Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a été suspendue pendant une journée pour avoir affiché sur la porte de son casier une citation historique dont la teneur, selon l’employeur, était de nature violente et dirigée contre la direction - la fonctionnaire a été temporairement mutée à un autre lieu de travail - elle conteste dans son grief tant sa suspension que sa mutation temporaire - l’employeur s’est objecté à la compétence de l’arbitre de grief pour rendre une décision sur ce qu’il qualifiait de mutation administrative - interrogée par son employeur au sujet de l’affiche qui se trouvait sur son casier, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu que cette affiche s’y trouvait depuis des années, qu’il fallait la lire en tenant compte du contexte historique et que, selon elle, son contenu était de nature humoristique - au moment des faits, l’atmosphère du milieu de travail de la fonctionnaire s’estimant lésée était malsain, et celle-ci avait déposé plusieurs griefs et porté plainte contre son superviseur pour harcèlement - l’employeur a étudié la plainte et l’a rejetée - l’employeur a déclaré qu’il avait pris la décision de muter temporairement la fonctionnaire s’estimant lésée à un autre lieu de travail, situé à plus d’une heure de chez elle, à cause du climat du milieu de travail, de la maladie du superviseur et de la demande que la fonctionnaire s’estimant lésée avait faite de travailler dans un milieu sain - durant cette mutation temporaire, la fonctionnaire s’estimant lésée a pu se servir d’une voiture de l’État, ses heures de travail ont été modifiées de manière à y inclure son temps de trajet de chez elle à son nouveau lieu de travail, et elle a reçu une indemnité de repas - la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé d’être réintégrée à son poste d’attache, ce qui lui a été refusé; elle a appris que sa mutation temporaire était devenue permanente - la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief contestant la mutation permanente; ce grief n’a pas été renvoyé à l’arbitrage - l’employeur a contesté la compétence de l’arbitre de grief de rendre une décision sur la mutation permanente parce que cette question ne faisait pas partie du grief renvoyé à l’arbitrage, étant donné que le grief ne portait que sur la mutation temporaire - l’arbitre de grief a statué que l’employeur avait donné à l’incident une ampleur démesurée, ce qui avait entraîné, pour la fonctionnaire s’estimant lésée, des conséquences sérieuses - l’arbitre de grief a statué que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait jamais eu l’intention de menacer ses gestionnaires ou de répudier leur autorité; il a donc renversé la suspension d’une journée - il a également statué que la mutation était motivée par de la mauvaise foi et qu’elle constituait une suspension de la fonctionnaire s’estimant lésée de son poste d’attache que rien ne justifiait - en ce qui concerne sa compétence quant aux mutations permanentes ou temporaires, l’arbitre de grief a statué que dès qu’il était d’avis que l’employeur avait agi de mauvaise foi, il avait compétence pour corriger tant le problème initial que le problème actuel - l’argument de l’employeur selon lequel la mutation initiale était temporaire est une fiction et l’employeur n’a jamais eu l’intention de ramener la fonctionnaire s’estimant lésée à son lieu de travail - la demande présentée par la fonctionnaire s’estimant lésée dans son grief, à savoir être réintégrée dans son poste précédent, convenait dans les circonstances. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-12-18
  • Dossier:  166-33-35106
  • Référence:  2007 CRTFP 119

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MICHELLE COURTEMANCHE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE PARCS CANADA

employeur

Répertorié
Courtemanche c. Agence Parcs Canada

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Georges Nadeau, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Carolyn LeCheminant-Chandy, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 26 février au 1er mars 2007.

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Le 23 mars 2004, Michelle Courtemanche (la « fonctionnaire s'estimant lésée ») a déposé un grief (pièce S-14) à l'encontre de décisions qu'elle jugeait injustes et arbitraires. L'énoncé de ce grief faisait essentiellement état de deux décisions : la décision de la suspendre sans solde pour une journée et la décision de la muter temporairement au secteur Lachine. Le grief a fait l'objet d'un renvoi à l'arbitrage le 14 septembre 2004.

2 D'entrée de jeu, le représentant de l'employeur s'est objecté à la compétence d'un arbitre de grief nommé par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») à disposer d'autre chose que de la suspension d'une journée en notant que les dispositions de l'ancienneLoi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) ne conféraient la compétence qu'en matière de grief portant sur une mesure disciplinaire ayant pour résultat une suspension, un congédiement ou une pénalité financière. Il a soumis que la décision portant sur la mutation administrative ne pouvait faire l'objet d'une décision d'arbitre et m'a demandé de ne pas entendre la preuve liée à celle-ci.

3 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a répliqué que ce n'est qu'après avoir pris connaissance de cette preuve qu'il sera possible de constater que la mutation constituait une sanction disciplinaire prise de mauvaise foi pour les mêmes motifs que la suspension.

4 J'ai accepté d'entendre la preuve et réservé ma décision quant à ma compétence de traiter de la mutation.

5 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).

II. Résumé de la preuve

6 Le représentant de l'employeur a présenté comme premier témoin Francine Émond, directrice de l'Unité de gestion de l'Ouest du Québec, Parcs Canada. Ce territoire va de l'Estrie à Fort Témiscamingue et inclut 17 lieux historiques, dont cinq canaux et le Fort Chambly.

7 Mme Émond a témoigné qu'elle avait à veiller à la réalisation des programmes de protection et de la mise en valeur des lieux historiques sur ce territoire. Les programmes assuraient l'accueil de la clientèle sur les lieux historiques et les canaux en offrant des activités d'interprétation. L'opération des canaux pour les plaisanciers était également assurée. Elle était aussi responsable du maintien des actifs immobiliers. En pleine saison estivale, elle avait sous sa responsabilité environ 240 employés.

8 Mme Émond a indiqué qu'au moment des incidents menant au grief, la fonctionnaire s'estimant lésée relevait de Johanne Gagné, une régisseure sous sa gouverne. Elle a aussi indiqué que l'employeur procédait à un changement de structure administrative et qu'un nouveau gestionnaire de secteur avait commencé à assumer la gestion du secteur du Fort Chambly. La transition devait se terminer le 1er avril 2004. Mme Émond a témoigné que la fonctionnaire s'estimant lésée se rapportait indirectement à elle depuis 2001. Elle était une employée saisonnière qui travaillait neuf mois par année.

9 L'équipe du Fort Chambly était composée de la régisseure, Mme Gagné, et de son adjoint, Jean Longpré, de deux employés permanents à temps plein, de deux employés saisonniers qui étaient en poste pour une durée de neuf mois par année, dont la fonctionnaire s'estimant lésée et Danielle Bruneau, ainsi que d'autres employés saisonniers qui avaient une période d'emploi moindre que neuf mois, dont Marco Croteau. En incluant les étudiants-stagiaires, en haute saison, près de sept employés travaillaient au Fort.

10 Mme Émond a relaté qu'elle avait pris connaissance, quelque temps en décembre 2003 et janvier 2004, d'une affiche qui avait été trouvée par Mme Gagné et M. Longpré au Fort Chambly (pièce E-1) sur le casier de la fonctionnaire s'estimant lésée. On pouvait lire sur cette affiche l'inscription : [traduction] « J'aimerais voir, et ce sera mon dernier et plus ardent désir, j'aimerais voir le dernier roi étranglé avec les tripes du dernier prêtre. ».  Mme Émond a pensé qu'il s'agissait d'une citation haineuse à l'égard des autorités et a décidé de rencontrer la fonctionnaire s'estimant lésée pour la questionner sur ce message et obtenir sa version des faits. La rencontre a été fixée pour le 16 mars 2004.

11 Mme Émond a témoigné que lors de cette rencontre, qui a été tenue en présence de Mme Gagné et de Lise Guérette, représentante syndicale, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle avait l'habitude d'installer des affiches sur son casier et qu'il s'agissait d'humour. Mme Émond a ajouté qu'à cette période de l'année, il n'y a que deux employés en poste au Fort Chambly. Mme Émond n'a pas accepté cette explication et a décidé de lui faire parvenir une lettre de suspension (pièce E-2).

12 Mme Émond a témoigné que les relations de travail étaient malsaines au Fort Chambly. La fonctionnaire s'estimant lésée avait déposé une plainte de harcèlement contre Mme Gagné en septembre 2002. La décision qui a été rendue en juin 2003, à la suite d'une enquête, voulait que les allégations ne pouvaient être considérées comme du harcèlement. Durant l'enquête, la fonctionnaire s'estimant lésée relevait directement de Mme Émond et était en situation de télétravail. Puisque la fonctionnaire s'estimant lésée voulait revenir travailler au Fort Chambly, après l'enquête, Mme Émond, en collaboration avec la Section des relations de travail, a proposé au syndicat et à la fonctionnaire s'estimant lésée un exercice de médiation. Mme Émond a témoigné qu'elle a rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée et les gestionnaires locaux dans le but de tourner la page et de rétablir l'esprit d'équipe. Mme Émond a toutefois indiqué qu'elle avait fait le point sur la situation en décembre 2003 avec l'équipe de gestionnaires et avait conclu qu'ils étaient loin d'un esprit d'équipe. Deux griefs avaient été présentés en décembre 2003 (pièces S-1 et S-2) par la fonctionnaire s'estimant lésée à l'encontre respectivement de Mme Gagné et de Mme Émond.

13 Mme Émond a témoigné qu'elle interprétait la citation de l'affiche sur le casier de la fonctionnaire s'estimant lésée (pièce E-1) comme une citation violente allant à l'encontre de la gestion et ne devant pas être affichée sur les lieux du travail. Elle a ajouté que cette citation allait à l'encontre du milieu de travail qu'elle souhaitait établir. Elle voyait cette citation comme un message qui disait : « Je vais aller jusqu'au bout. » Ce message, à son avis, a engendré de la crainte et de la peur. Mme Émond a affirmé qu'elle avait alors fait le lien entre ce message et ce que Mme Gagné lui avait dit à plusieurs reprises quand elle la rencontrait pour traiter du dossier : « Elle veut ma peau, elle ne lâchera pas tant qu'elle n'aura pas obtenu ce qu'elle veut. »

14 Mme Émond a indiqué qu'il y avait contre elle une sorte d'acharnement, qui se dégage de l'ensemble des faits et des observations. À son avis, le message avait créé de la crainte. Elle a ajouté que les êtres humains sont complexes et dans de telles situations, on se demande jusqu'où ils peuvent aller. Elle ne pouvait considérer ce message comme anodin, considérant les autres faits qui avait été portés à son attention ou qu'elle avait personnellement vécus.

15 Mme Émond a témoigné que, quand on voit un message comme celui-là, on se pose la question à savoir jusqu'où on peut aller avec l'acharnement. Elle a ajouté qu'on ne pouvait tolérer cette situation en vertu de la politique des valeurs à Parcs Canada.

16 Au sujet de la rencontre du 16 mars 2004, Mme Émond a indiqué que la fonctionnaire s'estimant lésée lui avait dit que la citation était de l'humour noir et n'avait exprimé aucun remords. La fonctionnaire s'estimant lésée a aussi soulevé le fait qu'un collègue de travail avait accroché au mur un montage d'une photo de la Reine accompagnée de gants de boxe. Mme Émond a noté que la fonctionnaire s'estimant lésée s'exprimait différemment envers Mme Gagné. Son ton, son regard et sa façon de répondre n'étaient pas les mêmes lorsqu'elle s'adressait à elle. À la suite de cette rencontre, elle a décidé d'imposer, après avoir reçu l'avis des Relations de travail, une sanction disciplinaire d'une journée de suspension. Elle considérait que c'était une situation à l'encontre de l'autorité. La fonctionnaire s'estimant lésée n'avait pas enlevé l'affiche de son casier. Elle était d'avis que le geste était intentionnel.

17 Mme Émond a également témoigné que c'est dans les jours qui ont précédé la remise de la sanction disciplinaire qu'on a décidé de muter la fonctionnaire s'estimant lésée de façon temporaire. La situation était difficile au Fort Chambly puisque des griefs avaient été déposés. La gestionnaire, Mme Gagné, était tombée malade le 17 mars 2004 et devait être absente pour une période de deux mois. L'adjoint, M. Longpré, avait aussi en main un avis médical qu'il devait être en repos. C'est M. Longpré qui était le collègue de travail visé par la fonctionnaire s'estimant lésée relativement à un montage d'une photo de la Reine. Compte tenu qu'elle n'avait plus de régisseur, qu'elle risquait de perdre l'adjoint qui n'était pas en mesure de faire le travail et compte tenu de la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée d'avoir un milieu de travail sain, Mme Émond a décidé de muter la fonctionnaire s'estimant lésée de façon temporaire. Mme Émond a indiqué que, de son avis, il fallait agir dans le meilleur intérêt des employés. La fonctionnaire s'estimant lésée a été mutée au secteur de la fourrure de Lachine. Elle devait travailler au bureau situé dans l'édifice Guy-Favreau dans un poste équivalent et au même niveau de classification. Des dispositions ont été prises pour que la fonctionnaire s'estimant lésée puisse bénéficier du remboursement de ses frais de repas, elle a eu droit à un véhicule de Parcs Canada et son horaire de travail a été modifié pour inclure le temps nécessaire pour se rendre au travail.

18 Relativement aux relations personnelles qu'entretenaient Mme Gagné et la fonctionnaire s'estimant lésée, Mme Émond a témoigné qu'elle était présente lors de la rencontre du 16 mars 2004 et celle qu'elle avait provoquée avant le retour au Fort Chambly de la fonctionnaire s'estimant lésée en 2003. Lors de cette rencontre, Mme Gagné avait dû se reprendre à deux reprises pour expliquer les objectifs d'un travail à accomplir. Mme Émond a ajouté qu'elle trouvait que la fonctionnaire s'estimant lésée argumentait et que la discussion devenait une « joute » intellectuelle où Mme Gagné finissait par se taire.

19 Quant à savoir si elle avait muté la fonctionnaire s'estimant lésée à la suite de l'incident de l'affiche, Mme Émond a témoigné que la mutation était le résultat de l'effet cumulatif de plusieurs facteurs. Le climat de travail ne s'améliorait pas, la situation devenait une situation de crise avec la maladie de la régisseure et le malaise de l'adjoint. L'équipe ne voulait plus travailler ensemble et il fallait trouver une solution. La situation perdurait depuis un an et demi.

20 En contre-interrogatoire, Mme Émond a reconnu que la régisseure, Mme Gagné, était une personne en situation intérimaire. Mme Émond a aussi reconnu que lors d'une rencontre qui a eu lieu le 18 septembre 2003, au bureau administratif, en compagnie de Mme Guérette, Mme Gagné, la fonctionnaire s'estimant lésée et M. Bachand, conseiller en relations de travail, par téléphone, elle s'était engagée à faire un suivi des relations de travail au Fort. À la question de savoir si durant cette réunion Mme Gagné avait dit à la fonctionnaire s'estimant lésée : « T'as pas peur de retomber malade en revenant travailler à Chambly? », Mme Émond a indiqué que cette affirmation était fausse. Mme Émond a confirmé qu'elle n'avait pas eu d'autres rencontres avec la fonctionnaire s'estimant lésée avant celle du 16 mars 2004 et que les renseignements qu'elle avait de la situation au Fort Chambly venaient de Mme Gagné ou du syndicat dans le cadre de la procédure de griefs. Mme Émond a confirmé qu'il n'y avait pas de restriction sur la communication mais a indiqué qu'à chaque fois qu'elle désirait communiquer avec la fonctionnaire s'estimant lésée, elle passait par le syndicat. Mme Émond a confirmé qu'elle n'avait jamais présenté la note de service de Mme Gagné datée du 4 décembre 2003 (pièce E-3) à la fonctionnaire s'estimant lésée et n'avait pas non plus obtenu sa version des faits. Mme Émond a aussi confirmé qu'elle n'avait pas eu de conversation sur le milieu de travail avec la fonctionnaire s'estimant lésée entre septembre 2003 et mars 2004.

