaignante a profité de la première occasion à l'audience au dernier palier où il l'a invitée à faire des commentaires pour se mettre à parler sans arrêt, malgré les efforts faits par lui pour interrompre son intervention. Il était clair pour lui qu'elle voulait lire à voix haute tout ce qui se trouvait dans ses documents et qu'elle a en fait profité de l'occasion pour dire tout ce qu'elle avait souhaité dire. Lors d'une conversation téléphonique après l'audience, la plaignante a dit au défendeur qu'elle était assez satisfaite de l'exposé.

72 La plaignante a demandé au défendeur s'il avait demandé à obtenir des décisions de la Cour fédérale lorsqu'il avait examiné les moyens de recours qui s'offraient à elle avec ses collègues à l'ACEP. Le défendeur s'est souvenu d'avoir examiné deux décisions à l'époque et a signalé qu'il avait discuté de la jurisprudence, ainsi que de la Loi, avec ses collègues. Interrogé pour savoir quelles étaient les décisions spécifiques qu'il avait consultées, le défendeur a répondu qu'il ne pensait pas qu'il avait l'obligation de fournir les décisions à la plaignante.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour la plaignante

73 La plaignante m'a renvoyé, dès le début de son argumentation, à la décision de principe rendue par la Cour suprême du Canada dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, où la Cour a décrit l'obligation de « représentation juste » d'un syndicat, comme suit :

[…]

[…] La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié. Lorsque, comme en l'espèce et comme c'est généralement le cas, le droit de porter un grief à l'arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n'a pas un droit absolu à l'arbitrage et le syndicat jouit d'une discrétion appréciable. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l'importance du grief et des conséquences pour le salarié, d'une part, et des intérêts légitimes du syndicat d'autre part. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

[…]

La Cour a ensuite noté un commentaire favorable fait par la British Columbia Labour Relations Board (BCLRB) dans Rayonier Canada (B.C.) Ltd. c. International Woodworkers of America, local 1-217, [1975] 2 Can LRBR 196, aux pages 201 et 202 :

[…]

[…] Un syndicat ne doit pas agir de mauvaise foi, c'est-à-dire qu'il ne doit pas être hostile à l'égard d'une personne ni être vindicatif sur le plan politique ou être malhonnête. Il ne saurait y avoir de discrimination, y compris une inégalité dans le traitement des fonctionnaires, que ce soit pour des motifs comme la race et le sexe, ou le simple favoritisme personnel. Et un syndicat ne peut agir de façon arbitraire en faisant preuve d'indifférence à l'égard des intérêts des fonctionnaires. Un syndicat [traduction] « […] doit adopter un point de vue raisonnable sur le problème qui lui est soumis et arriver à une décision réfléchie sur les mesures à prendre, après avoir tenu compte des divers facteurs conflictuels et pertinents ».

[…]

74 La plaignante m'a fourni les définitions des termes « arbitraire » et « mauvaise foi » qu'elle affirme avoir obtenues du site Web de la BCLRB :

[Traduction]

Un syndicat agit de façon arbitraire dans le contexte du traitement d'un grief si son attitude envers l'intérêt d'un employé est superficielle, capricieuse, indifférente ou caractérisée par de l'insouciance téméraire.

[…]

Des décisions de mauvaise foi sont des décisions influencées par des sentiments personnels d'hostilité, de vengeance ou de malhonnêteté.

[Définitions fournies de vive voix par la plaignante]

La plaignante a fait valoir que ces définitions décrivaient la conduite du défendeur.

75 La plaignante m'a également renvoyé à Campbell c. Section locale 938 des Teamsters c. United Parcel Services du Canada Ltée, [1999] CCRI no 8, dans laquelle il a été rendu qu'il y avait eu contravention du devoir de représentation équitable à cause d'un manque de communication du syndicat avec le plaignant et à cause de l'omission du syndicat de mener une enquête approfondie sur sa situation.

76 La plaignante a décrit sa situation au travail comme inhabituelle et grave (pièces C‑3 à C-6) et comme correspondant à un phénomène portant le nom de « persécution collective » au sujet duquel elle avait fait des recherches dans des documents de référence en ligne : [traduction] « Maintenant cela porte un nom : "persécution collective" au travail », http://www.womans-net.com/ et http://en.wikipedia.org/wiki/Mobbing. D'après la plaignante, son expérience en tant que victime de « persécution collective » a commencé lorsqu'un nouvel avocat a été nommé à un poste de gestionnaire à son travail. Les graves problèmes qui ont suivi ont incité la plaignante à se mettre en rapport avec son agent négociateur pour obtenir de l'aide.

77 La plaignante a fait valoir que la preuve, dans son ensemble, montre que le défendeur n'a pas pris sa situation au sérieux et que les observations qu'il a faites en son nom étaient superficielles et qu'il avait une attitude indifférente. Elle a noté l'affirmation faite par le défendeur durant son témoignage qu'il [traduction] « ne croyait pas à une persécution collective » et aussi qu'il pensait que sa situation était [traduction] « comique ». Alors que la plaignante tentait d'obtenir l'aide du défendeur en réponse à ses problèmes, ce dernier ne répondait pas à ses appels téléphoniques ni à ses courriels (pièces C-2, C-3 et C-22) et ne l'avait pas tenue au courant du statut de ses griefs (pièces C-7, C-8, C-10, C-19, C-22, C-23 et C-25 à C‑27). D'après la plaignante, ils ont eu très peu discussions tout au long du processus de règlement des griefs et le défendeur n'était pas disposé à faire [traduction] « même un seul appel téléphonique » à son gestionnaire pour voir s'il pouvait mettre fin au présumé problème de persécution collective. Elle a soutenu que le défendeur n'a pas entendu ses supplications désespérées qu'il l'aide (pièces C-4 et C-6).

78 Même si le défendeur a rempli les documents nécessaires pour déposer les trois griefs initiaux de la plaignante, il en a déposé deux juste avant la date limite (pièces C-2 et C-23). Le processus de règlement des griefs était très lent, ce qui a amené la plaignante à penser que l'aide d'un avocat pourrait l'aider à améliorer son environnement de travail, puisqu'il était plus probable que les avocats lui causant des problèmes à son travail écouteraient un autre avocat. Le défendeur et l'ACEP n'ont pas approuvé la demande de la plaignante concernant l'intervention d'un avocat.

79 La preuve montre que le défendeur n'a pas fait d'observations aux audiences où étaient entendus les trois griefs déposés par la plaignante. Son témoignage selon lequel il aurait fait des observations complètes (pièce C-10) n'est pas véridique. Même si la plaignante a envoyé des documents au défendeur en prévision des audiences, aucun document n'a été présenté lors de celles-ci. Il n'y a aucune indication au dossier de notes, d'affirmations ou de questions que le défendeur aurait présentées avant ou durant l'audience au deuxième palier, ni a-t-il reçu de quelconques documents de l'employeur (pièce C-37). La situation était la même au dernier palier. C'est seulement après l'audience au dernier palier que le défendeur a fourni des documents à l'employeur et, même là, ils se limitaient aux ébauches de documents préparées par la plaignante (pièce C-36). Le défendeur n'a fourni aucun document, aucune note ou aucun résumé ou quoi que ce soit d'autre qu'il avait peut-être préparé.

80 Durant le contre-interrogatoire, le défendeur n'a à aucun moment fourni de l'information précise à l'appui de son affirmation qu'il avait eu de nombreuses longues conversations avec la plaignante durant le processus de règlement des griefs. Même s'il a déclaré qu'il avait reçu des requêtes de la plaignante de déposer de nombreux griefs, il n'a fourni aucune preuve démontrant la véracité de son affirmation. Cela ne s'est pas produit.

