Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que l’agent négociateur avait manqué à son devoir en refusant de le représenter en contrôle judiciaire - le plaignant a prétendu qu’un faux document avait servi à justifier les résultats d’un concours de dotation - après enquête, la Commission de la fonction publique a jugé que les allégations au sujet d’un faux document n’étaient pas fondées - l’agent négociateur a refusé de donner suite à la demande du plaignant de poursuivre l’affaire devant la Cour fédérale - la Commission des relations de travail dans la fonction publique a conclu que le plaignant occupait un poste exclu au moment des événements, que le concours visait aussi un poste exclu, et que la décision de la Commission de la fonction publique n’était pas liée à la relation entre employeur et employé - pour ces motifs, le syndicat n’avait aucune obligation de représentation. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-11-23
  • Dossier:  561-02-37
  • Référence:  2007 CRTFP 112

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

ALAIN OUELLET

plaignant

et

UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS- SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA-CSN

défendeur

Répertorié
Ouellet c. Union of Canadian Correctional Officers-Syndicat des agents correctionnels du Canada-CSN

Affaire concernant une plainte visée à l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Georges Nadeau, commissaire

Pour le plaignant:
lui-même

Pour le défendeur:
Éric Lévesque, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),

le 16 mai 2007.

I. Plainte devant la Commission

1 Le 22 mars 2005, Alain Ouellet (le « plaignant »), qui était à l'emploi du Service Correctionnel du Canada (SCC), a présenté à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission » ) une plainte en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, (l'« ancienne Loi »), alléguant que l'Union of Canadian Correctional Officers-Syndicat des agents correctionnels du Canada-CSN, (le « défendeur ») avait contrevenu au paragraphe 10(2) de l'ancienne Loi en agissant de mauvaise foi et de manière arbitraire.

2 Plus précisément, le plaignant a reproché au défendeur de ne pas avoir entrepris des procédures en évocation d'une décision rendue par la Commission de la fonction publique (CFP) déclarant que les allégations de fabrication de faux déposées par le plaignant n'étaient pas fondées.

3 Le défendeur s'est objecté à la compétence de la Commission d'entendre cette plainte. Il a invoqué essentiellement qu'au moment du litige à la source des allégations de fabrication de faux, soit la dotation de postes de coordonnateur des opérations correctionnelles aux établissements de Drummondville et Port-Cartier, le plaignant occupait un poste exclu de l'unité de négociation. De plus, le défendeur a maintenu que la décision de la CFP ne relève en rien de la convention collective ou même de l'ancienne Loi. La nomination dans des postes de la fonction publique fédérale de même que les recours prévus relèvent de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et ne font pas partie du champ des items dit négociables sous le régime des relations de travail dans la fonction publique fédérale. Le défendeur a également maintenu que la Commission n'a pas compétence pour ordonner au défendeur d'entreprendre un recours en révision judiciaire d'une décision prise par la CFP.

4 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.  En vertu de l'article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission demeure saisie de la présente plainte, qui doit être décidée conformément à la nouvelle Loi.

5 À l'issue d'une conférence téléphonique, j'ai ordonné la tenue d'une journée d'audience pour entendre les parties sur la question de compétence.

II. Résumé de la preuve

6 Au printemps 2003, le plaignant a participé à un concours pour des postes de coordonnateur aux opérations correctionnelles, postes qui étaient exclus de l'unité de négociation. À ce moment, il occupait un poste qui était aussi exclu de l'unité de négociation. Insatisfait de la décision du comité de sélection de rejeter sa candidature lors de la présélection, le plaignant a interjeté appel contre les nominations proposées par l'employeur. Au moment de l'audition de cet appel, le plaignant avait réintégré un poste dans l'unité de négociation. Bien qu'accompagné par deux représentants de la section locale de son syndicat, le plaignant a assuré devant le tribunal d'appel sa propre représentation. Le comité d'appel a accueilli l'appel du plaignant.

7 Dans sa décision, le président du comité d'appel a fait certaines remarques relativement à la preuve déposée devant lui qui ont amené le plaignant à conclure que les membres du comité de sélection avaient fabriqué un faux document sur les critères de mérite pour justifier leur décision. Le plaignant a alors décidé de porter plainte au directeur des ressources humaines du SCC qui a transmis la plainte à la CFP (pièce P-1).