21 Relativement aux conversations qu'elle a eues avec Mme Guérette, Mme Émond nie avoir dit qu'il y avait deux employés à problèmes au Fort Chambly et elle nie avec fermeté avoir affirmé qu'elle prendrait toujours la part de la gestion. Elle a également nié avoir voulu se rétracter en disant à Mme Guérette par la suite qu'elle espérait n'avoir pas discrédité ces employés à son égard en disant de ces employés qu'ils étaient des employés à problèmes. Mme Émond a aussi nié avoir fait valoir à Mme Guérette que la fonctionnaire s'estimant lésée aurait dû faire l'objet d'une mesure disciplinaire dans le passé.

22 Questionnée à savoir si elle avait vu l'original de l'affiche, Mme Émond a indiqué que M. Bachand lui avait fait parvenir, en janvier 2004, une copie électronique de la photo de l'affiche (pièce S-13). Elle a confirmé que l'affiche indiquait le nom de l'auteur de la citation. Elle n'a pas examiné le casier sur lequel cette affiche avait été apposée. Lors des visites du Fort Chambly, elle n'avait pas remarqué les citations sur le casier de la fonctionnaire s'estimant lésée. Mme Émond a aussi confirmé qu'elle n'avait pas parlé à la fonctionnaire s'estimant lésée de la citation avant le 16 mars 2004, en dépit du fait que cette dernière était revenue au travail depuis la troisième semaine de février 2004.

23 Mme Émond a maintenu que la citation n'était pas anodine et a affirmé que ce type de citation n'était pas approprié sur le casier d'un employé. Elle a reconnu par contre qu'une citation pouvait illustrée l'esprit d'une époque et qu'il était possible qu'il y avait, à travers les salles d'exposition du Fort Chambly, diverses citations historiques à caractères belliqueux qui étaient là pour intéresser les visiteurs. Elle a indiqué qu'elle n'avait pas de souvenir d'avoir fait parvenir une copie de la citation à Carole Sheedy, directrice générale de l'Est du Canada, Parcs Canada. Elle a reconnu que c'était seulement après le dépôt des deux griefs en décembre 2003 que la question de l'affiche a été soulevée.

24 Mme Émond a affirmé qu'elle n'avait pas de souvenir de la façon dont elle a commencé la rencontre du 16 mars 2004 et ne pouvait confirmer si elle avait dit qu'elle ne voulait pas faire un procès d'intention à propos de cette citation. Elle a affirmé qu'elle voulait faire la lumière sur cette question et entendre la version de la fonctionnaire s'estimant lésée. Elle a confirmé que cette dernière lui avait dit qu'elle avait plusieurs citations apposées une sur l'autre sur son casier depuis une dizaine d'années et que juste avant son départ à la fin de la saison, elle a enlevé ces citations, sauf la première qui était collée directement sur le casier. Mme Émond a confirmé que la fonctionnaire s'estimant lésée lui avait dit qu'elle avait l'intention d'enlever cette dernière citation à son retour. La fonctionnaire s'estimant lésée lui avait aussi donné une copie des autres citations, ainsi qu'une copie des pages du livre duquel la citation au centre du litige provenait.

25 Questionnée à savoir si lors de la rencontre du 16 mars 2004 Mme Gagné avait confirmé ne pas se sentir visée ou menacée par la citation, Mme Émond a témoigné qu'elle n'avait pas de souvenir de la question ni de la réponse de Mme Gagné. Elle a reconnu qu'il était important de déterminer, dans de telles situations, si les personnes se sentaient visées ou menacées. Elle a aussi confirmé qu'elle n'avait pas mentionné de façon explicite qu'elle se sentait visée mais a affirmé que cette citation allait à l'encontre de l'autorité. Elle a également confirmé que lors de cette rencontre, la fonctionnaire s'estimant lésée a soulevé la présence, dans le Fort Chambly, de l'installation de M. Longpré en présentant des photos de l'installation (pièce S-4). La fonctionnaire s'estimant lésée alléguait qu'il y avait deux poids, deux mesures. Mme Émond a indiqué qu'elle avait dit à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle devait soulever cette question avec sa superviseure, Mme Gagné, à une autre occasion parce que l'objectif de la rencontre n'était pas de discuter de la situation de son collègue. Mme Émond a confirmé qu'après la rencontre, la fonctionnaire s'estimant lésée avait déposé deux autres griefs alléguant qu'elle faisait l'objet de harcèlement de la part de Mme Gagné et de Mme Émond (pièces S-5 et S-6).

26 Mme Émond a confirmé que  la fonctionnaire s'estimant lésée a 18 ans de service et qu'elle n'avait pas fait l'objet de sanction disciplinaire dans les dernières années. En réponse à la question de savoir si la fonctionnaire s'estimant lésée avait demandé à être mutée, Mme Émond a répondu qu'elle avait mentionné qu'elle cherchait un milieu de travail sain. Aux questions portant sur qui était responsable du mauvais climat de travail, Mme Émond a indiqué qu'il y avait eu une enquête indépendante en 2002 faite par des spécialistes et que Mme Gagné était gestionnaire et devait exercer sa responsabilité de gestion. Mme Émond était d'avis que la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait pas accepté les résultats de l'enquête. Mme Émond a également affirmé qu'elle avait vécu des situations où la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait pas accepté l'exercice des droits de gérance.

27 Mme Émond a reconnu qu'à la suite de sa mutation temporaire (pièce S-9), la fonctionnaire s'estimant lésée avait demandé à être réintégrée au Fort Chambly (pièce S-7), que sa demande avait été refusé (pièce S-8).

28 Mme Émond a indiqué qu'au lendemain de la rencontre du 16 mars 2004, Mme Gagné était tombée malade et que la gestion était dans une situation de crise qui était malsaine autant pour la fonctionnaire s'estimant lésée que pour les autres employés touchés par la crise. Mme Émond a confirmé qu'on avait décidé d'imposer une sanction disciplinaire à la suite de la rencontre du 16 mars 2004 et que cette décision avait été prise vers ce temps-là. La mutation était, à son avis, une décision administrative et devait entrer en vigueur le 25 mars 2004 (pièce S-9). Elle était de nature temporaire afin de prendre le temps de voir clair et de respecter la période de 30 jours de préavis. La fonctionnaire s'estimant lésée devait se rapporter à Julie Talbot, au complexe Guy-Favreau à Montréal. Mme Émond a confirmé qu'elle avait fait parvenir une lettre datée du 28 avril 2004 à la fonctionnaire s'estimant lésée lui indiquant que la mutation devenait permanente (pièce S-10). Mme Émond a reconnu ne pas avoir parlé ni envoyé de correspondance à la fonctionnaire s'estimant lésée entre le 23 mars et le 28 avril 2004, à l'exception de la lettre datée du 6 avril 2004 (pièce S-8) qui refusait sa demande de mutation.

29 Relativement à la mutation permanente communiquée à la fonctionnaire s'estimant lésée le 28 avril 2004, Mme Émond a indiqué que c'était une décision importante nécessitant une évaluation de la situation. Elle désirait s'assurer que c'était la meilleure décision dans les circonstances et le résultat de cette évaluation avait été la mutation permanente.

30 Mme Émond a témoigné qu'elle n'avait que consulté les rapports d'évaluation faits par Mme Gagné (pièces S-11 et S-12). Mme Émond a confirmé qu'elle avait été témoin des interactions entre Mme Gagné et la fonctionnaire s'estimant lésée à deux occasions, soit lors d'une rencontre en août 2003, où il fut question des objectifs d'un projet qui avait été confié à la fonctionnaire s'estimant lésée, ainsi que lors de la rencontre du 16 mars 2004. Mme Émond a confirmé qu'après la rencontre et un échange de correspondance, le mandat confié à la fonctionnaire s'estimant lésée a été exécuté.

31 Mme Émond a confirmé qu'à la suite de la rencontre du mois d'août 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée est retournée travailler au Fort Chambly à sa demande et celle du syndicat.

32 Mme Émond a affirmé que Mme Gagné lui avait indiqué qu'il n'avait pas de fin aux démarches entreprises par la fonctionnaire s'estimant lésée contre elle.

33 Mme Émond a confirmé qu'elle n'avait imposé aucune restriction à la fonctionnaire s'estimant lésée, ni à son retour au travail le 23 février 2004, ni à la suite de la rencontre du 16 mars 2004. Elle n'avait pas pris de mesure de sécurité pour se protéger ou protéger les employés du Fort Chambly. Par contre, la gestion devait lui signaler tout incident.

34 En contre-interrogatoire, Mme Émond a indiqué qu'elle avait accordé de l'importance à la citation puisque c'était une citation haineuse et violente contre l'autorité. Mme Émond a indiqué qu'elle souhaitait un climat harmonieux au Fort Chambly et l'affiche était contraire à la politique de Parcs Canada sur le respect. La fonctionnaire s'estimant lésée n'avait exprimé aucun regret. Mme Émond était d'avis que cette dernière avait laissé délibérément cette affiche sur place. Elle a ajouté que deux griefs avaient été déposés par Mme Courtemanche le 12 décembre 2003 et que plusieurs éléments lui suggéraient que le climat était malsain.

35 Mme Émond a confirmé que des mesures avaient été prises relativement au montage utilisant une photo de la Reine.

36 Mme Émond a témoigné qu'elle avait toujours voulu que Mme Gagné assure une bonne gestion de ses ressources. À son avis, Mme Gagné encadrait bien ses employés et avait une bonne capacité de gestion. Toutefois, la fonctionnaire s'estimant lésée questionnait les décisions de Mme Gagné. Elle a ajouté que les employés redoutaient une situation de tension et que cette situation ne pouvait plus durer; il fallait trouver une solution permanente.

37 Mme Gagné a été le second témoin convoqué par l'employeur. Mme Gagné travaille au Centre des services de l'Ontario de Parcs Canada à Cornwall depuis le 27 février 2006. Auparavant, elle occupait un poste de régisseur intérimaire de niveau PM-4 au Fort Chambly. Elle a commencé à travailler au Fort Chambly en septembre 1999. Elle supervisait une équipe permanente et une équipe temporaire de huit à 10 employés. L'équipe permanente était composée d'un adjoint travaillant à l'année et de trois guides travaillant de façon saisonnière. Les employés saisonniers travaillent de février à décembre. Les employés du Fort Chambly se rapportaient au directeur de l'Unité de gestion de l'Ouest du Québec. La fonctionnaire s'estimant lésée occupait un poste de guide principal classé GT-2. Un guide principal devait assumer les tâches de guide interprète, la gestion de projets ou d'activités spéciales et encadrer la formation des autres employés saisonniers temporaires.

38 Mme Gagné a témoigné qu'après son arrivée en 1999, les relations avec la fonctionnaire s'estimant lésée étaient, comme celles avec les autres employés, satisfaisantes. Il y avait des tensions entre l'équipe permanente et l'équipe temporaire, cette dernière désirant des projets plus créatifs alors que l'équipe permanente semblait souffrir d'une certaine lassitude.

39 Mme Gagné a poursuivi en indiquant que tout allait relativement bien avant le dépôt de la plainte de harcèlement en septembre 2002 par la fonctionnaire s'estimant lésée. Mme Gagné avait été surprise et ne s'attendait pas à cela. La fonctionnaire s'estimant lésée avait demandé à Mme Gagné la permission de prendre une journée de congé sans solde par semaine et avait fait le commentaire : « Ce que j'ai à faire, ce n'est pas des vacances. » Elle s'est souvenu aussi qu'au moment où elle a pris ses vacances,  la fonctionnaire s'estimant lésée lui a dit : « Passe de belles vacances, tu en auras besoin. »

40 Mme Gagné a témoigné que l'enquête a débuté à l'automne 2002 et a duré plusieurs mois. Les résultats de l'enquête ont été connus en juin ou juillet 2003 et la plainte de harcèlement a été rejetée. Mme Gagné a aussi indiqué que lorsqu'elle est revenue de ses vacances en septembre 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée était en congé de maladie. La fonctionnaire s'estimant lésée a repris le travail au printemps 2003, mais se rapportait directement à Mme Émond au bureau de l'Unité de gestion à cause de l'enquête qui était en cours. La direction avait pris la décision d'éloigner l'un des autres les employés en attendant le résultat de l'enquête. Mme Gagné a ajouté que lorsque Mme Émond lui a fait part du dépôt d'une plainte contre elle, elle était bouleversée.

41 Relativement à la réaction de l'équipe sur place au dépôt de la plainte en septembre 2002, Mme Gagné a indiqué que des initiatives avaient été prises pour faire en sorte que les activités régulières se fassent. Elle a ajouté que les employés avaient pris des initiatives plus créatives et se sentaient plus libres pour faire des choses de façon différente. Avec l'absence de la fonctionnaire s'estimant lésée, il y avait moins de tension dans l'air.

42 Mme Gagné a indiqué qu'entre le mois de mars et l'automne 2003, elle a rencontré  la fonctionnaire s'estimant lésée trois ou quatre fois toujours en présence de Mme Émond. Mme Émond lui a demandé d'identifier des projets que pourrait exécuter la fonctionnaire s'estimant lésée à distance. Un de ces projets était de créer des fiches d'identification des objets contenus dans une mallette archéologique. Au départ, la fonctionnaire s'estimant lésée a montré un peu de résistance et il a fallu deux rencontres pour s'entendre sur le format de la fiche. Il a ensuite eu des problèmes quant au nombre d'heures requises pour effectuer le travail. Elle a ajouté que le projet n'a jamais été complété et n'était pas en mesure de dire pourquoi.

43 Mme Gagné a indiqué qu'une réunion impliquant le syndicat avait eu lieu au bureau de Mme Émond environ une semaine avant le retour de la fonctionnaire s'estimant lésée au travail. Mme Gagné a témoigné qu'elle a aussi rencontré les employés du Fort Chambly avant le retour au travail de la fonctionnaire s'estimant lésée. Il s'agissait de M. Crosto, qui occupait un poste de GT-1, de Mme Bruneau, qui occupait un poste de GT-2, et de M. Longpré, l'adjoint. M. Longpré a réagit en indiquant qu'il fallait bien qu'elle revienne un jour alors que M. Crosto a levé les yeux au ciel. Mme Gagné n'a pas approfondi cette question. En septembre, c'était déjà la basse saison. L'essentiel des tâches était d'accueillir les groupes et de faire l'inventaire des costumes et du matériel d'animation. La fonctionnaire s'estimant lésée a quitté pour la saison vers la fin novembre 2003 en même temps que Mme Bruneau.

44 Questionnée sur les incidents qui se sont produits entre le retour au travail de  la fonctionnaire s'estimant lésée et son départ à la fin de la saison, Mme Gagné a relaté un incident qui s'est produit le jour du Souvenir alors que la fonctionnaire s'estimant lésée s'est plainte du fait qu'elle n'avait pas été avisée de l'activité et que ce n'était pas une façon de travailler. Mme Gagné a indiqué que M. Longpré lui a répondu que c'était écrit au calendrier des activités.

45 Mme Gagné a aussi relaté qu'en septembre 1999 la fonctionnaire s'estimant lésée avait exprimé des réticences au changement d'horaire qui exigeait plus de disponibilité les fins de semaine. Le nombre d'événements spéciaux avait été augmenté dans le but d'augmenter la fréquentation qui était à la baisse.

46 Questionnée sur la découverte de l'affiche, Mme Gagné a témoigné qu'au début du mois de décembre, elle était dans son bureau quand M. Longpré lui a téléphoné pour lui demander si elle avait vu la citation. Elle lui a demandé de quoi il parlait. Il a indiqué qu'il s'agissait de la citation sur le casier de la fonctionnaire s'estimant lésée et a ajouté qu'il n'aimait pas ce qu'il lisait. Elle a senti dans sa voix que c'était important.

47 Mme Gagné est allée dans la salle des casiers pour voir ce dont il s'agissait et a lu la citation. M. Longpré s'y trouvait et gesticulait et insistait pour que cette citation soit enlevée de là. Il disait que cela était écoeurant et qu'il ne voulait pas voir de choses comme cela dans son lieu de travail.

48 Mme Gagné a poursuivi en indiquant qu'elle a téléphoné au conseiller en relations de travail, M. Bachand. Une photo a été prise de la citation. La feuille était bien collée sur le casier avec un papier collant pour l'emballage de colis. Elle s'est sentie un peu visée par la citation et ne savait trop quoi penser. C'était une citation de type haineux. À son avis, la feuille de papier était propre et il s'agissait d'un papier neuf.

