Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont déposé un grief afin d’obtenir le paiement d’heures supplémentaires et de primes de quart ainsi que les intérêts payables sur ces paiements - après le dépôt du grief, l’employeur a versé le montant dû, sans les intérêts - les fonctionnaires s’estimant lésés ont renvoyé l’affaire à l’arbitrage de grief - l’employeur s’est opposé en faisant valoir que l’arbitre de grief n’avait pas compétence, et ce, pour deux motifs - le premier motif était qu’aucune disposition de la convention collective ne prévoyait de délai pour le paiement d’heures supplémentaires et de primes de quart - le deuxième motif était que l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour adjuger des intérêts sur ces paiements - l’arbitre de grief a rejeté l’objection en déclarant qu’il s’agissait d’une condition implicite de la convention collective que la rémunération devrait être payée dans un délai raisonnable - l’arbitre de grief a ordonné que le grief soit entendu sur le fond et a différé sa décision en délibéré sur la question des intérêts. Objection rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-12-18
  • Dossier:  567-02-09 et 13
  • Référence:  2007 CRTFP 120

Devant un arbitre de grief


ENTRE

UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS – SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS – CSN

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs collectifs renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour l'agent négociateur:
Corinne Blanchette

Pour l'employeur:
Kenneth A. Graham

Décision rendue sur la foi d’observations écrites
déposées les 7 juin, 14 et 17 août, 26 octobre et 1er novembre 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Griefs collectifs renvoyés à l’arbitrage

1 La présente décision découle de deux griefs collectifs déposés séparément par des agents correctionnels (les « fonctionnaires s’estimant lésés ») de l’Établissement de Matsqui et de l’Établissement de la vallée du Fraser, tous les deux situés en Colombie-Britannique. Les fonctionnaires s’estimant lésés prétendaient ne pas avoir touché différentes primes dans un délai raisonnable. À titre de mesure corrective, les fonctionnaires s’estimant lésés ont demandé le paiement de montants leur étant dus dans une période de 10 jours ouvrables et le paiement d’intérêts. Tous les fonctionnaires ont déjà reçu le paiement des montants leur étant dus.

2 Le grief collectif de l’Établissement de la vallée du Fraser a été renvoyé à l’arbitrage le 17 janvier 2007 et celui de l’Établissement de Matsqui, le 14 mars 2007.

3 L’employeur a contesté la compétence de l’arbitre de grief pour instruire les griefs en invoquant deux motifs : aucune condition de la convention collective ne prévoit de limite de temps pour le paiement d’une prime et un arbitre de grief n’a pas le pouvoir d’adjuger des intérêts sur ces paiements.

4 Le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») a ordonné la tenue d’une conférence préparatoire afin de déterminer si une audience est nécessaire pour traiter de la question de la compétence. L’agent négociateur s’est opposé à ce que la contestation de la compétence soit tranchée par voie d’observations écrites en soutenant que, par principe, il fallait donner la possibilité aux fonctionnaires de soumettre des éléments de preuve. À la suite de la conférence préparatoire, j’ai établi que l’objection de l’employeur pouvait être examinée sur la foi d’observations écrites. Il n’y avait aucun fait important en litige et il n’était pas nécessaire d’établir la preuve pour se prononcer sur l’objection. Dans une lettre adressée aux parties (le 18 septembre 2007), des observations ont été demandées sur les deux questions suivantes :

[Traduction]

[…]

[…] 1. Le paiement de montants dus dans une période raisonnable constitue-t-il une condition (explicite ou implicite) de la convention collective, et 2. l’arbitre de grief est-il habilité à adjuger des intérêts sur les montants dus, si ces montants ne sont pas versés dans un délai raisonnable.

[…]

5 L’employeur s’est appuyé sur son objection initiale aux griefs par écrit. L’agent négociateur a soumis d’autres observations écrites auxquelles l’employeur a répliqué. J’ai résumé les observations ci-dessous. Les observations complètes sont versées au dossier de la CRTFP.

II.  Contexte

6 Le grief collectif visant l’Établissement de la vallée du Fraser a été déposé le 13 octobre 2006 et celui visant l’Établissement de Matsqui, le 23 octobre 2006. Le libellé des deux griefs est pratiquement identique. Le grief de l’Établissement de la vallée du Fraser se lit comme suit :

[Traduction]

Je dépose le présent grief parce que, depuis le 26 juin 2006, l’employeur omet continuellement de me payer mes primes de quart, mes primes de fin de semaine et mon taux majoré de rémunération pour le travail effectué un jour férié et qu’il ne m’a pas indemnisé dans un délai raisonnable pour les heures supplémentaires effectuées, ce qui va à l’encontre de la convention collective, la pratique antérieure et le droit du travail.

7 À titre de mesure corrective, les fonctionnaires s’estimant lésés ont demandé le paiement des montants leur étant dus dans une période de 10 jours ouvrables et le paiement d’intérêts sur ces montants.

