Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) dans laquelle il alléguait une violation du paragraphe 8(2) de l’ancienne LRTFP en ce qu’on lui avait refusé une nomination intérimaire parce qu’il occupait un poste national au sein de son syndicat - la plainte a été instruite une première fois par l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) et rejetée (2004 CRTFP 29) - la demande de contrôle judiciaire déposée auprès de la Cour d’appel fédérale (CAF) a été accueillie (2005 CAF 92) et l’affaire a été renvoyée devant l’ancienne CRTFP pour y être instruite de nouveau - peu de temps après que la Cour fédérale eut rendu sa décision, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est entrée en vigueur, l’ancienne CRTFP a été abolie et la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) a été créée - la nouvelle CRTFP a rendu une décision provisoire en statuant que la plainte serait tranchée en vertu des dispositions de l’ancienne LRTFP - le défendeur a soutenu qu’il avait retenu le candidat le plus qualifié et que le plaignant ne possédait pas l’expérience récente requise en matière d’appels - lors d’une réunion avec des employés, le défendeur a déclaré que la candidature du plaignant n’avait pas été prise en considération parce qu’il était retenu par ses activités syndicales - au cours d’une réunion, le défendeur a dit au plaignant que le rôle qu’il jouait auprès de l’agent négociateur était très important et qu’il ne pouvait abandonner l’agent négociateur pour devenir gestionnaire - le défendeur avait toujours refusé de signer sa carte de membre du syndicat malgré les demandes répétées de l’agent négociateur, en disant qu’il n’avait pas besoin de celui-ci - quelques années plus tôt, le défendeur avait écrit dans le rapport d’appréciation annuel du rendement d’un employé que ses activités syndicales étaient incompatibles avec ses fonctions de gestionnaire - le défendeur a avisé un employé qui avait fait partie de l’équipe de négociation patronale qu’il n’était pas obligé de prendre en considération la candidature d’un << gars du syndicat >> parce que ce dernier ne faisait pas partie de la Division des appels - le défendeur a soutenu qu’il avait plusieurs fois nommé des employés qui étaient actifs au sein du syndicat à des postes de gestionnaire par intérim - la nouvelle CRTFP a admis qu’elle n’était pas habilitée, en vertu de l’article 7 de l’ancienne LRTFP, à apprécier la décision de l’employeur d’exiger les qualifications particulières pour attribuer le poste en question à titre provisoire - rien ne l’empêchait toutefois de décider si les motifs invoqués par l’employeur pour ne pas retenir la candidature du plaignant étaient fondées ou s’il s’agissait juste d’un faux prétexte - la nouvelle CRTFP a conclu qu’il s’agissait d’un faux prétexte et que la décision de l’employeur était teintée d’un sentiment antisyndical - à titre de réparation, le plaignant a droit à la différence entre la rémunération de son poste et celle du poste de chef d’équipe ayant fait l’objet d’une nomination intérimaire. Plainte accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-02-08
  • Dossier:  561-34-29
  • Référence:  2007 CRTFP 18

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

RÉAL  LAMARCHE

plaignant

et

YVAN MARCEAU

défendeur

Répertorié
Lamarche c. Marceau

Affaire concernant une plainte visée à l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour le plaignant:
Pierrette Gosselin, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour le défendeur:
Stéphane Hould, avocat

Affaire entendue à Sherbrooke (Québec),
les 30 et 31 mai 2006.

I. Plainte devant la Commission

1 Réal Lamarche (le « plaignant ») occupe un poste de conseiller technique (AU-3) à la Division des appels de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (« l’Agence ») depuis 10 ans. Il travaille à l’Agence depuis 1975. Il allègue, dans sa plainte du 4 octobre 2002, que sa candidature à un poste de chef d’équipe des appels au bureau de Sherbrooke a été refusée par Yvan Marceau (chef des appels) au motif qu’il n’était pas disponible puisqu’il occupe un poste national au sein du syndicat.

2 Une première audience est tenue devant la Commission relativement à la plainte de M. Lamarche les 19 et 20 janvier 2004. La décision rendue le 26 avril 2004 (2004 CRTFP 29) a été renvoyée pour contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale. Le jugement du 8 mars 2005 (2005 CAF 92) a ordonné une audience de novo devant un tribunal autrement constitué.

3 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.

4 Les parties ont soumis à la Commission leurs arguments relativement aux mesures transitoires et à l’applicabilité de la nouvelle Loi. La décision interlocutoire du 28 octobre 2005 (2005 CRTFP 153) stipule que la plainte sera décidée sur la base des droits et obligations découlant de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (la « Loi » ou l’« ancienne Loi »), comme si elle n’avait pas été abrogée.

II. Résumé de la preuve

5 Le plaignant a occupé diverses fonctions syndicales auprès de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) de 1978 à 1989 comme délégué, puis comme vice‑président et président pour la section locale de Sherbrooke. Le groupe AU a été transféré à l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) en 1989. Le plaignant s’y implique syndicalement à partir de 1990 et est président national du groupe Vérification-Finances–Services depuis 1996.