49 Mme Gagné a indiqué que  la fonctionnaire s'estimant lésée est revenue au travail le 23 février 2004. Après la réunion d'équipe, elle a rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée seule et a abordé le sujet de l'affiche avec elle. Elle a fait un résumé de la rencontre qu'elle a fait parvenir à M. Bachand le 27 février 2004 (pièce E-6). La discussion relative à l'affiche n'a pas duré longtemps, la fonctionnaire s'estimant lésée ne voulant pas la continuer sans la présence de sa représentante syndicale. Elle a toutefois indiqué qu'elle ne l'avait pas enlevée parce qu'elle était difficile à décoller et qu'elle voulait le faire à son retour. L'atmosphère était un peu tendue et Mme Gagné a affirmé qu'elle ne savait pas si  la fonctionnaire s'estimant lésée riait d'elle.

50 Mme Gagné a témoigné qu'elle était présente lors de la rencontre du 16 mars 2004. C'est Mme Émond qui dirigeait la rencontre. Cette dernière cherchait à savoir qu'elle était la motivation de la citation sur le casier. Mme Gagné a indiqué que le lendemain de cette rencontre, elle était en congé de maladie.

51 Relativement à la note de service du 4 décembre 2003 (pièce E-3), Mme Gagné a témoigné qu'il s'agissait d'un rapport préparé à l'intention de Mme Émond pour la période couvrant du 24 septembre au début décembre 2004. Elle faisait rapport de la liste des incidents et sur la façon dont le travail s'était passé. Elle a conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée ne souhaitait pas ce retour au travail.

52 En contre-interrogatoire, Mme Gagné a indiqué que même si elle mangeait dans la salle où se trouvait les casiers, elle n'avait pas remarqué les affiches sur le casier de  la fonctionnaire s'estimant lésée. C'est M. Longpré qui lui a appris la présence de la citation. Elle a indiqué qu'à son avis, la feuille sur le casier était neuve. Elle a ajouté que la feuille de papier était déchirée parce qu'elle était collée avec du papier gommé large. Elle a mis les morceaux dans une enveloppe qu'elle a expédiée à M. Bachand.

53 Mme Gagné a reconnu que dans le Fort Chambly, il y a plusieurs affiches montrant des citations de nature historique pour soutenir un propos ou un thème. Elle ne pouvait toutefois confirmer le contenu de ces citations.

54 Mme Gagné a confirmé qu'elle a rédigé les évaluations de rendement (pièces S-11 et S-12) de la fonctionnaire s'estimant lésée et qu'à l'exception d'un commentaire voulant qu'elle pouvait toutefois faire bénéficier l'équipe davantage de son expérience, « ça avait l'air d'aller ». Elle ne se souvenait pas d'avoir indiqué à la fonctionnaire s'estimant lésée, lors de la rencontre pour discuter de l'évaluation en mai 2002, qu'elle ne savait jamais ce qu'elle faisait. Elle a confirmé qu'à son avis, tout allait bien jusqu'au dépôt de la première plainte de harcèlement en 2002.

55 Relativement à l'incident du jour du Souvenir, Mme Gagné a reconnu qu'il était possible que cet incident date de 2002 et non de 2003. Mme Gagné a reconnu qu'il était possible qu'elle ait dit à la fonctionnaire s'estimant lésée : « Tu n'as pas peur de retomber malade en revenant au Fort Chambly? » lors de son retour au Fort Chambly en septembre 2003. Elle reconnaît qu'il est important pour un gestionnaire de faire un bon suivi lorsqu'un employé revient d'un long congé de maladie. Elle a confirmé qu'entre le 18 septembre 2003 et mars 2004, il n'y a pas eu de réunion avec la fonctionnaire s'estimant lésée à l'exception de quelques réunions d'équipe. Elle a aussi confirmé que la fonctionnaire s'estimant lésée et elle se croisaient trois jours par semaine parce que la fonctionnaire s'estimant lésée travaillait la fin de semaine. Elle n'a pas été impliquée dans la décision de muter la fonctionnaire s'estimant lésée. Mme Gagné a indiqué que l'intention derrière le commentaire voulant « qu'un changement s'impose » à la dernière ligne de la note de service du 4 décembre 2003 (pièce E-3) n'était pas de demander à Mme Émond de  faire partir la fonctionnaire s'estimant lésée. Il s'agissait plutôt de trouver un moyen pour faciliter le dialogue au sein de l'équipe.

56 Mme Gagné a indiqué qu'elle a été mise au courant vers la mi-décembre 2003 du dépôt de griefs par la fonctionnaire s'estimant lésée et par Mme Bruneau alléguant qu'elles faisaient l'objet de représailles.

57 Mme Gagné a confirmé qu'elle a fait parvenir un courriel à M. Bachand le 13 janvier 2004 au sujet de l'affiche. À ce moment, elle n'a pas discuté de l'affiche avec la fonctionnaire s'estimant lésée parce que celle-ci n'était pas à l'emploi. Elle se sentait visée « jusqu'à un certain point » par la citation.

58 Mme Gagné a reconnu que lors de la rencontre du 16 mars 2004, en réponse à une question de la fonctionnaire s'estimant lésée, elle lui a dit qu'elle ne se sentait pas menacée ni visée par la citation. Mme Gagné a ajouté qu'elle ne voulait pas lui montrer que cela l'avait bouleversée. Elle a quitté le lendemain en congé de maladie. Elle a indiqué qu'il est possible que Mme Émond au début de la réunion ait dit qu'elle ne voulait pas faire un procès d'intention. Elle s'est souvenu vaguement que la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que la citation était sur son casier depuis près de 10 ans et qu'elle avait le livre à partir duquel provient cette citation. Il était aussi possible que la fonctionnaire s'estimant lésée ait mentionné qu'il y avait d'autres citations sur son casier et qu'elle ait mentionné l'installation de M. Longpré. Elle s'est souvenu que Mme Émond a repoussé les photos de l'installation de M. Longpré. Elle a confirmé que la fonctionnaire s'estimant lésée a mentionné qu'elle se sentait harcelée et qu'elle avait déposé une plainte contre elle et contre Mme Émond. Mme Gagné a nié que Mme Émond qualifiait la fonctionnaire s'estimant lésée d'employée à problèmes et qu'elle aurait dû avoir des mesures disciplinaires.

59 Mme Gagné a confirmé que la fonctionnaire s'estimant lésée ne lui a jamais demandé de mutation. Elle a appris la mutation de la fonctionnaire s'estimant lésée, mais n'en connaît pas les  détails.

60 Questionnée sur la photo de la citation (pièce E-1), Mme Gagné a indiqué que le nom de la fonctionnaire s'estimant lésée apparaissait sur la feuille de papier montrant la citation.

61 Questionnée sur la note de service du 4 décembre 2003 (pièce E-3), Mme Gagné a précisé que la fonctionnaire s'estimant lésée, bien qu'elle ait été présente aux réunions d'équipe, ne participait pas aux réunions. Elle a confirmé que la fonctionnaire s'estimant lésée faisait de la lecture dans la salle de documentation et que c'était là une partie de son travail. Elle a indiqué qu'il est possible que la mise à jour de l'inventaire ait été remise par la fonctionnaire s'estimant lésée à M. Longpré. Quant à l'installation de M. Longpré, elle était probablement en place depuis l'été.

62 Mme Gagné a témoigné qu'elle s'est sentie visée par la citation et qu'elle a pris des mesures relatives à sa sécurité en téléphonant chez elle avant de partir le soir. Elle n'a jamais mentionné cela parce qu'à l'époque, la fonctionnaire s'estimant lésée avait déjà terminé sa saison et ne travaillait plus au Fort Chambly.

63 Mme Gagné a indiqué que Mme Émond ne l'a pas consultée quant à la mutation de la fonctionnaire s'estimant lésée et n'a pas discuté de la situation au Fort Chambly avec celle-ci avant qu'elle rédige la note de service du 4 décembre 2003 (pièce E­-3).

64 En réexamen, Mme Gagné a indiqué qu'elle téléphonait à son mari avant de quitter le travail, qu'elle quittait en même temps que M. Longpré et que des amis de son mari l'accompagnaient lorsqu'elle faisait du jogging dans le parc.

65 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné. Elle occupe un poste saisonnier d'interprète classé PM-2 au Lieu historique du Commerce de la fourrure à Lachine. Elle est en congé pour études jusqu'en septembre 2008. Elle complète un doctorat en anthropologie.

66 La fonctionnaire s'estimant lésée a commencé son emploi à Parcs Canada à titre de guide-interprète occasionnel en 1986 à Carillon et a été mutée au canal de Chambly en 1987, puis au Fort Chambly en 1989, où elle a travaillé jusqu'en 2004. D'employée occasionnelle de niveau GT-1, elle est devenue employée permanente en 1995 dans un poste saisonnier. Au printemps 2006, les postes classés GT-2 ont été reclassés PM-2.

67 La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté la description de travail du poste d'agent, Services d'interprétation (pièce S-17). Elle a indiqué que le travail qu'elle effectuait durant sa période annuelle d'emploi variait selon que le Fort Chambly était ouvert au public ou non. Durant le printemps et l'automne, elle concevait et réalisait de nouvelles activités ou expositions qui étaient présentées durant l'été. Elle s'occupait aussi de la recherche de documentation et de la formation des guides.

68 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que dès son arrivée au Fort Chambly, elle était considérée comme la personne-ressource pour tout ce qui touchait  l'archéologie, la thématique amérindienne et l'habillement des femmes. Au printemps et à l'automne, le personnel d'interprétation était réduit à trois personnes : Mme Bruneau, M. Crosto et elle-même.

69 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que le Fort Chambly représente la présence française dans la vallée du Richelieu au 18e siècle. Diverses thématiques autour des activités militaires, de l'impact social, de l'alimentation, de la présence amérindienne et de l'architecture militaire y sont présentées.

70 À l'automne 2003, en plus du personnel d'interprétation, travaillaient au Fort Chambly, Mme Gagné, M. Longpré, une stagiaire ainsi qu'une personne bénévole à l'accueil les fins de semaine.

71 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu'on a évalué chaque année sa performance au travail jusqu'en 1997-1998 (pièces S-18.1 à S-18.11). En 1997-1998, elle a eu une ébauche qui n'a jamais été complétée. Mme Gagné a rédigé deux évaluations (pièces S-11 et S-12). Elle a par la suite reçu des évaluations pour son travail au canal Lachine (pièces S-18.12 et S-18.13). Elle a aussi présenté les documents indiquant qu'elle a eu droit à des affectations intérimaires (pièce S-19). Les évaluations indiquent qu'on était entièrement satisfait de sa performance au travail et même, à trois occasions, on indique une satisfaction supérieure. La fonctionnaire s'estimant lésée a ajouté qu'en aucun moment et d'aucune façon elle a compris de ses supérieurs qu'elle avait un problème de comportement. Elle n'a jamais fait l'objet de mesures disciplinaires avant de recevoir la suspension d'une journée. De même, son travail au canal Lachine était toujours satisfaisant.

72 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que c'est en septembre 1999 qu'elle a commencé à travailler avec Mme Gagné au Fort Chambly. Mme Gagné était venue remplacer le régisseur. Lors de son évaluation en mai 2002 (pièce S-12), la fonctionnaire s'estimant lésée a fait remarquer à Mme Gagné qu'elle passait à l'occasion des remarques malveillantes du genre : « Toi, je ne sais jamais ce que tu fais. » La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que Mme Gagné était sa superviseure immédiate, celle qui lui donnait ses objectifs et lui assignait le travail à exécuter et à qui elle devait rendre compte. Ce genre de commentaire la blessait. Mme Gagné lui a alors répondu qu'elle l'interprétait mal. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle a alors laissé tomber le sujet.

73 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que par la suite, l'hostilité de Mme Gagné allait en croissant. Il était de plus en plus difficile de travailler dans cette ambiance de travail. À la fin juillet, elle est partie en vacances. Ses vacances sont devenues un congé de maladie après une rencontre avec son médecin. C'est par la suite qu'elle a déposé une lettre de plainte de harcèlement moral auprès de Mme Émond. Elle n'a rien dit à Mme Gagné, car cette dernière était beaucoup trop hostile à son égard. En juillet, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé une journée de congé sans solde pour s'occuper de sa mère qui commençait à avoir des problèmes de santé. Mme Gagné lui a répondu d'écouler ses jours de congés annuels. Elle ne se souvenait pas d'avoir fait un commentaire à Mme Gagné avant le départ de cette dernière en vacances.

74 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle a tenté un retour au travail au début novembre 2002. Toutefois, le comportement de Mme Gagné n'avait pas changé. Elle était tenue dans l'ignorance des activités et devait s'adresser à un collègue pour en être informées. Le 31 octobre 2002, avec l'appui de son syndicat, elle a déposé un grief (pièce S-20) à l'encontre du harcèlement moral dont elle se disait victime de Mme Gagné. La fonctionnaire s'estimant lésée a qualifié l'incident du jour du Souvenir comme une illustration du manque de communication. Par la suite, elle est retournée en congé de maladie et ce jusqu'à la fin de la saison.

75 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'à son retour au travail en février 2003, elle avait été assignée à travailler en situation de télétravail. Sa représentante syndicale, Mme Guérette, a rencontré Mme Émond dans le cadre de la procédure d'enquête sur sa plainte. Mme Guérette lui a rapporté que Mme Émond la considérait comme une employée à problèmes. L'enquête elle-même n'avait pas encore commencée. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'à ce moment, elle avait rencontré une fois Mme Émond en compagnie d'une personne des Ressources humaines pour discuter de la teneur de sa lettre de plainte. Elle a ajouté que cette rencontre n'avait pas été facile. Elle a aussi indiqué que Mme Guérette lui a dit, par la suite, que Mme Émond s'était rétractée relativement au commentaire qu'elle était une employée à problèmes.

76 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que pendant son assignation à travailler en situation de télétravail, elle devait faire du travail pour différents sites et devait communiquer avec les régisseurs de ces sites pour obtenir du travail. L'attitude de Mme Émond à son égard était toujours très sévère. Un jour, Mme Émond lui a dit devant Mme Guérette : « Toi, tu aurais dû avoir une mesure disciplinaire. » Elle avait trouvé ce commentaire déstabilisant. Relativement aux relations avec Mme Émond, elle avait l'impression que celle-ci tentait toujours de la coincer. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que l'enquête menée par Parcs Canada sur sa première plainte de harcèlement concluait que la plainte était non fondée. Dans la lettre qu'elle a reçue de Mme Émond en juin 2003, celle-ci ne lui a pas indiqué qu'elle pouvait contester le résultat de l'enquête.

77 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que la situation de télétravail a pris fin en juin 2003. À partir de ce moment, elle devait se rapporter au bureau de district à Chambly. Là, elle a reçu le mandat de documenter les objets de la mallette archéologique du Fort Chambly. Lorsqu'elle a terminé les fiches, elle les a fait parvenir par courriel à Mme Gagné. La fonctionnaire s'estimant lésée s'est souvenu qu'il y a eu une réunion avec Mme Gagné et Mme Émond au sujet de ce projet en juillet 2003. Lors de cette réunion, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé à Mme Gagné de lui dire spécifiquement ce que l'on attendait d'elle. Au cours de la réunion, Mme Gagné lui a dit : « Il me semble que ce n'est pas difficile ce qu'on te demande? » Mme Émond, quant à elle, n'a pas intervenu.

78 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu'il y a eu une autre réunion à la fin août avant son retour au Fort Chambly. Mme Émond, Mme Gagné, M. Bachand, Mme Guérette et elle-même y participaient (en personne ou par téléconférence). Mme Émond a indiqué lors de cette rencontre qu'il fallait tourner la page. Elle s'assurerait personnellement que tout se passerait bien dorénavant au Fort Chambly. Mme Émond lui a encore dit qu'elle aurait dû avoir une mesure disciplinaire. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle a interprété cela comme un avis de se « tenir tranquille ». Elle a indiqué que, durant la réunion, Mme Gagné lui a demandé si elle n'avait pas peur de retomber malade en revenant au Fort Chambly compte tenu de l'ambiance qui y régnait. La fonctionnaire s'estimant lésée a perçu cela comme une menace voilée.