8 Il n’y a pas eu de réponse au grief visant l’Établissement de la vallée du Fraser. Une réponse au grief visant l’Établissement de Matsqui a été donnée au premier palier. La réponse mentionnait que le travail supplémentaire effectué entre le 26 juin et le 31 août 2006 avait été rémunéré le 13 octobre 2006 et que le travail supplémentaire effectué en septembre 2006 avait été rémunéré le 27 octobre 2006.

9 Il n’est pas contesté que le paiement des montants dus a éventuellement été versé à tous les fonctionnaires s’estimant lésés. Dans une lettre adressée à la CRTFP, datée du 10 août 2007, l’agent négociateur soutenait que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient reçu les montants dus de [traduction] « trois à cinq mois après qu’ils soient devenus exigibles ».

III. Résumé de l’argumentation

10 Les deux parties ont soumis des observations séparément. Cependant, ces observations sont identiques (bien qu’elles n’aient pas nécessairement été soumises aux mêmes dates).

11 Dans une lettre datée du 7 juin 2007, le représentant de l’employeur a contesté la compétence d’un arbitre de grief pour instruire les griefs. L’employeur a fait valoir que, comme les fonctionnaires s’estimant lésés avaient été rémunérés, la première partie de la mesure corrective demandée était sans objet. En ce qui concerne la demande relative aux intérêts, le représentant de l’employeur a soumis ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] L’employeur soutient que des intérêts ne sont pas exigibles étant donné que les montants dus ont été payés aux fonctionnaires s’estimant lésés, conformément à la convention collective. Il est également indiqué de mentionner que la convention collective ne prévoit aucun délai pour le paiement des sommes visées par le renvoi à l’arbitrage de l’agent négociateur. Le paragraphe 226(1) de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique énonce les pouvoirs conférés à l’arbitre de grief. L’alinéa i) prévoit que, pour instruire toute affaire dont il est saisi, l’arbitre de grief peut :

« dans le cas du grief portant sur le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire, adjuger des intérêts au taux et pour la période qu’il estime justifiés; » [le passage souligné l’est dans l'original]

Comme les questions dont les fonctionnaires s’estimant lésés se plaignent ne relèvent pas du champ d’application de l’alinéa 226(1)i) de la Loi, un arbitre de grief n’aurait pas le pouvoir d’adjuger les intérêts demandés.

[…]

12 Dans une lettre datée du 14 août 2007, le représentant des fonctionnaires s’estimant lésés a soumis ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’objection de l’employeur est sans fondement. Il existe un principe en matière d’emploi et en droit du travail qui oblige l’employeur a payé la rémunération pour le travail effectué dans un délai raisonnable. En vertu du Code canadien du travail, lesemployeurs doivent payer les salaires ou autres montants auxquels les employés ont droit dans une période de 30 jours suivant la date à laquelle ces montants deviennent exigibles. La Employment Standards de la Colombie-Britannique prévoit que les employeurs doivent payer aux employés toutes les sommes gagnées pendant une période de paye au plus tard huit jours après ladite période de paye. Les employés doivent être rémunérés deux fois par mois et la durée d’une période de paye ne peut pas être supérieure à 16 jours.

En l’espèce, les fonctionnaires s’estimant lésés ont reçu les montants leur étant dus de trois à cinq mois suivant la date à laquelle ces montants étaient exigibles. Il existe une pratique bien établie à Service correctionnel du Canada dans la région du Pacifique qui consiste à payer les heures supplémentaires et autres montants avant le 20e jour du mois suivant.

La convention collective de l’UCCO-SACC-CSN énonce le droit des fonctionnaires s’estimant lésés de toucher une rémunération d’heures supplémentaires, des primes de quart et des primes de fin de semaine. Il ressort implicitement de la convention collective que les salaires, la rémunération des heures supplémentaires et les primes pour le travail effectué doivent être payés dans un délai raisonnable. Par conséquent, un arbitre de grief est habilité à instruire l’affaire. Il faudrait renvoyer aux articles 36 et 226 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique :

          36. La Commission met en œuvre la présente loi et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu’implique la réalisation de ses objets, notamment en rendant des ordonnances qui exigent l’observation de la présente loi, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu’elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

      226. Pour instruire toute affaire dont il est saisi, l’arbitre de grief peut :

d) accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice;

g) interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de celle-ci sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, ainsi que toute autre loi fédérale relative à l’emploi, même si la loi en cause entre en conflit avec une convention collective;

En ce qui concerne la compétence de l’arbitre de grief à accorder des dommages-intérêts, dans la décision rendue récemment dans Nantel c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 66, la Commission passe en revue les jugements de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale relativement au droit d’adjuger des intérêts. Le paragraphe 57 est particulièrement important :

« Ainsi, la Cour d’appel fédérale reconnaît que les plaignants qui travaillent pour une entreprise fédérale du secteur privé ont droit aux intérêts sur les montants réclamés pour des heures supplémentaires et des jours fériés. Le droit aux intérêts devrait s’appliquer de même façon à la réclamation de salaire demandée par le fonctionnaire s’estimant lésé par grief ».