81 Il ressort clairement du témoignage du défendeur qu'il reçoit des instructions des employés qu'il représente et qu'il n'assume pas le contrôle du processus ni informe les employés de leurs droits. Le défendeur a parlé d'une stratégie adoptée à l'occasion de l'audience au deuxième palier consistant à se concentrer sur la question de la formation, mais la preuve n'appuie pas cette assertion. Compte tenu de la nature de la situation au travail à laquelle faisait face la plaignante, il n'est pas plausible qu'elle se serait entendue avec lui, comme l'allègue le défendeur, qu'ils se concentrent uniquement sur la formation. En ce qui concerne l'audience au dernier palier, le défendeur n'a pas réussi, durant le contre-interrogatoire, à identifier les points clés qu'il avait soulevés durant son exposé. Il a témoigné que la plaignante avait refusé d'arrêter de parler et n'avait pas suivi le plan convenu, mais il n'y avait aucune information quant à l'existence d'un tel plan et aucune preuve faisant état de documents utilisés à l'audience autres que les documents préparés par la plaignante elle-même. Tandis que le défendeur a déclaré que ces documents contenaient beaucoup d'information inutile, il les a toutefois transmis à l'employeur après l'audience. Il a également témoigné qu'il a transmis d'autres documents le 11 mai 2005, mais n'a fourni aucune preuve à l'appui de cette allégation.

82 Lorsque la décision rendue au dernier palier a été obtenue, la plaignante a parlé au défendeur des différents mécanismes d'appel. Le défendeur lui a dit qu'il n'y en avait aucun (pièce C-19), n'a donné aucune raison pour cette conclusion et n'a fourni aucune information à la plaignante au sujet de ses droits ou les raisons pour lesquelles il faisait cette affirmation. Il a dit qu'il appartenait à la plaignante de s'informer davantage, d'explorer ses droits et de décider par elle-même la voie à suivre. Du fait que le défendeur ne lui fournissait pas d'information, la plaignante n'a pas eu d'autre choix que de parler à un avocat de ses droits.

83 La plaignante a déclaré avoir envoyé au défendeur de nombreux courriels et de nombreuses lettres au sujet de ses griefs de classification. Parce que le défendeur n'a jamais répondu à aucune de ses communications, la plaignante a été forcée de se représenter elle-même. Finalement, elle a demandé à l'employeur de suspendre les griefs (pièces C-37, C-29 et C-30), et ils sont demeurés ainsi jusqu'au moment où elle a informé M. Archambault, qui avait remplacé le défendeur, de ne pas les déposer (pièce R-9).

84 La plaignante a conclu son argument en affirmant qu'elle était très satisfaite de l'intervention subséquente de M. Archambault en son nom et que des changements dramatiques étaient survenus au travail grâce à cela, mais qu'elle craignait que sa prise en charge temporaire de son cas se termine. Elle a demandé que j'émette une ordonnance exigeant que M. Archambault continue de la représenter. La plaignante a également demandé que j'ordonne le remboursement des frais juridiques qu'elle avait encourus et qui s'élevaient à 444,60 $.

B. Pour le défendeur

85 Le représentant du défendeur a déclaré qu'il ne s'opposait aucunement à la jurisprudence citée par la plaignante ou aux définitions des termes « arbitraire » et « mauvaise foi » de la BCLRB qu'elle avait présentées. Il a fait valoir qu'il n'y avait aucune preuve que le défendeur aurait violé un quelconque devoir de représentation complète et équitable de la plaignante, d'après les normes décrites dans la jurisprudence.

86 Toujours d'après le représentant du défendeur, les faits suivants ne sont pas contestés et forment une base conclusive pour le rejet de la plainte : le défendeur a déposé tous les griefs formulés par la plaignante et l'a fait dans les délais prescrits; il a fait avancer tous les griefs à travers les étapes de la procédure de règlement des griefs, comme l'exige la convention collective; il a participé à une médiation d'une journée pour tenter de résoudre tous les griefs; il a participé aux audiences des griefs au deuxième palier et au dernier palier et il n'a jamais compromis la possibilité pour la plaignante de poursuivre la présentation de ses griefs.

87 Le défendeur ne conteste pas non plus qu'après avoir pris connaissance de la décision rendue au dernier palier, il a examiné toutes les circonstances pertinentes et a consulté des collègues, son superviseur et le conseiller juridique employés par l'agent négociateur. À la suite de ces discussions, il est arrivé à une décision motivée que l'agent négociateur ne pourrait renvoyer les griefs de la plaignante à l'arbitrage, ni les soumettre à un examen judiciaire. La Commission ne devrait pas examiner l'exactitude de cette décision. Ce qui importe ici est que le défendeur n'a pas agi de façon arbitraire lorsqu'il a pris sa décision.

88 Le défendeur a informé la plaignante de vive voix et par écrit de la décision de ne pas poursuivre le processus de règlement des griefs. Il lui a fourni des motifs justifiant la décision, en lui indiquant que la Loi empêchait l'ACEP de renvoyer les griefs à l'arbitrage pour contester les résultats de la décision rendue au dernier palier. Il l'a informée qu'elle pouvait se prévaloir d'autres recours de son côté et lui a conseillé de vérifier les délais applicables auprès de la Commission ou de la Cour fédérale. Il a rempli son devoir vis-à-vis de la plaignante. La preuve montre que la plaignante avait déjà en fait obtenu des conseils juridiques ailleurs, a informé le défendeur qu'elle l'avait fait et lui a dit qu'elle savait quels étaient ses droits et les délais à respecter (pièce C-19). Son propre témoignage a confirmé qu'elle a décidé de ne pas continuer en raison du coût, et non pas à cause de quelque chose que le défendeur aurait ou n'aurait pas fait. Rien que sur la base de ces faits, la Commission peut et devrait rejeter la plainte. Rien dans les gestes du défendeur n'a porté préjudice aux droits de la plaignante. C'est elle qui a décidé de ne pas continuer seule. C'est elle qui a décidé de se faire conseiller par un avocat indépendant. L'ACEP n'a aucune obligation en vertu de la Loi de payer pour l'obtention de ces conseils.

89 L'avocat du défendeur a fait valoir que les documents sur la « persécution collective » présentés par la plaignante n'ont que très peu de valeur probante, voire aucune, autre que d'illustrer le fait que la plaignante était obsédée par l'idée de « persécution collective » et ne pouvait pas faire la distinction entre ce qu'elle avait lu en ligne et la situation à son travail. Lorsque le défendeur a demandé à la plaignante de lui fournir les faits précis entourant son traitement au travail, elle ne l'a pas fait et a ainsi omis de présenter des éléments sur lesquels l'agent négociateur aurait pu s'appuyer pour prendre des mesures concrètes. Le défendeur a discuté avec la plaignante de l'option de présenter des plaintes de harcèlement avec l'appui de l'agent négociateur comme solution préférable à la présentation de griefs alléguant une « persécution collective », mais elle n'a jamais fourni les faits pertinents et n'a jamais donné suite à cette option. L'agent négociateur s'est concentré à raison sur les aspects pour lesquels la plaignante a fourni des faits lui permettant d'intervenir et il s'est occupé de ses préoccupations et intérêts avec diligence, en usant des moyens de recours qui étaient appropriés, compte tenu des faits.

90 La plaignante a fait de nombreuses allégations au sujet des exposés qui ont été donnés ou qui n'ont pas été donnés par le défendeur en son nom, et aucune de ces allégations n'était appuyée par la preuve fournie.

91 La plaignante a déclaré que le défendeur pensait que sa situation était [traduction] « comique », mais pour accepter cette allégation, il faut accepter les faits relatés par la plaignante dans un courriel (pièce C-5) qui n'avait rien à voir avec le défendeur et dont il n'a pas reçu une copie conforme.

92 La plaignante a allégué que le défendeur n'était pas disposé à faire un seul appel téléphonique à son gestionnaire (pièce C-6). Il n'y a aucune preuve que la plaignante a jamais demandé au défendeur de le faire. Il était clair, au lieu de cela, qu'elle voulait qu'un avocat communique avec son gestionnaire. Elle a dit que [traduction] cela « [...] devait être un avocat ». 