6 Le plaignant a commencé à travailler au ministère du Revenu en 1975 au poste de PM-2 en vérification. Il occupe ensuite un poste de chef d’équipe (PM-3) et accède au poste de groupe et niveau AU-1 en 1985. Il accède au niveau AU-2 en 1988, et est affecté à la Division des appels en 1989. En 1993, il occupe un poste de chef d’équipe en formation (AU-3). Jusqu’en 1995, il œuvre comme vérificateur aux dossiers de base. Il accède à la Division des appels le 3 avril 1995 comme agent des appels et aviseur technique (AU-3) par une mutation latérale temporaire. Il exerce ses fonctions à partir du bureau de Sherbrooke. Cette mutation est prolongée pour la période du 1er avril 2001 au 31 mars 2003 (pièce P-3). Il s’est qualifié pour le concours de chef des appels tenu en octobre 1995 (pièce P-4).

7 Jean-Claude Fontaine, qui occupait le poste de chef des appels par intérim au bureau de Sherbrooke, est nommé chef des appels en octobre 1995. À plusieurs occasions, le plaignant a remplacé M. Fontaine. Il a assumé certaines délégations de pouvoirs du chef des appels, qui le consultait pour une deuxième opinion sur des dossiers importants.

8 À la suite de la restructuration de l’Agence le 1er avril 2002, Yvan Marceau (le défendeur) devient chef de la Division des appels, qui est intégrée aux Services fiscaux de l’Est du Québec. La Division des appels du bureau de Sherbrooke devient alors l’équipe des appels du bureau de Sherbrooke dont la direction est confiée à M. Fontaine comme chef d’équipe.

9 M. Fontaine accepte un poste à la revue de la qualité du travail des agents d’appel en mai 2002, pour une période temporaire de deux ans. Lors d’un dîner avec M. Fontaine le 3 juin 2002, le plaignant est avisé de son départ et il s’informe comment il peut postuler au poste de chef d’équipe. Il avise M. Fontaine de son intérêt pour le poste et lui précise qu’il aura des décisions à prendre relativement à son engagement au sein du syndicat.

10 À cette époque, M. Fontaine recommande à M. Marceau de combler le poste pour une période intérimaire de deux ans à l’aide d’un concours. M. Marceau voulait plutôt choisir entre deux options, soit de confier la gestion de l’équipe à une personne de Québec, soit procéder à une nomination sans concours pour une courte période suivie d’un concours pour la période intérimaire de deux ans. La seconde option est choisie et les cinq personnes intéressées, dont le plaignant, en sont avisées par courriel le 6 juin 2002 (pièce P-7). Le lancement du concours pour combler le poste de façon intérimaire pour une période de deux ans est prévu entre juillet et septembre 2002. Il a effectivement été lancé en septembre 2002.

11 Lors d’une rencontre le 6 juin 2002, M. Marceau annonce aux employés de l’équipe des appels de Sherbrooke la nomination sans concours de Danielle Rouleau au poste de chef d’équipe. Mme Rouleau rencontre les deux critères d’admissibilité déterminés par M. Marceau pour le poste temporaire, soit l’expérience récente et significative dans l’exécution des tâches attribuables à un poste de niveau AU-3 au sein de l’Agence, ainsi que dans les programmes administrés à la Division des appels (pièce P-5).

12 Lucie Bouchard (AU-1) questionne M. Marceau quant à son choix. Les membres de l’équipe craignent le peu d’expérience de Mme Rouleau qui occupe un poste AU-2 au sein de l’équipe depuis huit mois. M. Marceau a répondu que Mme Rouleau possède l’expérience au niveau AU-3 (à l’évitement fiscal à Laval) et qu’elle travaille au sein de l’équipe. De plus, ce choix ne crée pas de manque de personnel dans un autre secteur. En réponse aux questions de Mme Bouchard, M. Marceau précise qu’il n’a pas pris en considération la candidature du plaignant pour ce poste, car ce dernier est occupé par le syndicat.

13 Jocelyne Létourneau, qui travaille pour l’Agence depuis 1972, occupe un poste de PM-2 dans l’équipe des appels de Sherbrooke. Elle assiste à la rencontre du 6 juin 2002 dirigée par M. Marceau et corrobore, dans son témoignage lors de l’audience, les événements de cette rencontre tels que précisés dans le témoignage de Mme Bouchard. À la suite de cette rencontre, deux membres de l’équipe informent le plaignant du contenu de cette rencontre et vérifient son intérêt pour le poste.

14 M. Marceau a expliqué, dans son témoignage, que la mutation du plaignant vers son poste d’attache à la Division de la vérification a été décidée lors de la réorganisation de la Division des appels le 1er avril 2002. M. Marceau ignore si le plaignant a été avisé de son affectation à son nouveau poste à la Division de la vérification, ajoutant que M. Fontaine l’en a peut-être avisé. M. Marceau a choisi Mme Rouleau sur recommandation de M. Fontaine. Dans l’équipe des appels de Sherbrooke, un appui technique peut être assuré par Gaétan Goulet (PM-2), qui possède 15 ans d’expérience. Benoît Roberge (AU‑4), du bureau de Québec, peut être disponible comme aviseur technique pour l’équipe de Sherbrooke.