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

13 Dans une lettre datée du 17 août 2007, le représentant de l’employeur a répondu ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’agent négociateur a fait abstraction des questions touchant la compétence soulevées dans ma lettre d’opposition. [L’agent négociateur] a plus précisément omis de démontrer que l’employeur a enfreint un article quelconque de la convention collective des Services correctionnels, ce qui est une condition préalable nécessaire pour présenter un grief collectif aux termes du paragraphe 215 (1) de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (CRTFP). Le renvoi par l’agent négociateur à un « principe en matière d’emploi et en droit du travail » ne change pas le fait que la présente affaire ne relève pas du champ d’application de la LRTFP. Par ailleurs,  les renvois [de l’agent négociateur] à la Employment Standards de la Colombie-Britannique et au Code canadien du travail ne sont pas pertinents en ce qui concerne la compétence de la Commission, pas plus que les renvois à la pratique antérieure de Service correctionnel du Canada.

L’employeur est également en désaccord avec l’affirmation de l’agent négociateur lorqu’il affirme ce qui suit :

« Il ressort implicitement de la convention collective que les salaires, la rémunération des heures supplémentaires et les primes pour le travail effectué doivent être payés dans un délai raisonnable. » [Le passage souligné l’est dans l’original]

La convention collective de Service correctionnel est rédigée dans un langage clair qui expose en détails les obligations des parties. Il n’y a pas d’obligations implicites.

Compte tenu du fait que l’employeur n’a pas enfreint de disposition de la convention collective, les questions de dommages-intérêts ou d’intérêts sont sans objet. Subsidiairement, l’employeur soumet que l’alinéa 226(1) i)  de la LRTFP limite le pouvoir de la Commission d’adjuger des intérêts aux griefs portant sur un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire, ce qui n’est pas le cas dans les présents renvois.

Malgré ce qui précède, j’ai le plaisir de vous expliquer pourquoi les chèques pour les heures supplémentaires ont été émis tardivement. À la suite de la signature de la convention collective des Services correctionnels en juin 2006, les responsables de la rémunération à SCC étaient tenus, aux termes de la LRTFP, d’appliquer les conditions de la nouvelle convention dans une période de 90 jours suivant la date de la signature. Comme la période de rétroactivité portait sur sept ans, les conseillers en rémunération régionaux ont dû procéder à de laborieux calculs pour chaque membre du groupe CX. Afin de s’acquitter de ses obligations relativement à la mise en application de la nouvelle convention collective, SCC a accordé la priorité au traitement des paiements rétroactifs plutôt qu’au traitement des chèques pour les heures supplémentaires. Cela était regrettable, mais nécessaire étant donné les circonstances inhabituelles.

[…]

14 Dans une lettre datée du 25 octobre 2007, la représentante de l’agent négociateur a fait les observations suivantes :

Les heures supplémentaires, les primes, les indemnités, les indemnités de quart et les taux majorés pour le travail effectué un jour férié font partie intégrante des salaires ou de la rémunération gagnés par les employés. Nous répétons que l’employeur doit payer la rémunération à laquelle l’employé a droit dans une période raisonnable. Nous souhaitons attirer l’attention de la Commission sur le fait que la convention collective n’accorde aucunement à l’employeur le droit de retenir des salaires ou une rémunération. La convention collective signée entre l’UCCO-SACC-CSN et le Conseil du Trésor accorde aux fonctionnaires s’estimant lésés le droit d’être rémunérés pour les heures supplémentaires effectuées et les autres avantages acquis. Ce droit est énoncé en termes explicites.

[…]

21.12 Rémunération du travail supplémentaire
L’employé-e a droit à une rémunération à temps et demi (1 1/2) sous réserve du paragraphe 21.13 pour chaque heure supplémentaire de travail supplémentaire exécutée par lui.

[…]

21.15 Indemnités de repas
**
a)  Un-e employé-e qui travaille trois (3) heures ou plus en temps supplémentaire immédiatement avant ou après les heures de travail prévues à l’horaire doit recevoir un remboursement pour les dépenses engagées pour un (1) repas au montant de dix dollars (10 $), sauf lorsqu’un repas gratuit est offert.

**
b) Lorsqu’un-e employé-e travaille en temps supplémentaire de façon continue et cette période excède le temps prévu à l’alinéa a) précédent, il ou elle doit recevoir un remboursement pour un (1) repas supplémentaire au montant de dix dollars (10 $) pour chaque période de temps supplémentaire de quatre (4) heures de travail par la suite, sauf lorsqu’un repas gratuit est offert.