93 La plaignante a soutenu qu'à plusieurs reprises, elle avait imploré désespérément le défendeur de l'aider et que celui-ci n'avait pas donné suite à ses sollicitations, mais les pièces auxquelles elle renvoie pour appuyer cette assertion (pièces C-4 et C-6) n'étaient pas adressées au défendeur ni en a-t-il reçu une copie conforme. Lorsque la plaignante a demandé au défendeur de déposer des griefs en rapport avec l'ERAE, la réprimande écrite et la suspension de deux jours sans rémunération, il l'a fait sur-le-champ.

94 La plaignante a maintenu qu'elle avait été forcée par l'inaction du défendeur de se représenter elle-même dans le contexte des griefs de classification. La preuve a établi que la plaignante savait que l'ACEP suivait une stratégie commune en réponse aux questions de classification soulevées par l'ensemble de ses membres au ministère de la Justice. La preuve montre aussi que la plaignante a retiré ses griefs de classification par la suite parce qu'ils n'avaient aucun mérite. La plaignante a témoigné que cette décision n'avait rien à voir avec le défendeur. Sur ces seuls motifs, toute plainte concernant la manière dont le défendeur s'était occupé des griefs de classification devrait être rejetée.

95 La plaignante a affirmé qu'il n'y avait aucune entente de renoncer au premier palier de la procédure de règlement des griefs et que le défendeur n'a pas fait des observations en son nom au deuxième palier ni au dernier palier. Au contraire, il y avait une preuve non controversée qu'une entente de ce genre avait été conclue pour le premier palier, dont la plaignante avait connaissance et à laquelle elle avait consenti. La preuve confirme également que le défendeur a donné des exposés aux audiences et y a présenté des documents (pièce C-16). Quant à l'allégation qu'il n'y avait aucune indication de notes, de déclarations ou d'une liste de questions qui auraient été préparées par le défendeur ou de documents transmis par celui-ci à l'employeur le 11 mai 2005, la plaignante ne lui a jamais demandé de fournir ces documents. C'est à la plaignante qu'incombait le fardeau de prouver ces allégations, ce qu'elle n'a pas fait.

96 La plaignante a rejeté le témoignage du défendeur selon lequel il avait eu de nombreuses conversations avec elle dans le cadre du traitement de ses griefs, mais la seule preuve qu'elle a produite au moment de la réfutation de ce témoignage était son affirmation qu'il en était ainsi. Sur ce point, le souvenir du témoin est crucial. À de nombreuses occasions, le témoignage de la plaignante était vague pour ce qui était de son interaction avec le défendeur. À des questions posées durant le contre-interrogatoire, elle a répondu à plusieurs reprises qu'elle ne parvenait pas à se souvenir de détails ou qu'elle se fiait uniquement à ce que les pièces disaient et non pas à sa mémoire. Le défendeur, par contraste, se souvenait très clairement qu'il y avait eu de nombreuses conversations. Du point de vue de la fréquence et de la longueur des contacts, le défendeur a témoigné que son expérience avec la plaignante figurait [traduction] « parmi les cinq principales situations de ce genre » pour l'ensemble des membres avec qui il avait eu à traiter durant son emploi à l'ACEP. La plaignante a elle-même mentionné qu'elle [traduction] « agaçait » le défendeur. En ce qui concerne cette question de la fréquence des contacts, la Commission doit préférer le clair souvenir du défendeur au témoignage vague et au manque de souvenir de la plaignante.

97 La plaignante a contesté le témoignage du défendeur selon lequel ils avaient convenu qu'ils se concentreraient sur la question de la formation à l'audience au deuxième palier. Cependant, après cette audience, la plaignante a écrit que le défendeur avait été [traduction] « brillant » à l'audience, puisqu'il avait réussi à inclure au dossier des aspects de la question de la formation. Ce qui est certain, c'est que la plaignante ne s'est jamais plainte du rendement du défendeur à l'audience au deuxième palier ou au sujet de ses autres exposés, avant que plus de six mois s'écoulent, après que le défendeur et l'ACEP eurent décidé de ne pas poursuivre leur intervention à la suite de la décision rendue au dernier palier. Clairement, la plainte a été déposée en réaction à cette décision et n'avait pas trait aux exposés antérieurs donnés par le défendeur.

98 L'avocat du défendeur m'a fourni une preuve qui, à son avis, montrait que la plaignante était fréquemment déraisonnable dans ses attentes vis-à-vis du défendeur. Il a donné comme exemple la réaction qu'avait eue la plaignante le 12 juillet 2004 lorsqu'elle avait reçu un courriel de M. Walker, dans lequel celui-ci avait indiqué qu'il ne changerait pas la cote « ne répond pas aux attentes » dans son ERAE (pièce C-4). Le même soir, à 19 h 49, elle a envoyé au défendeur un courriel qui renfermait l'affirmation suivante : [traduction] « Est-ce que vous déposerez le grief maintenant? S'IL VOUS PLAÎT? ». Moins de quatre heures plus tard, à 23 h 35 - au milieu de la nuit à l'endroit où se trouvait le défendeur, puisqu'il se trouvait dans un fuseau horaire différent - la plaignante a envoyé au bureau national de l'ACEP un courriel, qui se lisait en partie comme suit :

[Traduction]

 […]

Je vous transmets ce message parce que Claude n'a jamais communiqué avec moi. Il faut faire quelque chose pour régler ma situation et il faut le faire tout de suite […] Je ne veux pas faire une dépression nerveuse, mais je suis proche. Est-ce que quelqu'un aurait l'obligeance de m'appeler […]

[…]

La plaignante a court-circuité le défendeur en communiquant directement avec ses supérieurs pour se plaindre, n'a pas envoyé une copie du courriel à ce dernier et, pourtant, elle s'attendait à ce qu'il lui réponde. Durant le contre-interrogatoire, la plaignante a admis que son allégation selon laquelle le défendeur ne répondait « jamais » était fausse.

99 Le représentant du défendeur a protesté énergiquement contre l'affirmation de la plaignante qu'il y avait eu [traduction] « un changement dramatique au travail » après que le cas eut été confié à M. Archambault. Aucune preuve n'a été présentée par la plaignante à l'appui de cette affirmation, et aucune possibilité n'a été donnée au défendeur de procéder à un contre-interrogatoire sur des événements, comme celui-là, qui sont survenus après que la plaignante a déposé sa plainte. Si des événements subséquents avaient été inclus à la preuve, le défendeur aurait produit des éléments de preuve pour établir, par exemple, que l'ACEP mène actuellement une action devant la Cour fédérale au nom de la plaignante.

100 La totalité des éléments de preuve fournis par la plaignante montre qu'elle n'est pas fiable, qu'elle est déraisonnable, qu'elle a tendance à exagérer et à déformer les faits, et qu'elle tend à blâmer les autres lorsqu'elle n'obtient pas ce qu'elle veut et qu'elle avait tendance à faire de fausses allégations au sujet du défendeur, sans d'abord communiquer avec lui ou sans même lui envoyer des copies conformes de ses courriels. Elle n'était pas un témoin crédible et, comme il a été montré auparavant, n'a pas prouvé le bien-fondé de ses allégations. Le témoignage du défendeur, en revanche, se caractérisait par un clair souvenir des événements. Il a assuré une représentation entière, équitable et complète de la plaignante. Il communiquait régulièrement avec elle. Il lui fournissait régulièrement des conseils et de l'orientation. Il lui a assuré une représentation exhaustive en allant au-delà des exigences du devoir de représentation équitable.

101 Le représentant du défendeur m'a renvoyé à la jurisprudence suivante : Ford c. Alliance de la fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 161-02-775 (19951218); Cloutier et Rioux c. Turmel et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2003 CRTFP 12; Hébert c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al., 2005 CRTFP 62; Archambault c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2003 CRTFP 56; Richard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 61; et Kowallsky c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al., 2007 CRTFP 30.