79 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu'elle est retournée au travail à la fin de septembre 2003. Sa semaine de travail était du mercredi au dimanche. Mme Gagné travaillait du lundi au vendredi. À son retour au travail, la première journée, elle a participé à une rencontre d'équipe impliquant Mme Gagné, M. Longpré, M. Crosto et Mme Bruneau. Après cela, il n'y a pas eu de rencontre avec Mme Gagné jusqu'à son départ la saison terminée. Elle n'a reçu de Mme Gagné aucun objectif ni rétroaction et ne lui a jamais reparlé par la suite. Lors de la réunion d'équipe, elle lui avait demandé s'il y avait quelque chose de nouveau. Mme Gagné lui a alors répondu qu'il n'y avait rien de neuf. Pourtant, a indiqué la fonctionnaire s'estimant lésée, elle a constaté par la suite l'installation d'une nouvelle maquette et de nouvelles installations pour recevoir les groupes scolaires.

80 À son retour au travail en mars 2004, il y a eu une rencontre d'équipe dans la salle des guides avec M. Longpré, M. Crosto, Mme Bruneau, Mme Gagné et elle-même. À la fin de la rencontre, Mme Gagné lui a demandé de la suivre à son bureau. La fonctionnaire s'estimant lésée a ajouté que depuis son retour au travail en septembre 2003 jusqu'à la rencontre du 16 mars 2004, elle n'a pas entendu parler de Mme Émond.

81 Questionnée sur la note de service datée du 4 décembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle n'avait jamais vu cette note avant l'audience. Relativement au contenu de cette note, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que la seule question dont elle se souvenait était la question des vacances (pièce E-3, page 2). La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que tous les commentaires dans cette note de service relatifs aux relations interpersonnelles n'ont jamais été abordés avec elle. Relativement aux commentaires sur les visites guidées, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'il y a toujours eu des discussions entre les employés au sujet des visites guidées. Relativement aux réunions d'équipe, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle avait demandé s'il y avait quelque chose de neuf. Elle a ajouté qu'elle avait l'habitude de poser des questions pour obtenir des clarifications. La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu'elle s'installait dans la salle de guides en basse saison au printemps et à l'automne. Durant ces périodes, le Fort Chambly est ouvert au public et en laissant fermée la porte de la salle des guides, il est possible d'entendre l'avertisseur signalant la présence d'un visiteur. Elle avait aussi de la lecture de rattrapage à faire. Elle faisait ce qu'on lui demandait de faire et a passé beaucoup de temps à s'occuper des visites scolaires du mercredi au vendredi. À partir de l'Action de grâces, le travail saisonnier de M. Crosto est terminé et seulement Mme Bruneau et elle-même restent au Fort Chambly pour s'occuper de toutes les visites scolaires. Elle avait peu d'occasions d'avoir des conversations avec M. Longpré et Mme Gagné qui travaillaient sur un autre étage. La fonctionnaire s'estimant lésée a maintenu qu'elle a toujours employé un ton normal avec Mme Gagné et ne lui a jamais manqué de respect. Relativement à l'inventaire, elle a indiqué qu'en l'absence de Mme Gagné, elle et M. Longpré avaient convenu d'un partage des tâches. Lorsque Mme Gagné lui a reproché cet arrangement, elle lui a répondu qu'ils n'avaient pu la consulter parce qu'elle était absente. La fonctionnaire s'estimant lésée a ajouté qu'une journée où elle devait participer à un forum en dehors du bureau, elle n'a pu s'y présenter pour une raison d'obligation familiale de dernière minute. Elle s'est assurée d'aviser Mme Gagné par l'entremise d'un collègue. Mme Gagné lui a reproché cette façon de faire.

82 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que depuis son retour au travail en septembre 2003, elle souhaitait travailler dans l'harmonie. Elle se fiait à l'engagement de Mme Émond et se consacrait à faire son travail. Elle a ajouté que tous ses rapports d'évaluation montraient qu'elle a toujours été une personne dynamique et loyale envers son employeur. Son initiative avait valu un grand prix du tourisme au Fort Chambly. Elle avait été toujours reconnue pour son leadership et, à son avis, les reproches de Mme Gagné étaient injustifiés.

83 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle avait rencontré Mme Bruneau au Fort Chambly. D'abord d'excellentes collègues, elles sont devenues des amies.

84 Relativement aux citations que l'on trouve dans les salles d'exposition du Fort Chambly, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elles sont de nature militaire, religieuse et sociale. Elle a présenté à Mme Émond ces exemples de citations (pièce S-21). Ces citations sont au Fort Chambly depuis presque 25 ans.

85 La fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué que la salle des guides est une grande salle au rez-de-chaussée du Fort Chambly. Il s'agit d'une grande pièce dont une partie sert de cuisinette, qui comporte une grande table qui sert pour les rencontres d'équipe et les repas, un centre de documentation et une rangée de casiers pour les guides interprètes. Derrière la rangée de casiers, il y a des armoires qui contiennent le matériel d'animation. Le casier de la fonctionnaire s'estimant lésée était le premier casier à gauche, le dernier à l'opposé du mur directement à côté du passage.

86 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que Mme Gagné mangeait dans la salle des guides. Elle a ajouté que les guides interprètes avaient l'habitude d'afficher toute sorte de chose dont des photos ou des citations sur leurs casiers et qu'elles changeaient avec les années.

87 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu'au fil des années, elle avait collé des citations sur son casier et que la citation au centre du litige avait été la première collée sur son casier. Ces citations étaient des citations qu'elle avait trouvées marquantes pour l'imagination. Toutes ces citations étaient de nature historique et étaient bien en vue, à la hauteur des yeux dans la salle des guides. Les citations étaient toutes imprimées sur du papier marbré de luxe et sauf la première, elles avaient été  collées pour permettre qu'on puisse les feuilleter pour les consulter une par une. La première avait été collée sur la partie supérieure du casier. Les citations avaient été apposées depuis les 10 dernières années. Les gestionnaires et ses collègues guides avaient à l'occasion fait des commentaires sur ces citations.

88 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu'elle avait décidé de faire le ménage de son casier le 12 décembre 2003, son dernier jour de travail de la saison 2003. Ce faisant, elle a décidé d'enlever toutes les citations tout en les conservant. La dernière était collée sur le casier et elle ne pouvait l'enlever sans la déchirer. Elle a alors décidé de ne l'enlever qu'à son retour en février 2004, moment où elle pourrait utiliser un couteau à découper pour le faire. Elle n'avait aucune intention malveillante en laissant cette citation sur son casier. Mme Bruneau était présente au moment, car elle aussi ramassait ses affaires cette journée-là. Vers l'heure du midi, elles sont allées ensemble aviser Mme Gagné qu'elles quittaient. La fonctionnaire s'estimant lésée a déposé en preuve quelques-unes des citations qu'elle a conservées (pièce S-22).

89 La fonctionnaire s'estimant lésée a poursuivi en indiquant que la citation (pièce E-1) attribuée à Messelier provenait d'un livre qu'elle utilisait chaque année pour la formation des guides qui devaient présenter l'activité portant sur les fouilles archéologiques au Fort Chambly (pièce S-3). La citation est accrocheuse et souligne les grands changements qui se produisent dans les sociétés au fil des âges.

90 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'après la fin de la saison, elle a communiqué avec Mme Guérette parce que le comportement de Mme Gagné à son égard n'avait pas changé. Elle a déposé des griefs de représailles à son encontre ainsi qu'à l'encontre de Mme Émond qui, en raison de son manque de suivi, était complice des gestes de Mme Gagné. Elle avait aussi discuté de la situation avec Mme Bruneau qui a décidé elle aussi de déposer des griefs.

91 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que le 23 février 2004, à son retour au travail après la réunion de groupe, Mme Gagné lui a demandé de la suivre parce qu'elle voulait lui parler. Assise à son bureau, Mme Gagné a ouvert un dossier et a jeté sur le bureau la citation en lui demandant ce que cela voulait dire. La fonctionnaire s'estimant lésée lui a répondu que c'était la citation sur son casier. Mme Gagné a alors dit : « C'est quoi ça? C'est tu ton sens de l'humour? » La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle a répondu que oui elle avait un sens de l'humour noir, mais qu'elle ne voulait pas discuter la couleur de son humour avec elle. Mme Gagné a poursuivi de façon agressive en lui demandant ce qu'elle voulait dire. Elle a ajouté qu'elle sentait que Mme Gagné voulait lui faire dire quelque chose. Elle ne comprenait pas où Mme Gagné s'en allait avec cette discussion. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué à Mme Gagné qu'elle ne voulait pas poursuivre cette conversation sans sa représentante syndicale. Elle a demandé de récupérer la citation, mais Mme Gagné a refusé.

92 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que trois à quatre jours plus tard, elle a reçu un courriel de Mme Guérette lui demandant de faire parvenir à un représentant de son syndicat une note expliquant la présence de la citation sur son casier. Elle a communiqué avec Mme Guérette et on a fixé une rencontre avec Mme Émond pour le 16 mars 2004.

93 La fonctionnaire s'estimant lésée a relaté sa rencontre du 16 mars 2004. Elle a indiqué que Mme Émond, Mme Gagné et Mme Guérette y étaient également présentes. La réunion devait porter sur la présence de la citation sur le casier. Mme Émond a commencé la rencontre en affirmant que le but n'était pas de faire un procès d'intention. La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté le livre d'où provenait la citation ainsi que quelques-unes des autres citations qui étaient collées sur son casier. La fonctionnaire s'estimant lésée a tenté d'expliquer sa version des faits. Tout au long de la rencontre, la fonctionnaire s'estimant lésée a insisté sur le fait qu'elle avait droit à un milieu de travail sain et qu'il était impossible de discuter avec Mme Gagné. Elle souhaitait être traitée avec respect et avoir un milieu de travail sain. À un certain moment, elle a réalisé que Mme Émond essayait de lui faire dire que la citation visait la gestion et n'était pas d'accord avec la signification que voulait donner Mme Émond à la citation. La fonctionnaire s'estimant lésée a alors demandé à Mme Gagné si elle se sentait visée par la citation, ce à quoi Mme Gagné a répondu de façon négative. Elle a alors dit à Mme Gagné et à Mme Émond : « C'est quoi le problème? » La fonctionnaire s'estimant lésée a porté à l'attention de Mme Émond l'installation utilisant la photo de la Reine (pièce S-4) et a demandé à Mme Émond si cela aussi était une atteinte à l'autorité. Mme Émond a répliqué que ce n'était pas l'objet de la rencontre. La fonctionnaire s'estimant lésée a alors mentionné qu'il semblait y avoir deux poids, deux mesures au Fort Chambly. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle allait présenter un grief de harcèlement moral à l'encontre de Mme Émond et de Mme Gagné. La réunion s'est alors terminée rapidement.

94 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que dans les jours qui ont suivi, elle a fait parvenir une plainte (pièce S-24) en haut lieu relativement à l'installation impliquant la photo de la Reine et du fait qu'elle ne pouvait se faire entendre adéquatement. Elle a aussi pris une photo du devant du casier (pièce S-26) pour montrer que la citation avait été arrachée du devant de la porte.

95 À son retour au travail au Fort Chambly, après la réunion, la fonctionnaire s'estimant lésée a travaillé en présence de Mme Bruneau et de M. Crosto puisque Mme Gagné était en congé de maladie. Elle a reçu des appels de Mme Émond qui désirait la rencontrer seule. La fonctionnaire s'estimant lésée insistait pour que Mme Guérette soit présente. On a fixé une rencontre pour le 23 mars 2004.

96 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que le 23 mars 2004, la réunion a eu lieu en présence de Mme Émond, de M. Bachand et de Mme Guérette. À cette réunion, on lui a remis la lettre de suspension d'une journée et la lettre de mutation temporaire au canal Lachine. La fonctionnaire s'estimant lésée s'est sentie humiliée et anéantie: le Fort Chambly était toute sa carrière.

97 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle a récupéré ses affaires du Fort Chambly le 24 mars 2004 et s'est présentée au travail à l'édifice Guy-Favreau à Montréal, d'où le travail pour le canal Lachine se fait. Elle a écrit à Mme Émond le 1er avril 2004 (pièce S-7) lui demandant si elle pouvait retourner au Fort Chambly. Mme Émond lui a répondu qu'elle ne donnera pas suite à sa demande (pièce S-8). Le 28 avril 2004, Mme Émond l'avisait de sa mutation permanente au canal Lachine (pièce S-10).

98 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu'elle habite à 3 km du Fort Chambly alors que pour se rendre à l'édifice Guy-Favreau, elle doit parcourir de 35 à 40 km. Le canal Lachine est situé à 53 km de chez elle. L'employeur a fourni à la fonctionnaire s'estimant lésée un véhicule pour se rendre au travail jusqu'au 3 mai 2004, date de l'entrée en vigueur de la mutation permanente. La fonctionnaire s'estimant lésée doit consacrer plus d'une heure pour se rendre au travail.

99 La fonctionnaire s'estimant lésée a affirmé qu'elle n'a jamais demandé de mutation au canal Lachine. Dans le passé, elle a fait l'objet d'une mutation qui a été faite sur une base volontaire lorsqu'elle est passée du canal Chambly au Fort Chambly.

100 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que les griefs qu'elle a présentés en décembre 2003 et en mars 2004 (pièces S1, S-2, S-5 et S-6) à l'encontre du harcèlement moral ont été rejetés au palier final de la procédure de règlement des griefs. Elle a aussi déposé un autre grief pour contester la mutation permanente. Ce grief n'a pas été renvoyé à l'arbitrage de grief. La fonctionnaire s'estimant lésée a déposé en preuve l'extrait de la convention collective (pièce S-15) qui traite de l'avis de mutation.

101 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que c'est lors des témoignages à l'arbitrage de grief qu'elle a entendu pour la première fois les craintes que la citation a suscitée chez Mme Gagné et Mme Émond. Elle a affirmé qu'elle n'est pas une personne violente et qu'il s'agit d'une atteinte à sa réputation. Les évaluations qu'elle a reçues depuis sa mutation au canal Lachine sont toutes positives (pièces S-18.12 et S-18.13).

102 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que c'est à partir du printemps 2002 que sa relation avec Mme Gagné s'est détériorée. Lors de l'entrevue sur l'évaluation de rendement, il y a eu la remarque voulant qu'elle ne savait jamais ce qu'elle faisait, s'ajoutait à cela les regards désagréables, voir méprisants et le peu de considération donné à un de ses projets portant sur un questionnaire de découvertes pour les enfants. La réaction de Mme Gagné lors de la rencontre à savoir que la fonctionnaire s'estimant lésée interprétait mal et l'attitude de Mme Gagné avaient convaincu la fonctionnaire s'estimant lésée que Mme Gagné ne voulait réellement pas discuter de la situation. Par la suite, lorsque la fonctionnaire s'estimant lésée lui posait des questions, Mme Gagné répondait ou ne répondait pas.

103 La fonctionnaire s'estimant lésée a réitéré qu'elle avait l'impression que Mme Émond était très sévère à son égard. Elle a relaté un incident relatif à une demande de congé pour obligation familiale. Elle a affirmé qu'elle avait des rapports de travail normaux avec M. Longpré. Après sa réintégration au travail au Fort Chambly en septembre 2003,  la fonctionnaire s'estimant lésée espérait que la situation finisse « par se tasser ». La relation avec M. Longpré s'est détériorée à partir de ce moment. La fonctionnaire s'estimant lésée était sur ses gardes.

104 Aux questions portant sur l'augmentation du travail de fin de semaine à partir de 2001, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle a toujours travaillé les fins de semaine et qu'elle avait beaucoup de souplesse sur la question de son horaire de travail. Elle a nié qu'elle se soit plainte à Mme Gagné que l'on donnait trop de travail à une stagiaire en rédaction.