25.01 Prime de quart
L’employé-e qui travaille par quart touche une prime de quart de deux dollars (2 $) l’heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées entre 15 h 00 et 7 h 00. La prime de quart ne sera pas payée pour les heures de travail effectuées entre 7 h 00 et 15 h 00.
**

25.02 Prime de fin de semaine
L’employé-e qui travaille par quart reçoit une prime supplémentaire de deux dollars (2 $) l’heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées le samedi et/ou le dimanche.

26.05
a) Lorsqu’un-e employé-e travaille pendant un jour férié, il est rémunéré à tarif et demi (1 1/2) pour toutes les heures effectuées jusqu’à concurrence du nombre d’heures journalières normales prévues à son horaire tel qu’indiqué à l’article 21 de la présente convention collective, et à tarif double (2) par la suite, en plus de la rémunération qu’il aurait reçue s’il n’avait pas travaillé ce jour-là.

Il ressort clairement que la convention collective des CX accorde le droit aux salaires, aux avantages et à la rémunération. Les articles susmentionnés sont rédigés dans un langage clair qui énonce les obligations de l’employeur en matière de paiement. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont gagné cette rétribution comme le corrobore le fait qu’ils ont été payés (lettre de l’employeur datée du 7 juin 2007 : [traduction] « L’employeur soutient que tous les fonctionnaires s’estimant lésés ont reçu toutes les sommes leur étant dues conformément à la convention collective »). La Loi sur la gestion des finances publiquesn’autorise pas l’employeur à retenir des salaires ou une rémunération. Par conséquent, en l’absence de cette autorité légale nécessaire, l’employeur ne peut pas invoquer la disposition sur les droits de la direction (article 6 de la convention collective) pour justifier la retenue des salaires.

Dans Canadian Labour Arbitration, de Brown et Beatty, quatrième édition, paragr. 8:1420 Retenue des salaires,, il est écrit :

[Traduction]

« Dans la mesure où le droit aux salaires et aux avantages sociaux est étayé par les conditions de la convention collective, il s’ensuit qu’une fois que ce droit est établi et que la rémunération a été gagnée, la direction ne peut pas retenir unilatéralement les paiements de ces avantages autrement que dans le cadre d’une modification valide de la méthode de paiement. »

De plus, notre position est reprise et appuyée par la décision Hickling c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2006 CRTFP 39 :

[46]   Il ne faut pas oublier que les heures supplémentaires sont des indemnités acquises par l’employé. En général, l’indemnité acquise pendant une période de paye doit être payée dans une période déterminée suivant la fin de la période de paye. En l’absence de libellé dans la convention collective portant sur l’échéance des paiements salariaux, il faut présumer que l’employeur doit payer l’indemnité dans un délai raisonnable. Sauf s’il est investi du droit exprès de retenir le salaire, l’employeur doit le payer dans un délai raisonnable.

En ce qui concerne la question de savoir ce qui constitue un délai raisonnable pour payer les employés, nous croyons fermement que la Commission devrait se laisser guider par les normes minimales fédérales et provinciales, comme nous l’avons mentionné dans notre lettre précédente. Il s’agit d’une question d’ordre public. Il n’existe pas d’incompatibilité entre la convention collective et l’orientation à tirer des normes minimales. Dans sa lettre du 17 août 2007, l’employeur ne nie pas que la pratique, dans la région du Pacifique, est de payer les heures supplémentaires avant le 20e jour du mois suivant, mais il soutient qu’il n’est aucunement pertinent de le mentionner.

Nous soumettons à la Commission que le retard de trois à cinq mois pour payer aux fonctionnaires s’estimant lésés leurs salaires et leur rémunération était déraisonnable. Dans sa lettre du 17 août 2007, le représentant de l’employeur s’est dit heureux d’expliquer la raison de ce retard. Cependant, cette explication n’est ni raisonnable, ni conforme aux faits. Il est important de mentionner que SCC a été en mesure de verser de la manière normale les paiements pour les heures supplémentaires et les autres avantages aux agents correctionnels des Prairies, de l’Ontario, du Québec et des régions de l’Atlantique. Sans compter que l’entente de principe a été conclue quelque temps avant la signature de la convention collective. Le SCC connaissait au préalable les nouveaux taux. Les employés ont le droit d’être payés et le défaut de paiement des salaires cause des perturbations et du mécontentement au lieu de travail, ce qui est contraire à l’intention des parties. Il ne faut pas oublier qu’au cours de l’été 2006, les heures supplémentaires ont parfois dû être effectuées de manière non volontaire et que les agents correctionnels ont été contraints d’effectuer du travail supplémentaire. La seule conclusion à tirer ici est que le délai de paiement était déraisonnable parce qu’il dépassait les normes minimales prescrites (voir : Health Labour Relations Association and H.E.U. [1993] 38 L.A.C. (4th) 236). Si la Commission n’est pas convaincue du caractère déraisonnable du délai, nous croyons qu’elle devrait entendre les parties de vive voix et leur permettre de produire des éléments de preuve.