102 Selon le représentant du défendeur, la jurisprudence révèle les principes fondamentaux observés par la Commission lorsqu'elle statue sur des plaintes alléguant une représentation inéquitable de la part d'un agent négociateur. Un plaignant n'a aucun droit absolu d'exiger que son moyen de recours préféré soit celui retenu par l'agent négociateur. La seule question qui importe est celle de savoir si l'agent négociateur a agi d'une façon discriminatoire ou arbitraire ou de mauvaise foi. Que le plaignant soit en désaccord ou non avec une décision prise par son agent négociateur ou avec ses conclusions ou stratégies n'est pas pertinent. Si l'agent négociateur a pris en considération les circonstances pertinentes, il a le droit de peser un nombre de facteurs lorsqu'il décide s'il y a lieu de représenter un employé et jusqu'à quel point. La Commission accorde à l'agent négociateur une grande latitude dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

103 Le représentant du défendeur a conclu que la Commission ne devrait trouver aucune indication dans la preuve qu'il y avait eu un manque de communication de la part du défendeur avec la plaignante. Elle n'a prouvé aucune des allégations qu'il y avait eu de la mauvaise foi ou des sentiments de vengeance ou, encore, un motif répréhensible. En résumé, il n'y a eu aucune violation de la Loi. La Commission devrait rejeter la plainte.

C. Réfutation de la plaignante

104 La plaignante a réfuté les arguments du défendeur en faisant une série d'affirmations qui incluaient les suivantes : il n'y avait aucune preuve que la plaignante était obsédée par le phénomène de la « persécution collective » ou qu'elle était incapable de distinguer la réalité de ce qu'elle lisait sur Internet; le fait que le défendeur ne croyait pas qu'il y avait « persécution collective » témoignait de son indifférence vis-à-vis de la situation de la plaignante; la plaignante a seulement appris beaucoup plus tard qu'il y avait une stratégie nationale de traitement des griefs de classification au ministère de la Justice; la preuve montre que la plaignante n'avait connaissance d'aucune stratégie consistant à se concentrer sur la question de la formation à l'audience au deuxième palier ou d'aucune autre stratégie; contrairement à ce que le défendeur a allégué, il n'y avait pas de nombreuses communications entre la plaignante et ce dernier; la plaignante n'a jamais eu l'occasion de remettre en question les faits sur lesquels reposaient les décisions de l'employeur; les allégations faites par le défendeur au sujet du caractère de la plaignante ne sont aucunement appuyées par la preuve et n'ont rien à voir avec la question abordée; le défendeur n'a fourni à la plaignante aucun détail ou aucune justification concernant sa décision de ne pas renvoyer son cas à l'arbitrage ou devant les tribaux; la plaignante ne savait pas quels étaient ses droits; l'omission du défendeur de rencontrer M. Walker avait un caractère arbitraire; il n'y avait aucune preuve appuyant l'assertion que l'expérience qu'avait eu le défendeur avec la plaignante figurait parmi les « cinq principales situations de ce genre » du point de vue du temps que le défendeur lui avait consacré; et le défendeur a fait preuve de mauvaise foi lorsqu'il a affirmé qu'il avait donné des exposés alors qu'il ne l'avait pas fait.

105 En réponse à l'argument du défendeur que la plainte avait été déposée uniquement parce que ce dernier avait décidé de ne pas poursuivre les griefs après qu'une décision avait été rendue au dernier palier, la plaignante a affirmé que sa plainte [traduction] « [...] était due principalement à la manière dont le défendeur s'était occupé de ses griefs de classification ». Elle a reconfirmé qu'elle alléguait que les gestes du défendeur étaient motivés par de la mauvaise foi. Pour ce qui était de l'allégation d'un comportement arbitraire, elle a qualifié d'« éléments arbitraires » la décision du défendeur de ne pas renvoyer ses cas à l'arbitrage ou aux tribunaux, son omission de répondre à ses appels téléphoniques et à ses courriels et son omission de l'informer du statut de ses griefs.

IV. Motifs

106 La plaignante a allégué que le défendeur a enfreint l'article 187 de la Loi. L'article 187 interdit à un représentant d'un agent négociateur de représenter un fonctionnaire qui fait partie d'une unité de négociation en agissant de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi :

187. Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses dirigeants et représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

107 Aux moments pertinents dans le contexte de sa plainte, la plaignante était une fonctionnaire qui faisait partie d'une unité de négociation accréditée par l'ACEP. Le défendeur était un représentant de l'agent négociateur et était autorisé à représenter la plaignante et était assigné à son cas.

108 Durant l'audience, la plaignante a allégué que la manière dont le défendeur l'a représentée était à la fois arbitraire et manifestait de la mauvaise foi. Elle n'a allégué aucune discrimination de sa part. Ainsi, dans le cadre de sa plainte, le fardeau de la plaignante était de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le défendeur l'avait représentée d'une manière qui était soit arbitraire, soit dénotait de la mauvaise foi, ou les deux.

109 Dans un nombre grandissant de décisions, la Commission a adopté des normes vastes et uniformes pour évaluer les éléments de preuve présentés dans le contexte de plaintes déposées en vertu de l'article 187 de la Loi, comme le faisait l'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique, aux termes d'une disposition similaire de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (paragraphe 10(2)). Les décisions de la Commission ont suivi de près les directives charnières émises par la Cour suprême, à partir de 1984 dans Gagnon. Les normes ont été résumées récemment dans Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13 :

[…]

[49] L'arrêt qui a été rendu dans l'affaire Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, est couramment utilisé pour expliquer les principes qui sous-tendent le devoir de représentation équitable :

[…]

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d'agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d'une unité de négociation comporte en contrepartie l'obligation de la part du syndicat d'une juste représentation de tous les salariés compris dans l'unité.

2. Lorsque, comme en l'espèce et comme c'est généralement le cas, le droit de porter un grief à l'arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n'a pas un droit absolu à l'arbitrage et le syndicat jouit d'une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l'importance du grief et des conséquences pour le salarié, d'une part, et des intérêts légitimes du syndicat d'autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié [à la p. 527].

[…]

[50] Un arrêt subséquent de la Cour suprême du Canada, Centre hospitalier Régina Ltée c. Québec (Tribunal du travail), [1990] 1 R.C.S. 1330 à la p. 1349, traite de ces principes plus en détail, au par. 38 :

[…]

Tel que le souligne l'arrêt Gagnon, le syndicat doit, lors même qu'il agit à titre de défenseur des droits (bien fondés selon son évaluation) d'un salarié, tenir compte des intérêts de l'ensemble de l'unité d'accréditation dans l'exercice de sa discrétion de poursuivre ou non un grief. Le syndicat jouit d'une discrétion afin de soupeser ces intérêts divergents et apporter la solution qui lui apparaît la plus juste.

[…]

[51] Est également instructive la décision rendue dans l'affaire James W.D. Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000 (2003), 91 CLRBR (2d) 33 (BCLRB), dans laquelle est citée une précédente décision, Rayonier Canada (B.C.) Ltd., [1975] 2 Can LRBR 196 (BCLRB). Un syndicat ne doit pas agir de mauvaise foi, c'est-à-dire qu'il ne doit pas être hostile à l'égard d'une personne ni être vindicatif sur le plan politique ou être malhonnête. Il ne saurait y avoir de discrimination, y compris une inégalité dans le traitement des fonctionnaires, que ce soit pour des motifs comme la race et le sexe (qui sont des motifs de distinction illicite selon la Loi canadienne sur les droits de la personne) ou le simple favoritisme personnel. Et un syndicat ne peut agir de façon arbitraire en faisant preuve d'indifférence à l'égard des intérêts des fonctionnaires. Un syndicat [traduction] « […] doit adopter un point de vue raisonnable sur le problème qui lui est soumis et arriver à une décision réfléchie sur les mesures à prendre, après avoir tenu compte des divers facteurs conflictuels et pertinents » (Rayonier, aux pages 201-202).