15 Lors d’un entretien téléphonique le 6 juin 2002, M. Marceau et le plaignant ont convenu de se rencontrer le lendemain à l’occasion d’une réunion patronale‑syndicale à Sherbrooke. Lors de la rencontre du 7 juin 2002, M. Marceau explique au plaignant sa décision de procéder en deux étapes, soit par une nomination sans concours pour une période intérimaire à court terme suivie d’un concours pour combler le poste pour une période de deux ans.

16 La disponibilité du plaignant est abordée lors de la rencontre. Elle n’est pas un élément majeur relativement à la continuité à court terme, selon M. Marceau. Selon le témoignage du plaignant, M. Marceau lui a indiqué, lors de cette rencontre, que son engagement au sein du syndicat est très important et qu’il ne peut pas laisser le syndicat. Suivant un principe de loyauté syndical invoqué par M. Marceau, ses propos signifient, selon le plaignant, qu’il ne peut pas tourner sa veste; c’est-à-dire quitter le syndicat et devenir gestionnaire. Le plaignant considère que les propos de M. Marceau signifient que son engagement au sein du syndicat fait obstruction à l’obtention du poste de chef d’équipe. Le plaignant a mentionné, lors de cette rencontre, qu’il n’est pas « marié avec le syndicat » et qu’il peut se libérer du poste électif qu’il occupe. Devant l’intérêt du plaignant pour le poste, M. Marceau l’invite à participer au concours dont le lancement est prévu entre juillet et septembre 2002.

17 Mme Rouleau se retire du poste de chef d’équipe le 7 juin 2002, car elle considère qu’elle n’a pas suffisamment d’appui des membres de l’équipe. Elle en avise MM. Marceau et Fontaine (pièce P-2). M. Marceau l’a convaincue de revenir sur cette décision et de continuer à occuper le poste pour une période de six mois. Lors d’une rencontre avec l’équipe de Sherbrooke le 14 juin 2002, M. Marceau informe les employés que Mme Rouleau demeure en poste et que M. Roberge agira comme conseiller technique. Il précise catégoriquement aux employés que la dotation est de sa responsabilité. Selon Mme Rouleau, M. Marceau est fâché et tremble lors de cette rencontre. M. Marceau a expliqué qu’il tremblait à cause de son âge et non de colère en réaction aux préoccupations qui lui ont été soulevées.

18 Après ses vacances annuelles et une période d’invalidité, Mme Rouleau s’est désistée du poste de chef d’équipe pour des raisons personnelles et a été mutée à Montréal. M. Marceau a confié temporairement le poste de chef d’équipe à M. Roberge, qui assume le poste à partir de Québec. Il se présentait au bureau de Sherbrooke à raison d’une moyenne de trois jours par semaine, une semaine sur deux. M. Roberge a été muté au poste de chef d’équipe des appels par une mutation latérale temporaire valable du 16 septembre au 27 décembre 2002 (pièce P-6). Au moment de l’audience sur la présente plainte, il est toujours titulaire de ce poste.

19 M. Marceau témoigne qu’il a invité de nouveau le plaignant à participer au concours lors d’une pause-café la dernière semaine du mois d’août 2002. En contre‑preuve, le plaignant précise ne pas se souvenir d’avoir rencontré M. Marceau à cette époque, puisqu’il a contesté la nomination de Mme Rouleau par la procédure de rétroaction individuelle le 10 juillet 2002. La réponse du 17 juillet 2002 a clos le dossier au niveau de M. Marceau (pièce P-9). Dans cette réponse, M. Marceau précise que le plaignant ne satisfait pas aux critères d’expérience dans les tâches d’un poste de niveau AU-3 et dans les programmes administrés à la Division des appels. Il y précise que « de sérieux doutes planaient quant à ta disponibilité court terme » et qu’il n’a « pas jugé bon de valider d’avantage ce doute puisque les deux critères retenus n’étaient pas rencontrés ». Une demande de révision a été inscrite à l’encontre de cette décision le 25 juillet 2002 (pièce P-10). Des correspondances avec André Paquin, directeur des Services fiscaux de l’Est du Québec, démontrent que le dossier est en révision à ce niveau en juillet et août 2002 (pièces P-11 et P-12). En août 2002, le plaignant est en déménagement vers son nouveau poste de travail à la Division de la vérification.

20 Le plaignant n’a été avisé de son retour à son poste d’attache, à la Division de la vérification, qu’après les événements entourant la nomination de Mme Rouleau au poste de chef d’équipe. Au moment de la nomination de Mme Rouleau, le 6 juin 2002, il continue d’assumer les fonctions d’agent des appels et aviseur technique au sein de l’équipe des appels de Sherbrooke. Il a toujours assuré un suivi auprès des membres de l’équipe de Sherbrooke, et a toujours gardé une présence régulière au bureau malgré ses responsabilités syndicales importantes. Bien qu’il ne soit pas présent au bureau 37,5 heures par semaine, il répond aux questions des membres de l’équipe et demeure responsable de dossiers importants d’oppositions d’avis de cotisation. Au cours des deux dernières années, il consacrait en moyenne une quinzaine d’heures par semaine à ses activités syndicales bien qu’il pouvait être absent pour la semaine entière à l’occasion.