L’arbitre de grief étant saisi de l’affaire devrait être investi des pleins pouvoirs pour accorder réparation. Dans notre lettre précédente, nous mentionnions que nous invoquions la décision Nantel c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 66 et le jugement cité de la Cour d’appel fédérale, Pommerleau c. Autocar Connaisseur Inc., [2000] A.C.F. no 907 (QL). Nous souhaitons toujours invoquer ces jugements. Ils respectent l’esprit des arrêts de la Cour suprême dans Weber c. Ontario Hydro [1995] 2 R.C.S. 929, Nouveau-Brunswick c. O’Leary [1995] 2 R.C.S. 967 et Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux  c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, [2003] 2 R.C.S. 157.

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

15 L’employeur a répondu aux observations de l’agent négociateur comme suit :

[Traduction]

[…]

L’employeur répète que tous les griefs sont maintenant sans objet étant donné qu’il a payé toutes les sommes étant dues aux fonctionnaires s’estimant lésés. Le paiement tardif a découlé de circonstances extraordinaires, comme il a été expliqué dans ma lettre précédente. L’agent négociateur se fonde uniquement sur le paiement d’intérêts pour faire croire qu’il reste toujours un litige véritable. Pour les motifs énoncés ci-après, l’employeur estime qu’un arbitre de grief n’est pas compétent pour adjuger des intérêts dans les affaires concernant une convention collective. Par conséquent,  il n’existe pas de litige véritable et l’affaire est sans objet.

Dans ses observations, la représentante de l’agent négociateur a cité intégralement des extraits de la convention collective en vigueur pour les CX. Il faut cependant mentionner qu’aucun des articles cités ne prévoit un délai pour le paiement des primes et indemnités. Si les parties avaient eu l’intention d’imposer une limite de temps pour le paiement de ces sommes, elles auraient pu négocier le libellé en conséquence. L’employeur estime qu’il ne faudrait pas tenir compte des affirmations incidentes de l’agent négociateur en référence à la décision Hickling. Plutôt que de lire des conditions dans une convention collective que les parties ont choisi de ne pas négocier, la Commission devrait respecter le processus de négociation collective et laisser aux parties le soin de prévoir les délais de mise en application de leur choix. Il n’est pas inhabituel que de tels délais soient précisés dans les conventions collectives de la fonction publique.

Comme mentionné précédemment, la demande de paiement des intérêts de l’agent négociateur est sans fondement. L’alinéa 226 (1)i) de la LRTFP confère aux arbitres de griefs le pouvoir d’adjuger des intérêts dans des circonstances limitées lorsque des questions disciplinaires sont en cause. Comme les renvois en question ne portent pas sur des mesures disciplinaires, l’arbitre de grief serait sans compétence pour adjuger des intérêts. Par conséquent, le cas de l’agent négociateur n’a plus sa raison d’être. Dans l’esprit de bonnes relations du travail, les parties ne devraient pas se voir obligées de consacrer des ressources précieuses pour obtenir une déclaration théorique que l’employeur a tardé à faire le paiement.

[…]

IV.  Motifs

16 Personne ne conteste le fait que les paiements dus aux fonctionnaires s’estimant lésés ont éventuellement été payés. Les fonctionnaires s’estimant lésés contestent la longueur de temps qu’il a fallu pour recevoir ces paiements. Les fonctionnaires s’estimant lésés font valoir que le paiement dans un délai raisonnable est une condition implicite de la convention collective et que le délai qu’il a fallu à l’employeur pour payer les montants dus était déraisonnable. À titre de mesure corrective, les fonctionnaires s’estimant lésés demandent des dommages-intérêts sous la forme d’intérêts pour le retard. L’employeur estime qu’aucune condition implicite dans la convention collective n’exige que les paiements soient faits dans un délai raisonnable. À son avis, si les parties avaient voulu qu’il y ait une limite de temps pour faire de tels paiements, elles auraient négocié le libellé en conséquence. L’employeur soutient également que le pouvoir d’un arbitre de grief d’adjuger des intérêts est limité aux cas portant sur des mesures disciplinaires et des sanctions financières.

A. Est-ce une condition (explicite ou implicite) de la convention collective que les paiements doivent être faits dans un délai raisonnable?

17 Aucune disposition de la convention collective ne précise que le paiement des sommes visées par le litige doit se faire dans un délai particulier. Par conséquent, il n’existe pas de condition explicite dans la convention exigeant que les paiements soient faits dans un délai raisonnable.

18 La convention collective prévoit toutefois clairement que l’employeur doit payer ces montants. Le libellé des stipulations visées de la convention collective renvoie à des mots tels que « doit », ne conférant aucun pouvoir discrétionnaire à l’employeur. La question est de savoir s’il existe une exigence tacite que ces paiements obligatoires soient faits dans un délai raisonnable.