[52] Enfin, l'affaire Judd résume la difficile décision que doit prendre un agent négociateur :

[…]

[Traduction]

42. Lorsqu'un syndicat décide de ne pas poursuivre un grief pour des considérations pertinentes concernant le lieu de travail - par exemple, vu son interprétation de la convention collective, vu l'effet sur d'autres fonctionnaires ou vu son évaluation selon laquelle le fondement du grief n'est pas suffisant - il accomplit son travail consistant à représenter les fonctionnaires. Le fonctionnaire en cause, dont le grief a été abandonné, peut estimer que le syndicat ne le « représente » pas. Toutefois, décider de ne pas poursuivre un grief en se basant sur ces genres de facteurs est une partie essentielle du travail syndical consistant à représenter les fonctionnaires dans leur ensemble. Quand un syndicat agit en se fondant sur des considérations se rapportant au lieu de travail ou à son travail de représentation des fonctionnaires, il est libre de déterminer la meilleure voie à suivre, et une telle décision n'équivaut pas à une violation du [devoir de représentation équitable].

[…]

[Le passage souligné l'est dans l'original]

110 Je tiens à souligner que, tout comme dans Ford, la Commission ne cherche normalement pas à savoir si la décision prise par un agent négociateur dans le cadre de la représentation d'un employé était correcte. Elle examine le processus suivi par l'agent négociateur pour en arriver à ses décisions, ainsi que sa conduite, pendant qu'il en est arrivé à celles-ci, tout en accordant à l'agent négociateur une considérable latitude tout au long du processus. Tel que souligné dans Archambault, les résultats ou conséquences des actes de l'agent négociateur ont une grande importance dans le contexte de l'examen effectué ainsi par la Commission. Essentiellement, la Commission se demande si les actes de l'agent négociateur ont nui ou porté préjudice à l'employé.

111 Pour les raisons indiquées ci-après, j'ai conclu que la plaignante n'a pas satisfait au fardeau qui lui incombait, à savoir prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y avait eu violation de l'article 187 de la Loi. Un observateur raisonnable ayant l'expérience des relations de travail pourrait chercher « à deviner les intentions » derrière certaines des décisions prises par le défendeur lorsqu'il a formulé des observations au nom de la plaignante. Cependant, rien de ce que le défendeur a fait à des étapes clés du processus de règlement des griefs, ni les gestes posés par lui dans l'ensemble constituent des motifs suffisants pour décider qu'il avait adopté une conduite arbitraire ou qu'il avait témoigné de mauvaise foi.

112 Ci-dessous, j'examine séparément les deux séries de griefs dont le défendeur s'est occupé. La première série est composée des trois griefs au sujet de l'ERAE de la plaignante, la réprimande écrite qu'elle avait reçue et sa suspension de deux jours sans rémunération, et la deuxième série comprend les deux griefs de classification. Ensuite, je me penche sur les affirmations faites par la plaignante au sujet du phénomène de la « persécution collective ».

A. Les trois griefs

113 Les faits de base qui m'ont été présentés montraient un processus de règlement des griefs, dans le cas des trois griefs initiaux, qui avançaient à travers les étapes normales du processus à un rythme lent, quoique non atypique, et sans incident fâcheux. La plaignante a reçu un ERAE daté du 4 juin 2004 (pièce R-4), avec lequel elle n'était pas d'accord. Le 24 juin 2004, la plaignante a communiqué ses préoccupations à propos de l'ERAE à son gestionnaire (pièce C-4). Le 12 juillet 2004, elle a appris que le gestionnaire dont elle relevait n'acceptait pas d'apporter à l'ERAE les changements qu'elle avait demandés (pièce C-4). Puis, la plaignante s'est mise en rapport avec le défendeur, qui à ce moment-là, a déposé un grief en son nom pour contester l'ERAE. D'après la preuve, le grief a été déposé dans le délai prescrit.

114 L'employeur a remis une lettre de réprimande à la plaignante le 27 juillet 2004 (pièce R-12). Celle-ci a déposé un grief contestant cette mesure prise par l'employeur le 24 août 2004, grief signé par le défendeur, qui lui signifiait son soutien (pièce R‑12). Ce grief aussi a été déposé dans le délai prescrit. Le 14 septembre 2004, l'employeur a imposé une suspension de deux jours sans rémunération à la plaignante (pièce R-13). De nouveau, la plaignante a déposé un grief, qui a été signé par le défendeur le 20 septembre 2004 (pièce R-16). Comme ce fut le cas pour les deux griefs antérieurs, la preuve montre que le délai de présentation a de nouveau été respecté.

115 À une date non précisée dans la preuve, le défendeur et un représentant de l'employeur ont décidé de renoncer à la tenue d'audiences au premier palier pour quelques-uns ou l'ensemble des autres griefs (il y a une certaine imprécision dans la preuve sur ce point) et ont convenu également de regrouper les trois griefs au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs (pièce C-9). Puis, le 2 novembre 2004, les parties se sont rencontrées lors d'une séance de médiation dans l'espoir d'en arriver à régler à l'amiable les questions en litige. La médiation a échoué. Aucune preuve apportée à l'audience laisse supposer qu'il y a eu des irrégularités procédurales dans la transmission des griefs jusqu'au deuxième palier ou dans le contexte de l'exercice de médiation. Rien n'indique que l'échec de la médiation était attribuable à des actions de la part du défendeur.

116 Le 11 janvier 2005, le défendeur a rencontré l'employeur lors d'une audience au deuxième palier où étaient entendus les trois griefs. L'employeur a fourni sa réponse au deuxième palier le 25 janvier 2005, rejetant les griefs (pièce C-35). Les griefs ont été renvoyés au troisième et dernier palier dans le délai prescrit. L'employeur a tenu l'audience au dernier palier le 4 mai 2005, audience à laquelle a assisté le défendeur, et l'employeur a fourni sa réponse le 19 mai 2005 (pièce C-16). Dans sa réponse, l'employeur maintenait sa décision concernant l'ERAE et la lettre de réprimande, mais accueillait en partie le grief au sujet de la suspension de deux jours sans rémunération, en y substituant une pénalité moindre, à savoir une lettre de réprimande (pièce C-17).

117 Le 17 juin 2005, le défendeur a informé la plaignante que l'ACEP ne renverrait pas son cas à l'arbitrage et qu'il avait conclu, après en avoir discuté avec ses collègues, qu'il n'y a pas de motifs sur lesquels l'ACEP pouvait se baser pour demander un examen judiciaire de la décision rendue par l'employeur au dernier palier (pièce C-19).

118 Ces faits établis renfermaient-ils des indications que la plaignante avait été traitée de façon arbitraire ou qu'elle avait été victime de mauvaise foi ou, encore, qu'un tort ou un préjudice lui avait été causé? D'après moi, il n'y avait aucune indication de ce genre. Les cas de la plaignante ont évolué à travers les étapes de la procédure de règlement des griefs d'une façon qui, à mon avis, serait perçue comme normale par la plupart des intervenants du domaine des relations de travail. Les ententes de renoncer à une audience au premier palier et puis de regrouper les trois griefs pour les soumettre au deuxième palier ne semblent pas avoir présenté des problèmes, ni a-t-on montré que les décisions prises au sujet du processus enfreignaient la convention collective. Il n'y avait aucune preuve que des délais ont été manqués ou que des erreurs procédurales ont été commises. Au bout du compte, la procédure a abouti à la décision de l'employeur d'accueillir en partie l'un des trois griefs déposés par la plaignante. À compter de la date du courriel envoyé le 17 juin 2005 à la plaignante, celle-ci continuait de se trouver dans une position viable où elle pouvait décider de poursuivre ou non les griefs, sans toutefois bénéficier du soutien de son agent négociateur. Elle a témoigné qu'elle avait décidé de ne pas le faire et que la principale raison pour cela était le coût estimé d'une telle action menée seule.