8 La Direction des recours de la CFP a décidé de mener une enquête en vertu du paragraphe 7.1 de l'ancienne Loi. Dès le début de cette enquête, le plaignant a sollicité et obtenu l'aide de son syndicat. Le 29 avril 2004, il a fait parvenir une lettre (pièce P-2), avec l'aide de Céline Lalande, conseillère syndicale, à la Direction des recours demandant un élargissement de la portée de l'enquête. Il est à noter que lors de la réunion d'enquête le 25 novembre 2004, le plaignant était accompagné de Robert Deschambault, représentant syndical de la CSN. Le 1er mars 2005, l'enquêteur de la CFP a conclu que les allégations de faux déposées par le plaignant n'étaient pas fondées. Le 8 mars 2005, le plaignant a demandé au président de sa section locale, André Chenevert, de le représenter à la Cour fédérale afin de faire invalider le rapport d'enquête. Le 18 mars 2005, M. Chenevert a avisé le plaignant que sa demande était refusée. Le plaignant n'a pas entrepris de son propre chef de poursuivre l'affaire autrement qu'en déposant la présente plainte.

9 Le défendeur a fait circuler un dossier intitulé « La dotation selon le SCC » (pièce P-3) dont une partie relate la décision d'appel rendue dans l'affaire impliquant le plaignant.

III. Résumé de l'argumentation

A.  Pour le défendeur

10 Le représentant du défendeur note que la source du litige est le rejet de la candidature du plaignant dans un concours pour un poste exclu de l'unité de négociation. Il note aussi qu'au moment du rejet de sa candidature, le plaignant n'était pas membre de l'unité de négociation. Le représentant soumet en conséquence que le défendeur ne peut avoir d'obligation envers un membre de l'unité de négociation pour un litige qui précède l'accession du membre à l'unité de négociation.

11 Le représentant soumet également que l'aide fournie par M. Deschambault et les autres représentants syndicaux dans ce dossier ne change pas la nature de l'obligation envers le plaignant et doit être considérée comme une aide exceptionnelle. La conséquence d'accepter que le devoir de représentation s'applique à une telle situation serait de voir les syndicats refuser de l'aide à quiconque demanderait de l'aide dans des situations exceptionnelles.

12 L'utilisation des cotisations syndicales au-delà de la perception et de la remise au syndicat est une question de régie interne. Si un membre questionne l'utilisation des fonds, il peut et doit le faire lors des assemblées syndicales, l'endroit où sont fixées les cotisations en vertu des statuts et règlements de l'organisation syndicale.

13 Le représentant souligne que le sujet du litige ne porte en rien sur l'application de la convention collective ni même sur un recours en vertu de l'ancienne Loi. Les nominations dans les postes de la fonction publique ne font pas partie du champ de la négociation en vertu du régime de relations de travail en vigueur dans la fonction publique.

14 Le représentant souligne également que le devoir de représentation découle du monopole de représentation que possède l'organisation syndicale à la suite de son accréditation. Or, ce monopole n'existe que pour les sujets pour lesquels il peut négocier et conséquemment le devoir de représentation n'existe pas pour les sujets non négociables.

15 Le représentant porte à mon attention la décision rendue par le commissaire Maclean dans Downer c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al., dossiers de la CRTFP 161-02-846, 161-02-847 et 161-02-848 (19980604). Il souligne entre autres le passage où le commissaire Maclean cite la décision Lopez v. Canadian Union of Public Employees, [1989] O.L.R.B. Rep. May 464:

[…]

[…] la Commission considère le devoir de représentation juste comme restreint de sorte que la portée de ce devoir va de pair avec la portée du pouvoir du syndicat à titre d'agent négociateur exclusif […]

[…]

16 Il note aussi le passage où le commissaire Maclean accepte les principes énoncés dans Lopez, où la Commission de l'Ontario affirme que :

[…]

[…] la Commission ne peut non plus, du fait que le syndicat a initialement représenté la plaignante, s'appuyer sur une doctrine s'apparentant à la préclusion afin d'obliger le syndicat à continuer de la représenter pour être équitable à son endroit, lorsque la Commission n'a pas le pouvoir de superviser la relation entre le syndicat et ses membres au-delà des limites de la convention collective, de sa négociation et de son application. […]

[…]

17 Il souligne aussi que le commissaire Maclean conclut que le principe de préclusion ne peut être invoqué pour faire exécuter une relation entre le syndicat et un membre qui à l'époque d'un grief n'était pas assujetti à la convention collective.