21 Le plaignant a exercé, au cours de sa carrière, chacune des activités principales se trouvant dans la description de travail de chef d’équipe (pièce P-8). Ses activités syndicales lui ont donné la possibilité de développer les compétences recherchées pour le poste de chef d’équipe dans les domaines de la négociation, de la consultation, de la supervision et de la gestion d’intervenants.

22 Jacques Roy (recruteur pour l’AFPC puis pour l’IPFPC) reconnaît les qualités de rassembleur du plaignant, qui possède d’importantes qualités de leadership. Joseph Painchaud, qui a collaboré avec le plaignant pour des activités syndicales en 1975, le considère comme un officier syndical pausé et réfléchi qui recherche les consensus. Patrice Allard (PM-6) a participé aux négociations comme représentant de l’employeur en 2000 et en 2002 et a rencontré le plaignant lors de ces rondes de négociations. Il lui reconnaît une bonne capacité de négociation et une ouverture aux compromis. Selon lui, l’expérience acquise par le plaignant en négociation est utile au travail de chef d’équipe.

23 M. Marceau a toujours refusé de signer sa carte de membre du syndicat malgré les demandes répétées de M. Roy entre les années 1978 à 1990. La réponse de M. Marceau à la sollicitation était qu’il n’avait pas besoin du syndicat. M. Marceau aurait offert à M. Roy d’occuper de façon intérimaire le poste de chef d’équipe à quelques occasions. M. Roy précise que ces offres lui avaient été faites par M. Marceau « en désespoir de cause ».

24 M. Painchaud a travaillé au ministère du Revenu de 1965 à 1990. Il a occupé des fonctions syndicales de 1972 à 1990 à l’exécutif et ensuite comme président. Il était sous la supervision de M. Marceau en 1981. Dans l’évaluation annuelle de rendement de M. Painchaud, M. Marceau a noté que ses activités syndicales ne cadraient pas avec ses fonctions de vérificateur dans la section des enquêtes spéciales à la Direction des entreprises. M. Marceau a refusé de retirer cet élément de l’évaluation et M. Painchaud a dénoncé cette situation dans une lettre au sous-ministre. M. Painchaud n’a pas déposé de grief relativement à cette évaluation. M. Marceau ne se souvient pas de cet incident et soumet que si une telle correspondance a été acheminée au sous-ministre, elle n’a pas été portée à sa connaissance.

25 M. Allard a commencé à travailler pour le ministère du Revenu en 1972. Il a occupé un poste de cadre (PM-6) en 1982 à Montréal et le poste de chef des appels (poste exclu) en 2000. Il a participé aux négociations des conventions collectives en 2000 et 2002 comme représentant de l’employeur. Le plaignant faisait partie de l’équipe syndicale pour ces négociations. Selon M. Allard, le plaignant a développé, par ses engagements au syndicat, les aptitudes recherchées pour le poste de chef d’équipe. M. Marceau a informé M. Allard de la nomination de Mme Rouleau en remplacement de M. Fontaine. En réponse à une question de M. Allard sur le nombre de candidats, M. Marceau lui a dit qu’il n’y en avait pas beaucoup et qu’il n’était pas tenu de « considérer un gars du syndicat, car ce dernier n’appartenait pas à la Division des appels. » M. Marceau se souvient vaguement d’avoir rencontré M. Allard, mais ne se souvient pas du contenu de la conversation.

26 En contre-preuve, M. Marceau précise qu’il a assigné M. Roy plusieurs fois à des postes de gestion pour des périodes intérimaires à la Division des vérifications internationales entre 1976 et 2000. D’autres personnes ayant occupé des fonctions syndicales ont été nommées à des postes de gestion. Réjean Michaud (vice-président du syndicat local de Québec) a été nommé chef d’équipe à la Division des appels à Québec d’octobre 2003 à mars 2004, et Frédéric Shooner (membre de l’équipe syndicale de Québec) a été nommé de façon intérimaire au poste de gestionnaire (CO-3) de mai 2005 à mai 2006.

27 Le plaignant a participé au concours de sélection pour le poste intérimaire de chef d’équipe lancé en septembre 2002. Il s’est désisté, car il a conclu « qu’il était clair qu’on ne voulait pas de lui à ce poste. »

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

28 Le plaignant soumet que la raison (activité syndicale) pour laquelle sa candidature n’a pas été prise en considération est illégale et qu’on avait nommé Mme Rouleau pour éviter de prendre en considération sa candidature.