119 Le défendeur a fait valoir que la Commission peut et devrait s'arrêter là et décider, en se fondant sur les faits essentiels non contestés, que la plainte est sans fondement. Dans la mesure où Archambault et d'autres décisions similaires ont suggéré qu'en dernière analyse, ce sont les résultats qui comptent, l'argument du défendeur a du mérite. La plaignante a bénéficié d'un redressement partiel dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Le défendeur a géré les cas de la plaignante à travers le processus de règlement des griefs sans que survienne aucun incident ou aucune erreur indésirable. À la fin de son intervention, la plaignante conservait tous les droits juridiques lui permettant d'user d'autres recours dans les circonstances. Elle aurait pu décider de poursuivre. Au lieu de cela, elle a décidé de plein gré et de façon autonome, après avoir eu d'autres discussions avec son avocat, de ne pas renvoyer la question à l'arbitrage ni de présenter une demande d'examen judiciaire.

120 Ceci dit, je ne suis pas d'accord avec le défendeur qu'il n'est pas nécessaire d'aller plus loin. La plaignante a fait un certain nombre d'allégations au sujet de la conduite qu'aurait eue le défendeur durant le processus de règlement des griefs. Ses allégations incluaient des accusations selon lesquelles le défendeur n'a jamais, ou très peu, répondu à ses appels téléphoniques et courriels, qu'il ne lui a pas fourni les conseils dont elle avait besoin, qu'il ne l'a pas tenue au courant du statut de ses griefs, qu'il n'a pas formulé des observations en son nom aux deux audiences de griefs, qu'il ne lui a pas transmis les raisons expliquant sa décision de ne pas poursuivre et qu'il ne s'est pas assuré qu'elle savait quels étaient ses droits en ce qui concernait les autres recours dont elle aurait pu se prévaloir. Même si l'on ne peut pas supposer automatiquement que n'importe laquelle de ses allégations, si elles étaient prouvées, établirait nécessairement qu'il y a eu violation de l'article 187 de la Loi, il demeure nécessaire, à mon avis, d'examiner si la preuve fournie à l'appui de ces allégations révèle des aspects qui auraient été arbitraires ou empreints de mauvaise foi à un degré suffisant pour justifier une plainte.

121 Pour évaluer ces allégations, je n'ai pas grand-chose autre que le témoignage fourni de vive voix par la plaignante et le témoignage diamétralement opposé fourni par le défendeur sur lesquels m'appuyer pour rendre ma décision. Certains des documents déposés comme pièces ont aidé à établir les antécédents du cas et à savoir dans une certaine mesure qui a dit quoi, à qui et à quel moment. Au-delà de cela, les éléments de preuve concrets et corroborants étaient rares. Je dois donc m'en remettre dans une large mesure à mon évaluation de la crédibilité des deux témoins.

122 Ma conclusion en ce qui concerne la crédibilité des témoins repose à la fois sur le comportement de la plaignante et du défendeur pendant leur témoignage, et sur les critères traditionnels de la crédibilité décrits dans l'affaire souvent citée Faryna c. Chorney, [1952] 2 D.L.R. 354, au paragraphe 73 :

[Traduction]

[…]

[…] Bref, le véritable critère de la véracité du récit d'un témoin en pareil cas est la mesure dans laquelle le témoignage s'harmonise avec la prépondérance des probabilités qu'une personne pratique et avisée reconnaîtrait facilement comme raisonnable en ce lieu et dans ces circonstances.[…]

[…]

123 Pour ces motifs, je préfère le témoignage du défendeur. J'ai trouvé très troublant, lors de l'audience, le nombre d'occasions durant le contre-interrogatoire où la plaignante a indiqué qu'elle n'avait aucun souvenir d'événements. Une grande partie de son témoignage semblait dépendre directement et exclusivement de ce qui était écrit dans les pièces. Plusieurs fois, lorsque je lui ai demandé de mettre de côté une pièce pendant un moment et d'essayer de se rappeler d'un fait en faisant appel à sa propre mémoire, elle en était incapable ou refusait de le faire. Lorsque interrogée sur ce qui s'était produit à des moments particuliers dans son interaction avec le défendeur, elle a persisté à souligner ce qui était contenu dans les pièces, comme si ces documents étaient la seule source de ses souvenirs. Au moment de son argumentation, elle a critiqué le défendeur parce qu'il ne se souvenait pas des détails de ce qu'il lui avait dit ou avait dit à l'employeur dans le cadre de différents entretiens, et pourtant, durant son propre témoignage, il lui arrivait souvent de ne pas se rappeler les détails. Toutes aussi troublantes étaient les occasions où la plaignante a changé son témoignage, donnant parfois plusieurs réponses différentes lorsque l'avocat du défendeur répétait ses questions entourant un même point.

124 Le défendeur, par contraste, se rappelait bien son interaction avec la plaignante pendant toute la période où il s'est occupé de ses griefs. Ses réponses, particulièrement durant le contre-interrogatoire, étaient claires, mesurées et cohérentes. Alors qu'il n'a pas pu, à plusieurs moments, fournir des détails complets quant aux propos exacts qu'il avait tenus, soit avec la plaignante, soit avec l'employeur, il ne s'est jamais écarté des thèmes fondamentaux de son témoignage. Son souvenir des faits ne dépendait pas du contenu des documents devant lui, ni s'écartait-il de façon significative du contenu de ces documents.

125 Appliquant le critère établi dans Faryna et Chorney, je suis certain qu'une personne pratique et informée trouverait le témoignage du défendeur plus conforme à la prépondérance des probabilités si elle soumettait, à un examen raisonnable, les éléments de preuve en l'espèce que le témoignage de la plaignante. Considérons, par exemple, les allégations faites par la plaignante que le défendeur n'a jamais ou très peu répondu à ses communications, l'a jamais ou rarement conseillée ou ne la pas ou très peu tenue au courant de ce que devenaient ses griefs. Si ces allégations étaient exactes, la plupart, voire l'ensemble des actions ou étapes suivantes, auraient dû avoir eu lieu sans contacts réciproques, que ce fût de vive voix ou par écrit, et sans discussion : i) examen des commentaires de la plaignante au sujet de l'ERAE; ii) examen de la lettre de réprimande; iii) examen de la lettre annonçant la suspension de deux jours; iv) établissement et signature du formulaire de présentation d'un grief en réponse à chacune de ces questions; v) transmission des griefs au deuxième palier; vi) prise d'arrangements en vue d'une médiation; vii) prise d'arrangements pour fixer la date de l'audience au deuxième palier; viii) détermination de l'approche à suivre à l'audience au deuxième palier; ix) évaluation de la réponse fournie au deuxième palier par l'employeur; x) transmission des griefs au dernier palier; xi) prise d'arrangements pour fixer la date de l'audience au dernier palier; xii) détermination de l'approche à suivre à l'audience au dernier palier; xiii) examen de la réponse au dernier palier.

126 Je crois que la personne pratique et informée évoquée dans Faryna et Chorney seraitarrivée à la conclusion que le défendeur devait communiquer avec la plaignante à ces fins et qu'il l'a fait à de multiples occasions. Les exigences les plus élémentaires du traitement des griefs déposés par la plaignante nécessitaient plus que de « rares » contacts. Tout au plus, notre personne pratique et informée pourrait conclure que le défendeur ne répondait pas toujours aux appels téléphoniques et aux courriels de la plaignante - quelque chose qu'il a admis durant son propre témoignage - mais que, dans l'ensemble, la plaignante a exagéré les difficultés qu'elle avait à communiquer avec lui.

127 Je trouve que le témoignage du défendeur était plus conforme aux réalités de l'exécution du travail qui a été accompli, ainsi qu'au restant de la preuve prise dans son ensemble. Le défendeur a témoigné qu'il a parlé avec la plaignante en moyenne trois fois par semaine durant une période de six ou sept mois. Il a indiqué que du point de vue de la fréquence des conversations, son expérience avec elle figurait parmi les [traduction] « cinq principales situations de ce genre», voire au [traduction] « premier rang », auprès des membres de l'ACEP. Ce témoignage va dans le sens d'un comportement probable de la part d'un membre qui avait l'impression de faire face à une crise constante sur les lieux de son travail et qui s'est tourné à plusieurs reprises vers son agent négociateur pour obtenir de l'aide.