18 Le représentant me renvoie à Savoury c. Guilde de la marine marchande du Canada,2001CRTFP 79, où la commissaire Bertrand reprend les principes énoncés par le juge Chouinard de la Cour suprême dans l'arrêt Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, relatif au devoir de représentation. Ces principes stipulent que le devoir de représentation d'un syndicat est la contrepartie du pouvoir exclusif d'agir à titre de représentant des employés membres d'une unité de négociation, que le salarié n'a pas un droit absolu à l'arbitrage de grief et que le syndicat jouit d'une discrétion appréciable, que la discrétion du syndicat doit s'exercer de bonne foi, de façon objective en tenant compte du grief et des conséquences pour le salarié, que la décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire ou abusive et que la représentation doit être juste, réelle et pas seulement apparente, sans négligence grave ou majeure et sans hostilité envers le salarié.

19 Le représentant mentionne la décision rendue dans Lai c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 33. Il est à noter que la commissaire croit plutôt que le devoir de représentation est limité aux droits découlant de l'ancienne Loi.

20 Le représentant souligne également qu'au moment où la plainte en vertu de l'article 23 de l'ancienne Loi a été présentée à la Commission, les nouvelles dispositions de la nouvelle Loi relatives à l'application des politiques et des règlements internes de l'organisation syndicale n'étaient pas en vigueur.

B. Pour le plaignant

21 Le plaignant soumet qu'il est faux de prétendre qu'au moment du litige, il n'était pas syndiqué. Il soumet qu'il y a plusieurs moments : le moment du concours, le moment du refus de la candidature et le moment de l'appel. Il note qu'au moment de l'appel, il était accompagné de deux représentants syndicaux. Le plaignant ajoute qu'il avait déposé une plainte auprès du directeur des ressources humaines avec copie aux personnes intéressées ainsi qu'au président de la section locale. C'est alors qu'il a reçu la lettre du directeur des ressources humaines (pièce P-1).

22 Le plaignant souligne aussi qu'au moment où il a déposé sa plainte, il n'était plus question d'obtenir le poste initialement convoité mais bien de se plaindre de la fabrication de faux. À son avis, il n'y a aucun avantage à tirer du présent recours pour l'obtention de ce poste.

23 Le plaignant soumet que le moment pertinent du présent litige, considérant la lettre du 23 janvier 2004 (pièce P-1), est le moment où il a demandé au président de la section locale d'être représenté. Il note qu'à la suite de sa demande, il a a été représenté par Mme Lalande et souligne que celle-ci a signé pour lui la lettre du 29 avril à l'attention de la Direction des recours (pièce P-2).

24 Le plaignant soumet qu'il n'a jamais été informé du caractère exceptionnel de ce service. Il soumet que le représentant de l'organisation syndicale n'a fourni aucun document établissant le caractère exceptionnel de cette représentation. Il soumet également que le devoir de représentation n'était pas limité à la convention collective.

25 Il soutient que le syndicat se doit de protéger ses membres de l'arbitraire de l'employeur. Il note que le dossier sur la dotation (pièce P-3) montre bien que le bien collectif des membres du défendeur était en jeu. Le syndicat prenait position en dénonçant l'effet de la conduite de l'employeur sur les négociations. Le plaignant soumet que c'est le rôle du défendeur de protéger ses membres de ce type d'agissement; de protéger l'intérêt collectif. C'est, selon lui, ce à quoi servent les cotisations syndicales. Le devoir de représentation ne peut donc être limité aux strictes dispositions de la convention collective.

26 Le plaignant soutient que la Commission peut comprendre le sens de sa plainte et ne devrait pas rejeter la plainte à cause de sa formulation. Il reproche au défendeur de l'avoir laissé tomber après l'avoir appuyé dans ses démarches pour dénoncer la conduite des représentants de l'employeur, ce faisant mettant en péril sa carrière.

C. Réplique pour le défendeur

27 En réplique, le représentant du défendeur soumet que le dossier sur la dotation (pièce P-3) fait tout simplement un lien entre le comportement que l'employeur pouvait avoir à la table de négociation et celui qu'il avait eu dans deux situations de dotation.