105 La fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué qu'elle a attendu au mois de septembre 2002 avant de présenter sa première plainte parce que durant l'été elle était en congé de maladie et elle avait besoin de temps pour mettre de l'ordre dans ses idées. Après le dépôt du grief, une enquête a été déclenchée. Le grief (pièce S-20) a été déposé le 31 octobre 2002. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle avait écrit une lettre se plaignant de harcèlement au milieu du mois de septembre mais que ce n'était pas une plainte formelle. Elle a senti qu'elle avait besoin de l'appui de son syndicat et c'est la raison pour laquelle elle a déposé un grief.

106 Relativement aux résultats de l'enquête, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle avait le sentiment qu'elle ne pouvait pas contester le rapport et que c'est après l'expiration du délai qu'elle a appris qu'il était possible de le faire mais qu'il était alors trop tard. Néanmoins, le 5 septembre 2003, elle a déposé un grief sur la façon dont l'enquête avait été menée.

107 Questionnée sur un courriel qu'elle a fait parvenir à Mme Guérette le 24 juin 2003 (pièce E-8), la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'il s'agissait d'une communication avec sa représentante syndicale et que la mention de gestion par le grief n'était qu'une remarque. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle utilise les moyens légaux à sa disposition pour soulever les problèmes auxquels elle fait face. Elle a reconnu avoir déposé de six à sept griefs après son retour au travail en septembre 2003.

108 La fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué que le jour du Souvenir, en 2002, elle était la seule personne en poste cette journée. Elle n'était pas en charge de l'activité à l'extérieur, mais elle avait implication. Mme Gagné ne l'avait pas mis au courant de l'ampleur de l'évènement ni de sa présence. Elle n'a jamais élevé la voix à l'égard de Mme Gagné.

109 La fonctionnaire s'estimant lésée a réitéré que l'hostilité de Mme Gagné allait en croissant à partir de l'été 2002. Elle faisait l'objet de regards, de soupirs et de geste d'impatience ou était complètement ignorée.

110 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu'elle n'a pas confronté Mme Émond relativement à ses propos voulant qu'elle était une employée à problèmes. Mme Émond était la directrice. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle n'osait pas aborder le sujet avec Mme Émond, qui était une personne supérieure dans la hiérarchie. Son attitude était sévère.

111 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que lors de la rencontre qui a précédé son retour au travail en septembre 2003, Mme Émond a demandé à tout le monde de tourner la page et a assuré la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle ferait un suivi. Après son retour, elle faisait ce que lui demandait Mme Gagné. Lors des réunions d'équipe, les discussions portaient sur des points techniques qui ne demandaient pas des commentaires de sa part. Elle a nié avoir quitté le bureau de Mme Gagné en jurant.

112 La fonctionnaire s'estimant lésée à réitéré l'explication donnée en examen en chef relativement aux citations collées sur son casier. Les feuilles étaient là depuis plusieurs années. Elle a expliqué qu'il faut voir la citation dans son contexte historique et a répété que cette citation ne visait pas Mme Gagné. La citation avait été la première à être collée sur le casier et qu'il aurait été nécessaire d'utiliser un « exacto » pour l'enlever.   Elle a reconnu n'avoir pas avisé Mme Gagné de la présence de la citation sur son casier mais ne voyait pas pourquoi elle l'aurait fait. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que lors de la rencontre du 23 février, où il a été question de la citation, Mme Gagné était plutôt agressive.

113 Relativement à la photo de la Reine, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle a pris connaissance de cette installation à son retour au travail en septembre 2003. À l'époque, elle n'a pas osé en parler à Mme Gagné.

114 La fonctionnaire s'estimant lésée a confirmé que durant la période de la mutation temporaire, l'employeur pour la compenser des inconvénients occasionnés par la mutation lui a fourni une automobile, lui a permis de se déplacer pour se rendre au travail durant ses heures de travail, lui a payé ses repas tout en continuant de la rémunérer au niveau PM-2. Ces paiements et privilèges ont cessé quand l'employeur a qualifié la mutation de permanente lui occasionnant des pertes significatives.

115 En réexamen, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que lorsqu'elle a écrit les courriels à Mme Guérette, qui ont été déposés en preuve (pièces E-8 et E-9), elle l'a fait de la maison car elle était à l'époque en situation de télétravail.

116 Le témoin suivant convoqué par la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a été Mme Bruneau. Mme Bruneau travaille au Fort Chambly depuis 1991. Elle occupe un poste d'agent de communication et d'interprétation classé au niveau PM-2. C'est un poste saisonnier de 10 mois et demi par année. Elle rendait des comptes à Mme Gagné. Mme Bruneau a rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée au Fort Chambly en 1991 et est devenue son amie au fil des ans.

117 Mme Bruneau a témoigné que la salle des guides est une salle multifonctionnelle. Cette salle sert de centre de documentation, de salle de rangement et de cuisinette. Les casiers sont disposés de façon très visible. Les guides ont la pratique de personnaliser les casiers qui servent à ranger leurs effets personnels.

118 Mme Bruneau a confirmé que la fonctionnaire s'estimant lésée affichait des citations depuis plusieurs années. Les citations étaient écrites sur une feuille de dimension standard. Chaque année, la fonctionnaire s'estimant lésée ajoutait une nouvelle citation par-dessus l'ancienne. Les citations provenaient de ses lectures à caractère historique. La salle des guides était utilisée par toutes les personnes qui travaillaient au Fort Chambly. Les employés y prenaient leur repas. Mme Gagné fréquentait cette salle.

119 Mme Bruneau a confirmé qu'il y a beaucoup de citations affichées au Fort Chambly en précisant qu'il s'agit d'un centre d'interprétation. Elle a reconnu la citation qu'elle a vue sur le casier de la fonctionnaire s'estimant lésée. Elle a confirmé que les citations étaient collées les unes sur les autres sur le casier et qu'il y avait des citations sur le casier depuis huit à 10 ans.

120 Mme Bruneau a témoigné que lors de sa dernière journée de travail en décembre 2003, elle a demandé congé pour l'après-midi. En fin d'avant-midi, elle s'est rendue à la salle des guides pour récupérer ses effets personnels et y a trouvé  la fonctionnaire s'estimant lésée en train d'enlever les citations de son casier. La fonctionnaire s'estimant lésée y a laissé la dernière qui était apposée directement sur la porte du casier en disant qu'elle l'enlèverait à son retour. Elles ont alors quitté ensemble et sont allées saluer Mme Gagné. Celle-ci étant au téléphone, elles se sont échangé un salut de la main. Elle est allée manger avec la fonctionnaire s'estimant lésée.

121 Mme Bruneau a témoigné que durant l'après-midi de la même journée elle a finalisé son dossier de grief de représailles. Elle voulait dénoncer la situation au Fort Chambly. Elle avait communiqué avec Mme Guérette et elles avaient convenu de déposer un grief. Le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

122 Mme Bruneau a indiqué que, selon elle, les mutations à Parcs Canada se font à la demande de l'employé, mais a ajouté qu'elle n'a jamais fait de demande de mutation.

123 En contre-interrogatoire, Mme Bruneau a expliqué comment la citation avait été collée avec du papier gommé à double face. Elle trouvait l'installation de M. Longpré déplacée pour se trouver dans un bureau du gouvernement fédéral. Elle n'a jamais soulevé cette question avec Mme Gagné ou M. Longpré. Elle avait noté que durant l'automne 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée ne recevait pas de travail; on ne lui assignait pas de projets. Mme Bruneau a confirmé qu'à partir de la saison 2001-2002, Mme Gagné a demandé que les employés travaillent plus souvent les fins de semaine.

124 Le troisième témoin convoqué par la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a été  Mme Guérette. Mme Guérette occupe un poste d'enquêteur pour l'assurance-emploi à Services Canada depuis août 2006. Elle a déjà travaillé à temps partiel pour Parcs Canada. Elle occupait un poste d'éclusière pontière. Elle n'a jamais travaillé au Fort Chambly.

125 Mme Guérette a témoigné qu'en 2001 elle est devenue déléguée syndicale puis en juillet 2002, elle a accepté le poste de présidente de la section locale. La section locale du syndicat couvre 17 lieux historiques allant du Témiscamingue jusqu'à la Montérégie. Le Fort Chambly tombait sous sa responsabilité.

126 Mme Guérette a indiqué que le premier contact qu'elle a eu avec la fonctionnaire s'estimant lésée a eu lieu en août 2002. La fonctionnaire s'estimant lésée a communiqué avec elle pour obtenir des renseignements sur ses droits. Au début septembre 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a décidé de présenter une plainte de harcèlement qui a été suivie par un grief ayant le même sujet.

127 Mme Guérette a témoigné qu'elle a pris des notes (pièce S-27) pendant les rencontres auxquelles elle assistait ou juste après. C'est après avoir consulté son syndicat qu'elle a conseillé à la fonctionnaire s'estimant lésée de présenter une plainte et un grief.

128 Mme Guérette a relaté que durant la semaine du 20 octobre 2002, elle a rencontré Mme Émond dans le corridor au bureau de Chambly qui lui a demandé de la suivre. Lors de cette rencontre, Mme Émond a dit à Mme Guérette que la fonctionnaire s'estimant lésée et Mme Bruneau étaient de bonnes amies et qu'elles étaient des employées à problèmes. Mme Émond a aussi indiqué qu'elle prendrait toujours la part de l'employeur.

129 Mme Guérette a relaté que la rencontre pour préparer le retour au travail de la fonctionnaire s'estimant lésée a eu lieu le 1er novembre 2002 au Fort Chambly. Mme Émond et Mme Gagné avaient un ton sec avec la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elles n'utilisaient pas avec elle.

130 Mme Guérette a relaté les échanges consignés dans ses notes entre le 8 novembre 2002 et le retour au travail de la fonctionnaire s'estimant lésée le 24 février 2003. Elle a relaté aussi la rencontre du 26 février durant laquelle on informe la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle ne peut retourner au Fort Chambly tant que l'enquête est en cours. Le 17 avril, on a offert à la fonctionnaire s'estimant lésée la possibilité de demander une mutation. La fonctionnaire s'estimant lésée a refusé. Dans un échange de correspondance relative à des demandes de congé, la gestion a insinué que la fonctionnaire s'estimant lésée ne suivait pas les consignes.

131 Mme Guérette a relaté les difficultés d'obtenir l'approbation de la demande de congé annuel de la fonctionnaire s'estimant lésée. Mme Guérette a dû demander l'intervention du vice-président du syndicat pour obtenir cette approbation. Mme Guérette a appris que Mme Émond appuyait les conclusions du rapport d'enquête rejetant la plainte de harcèlement.

132 Mme Guérette a témoigné qu'il y a eu une rencontre le 4 juillet 2004, pendant laquelle on a discuté de l'atmosphère au Fort Chambly. Mme Émond a utilisé encore un ton très sec avec la fonctionnaire s'estimant lésée. Mme Émond a indiqué qu'il y a deux clans au Fort Chambly. Mme Guérette a ajouté qu'elle a rencontré Mme Émond le 22 juillet et, qu'à ce moment, Mme Émond lui a dit que la fonctionnaire s'estimant lésée était une femme bornée et prête à tout pour faire tomber des têtes. Mme Émond lui avait dit qu'en juillet 2002, Mme Gagné s'apprêtait à donner une mesure disciplinaire à la fonctionnaire s'estimant lésée.

133 Mme Guérette a indiqué qu'elle n'était pas présente lors de la rencontre du 12 août 2003. Elle l'a été lors de la rencontre du 18 septembre 2003 pour préparer la réintégration au Fort Chambly. Durant cette rencontre Mme Émond a affirmé qu'il fallait tourner la page et qu'elle ferait un suivi de la situation. Mme Gagné sur un ton agressif a demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée si elle n'avait pas peur de retomber malade en revenant au Fort Chambly.

134 Mme Guérette a indiqué que les courriels du 10 mars 2003 et du 24 juin 2003 (pièces E-9 et E-8) sont des courriels qu'elle a reçus de la fonctionnaire s'estimant lésée. Ces courriels ont été remis à l'employeur dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. L'écriture manuscrite sur le courriel du 10 mars 2003 est la sienne.

135 Mme Guérette a aussi présenté les notes prises (pièce S-27) durant les rencontres du 16 mars et du 23 mars 2004. Mme Guérette a indiqué que, sauf dans le cas de la fonctionnaire s'estimant lésée l'employeur, à sa connaissance, n'a jamais obligé un employé à travailler ailleurs.

136 Mme Guérette a indiqué qu'elle a eu plusieurs rencontres formelles et informelles par rapport à la fonctionnaire s'estimant lésée entre le 18 septembre 2003 et le 16 mars 2004. Elle n'a pas amené toutes ses notes car certaines avaient trait à d'autres griefs.

137 En contre-interrogatoire, Mme Guérette a reconnu, relativement à la note du 14 février 2003 (pièce S-27), que l'employeur avait le droit d'exiger un certificat médical. Relativement à l'offre de demander une mutation proposée le 17 avril 2003, Mme Guérette a précisé que la fonctionnaire s'estimant lésée ne voulait pas s'engager dans cette voie.

138 Mme Guérette a confirmé que l'enquête à la suite de la plainte a été conduite par une firme indépendante payée par l'employeur et que le syndicat avait approuvé le choix de la firme. Mme Guérette n'était pas étonnée que Mme Émond appuie les conclusions de l'enquête puisque ces conclusions allaient, selon Mme Guérette, dans le sens souhaité par Mme Émond.

139 Mme Guérette a indiqué que les courriels du 10 mars et du 24 juin 2003 (pièces S-9 et S-8) renvoient aux griefs présentés le 12 décembre 2003 (pièces S-1 et S-2).

140 Mme Émond a été convoquée de nouveau pour témoigner. Elle a indiqué qu'elle avait rencontré Mme Guérette à la suite d'un courriel qu'elle avait reçu de Richard Côté, un vice-président régional du syndicat. M. Côté questionnait les délais dans le traitement d'un certain nombre de dossiers dans l'Unité de gestion, dont celui de la fonctionnaire s'estimant lésée. Mme Émond a indiqué qu'elle avait fait le point sur les étapes franchies dans ce dossier et a indiqué à Mme Guérette qu'elle attendait une réponse de la fonctionnaire s'estimant lésée à une proposition de médiation. Elle a demandé à Mme Guérette si elle connaissait le climat de travail au Fort Chambly. Elle n'a pas tenu les propos que lui attribue Mme Guérette.

141 Mme Émond a maintenu qu'elle estimait que durant l'enquête les parties devaient être séparées. L'employeur a fait en sorte que la fonctionnaire s'estimant lésée obtienne du travail d'autres lieux historiques.

142 Mme Émond a nié qu'elle avait tenu les propos que lui attribue Mme Guérette dans la note sur la réunion du 22 juillet 2003 (pièce S-27). Elle n'a jamais dit que la fonctionnaire s'estimant lésée était une personne bornée et prête à tout pour faire « tomber des têtes ».

III. Résumé de l'argumentation

A.  Pour l'employeur

143 Le représentant de l'employeur s'est objecté dans un premier temps à ma compétence, à titre d'arbitre de grief, de traiter de la question de la mutation permanente. À son avis, le grief n'inclut pas la décision administrative de muter la fonctionnaire s'estimant lésée de façon permanente. Le libellé du grief (pièce S-14) ne fait aucune référence à la mutation permanente. Seule la mutation temporaire est visée par le grief. On a communiqué la mutation permanente à la fonctionnaire s'estimant lésée par lettre (pièce S-10) plus d'un mois après le dépôt du grief. Il a ajouté que la fonctionnaire s'estimant lésée a déposé un grief à la suite de l'avis de mutation permanente mais que ce grief n'a pas été renvoyé à l'arbitrage de grief. Dans le présent dossier, la mutation temporaire et la mutation permanente sont deux choses différentes. Un arbitre de grief ne peut entendre ni disposer d'un grief qui n'a pas été renvoyé à l'arbitrage de grief.