128 Je ne doute pas que la plaignante estimait que ses conversations avec le défendeur auraient dû être plus fréquentes et plus approfondies, mais sa perception d'un manque à cet égard ne signifie pas que les efforts déployés par le défendeur étaient arbitraires ou motivés par de la mauvaise foi. Dans le monde pratique du travail d'un agent négociateur, il n'est pas inhabituel que le temps qu'un représentant peut offrir à un membre individuel est inférieur au temps dont ce membre croit qu'il ou elle a besoin. Toute omission de la part du défendeur de retourner les appels téléphoniques ou de répondre aux courriels de la plaignante doit être évaluée proportionnellement à cette réalité. La plaignante a déclaré elle-même dans un courriel que [traduction] « Je pense que je les ai trop agacés et maintenant ils m'ignorent »(pièce C-21).

129 En ce qui concerne les échanges de courriels, le manque de réponses documentées envoyées par le défendeur à un certain nombre des messages de la plaignante pourrait soulever une préoccupation, mais cela ne peut être considéré comme une preuve concluante que le défendeur n'a pas répondu. Le défendeur a témoigné qu'il préférait normalement communiquer avec la plaignante (et d'autres membres) par téléphone plutôt que de tenter de répondre à ses nombreux courriels. Mais même là, le dossier inclut un certain nombre de réponses par courriel du défendeur à la plaignante (par exemple, pièces C-9, C-10, C-19, R-6 et R-18). Je suis persuadé également par la preuve que la plaignante avait parfois des attentes irréalistes concernant l'aptitude ou la disponibilité du défendeur de répondre dans un délai qui lui était acceptable. L'exemple décrit par le représentant du défendeur durant l'argumentation (paragr. 98) était particulièrement convaincant dans ce contexte.

130 J'ai également conclu que le témoignage du défendeur était plus crédible que celui de la plaignante en ce qui concernait ses autres allégations que ce premier n'avait pas formulé des observations aux audiences aux second et troisième paliers, qu'il avait omis de fournir des raisons justifiant sa décision de ne pas renvoyer son cas à l'arbitrage ou aux tribunaux et qu'il n'avait pas informé la plaignante des moyens de recours qui s'offraient à elle. À mon avis, une personne pratique et informée pourrait tout au plus conclure que la preuve fournie par la plaignante soulevait un certain doute quant à la quantité d'information fournie par le défendeur lors de l'audience au dernier palier - la plaignante n'avait aucune connaissance directe du déroulement de l'audience au deuxième palier - et quant à l'exhaustivité de ses explications lorsqu'il a discuté des résultats et des options de redressement avec la plaignante à l'issue du processus. Le fardeau qui incombe à la plaignante va toutefois au-delà de la formulation de doutes. Elle doit prouver ses allégations selon la prépondérance des probabilités, ce qu'elle n'a pas fait à ma satisfaction.

131 En ce qui concerne la communication par l'employeur de sa réponse au dernier palier, la question la plus importante en l'espèce est la question de savoir si, une fois la décision communiquée, le défendeur s'est concentré activement sur les possibilités de recours à un tiers et s'il a fourni des conseils à la plaignante après une évaluation des options disponibles qui était ni arbitraire ni empreinte de mauvaise foi. Même si la plaignante a répété à plusieurs reprises lors de son témoignage que le défendeur avait simplement dit « non » à la possibilité d'en faire plus, il n'y avait aucune autre preuve à l'audience qui rendait son assertion crédible ou qui laissait supposer qu'il y avait eu violation de la Loi. Le témoignage du défendeur était crédible sur ce point. Il a déclaré que lui-même et ses collègues à l'ACEP ont examiné les options, se sont penchés sur le problème clé de la recevabilité à l'arbitrage de la matière ayant donné lieux aux griefs et ont évalué les motifs pouvant justifier un examen judiciaire de la décision de l'employeur par la Cour fédérale. Tandis que je suis prêt à accepter en tant que possibilité que, par la suite, le défendeur n'a peut-être pas expliqué entièrement, voire adéquatement, à la plaignante toutes les raisons à l'origine de sa décision de ne pas poursuivre, si problème il y avait, c'était un manque de communication et non pas une situation où il aurait agi de façon arbitraire ou aurait fait preuve de mauvaise foi. Une fois de plus, que le défendeur ait pris les bonnes décisions ou non n'est pas la principale question. Le point crucial est qu'il n'y a pas de preuve crédible qu'une décision a été prise de façon arbitraire ou de mauvaise foi.

132 Même si je faisais abstraction de toutes les constatations défavorables précédentes, je ne suis toujours pas convaincu que les gestes posés par le défendeur dans le cadre de son interaction avec la plaignante ont causé du tort ou du préjudice à cette dernière. En ce qui concerne la situation qui en a résulté aux fins de redressement, la preuve montre clairement que la plaignante a consulté un avocat indépendant à différents moments. S'il était vrai que le défendeur n'avait pas expliqué à la plaignante ses droits de recours - omission que, d'après moi, celle-ci n'a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités - il n'est toujours pas plausible, étant donné son contact antérieur avec son avocat, qu'elle ne savait rien de ses droits de recours, comme elle a insisté, lorsque le défendeur lui a communiqué sa décision. Par ailleurs, selon son propre témoignage, la décision de la plaignante de ne pas poursuivre les griefs toute seule n'était pas due à une question juridique concernant l'accès à des options de recours mais était attribuable plutôt au coût probable d'une telle décision.

133 Pour ces motifs, je conclus que la plaignante n'a pas prouvé que le défendeur a agi de façon arbitraire ou de mauvaise foi dans le cadre des exposés donnés en son nom au sujet des griefs portant sur l'ERAE et les mesures disciplinaires prises à son égard.

B. Les griefs de  classification

134 Il est aisé d'exclure, en tant que preuve justifiant la plainte, la preuve fournie à l'appui des griefs de classification de la plaignante (pièces R-7 et R-8). La plaignante a témoigné que le défendeur a préparé et déposé deux griefs de classification en son nom dans les délais fixés par la convention collective applicable. Après qu'elle a déposé sa plainte à la fin d'août 2005, l'ACEP a demandé à M. Archambault d'agir comme son représentant pour ses griefs et pour d'autres questions. En janvier 2006, M. Archambault a retiré les deux griefs de classification après que la plaignante lui a fait les affirmations suivantes (pièce R-9) :

[Traduction]

[…]

[…] J'ai le sentiment que le grief de classification ne sert à rien parce que depuis que ces griefs ont été déposés, j'ai appris que tout a été contrôlé par le gestionnaire […] Je ne vois pas l'utilité de poursuivre […] ce processus est déjà contre moi, de même que toutes les autres choses que les gestionnaires me font, donc, je ne vois pas comment cela pourrait profiter à moi.

[…]

135 La plaignante a reconfirmé, durant le contre-interrogatoire, qu'elle avait retiré les griefs parce que [traduction] « […] je ne savais simplement pas s'[ils] valaient la peine d'être poursuivis. Je ne pensais pas qu'il pourrait s'agir d'un processus équitable ». Aspect critique, elle a témoigné que sa décision de ne pas poursuivre les griefs de classification n'avait rien à voir avec le défendeur.

136 Durant sa réfutation, la plaignante semblait changer de tactique. Elle remettait en question l'argument du défendeur selon lequel elle avait déposé sa plainte uniquement lorsque le défendeur avait refusé de renvoyer à l'arbitrage les trois griefs initiaux. Au lieu de cela, elle a affirmé que la plainte déposée à l'égard du défendeur était [traduction] « […] due essentiellement à la manière dont il s'était occupé des griefs de classification ».