19 Contrairement à la plupart des employés au Canada, les fonctionnaires fédéraux ne sont régis par aucun régime législatif ou réglementaire agissant comme « seuil » des normes d’emploi. Les normes d’emploi pour les fonctionnaires fédéraux sont contenues dans la convention collective pertinente et la Politique sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor (à l’appendice A de la politique figure le Règlement régissant les conditions d’emploi dans la fonction publique). En l’espèce, ni la convention collective, ni la politique et le règlement régissant les conditions d’emploi ne précisent de délais pour le paiement d’indemnités.

20 Les fonctionnaires s’estimant lésé invoquent, en partie, Hickling c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2006 CRTFP 39, pour soutenir qu’il existe une condition implicite selon laquelle les montants dus doivent être payés dans un délai raisonnable. Or, Hickling portait sur la liquidation des crédits de congé compensatoire. L’article de la convention collective en cause précisait une limite de temps pour le paiement des crédits de congé compensatoire. Les commentaires de l’arbitre de grief au sujet de la présomption du paiement des salaires dans un délai raisonnable sont par conséquent accessoires. L’énoncé de principe qui ressort de cette décision est large :

[…]

[46]  Il ne faut pas oublier que les heures supplémentaires sont des indemnités acquises par l’employé. En général, l’indemnité acquise pendant une période de paye doit être payée dans une période déterminée suivant la fin de la période de paye. En l’absence de libellé dans la convention collective portant sur l’échéance des paiements salariaux, il faut présumer que l’employeur doit payer l’indemnité dans un délai raisonnable. Sauf s’il est investi du droit exprès de retenir le salaire, l’employeur doit le payer dans un délai raisonnable.

[…]

21 Pour les motifs qui suivent, je souscris à ce principe et j’ai conclu qu’il ressort implicitement de la convention collective que la rémunération (ce qui comprend les salaires et les indemnités) doit être versée aux employés dans un délai raisonnable. Il me faudra toutefois entendre la preuve afin de déterminer si, dans les circonstances du présent cas, le retard était raisonnable ou déraisonnable.

22 Dans la jurisprudence arbitrale, de nombreuses discussions ont questionné l’obligation d’un employeur d’administrer la convention collective de manière juste et raisonnable (voir Mitchnick et Etherington, Labour Arbitration in Canada aux paragraphes 16.2 et 16.3). Dans Blue Line Taxi Co. and R.W.D.S.U., Local 1688 (1992), 28 L.A.C. (4th) 280, l’arbitre a résumé la discussion et les conclusions comme suit (aux pages 287-288) :

[Traduction]

[…]

[…] l’employeur a l’obligation [d’administrer la convention collective de manière juste et raisonnable] dans les situations suivantes. Premièrement, lorsqu’une disposition de la convention collective confère expressément un pouvoir discrétionnaire à l’employeur, un arbitre peut conclure que l’intention était que ce pouvoir discrétionnaire soit exercé de manière juste et raisonnable. Deuxièmement, il a été établi qu’il est implicitement interdit à l’employeur d’agir d’une façon déraisonnable (dans les secteurs n’étant pas régis expressément par la convention collective) qui risquerait d’annuler ou de miner certaines dispositions de la convention : voir Metropolitan Toronto (Municipality) v. C.U.P.E., Loc. 43 (1990), 69 D.L.R. (4th ) 268, 74 O.R. (2d) 239, 39 O.A.C. 82 (Ont. C.A.) [autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 72 D.L.R. (4th) vii], et Re Westin Harbour Castle and Textile Processors, Service Trades, Health Care, Professional & Technical Employees Int’l Union, Loc. 351 (1991), 23 L.A.C. (4th) 354 (Brown).

Selon mon interprétation de la loi, l’employeur sera donc tenu responsable de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de la direction seulement si un lien peut être établi avec la convention collective. Un tel lien peut être trouvé si a) la convention collective confère ou reconnaît expressément un pouvoir discrétionnaire à la direction ou b) si l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire risquerait d’annuler ou de miner certaines dispositions de la convention.

[…]

23 Dans Metropolitan Toronto (Municipality) v. CUPE, Local 43 (1990), 69 D.L.R. (4th) 268, la Cour d’appel de l’Ontario a signalé ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Il est également vrai que les parties n’ont pas toujours le temps, la motivation ou les ressources nécessaires pour envisager toutes les répercussions possibles de chaque mot. Il y a donc lieu de faire appel à une certaine créativité et de recourir aux principes de l’arbitrage et de faire preuve de façon générale de réalisme. […] L’existence d’un principe ou d’une condition implicite dans l’administration raisonnable d’un contrat a également été reconnue par le juge Craig dans [Wardair Canada Inc. v. C.A.L.F.A.A. (1988), 63 O.R. (2d) 471 (Div. Ct.)] aux pages 476-477.