29 Mmes Bouchard et Létourneau ont témoigné que la raison énoncée par M. Marceau pour ne pas prendre en considération la candidature du plaignant est qu’il est occupé par le syndicat. Le motif que le plaignant ne rencontrerait pas les critères d’expérience est mal fondé, car il cumule plus de 10 ans d’expérience aux appels et exerce ses fonctions d’aviseur technique auprès de l’équipe de Sherbrooke au moment des événements à l’origine de la plainte. Le plaignant a avisé M. Fontaine, ainsi que M. Marceau, de son intérêt pour le poste au début du mois de juin 2002.

30 M. Marceau a démontré un animus antisyndical, car il a toujours refusé de signer une carte de membre du syndicat. De plus, il a précisé à l’évaluation de M. Painchaud que son engagement dans des activités syndicales est incompatible avec des fonctions de gestionnaire.

31 M. Marceau a confié à M. Allard qu’il n’avait pas à prendre en considération la candidature « d’un gars du syndicat, car il était hors division. » Ce motif est un prétexte, car le plaignant a physiquement exercé ses fonctions d’aviseur technique auprès de l’équipe des appels du bureau de Sherbrooke jusqu’au mois d’août 2002. M. Marceau n’a jamais avisé le plaignant de sa décision de le muter à la Division de la vérification des entreprises à la suite de la réorganisation de la Division des appels en avril 2002.

32 Contrairement à M. Marceau, les autres témoins considèrent que l’expérience acquise par le plaignant à l’occasion de ses engagements au sein du syndicat est un atout en ce qui concerne les compétences recherchées pour le poste de chef d’équipe.

33 M. Marceau a exercé de la pression sur Mme Rouleau pour qu’elle revienne sur sa décision de se désister du poste afin d’éviter de prendre en considération la candidature du plaignant. La preuve démontre que M. Marceau ne veut pas d’un représentant syndical au poste de chef d’équipe aux appels.

34 La décision Stonehouse c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 161‑02‑137 (19770524), précise que les fonctionnaires ont le droit de participer à des activités syndicales sans subir de discrimination. Ce droit est essentiel à l’exercice du droit d’association. Le défendeur n’a jamais demandé au plaignant s’il se rendait disponible pour le poste de chef d’équipe. En conséquence, dans les circonstances de la présente affaire, M. Marceau a agi à l’encontre de la Loi en concluant que le plaignant n’était pas disponible pour le poste.

35 Le plaignant demande que je déclare que M. Marceau a violé l’interdiction prévue à la Loi et que je recommande à l’employeur de nommer le plaignant à un poste de chef d’équipe.

B. Pour le défendeur

36 Il incombe au plaignant de démontrer que la décision de M. Marceau est en violation à la Loi. Une seule décision (Stonehouse) va à l’encontre du principe que le plaignant doit assumer le fardeau de la preuve et elle a été soumise par le plaignant.

37 Selon les auteurs Brown & Beatty, au paragraphe 9:1520 du Canadian Labour Arbitration, 3e édition, la décision de l’employeur de ne pas nommer un employé à un poste peut être fondée sur les nécessités du service. Il est faux de prétendre à un droit automatique de promotion pour les fonctionnaires qui s’engagent dans des activités syndicales, car ils doivent être en mesure de satisfaire au degré de disponibilité requis par les nécessités du service. Selon la décision Fairall c. McGregor et al., dossier de la CRTFP 161-02-368 (19870910), l’employeur peut prendre en considération que les activités syndicales réduisent la productivité d’un employé. La décision Prue c. Bhabha, dossier de la CRTFP 161-02-540 (19890801), reconnaît aussi que l’employeur peut évaluer les compétences des candidats et faire un choix. En l’occurrence, M. Marceau a démontré qu’il était ouvert à confier le poste au plaignant en lui offrant de participer au concours de sélection.

38 L’employeur a la responsabilité de déterminer les exigences pour l’exécution des fonctions d’un poste. Selon l’article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi ne peut avoir pour effet de porter atteinte au droit de l’employeur quant à l’organisation de la fonction publique et à l’attribution des fonctions aux postes. Selon la décision Gaudreau c. Harvey et al. et Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 161‑02‑347 (19860611), je n’ai pas à évaluer si le plaignant possède ou non les qualités pour le poste, cette évaluation relevant de l’exercice du pouvoir de dotation de l’employeur.

39 La décision Association des employé(e)s en sciences sociales c. Canada (Procureur Général),2004 CAF 165, énonce le principe que le plaignant doit établir que l’employeur a effectué une action discriminatoire avec une intention coupable et une volonté antisyndicale.

40 La preuve est insuffisante pour démontrer que M. Marceau avait l’intention de ne pas nommer le plaignant au poste en raison de ses activités syndicales. Bien que M. Marceau n’ait pas nié avoir questionné la disponibilité du plaignant à cause de ses activités syndicales, il a évalué les besoins opérationnels du service pour la courte période de transition précédant le lancement du concours pour combler le poste de façon intérimaire pour deux ans. M. Fontaine a recommandé la nomination de Mme Rouleau pour cette période de transition. Mme Rouleau rencontrait les critères d’expérience à un poste de niveau AU-3 et d’expérience récente à la Division des appels.