28 Le représentant du défendeur soumet également que le plaignant tente de changer la nature de sa plainte devant la Commission. Il note que le deuxième point du troisième paragraphe de sa plainte est spécifique et reproche au défendeur de ne pas avoir entrepris les procédures d'évocation devant la Cour fédérale concernant un rapport d'enquête. Sa plainte ne fait aucunement état du comportement du défendeur ni de la qualité de la représentation.

IV. Motifs

29 La nouvelle Loi prévoit à l'article 187 qu'il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation des fonctionnaires qui font partie de l'unité de négociation dont elle est l'agent négociateur. Plusieurs considèrent cette notion comme le « devoir de représentation ». Or, à la lecture de ce paragraphe, il est évident qu'il ne s'agit pas d'un devoir de l'organisation syndicale accréditée de fournir une représentation dans tous les cas soumis par les membres de l'unité de négociation. La jurisprudence relative au devoir de représentation établit aussi clairement qu'il s'agit d'un devoir uniquement relié à la représentation du membre dans sa relation avec l'employeur, représentation qui ne doit pas être arbitraire, discriminatoire ou exécutée de mauvaise foi.

30 Cette obligation, qu'on trouve dans l'ensemble des lois régissant les relations de travail au pays, prend sa source, comme l'a affirmé le juge Chouinard dans Gagnon, dans le mandat de représentation exclusive que l'organisation syndicale acquiert en obtenant le certificat d'accréditation. Toutefois, certains aspects de la relation d'emploi, dont la dotation, sont exclus du champ d'application de la Loi et sont plutôt régis par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Il est aussi notable que le droit de présenter un grief ne se limite pas aux dispositions de la convention collective et qu'en matière disciplinaire l'organisation syndicale n'a pas le monopole de la représentation. Ce n'est que sur les questions portant sur l'application de la convention collective que l'organisation syndicale a l'exclusivité de la représentation.

31 Ceci dit, je suis d'avis que l'objection du défendeur à la compétence de la Commission d'entendre la plainte formulée par le plaignant doit être accueillie pour les motifs suivants.

32 Le plaignant reproche au défendeur de ne pas avoir entrepris des procédures en évocation d'une décision rendue par la Division des recours de la CFP qui a conclu que les allégations de fabrication de faux déposées par le plaignant n'étaient pas fondées.

33 Or, les allégations de fabrication de faux sont directement liées au rejet de la candidature du plaignant dans un concours pour un poste exclu de l'unité de négociation alors que le plaignant était lui-même exclu de l'unité de négociation. Le rejet de ces allégations, qui peut être identifié comme l'objet véritable du litige, n'implique pas directement l'employeur même si celui-ci est une partie intéressée par le résultat du recours fondé sur ces allégations. Ce que le plaignant entendait contester n'était pas une décision de l'employeur, mais bien une décision de la CFP. Je conclus que la décision du défendeur de ne pas entreprendre des procédures à l'encontre de cette décision ne relève pas de la représentation du plaignant dans sa relation avec son employeur, et provient d'une situation qui précède son accession à l'unité de négociation. Pour ces deux motifs, je n'ai pas compétence d'entendre cette affaire sur le fond.

34 De plus, la dotation ne fait pas partie de ce qui est négociable en vertu de la Loi.La dotation est régie par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qui prévoit ses propres mécanismes de recours. Il ne s'agissait aucunement de s'assurer de l'application d'une disposition d'une convention collective ou même de l'exercice d'un recours prévu dans la Loi. À priori, à moins d'un engagement spécifique d'une organisation syndicale d'assurer la représentation hors de ces champs, il ne peut y avoir de devoir de représentation. Le plaignant a demandé que le défendeur agisse en son nom. Ce dernier a refusé dans un domaine où il peut choisir de refuser de fournir une représentation. Également pour ce motif je rejette la plainte.

35 Je suis aussi d'avis que l'aide apportée au plaignant par les représentants syndicaux dans les démarches du plaignant pour faire valoir ses revendications devant la Division des recours de la CFP ne constitue de quelconque façon un engagement ou une promesse qui ferait en sorte que le devoir de représentation s'appliquerait à la situation du plaignant.

36 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

37 La plainte est rejetée.

Le 23 novembre 2007.

Georges Nadeau,
commissaire

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