[…]

24 En l’espèce, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la direction porte sur le moment du paiement de la rémunération due aux termes de la convention collective. Si l’employeur agit de façon déraisonnable dans le cadre du traitement des paiements prévus par la convention collective, les dispositions applicables en matière d’heures supplémentaires et de primes seront annulées ou minées. Par conséquent, il existe une exigence implicite de payer la rémunération prévue par la convention collective dans un délai raisonnable.

25 Les arbitres et les tribunaux ont également reconnu la nécessité des conditions implicites pour rendre les contrats ou les conventions collectives efficaces, ce qui a aussi été appelé la doctrine du « nécessairement implicite » (voir Mitchnick et Etherington et Société hôtelière Canadien Pacifique Ltée c. Banque de Montréal, [1987] 1 R.C.S. 711). Voir également Association des pilotes d’Air Canada c. Association des pilotes de lignes aériennes, 2003 CAF 160, (CanLII). Dans McKellar General Hospital and O.N.A. (1986), 24 L.A.C. (3d) 97 (Saltman) (à la page 107), l’arbitre a conclu qu’un arbitre était habilité à admettre une condition implicite dans une convention collective lorsque les deux conditions suivantes sont satisfaites :

[Traduction]

[…]

1) s’il est nécessaire d’admettre une condition implicite pour rendre un contrat « efficace au plan commercial et de la convention collective » autrement dit, pour faire en sorte que la convention collective puisse être exécutée;

2) si, après avoir pris connaissance de l’omission de la condition, les parties conviennent sans hésitation de l’inclure.

[…]

26 Dans Association des pilotes d’Air Canada c. Association des pilotes de lignes aériennes, la Cour d’appel s’est fondée sur le même critère pour déterminer si une condition était implicite dans le protocole des relations du travail entre deux syndicats. En se fondant sur le critère établi dans Société hôtelière Canadien Pacifique Ltée, la Cour a statué que la condition devait en être une au sujet de laquelle les parties diraient, si on leur posait la question, [traduction] « qu’elles avaient évidemment tenu son inclusion pour acquise ».

27 Le versement de la rémunération dans un délai raisonnable est à la base d’une convention collective. Dans L/3 Communications/Spar Aerospace Ltd. and I.A.M., Northgate Lodge 1579 (2004), 127 L.A.C. (4th) 225 (Wakeling), l’arbitre a noté l’importance capitale du versement de la rémunération dans un délai raisonnable (à la page 247) :

[Traduction]

[…]

[…] Les conventions collectives traitent inévitablement de questions fondamentales telles que la rémunération, la durée du travail, les congés annuels, les mesures disciplinaires et l’ancienneté. Les négociateurs chevronnés savent que certains faits surviendront au cours de la durée de vie de la convention collective et que l’omission de déterminer les conséquences juridiques associées à ces faits entraînera des problèmes tellement importants qu’il faudra les régler. Par exemple, tous les membres des comités de négociation savent que les travailleurs régis par la convention collective s’attendent à toucher une rétribution pour le travail effectué pour le compte de leur employeur et que les parties doivent s’être entendues au préalable sur cette rétribution. Les travailleurs doivent être rémunérés dans un délai raisonnable et régulièrement et ne pourraient pas survivre dans un contexte où le paiement tardif de la rémunération serait adopté, à la suite de la décision d’un tiers. Une convention collective ne comportant pas de condition en matière de rémunération n’est pas viable. Voir Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Territoires du Nord-Ouest (Commissaire), [1990] 2 R.C.S. 367, 380 (« Le salaire et les conditions de travail auront toujours une importance vitale pour un employé »). Et les membres d’un syndicat n’approuveraient jamais un tel document.

[…]

28 Dans la décision Hospital Labour Relations Association qu’a invoquée l’agent négociateur, le conseil d’arbitrage a accepté, sans grande discussion, le fait qu’il était entendu que les salaires rétroactifs devaient être payés dans un délai raisonnable. Le conseil d’arbitrage s’est appuyé en partie sur Regional Municipality of Hamilton-Wentworth and International Union of Operating Engineers, Local 772 (1982), 6 L.A.C. (3d) 147 (O’Shea). Dans cette décision, l’arbitre a conclu qu’il était implicite que l’intention des parties était que les montants dus soient payés dans un délai raisonnable. En conséquence, il a jugé que le retard n’était pas assez long pour que l’on puisse conclure à une atteinte à l’objet ou à l’esprit de la convention collective.

29 Il faut que le paiement soit fait dans un délai raisonnable pour que la convention collective soit efficace. Il doit également être dans l’intention des parties que le paiement soit fait dans un délai raisonnable. Il ne se pourrait pas que les parties aient voulu permettre à l’employeur de payer les montants dus aux termes de la convention collective quand cela lui convenait. Si les parties s’étaient penchées sur la question, elles auraient convenu « sans hésitation » que le paiement devait être fait dans un délai raisonnable.