144 Le représentant de l'employeur estimait aussi qu'un arbitre de grief n'avait pas la compétence pour entendre un grief qui porte sur la mutation temporaire qui, à son avis, est une mesure administrative. Il a invoqué les dispositions de l'article 92 de l'ancienne Loi. Il a noté que l'ancienne Loi n'autorise le renvoi à l'arbitrage que des griefs portant sur une mesure disciplinaire ayant pour résultat le congédiement, la suspension ou une sanction pécuniaire. Il a souligné que la mutation temporaire n'a entraîné aucune sanction, congédiement, suspension ou sanction pécuniaire. La fonctionnaire s'estimant lésée n'a subi aucun préjudice financier découlant de la mutation temporaire. L'employeur lui a fourni une voiture, lui a permis de voyager durant ses heures de travail, ses repas ont été remboursés et sa rémunération n'a pas été affectée.

145 Le représentant de l'employeur a porté à mon attention la décision Moreland c. Conseil du Trésor (Ministère des Postes), dossier de la CRTFP 166-02-3080 (19780103), dans laquelle l'arbitre de grief conclut qu'il n'a pas la compétence pour traiter d'un grief d'un employé qui a fait l'objet d'une mutation sans conséquence financière. Il a aussi porté à mon attention la décision Ager c. Conseil du Trésor (Ministère des Transports), dossiers de la CRTFP 166-02-3411 et 166-02-3412 (19780905), dans laquelle l'arbitre de grief conclut qu'elle n'a pas compétence dans un cas où il n'y a pas de baisse de niveau salarial même si certaines primes ont pu être affectées par la mutation de l'employé. Il a porté à mon attention la décision rendue par la Cour fédérale d'appel dans Bobinski c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 244 (QL), où l'expression peine pécuniaire est définie comme l'obligation de payer une somme d'argent à titre de sanction pour un manque à la discipline. Il a présenté aussi  St-Onge c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossier de la CRTFP 166-02-16481 (19871112), qui se fonde sur Bobinski pour venir à la même conclusion. Il a aussi souligné McKee c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans), dossier de la CRTFP 166-02-21003 (19910321), où l'arbitre de grief conclut que la mutation dans ce cas constitue une mesure distincte et disciplinaire mais qui n'entraîne pas de sanction pécuniaire.

146 Le représentant de l'employeur a souligné que la lettre informant la fonctionnaire s'estimant lésée de sa mutation temporaire (pièce E-4) était clairement une mesure administrative. Il a ajouté que la véritable raison pour laquelle la fonctionnaire s'estimant lésée a été mutée est qu'elle n'arrivait plus à travailler adéquatement au Fort Chambly. Cette mesure avait pour but de permettre à la fonctionnaire s'estimant lésée et aux autres employés d'avoir un climat de travail sain. Le représentant a souligné que la dynamique au Fort Chambly n'était pas appropriée. Elle était malsaine. Devant cette situation, l'employeur avait la responsabilité d'agir et d'aider tant la fonctionnaire s'estimant lésée que les autres employés du Fort Chambly. La mutation temporaire de la fonctionnaire s'estimant lésée s'imposait pour se donner le temps de trouver une mesure appropriée pour solutionner la situation et donner à la fonctionnaire s'estimant lésée le milieu de travail qu'elle souhaitait.

147 Le représentant de l'employeur a souligné que Mme Émond a témoigné de la situation qui régnait à l'époque au Fort Chambly. Elle a témoigné d'une situation qui a évoluée vers une situation de crise. Mme Émond se devait d'agir dans un court délai et n'avait guère le choix d'agir autrement. Le représentant de l'employeur a souligné que la fonctionnaire s'estimant lésée reconnaissait qu'elle n'était pas en très bon terme avec Mme Gagné et qu'elle ne trouvait pas son milieu de travail sain.

148 Le représentant de l'employeur a souligné que la preuve a révélé l'étendue de l'animosité qui existait entre la fonctionnaire s'estimant lésée et Mme Gagné. La fonctionnaire s'estimant lésée a mentionné dans son témoignage les remarques malveillantes de Mme Gagné, le comportement hostile à son égard et le fait qu'elle ne se sentait pas à l'aise d'aborder ses préoccupations avec Mme Gagné.

149 Le représentant de l'employeur a noté que les courriels (pièces E-8 et E-9) de la fonctionnaire s'estimant lésée à Mme Guérette sont aussi éloquents. Dans le courriel du 24 juin 2003 (pièce E-8), le mot gestionnaire est mis entre guillemets. Il souligne que ce n'est pas très flatteur envers Mme Gagné. Il juge que c'est même sarcastique et méprisant. Il a aussi noté les commentaires à l'encontre de Mme Gagné dans le courriel du 10 mars 2003 (pièce E-9). Le représentant de l'employeur a conclu que ça n'allait pas entre ces deux personnes et que la dynamique était remplie d'animosité.

150 Le représentant de l'employeur a noté que la fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que, lorsqu'elle était sous la supervision directe de Mme Émond, celle-ci était très sévère envers elle. Il a aussi noté que la fonctionnaire s'estimant lésée se sentait surveillée par M. Longpré qui était très proche de Mme Gagné. Il a ajouté que la fonctionnaire s'estimant lésée avait indiqué qu'elle n'était pas capable de dire à M. Longpré ce qu'elle pensait de l'installation et qu'elle était sur ses gardes en sa présence.

151 Le représentant de l'employeur a souligné que Mme Gagné a décrit l'impact de l'absence de la fonctionnaire s'estimant lésée du Fort Chambly. Les employés prenaient alors plus d'initiatives pour changer les choses. L'ambiance était plus légère. Il a aussi souligné qu'au retour de la fonctionnaire s'estimant lésée au Fort Chambly, un membre de l'équipe a dit : « Il fallait bien qu'elle revienne un jour. »

152 Le représentant de l'employeur a conclu que les faits démontrent que la présence de la fonctionnaire s'estimant lésée au sein de l'équipe du Fort Chambly créait un climat de travail difficile et tendu.

153 Le représentant de l'employeur a noté que selon Mme Émond, la situation au Fort Chambly avait atteint un niveau de crise. Mme Gagné était tombée malade ainsi que son adjoint. Les opérations du Fort Chambly étaient menacées. Il fallait prendre des mesures immédiates pour rendre le Fort Chambly opérationnel.

154 Le représentant de l'employeur a souligné qu'on ne peut alléguer que l'employeur était de mauvaise foi de septembre 2002 à mars 2004. Il a noté qu'avant septembre 2002, la situation était sous contrôle. L'employeur avait initié une enquête indépendante sur les allégations de harcèlement et s'était montré prêt à participer à une médiation. Lorsque la fonctionnaire s'estimant lésée a réintégré son milieu de travail, l'employeur a tenu une rencontre pour s'assurer que le retour au Fort Chambly se fasse de façon optimale.

155 Le représentant de l'employeur a maintenu que l'employeur n'avait pas l'intention de punir la fonctionnaire s'estimant lésée en la mutant à la section du canal Lachine. Il l'a fait pour lui permettre de travailler dans un milieu de travail sain et pour améliorer le fonctionnement des autres employés du Fort Chambly.

156 Le représentant de l'employeur a conclu que pour toutes ces raisons, je n'ai pas la compétence pour entendre le grief sur la mutation temporaire.

157 Relativement à la suspension d'une journée, le représentant de l'employeur a souligné qu'il y a trois questions à répondre pour déterminer si la suspension était justifiée. Dans un premier temps, il faut se demander si l'affiche visait la gestion. Dans un deuxième temps, si cette affiche méritait une sanction disciplinaire et enfin si la sanction disciplinaire d'une journée était appropriée.

158 En ce qui concerne l'affirmation de la fonctionnaire s'estimant lésée que l'affiche ne visait aucunement la gestion, le représentant de l'employeur m'a invité à examiner les circonstances de cette affiche. L'affiche a été trouvée par M. Longpré qui en a informé Mme Gagné alors que ces deux employés sont les deux seuls employés au Fort Chambly. L'affiche était collée de façon très solide sur le casier. Le représentant de l'employeur s'est interrogé sur les motifs de la fonctionnaire s'estimant lésée pour avoir si solidement collé cette affiche. Il a suggéré que la fonctionnaire s'estimant lésée l'a collée ainsi pour qu'elle soit difficile à enlever. Il a noté que la fonctionnaire s'estimant lésée a admis dans son témoignage qu'elle savait très bien que le papier gommé à double face était difficile à enlever.

159 Le représentant de l'employeur a noté que Mme Gagné a témoigné sur l'état d'âme de M. Longpré qui, selon elle, était agité de même que sur le fait qu'elle-même était bouleversée. Le représentant de l'employeur a aussi affirmé que le papier de l'affiche était neuf, comportant aucune trace de papier gommé provenant d'autres affiches posées par-dessus.

160 Le représentant de l'employeur a souligné qu'il n'y a aucun doute que la citation incite à la violence et à la haine envers les rois et les prêtres, qui sont la classe dirigeante d'une société. Il a noté que contrairement à la fonctionnaire s'estimant lésée, Mme Bruneau reconnaît que c'est une citation violente. De l'avis du représentant de l'employeur, toute personne raisonnable affirmerait que la citation véhicule un message de haine et de violence envers les dirigeants. Ce n'est pas pour rien que Mme Gagné a été ébranlée et qu'elle a eu peur tout comme Mme Émond.

161 Le représentant de l'employeur a noté que lorsque la fonctionnaire s'estimant lésée a quitté le Fort Chambly le 12 décembre 2003, elle connaissait la dynamique des relations interpersonnelles qui y régnait et savait que Mme Gagné restait au Fort Chambly durant la saison morte. Le représentant de l'employeur s'est interrogé sur les raisons qui ont amené la fonctionnaire s'estimant lésée à ne pas aviser Mme Gagné qu'elle laissait une affiche sur son casier qu'elle enlèverait à son retour. Le représentant de l'employeur a conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée avait laissé volontairement l'affiche sur le casier pour envoyer un message de menaces à Mme Gagné.

162 Le représentant de l'employeur a souligné que le message a fonctionné puisque Mme Gagné a pris des mesures pour assurer sa sécurité en téléphonant à son domicile avant de quitter son travail, en se faisant accompagner par M. Longpré à la sortie du bureau et par des amis de son mari lorsqu'elle faisait son jogging. Selon le représentant de l'employeur, il n'y a pas de doute que lorsque Mme Émond a pris connaissance de la citation, elle aussi a eu peur; elle y pensait souvent le soir. Le représentant de l'employeur a accepté l'explication de Mme Gagné qu'elle a nié avoir peur lors de la rencontre du 16 mars 2004, parce qu'elle voulait montrer à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle était forte.

163 Le représentant de l'employeur a conclu que Mme Gagné et Mme Émond se sont senties menacées. Il a souligné qu'il faut prendre au sérieux les menaces de violence dans un milieu de travail. Tous les employés doivent pouvoir travailler dans un milieu exempt de menaces, de violence, de harcèlement et d'intimidation.

164 Le représentant de l'employeur a poursuivi en indiquant qu'en imposant une journée de suspension, l'employeur voulait envoyer un message voulant que l'on ne peut tolérer ce genre de menaces ou d'intimidation au Fort Chambly. Annuler la suspension aurait pour conséquence d'envoyer le message contraire, un message voulant que la violence peut être tolérée.

165 Le représentant de l'employeur a porté à mon attention Massip c. Canada (1985), 61 N.R. 114, relativement à la durée de la suspension.

B. Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

166 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a commencé sa plaidoirie en indiquant que si les sentiments de Messelier annonçaient la révolution française, il ne fait pas de doute que Messelier n'aurait jamais pu imaginer qu'il serait au centre d'un arbitrage de grief.

167 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée est d'avis que la suspension et la mutation sont des mesures disciplinaires prises de mauvaise foi. Elle a souligné que la preuve a établi que Mme Émond était d'avis que la fonctionnaire s'estimant lésée aurait dû faire l'objet d'une sanction disciplinaire bien avant 2003 sans jamais toutefois expliquer les raisons de cette affirmation. Elle a noté que Mme Émond a affirmé à Mme Guérette que la fonctionnaire s'estimant lésée était une employée à problèmes après le dépôt d'une plainte de harcèlement à l'encontre de Mme Gagné. Elle a aussi noté aussi que c'est Mme Émond qui a imposé les sanctions disciplinaires de la suspension et de la mutation après avoir fait elle aussi l'objet d'une plainte de harcèlement.

168 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a aussi noté que la preuve a démontré que l'employeur tout au long du processus n'a pas respecté deux grands principes de justice naturelle et que ce manquement en soi constitue une preuve de mauvaise foi. L'employeur n'a pas respecté le règlement voulant que l'autre partie soit entendue audi alteram partem et qu'une personne ne peut être juge dans sa propre cause.

169 Relativement au premier principe de justice naturelle mentionné, la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a précisé que la preuve a révélé que Mme Émond, en aucun temps, n'a donné la chance à la fonctionnaire s'estimant lésée de répondre aux allégations de la note de service du 4 décembre 2003 (pièce E-3). Mme Émond n'a même jamais parlé de cette note avec la fonctionnaire s'estimant lésée. Pourtant, cette note était la raison clé des conclusions par rapport au contexte du milieu de travail au Fort Chambly. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a aussi noté que Mme Émond, bien qu'elle le nie, a dit à Mme Guérette qu'elle prendrait toujours la part de la gestion.

170 Relativement au principe qu'on ne peut être juge dans sa propre cause, la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a noté que Mme Émond était visée par un grief déposé le 12 décembre 2003 et par un grief déposé le 16 mars 2004 (pièces S-2 et S-6). En mutant la fonctionnaire s'estimant lésée, Mme Émond se rendait justice à elle-même.

171 En ce qui a trait à l'affiche, la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée s'est objecté aux arguments de l'employeur voulant que l'affiche contenant la citation de Messelier constituait une menace. À son avis, il s'agit là d'une accusation grave et d'une atteinte à la réputation de la fonctionnaire s'estimant lésée. Elle a souligné que l'utilisation de menaces est une infraction beaucoup plus sévère que celle mentionnée dans la lettre de suspension (pièce E-2). L'employeur est lié et limité par le contenu de la lettre de suspension et ne peut porter des accusations plus graves. Elle a cité Katchin c. Agence canadienne d'inspection des aliments, 2003 CRTFP 24, et a ajouté que c'est lors de l'audition d'arbitrage de son grief que la fonctionnaire s'estimant lésée a été informée pour la première fois des craintes alléguées par Mme Gagné et Mme Émond.

172 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que selon Canadian Labour Arbitration, Brown et Beatty, au paragraphe, 7:3430, dans les cas impliquant des allégations de menaces, la motivation est déterminante dans l'analyse du geste posé par le fonctionnaire s'estimant lésé. Or, selon la représentante dans le présent cas, les témoignages de Mme Bruneau et Mme Guérette appuient la version de la fonctionnaire s'estimant lésée. Même si les deux versions étaient plausibles, l'employeur n'aurait pas établi en vertu de la prépondérance des probabilités le bien-fondé de la mesure disciplinaire. Elle s'est fondée sur Katchin qui traite de la décision à rendre dans une situation où deux versions sont plausibles.

173 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a passé en revue Joss c. Conseil du Trésor (Agriculture et Agroalimentaire Canada), 2001 CRTFP 27, qui traite du harcèlement en milieu de travail. Elle a noté que l'arbitre de grief dans cette décision souligne que le harcèlement est un comportement inacceptable en milieu de travail et qu'il doit être prouvé à la fois objectivement et subjectivement. L'arbitre de grief écrit :

[…]

[…] Le critère objectif, c'est que le comportement doit être malséant et humiliant, rabaissant ou embarrassant personnellement pour la victime, et le subjectif, que la victime ou la personne visée par le comportement doit l'avoir considéré comme blessant pour une de ces raisons. »

[…]

174 Elle a aussi ajouté que l'arbitre de grief considère qu'un comportement harcelant doit être délibéré, ou sa nature malséante ou blessante doit être raisonnablement évidente.

175 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que Mme Émond a reconnu en contre-interrogatoire que les citations servent à comprendre l'esprit d'une époque. Elle a ajouté que Mme Émond et Mme Gagné ont reconnu que les citations produites en preuve (pièce S-21) par la fonctionnaire s'estimant lésée et reconnues par Mme Bruneau pouvaient avoir été affichées au Fort Chambly et qu'elles avaient une connotation haineuse et violente.