41 Le fait que M. Marceau a, par le passé, affecté M. Roy et deux autres fonctionnaires ayant exercé des responsabilités syndicales à des postes de gestion pour des périodes intérimaires démontre qu’il possède aucun animus antisyndical. La conclusion d’animus antisyndical doit clairement être tirée de la preuve et ne peut pas simplement être déduite.

42 Dans l’éventualité où la plainte serait accueillie, le défendeur demande que je réserve ma compétence relativement à la détermination du quantum.

C. Réplique du plaignant

43 La preuve démontre un animus antisyndical de la part de M. Marceau, qui a manipulé le concours pour favoriser Mme Rouleau. L’attitude autocratique de M. Marceau lors de la rencontre du 14 juin 2002 confirme cette conclusion. Le témoignage de M. Allard démontre que M. Marceau a muté le plaignant à la Division de la vérification pour faire en sorte que Mme Rouleau soit la seule qui rencontre les critères. Les décisions citées par le défendeur ne peuvent recevoir application au présent dossier.

IV. Motifs

44 Selon la conclusion de la décision du 28 octobre 2005 (2005 CRTFP 153), la présente plainte doit être évaluée sur la base des droits et obligations découlant de l’ancienne Loi.

45 Selon l’alinéa 8(2)a) de l’ancienne Loi, il est interdit de faire des distinctions injustes fondées, en ce qui concerne des conditions d’emploi d’un fonctionnaire, sur l’appartenance à une organisation syndicale ou sur l’exercice d’un droit que lui accorde la Loi. Pour que la plainte soit acceptée, le plaignant doit démontrer que l’employeur a commis un acte discriminatoire à son endroit au motif qu’il est membre d’une organisation syndicale ou qu’il exerce un droit que lui accorde la Loi. De plus, comme le souligne le jugement de la Cour fédérale (2005 CAF 92), qui a retourné la présente affaire devant la Commission pour une nouvelle audience, la preuve d’un animus antisyndical est hautement pertinente, sinon cruciale, à la question qui doit être tranchée.

46 La présente plainte ne concerne que la nomination effectuée sans concours visant à combler le poste d’une façon provisoire dans l’attente du concours officiel qui était prévu à l’automne 2002.

47 La preuve démontre que M. Fontaine savait, depuis le 3 juin 2002, que le plaignant était intéressé par le poste de chef d’équipe des appels de Sherbrooke. Le courriel précisant la procédure en deux temps retenue pour combler le poste confirme que le plaignant est une des personnes intéressées pour le poste (pièce P‑7). M. Marceau a reçu copie de cette correspondance et est informé de l’intérêt du plaignant pour le poste.

48 Mme Rouleau est la personne nommée de façon provisoire au poste de chef d’équipe par M. Marceau. Ce dernier explique aux membres de l’équipe, lors de la rencontre du 6 juin 2002, que Mme Rouleau possède l’expérience dans un poste AU-3 à l’Agence, ainsi qu’une expérience récente aux appels. Il précise que cette nomination ne crée pas de manque de personnel dans un autre secteur, Mme Rouleau étant membre de l’équipe. Il répond, suite aux interrogations de Mme Bouchard, qu’il n’a pas pris en considération la candidature du plaignant, car il est occupé par le syndicat. Ces renseignements sont confirmés par le témoignage de Mme Létourneau et n’ont pas été contestés par M. Marceau lors de son témoignage.

49 Le 7 juin 2002, M Marceau rencontre le plaignant et lui explique la procédure de nomination en deux temps. À ce moment, le poste est comblé provisoirement par Mme Rouleau. La disponibilité du plaignant pour cette période est abordée mais ne représente pas un élément majeur de la décision qui vise à assurer la continuité des opérations à court terme selon le témoignage de M. Marceau. Par ailleurs, le plaignant a compris que les propos de M. Marceau signifient que son engagement au sein du syndicat est un empêchement à sa nomination au poste de chef d’équipe. Lors de cette rencontre, le plaignant a répondu à M. Marceau qu’il pouvait se libérer de son poste au syndicat et ce dernier l’a invité à postuler au concours prévu à l’automne.

50 Je n’ai pas à évaluer la justesse de la décision de M. Marceau qui a déterminé les exigences que les candidats doivent rencontrer pour être en mesure d’assumer les fonctions de chef d’équipe. Cette détermination relève des prérogatives de l’employeur relativement à la dotation qui sont exclues de ma compétence en vertu de l’article 7 de la Loi. Par ailleurs, il est de ma compétence de déterminer si les raisons énumérées par l’employeur pour motiver son refus de considérer la candidature du plaignant sont bien fondées ou constituent un prétexte pour camoufler le véritable motif.