30 Les stipulations portant sur l’objet et la portée de la convention collective ne créent pas de droits substantiels, mais peuvent aider à interpréter la convention collective. En l’espèce, ces stipulations appuient l’interprétation selon laquelle il existe une exigence implicite pour le paiement dans un délai raisonnable. Les stipulations portant sur l’objet et la portée se lisent comme suit :

[…]

1.01 La présente convention a pour objet d’assurer le maintien de rapports harmonieux et mutuellement avantageux entre l’Employeur, le Syndicat et les employé-e-s et d’énoncer certaines conditions d’emploi pour tous les employé-e-s décrits dans les certificats émis le 13 mars 2001 à l’égard des employé-e-s du groupe des services correctionnels.

1.02 La présente convention collective a pour but d’établir, dans le cadre des lois existantes, des relations de travail ordonnées et efficaces entre l’Employeur, le Syndicat et les employé-e-s et de déterminer des conditions de travail visant à promouvoir la sécurité et le bien-être des employé-e-s.

De plus, les parties à la présente convention ont aussi comme objectif que les Canadiens soient servis convenablement et efficacement.

[…]

31 La mention suivante dans la stipulation 1.02 à « des relations de travail ordonnées et efficaces » revêt une pertinence particulière. Si la rémunération n’est pas payée dans un délai raisonnable, les relations de travail entre les parties ne seront pas « ordonnées et efficaces ».

B. Définir ce qui est raisonnable

32 L’agent négociateur a soutenu que je devais m’appuyer sur les dispositions législatives du Code canadien du travail et de la Employment Standards Act de la Colombie-Britannique afin d’établir la période de temps raisonnable pour le paiement des montants dus. Ces lois ne s’appliquent pas à la fonction publique fédérale. L’alinéa 226(1)g) de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique permet à l’arbitre de grief d’interpréter et d’appliquer « toute autre loi fédérale relative à l’emploi », mais la dernière partie du paragraphe prévoyant l’application « même si la loi en cause entre en conflit » avec une convention collective signifie très clairement que la « toute autre loi » doit s’appliquer à la fonction publique fédérale. Par conséquent, les seuils minimaux prévus par la loi ne s’appliquent pas aux présents griefs.

33 Dans l’affaire Hospital Labour Relations Association qu’a invoquée l’agent négociateur, le conseil d’arbitrage s’est laissé guider par la Employment Standards Act de la Colombie-Britannique, tout en soulignant que chaque cas devait être examiné selon les faits qui lui sont propres. Étant donné que les limites de temps prévues sous le régime du Code canadien du travail ne s’appliquent pas à la fonction publique fédérale, je ne vois pas le lien nécessaire pour me laisser guider par ces limites de temps.

34 En l’absence d’échéances pour le paiement de la rémunération dans la convention collective ou dans la loi, la décision de ce qui constitue un délai raisonnable pour le paiement doit toujours être prise au cas par cas. Les facteurs pertinents à considérer comprennent, sans s’y limiter : la pratique antérieure, les circonstances particulières à ce moment, le nombre de transactions à traiter et la capacité de traiter le volume des transactions. Dans leurs observations, les parties ont soumis des allégations concernant les motifs du paiement tardif et la pratique antérieure et courante de l’employeur. Ces allégations ne sont naturellement pas des éléments de preuve et je ne peux pas m’appuyer sur elles pour déterminer si le retard était raisonnable ou non. Il faudra tenir une audience pour évaluer ces facteurs et permettre aux parties de présenter des éléments de preuve.

35 Par conséquent, une audience sera tenue pour déterminer ce qui, dans les circonstances, constituait une période de temps raisonnable pour le paiement des montants dus.

C. Un arbitre de grief a-t-il la compétence pour adjuger des intérêts?

36 L’employeur prétend qu’en l’absence de compétence pour adjuger des intérêts, les griefs sont sans objet. Je ne souscris pas à cette affirmation. Si les fonctionnaires s’estimant lésés font valoir avec succès qu’il y a manquement à la convention collective et que je juge que je n’ai pas la compétence pour adjuger des intérêts, les fonctionnaires s’estimant lésés obtiendront une déclaration qui guidera également les parties dans le futur.

37 En conclusion, à l’audience dans cette affaire, je demanderai aux parties de plus amples observations sur le pouvoir d’un arbitre de grief d’adjuger des intérêts.

38 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V.  Ordonnance

39 L’objection préliminaire de l’employeur est rejetée.

40 Il s’agit d’une condition implicite de la convention collective que la rémunération exigible doit être payée dans un délai raisonnable.

41 Une audience sera tenue pour statuer sur le fond des griefs.

Le 18 décembre 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

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