176 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que Mme Bruneau et Mme Gagné, ainsi que la fonctionnaire s'estimant lésée, ont indiqué que les guides avaient l'habitude de décorer leurs casiers dans la salle des guides.

177 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que la citation au cour du présent litige est tirée d'un volume (pièce S-3) utilisé par la fonctionnaire s'estimant lésée dans le cadre de son travail et a ajouté que l'auteur et la date de la citation étaient clairement inscrits sur l'affiche apposée sur le casier. Elle a noté que la citation est de la même époque que celle du Fort Chambly.

178 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que bien que la citation ait un caractère violent, elle ne peut être considérée comme un appel à la violence du fait de son caractère historique dans un lieu historique. L'utilisation de citations à caractère haineux ou violent est non seulement tolérée par l'employeur, mais fait aussi partie intégrante des affiches utilisées pour informer le public visitant le lieu historique.

179 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que selon les témoignages de Mme Bruneau et de la fonctionnaire s'estimant lésée, l'affiche était apposée sur le casier depuis un bon moment. Elle a également souligné que la preuve veut aussi que la citation attribuée à Ononthio (pièce S-3) qui avait été apposée sur le casier par-dessus la citation de Messelier, l'avait été en 2001, l'année des célébrations de la Grande Paix de Montréal. Les citations étaient sur le casier depuis un bon moment et jamais la gestion n'est intervenue pour aviser la fonctionnaire s'estimant lésée que celles-ci étaient inappropriées.

180 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que la note de service de Mme Gagné à M. Bachand du 27 février 2004 (pièce E-6) établit clairement que Mme Gagné était au courant qu'il y avait des affiches sur le casier de la fonctionnaire s'estimant lésée puisque Mme Gagné avait rapporté à M. Bachand avoir demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée pourquoi elle avait changé son affiche. À son avis, le témoignage de Mme Gagné voulant qu'il s'agissait d'une nouvelle feuille de papier n'était pas crédible. Elle a ajouté que le représentant de l'employeur n'a pas produit l'original du document. Elle a soutenu que je dois conclure à l'encontre de l'employeur sur cette question parce qu'aucune explication ne m'a été donnée quant à la raison pour laquelle l'original n'a pas été produit. L'original aurait permis de déterminer l'âge du document et comment il a été déchiré lorsqu'on l'a enlevé du casier. Elle a aussi noté que Mme Émond n'était pas en mesure de voir l'âge du document ne l'ayant jamais vu elle-même. D'ailleurs, la note de service de Mme Gagné à M. Bachand du 19 janvier 2004 (pièce S-13) indique clairement que Mme Gagné a informé M. Bachand qu'elle ne pouvait enlever l'affiche sans la déchirer, ce qui accrédite le témoignage de la fonctionnaire s'estimant lésée sur ce sujet. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné qu'il aurait été important pour Mme Émond de vérifier l'âge du document. De même, on voit bien sur la photo du casier (pièce S-26) les traces laissées par le papier gommé.

181 La représentante a soutenu que la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait aucune intention de passer un quelconque message. Au contraire, elle prévoyait enlever l'affiche à son retour au travail le mois de février suivant, ce qui a été confirmé par le témoignage de Mme Bruneau.

182 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a utilisé l'historique de la relation entre Mme Gagné et la fonctionnaire s'estimant lésée pour souligner la mauvaise foi des représentants de l'employeur dans le présent cas. Elle a mentionné entre autres que Mme Gagné a affirmé qu'elle croyait que sa relation était bonne avec la fonctionnaire s'estimant lésée et qu'elle croyait que tout allait bien jusqu'au moment où la fonctionnaire s'estimant lésée a déposé sa première plainte de harcèlement en 2002. Pourtant, Mme Gagné ne se souvenait pas avoir dit à la fonctionnaire s'estimant lésée lors de la rencontre pour discuter de l'évaluation de rendement qu'elle interprétait mal ses gestes. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a aussi noté que Mme Gagné, dans son témoignage, situe l'altercation au sujet des activités du jour du Souvenir en 2003 alors que la fonctionnaire s'estimant lésée situe cet événement en 2002. Pourtant, il n'est nullement question de cette altercation dans la note de service du 4 décembre 2003 (pièce E-3) de Mme Gagné. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que la version des évènements présentée par la fonctionnaire s'estimant lésée est beaucoup plus crédible.

183 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis qu'il n'est pas surprenant que la fonctionnaire s'estimant lésée ait exprimé ses frustrations dans les courriels du 10 mars 2003 et du 24 juin 2003 (pièces E-9 et E-8). Les difficultés vécues au travail et avec l'approbation de ses congés sont à la source de cette frustration.

184 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a noté que Mme Gagné n'a guère contribué à créer un climat positif en demandant à la fonctionnaire s'estimant lésée lors de la rencontre qui précédait son retour au travail en septembre 2003 si elle ne craignait pas de tomber malade. Elle a aussi noté que Mme Émond a promis, lors de cette même rencontre, de faire un suivi de la situation. La fonctionnaire s'estimant lésée s'était fiée à cet engagement. Or, Mme Émond n'a jamais parlé à la fonctionnaire s'estimant lésée du 18 septembre 2003 au 16 mars 2004. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a aussi noté que Mme Gagné n'a jamais eu de rencontre individuelle avec la fonctionnaire s'estimant lésée même si elle a reconnu l'importance de faire un bon suivi avec un employé après un long congé. La représentante a noté que le témoignage de la fonctionnaire s'estimant lésée et celui de Mme Bruneau concordent sur le fait que la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé à Mme Gagné, à son retour au travail, s'il y avait quelque chose de neuf dans le travail au Fort Chambly et que cette dernière lui a simplement répondu non. Elle a aussi noté le fait que Mme Bruneau a observé qu'on ne donnait pas de mandat de travail à la fonctionnaire s'estimant lésée.

185 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a noté qu'aucun des autres employés n'a témoigné et qu'aucune preuve autre que du ouï-dire n'a été présentée relativement au climat de travail. Mme Gagné n'a jamais montré sa note de service du 4 décembre 2003 (pièce E-3) pas plus qu'elle n'a discuté de la question avec la fonctionnaire s'estimant lésée. Elle a fait parvenir sa note à Mme Émond. Or, Mme Émond travaillait dans un autre édifice et n'avait pas de connaissance directe de la situation qui existait au Fort Chambly. Même lorsqu'elle a reçu la note de service de Mme Gagné, Mme Émond n'a pas posé aucun geste pour résoudre la situation et n'a fait aucun suivi de la situation. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que Mme Gagné refusait de tourner la page après septembre 2003 et ne communiquait pas de façon professionnelle avec la fonctionnaire s'estimant lésée.

186 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que le courriel du 13 janvier 2004 de Mme Gagné à M. Bachand (pièce S-13) démontre que l'affiche a été envoyée avant même qu'on ait demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée des explications. Elle a noté la différence de traitement que la gestion faisait subir à la fonctionnaire s'estimant lésée alors que l'installation d'un autre employé n'avait fait l'objet d'aucune intervention.

187 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a aussi noté les commentaires de Mme Émond à l'égard de la fonctionnaire s'estimant lésée voulant qu'elle était une employée à problèmes et qu'elle aurait dû faire l'objet d'une sanction disciplinaire et le commentaire qu'elle soutiendrait toujours ses gestionnaires. Bien que ces commentaires aient été niés par Mme Émond, elle a soumis que les notes de la représentante syndicale, Mme Guérette, (pièce S-27) confirment que Mme Émond a bel et bien tenu de tels propos. La négation de ces faits confirme la mauvaise foi de Mme Émond.

188 Relativement à l'aspect subjectif de la crainte engendrée par la citation affichée sur le casier, la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que si l'affiche n'avait jamais été portée à son attention par M. Longpré, Mme Gagné ne l'aurait jamais vue. Elle a ajouté que la crainte présentée plus de trois ans après les événements n'est pas crédible. Questionnée par la fonctionnaire s'estimant lésée lors de la rencontre du 16 mars 2004, Mme Gagné a clairement indiqué qu'elle ne se sentait ni visée ni menacée par l'affiche. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a ajouté que l'explication présentée par Mme Gagné à savoir qu'elle ne voulait pas se montrer faible devant la fonctionnaire s'estimant lésée n'est pas crédible. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a ajouté qu'il n'y a pas de preuve que ces craintes aient même été partagées avec Mme Émond. De plus, Mme Gagné n'a pas hésité à rencontrer la fonctionnaire s'estimant lésée et la questionner sur l'affiche à son retour au travail en février 2004. L'affiche était en place depuis plus de cinq ans à un endroit où Mme Gagné allait tous les jours. Il n'y avait aucun motif objectif et logique d'avoir une telle réaction.

189 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que le témoignage de Mme Émond relativement au contenu de l'affiche et aux craintes que celle-ci a suscitées est exagéré. Elle a noté que ce témoignage va bien au-delà de ce qui est mentionné dans la lettre de suspension (pièce E-2). La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a ajouté que Mme Émond a été mise au courant de l'affiche en janvier 2004 et qu'aucune mesure n'a été prise avant la mi-mars 2004 bien après le retour au travail de la fonctionnaire s'estimant lésée en février 2004.

190 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que même si Mme Émond a indiqué au début de l'entrevue du 16 mars 2004 avec la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle ne voulait pas faire un procès d'intention, c'est exactement ce qu'elle a fait.

191 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné qu'objectivement, la citation est compatible avec un milieu de travail comme celui du Fort Chambly. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis qu'on ne peut raisonnablement lire une citation historique avec la source historique dans un fort français de la même époque et tirer la conclusion qu'une référence à un roi ou à un prêtre est une référence à la gestion. Cela n'a jamais été l'intention de la fonctionnaire s'estimant lésée.

192 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que d'autres facteurs devraient aussi être pris en considération dans ce cas dont le bon dossier de la fonctionnaire s'estimant lésée et ses états de service.

193 Relativement au fait que la mutation constitue une sanction pécuniaire, la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que la définition de sanction pécuniaire est très large et a cité Bobinski. Elle a soumis que l'arbitre de grief dans St-Onge a mal interprété Bobinski en donnant un sens beaucoup trop limité. De plus, la situation de la fonctionnaire s'estimant lésée est différente de celle de M. St-Onge. Ce dernier avait exercé certains choix qui avaient eu pour conséquence des frais additionnels alors que la fonctionnaire, dans le cas présent, n'avait aucun choix. Elle a noté le commentaire mentionné dans les plaidoiries contenu dans St-Onge, à la page 6, tirée de Guertin (dossier de la Commission 166-02-36) qui indique qu'il suffit que la décision de muter un employé soit en partie disciplinaire pour qu'elle soit considérée comme une mesure disciplinaire. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a également souligné MacLean c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-02-22580 (19930507), qui, citant Massip (voir pages 16 et 17), mentionne que « […] Par le choix de ses termes, le Parlement n'a pas soustrait à l'arbitrage - et n'avait aucune raison de le faire - les griefs concernant des mesures disciplinaires entraînant indirectement une peine pécuniaire ».

194  La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que le commentaire relativement à la bonne foi dans Moreland vient appuyer la compétence de la Commission de traiter d'une mutation prise de mauvaise foi. Elle a noté les commentaires de Canada (Attorney General) v. Penner [1989]  3 F.C. 429 (F.C.A.), voulant que dès qu'un arbitre de grief est satisfait de la bonne foi de l'employeur, il ne peut avoir la compétence pour entendre un grief portant sur un rejet en période de stage. Elle a soumis au contraire que si la preuve est faite de la mauvaise foi de l'employeur, l'arbitre de grief a compétence pour entendre le grief.

195 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Services correctionnels), 2004 CRTFP 109, où la bonne foi est décrite comme une façon de se comporter reposant sur l'honnêteté des intentions et l'équité du traitement. L'arbitre de grief dans cette décision se posait la question de savoir si le renvoi en période de stage constituait de fait une imposture ou un camouflage. Elle a aussi souligné le commentaire à savoir que le droit de l'employeur de renvoyer un employé en cours de stage n'est pas exempt de restrictions et que les principes d'équité et de justice naturelle doivent être appliqués.

196 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que le grief qui a fait l'objet du renvoi à l'arbitrage donne à l'arbitre de grief nommé par la Commission la compétence de considérer les faits et gestes à la source de cette décision et tout ce qui en découle. À son avis, la preuve démontre que la décision de muter de façon permanente la fonctionnaire s'estimant lésée était une décision prise par la même personne, Mme Émond. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que le grief a été présenté en réponse aux deux lettres reçues le 23 mars 2004, mais qu'il est très clair que la fonctionnaire s'estimant lésée cherchait l'annulation de la mutation au canal Lachine et sa réintégration au Fort Chambly. Comme le contexte en est un où la fonctionnaire s'estimant lésée a été mutée contre son gré, il s'en suit que si son grief est accordé et que cette décision est renversée, tous les gestes qui suivent cette décision doivent être annulés.

197 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis Blouin Drywall Contractors Ltd. and United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, Local 2486 (1975), 8 O.R. (2d) 103 (Ont. C.A.), où il est fait mention que le libellé d'un grief doit être interprété de façon suffisamment large pour traiter du problème véritable et de remédier à la situation. Elle a également souligné P&H Foods and United Food & Commercial Workers Union, Local 175 (1996), 60 L.A.C. (4th) 214, où il est fait mention que même si un redressement est demandé dans un grief, cela n'empêche en rien un arbitre de grief d'accorder ce redressement dans un autre grief.

198 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que la mutation permanente de la fonctionnaire s'estimant lésée découlait de la mutation temporaire et constituait un dommage découlant de la décision de la muter de façon temporaire. Elle a noté la lettre de Mme Émond du 6 avril 2004 (pièce S-8) qui établit le lien entre la mutation temporaire et la recherche d'une solution permanente. Elle a aussi soumis  qu'il n'y avait aucune preuve quant aux raisons qui ont amené le syndicat à ne pas poursuivre le grief portant spécifiquement sur la mutation permanente et qu'on ne peut en conséquence tirer des conclusions du fait que ce grief n'a pas été poursuivi.

199 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a noté que la décision de muter de façon permanente est la confirmation de la décision originale de la muter de façon temporaire. Mme Émond réagissait clairement aux mêmes faits. À aucun moment entre la mutation temporaire et la décision de muter de façon permanente Mme Émond n'a parlé à la fonctionnaire s'estimant lésée pas plus qu'elle en a parlé avec Mme Gagné. Bien qu'elle prétende avoir voulu effectuer l'évaluation de la situation, aucune évaluation n'a été faite. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que Mme Émond s'est accordé un temps de réflexion et que rien de nouveau n'a été considéré.

200 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que je dois lire le grief de façon libérale et que ce que la fonctionnaire s'estimant lésée souhaite clairement c'est retourner travailler au Fort Chambly. Elle a ajouté que la décision de la muter a été communiquée le même jour que la décision de la suspendre. Elle a aussi soumis qu'il n'y a pas eu le préavis prévu à la stipulation 30.01 de la convention collective (pièce S-15). En aucun moment la fonctionnaire s'estimant lésée n'a demandé de mutation dans un autre poste. Alors que c'est la fonctionnaire s'estimant lésée qui se plaint d'être victime de harcèlement, c'est elle qui fait l'objet d'une mutation. Cette approche est tout à fait inacceptable dans une situation où l'employée ne le demande pas.

201 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que la mutation est une deuxième mesure disciplinaire pour le même incident. Elle a soumis que Mme Émond faisait l'objet de plaintes de harcèlement contre elle présentées sous forme de griefs (pièces S-2 et S-6) par la fonctionnaire s'estimant lésée. Mme Émond n'avait pas l'indépendance nécessaire pour décider dans le présent cas.

202 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que la découverte de l'affiche portant la citation a été un prétexte pour déclencher deux actions disciplinaires injustifiées. Ces décisions ont été prises de mauvaise foi, sans considérer tous les faits, sans entendre l'autre partie par une personne qui se faisait justice à elle-même. La fonctionnaire s'estimant lésée a quant à elle toujours utilisé les moyens légaux pour faire valoir ses droits et pour exprimer ses problèmes dans son milieu de travail.