51 La preuve démontre que le défendeur a précisé quatre motifs, en diverses circonstances, pour lesquels la candidature du plaignant n’a pas été considérée. Deux de ces motifs sont que le plaignant ne rencontre pas les critères d’expérience récente et significative à un poste de niveau AU-3 au sein de l’Agence ainsi que dans les programmes administrés à la Division des appels. Un troisième motif est que le plaignant occupe un poste à l’extérieur de la Division des appels, soit à la Division de la vérification. Un quatrième motif est que le plaignant ne possède pas la disponibilité nécessaire pour combler le poste à court terme à cause de ses activités syndicales.

52 Relativement aux critères d’expériences exigés, le plaignant occupe un poste de niveau AU-3 depuis le 3 avril 1995 (pièce P-3) et exerce ses fonctions d’aviseur technique auprès de l’équipe des appels de Sherbrooke. La preuve ne me démontre pas en quoi ces éléments ne satisfont pas, pour le défendeur, aux critères d’expériences exigés pour le poste à combler (poste de niveau AU-3 et des programmes administrés aux appels). De plus, lors de la rencontre du 7 juin 2002, M. Marceau ne précise pas au plaignant qu’il ne rencontre pas ces critères d’expériences. Ce n’est que dans la réponse à la rétroaction, le 22 juillet 2002, que M. Marceau lui énonce qu’il ne rencontre pas ces exigences (pièce P-9). Ces éléments démontrent que le manque d’expérience invoqué par le défendeur semble un prétexte pour masquer la véritable raison de ne pas prendre en considération la candidature du plaignant.

53 Le plaignant a déclaré qu’il a été avisé de la décision de l’employeur (le 1er avril 2002) de le nommer à la Division de la vérification qu’après la nomination de Mme Rouleau au poste de chef d’équipe pour la période transitoire. La preuve du défendeur n’a pas nié cet élément. D’autre part, le défendeur n’a pas démontré en quoi cette mutation du plaignant à la Division de la vérification créait un empêchement à sa nomination au poste de chef d’équipe pour la période transitoire ou aurait posé des problèmes au sein de la Division de la vérification. En ces circonstances, je considère que ce motif, apporté par M. Marceau pour motiver sa décision de ne pas considérer la candidature du plaignant, semble un prétexte.

54 Relativement à sa disponibilité à court terme, le plaignant a précisé à M. Fontaine (le 3 juin 2002), tout comme à M. Marceau (le 7 juin 2002), qu’il était prêt à se libérer de ses responsabilités syndicales si le poste lui est offert. Malgré ces déclarations, M. Marceau ne vérifie pas auprès du plaignant s’il peut se libérer de ses obligations syndicales à court terme de façon à être en mesure d’assumer le poste de chef d’équipe pour la période provisoire. Au contraire, M. Marceau tente de le convaincre, lors de la rencontre du 7 juin 2002, qu’il agirait à l’encontre d’un principe de loyauté envers le syndicat s’il acceptait un poste de gestionnaire.

55 Les propos tenus devant les membres de l’équipe et devant le plaignant établissent clairement que M. Marceau considère que les activités syndicales du plaignant sont un empêchement à sa nomination. Il ressort clairement de la preuve que M. Marceau n’a pas vérifié auprès du plaignant sa capacité de se libérer à court terme de ses responsabilités syndicales avant de nommer Mme Rouleau. Il n’a pas, non plus, vérifié s’il était en mesure de le faire après que Mme Rouleau se soit désistée du poste le 7 juin 2002. Ainsi, M. Marceau, en n’effectuant pas ces vérifications, a présumé que le plaignant ne pouvait pas se libérer de ses activités syndicales et qu’il ne présentait pas le niveau de disponibilité requis selon les besoins du poste à combler.

56 Bien que l’implication du plaignant comme président national de l’IPFPC pour le groupe Vérification-Finances-Services soit importante en termes de temps, il participe ainsi aux activités légitimes de son syndicat, ce qui lui est reconnu à l’article 6 de la Loi. Les tribunaux ont reconnu que l’interdiction spécifique prévue à l’alinéa 8(2)a) protège ce droit de participation.

57 Lors de circonstances similaires, la Commission a conclu, dans la décision Stonehouse, que les défendeurs ont contrevenu à l’interdiction d’établir des distinctions injustes envers la plaignante, car ils ne l’ont pas avisée que le temps consacré à ses activités syndicales constituait un empêchement à sa nomination. Ils ne lui ont pas donné l’occasion non plus de les réduire. Je suis en accord avec le raisonnement des commissaires Mitchell, Edwards et Steward, qui peut recevoir application au présent dossier. Au présent dossier, la non-disponibilité à court terme du plaignant n’est qu’un prétexte pour camoufler le véritable motif de M. Marceau pour ne pas considérer sa candidature. La preuve n’a pas démontré, contrairement aux décisions Fairall et Prue, que les absences des fonctionnaires aient eu un impact négatif sur son rendement. Dans la décision Prue, le défendeur a nié que les activités syndicales du plaignant aient influé sur la décision alors que ce n’est pas le cas en la présente affaire. La décision Gaudreau ne peut, non plus, recevoir application à la présente affaire, le tribunal y précisant qu’aucune preuve ne fut présentée démontrant que la candidature du fonctionnaire fut rejetée parce qu’il occupait des fonctions syndicales.