137 Outre l'incohérence possible, voire apparente, entre son témoignage et l'argument avancé par elle durant la réfutation, il est très difficile de comprendre comment le traitement des deux griefs déposés à temps par le défendeur, mais ensuite retirés de plein gré par la plaignante pour des raisons qui, comme elle l'a admis elle-même, n'avaient rien à voir avec le défendeur, pouvait constituer la base sur laquelle elle s'est appuyée pour prouver le bien-fondé de sa plainte. Même si certaines des allégations générales formulées par la plaignante à l'égard du défendeur (par exemple, qu'il ne répondait pas à ses appels téléphoniques et courriels, ou qu'il ne la consultait pas, ne l'informait pas ou ne la conseillait pas) étaient peut-être censées s'appliquer tout autant à la phase initiale de la représentation assurée par le défendeur dans le cadre des griefs de classification, il demeure que ces derniers aspects étaient très d'actualité au moment où elle a déposé sa plainte et lorsque l'ACEP a par la suite demandé à M. Archambault de prendre la relève du défendeur. À mon avis, la plaignante n'a pas montré comment les actions du défendeur au début des griefs de classification lui auraient causé du tort par la suite ou auraient compromis son cas vis-à-vis de l'employeur, ou de quelle manière elles révélaient des éléments spécifiques où le défendeur aurait agi de façon arbitraire ou de mauvaise foi. La plaignante n'a pas réussi non plus à concilier ses allégations faites à l'endroit du défendeur avec la réalité où elle a retiré de son propre chef les griefs de classification longtemps après que le défendeur ne s'occupait plus de son cas. En clair, durant son propre témoignage, elle a affirmé que le défendeur [traduction] « n'avait rien à voir » avec cette décision. En ce qui concerne les griefs de classification, je conclus qu'il n'y avait aucune indication que le défendeur aurait agi de façon arbitraire ou de mauvaise foi.

138 Je statue par conséquent que la plainte est sans fondement en ce qui concerne les griefs de classification.

C. « Persécution collective »

139 Il semble que l'insatisfaction de la plaignante vis-à-vis du défendeur était due, dans une mesure considérable, à ce qu'elle a allégué comme son refus d'apprécier à leur juste valeur ses préoccupations concernant la « persécution collective » dont elle était victime - pour rependre ses paroles, elle a dit qu'il ne [traduction] « croyait pas » qu'il y avait persécution collective - et de prendre des mesures directes auprès de l'employeur pour mettre fin à cette « persécution collective » sur les lieux de son travail.

140 Ce n'est pas à moi, dans la présente décision, de juger si, dans les faits, la plaignante était aux prises avec des circonstances à son lieu de travail qui pourraient être décrites raisonnablement comme de la « persécution collective », quelle que soit la définition donnée à ce terme. Si j'étais appelé à rendre une telle décision dans le présent contexte, je ne disposerais d'aucun élément de preuve concret, ou très peu, de ce qui s'était produit exactement, qui en était l'auteur, qui en était la victime, dans quel dessein et les conséquences. La question primordiale sur laquelle il faut se prononcer ici est comment le défendeur a réagi à la situation une fois que la plaignante a porté à son attention ses préoccupations concernant la « persécution collective ».

141 La preuve établit qu'il n'y a aucun doute que la plaignante s'est concentrée sur la question de la persécution collective à de nombreuses occasions durant ses contacts avec le défendeur et d'autres représentants de l'ACEP. Il n'y a aucun doute non plus qu'elle a maintenu farouchement ses convictions au sujet de ce problème, comme l'a révélé le langage qu'elle a utilisé à différents moments pour décrire celui-ci. Dans l'une de ses communications initiales avec l'ACEP, elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « Aujourd'hui, sur Internet, j'ai découvert qu'il y a une forme de violence appelée PERSÉCUTION COLLECTIVE AU TRAVAIL […] Cela décrit parfaitement ma situation » (pièce C-3). Dans le même courriel, elle a fourni à l'ACEP une description du phénomène de persécution collective, qui incluait du langage particulièrement vif :

[Traduction]

[…]

[…] Le désir de faire du tort se propage au travail comme un virus, et infecte une personne après une autre. La cible en vient à être perçue comme absolument odieuse et comme dépossédée de qualités positives […] elle ne mérite que le mépris […] La persécution collective au travail se fait sous le couvert de la politesse […] [p]ourtant, même sans qu'il y ait du sang, la volonté de nuire est essentiellement la même : une contagion et  une imitation d'actes malveillants et hostiles dirigés contre la cible; l'ébranlement implacable de la confiance en soi de la cible; la solidarité du groupe face à une seule personne et l'euphorie de l'attaque collective […]

[…]

Ailleurs, la plaignante a parlé de la [traduction] « […] conduite malveillante de mon gestionnaire et [des] tactiques qu'il utilise pour me terroriser » (pièce C-6). Elle a déclaré qu'il y a [traduction] « […] des personnes mauvaises […] il s'agit d'êtres humains anormaux, et on en trouve beaucoup à la Justice » (pièce C-5). Elle a fait l'observation suivante [traduction] : « Vous savez la gravité de la persécution collective au travail. Je ne veux pas faire une dépression nerveuse, mais je suis très proche » (pièce C-4).

142 Le défendeur a témoigné que son approche, et celle de l'ACEP, était de prendre des mesures en réponse à un problème en se fondant sur des éléments de preuve factuels présentés par un membre, en utilisant les recours appropriés. Il a expliqué qu'il a demandé à plusieurs reprises à la plaignante de lui fournir des détails concernant les problèmes auxquels elle faisait face au travail. Il lui a expliqué comment ils pourraient procéder ensemble en présentant une plainte de harcèlement en réponse à ses problèmes. Selon le défendeur, la plaignante ne lui a pas fourni des preuves qui lui auraient permis de donner suite à l'option consistant à présenter une plainte de harcèlement en son nom, en dépit de ses efforts fréquents pour la ramener vers cette approche comme le recours le plus approprié disponible. Elle lui a peut-être demandé plusieurs fois de déposer des griefs ayant pour objet cette persécution collective dont elle parlait ou qui visaient diverses personnes ayant manifesté ce présumé comportement de persécution collective. Le défendeur a toutefois indiqué qu'il s'en est tenu tout au long à une approche, conforme à celle adoptée par l'ACEP, consistant à tenter d'obtenir une base factuelle pour ses allégations et à définir le recours approprié, à la lumière des faits.

143 Ma lecture de la jurisprudence me donne à penser que le représentant d'un agent négociateur doit bénéficier d'une latitude considérable dans ce genre de situation. Le représentant est autorisé à ne pas accepter automatiquement ce que le membre veut peut-être qu'il ou elle fasse. Le représentant peut déterminer quelle est la meilleure approche pour régler un problème qui lui est soumis, en évaluant l'ensemble des circonstances existantes, pour autant qu'il agisse de bonne foi et fasse un effort pour enquêter sur les faits et décide d'une manière raisonnable d'une marche à suivre qui est viable. En l'espèce, je conclus que le témoignage du défendeur était crédible sur ce point. Qu'il ait eu raison ou non de conclure que la présentation d'une plainte de harcèlement était la façon appropriée de procéder, en supposant que de l'information à l'appui avait été fournie par la plaignante, n'est pas pertinent. La preuve me convainc, dans l'ensemble, qu'il a effectué une évaluation des options disponibles en se fondant sur l'information que la plaignante lui avait soumise et qu'il lui a donné des conseils rationnels sur un recours viable sans, selon toute apparence, avoir agi de mauvaise foi ou de façon arbitraire. Manifestement, la plaignante était très mécontente du fait que le défendeur ne [traduction] « croyait pas » ses préoccupations concernant la persécution collective. Il est évident aussi qu'elle a communiqué des critiques assez acerbes à son sujet à un certain nombre d'agents et de représentants de l'ACEP, parfois sans partager ses commentaires avec lui. Or, son mécontentement et ses critiques ne prouvent pas en soi que le défendeur a agi de façon arbitraire ou de mauvaise foi.

144 Comme ce fut le cas dans les deux autres sections, je conclus que le défendeur n'a pas violé l'article 187 de la Loi.

145 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

146 La plainte est rejetée.

Le 20 septembre 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Dan Butler,
commissaire

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