203 La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé que je fasse droit au grief et accorde toutes les mesures correctives demandées dans le grief.

C. Réplique pour l'employeur

204 En réplique, le représentant de l'employeur a soumis que Mme Émond a nié avoir dit que la fonctionnaire s'estimant lésée aurait dû avoir fait l'objet d'une sanction disciplinaire dans le passé et que la fonctionnaire s'estimant lésée était une employée à problèmes À son avis, les témoignages de Mme Guérette et de la fonctionnaire s'estimant lésée à cet égard ne sont que du ouï-dire. Il a soumis que je devrais donner au témoignage de Mme Émond une grande crédibilité.

205 Relativement au fait que Mme Gagné n'a jamais discuté du contenu de la note de service du 4 décembre 2003 (pièce E-3) avec la fonctionnaire s'estimant lésée, le représentant de l'employeur a soumis qu'il faut comprendre que Mme Gagné a envoyé le tout à Mme Émond pour lui présenter ses observations et qu'elle allait éventuellement avoir une rencontre avec la fonctionnaire s'estimant lésée. De l'avis du représentant de l'employeur, il n'y a pas de preuve que Mme Gagné a refusé de rencontrer la fonctionnaire s'estimant lésée. Il a ajouté que la note de service démontre bien que la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas intéressée à un quelconque dialogue avec Mme Gagné.

206 Le représentant de l'employeur était aussi d'avis que j'accorde une grande crédibilité au témoignage de Mme Gagné. Il a souligné que le syndicat a été incapable de démontrer que Mme Gagné a fait un faux témoignage. Il a soumis que je dois préférer les témoignages de Mme Émond et de Mme Gagné à ceux de Mme Bruneau et de la fonctionnaire s'estimant lésée.

207 Le représentant de l'employeur a également soumis que Mme Émond a nié avoir dit qu'elle prenait toujours la part de la gestion en précisant que cette affirmation était fausse en dépit du fait qu'on trouve ce commentaire dans les notes de Mme Guérette. Il a ajouté que ce n'est pas parce que Mme Émond a adhéré aux conclusions de l'enquête indépendante sur le harcèlement et qu'elle a fait l'objet de deux griefs par la suite qu'elle est biaisée. À son avis, le syndicat n'a pas démontré que Mme Émond était biaisée.

208 Le représentant de l'employeur a soumis que, contrairement à ce qu'affirme la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée, l'employeur a démontré que l'affiche était offensante et que les deux gestionnaires se sont senties harcelées et menacées. Mme Émond a clairement indiqué que ce genre d'affiche ne peut être toléré dans aucune circonstance. Les témoignages de Mme Gagné et de Mme Émond nous donnent la perception qu'elles ont eue de l'affiche. Le représentant de l'employeur a soumis qu'il faut également examiner la situation en tenant compte du contexte des relations de travail au Fort Chambly et a souligné que Mme Bruneau a reconnu le caractère violent de la citation.

209 Le représentant de l'employeur a noté que même la fonctionnaire s'estimant lésée a reconnu que l'affiche est violente et offensante lorsqu'on la lit au premier degré et qu'il faut la lire au second degré. Le représentant de l'employeur a soumis que compte tenu du contexte, on ne peut exiger de Mme Gagné et de Mme Émond qu'elles prennent le temps de s'asseoir et de lire la citation au deuxième degré. De même, le représentant de l'employeur m'a invité à faire une distinction entre les affiches qui se trouvent dans les salles d'exposition du Fort Chambly et celles qu'on trouve dans la salle des employés. Ce n'est pas parce qu'un employé travaille au Musée de la guerre qu'il peut afficher des citations à connotation violente dans un endroit réservé aux employés surtout si cet employé a des relations interpersonnelles houleuses avec la gestion. Le représentant de l'employeur a soumis que l'affiche était inappropriée compte tenu de la situation au lieu de travail.

210 Le représentant de l'employeur a indiqué qu'il reconnaît qu'on n'a jamais dit à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'il était inapproprié d'afficher des citations à caractère violent. Le représentant de l'employeur a soumis qu'il ne devrait pas être nécessaire de le faire. L'employeur devrait pouvoir se fier au bon jugement des employés.

211 Le représentant de l'employeur a souligné qu'il n'y a aucune raison de ne pas croire Mme Gagné quand elle affirme que le papier de l'affiche était neuf. Il a soumis qu'on ne peut tirer de conclusion du fait que l'employeur n'a pas présenté l'original de l'affiche. Il a ajouté que même si l'affiche était là depuis longtemps, on serait en droit de reprocher à la fonctionnaire s'estimant lésée de ne pas l'avoir enlevée ou à tout le moins de ne pas avoir avisé Mme Gagné de la présence de cette affiche sur son casier. Selon lui il est difficile de comprendre pourquoi la fonctionnaire s'estimant lésée ou Mme Bruneau n'ont pas avisé Mme Gagné au moment de leur départ.

212 Le représentant de l'employeur a soumis que les évaluations présentées par le syndicat dates d'avant 2002 et qu'il n'y a aucune évaluation pendant la période d'escalade du conflit. Il a ajouté qu'il ne faut pas se surprendre du fait que Mme Gagné a été surprise d'avoir fait l'objet d'une plainte de harcèlement en septembre 2002 alors que le seul indice d'un problème est le commentaire fait par la fonctionnaire s'estimant lésée à Mme Gagné lors de la rencontre sur l'évaluation de rendement en mai 2002.

213 Le représentant de l'employeur a soumis que Mme Gagné a eu amplement le temps de constater le comportement inapproprié de la fonctionnaire s'estimant lésée à l'automne 2003 puisqu'elles ont été en présence l'une de l'autre pour au moins neuf semaines à raison de trois jours semaines. Le représentant de l'employeur a souligné que la note de service du 4 décembre 2003 (pièce E-3) contient plusieurs exemples des comportements de la fonctionnaire s'estimant lésée qui pouvaient s'avérer problématiques. Il a ajouté qu'il est intéressant de constater que lorsqu'on donne la chance à la fonctionnaire s'estimant lésée de communiquer, elle ne le fait pas. Lors des réunions, elle ne faisait pas de commentaires et ne posait pas de questions. Il a noté que Mme Gagné a témoigné sur le travail assigné à la fonctionnaire s'estimant lésée durant l'automne 2003.

214 Le représentant de l'employeur a maintenu que le dernier paragraphe de la note de service ne peut être interprété comme une demande de Mme Gagné de muter la fonctionnaire s'estimant lésée. Il a souligné que Mme Gagné a clairement contredit cette interprétation.

215 Quant aux notes prises par Mme Guérette, le représentant de l'employeur a souligné que ce sont des propos rapportés par celle-ci et qu'ils sont du ouï-dire. Il a souligné qu'il est facile de sortir un propos de son contexte.

216 Le représentant de l'employeur a soumis que Mme Gagné a expliqué pourquoi, lors de la rencontre du 16 mars 2004, elle n'a pas indiqué qu'elle avait été bouleversée et a noté que le lendemain de cette rencontre elle est partie en congé de maladie.

217 Sur la question de la compétence de la Commission de traiter de la mutation, le représentant de l'employeur a souligné qu'il y a deux décisions qui précisent clairement ce que constitue une sanction pécuniaire. Le représentant m'a renvoyé à MacLean et à Massip. Relativement à P&H Foods and United Food & Commercial Workers Union, Local 175, le représentant de l'employeur a soumis qu'il s'agit d'une décision du secteur privé et qu'il faut comprendre qu'un arbitre peut avoir des pouvoirs différents que ceux à accordés aux arbitres de la Commission.

218 Le représentant de l'employeur a soumis que la décision de muter la fonctionnaire s'estimant lésée de façon permanente était une décision distincte qui a fait l'objet d'un autre grief qui n'a pas été poursuivi. Pour cette raison, la Commission ne peut traiter de cette mutation dans le présent dossier.

IV. Motifs

219   La détérioration des relations interpersonnelles dans un petit milieu de travail est assurément une des problématiques les plus difficiles à résoudre. Ces situations nécessitent une intervention et un suivi assidu pour éviter qu'elles ne dégénèrent dans des affrontements sans fin. Malheureusement, il semble bien qu'on ait eu de la difficulté non seulement à assurer le suivi nécessaire, mais aussi à analyser de façon impartiale la situation. La conséquence a été que la gestion a monté en épingle un incident qui n'en était pas un et qui a eu pour la fonctionnaire s'estimant lésée des conséquences significatives sur sa vie professionnelle.

220 Ayant apprécié l'ensemble des témoignages présentés au cours de cette audience, j'arrive à la conclusion que jamais la fonctionnaire s'estimant lésée n'a eu l'intention de menacer de quelconque façon ses gestionnaires ou de répudier l'autorité. La fonctionnaire s'estimant lésée a clairement et de façon crédible expliqué la provenance et le contexte de l'affichage et je ne vois aucune raison d'imposer quelconque mesure. Tout au plus, aurait-il été approprié de lui demander de l'enlever. Il n'y a donc aucun motif d'imposer une suspension d'un jour.

221 Je suis aussi perplexe devant la décision de Mme Émond de muter la fonctionnaire s'estimant lésée dans un autre poste pour supposément lui assurer un milieu de travail sain. Il est évident que les véritables motifs de cette décision se trouvent ailleurs. Mme Émond s'était engagée au retour au travail de la fonctionnaire s'estimant lésée en septembre 2003 à assurer un suivi de la situation dans le but d'assurer un fonctionnement normal de l'équipe du Fort Chambly. Or, aucun suivi n'a été fait et le constat de part et d'autre n'est guère positif. La fonctionnaire s'estimant lésée au début décembre 2003 a déposé, sous forme de grief, deux nouvelles plaintes de harcèlement, une à l'encontre de Mme Gagné et l'autre à l'encontre de Mme Émond. Mme Gagné, pour sa part, a rédigé une note de service signalant qu'un changement s'imposait pour assurer le bon fonctionnement de l'équipe du Fort Chambly. Il est opportun de signaler ici que bien que Mme Gagné présente ses doléances à Mme Émond, à aucun moment au cours de l'automne elle n'a fait état de ses insatisfactions à la fonctionnaire s'estimant lésée. Lorsqu'on assume des responsabilités de supervision, il est essentiel d'être en mesure de faire part de ses insatisfactions aux employés qu'on supervise. Un suivi approprié par Mme Émond aurait été utile pour faire en sorte que les préoccupations de Mme Gagné soient convenablement adressées. Même saisie de la situation, Mme Émond n'est pas intervenue pour aider Mme Gagné à résoudre ses problèmes de supervision. Privilégiant plutôt une approche autoritaire, elle a convoqué la fonctionnaire s'estimant lésée à une réunion disciplinaire pour un incident monté en épingle. Ce qui a été suivi, dès le lendemain, par un congé de maladie de la superviseure.

222  Il faut dire que je n'attribue guère de crédibilité aux craintes exprimées par Mme Gagné et Mme Émond lors de l'audition par rapport à l'affiche. Il me semble que si vraiment l'affichage de la citation avait été interprété comme une menace, la gestion aurait pris des mesures administratives pour assurer la sécurité et la sanction disciplinaire aurait été beaucoup plus sévère.

223  À mon avis, les véritables motifs de la mutation se trouvent à la fois dans la demande de Mme Gagné dans la note de service du 4 décembre (pièce E-3) de muter la fonctionnaire et dans la réaction des gestionnaires aux griefs que la fonctionnaire s'estimant lésée ne cesse de présenter. Bien qu'elle le nie, Mme Émond considérait la fonctionnaire comme une employée problème qui aurait dû faire l'objet de sanction disciplinaire. Les notes prises par Mme Guérette à différents moments sont convaincantes à l'effet que Mme Émond considérait la fonctionnaire comme une employée problème qui aurait dû avoir fait l'objet de discipline dans le passé. La crédibilité du témoignage de Mme Émond se trouve gravement hypothéqué par le fait qu'elle nie sous serment l'évidence. Rien dans le comportement de la fonctionnaire s'estimant lésée ne justifie une telle conclusion et je conclus que Mme Émond était de mauvaise foi en imposant une mutation pour le motif invoqué, soit de fournir à l'employée un milieu de travail sain. Je conclus qu'il s'agissait là d'une suspension disciplinaire de ses fonctions, de son poste, pour un incident qui ne justifiait en rien la sanction. Cette mutation disciplinaire fait suite aux mêmes incidents et aux mêmes circonstances qui ont provoqué la suspension d'une journée. Cette mutation ne peut aucunement être considérée comme une conséquence appropriée aux prétendues préoccupations de l'employeur.

224 Plusieurs éléments m'amène à la conclusion que l'employeur a agit de mauvaise foi envers la fonctionnaire s'estimant lésée. Le premier élément est le fait que  l'employeur nie avoir utilisé le transfert de façon disciplinaire. Ce n'est pas une coïncidence que le transfert de la fonctionnaire s'estimant lésée lui a été annoncé en même temps que la suspension disciplinaire. Je n'accorde aucune crédibilité au témoignage de l'employeur à l'effet que le transfert était purement une mesure administrative. La preuve démontre que la suspension et le transfert étaient des mesures disciplinaires découlant de l'incident de l'affiche que l'employeur a monté en épingle. Je note aussi que l'employeur n'accordait pas de mandat de travail à la fonctionnaire s'estimant lésée après son retour de congé de maladie, un signe qu'il voulait l'isoler. On a aussi fait à la fonctionnaire s'estimant lésée des commentaires désobligeants tel que celui à l'effet qu'elle ne craignait pas de retomber malade en regagnant son poste au Fort Chambly et celui où on l'identifie comme une employée problème qui aurait dû faire l'objet d'une sanction disciplinaire pour le nier ou l'oublier par la suite.        

225 Le représentant de l'employeur s'est objecté à la compétence d'un arbitre de grief nommé par la Commission d'entendre la partie du grief qui porte sur la mutation temporaire et s'est aussi objecté à la demande que la mutation permanente soit aussi partie intégrale du redressement.

226 À mon avis, à partir du moment où, à titre d'arbitre de grief je conclus que l'employeur a agi de mauvaise foi dans l'imposition d'une sanction disciplinaire, j'ai toute la compétence pour apporter les correctifs qui s'imposent compte tenu de la situation existante à l'époque et de la façon dont elle a évolué. La caractérisation de temporaire que l'on a donné à la mutation dans la lettre du 23 mars 2004 est à mon avis purement fictive (Pièce E-4). À mon avis Mme Émond n'a jamais eu l'intention de ramener la fonctionnaire au Fort Chambly. Entre le moment de la mutation temporaire et de la lettre communiquant la mutation permanente, ni Mme Émond ni Mme Gagné n'ont eu de discussions avec la fonctionnaire afin d'identifier une quelconque solution à la situation. La réponse de Mme Émond  (Pièce S-8) à la demande de la fonctionnaire de réintégrer son poste m'amène aussi à conclure que Mme Émond n'a jamais eu l'intention de ramener la fonctionnaire au Fort Chambly. La fonctionnaire au moment du dépôt de son grief demandait d'être réintégré dans son poste au Fort Chambly. J'accepte cette demande qui me semble un redressement approprié dans les circonstances.

227 Je fais donc droit au grief, j'annule la suspension sans solde d'une journée et la suspension disciplinaire de ses fonctions de guide-interprète principal au Fort Chambly. J'ordonne que la fonctionnaire s'estimant lésée soit réintégrée dans son poste au Fort Chambly.

228 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

229 J'ordonne que la suspension d'une journée soit annulée, que la suspension de ses fonctions soit annulée, que la fonctionnaire soit remboursée pour la perte pécuniaire occasionnée par ces suspensions et que la fonctionnaire s'estimant lésée soit réintégrée dans son poste au Fort Chambly.

230 Je demeure saisi du grief pour une période de 60 jours pour régler toute question liée à l'application de cette ordonnance.

Le 18 décembre 2007

Georges Nadeau,
arbitre de grief

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