58 Contrairement aux circonstances de la décision Association des employé(e)s en sciences sociales, le plaignant a soumis des éléments de preuve démontrant l’existence d’un sentiment antisyndical ayant motivé la décision de M. Marceau de ne pas considérer la candidature du plaignant. En trois occasions, M. Marceau a exprimé un sentiment antisyndical en faisant référence aux activités syndicales du plaignant pour motiver le refus de considérer sa candidature, lors de la rencontre avec l’équipe des appels le 6 juin 2002, lors de la rencontre avec le plaignant le 7 juin 2002 et par la suite lors d’une rencontre avec M. Allard. Le message qu’il a envoyé à ses interlocuteurs, à ces différentes occasions, était clair et signifiait que les implications d’un fonctionnaire dans les activités légitimes de son syndicat constituent un empêchement à une nomination à un poste de gestionnaire. Le fait que M. Marceau ait nommé, en d’autres occasions, des personnes ayant assumé des responsabilités syndicales à des postes de gestion ne démontre pas qu’en les circonstances spécifiques de la présente affaire sa décision ne soit pas motivée par un sentiment antisyndical envers le plaignant.

59 Que M. Marceau ait refusé de signer une carte de membre du syndicat à la demande de M. Roy ou qu’il ait précisé dans l’évaluation du rendement de M. Painchaud, que ses activités syndicales ne cadraient pas avec ses fonctions de vérificateur ne me permet pas de confirmer ou de renforcer la conclusion que M. Marceau a été motivé par un animus antisyndical lors de son refus de prendre en considération la candidature du plaignant en juin 2002. Ces événements m’apparaissent trop éloignés de la période pertinente à la présente plainte pour y être reliés et aucune preuve ne me permet de les relier aux événements à l’origine de la présente plainte. En conclusion, la preuve démontre que M. Marceau était motivé par un sentiment antisyndical lorsqu’il a refusé de prendre en considération la nomination du plaignant pour des motifs de participation à des activités syndicales.

60 Suite à l’évaluation de l’ensemble de la preuve et des argumentations qui m’ont été soumises par les parties, je conclu que M. Marceau a agi à l’encontre de l’interdiction prévue à l’alinéa 8(2)a) de la Loi en faisant des distinctions injustes envers le plaignant en refusant de prendre en considération sa candidature au poste de chef d’équipe aux appels au bureau de Sherbrooke pour la période transitoire au motif qu’il a exercé un droit que lui accorde la Loi.

61 La violation s’applique à la période transitoire pour laquelle Mme Rouleau a été nommée, sans processus de sélection, pour la période allant du 10 juin au 27 décembre 2002 (pièce P-5). L’avis de nomination intérimaire de Mme Rouleau précise que le poste est classé au groupe et niveau AU-4. La classification du poste de chef d’équipe des appels, qui était occupé par M. Fontaine, était aussi considérée au groupe et niveau AU-4 à l’organigramme de la Division des appels (pièce P-1). La décision de M. Marceau de ne pas prendre en considération la candidature du plaignant a eu pour effet de le priver d’une rémunération au groupe et niveau AU-4 pour la période provisoire qui va du 10 juin au 27 décembre 2002. En guise de réparation, un montant équivalent au salaire qu’il aurait touché s’il avait été nommé au poste de chef d’équipe des appels pour toute la période en cause doit être versé au plaignant.

62 Je ne peux pas donner suite à la demande du plaignant de recommander à l’employeur de le nommer à un poste de chef d’équipe. D’une part, ma compréhension de l’article 7 de la Loi est à l’effet qu’il n’est pas de ma compétence de nommer une personne à un poste ou de lui assigner des fonctions. D’autre part, je ne possède aucune information sur l’existence d’un tel poste vacant ni des exigences spécifiques qui y seraient reliées et une recommandation de nomination, en cette circonstance, serait purement hypothétique et ne pourrait recevoir application.

63 De plus, le plaignant a retiré de lui-même sa candidature du concours lancé en septembre 2002 pour combler le poste de chef d’équipe pour une période intérimaire de deux ans. Aucune preuve n’a été déposée pour démontrer que ce processus ait aussi été entaché par une attitude discriminatoire en violation des interdictions prévues à la Loi. En ces circonstances, une recommandation de nommer le plaignant à un poste de chef d’équipe irait au-delà de la présente plainte dont la preuve a été limitée qu’à la période transitoire pour laquelle la nomination sans concours de Mme Rouleau a été effectuée.

64 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

65 La plainte est accueillie.

66 J’ordonne à l’employeur de verser au plaignant un montant équivalent au salaire rattaché au poste de chef d’équipe des appels (groupe et niveau AU-4) pour la période allant du 10 juin au 27 décembre 2002.

67 Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant que doit verser l’employeur en application de la présente décision, je réserve ma compétence à le déterminer et cela pour une période de 30 jours suivant la publication de la présente décision dans les deux langues officielles.

Le 8 février 2007

Léo-Paul Guindon,
commissaire

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.